Language of document : ECLI:EU:T:2021:628

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

29 septembre 2021 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents afférents à une la procédure de récupération d’une aide d’État à la suite d’une décision la déclarant incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Refus d’accès – Exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit – Intérêt public supérieur – Principe de non-discrimination – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑569/19,

AlzChem Group AG, établie à Trostberg (Allemagne), représentée par Mes A. Borsos et J. Guerrero Pérez, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes C. Ehrbar et K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2019) 5602 final de la Commission, du 22 juillet 2019, refusant d’accorder à la requérante l’accès à des documents afférents à la procédure de récupération d’une aide d’État à la suite d’une décision la déclarant incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteure) et M. R. Mastroianni, juges,

greffier : M. I. Pollalis, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 23 mars 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Par sa décision (UE) 2015/1826, du 15 octobre 2014, concernant l’aide d’État SA.33797 (2013/C) (ex 2013/NN) (ex 2011/CP) mise à exécution par la Slovaquie en faveur de l’entreprise NCHZ (JO 2015, L 269, p. 71), la Commission européenne a notamment estimé que Novácke chemické závody, a.s. (ci-après « NCHZ »), une entreprise chimique slovaque, avait bénéficié d’une aide d’État illégale et incompatible avec le marché intérieur dans le cadre de sa procédure de faillite. Elle a décidé que cette aide devait être remboursée par NCHZ ainsi que par Fortischem, a.s., en tant que successeur économique.

2        La requérante, AlzChem Group AG, est une entreprise allemande active dans le domaine de la chimie, qui est intervenue en tant que partie intéressée à la procédure ayant mené à la décision 2015/1826.

3        La décision 2015/1826 a fait l’objet de deux recours en annulation partielle. Par arrêt du 24 septembre 2019, Fortischem/Commission (T‑121/15, EU:T:2019:684), le Tribunal a rejeté comme non fondé le recours. Par arrêt du 13 décembre 2018, AlzChem/Commission (T‑284/15, EU:T:2018:950), le Tribunal a annulé l’article 2 de la décision 2015/1826.

4        Par lettre du 12 avril 2019, la requérante a présenté à la Commission une demande d’accès à des documents, en vertu du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43). Cette demande avait trait aux documents pertinents détenus par la Commission, dont, notamment, des feuilles de calcul Excel, des documents Word ou des bases de données internes contenant des informations relatives à l’état d’avancement de la procédure de récupération et au montant de l’aide d’État récupéré par la République slovaque à la suite de la décision 2015/1826 (ci-après les « documents demandés »).

5        La Commission a rejeté cette demande par lettre du 24 avril 2019, au motif qu’elle relevait du champ d’application des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, et paragraphe 3, du règlement no 1049/2001. Elle a également relevé qu’aucun argument susceptible d’établir l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés n’avait été avancé et qu’un accès partiel n’était pas possible.

6        Par lettre du 15 mai 2019, la requérante a adressé à la Commission une demande confirmative, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Elle a contesté le refus de la Commission en soutenant, notamment, que sa demande ne visait aucun document tombant dans le champ des exceptions invoquées par la Commission et qu’il existait un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés. Elle a par ailleurs demandé un accès partiel à ces documents ou un accès à ceux-ci dans les locaux de la Commission.

7        Le 11 juin 2019, la Commission a indiqué à la requérante que sa demande confirmative était en cours de traitement, mais qu’il ne lui serait pas répondu dans le délai prescrit et que le délai de réponse à cette demande était prolongé de quinze jours ouvrables, conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Le 1er juillet 2019, elle a indiqué à la requérante que tous les éléments nécessaires à l’analyse complète de sa demande et à l’adoption d’une décision finale n’avaient pu être réunis et qu’une décision finale lui serait transmise dès que possible.

II.    Décision attaquée

8        Par la décision C(2019) 5602 final, du 22 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a refusé d’accorder à la requérante l’accès aux documents demandés, en estimant qu’ils relevaient, d’une part, de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, relative à la protection des activités d’enquête, et, d’autre part, de celle prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, relative à la protection des intérêts commerciaux.

9        En premier lieu, concernant l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, la Commission a considéré que les documents demandés ne faisaient pas seulement partie du dossier administratif relatif à l’enquête sur une aide d’État, mais qu’ils étaient également relatifs à une enquête sur la mise en œuvre de la décision relative à une aide d’État illégale.

10      D’une part, la Commission a observé que, selon la jurisprudence, il existait une présomption générale de confidentialité selon laquelle la divulgation des documents du dossier administratif de la procédure en matière d’aides d’État portait atteinte aux objectifs des enquêtes sur de telles aides, même si la procédure était close. Elle a estimé que les documents demandés, contenant des informations sur l’état d’avancement de la procédure de récupération de l’aide d’État en cause qui incombait aux autorités slovaques en vertu de la décision 2015/1826, faisaient partie du dossier administratif dans le cadre de l’enquête sur cette aide, laquelle n’avait pas été entièrement récupérée.

