Language of document : ECLI:EU:C:2001:513

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

4 octobre 2001 (1)

«Égalité de traitement entre hommes et femmes - Article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE - Article 10 de la directive 92/85/CEE - Licenciement d'une travailleuse enceinte - Contrat de travail à durée déterminée»

Dans l'affaire C-109/00,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par le Højesteret (Danemark) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Tele Danmark A/S

et

Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund i Danmark (HK), agissant en qualité de mandataire de Mme Marianne Brandt-Nielsen,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40), et 10 de la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l'article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) (JO L 348, p. 1),

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. A. La Pergola, président de chambre, M. Wathelet (rapporteur), P. Jann, L. Sevón et C. W. A. Timmermans, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,


greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint,

considérant les observations écrites présentées:

-    pour Tele Danmark A/S, par Me M. Kofmann, advokat,

-    pour la Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund i Danmark (HK), agissant en qualité de mandataire de Mme Brandt-Nielsen, par Me M. Østergård, advokat,

-    pour la Commission des Communautés européennes, par M. H. C. Støvlbæk et Mme H. Michard, en qualité d'agents, assistés de Me P. Heidmann, advokat,

-    pour l'Autorité de surveillance AELE, par MM. P. Dyrberg et J. M. Langseth, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Tele Danmark A/S, de la Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund i Danmark (HK), de la Commission et de l'Autorité de surveillance AELE à l'audience du 29 mars 2001,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 10 mai 2001,

rend le présent

Arrêt

1.
    Par ordonnance du 21 mars 2000, parvenue à la Cour le 23 mars suivant, le Højesteret a posé, en vertu de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40), et 10 de la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l'article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE) (JO L 348, p. 1).

2.
    Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Tele Danmark A/S (ci-après «Tele Danmark»), une entreprise de téléphonie, à la Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund i Danmark (ci-après «HK») (Fédération des employés de commerce et de bureau), agissant en qualité de mandataire de Mme Brandt-Nielsen, à la suite du licenciement de cette dernière par ladite entreprise.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3.
    La directive 76/207 tend à mettre en oeuvre le principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, y compris la promotion, et à la formation professionnelle, ainsi que les conditions de travail.

4.
    L'article 3, paragraphe 1, de la directive 76/207 dispose:

«L'application du principe de l'égalité de traitement implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe dans les conditions d'accès, y compris les critères de sélection, aux emplois ou postes de travail, quel qu'en soit le secteur ou la branche d'activité, et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle.»

5.
    Aux termes de l'article 5, paragraphe 1, de ladite directive:

«L'application du principe de l'égalité de traitement en ce qui concerne les conditions de travail, y compris les conditions de licenciement, implique que soient assurées aux hommes et aux femmes les mêmes conditions, sans discrimination fondée sur le sexe.»

6.
    La directive 92/85 vise notamment, selon son quinzième considérant, à protéger les travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes contre le risque d'un licenciement en raison de leur état, ce qui pourrait nuire à leur santé physique et psychique.

7.
    Ainsi, aux termes de l'article 10, point 1, de ladite directive:

«les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire le licenciement des travailleuses [...] pendant la période allant du début de leur grossesse jusqu'au terme du congé de maternité [...], sauf dans les cas d'exception non liés à leur état, admis par les législations et/ou pratiques nationales et, le cas échéant, pour autant que l'autorité compétente ait donné son accord».

8.
    Le quatorzième considérant de la directive 92/85 précise que, compte tenu de sa vulnérabilité, il est nécessaire d'accorder un congé de maternité à la travailleuse enceinte, accouchée ou allaitante. Un tel droit est prévu à l'article 8 de ladite directive qui est libellé comme suit:

«1.    Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les travailleuses au sens de l'article 2 bénéficient d'un congé de maternité d'au moins quatorze semaines continues, réparties avant et/ou après l'accouchement, conformément aux législations et/ou pratiques nationales.

2.    Le congé de maternité visé au paragraphe 1 doit inclure un congé de maternité obligatoire d'au moins deux semaines, réparties avant et/ou après l'accouchement, conformément aux législations et/ou pratiques nationales.»

La réglementation nationale

9.
    L'article 9 de la lov om ligebehandling af mænd og kvinder med hensyn til beskæftigelse og barselsorlov m.v. (loi relative à l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'emploi, le congé de maternité, etc., ci-après la «loi relative à l'égalité de traitement») dispose:

«Un employeur ne peut pas licencier un travailleur parce que celui-ci a fait valoir son droit à un congé ou a été en congé au titre de l'article 7 ou pour d'autres motifs liés à la grossesse, la période postnatale ou l'adoption.»

