Language of document : ECLI:EU:F:2006:135

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

14 décembre 2006 (*)

« Fonctionnaires – Évaluation – Rapport d’évolution de carrière – Exercice d’évaluation pour l'année 2003 – Obligation de motivation du rapport – Annulation du rapport – Demande en indemnité »

Dans l’affaire F‑74/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Maurizio Caldarone, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Rodrigues et A. Jaume, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. D. Martin et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. H. Kanninen, juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 juillet 2006,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 26 juillet 2005, M. Caldarone demande, notamment, l’annulation de son rapport d’évolution de carrière établi pour la période allant du 1er janvier au 21 août 2003 (ci-après la « période de référence »).

 Cadre juridique du litige

2        L’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») énonce :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution […] »

3        Les règles générales établies par les dispositions générales d’exécution, d’une part, de l’article 43 et, et d’autre part, de l’article 45 du statut devant être assorties de règles spécifiques régissant certains aspects de la procédure d’évaluation et de promotion du personnel affecté au service extérieur, la Commission des Communautés européennes a, par la décision C (2002) 4867/5, du 27 décembre 2002, adopté les « dispositions générales d’exécution des articles 43 et 45 du statut : modalités spécifiques concernant l’évaluation et la promotion du personnel travaillant au sein du [s]ervice extérieur ».

4        La décision C (2002) 4867/5, telle que modifiée par la décision C (2004) 844, du 20 février 2004, pour tenir compte de l’expérience acquise lors de l’exercice d’évaluation mené en 2003 (ci-après les « DGE ‘service extérieur’ »), s’applique aux rapports d’évolution de carrière devant être établis à compter du 1er janvier 2004.

5        L’article 3 des DGE « service extérieur » énonce :

« 1. L’évaluation des fonctionnaires du personnel A, y compris les chefs de délégation adjoints de tous grades jusqu’au grade A 3, est effectuée par le chef de délégation en liaison avec le directeur responsable de la zone géographique dans laquelle la délégation est située ou, le cas échéant, avec le directeur fonctionnel de l’évalué. Le chef de délégation et [le] directeur responsable de la zone géographique ou, le cas échéant, le directeur fonctionnel assument conjointement la fonction d’évaluateur, au sens de l’article 2, paragraphe 3, des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut. Le chef de délégation est désigné, ci-après, comme ‘premier évaluateur’ et le directeur responsable de la zone géographique ou, le cas échéant, le directeur fonctionnel comme ‘deuxième évaluateur’.

L’autoévaluation visée à l’article 8, paragraphe 4, des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut est transmise par le premier évaluateur au deuxième évaluateur. Le dialogue formel visé à l’article 8, paragraphe 5, des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut est organisé par le premier évaluateur. Le projet de rapport visé à l’article 8, paragraphe 6, des dispositions [générales] d’exécution de l’article 43 du statut est rédigé par le premier évaluateur et transmis au deuxième évaluateur.

Par dérogation aux dispositions de l’article 8, paragraphe 7, des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut, lorsque pour un grade donné, au moins deux tiers des projets de rapport d’évolution de carrière relevant de la compétence du deuxième évaluateur ont été rédigés et transmis, le deuxième évaluateur vérifie avec les premiers évaluateurs, l’application cohérente des normes d’évaluation et procède à la comparaison des mérites et à l’harmonisation des notes de mérite, en se basant sur les indications données par les premiers évaluateurs lors du dialogue formel.

Suite à cette concertation, le deuxième évaluateur complète le projet de rapport en y apportant ses éléments d’appréciation.

Avant la finalisation des rapports, le directeur général de la direction générale [(DG) « Relations extérieures »] se concerte avec le validateur. Cette concertation a pour objet, sur la base des projets de rapport rédigés par le premier et le deuxième évaluateur, de veiller au niveau du [service extérieur] et grade par grade, à la cohérence de l’évaluation des mérites des titulaires de poste concernés, en tenant compte des normes d’évaluation arrêtées par le [service extérieur], conformément à l’article 8, paragraphe 3, des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut.