11      D’autre part, la Commission a précisé que, lors de la phase de récupération d’une aide d’État illégale, elle s’assurait, avec le concours actif de l’État membre concerné, de la mise en œuvre correcte de la décision concernant cette aide et, dès lors, ses actions et les mesures prises étaient intrinsèquement liées à son enquête sur cette aide au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001. Elle a en outre indiqué que la phase de récupération d’une aide d’État intervenait dans le cadre d’une procédure structurée et formalisée qui constituait une enquête au sens de ladite disposition. Elle a estimé que, puisque l’absence de respect de la décision concernant une aide d’État pouvait conduire à l’ouverture d’une procédure en manquement, la phase de mise en œuvre de cette décision devait être considérée comme une procédure précontentieuse semblable à la procédure prévue à l’article 258 TFUE, concernant laquelle la Cour avait reconnu l’existence d’une présomption générale de confidentialité. Dès lors, la divulgation au public des documents demandés pourrait nuire au dialogue engagé avec la République slovaque, aux fins duquel un climat de confiance était essentiel.

12      En deuxième lieu, concernant l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, la Commission a relevé que la jurisprudence avait reconnu une présomption générale de confidentialité des documents faisant partie d’un de ses dossiers, indépendamment de la question de savoir si la demande d’accès concernait une procédure de contrôle close ou pendante. En l’espèce, les documents demandés dévoileraient des informations détaillées sur l’état d’avancement et les différentes étapes du processus de récupération engagé par les entreprises concernées. Ces informations commerciales seraient sensibles. Eu égard à la nature bilatérale de la phase d’exécution de la décision concernant une aide d’État illégale, une divulgation prématurée de documents relatifs à l’état d’avancement du processus de récupération par les entreprises concernées, avant la récupération effective de cette aide, porterait préjudice à celles-ci et nuirait en définitive aux objectifs de la procédure d’aide d’État plutôt que de contribuer à la transparence.

13      En troisième lieu, la Commission a rejeté la demande d’accès partiel en raison de l’existence d’une présomption générale de confidentialité applicable aux documents demandés.

14      En quatrième lieu, la Commission a estimé que les considérations invoquées par la requérante pour établir l’existence d’un intérêt public supérieur étaient assez générales. Selon elle, le fait que les documents demandés se rapportaient à une enquête de nature administrative et ne concernant pas des actes législatifs, pour lesquels l’existence d’une plus grande transparence avait été reconnue dans la jurisprudence, et le fait qu’elle publierait les informations relatives à la récupération de l’aide d’État en cause après l’achèvement définitif de la procédure de récupération, dont le montant remboursé, celui perdu et celui des intérêts récupérés étayaient encore davantage la conclusion de l’absence d’un intérêt public supérieur en l’espèce.

III. Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 août 2019, la requérante a introduit le présent recours.

16      Sur proposition de la juge rapporteure, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 23 mars 2021.

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

IV.    En droit

19      Au soutien du recours, la requérante invoque deux moyens tirés, le premier, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, et paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 et, le second, d’une violation de l’obligation de motiver le refus de donner accès aux documents demandés dans une version non confidentielle ou dans les locaux de la Commission, conformément à l’article 4, paragraphe 6, et à l’article 10 du même règlement.

A.      Observations liminaires relatives à l’identification des actes susceptibles de recours et au délai de recours

20      La requérante soutient que la jurisprudence du Tribunal relative au règlement no 1049/2001 semble présenter un certain nombre d’incohérences et de contradictions s’agissant de l’identification de l’acte susceptible de recours et du point de départ du délai de recours. Ainsi, l’analyse de la jurisprudence, en particulier de l’arrêt du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission (T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, EU:T:2010:511), permettrait de conclure que le point de départ du délai pour introduire un recours en annulation d’une décision de refus d’accès à des documents en vertu du règlement no 1049/2001 est déterminé par le dernier jour au cours duquel la Commission aurait dû adopter une décision. Selon la requérante, même si la décision attaquée date du 22 juillet 2019, le délai de recours est à compter à partir du 5 juin 2019, l’absence de réponse à cette date devant être considérée comme une décision négative en vertu de l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement.

21      En revanche, s’agissant de l’acte susceptible de recours, lorsque la Commission n’a pas adopté une décision dans le délai prévu à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, cet acte serait, selon les circonstances, soit la décision implicite de refus, soit tant la décision implicite que la décision explicite, soit la décision explicite de refus. Partant, la requérante demande que, dans la mesure où le Tribunal pourrait être conduit à considérer que la décision attaquée comprend également la décision implicite de refus résultant du silence de la Commission jusqu’au 5 juin 2019 inclus, cette décision soit considérée comme faisant partie intégrante de la décision attaquée.

