Language of document : ECLI:EU:T:2007:38

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

7 février 2007 (*)

« Fonctionnaires – Recours en annulation – Rapport d’évolution de carrière – Invalidité totale et permanente – Disparition de l’intérêt à agir – Non-lieu à statuer – Recours en indemnité – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑175/04,

Donal Gordon, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté initialement par M. M. Byrne, solicitor, puis par Mes J. Sambon et P.-P. Van Gehuchten et P. Reyniers, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et H. Krämer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision du 11 décembre 2003 rejetant la réclamation introduite contre la décision du 28 avril 2003 confirmant le rapport d’évolution de carrière dont a fait l’objet le requérant pour la période allant du 1er juillet 2001 jusqu’au 31 décembre 2002 et, d’autre part, une demande en indemnité tendant à la réparation du préjudice que le requérant aurait subi,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 31 mai 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        En vertu de l’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut »), la compétence, le rendement et la conduite dans le service des fonctionnaires autres que ceux de grade A 1 ou A 2 font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110 du statut.

2        Le 26 avril 2002, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE 43 »). Un nouveau système de notation a ainsi été introduit.

3        En vertu de la règle de transition consacrée à l’article 4, paragraphe 1, des DGE 43, lors du premier exercice de notation effectué selon le nouveau système, le rapport d’évolution de carrière prévu à l’article 6 des DGE 43 (ci-après le « REC ») couvre la période allant du 1er juillet 2001 jusqu’au 31 décembre 2002.

4        Les exercices d’évaluation et de promotion sont liés en ce que, en vertu de l’article 5, paragraphe 3, des dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut adoptées par la Commission le 26 avril 2002, un fonctionnaire est, en principe, promu lorsque la somme, d’une part, des points de mérite, correspondant à la notation chiffrée résultant du REC, et, d’autre part, des points de priorité, attribués dans le cadre de la procédure de promotion, accumulés au cours d’un ou de plusieurs exercices dépasse le « seuil de promotion ».

5        Dans ce contexte, l’article 6, paragraphe 1, des dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut dispose que, pour les directions générales dont le nombre moyen de points de mérite, pour un grade déterminé, dépasse de plus d’un point la moyenne visée par la Commission, le contingent de points de priorité est réduit d’un montant correspondant à l’excédent, à moins que les directions générales justifient valablement l’excédent.

6        La communication de la Commission publiée aux Informations administratives n° 99-2002, du 3 décembre 2002, sous le titre « Guide pour l’exercice d’évaluation du personnel 2001-2002 (transition) » (ci-après le « guide de transition ») invite les directions générales à évaluer leur personnel en respectant la moyenne cible de 14 sur 20 et rappelle qu’une direction générale qui, pour un grade donné, obtient une moyenne supérieure à 15 est pénalisée par une réduction du contingent des points de priorité, à moins que cette direction générale ne présente des justifications pour le dépassement.

 Antécédents du litige

7        Le requérant était, au moment de l’introduction du recours, fonctionnaire de grade LA 5 affecté à la direction générale (DG) « Traduction » de la Commission.

8        Le 11 mars 2003, au soir, le requérant a reçu le REC dont il a fait l’objet pour la période allant du 1er juillet 2001 jusqu’au 31 décembre 2002. Le 12 mars 2003 au matin, il a fait part au validateur de son souhait de s’entretenir avec lui conformément à l’article 7, paragraphe 5, des DGE 43. Il a ensuite pris congé dès l’après-midi pour deux jours et demi. Ce même jour, le validateur a confirmé ledit REC après y avoir noté qu’« il n’[avait] pas été possible d’organiser [l’entrevue demandée par le requérant] étant donné que l’intéressé [était] parti en congé à partir du 12 [mars] 2003 l’après-midi ».

9        Le 25 mars 2003, le requérant s’est entretenu avec le validateur. Ce même jour et à la demande du requérant, le comité paritaire d’évaluation (ci-après le « CPE ») a été saisi. Le 11 avril 2003, le CPE a rendu son avis. Cet avis indique que « [le CPE] constate que le dialogue formel n’a pas eu lieu [et,] [e]n conséquence, […] recommande à l’évaluateur d’appel de demander au validateur de tenir ledit dialogue formel ». Le requérant s’est encore entretenu avec le validateur le 14 avril 2003.