Par dérogation aux dispositions de l’article 8, paragraphe 8, des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut, lorsque la concertation mentionnée ci-dessus a eu lieu, le deuxième évaluateur et le validateur finalisent le rapport d’évolution de carrière et le communiquent au titulaire de poste.

2. […]

3. Le validateur est le directeur du [service extérieur]. C’est à lui que revient la décision finale en cas de désaccord entre le premier et le deuxième évaluateur.

4. L’évaluateur d’appel est le directeur général de la DG [« Relations extérieures »], qui peut habiliter son adjoint à agir en son nom. »

 Faits à l’origine du litige

6        Le requérant était, à la date d’introduction du présent recours, fonctionnaire de la Commission de grade A*10. Pendant la période de référence, il relevait de la DG « Relations extérieures » et était affecté à la délégation de la Commission au Vietnam.

7        Le 9 janvier 2004, M. Baron, supérieur direct du requérant et chef de délégation au Vietnam, a, en sa qualité de premier évaluateur, établi le projet de rapport d’évolution de carrière de l’intéressé pour la période de référence (ci-après le « REC »). Ce projet aboutissait à une note globale de 14 points sur 20, soit 7 points sur 10 pour la rubrique « Rendement », 4 points sur 6 pour la rubrique « Aptitudes (compétences) » et 3 points sur 4 pour la rubrique « Conduite dans le service ».

8        M. Fotiadis, directeur de la direction « Asie » de la DG « Relations extérieures », a, en sa qualité de deuxième évaluateur, ramené la note globale à 12 points sur 20, en n’attribuant que 5 points sur 10 à la rubrique « Rendement ».

9        Compte tenu du désaccord existant entre les deux évaluateurs, M. Falkowski, directeur du service extérieur à la DG « Relations extérieures » (ci-après le « SE »), a, en sa qualité de validateur, adopté le 28 mai 2004 la décision finale en fixant la note globale du REC de l’intéressé à 13 points sur 20, 6 points sur 10 ayant été attribué à la rubrique « Rendement ».

10      Le 3 juin 2004, le requérant a demandé la révision de son REC par le validateur. Le dialogue entre le validateur et l’intéressé a eu lieu le 10 juin 2004. À l’issue de celui-ci, le validateur a confirmé la note globale de 13 points sur 20.

11      Le 23 juin 2004, le requérant, en désaccord avec cette note, a demandé la saisine du comité paritaire d’évaluation (ci-après le « CPE »).

12      Le CPE a rendu son avis le 15 juillet 2004. Il a estimé que « le rapport [était] cohérent, les modifications des notes introduites par le validateur étant justifiées par les commentaires dans la rubrique rendement », et que « [l]a procédure d’établissement d[u] REC [avait] été respectée ».

13      L’évaluateur d’appel, M. Landaburu, directeur général de la DG « Relations extérieures », a suivi l’avis du CPE et a confirmé le REC, qui est devenu définitif le 30 septembre 2004.

14      Le 15 décembre 2004, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dans laquelle il demandait l’annulation du REC ainsi que la révision à la hausse de la note qui lui avait été attribuée.

15      Par décision du 12 avril 2005, dont le requérant a pris connaissance le 19 avril suivant, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté cette réclamation.

 Procédure et conclusions des parties

16      Le présent recours a initialement été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑293/05.

17      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe de ce dernier sous le numéro F‑74/05.