22      De surcroît, la requérante souligne les effets potentiellement négatifs et imprévus de la jurisprudence relative au délai de recours en annulation d’une décision explicite dans les cas où l’adoption de celle-ci intervient postérieurement à la formation d’une décision implicite. Il ressortirait notamment de l’arrêt du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission (T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, EU:T:2010:511), et de l’ordonnance du 13 novembre 2012, ClientEarth e.a./Commission (T‑278/11, EU:T:2012:593), que, si l’acte susceptible de recours est la décision explicite, ledit délai commencerait à courir à compter de la date de la décision implicite. La requérante aurait dès lors dû reformuler sa requête dirigée contre la décision implicite au titre de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, afin de tenir compte des arguments avancés par la Commission dans la décision attaquée. Le délai initial de recours dont elle devait disposer pour préparer son recours aurait ainsi été réduit. Or, le raccourcissement par la jurisprudence des délais légaux dans lesquels les individus peuvent exercer leurs droits conformément au traité FUE serait susceptible de restreindre ces droits de manière injustifiée et de violer les articles 42 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

23      Par ailleurs, la requérante considère que, à la lumière de la jurisprudence, les communications de la Commission des 11 juin et 1er juillet 2019 étaient tout à fait trompeuses et de nature à empêcher son accès à la justice et qu’elles devraient être censurées.

24      La Commission réfute les allégations de la requérante relatives à des incohérences et à des contradictions dans la jurisprudence du Tribunal ainsi que celles relatives à un comportement potentiellement trompeur de sa part.

25      Dans ce contexte, il doit être constaté que la Commission n’a répondu à la demande d’accès de la requérante ni dans le délai initial ni dans le délai de réponse à la suite de la première prolongation, le 11 juin 2019, ce qui correspond à la situation visée par l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, mais qu’elle a ensuite adopté une décision explicite de refus, laquelle constitue la décision attaquée.

26      Dans une situation telle que celle de l’espèce, décrite au point 25 ci-dessus, en premier lieu, l’absence de réponse de la Commission doit être considérée comme une décision implicite de refus d’accès. En effet, la seconde prolongation du délai, le 1er juillet 2019, ne saurait avoir valablement prolongé le délai, car, en vertu de l’article 8 du règlement no 1049/2001, la Commission ne peut prolonger le délai initial qu’une seule fois et, à l’expiration du délai prolongé, une décision implicite de refus d’accès est réputée adoptée (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission, T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, EU:T:2010:511, points 38 et 40, et ordonnance du 27 novembre 2012, Steinberg/Commission, T‑17/10, non publiée, EU:T:2012:625, point 99). À cet égard, il y a lieu de relever que le délai prévu par l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 a un caractère impératif (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2010, Co-Frutta/Commission, T‑355/04 et T‑446/04, EU:T:2010:15, points 60 et 70) et ne saurait être prolongé en dehors des circonstances prévues à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, sauf à priver cet article de tout effet utile, puisque le demandeur ne saurait plus exactement à partir de quelle date il pourrait introduire le recours ou la plainte prévus à l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement (voir, par analogie, arrêt du 21 avril 2005, Housieaux, C‑186/04, EU:C:2005:248, point 26). Une telle décision implicite de refus d’accès peut faire l’objet d’un recours en annulation conformément aux dispositions de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 27 novembre 2012, Steinberg/Commission, T‑17/10, non publiée, EU:T:2012:625, point 101).

27      Néanmoins, lorsque la Commission a ensuite répondu de manière explicite et définitive à la demande confirmative en refusant l’accès aux documents en cause, elle a alors implicitement procédé au retrait de la décision implicite de refus d’accès [voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, points 88 et 89 ; ordonnance du 27 novembre 2012, Steinberg/Commission, T‑17/10, non publiée, EU:T:2012:625, point 101, et arrêt du 26 avril 2018, Espírito Santo Financial (Portugal)/BCE, T‑251/15, non publié, EU:T:2018:234, point 34]. Cette décision explicite peut alors faire l’objet d’un recours en annulation conformément aux dispositions de l’article 263 TFUE.

28      Si la décision implicite a fait l’objet d’un recours en annulation, la partie requérante perd son intérêt à agir, du fait de l’adoption de la décision explicite, et il sera considéré qu’il n’y a plus lieu de statuer sur ledit recours [voir, en ce sens, arrêts du 2 octobre 2014, Strack/Commission, C‑127/13 P, EU:C:2014:2250, points 88 et 89 ; du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission, T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, EU:T:2010:511, point 48 ; du 2 juillet 2015, Typke/Commission, T‑214/13, EU:T:2015:448, point 36, et du 26 avril 2018, Espírito Santo Financial (Portugal)/BCE, T‑251/15, non publié, EU:T:2018:234, point 36]. La partie requérante peut également adapter ses conclusions et moyens dans le délai de recours prévu à cet effet par l’article 263, sixième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2011, Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission, T‑291/04, EU:T:2011:760, point 94). Si la décision explicite a été adoptée avant l’introduction du recours à l’encontre de la décision implicite, un tel recours qui serait introduit ensuite serait alors irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2010, Ryanair/Commission, T‑494/08 à T‑500/08 et T‑509/08, EU:T:2010:511, point 47).

29      En l’espèce, la Commission a adopté une décision explicite, certes, de manière regrettable, après l’expiration du délai prolongé, mais avant l’expiration du délai de recours contre la décision implicite et avant l’introduction d’un recours contre celle-ci. Partant, par l’adoption de cette décision explicite, la Commission a procédé au retrait de la décision implicite et la décision pouvant faire l’objet d’un recours en annulation en l’espèce est la décision explicite de refus d’accès aux documents demandés du 22 juillet 2019, qui est la décision attaquée.