10      Le 25 avril 2003, un entretien a eu lieu entre le requérant et l’évaluateur d’appel. Le 28 avril 2003, l’évaluateur d’appel a rendu sa décision. Il a confirmé le REC en cause en indiquant, d’un part, qu’« [i]l a[vait] été précisé que [le requérant] avait sollicité la tenue d’un dialogue formel le 12 mars [2003] mais [que] ce dialogue n’avait pas eu lieu en raison des congés déposés par l’intéressé […] et compte tenu de la date butoir initiale de finalisation de l’exercice (15 mars 2003) » et, d’autre part, que « [d]eux entrevues [avaient] eu lieu par la suite avec le validateur le 25 mars 2003 et le 14 avril 2003 ». Dans une note du même jour, l’évaluateur d’appel a communiqué sa décision au président du CPE. Dans cette note, il a indiqué les raisons pour lesquelles le dialogue formel sollicité par le requérant n’avait pas pu être organisé et a ajouté que « les commentaires du validateur [avaient] été formulés […] en tenant compte de ces éléments, des raisons indiquées par l’intéressé et après avoir entendu le supérieur hiérarchique direct ». Il a mentionné, en outre, que « [d]eux entrevues formelles avec le validateur [avaient] été organisées le 25 mars 2003 […] et le 14 avril 2003 ».

11      Le 25 juillet 2003, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90 du statut contre la décision du 28 avril 2003 confirmant le REC dont il a fait l’objet. Cette réclamation a été rejetée par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») par décision du 11 décembre 2003, notifiée au requérant le 2 février 20004 (ci-après la « décision attaquée »).

12      À la suite des conclusions de la commission d’invalidité, en date du 1er février 2005, constatant que le requérant « est atteint d’une invalidité permanente considérée comme totale et le mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de son grade », l’AIPN a, par décision du 15 février 2005, décidé que le requérant était « mis à la retraite et admis au bénéfice d’une allocation d’invalidité fixée conformément aux dispositions de l’article 78, [troisième] alinéa […], du [s]tatut ». Cette décision a pris effet le 28 février 2005.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 mai 2004, le requérant a introduit le présent recours.

14      Le 1er mars 2005, la Commission a introduit une demande de non-lieu à statuer concernant la demande en annulation en raison de la mise à la retraite du requérant pour cause d’incapacité permanente considérée comme totale. Elle a contesté, en outre, la recevabilité du recours en indemnité. Le 6 avril 2005, le requérant a déposé ses observations sur cette demande.

15      Par ordonnance du Tribunal du 10 juin 2005, la demande de non-lieu à statuer a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

16      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 6 octobre 2005, le requérant a demandé au Tribunal de rouvrir la procédure écrite ou d’accepter de nouvelles preuves. La Commission n’a pas déposé d’observations sur cette demande. Les observations et preuves fournies par le requérant à l’appui de sa demande ont été provisoirement versées au dossier et la décision sur la recevabilité a été réservée.

17      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Au titre des mesures d’organisation de la procédure, il a invité la Commission à répondre à certaines questions écrites et à produire certains documents. La Commission a déféré à ces demandes dans le délai imparti.

18      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 31 mai 2006.

19      À cette occasion, il a été décidé, avant de clore la procédure orale, de permettre au requérant de présenter des observations concernant le nombre de pages qu’il a traduites pendant la période visée par le REC contesté. Le requérant a présenté ses observations dans le délai imparti et la Commission a déposé ses observations sur cette réponse le 14 juin 2006.

20      Par décision du président de la troisième chambre du Tribunal en date du 20 juin 2006, la procédure orale a été close.