18      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de l’AIPN du 12 avril 2005 ayant rejeté sa réclamation ;

–        annuler le REC ;

–        indiquer à la Commission les conséquences qu’emporterait l’annulation du REC, en particulier quant à l’annulation du rapport d’évolution de carrière établi pour la période du 15 septembre 2003 au 31 décembre 2003 sur la base du REC ;

–        condamner la Commission, d’une part, à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, d’autre part, à l’indemniser de son préjudice professionnel ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 Sur la demande tendant à ce que le Tribunal indique à la Commission les conséquences qu’emporterait l’annulation du REC

20      Selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas au juge communautaire, dans le cadre du contrôle de légalité, de faire des déclarations de principe ou d’adresser des injonctions aux institutions communautaires. En cas d’annulation d’un acte, l’institution concernée est tenue, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt (arrêts du Tribunal de première instance du 11 juillet 1991, Von Hoessle/Cour des comptes, T‑19/90, Rec. p. II‑615, point 30 ; du 11 juin 1996, Sánchez Mateo/Commission, T‑110/94, RecFP p. I‑A‑275 et II‑805, point 36, et du 25 octobre 2005, Salvador García/Commission, T‑205/02, non encore publié au Recueil, point 20).

21      Le chef de conclusions du requérant tendant à ce que le Tribunal indique à la Commission les conséquences qu’emporterait l’annulation de son REC est par conséquent irrecevable.

 Sur la demande d’annulation du REC

 Observations liminaires

22      Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, une demande tendant à l’annulation d’une décision de rejet d’une réclamation a pour effet de saisir le juge communautaire de l’acte faisant grief contre lequel ladite réclamation a été présentée (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêts du Tribunal de première instance du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, RecFP p. I‑A‑95 et II‑427, point 19, et 9 juin 2005, Castets/Commission, T‑80/04, non encore publié au Recueil, point 15). En l’espèce, l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée est le REC. Il y a donc lieu de considérer que la demande d’annulation de la décision de l’AIPN portant rejet explicite de la réclamation introduite au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut (premier chef de conclusions) et la demande d’annulation du REC (deuxième chef de conclusions) ont le même objet, en l’occurrence une demande d’annulation dudit REC.

 Sur la recevabilité de la demande d’annulation du REC

 Arguments des parties

23      La Commission souligne que, dans sa requête, le requérant a expressément indiqué que son recours était fondé sur l’article 230 CE. Or, l’article 230, cinquième alinéa, CE prévoit que les recours doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. Dans ces conditions, la présente demande d’annulation du REC, qui a été formée au-delà du délai susmentionné de deux mois, serait irrecevable.

24      Le requérant rétorque en faisant valoir que le recours était soumis, en ce qui concerne les conditions de délais, aux dispositions de l’article 91 du statut, et non à celles de l’article 230, cinquième alinéa, CE. Il n’aurait fait référence, dans sa requête, à cet article que pour rappeler qu’en matière de contentieux des fonctionnaires, les règles générales du recours en annulation et du recours indemnitaire devaient, en l’absence de toute disposition particulière y dérogeant, s’appliquer.

 Appréciation du Tribunal

25      Le contentieux des fonctionnaires doit suivre, pour l’introduction d’une réclamation et d’un recours, les voies spécifiques prévues par l’article 236 CE ainsi que par les articles 90 et 91 du statut.

26      En l’espèce, le requérant a, préalablement à l’introduction de son recours tendant à l’annulation de son REC, formé auprès de l’AIPN une réclamation contre ledit REC. Il s’est ainsi placé dans le cadre de la voie de recours instituée par les dispositions susvisées, sans que la référence à l’article 230 CE, faite dans sa requête, n’ait d’incidence (voir, arrêt du Tribunal de première instance du 26 septembre 1996, Maurissen/Cour des comptes, T‑192/94, RecFP p. I‑A‑425 et II‑1229, points 14 à 16 ; ordonnance du président du Tribunal de première instance du 4 février 1999, Peña Abizanda e.a./Commission, T‑196/98 R, RecFP p. I‑A‑5 et II‑15, points 16 à 18).