30      En second lieu, contrairement à ce qu’allègue la requérante, le délai du recours en annulation à l’encontre de la décision explicite doit être calculé conformément aux dispositions de l’article 263 TFUE et sans qu’il puisse être compté à partir de la date à laquelle a été adoptée la décision implicite de refus. C’est en outre à tort que la requérante affirme que les faits dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 13 novembre 2012, ClientEarth e.a./Commission (T‑278/11, EU:T:2012:593), étaient comparables à ceux de la présente espèce. Dans cette affaire, le recours en annulation, qui avait pour objet une décision implicite de rejet du 4 février 2011, n’avait été introduit que le 25 mai 2011 et, partant, était irrecevable pour cause de tardiveté. Il ne ressort dès lors nullement de cette ordonnance qu’un recours introduit contre une décision explicite doit être déposé dans le délai applicable en cas de recours en annulation de la décision implicite la précédant.

31      En l’espèce, le délai de recours à l’encontre de la décision attaquée doit être compté à partir du 22 juillet 2019 à 24 heures. Si, certes, comme le fait valoir la requérante, il ne peut qu’être souligné que la Commission ne pouvait pas prolonger le délai de réponse à l’issue de la première prolongation, il n’en demeure pas moins que cette circonstance n’est pas susceptible d’entacher la décision attaquée d’une illégalité justifiant son annulation, étant donné que la Commission a répondu à cette demande avant que la requérante n’ait tiré des conséquences de l’absence de réponse dans les délais conformément à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2012, Commission/Agrofert Holding, C‑477/10 P, EU:C:2012:394, point 89, et ordonnance du 27 novembre 2012, Steinberg/Commission, T‑17/10, non publiée, EU:T:2012:625, point 102). De plus, contrairement à ce que prétend la requérante, il ne saurait être considéré qu’elle n’a pas disposé du délai légal aux fins de préparer son recours, qui pouvait être introduit jusqu’au 2 octobre 2019 inclus, en application des dispositions combinées de l’article 263, sixième alinéa, TFUE et des articles 58 et 60 du règlement de procédure du Tribunal.

B.      Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, et paragraphe 3, du règlement no 1049/2001

32      Selon la requérante, les erreurs de droit et les erreurs manifestes d’appréciation de la Commission doivent être examinées à la lumière du droit fondamental d’accès aux documents, qui répond à l’objectif consistant à renforcer la légitimité des organes administratifs dans le cadre de leurs activités décisionnelles et qui est consacré à l’article 42 de la charte des droits fondamentaux. Toute exception à ce droit ou toute limitation de celui-ci devraient être interprétées de manière restrictive. La requérante invoque la nature contradictoire des positions adoptées par la Commission en ce qui concerne la divulgation d’informations sur l’état de la récupération des aides d’État.

33      Le premier moyen est divisé en cinq branches. Par la première branche, la requérante allègue que la demande d’accès ne concernait aucun document relatif à une enquête ou faisant partie d’un dossier relatif à une enquête et que, dès lors, elle n’affectait ni les objectifs des activités d’enquête visés à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, ni le processus décisionnel de la Commission visé à l’article 4, paragraphe 3, du même règlement. Par la deuxième branche, elle soutient que la demande d’accès ne pouvait être rejetée ni sur le fondement de la protection des objectifs des activités d’enquête prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, ni sur le fondement de la protection du processus décisionnel de la Commission prévue à l’article 4, paragraphe 3, du même règlement. Par la troisième branche, elle allègue que la demande d’accès ne concernait aucune information ou donnée d’intérêt commercial nécessitant d’être protégées en vertu de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du même règlement. Par la quatrième branche, elle invoque une mise en œuvre discriminatoire dans la décision attaquée des exceptions à la divulgation des informations relatives à la récupération. Par la cinquième branche, elle prétend que la mise en œuvre de toute exception à la divulgation est évincée par un intérêt public supérieur.

34      La Commission réfute les arguments de la requérante.

35      Il convient de constater à titre liminaire que, contrairement à ce que la requérante soutient dans ses écritures, le refus d’accès dans la décision attaquée est fondé sur l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001, et non sur l’article 4, paragraphe 3, du même règlement. La requérante l’a au demeurant admis lors de l’audience, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience. Partant, ses arguments sont dépourvus de pertinence en ce qu’ils portent sur la prétendue application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 et doivent être écartés.

36      L’article 1er du règlement no 1049/2001 prévoit que celui-ci vise à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions de l’Union européenne qui soit le plus large possible (voir arrêt du 22 janvier 2020, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA, C‑178/18 P, EU:C:2020:24, point 51 et jurisprudence citée).

37      À cet égard, il y a lieu de souligner que, selon la jurisprudence, l’activité administrative de la Commission n’exige pas la même étendue de l’accès aux documents que celle requise par l’activité législative d’une institution de l’Union (voir arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 91 et jurisprudence citée ; arrêt du 7 septembre 2017, AlzChem/Commission, T‑451/15, non publié, EU:T:2017:588, point 80).