21      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande de non-lieu à statuer ;

–        déclarer le recours en indemnité recevable ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer illégales les DGE 43 ou les dispositions actuellement en vigueur, en ce qu’elles ont pour effet que l’élaboration des REC est achevée avant que tous les recours formés par les fonctionnaires du même grade de la même unité n’aient été examinés ;

–        déclarer illégal le guide de transition ou illégales les dispositions actuellement en vigueur, en ce qu’elles fixent une moyenne cible ;

–        lui allouer des dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à sa carrière, à sa santé et à son bien-être ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      Dans sa réplique, le requérant conclut, en outre, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer illégales les DGE 43 ou les dispositions actuellement en vigueur, tout au moins, dans la mesure où un point et demi de mérite est retiré dans le REC contesté, au titre d’un congé de convenance personnelle pris au cours de la période de référence ;

–        ordonner la production du document contenant le compte rendu des réunions du CPE, des deux REC les plus favorables et des deux REC les plus défavorables concernant les fonctionnaires de son unité, ainsi que du document contenant les normes quantitatives officielles des unités de traduction.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en annulation ;

–        rejeter le recours en indemnité comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé et rejeter la demande de mesures d’instruction ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

 Arguments des parties

24      La Commission soutient qu’un fonctionnaire qui a été mis à la retraite n’a pas d’intérêt à obtenir l’annulation de décisions qui ne l’affecteraient de manière négative que s’il avait encore une carrière devant lui (arrêts du Tribunal du 13 décembre 1990, Moritz/Commission, T‑20/89, Rec. p. II‑769 ; du 9 février 1994, Latham/Commission, T‑82/91, RecFP p. I‑A‑15 et II‑61, et du 6 juillet 1999, Séché/Commission, T‑112/96 et T‑115/96, RecFP p. I‑A‑115 et II‑623). Elle fait valoir ainsi qu’un fonctionnaire dans une telle situation n’a plus d’intérêt à agir contre un REC le concernant dès lors que la seule raison d’être de celui-ci est, d’après la jurisprudence, de servir de base à des décisions futures concernant sa carrière (ordonnance du Tribunal du 30 novembre 1998, N/Commission, T‑97/94, RecFP p. I‑A‑621 et II‑1879, point 26). Elle estime que cela vaut aussi dans le cas d’une mise à la retraite obligatoire pour cause d’invalidité (ordonnance du Tribunal du 11 septembre 1995, Z/CES, T‑286/94, RecFP p. I‑A‑217 et II‑657).

25      Le requérant rappelle que le principe de l’accès au juge étant un droit fondamental, les exceptions à ce principe doivent être interprétées et appliquées de manière stricte. Il indique que sa mise à la retraite a été obligatoire et qu’elle a eu lieu postérieurement à l’introduction du recours. Il souligne, en outre, qu’il ne s’agit que d’une cessation provisoire de ses fonctions dès lors que la commission d’invalidité a estimé nécessaire qu’il subisse un examen médical de révision au terme d’un délai de deux ans. Il rappelle que, en vertu de l’article 14 de l’annexe VIII du statut, un fonctionnaire qui cesse de remplir les conditions pour percevoir la pension d’invalidité a le droit d’être réintégré dans son service. Il fait observer, en conséquence, que sa carrière pourrait continuer si la commission d’invalidité le décidait au terme du délai de deux ans ou si lui-même demandait à être réintégré.

26      Concernant les ordonnances Z/CES et N/Commission, précitées, le requérant fait valoir que, à la différence des requérants dans ces affaires, il était encore en activité au moment de l’introduction de son recours. Concernant les affaires ayant donné lieu aux arrêts Moritz/Commission, Latham/Commission et Séché/Commission, précités, il affirme que sa situation est différente de celles prévalant dans ces affaires dès lors que dans celles-ci, les requérants avaient été mis à la retraite en raison de leur âge, et non en raison d’une invalidité provisoire, de sorte que leur cessation de fonctions était définitive. Il souligne, en outre, que dans ces cas les recours avaient été déclarés partiellement recevables pour permettre aux requérants de demander l’octroi de dommages et intérêts. Il ajoute que dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du Tribunal du 15 février 1995, Moat/Commission (T‑112/94, RecFP p. I‑A‑37 et II‑135), le recours a été déclaré recevable en raison du caractère douteux de la décision en cause.