27      Par suite, les conclusions susmentionnées, qui, conformément à l’article 91, paragraphe 3, du statut, ont été introduites dans les trois mois suivant le jour de la notification au requérant de la décision rejetant sa réclamation, ne sont pas tardives. La fin de non-recevoir susmentionnée doit donc être écartée.

 Sur le fond

28      À l’appui de ses conclusions tendant à l’annulation de son REC, le requérant soulève quatre moyens tirés, premièrement, de la violation de l’obligation de motivation, deuxièmement, de la violation des droits de la défense, troisièmement, de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, quatrièmement, de la violation des principes de bonne administration et de confiance légitime. Il convient d’examiner tout particulièrement le premier moyen invoqué.

 Arguments des parties

29      M. Caldarone avance quatre griefs au soutien du premier moyen.

30      En premier lieu, le deuxième évaluateur se serait borné à reprendre, de manière intégrale ou quasi-intégrale, les observations qu’il avait déjà formulées dans le rapport d’évolution de carrière du requérant établi pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002, alors qu’il aurait dû se fonder sur les éléments se rattachant à la seule période de référence. En deuxième lieu, ce même évaluateur ne fournirait aucune justification à l’appui des commentaires négatifs qu’il aurait portés dans le REC. En troisième lieu, ledit REC présenterait des incohérences entre l’appréciation du premier évaluateur et celle du deuxième évaluateur. En quatrième lieu, le validateur n’aurait quasiment pas motivé son évaluation. Concernant ce dernier grief, soulevé à l’audience, le requérant souligne que le validateur se serait en effet contenté de retenir la note intermédiaire entre celle proposée par le premier évaluateur (14 points sur 20) et celle suggérée par le deuxième évaluateur (12 points sur 20), en l’occurrence une note de 13 points sur 20, mais qu’il n’aurait assorti ce choix d’aucun commentaire explicatif.

31      La Commission conclut au rejet de ce premier moyen.

32      S’agissant du premier grief, selon lequel le deuxième évaluateur se serait borné à reprendre les observations déjà formulées dans le rapport d’évolution de carrière établi pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002, elle fait valoir qu’il ressort du point 6.1 du REC que l’évaluation, par le deuxième évaluateur, du rendement du requérant aurait été faite au regard des prestations réalisées par ce dernier au cours de la période de référence.

33      S’agissant du deuxième grief, selon lequel le deuxième évaluateur n’aurait fourni aucune justification à l’appui de ses affirmations, la Commission expose que ce dernier aurait, contrairement à ce que soutient le requérant, suffisamment motivé ses commentaires.

34      S’agissant du troisième grief, relatif aux prétendues incohérences entre les appréciations du premier évaluateur et celles du deuxième évaluateur, la Commission fait observer que de telles divergences seraient, par définition, toujours possibles.

35      Enfin, s’agissant du quatrième grief, portant sur le prétendu défaut de motivation de son évaluation par le validateur, la Commission a fait valoir à l’audience que celui-ci ne serait pas un troisième évaluateur, soumis aux mêmes exigences de motivation que les premier et deuxième évaluateurs, mais seulement un arbitre intervenant en cas de désaccord entre ces derniers. Dès lors, le validateur ne serait pas tenu de motiver son appréciation de manière circonstanciée.

 Appréciation du Tribunal

36      Eu égard aux circonstances de l’espèce, il y a lieu d’examiner d’abord le quatrième grief invoqué par le requérant, tiré d’une insuffisante motivation de son appréciation par le validateur.

37      Il résulte d’une jurisprudence constante que l’administration a l’obligation de motiver tout rapport de notation de façon suffisante et circonstanciée et de mettre l’intéressé en mesure de formuler des observations sur cette motivation (arrêts du Tribunal de première instance du 30 septembre 2004, Ferrer de Moncada/Commission, T‑16/03, RecFP p. I‑A‑261 et II‑1163, point 49 ; du 25 octobre 2005, Micha/Commission, T‑50/04, non encore publié au Recueil, point 36, et du 16 mai 2006, Martin Magone/Commission, T‑73/05, non encore publié au Recueil, point 48).