10.
    Aux termes de l'article 16 de la loi relative à l'égalité de traitement:

«1.    Si un travailleur est licencié en violation de l'article 9, le licenciement est annulé si l'annulation est demandée à moins qu'il ne soit jugé, dans des cas particuliers et après une mise en balance des intérêts des parties, qu'il est manifestement injustifié d'exiger le maintien ou le rétablissement de la relation de travail.

2.    Si un travailleur est licencié en violation de l'article 9, sans que le licenciement soit annulé, l'employeur verse une indemnité.

[...]

4.    Si un licenciement a lieu pendant la grossesse, la période postnatale ou l'adoption, il appartient à l'employeur de prouver que le licenciement n'est pas justifié par ces circonstances.

[...]»

Le litige au principal et les questions préjudicielles

11.
    En juin 1995, Mme Brandt-Nielsen a été engagée par Tele Danmark pour une période de six mois, à compter du 1er juillet 1995, pour travailler dans son service après-vente des téléphones mobiles. Il était convenu entre les parties, lors de l'entretien d'embauche, que Mme Brandt-Nielsen devait suivre une formation durant les deux premiers mois de la durée de son contrat.

12.
    En août 1995, Mme Brandt-Nielsen a informé Tele Danmark qu'elle était enceinte, l'accouchement étant prévu pour le début du mois de novembre. Peu de temps après cela, le 23 août 1995, elle a été licenciée avec effet au 30 septembre, au motif qu'elle n'avait pas informé Tele Danmark de son état de grossesse lors de son recrutement. Mme Brandt-Nielsen a travaillé pendant tout le mois de septembre.

13.
    En vertu de la convention collective applicable, Mme Brandt-Nielsen aurait eu droit à un congé de maternité rémunéré débutant huit semaines avant la date présumée de l'accouchement. En l'occurrence, cette période aurait dû commencer le 11 septembre 1995.

14.
    Le 4 mars 1996, HK, agissant en qualité de mandataire de Mme Brandt-Nielsen, a assigné Tele Danmark devant le Retten i Århus pour obtenir le versement d'une indemnité, au motif que le licenciement de l'employée de cette dernière était contraire à l'article 9 de la loi relative à l'égalité de traitement.

15.
    Le Retten i Århus a, par jugement du 14 janvier 1997, rejeté le recours, au motif que Mme Brandt-Nielsen, qui avait été engagée pour une période de six mois, avait omis d'indiquer qu'elle était enceinte lors de l'entretien d'embauche alors que l'accouchement était prévu au cours du cinquième mois du contrat de travail.

16.
    Par arrêt du 15 avril 1999, le Vestre Landsret, devant lequel l'affaire avait été portée en appel par Mme Brandt-Nielsen, a donné satisfaction à cette dernière, au motif qu'il était établi que son licenciement était lié à son état de grossesse.

17.
    Tele Danmark s'est pourvue contre cet arrêt devant le Højesteret, en faisant valoir que l'interdiction de licencier une travailleuse enceinte prévue par le droit communautaire ne s'applique pas à une salariée engagée à titre temporaire qui, alors même qu'elle savait qu'elle était enceinte au moment de la conclusion du contrat de travail, a omis d'en informer l'employeur et qui, en raison du droit au congé de maternité, ne pourrait exercer, pendant une grande partie de la durée dudit contrat, le travail pour lequel elle a été engagée.

18.
    C'est dans ces conditions que le Højesteret a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)    L'article 5, paragraphe 1, de la directive du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (76/207/CEE), et/ou l'article 10 de la directive du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (92/85/CEE), ou d'autres dispositions des directives précitées ou du droit communautaire, s'opposent-ils à ce qu'une employée soit licenciée pour cause de grossesse dans l'hypothèse où

    -    l'intéressée a été embauchée à titre temporaire pour une période limitée,

    -    l'employée savait au moment de la conclusion du contrat de travail qu'elle était enceinte, mais n'en a pas informé l'employeur et

    -    la grossesse implique que l'employée ne pourra pas travailler pendant une grande partie de la durée du contrat?

2)    Le fait que l'embauche a eu lieu dans une très grande entreprise et que celle-ci emploie fréquemment des travailleurs temporaires revêt-il de l'importance pour la réponse à la première question?»

Sur la première question

19.
    Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 et 10 de la directive 92/85 doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent au licenciement d'une travailleuse pour cause de grossesse lorsque cette dernière a été engagée pour une durée déterminée, qu'elle a omis d'informer son employeur de son état de grossesse, alors même qu'elle en avait connaissance au moment de la conclusion du contrat de travail, et que, en raison de cet état, elle ne sera pas en mesure de travailler pendant une grande partie de la durée dudit contrat.