 Appréciation du Tribunal

27      Il y a lieu de rappeler, d’une part, que, bien que l’intérêt à agir, auquel est subordonnée la recevabilité d’un recours, s’apprécie au moment de l’introduction de celui-ci (arrêt de la Cour du 16 décembre 1963, Forges de Clabecq/Haute Autorité, 14/63, Rec. p. 719, 748, et ordonnance N/Commission, précitée, point 23), cela ne saurait empêcher le Tribunal de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours dans l’hypothèse où le requérant qui avait initialement intérêt à agir a perdu tout intérêt personnel à l’annulation de la décision attaquée en raison d’un événement intervenu postérieurement à l’introduction dudit recours. En effet, pour qu’un requérant puisse poursuivre un recours tendant à l’annulation d’une décision, il faut qu’il conserve un intérêt personnel à l’annulation de la décision attaquée (arrêts du Tribunal du 24 avril 2001, Torre e.a./Commission, T‑159/98, RecFP p. I‑A‑83 et II‑395, point 30 ; du 31 mai 2005, Dionyssopoulou/Conseil, T‑105/03, non encore publié au Recueil, point 18, et du 8 décembre 2005, Rounis/Commission, T‑274/04, non encore publié au Recueil, points 21 et 22). En outre, selon une jurisprudence constante, un requérant doit justifier d’un intérêt né et actuel à l’annulation de l’acte attaqué de sorte que, si l’intérêt dont il se prévaut concerne une situation juridique future, il doit établir que l’atteinte à cette situation se révèle, d’ores et déjà, certaine (arrêts du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T‑138/89, Rec. p. II‑2181, point 33 ; du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T‑141/03, Rec. p. II‑1197, point 26, et ordonnance du Tribunal du 17 octobre 2005, First Data e.a./Commission, T‑28/02, non encore publiée au Recueil, points 42 et 43).

28      D’autre part, s’agissant des recours visant l’annulation d’un REC, il convient de rappeler que le REC est un document interne, qui a pour fonction première d’assurer à l’administration une information périodique sur l’accomplissement de leur service par ses fonctionnaires (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 3 juillet 1980, Grassi/Conseil, 6/79 et 97/79, Rec. p. 2141, point 20, et du Tribunal du 28 mai 1997, Burban/Parlement, T‑59/96, RecFP p. I‑A‑109 et II‑331, point 73) et qui joue dès lors, à l’égard du fonctionnaire, un rôle important dans le déroulement de sa carrière, essentiellement en matière de mutation et de promotion. Il en résulte que le REC n’affecte en principe l’intérêt de la personne notée que pour autant qu’elle ait encore une carrière devant elle, c’est-à-dire, jusqu’à la cessation définitive de ses fonctions. Par conséquent, postérieurement à cette cessation, le fonctionnaire n’a pas d’intérêt à introduire ou à poursuivre un recours contre un REC dont il a fait l’objet, sauf à établir l’existence d’une circonstance particulière justifiant d’un intérêt personnel et actuel à en obtenir l’annulation (voir, en ce sens, ordonnance N/Commission, précitée, point 26, et arrêt Dionyssopoulou/Conseil, précité, point 20).

29      En l’espèce, la Commission soutient que le requérant, ayant été mis à la retraite, en vertu de l’article 78 du statut, pour cause d’invalidité permanente considérée comme totale, a cessé définitivement ses fonctions et a, conformément à la jurisprudence susvisée, perdu son intérêt à la poursuite de son recours. Le requérant considère, cependant, que ladite jurisprudence n’est pas applicable en l’espèce pour deux raisons. Premièrement, il ne s’agirait pas en l’occurrence d’une cessation définitive de fonctions dès lors que, conformément à l’article 14 de l’annexe VIII du statut, il pourrait être réintégré dans le service dès que son état de santé le permettrait. Deuxièmement, sa mise à la retraite a été obligatoire et a eu lieu postérieurement à l’introduction du présent recours. Il estime que, dans ces circonstances, son droit à une protection juridictionnelle devrait primer sur d’autres considérations et lui permettre d’obtenir un jugement sur la légalité du REC contesté. Il considère, par conséquent, qu’il a encore un intérêt personnel et actuel à l’annulation dudit REC.