38      Il ressort également de l’article 4 du règlement no 1049/2001, qui institue un régime d’exceptions à cet égard, que ce droit d’accès n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. De telles exceptions dérogeant au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (voir arrêt du 22 janvier 2020, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA, C‑178/18 P, EU:C:2020:24, points 52 et 53 et jurisprudence citée).

39      Lorsqu’une institution, un organe ou un organisme de l’Union saisi d’une demande d’accès à un document décide de rejeter cette demande sur le fondement de l’une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant à la question de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par cette exception, le risque d’une telle atteinte devant être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir arrêt du 22 janvier 2020, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA, C‑178/18 P, EU:C:2020:24, point 54 et jurisprudence citée).

40      Dans certains cas, la Cour a reconnu qu’il était toutefois loisible à cette institution, à cet organe ou à cet organisme de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (voir arrêt du 22 janvier 2020, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA, C‑178/18 P, EU:C:2020:24, point 55 et jurisprudence citée).

41      L’objectif de telles présomptions réside ainsi dans la possibilité, pour l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union concerné, de considérer que la divulgation de certaines catégories de documents porte, en principe, atteinte à l’intérêt protégé par l’exception qu’il invoque, en se fondant sur de telles considérations générales, sans être tenu d’examiner concrètement et individuellement chacun des documents demandés (voir arrêt du 22 janvier 2020, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA, C‑178/18 P, EU:C:2020:24, point 56 et jurisprudence citée).

42      Au même titre que la jurisprudence impose que les exceptions à la divulgation visées à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 soient interprétées et appliquées de façon stricte en ce qu’elles dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents détenus par une institution, un organe ou un organisme de l’Union (arrêts du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 75, et du 3 juillet 2014, Conseil/in ’t Veld, C‑350/12 P, EU:C:2014:2039, point 48), la reconnaissance et l’application d’une présomption générale de confidentialité doivent s’envisager de façon stricte (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 81).

43      Enfin, selon la jurisprudence, l’existence d’une présomption générale de confidentialité n’exclut pas la possibilité de démontrer qu’un document donné, dont la divulgation est demandée, n’est pas couvert par ladite présomption ou qu’il existe, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 1049/2001, un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 62, et du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 66).

44      C’est à la lumière des principes jurisprudentiels rappelés ci-dessus qu’il y a lieu de vérifier si la Commission a appliqué à tort l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001.

45      Il convient de rappeler que la Commission n’a pas procédé à un examen concret et individuel de chacun des documents demandés, mais a estimé en substance qu’ils étaient couverts par deux présomptions générales de confidentialité s’appliquant aux documents relatifs à l’état d’avancement de la procédure de récupération d’une aide d’État et aux montants récupérés, à la suite de sa décision ordonnant la récupération de ladite aide. Les présomptions appliquées par la Commission sont fondées, d’une part, sur l’exception relative à la protection des activités d’enquête, prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 et, d’autre part, sur l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux des tiers, prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du même règlement.

1.      Sur la première branche et sur la deuxième branche, tirées, en substance, de ce que la demande d’accès ne pouvait pas être rejetée sur le fondement de la protection des objectifs des activités d’enquête prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001

46      Dans la première branche, la requérante soutient que sa demande ne concernait aucun document relatif à une enquête ou faisant partie d’un dossier relatif à une enquête, que ce soit concernant l’aide d’État constatée dans la décision 2015/1826 ou une future décision en matière d’aides d’État. Elle aurait concerné des informations factuelles précises relatives à l’état d’avancement de la mise en œuvre de la décision 2015/1826 et, dès lors, des éléments recueillis postérieurement à l’adoption de celle-ci. Sa demande ne portant pas sur des arguments de fond présentés par la République slovaque, le fait de l’accueillir n’aurait pas pu être considéré comme portant atteinte à la volonté des États membres de coopérer avec la Commission dans le cadre des enquêtes menées par celle‑ci. En outre, la qualification de sa demande par la Commission comme concernant des documents ou des informations relevant du dossier d’une affaire ou des documents relatifs à une enquête ne trouverait aucun fondement dans la jurisprudence. Partant, sa demande n’aurait pas affecté les objectifs des activités d’enquête visés à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001.

47      Dans la deuxième branche, en premier lieu, la requérante fait valoir que, même à supposer que sa demande ait concerné des documents ou des informations relevant formellement du dossier pertinent sur lequel la décision attaquée est fondée, la Commission n’aurait pas pu se prévaloir des exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 afin de la rejeter. Selon la requérante, l’accès aux documents demandés ne pouvait pas être considéré comme portant atteinte à la volonté des États membres de coopérer avec la Commission, car sa demande ne portait pas sur des analyses ou des notes internes contenant l’appréciation de cette dernière sur une affaire ou une enquête particulière.