20.
    Tele Danmark a fait valoir que l'interdiction de licencier une travailleuse enceinte prévue par les directives 76/207 et 92/85 ne s'applique pas dans les circonstances de l'espèce. En réalité, ce ne serait pas la grossesse elle-même qui aurait été la raison déterminante du licenciement, mais le fait que Mme Brandt-Nielsen ne pourrait exécuter une partie substantielle du contrat. En outre, le fait que cette dernière a omis d'informer l'employeur de son état, tout en sachant qu'elle ne pourrait pas exercer son emploi pendant une partie substantielle de la durée du contrat en raison de sa grossesse, serait constitutif d'un manquement au devoir de loyauté qui s'impose dans les relations entre travailleurs et employeurs, de nature à justifier par lui-même un licenciement.

21.
    Tele Danmark ajoute que c'est seulement lorsque le contrat a été conclu pour une durée indéterminée que le refus d'employer une femme enceinte ou son licenciement méconnaissent le droit communautaire. En effet, dans le cadre d'une telle relation de travail, il devrait être présumé que les obligations de la travailleuse perdurent au-delà du congé de maternité, si bien que le respect du principe d'égalité de traitement aboutirait à un résultat équilibré.

22.
    Mme Brandt-Nielsen, la Commission et l'Autorité de surveillance AELE soutiennent, au contraire, que ni les directives 76/207 et 92/85 ni la jurisprudence de la Cour ne font de différence selon que le contrat en vertu duquel la travailleuse a été engagée est à durée déterminée ou indéterminée.

23.
    En l'occurrence, tant la directive 76/207 que la directive 92/85 s'opposeraient au licenciement de Mme Brandt-Nielsen, dès lors qu'il est manifeste que le motif du licenciement a été l'état de grossesse de cette dernière. Conformément à la jurisprudence de la Cour, le préjudice financier subi par l'employeur ou les nécessités liées au bon fonctionnement de son entreprise ne pourraient pas justifier le licenciement d'une travailleuse enceinte, l'employeur devant assumer le risque des conséquences économiques et organisationnelles de la grossesse de ses salariées.

24.
    Quant à la circonstance que Mme Brandt-Nielsen a omis de signaler qu'elle était enceinte au moment de son engagement, la Commission fait valoir que la travailleuse n'est pas tenue d'informer l'employeur de son état puisque ce dernier n'est pas en droit d'en tenir compte lors du recrutement. L'Autorité de surveillance AELE ajoute que, si une telle obligation d'informer l'employeur était admise, elle risquerait de priver d'effet la protection des travailleuses enceintes instaurée par l'article 10 de la directive 92/85, alors que le législateur communautaire a voulu qu'une telle protection soit particulièrement élevée.

25.
    Ainsi que la Cour l'a jugé à plusieurs reprises, le licenciement d'un travailleur féminin en raison de sa grossesse constitue une discrimination directe fondée sur le sexe contraire à l'article 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 (arrêts du 8 novembre 1990, Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund, C-179/88, Rec.p. I-3979, point 13; du 5 mai 1994, Habermann-Beltermann, C-421/92, Rec. p. I-1657, point 15, et du 14 juillet 1994, Webb, C-32/93, Rec. p. I-3567, point 19).

26.
    C'est également en considération du risque qu'un éventuel licenciement fait peser sur la situation physique et psychique des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes, y compris le risque particulièrement grave d'inciter celles-ci à interrompre volontairement leur grossesse, que le législateur communautaire a, en vertu de l'article 10 de la directive 92/85, prévu une protection particulière en faveur de ces travailleuses en édictant l'interdiction de licenciement pendant la période allant du début de la grossesse jusqu'au terme du congé de maternité.

27.
    Il convient en outre de relever que, durant ladite période, l'article 10 de la directive 92/85 n'a prévu aucune exception ou dérogation à l'interdiction de licenciement des travailleuses enceintes, sauf dans des cas exceptionnels non liés à leur état et à condition que l'employeur justifie par écrit les motifs d'un tel licenciement.

28.
    Par ailleurs, la Cour a déjà jugé qu'un refus d'engagement pour cause de grossesse ne peut être justifié par des motifs tirés du préjudice financier subi par l'employeur en cas d'engagement d'une femme enceinte, pendant la durée de son congé de maternité (arrêt du 8 novembre 1990, Dekker, C-177/88, Rec. p. I-3941, point 12), et que la même conclusion s'impose à l'égard du préjudice financier causé par le fait que la femme engagée ne peut occuper, pendant la durée de sa grossesse, le poste concerné (arrêt du 3 février 2000, Mahlburg, C-207/98, Rec. p. I-549, point 29).