30      S’agissant, premièrement, de la question du caractère définitif de la cessation de fonctions en cas de mise à la retraite pour cause d’invalidité permanente considérée comme totale, il convient de relever que, même si l’article 14 de l’annexe VIII du statut prévoit la possibilité d’une réintégration du fonctionnaire admis au bénéfice d’une pension d’invalidité, l’invalidité permanente considérée comme totale a été conçue par le législateur comme ayant vocation à mettre fin à la carrière du fonctionnaire concerné. Ainsi, l’article 53 du statut prévoit que « [l]e fonctionnaire reconnu par la commission d’invalidité comme remplissant les conditions prévues à l’article 78 est mis d’office à la retraite le dernier jour du mois au cours duquel est prise la décision de l’[AIPN] constatant l’incapacité définitive pour le fonctionnaire d’exercer ses fonctions ». Pour sa part, l’article 47 du statut classe toute mise à la retraite, y compris celle qui découle d’une invalidité permanente considérée comme totale, parmi les causes de cessation définitive des fonctions. Ladite invalidité est ainsi considérée par le législateur, pour ce qui est du caractère définitif ou non de la cessation de fonctions qu’elle comporte, de la même manière que d’autres causes de cessation de fonctions dont le caractère définitif ne fait pas de doute, telles que la démission, le licenciement pour insuffisance professionnelle ou la révocation.

31      Il en résulte que, dans le système du statut, la mise à la retraite pour cause d’invalidité permanente considérée comme totale au sens des articles 53 et 78 est considérée comme mettant fin, en principe, à la carrière du fonctionnaire. Elle se distingue ainsi du congé maladie, prévu à l’article 59 du statut, qui lui n’affecte pas la continuité de la carrière du fonctionnaire se trouvant dans l’impossibilité, temporaire, d’exercer ses fonctions.

32      Le Tribunal estime, dès lors, que, conformément à la jurisprudence susmentionnée, la mise à la retraite du requérant en vertu de l’article 78 du statut affecte son intérêt à obtenir l’annulation du REC contesté dès lors que sa carrière au sein de son institution a été interrompue, en principe, de manière définitive.

33      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument du requérant tiré d’une éventuelle réintégration dans le service en vertu de l’article 14 de l’annexe VIII du statut. En effet, il convient de rappeler qu’un requérant doit justifier d’un intérêt né et actuel à l’annulation de l’acte attaqué et que, si l’intérêt dont il se prévaut concerne une situation juridique future, il doit établir que l’atteinte à cette situation se révèle, d’ores et déjà, certaine. Or, force est de constater que la réintégration du requérant dans le service de la Commission n’est qu’un évènement éventuel dont la réalisation n’est, à l’heure actuelle, qu’incertaine. Ainsi, il s’agit d’un intérêt simplement hypothétique et donc insuffisant pour constater que la situation juridique du requérant se trouverait affectée par l’absence d’annulation du REC contesté (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 janvier 1987, Stroghili/Cour des comptes, 204/85, Rec. p. 389, point 11).

34      S’agissant, deuxièmement, du fait que la mise à la retraite du requérant a été obligatoire et a eu lieu postérieurement à l’introduction du présent recours, il convient de relever, en premier lieu, que le Tribunal a déjà eu l’occasion de juger qu’un fonctionnaire qui a cessé ses fonctions en raison d’un licenciement pour insuffisance professionnelle ou d’une révocation devenue définitive à la suite d’un recours en justice n’a pas intérêt à l’annulation de son rapport de notation (ordonnance N/Commission, précitée, point 27, et arrêt du Tribunal du 21 février 2006, V/Commission, T‑200/03 et T‑313/03, non encore publié au Recueil, point 184). Il ressort ainsi de la jurisprudence que le caractère volontaire ou non de la cessation des fonctions est sans pertinence pour l’appréciation de l’existence de l’intérêt à agir. En second lieu, concernant le moment de la mise à la retraite par rapport à la date d’introduction du recours, il y a lieu de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence mentionnée au point 27 ci-dessus que le fait que la disparition de l’intérêt à agir soit intervenu après l’introduction du recours ne saurait empêcher le Tribunal de constater qu’il n’y a plus lieu à statuer sur le recours (arrêts Moritz/Commission, précité, point 16 ; Dionyssopoulou/Conseil, précité, point 18, et Rounis/Commission, précité, point 21).

35      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la modification du REC contesté recherchée par le requérant n’emporterait, en principe, aucune conséquence pour la carrière de celui-ci, laquelle, à compter du 28 février 2005, a pris fin. Il incombe donc au requérant d’établir l’existence d’une circonstance particulière justifiant le maintien d’un intérêt personnel et actuel à agir en annulation (ordonnance N/Commission, précitée, points 26 et 27).