48      Dans la réplique, la requérante relève que, selon la Commission, les informations demandées sur l’état de la récupération de l’aide d’État sont liées à d’autres enquêtes, notamment celle relative à la procédure de récupération prévue à l’article 16 du règlement (UE) 2015/1589, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p 9), et celle relative à la procédure en manquement au titre de l’article 258 TFUE, par un renvoi par analogie à la procédure « EU-Pilot ». Toutefois, la Commission n’aurait fait référence auxdites procédures ni dans la lettre du 24 avril 2019 ni dans la décision attaquée et n’aurait pas mentionné l’existence d’une procédure ouverte à l’encontre de la République slovaque à cet égard. Elle ne pourrait pas désormais invoquer des faits et des moyens nouveaux.

49      En deuxième lieu, la requérante écarte l’argument de la Commission selon lequel les documents demandés concernant l’état d’avancement de la récupération de l’aide d’État en cause ne peuvent pas être communiqués au motif qu’ils contiendraient des informations substantielles. Des données quantitatives auraient pu être produites sans divulguer des données substantielles, par exemple par la transmission d’un document faisant apparaître qu’un certain pourcentage de l’aide d’État avait été récupéré ou qu’aucun montant n’avait été récupéré. En tout état de cause, la Commission aurait pour pratique de transmettre des informations substantielles dans ses réponses aux demandes d’accès aux documents au titre du règlement no 1049/2001.

50      En troisième lieu, la requérante allègue que la Commission ne peut pas se fonder sur une interprétation extensive des exceptions au principe général de la divulgation des documents publics, consacré par le règlement no 1049/2001, lorsque sa propre pratique souligne que les motifs qu’elle invoque ne sont pas applicables à la demande d’accès. Elle cite, à titre d’exemple, six affaires dans lesquelles la Commission aurait rendu publiques, avant l’ouverture de procédures d’infraction, des informations comparables à celles que la demande visait à obtenir.

51      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

52      Il doit être considéré que, par les première et deuxième branches du premier moyen, la requérante conteste, en substance, en premier lieu, le fait que les documents demandés relèvent d’une phase d’enquête, notamment parce que l’enquête sur l’aide d’État aurait été close par la décision 2015/1826. En second lieu, elle conteste le fait que la Commission puisse se prévaloir de l’exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001.

53      Dans la décision attaquée, la Commission a refusé l’accès aux documents demandés sur deux fondements distincts. D’une part, elle a considéré que les documents demandés appartenaient au dossier concernant l’aide d’État constatée dans la décision 2015/1826 et que, partant, ils étaient couverts par une présomption générale de confidentialité couvrant l’enquête relative à l’aide d’État en cause. Elle a ainsi estimé qu’était applicable auxdits documents la présomption générale de confidentialité concernant les documents du dossier administratif afférent à une procédure de contrôle des aides d’État, telle que reconnue dans l’arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 61), et rappelée notamment dans les arrêts du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission (C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, points 36 à 38), du 13 mars 2019, AlzChem/Commission (C‑666/17 P, non publié, EU:C:2019:196, point 31), et du 19 septembre 2018, Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest)/Commission (T‑39/17, non publié, EU:T:2018:560, point 62).

54      D’autre part, la Commission a relevé, en substance, que la procédure de récupération pouvait conduire directement à l’ouverture d’une procédure en manquement en vertu de l’article 108, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE et a estimé que la phase de mise en œuvre de sa décision concernant cette aide devait être considérée comme une procédure précontentieuse, semblable à la procédure prévue à l’article 258 TFUE. Après avoir rappelé que la Cour avait reconnu l’existence d’une présomption générale de confidentialité applicable aux documents réunis dans le cadre d’une enquête relative à une procédure en manquement, elle a considéré que le raisonnement suivi pour reconnaître une telle présomption s’appliquait mutatis mutandis pour refuser la divulgation des documents demandés. Elle a ainsi estimé que ces documents étaient couverts, du fait d’une application par analogie, par la présomption générale de confidentialité concernant les documents afférents à la phase précontentieuse d’une procédure en manquement au sens de l’article 258 TFUE, telle que reconnue dans l’arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission (C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 65), et rappelée notamment dans les arrêts du 23 janvier 2017, Justice & Environment/Commission (T‑727/15, non publié, EU:T:2017:18, point 46), et du 5 décembre 2018, Campbell/Commission (T‑312/17, non publié, EU:T:2018:876, point 29).

55      Il convient dès lors de déterminer si la Commission a commis une erreur de droit en décidant que les documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État étaient couverts par une présomption générale de confidentialité au titre de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, puis, si une telle présomption existe ou doit être reconnue, si la Commission l’a appliquée en l’espèce sans entacher sa décision d’une erreur d’appréciation.

a)      Sur l’existence d’une présomption générale de confidentialité

56      Il doit être relevé que, selon la jurisprudence (voir point 53 ci-dessus), la présomption générale de confidentialité qui concerne les documents du dossier administratif afférent à une procédure de contrôle des aides d’État couvre explicitement les documents qui relèvent de l’enquête menée par la Commission pour conclure dans une décision, notamment, à l’existence d’une aide d’État et ordonner sa récupération. En revanche, le juge de l’Union n’a pas eu jusqu’alors à se prononcer sur un refus d’accès à des documents afférents à la phase d’exécution d’une telle décision de la Commission par l’État membre concerné.