38      La jurisprudence requiert par ailleurs qu’un soin particulier soit, dans certains cas, apporté à la motivation. Il en est ainsi, notamment, lorsque la notation comporte des appréciations moins favorables que celles figurant dans un rapport de notation précédent (arrêts du Tribunal de première instance du 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes, T‑23/91, Rec. p. II‑2377, point 41, et du 12 juin 2002, Mellone/Commission, T‑187/01, RecFP p. I‑A‑81 et II‑389, point 27), ou lorsque, en cas d’établissement avec retard du rapport de notation, le notateur n’est plus le supérieur hiérarchique qui était en fonction pendant la période soumise à évaluation (arrêt Ferrer de Moncada/Commission, précité, point 54).

39      Il doit en aller de même dans la situation particulière où il existe un désaccord entre le premier et le deuxième évaluateurs à propos de l’évaluation d’un fonctionnaire exerçant son activité au sein du SE de la Commission.

40      Il importe de rappeler, à cet égard, le régime tel que mis en place par l’article 3, paragraphe 1, des DGE « service extérieur », lequel repose largement sur la concertation entre les premiers évaluateurs et le deuxième évaluateur. Ainsi, « [l]e chef de délégation et [le] directeur responsable de la zone géographique […] assument conjointement la fonction d’évaluateur ». Il incombe au deuxième évaluateur de vérifier « avec les premiers évaluateurs, l’application cohérente des normes d’évaluation et [de procéder] à la comparaison des mérites et à l’harmonisation des notes de mérite, en se basant sur les indications données par les premiers évaluateurs lors du dialogue formel ». Il est ensuite prévu que « [s]uite à cette concertation, le deuxième évaluateur complète le projet de rapport en y apportant ses éléments d’appréciation ». Le directeur général de la DG « Relations extérieures » se concerte ensuite avec le validateur afin de veiller également, « grade par grade, à la cohérence de l’évaluation des mérites des titulaires de postes concernés, en tenant compte des normes d’évaluation arrêtées par le SE ». Enfin, il ressort de ce même article 3, paragraphe 1, que « lorsque la concertation mentionnée ci-dessus a eu lieu, le deuxième évaluateur et le validateur finalisent le rapport d’évolution de carrière et le communiquent au titulaire de poste ».

41      Toutefois, en cas de désaccord entre le premier et le deuxième évaluateur, il incombe, conformément à l’article 3, paragraphe 3, des DGE « service extérieur », au validateur de prendre « la décision finale ».

42      Dans cette hypothèse, la motivation de l’évaluation du requérant par le validateur doit faire ressortir l’effectivité de l’exercice, par ce dernier, de son pouvoir d’appréciation (voir, par analogie, arrêt Ferrer de Moncada/Commission, précité, point 59). Elle doit aussi refléter l’obligation pour le validateur de procéder avec circonspection et de s’appuyer sur des éléments précis et fiables (voir, par analogie, arrêt Ferrer de Moncada/Commission, précité, point 54), en examinant, le cas échéant, la pertinence des appréciations formulées par chacun des évaluateurs ainsi que la réalité des faits sur lesquels ces derniers se sont fondés.

43      En l’espèce, il n’est pas contesté qu’il existait un désaccord entre les deux évaluateurs quant aux prestations du requérant pour la période de référence.

44      En effet, d’un côté, le premier évaluateur, qui a proposé de fixer la note globale à 14 points sur 20, dont 7 points sur 10 au titre de la rubrique « Rendement », a entendu, dans ses commentaires, porter une appréciation positive sur les prestations du requérant.