36      Il convient de relever que le requérant, dès lors qu’il conteste le caractère définitif de la cessation de fonctions, n’invoque aucune circonstance particulière au sens de l’ordonnance N/Commission, précitée. Il fait valoir, en revanche, que son intérêt à demander l’annulation du REC contesté devrait être reconnu afin de garantir le respect de son droit à une protection juridictionnelle effective.

37      À cet égard, il suffit de relever que le droit à une protection juridictionnelle effective ne comporte le droit de déférer au juge que les actes des institutions communautaires qui, en ce qu’ils affectent les intérêts du requérant, lui font grief (voir, en ce sens, ordonnances de la Cour du 1er octobre 2004, Pérez Escolar/Commission, C‑379/03 P, non publiée au Recueil, points 41 et 42, et du Tribunal du 2 juin 2003, Forum 187/Commission, T‑276/02, Rec. p. II‑2075, point 50). Or, en l’espèce, force est de constater que, en raison de sa mise à la retraite, ni la décision attaquée ni le REC contesté ne font à l’heure actuelle, et tant qu’il n’est pas réintégré dans le service, grief au requérant. Il s’ensuit que, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer à ce stade sur la pertinence de l’argument du requérant s’il était soulevé à l’appui d’un éventuel recours, dans l’hypothèse où le requérant serait réintégré dans le service, il convient de considérer que le droit à une protection juridictionnelle effective ne saurait lui conférer un droit à voir le Tribunal statuer sur la présente demande d’annulation.

38      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que le requérant n’a pas apporté la preuve d’un intérêt né et actuel à agir. Il n’y a donc plus lieu de statuer sur les conclusions en annulation du REC en cause.

39      S’agissant des conclusions visant à ce que le Tribunal déclare illégales les DGE 43 et le guide de transition, ou les dispositions actuellement en vigueur, il convient d’observer que, comme le requérant l’indique lui-même, elles constituent des exceptions d’illégalité soulevées dans le cadre de la demande d’annulation. Dès lors, il n’y a pas lieu de se prononcer à cet égard.

 Sur les conclusions en indemnité

 Arguments des parties

40      La Commission estime que cette demande est irrecevable pour plusieurs motifs. D’abord, la réclamation administrative n’y ferait pas mention. Ensuite, la requête n’indiquerait pas pourquoi l’annulation de la décision attaquée ne suffirait pas pour réparer le dommage prétendument subi par le requérant. Enfin, elle ne remplirait pas les conditions prévues à l’article 44 du règlement de procédure du Tribunal en ce que la requête ne contiendrait pas d’arguments à son appui, notamment en ce qui concerne la faute qui serait à l’origine du dommage, ni de preuves concernant le lien de causalité entre la faute de service alléguée et la mauvaise santé du requérant. À cet égard, elle fait observer que la commission d’invalidité a considéré que l’invalidité du requérant n’avait pas une origine professionnelle.

41      Le requérant fait valoir que, si sa réclamation ne faisait pas référence à une demande d’indemnisation, cela est dû au fait que le dommage est postérieur à la date de ladite réclamation, puisqu’il découle de ce que le comité de promotion, réuni postérieurement à l’introduction de la réclamation, a pris en compte le REC contesté. Concernant le lien de causalité entre le dommage et la faute de service, il soutient que, contrairement à ce que prétend la Commission, il ressort de la requête que le dommage causé quant à ses perspectives de carrière résulte de ce qu’il n’a pas pu obtenir de points de priorité parce que le REC lui accordait un nombre insuffisant de points et de ce que le système de recours n’a pas permis de remédier à cette injustice.

 Appréciation du Tribunal

42      Il convient de rappeler que, selon l’article 21 du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation des dommages prétendument causés par une institution communautaire doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que le requérant reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles le requérant estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi, ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice. En revanche, une demande tendant à obtenir une indemnité quelconque manque de la précision nécessaire et doit, par conséquent, être considérée comme irrecevable (arrêts de la Cour du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schöppenstedt/Conseil, 5/71, Rec. p. 975, point 9 ; ordonnances du Tribunal du 1er juillet 1994, Osório/Commission, T‑505/93, RecFP p. I‑A‑179 et II‑581, point 33, et Moat/Commission, précitée, point 32).