57      Partant, si la reconnaissance de la présomption générale de confidentialité dans la jurisprudence mentionnée au point 53 ci-dessus concerne certes le dossier administratif dans le cadre d’une procédure de contrôle ouverte conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, elle ne porte de manière certaine que sur les documents relevant de la procédure administrative conduisant à l’adoption d’une décision par la Commission dans laquelle celle-ci conclut notamment à l’existence d’une aide d’État et ordonne sa récupération.

58      Par ailleurs, s’agissant des documents relatifs à la phase d’exécution d’une décision dans laquelle la Commission ordonne la récupération d’une aide d’État, ils peuvent certes relever formellement du même dossier que celui dont relèvent les documents de l’enquête menée par la Commission et l’ayant conduite à adopter cette décision, comme la requérante le concède au demeurant. L’ensemble des documents sont en effet relatifs à la ou aux mêmes mesures nationales. Toutefois, ainsi qu’il a été rappelé au point 42 ci-dessus, les exceptions à la divulgation visées à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 doivent être interprétées et appliquées de façon stricte en ce qu’elles dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents détenus par les institutions de l’Union. Partant, comme la requérante le soutient, il ne peut pas être considéré que la présomption générale de confidentialité en matière de contrôle des aides d’État, telle que reconnue par la jurisprudence (voir point 53 ci-dessus), couvre nécessairement les documents concernant la phase d’exécution de la décision de la Commission, parce qu’ils feraient partie du même dossier administratif.

59      Il convient dès lors d’examiner si les documents afférents à la phase d’exécution de la décision de la Commission par l’État membre concerné peuvent être couverts également par une présomption générale de confidentialité, que ce soit celle en matière de contrôle des aides d’État, reconnue par la jurisprudence, qui serait alors considérée comme couvrant également ces documents, ou une autre présomption générale de confidentialité.

60      À cet égard, il importe de relever que le juge de l’Union a dégagé plusieurs critères pour la reconnaissance d’une présomption générale de confidentialité, lesquels sont relatifs aux documents concernés et à l’atteinte à l’intérêt protégé par l’exception en question.

1)      Sur les documents concernés

61      Il ressort de la jurisprudence que, pour qu’une présomption générale de confidentialité soit valablement opposée à la personne qui demande l’accès à des documents sur le fondement du règlement no 1049/2001, il est nécessaire que les documents en cause fassent partie d’une même catégorie de documents ou soient d’une même nature (arrêt du 5 février 2018, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA, T‑729/15, EU:T:2018:67, point 25 ; voir également, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 50, et du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 72).

62      Dans toutes les affaires ayant donné lieu aux décisions mettant en place de telles présomptions, le refus d’accès en cause portait sur un ensemble de documents clairement circonscrits par leur appartenance commune à un dossier afférent à une procédure administrative ou juridictionnelle en cours (arrêt du 5 février 2018, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA, T‑729/15, EU:T:2018:67, point 28 ; voir également, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 128 ; du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, points 49 et 50, et du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, points 69 et 70).

63      À cet égard, il convient de relever que la Cour a certes jugé que l’ensemble des documents du dossier administratif relatif à une procédure de contrôle des aides d’État formait une catégorie unique (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 64). Néanmoins, ainsi qu’il a été relevé au point 56 ci-dessus, le juge de l’Union n’a pas été conduit à se prononcer sur la question de savoir si les documents ayant conduit à l’adoption de la décision par laquelle la Commission conclut à l’existence d’une aide d’État et à sa récupération et ceux afférents à la procédure de contrôle de l’exécution de ladite décision appartiennent à une même catégorie de documents. Or, il doit être considéré que, même s’ils peuvent appartenir à un même dossier de la Commission, il n’en demeure pas moins que, stricto sensu, ils relèvent de deux catégories de documents distinctes.

64      Il ne saurait en revanche être contesté que les documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision de la Commission ordonnant la récupération d’une aide d’État forment une catégorie unique, en ce qu’ils sont clairement circonscrits par leur appartenance commune au dossier afférent à une procédure administrative, postérieure à celle ayant conduit à l’adoption de ladite décision.

2)      Sur l’atteinte à l’intérêt protégé par l’exception invoquée

65      Selon la jurisprudence, l’application des présomptions générales de confidentialité est dictée par l’impérative nécessité d’assurer le fonctionnement correct des procédures en question et de garantir que leurs objectifs ne soient pas compromis. Ainsi, la reconnaissance d’une telle présomption peut être fondée sur l’incompatibilité de l’accès aux documents de certaines procédures avec le bon déroulement de celles-ci et sur le risque qu’il soit porté atteinte à celles-ci, étant entendu que les présomptions générales de confidentialité permettent de préserver l’intégrité du déroulement de la procédure en limitant l’ingérence des tierces parties (arrêts du 7 septembre 2017, AlzChem/Commission, T‑451/15, non publié, EU:T:2017:588, point 21, et du 5 février 2018, MSD Animal Health Innovation et Intervet international/EMA, T‑729/15, EU:T:2018:67, point 26).