45      Ainsi, au titre de la rubrique « Rendement », il a relevé que le requérant avait assuré étroitement le suivi de la question des droits de l’homme au Vietnam et que ses analyses en la matière avaient conduit à rendre la Commission plus attentive à cette question. Il a ajouté que le requérant avait eu le souci d’atteindre les résultats qui lui avaient été fixés, qu’il était réactif et pourvu d’un esprit d’initiative et qu’il savait s’adapter aux nouvelles tâches qui lui avaient été confiées. Enfin, cet évaluateur a indiqué qu’en ce qui concerne le professionnalisme et l’efficacité de M. Caldarone, il avait toujours eu des échos positifs provenant des partenaires extérieurs avec lesquels ce dernier avait été en relation.

46      Par ailleurs, au titre des rubriques « Aptitudes (compétences) » et « Conduite dans le service », figurant respectivement aux points 6.2 et 6.3 du REC, le premier évaluateur a relevé, notamment, la motivation du requérant, sa compétence en matière de gestion des ressources humaines, sa capacité à résoudre des problèmes complexes, son aptitude à nouer des contacts avec des personnes appartenant à des cultures différentes ainsi que le souci de représenter et de protéger les intérêts de la Commission.

47      Enfin, dans la rubrique « Synthèse », figurant au point 6.4 du REC, le premier évaluateur a confirmé ses appréciations en soulignant, notamment, que le requérant n’avait pas seulement satisfait aux tâches exigées d’un fonctionnaire de son niveau, mais qu’il avait également fait preuve d’initiative, en allant au-delà de sa mission. Il a aussi insisté sur les qualités intellectuelles de l’intéressé, sur la sûreté de son jugement, sur son niveau élevé de motivation ainsi que sur sa grande expérience.

48      Quant au deuxième évaluateur, qui a proposé de fixer la note globale à 12 points sur 20, dont 5 points sur 10 au titre de la rubrique « Rendement », il ressort des points 6.1 à 6.3 du REC qu’il a, au contraire, formulé des commentaires négatifs sur les prestations professionnelles du requérant.

49      Ainsi, pour la rubrique « Rendement », figurant au point 6.1 du REC, il a reproché au requérant tant la quantité que la qualité des rapports, notamment politiques, que celui-ci devait établir. Il lui a également fait grief d’avoir, par des interventions intempestives, suscité des dissensions entre les milieux d’affaires et les représentations de certains États membres de l’Union européenne au Vietnam, et a mis en question la pertinence de son approche, jugée non équilibrée, dans le suivi de la situation des droits de l’homme, ainsi que sa contribution en matière commerciale, considérée comme inexistante.

50      De plus, dans les rubriques « Aptitudes (capacités) » et « Conduite dans le service », figurant respectivement aux points 6.2 et 6.3 du REC, le deuxième évaluateur a notamment indiqué que les appréciations émanant du premier évaluateur sur les relations du requérant avec les autres membres de la délégation et sur sa capacité à animer une équipe ne correspondaient pas à la réalité.

51      Or, en l’espèce, force est de constater que le validateur, en présence d’un tel désaccord entre le premier et le deuxième évaluateur, n’a pas satisfait à l’obligation de motivation à laquelle il était pourtant particulièrement tenu, ainsi qu’il a été rappelé au point 42 du présent arrêt.

52      En effet, si, sous la rubrique « Rendement » figurant au point 6.1 du REC, il a indiqué que la note de 6 points sur 10 était « plus cohérente, compte tenu des commentaires émanant des premier et deuxième évaluateurs ainsi que de l’autoévaluation établie par M. Caldarone », il n’a fait état d’aucun élément lié au rendement de ce dernier qui expliquerait en quoi la prise en considération conjointe des commentaires des deux évaluateurs et de l’autoévaluation établie par le requérant auraient justifié que la note de 6 points sur 10 fût « plus cohérente » que celle de 7 points sur 10, proposée par le premier évaluateur, ou que celle de 5 points sur 10, attribuée par le deuxième évaluateur.