29.
    Au point 26 de l'arrêt Webb, précité, la Cour a également jugé que, si la disponibilité du salarié est nécessairement pour l'employeur une condition essentielle à la bonne exécution du contrat de travail, la protection garantie par le droit communautaire à la femme en cours de grossesse, puis après l'accouchement, ne saurait dépendre du point de savoir si la présence de l'intéressée, pendant la période correspondant à son congé de maternité, est indispensable à la bonne marche de l'entreprise où elle est employée. Une interprétation contraire priverait les dispositions de la directive 76/207 de leur effet utile.

30.
    Une telle interprétation ne saurait être modifiée en raison de la circonstance que le contrat de travail a été conclu pour une durée déterminée.

31.
    En effet, dès lors que le licenciement d'une travailleuse en raison de sa grossesse constitue une discrimination directe fondée sur le sexe, quelles que soient la nature et l'étendue du préjudice économique subi par l'employeur en raison de l'absence liée à la grossesse, la circonstance que le contrat de travail a été conclu pour une durée déterminée ou indéterminée demeure sans incidence sur le caractère discriminatoire du licenciement. Dans les deux cas, l'incapacité de la salariée à exécuter son contrat de travail est due à la grossesse.

32.
    En outre, la durée d'une relation de travail est un élément particulièrement aléatoire de celle-ci dès lors que, même si le travailleur a été engagé en vertu d'un contrat à durée déterminée, une telle relation peut être plus ou moins longue et, par ailleurs, elle est susceptible d'être renouvelée ou prolongée.

33.
    Force est de constater, enfin, que les directives 76/207 et 92/85 n'opèrent aucune distinction, quant à la portée du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes, selon la durée de la relation de travail en cause. Si le législateur communautaire avait voulu exclure du champ d'application desdites directives les contrats à durée déterminée, lesquels représentent une part importante des relations de travail, il l'aurait expressément précisé.

34.
    En conséquence, il convient de répondre à la première question que les articles 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 et 10 de la directive 92/85 doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent au licenciement d'une travailleuse pour cause de grossesse

-    lorsque cette dernière a été engagée pour une durée déterminée,

-    qu'elle a omis d'informer son employeur de son état de grossesse, alors même qu'elle en avait connaissance au moment de la conclusion du contrat de travail,

-    et que, en raison de cet état, elle ne sera pas en mesure de travailler pendant une grande partie de la durée dudit contrat.

Sur la seconde question

35.
    Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande si le fait que la travailleuse a été engagée par une très grande entreprise employant fréquemment du personnel temporaire revêt de l'importance pour l'interprétation des articles 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 et 10 de la directive 92/85.

36.
    Tant les parties au principal que la Commission et l'Autorité de surveillance AELE s'accordent pour considérer que cette question appelle une réponse négative.

37.
    À cet égard, il suffit de constater que les directives 76/207 et 92/85 n'établissent aucune distinction, quant à la portée des interdictions qu'elles énoncent comme des droits qu'elles garantissent, en fonction de la taille de l'entreprise concernée.

38.
    Quant à la circonstance que l'employeur a largement recours à des contrats à durée déterminée, il y a lieu de rappeler, ainsi qu'il ressort des points 30 à 33 du présent arrêt, que la durée de la relation de travail n'a pas d'incidence sur l'étendue de la protection garantie par le droit communautaire aux travailleuses enceintes.

39.
    Il y a donc lieu de répondre à la seconde question que le fait que la travailleuse a été engagée par une très grande entreprise employant fréquemment du personnel temporaire n'a pas d'incidence sur l'interprétation des articles 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 et 10 de la directive 92/85.

Sur les dépens

40.
    Les frais exposés par la Commission et l'Autorité de surveillance AELE, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Højesteret, par ordonnance du 21 mars 2000, dit pour droit:

1)    Les articles 5, paragraphe 1, de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, et 10 de la directive 92/85/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (dixième directive particulière au sens de l'article 16 paragraphe 1 de la directive 89/391/CEE), doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent au licenciement d'une travailleuse pour cause de grossesse

-    lorsque cette dernière a été engagée pour une durée déterminée,

-    qu'elle a omis d'informer son employeur de son état de grossesse, alors même qu'elle en avait connaissance au moment de la conclusion dudit contrat de travail,

-    et que, en raison de cet état, elle ne sera pas en mesure de travailler pendant une grande partie de la durée dudit contrat.

2)    Le fait que la travailleuse a été engagée par une très grande entreprise employant fréquemment du personnel temporaire n'a pas d'incidence surl'interprétation des articles 5, paragraphe 1, de la directive 76/207 et 10 de la directive 92/85.

La Pergola

Wathelet
Jann

Sevón

Timmermans

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 octobre 2001.

Le greffier

Le président de la cinquième chambre

R. Grass

A. La Pergola


1: Langue de procédure: le danois.