43      En l’espèce, le requérant s’est borné à réclamer des dommages et intérêts en réparation du préjudice porté à sa carrière, à sa santé et à son bien-être, sans en chiffrer le montant et sans indiquer, avec suffisamment de précision, les éléments permettant de déterminer son étendue. Sa requête ne contient, en effet, d’autres précisions à cet égard que le fait que « [l]’erreur manifeste d’appréciation et le détournement de pouvoir commis par le validateur [auraient] gravement porté préjudice aux perspectives de carrière du requérant » et que « [c]ette situation [aurait] nui à son moral et à sa santé, préjudice qui vien[drait] s’ajouter à celui porté à ses perspectives de carrière ».

44      Si le Tribunal a déjà reconnu que, dans des circonstances particulières, il n’est pas indispensable de préciser dans la requête l’étendue exacte du préjudice et de chiffrer le montant de la réparation demandée (arrêts du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, Rec. p. II‑367, points 75 à 77, et du 20 septembre 1990, Hanning/Parlement, T‑37/89, Rec. p. II‑463, point 82), il convient de relever, en l’espèce, que le requérant n’a ni établi ni même invoqué l’existence de telles circonstances (voir, en ce sens, ordonnances Osório/Commission, précitée, point 35, et Moat/Commission, précitée, point 37).

45      En outre, en ce qui concerne le préjudice moral, il convient de souligner que, outre l’absence totale d’évaluation de ce préjudice, le requérant n’a pas mis le Tribunal en mesure d’en apprécier l’étendue et le caractère. Or, que la réparation du préjudice moral soit demandée à titre symbolique ou aux fins d’obtention d’une véritable indemnité, il appartient au requérant de préciser la nature du préjudice moral allégué, au regard du comportement reproché à la Commission, puis de préciser, même de façon approximative, l’évaluation de l’ensemble de ce préjudice (ordonnance Moat/Commission, précitée, point 38, et arrêt du Tribunal du 29 janvier 1998, Affatato/Commission, T‑157/96, RecFP p. I‑A‑41 et II‑97, point 38).

46      Il résulte de ce qui précède que les conclusions en indemnité sont irrecevables.

 Sur les demandes de mesures d’organisation de la procédure sollicitées par le requérant

47      Au stade de la réplique, le requérant a formulé des demandes visant à ce que le Tribunal prenne des mesures d’organisation de la procédure, ayant pour objet d’ordonner la production par la Commission du document contenant le compte rendu des réunions du CPE, des deux REC les plus favorables et des deux REC les plus défavorables concernant les fonctionnaires de son unité pour la période 2001-2002 ainsi que du document contenant les normes quantitatives officielles des unités de traduction pour ladite période. Par mémoire du 6 octobre 2005, il a demandé au Tribunal d’ordonner la réouverture de la procédure écrite ou d’accepter de nouvelles offres de preuve.

48      Il y a lieu de rappeler qu’il appartient au Tribunal d’apprécier l’utilité des mesures d’instruction ou d’organisation de la procédure sollicitées par les parties (arrêts Affatato/Commission, précité, point 57, et Séché/Commission, précité, point 284). Or, en l’espèce, il suffit de constater que, indépendamment de la question de la recevabilité des documents déposés par le requérant avec son mémoire du 6 octobre 2005, les mesures demandées par le requérant ne présentent aucun intérêt pour la solution du litige, puisqu’il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions en annulation et que les conclusions en indemnité sont irrecevables. Dès lors, les demandes de mesures d’organisation de la procédure sont rejetées.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

50      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

51      En l’espèce, il y a lieu de prendre en compte, d’une part, le fait que les circonstances ayant conduit au non-lieu à statuer quant aux conclusions en annulation ont pour cause un événement indépendant du comportement des parties au litige et, d’autre part, le fait que le requérant a succombé en ses conclusions en indemnité.

52      Dans ces conditions, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions en annulation.

2)      Le recours en indemnité est rejeté comme irrecevable.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Jaeger

Tiili

Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.