53      De même, sous la rubrique « Synthèse » figurant au point 6.4 du REC, le validateur s’est limité, pour fixer la note globale à 13 points sur 20, à renvoyer à « [ses] commentaires figurant au point 6.1 ».

54      Certes, dans sa réponse, figurant au point 8.1 du REC, à la demande de révision formée par le requérant, le validateur a souligné qu’il « confirm[ait] que l’évaluation faite par le deuxième évaluateur [tenait] compte des objectifs de M. Caldarone pour 2003 », qu’il « trouv[ait] le rapport cohérent » et qu’« [il] confirm[ait] l’évaluation dans son ensemble en attribuant la note de 13 ». Toutefois, à supposer que, par une telle mention, le validateur ait notamment entendu indiquer que, contrairement à ce que le requérant avait fait valoir dans sa demande de révision, le deuxième évaluateur aurait établi son évaluation sur la base des prestations effectuées par l’intéressé au cours de la période de référence, et ne se serait pas contenté de reprendre les commentaires qu’il avait portés dans le rapport d’évolution de carrière établi pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002, cette mention ne saurait suffire, en l’absence de tout élément précis et fiable sur la compétence, le rendement et la conduite dans le service du requérant, à faire ressortir que le validateur aurait effectivement exercé son pouvoir d’appréciation.

55      Il s’ensuit que le moyen tiré de l’insuffisance de motivation du REC doit être accueilli, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les trois premiers griefs invoqués à l’appui de ce moyen.

56      Le REC doit en conséquence être annulé, sans qu’il soit nécessaire, pour statuer sur les conclusions aux fins d’annulation, d’examiner les autres moyens relatifs à ce premier chef de conclusions.

 Sur la demande en indemnité

 Arguments des parties

57      Le requérant demande au Tribunal de condamner la Commission à lui payer la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral qu’il aurait subi en raison, d’une part, du retard dans l’établissement de son REC, d’autre part, de la présence, dans le rapport, d’« allégations négatives et dénigrantes » portées par le deuxième évaluateur.

58      Il sollicite également la réparation du préjudice professionnel qu’il aurait subi, constitué, selon lui, par l’incidence de telles allégations sur l’évolution de sa carrière et sur ses chances de promotion.

59      La Commission conclut au rejet des conclusions indemnitaires.

60      Elle souligne d’abord que le requérant n’expliquerait pas en quoi son REC aurait, au regard des DGE « service extérieur », été établi avec retard, et encore moins en quoi un tel retard aurait pu, dans les circonstances de l’espèce, lui causer un préjudice moral.

61      En ce qui concerne, par ailleurs, le préjudice moral prétendument causé par les appréciations portées par le deuxième évaluateur, la Commission fait valoir que la circonstance que lesdites appréciations ne concorderaient pas avec celles portées par le premier évaluateur ne serait pas de nature à les faire regarder comme « négatives et dénigrantes ».

62      Enfin, s’agissant du préjudice professionnel allégué, la Commission rappelle que si le Tribunal devait annuler le REC, cette annulation impliquerait l’établissement d’un nouveau REC, ce qui équivaudrait à restituer au requérant sa chance de promotion au titre de l’exercice 2003. En outre, la note de mérite attribuée à la suite de l’établissement dudit REC ne constituerait qu’un élément parmi d’autres à prendre en considération dans le cadre de la procédure de promotion et ne préjugerait donc pas en soi de la promotion du fonctionnaire noté. Du reste, le requérant n’établirait pas qu’avec une note de 14 points ou même de 15 points sur 20, il aurait été nécessairement promu au titre de l’exercice 2003. Le préjudice allégué ne serait donc, en toute hypothèse, pas établi.

 Appréciation du Tribunal

63      En ce qui concerne, premièrement, les conclusions indemnitaires fondées sur l’établissement prétendument tardif du REC, elles doivent être rejetées. En effet, ainsi que l’a fait observer la Commission, l’intéressé n’a avancé aucun élément de nature à établir que son REC aurait, au regard des DGE « service extérieur », été établi avec retard.

64      S’agissant, deuxièmement, des conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice moral qui résulterait, selon le requérant, de la présence, dans son REC, d’« allégations négatives et dénigrantes », il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire peut constituer en elle-même une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que celui-ci peut avoir subi (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, Rec. p. I‑225, points 25 et 26 ; arrêts du Tribunal de première instance du 29 septembre 2005, Napoli Buzzanca/Commission, T‑218/02, non encore publié au Recueil, point 101, et du 3 octobre 2006, Nijs/Cour des comptes, T‑171/05, non encore publié au Recueil, point 100). En l’espèce, le validateur qui, du fait du désaccord entre les deux évaluateurs, a pris, en vertu de l’article 3, paragraphe 3, des DGE « service extérieur », la décision finale, n’a formulé aucune appréciation à l’encontre des capacités du requérant susceptible de le blesser. Il convient, par suite, de considérer que l’annulation du REC constitue, en elle-même, une réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral que le requérant aurait subi du fait de l’acte annulé.

65      En ce qui concerne, troisièmement, les conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice professionnel que subirait le requérant du fait de la teneur des appréciations formulées par le deuxième évaluateur, il convient de relever que l’intéressé n’a pas précisé dans sa requête l’étendue du dommage prétendument subi, se bornant explicitement à laisser au Tribunal le soin d’en apprécier le montant. Par conséquent, il n’a pas satisfait aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal de première instance. Certes, il est de jurisprudence constante que, dans certains cas particuliers, notamment lorsqu’il est difficile de chiffrer le préjudice allégué, il n’est pas indispensable de préciser dans la requête son étendue exacte ni de chiffrer le montant de la réparation demandée (voir, notamment, arrêts de la Cour du 14 mai 1975, CNTA/Commission, 74/74, Rec. p. 533, points 45 à 47 ; du 28 mars 1979, Granaria/Conseil et Commission, 90/78, Rec. p. 1081, point 6, et du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, Rec. p. I‑8691, point 62). Toutefois, dans le présent litige, le requérant n’a pas établi, ni même allégué, l’existence de circonstances particulières justifiant qu’il ait omis de chiffrer, dans la requête, ce chef de préjudice. Dès lors, la demande tendant à la réparation du préjudice professionnel invoqué est irrecevable et doit être écartée.

66      En tout état de cause, sur le fond, cette demande ne pourrait être accueillie. En effet, il importe de rappeler qu’il incombe à la Commission, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures que comporte l’exécution du présent arrêt et d’adopter une nouvelle décision pourvue d’une motivation. Le Tribunal ne saurait donc, sans préjuger de la substance de cette nouvelle décision, se prononcer, à l’occasion du présent recours, sur la demande en réparation du préjudice professionnel allégué par le requérant (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 5 mars 2002, Le Canne/Commission, T‑241/00, Rec. p. II‑1251, points 62 et 63, et Napoli Buzzanca/Commission, précité, point 100).

67      Il résulte de ce qui précède que les conclusions en indemnité doivent être rejetées dans leur ensemble.

 Sur les dépens

68      Ainsi que le Tribunal l’a jugé dans son arrêt du 26 avril 2006, Falcione/Commission (F‑16/05, non encore publié au Recueil, points 77 à 86), aussi longtemps que le règlement de procédure du Tribunal et, notamment, les dispositions particulières relatives aux dépens ne sont pas entrés en vigueur, il y a lieu de faire seulement application du règlement de procédure du Tribunal de première instance.

69      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure de ce dernier Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en l’essentiel de ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision portant adoption du rapport d’évolution de carrière de M. Caldarone pour la période allant du 1er janvier au 21 août 2003 est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

Van Raepenbusch

Boruta

Kanninen




Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2006.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

      S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.