66      La reconnaissance d’une présomption générale de confidentialité au profit d’une nouvelle catégorie de documents suppose ainsi qu’il soit au préalable démontré que la divulgation du type de documents entrant dans cette catégorie serait, de manière raisonnablement prévisible, susceptible de porter effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception en question (arrêt du 28 mai 2020, Campbell/Commission, T‑701/18, EU:T:2020:224, point 39).

67      Dans ce contexte, il convient tout d’abord de déterminer si les documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision de la Commission ordonnant la récupération d’une aide d’État relèvent d’une phase d’enquête, ce que la requérante conteste. Le cas échéant, il conviendra ensuite d’apprécier si les caractéristiques d’une telle enquête justifient la reconnaissance d’une présomption générale de confidentialité couvrant lesdits documents.

i)      Sur l’existence d’une enquête

68      Il doit être rappelé que, si l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 prévoit que les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à la protection notamment des objectifs des activités d’enquête, la notion d’« activités d’enquête », au sens de cette disposition, n’est pas définie par ce règlement.

69      Selon la jurisprudence, la notion d’enquête, figurant à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, est une notion autonome du droit de l’Union, qui doit être interprétée en tenant compte, notamment, de son sens habituel ainsi que du contexte dans lequel elle s’insère (arrêt du 7 septembre 2017, France/Schlyter, C‑331/15 P, EU:C:2017:639, point 45). Étant donné que la notion d’« activités d’enquête » relève d’une exception à la règle générale en vertu de laquelle tous les documents doivent être rendus accessibles, elle doit être interprétée et appliquée de manière stricte (conclusions de l’avocat général Wathelet dans l’affaire France/Schlyter, C‑331/15 P, EU:C:2017:280, point 101).

70      Il y a lieu de considérer, sans qu’il soit besoin de dégager une définition exhaustive des « activités d’enquête », au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, que constitue une telle activité une procédure structurée et formalisée de la Commission dont l’objectif est la collecte et l’analyse d’informations afin que cette institution puisse adopter une position dans le cadre de l’exercice de ses fonctions prévues par les traités UE et FUE. Cette procédure ne doit pas nécessairement viser à détecter ou à poursuivre une infraction ou une irrégularité. La notion d’« enquête » est susceptible de couvrir également l’activité de la Commission visant à constater des faits afin d’évaluer une situation donnée (arrêt du 7 septembre 2017, France/Schlyter, C‑331/15 P, EU:C:2017:639, points 46 et 47).

71      Enfin, comme la Commission l’a indiqué dans la décision attaquée, s’agissant des procédures en matière d’aides d’État, la notion d’« enquête » ne vise pas uniquement à protéger les objectifs des activités d’enquêtes visant certaines entreprises [voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2018, Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest)/Commission, T‑39/17, non publié, EU:T:2018:560, point 70].

72      Il doit être constaté que, comme le fait valoir la Commission, dans le cadre de la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision imposant la récupération d’une aide d’État, elle recueille et évalue les informations fournies par l’État membre concerné afin de déterminer s’il a notamment pris toutes les mesures nécessaires pour récupérer entièrement l’aide et, le cas échéant, afin de décider de saisir la Cour conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

73      Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus, une telle activité constitue une procédure structurée et formalisée de la Commission dont l’objectif est la collecte et l’analyse d’informations afin que cette institution puisse adopter une position dans le cadre de l’exercice de ses fonctions.

74      De surcroît, il convient d’observer que, dans le cadre de la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision de la Commission imposant la récupération d’une aide d’État, il est prévu à l’article 28, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 que, « [s]i l’État membre concerné ne se conforme pas à une décision conditionnelle ou négative, en particulier dans le cas visé à l’article 16 du présent règlement, la Commission peut saisir directement la Cour […] conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ».

75      Il y a lieu de relever que l’article 108, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE ne prévoit pas de phase précontentieuse, à la différence de l’article 258 TFUE. Comme le soutient la Commission, la phase de contrôle de l’exécution de sa décision exigeant la récupération d’une aide d’État doit être considérée comme étant comparable à la phase précontentieuse de la procédure prévue à l’article 258 TFUE, laquelle correspond à des activités d’enquête au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001. En effet, ainsi que l’avocat général Wathelet l’a relevé, en substance, dans ses conclusions dans l’affaire France/Schlyter (C‑331/15 P, EU:C:2017:280, point 99), la notion d’« activités d’enquête » prévue par le règlement no 1049/2001 couvre la procédure en manquement, comme cela ressort de l’arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission (C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 70), et des investigations pouvant mener à l’ouverture de cette procédure (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, points 62 et 65).

76      Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante et comme l’avance la Commission, la procédure de contrôle de l’exécution de la décision ordonnant la récupération d’une aide d’État correspond à des activités d’enquête, conduites par la Commission, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, telle que définies dans la jurisprudence.

77      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, si la justification exposée par la Cour dans l’arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission (C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738), était applicable à des documents que la Commission pourrait utiliser éventuellement dans le cadre de futures procédures d’infraction potentielles, le principe de l’accès aux documents et le règlement no 1049/2001 seraient vidés de leur substance. Selon elle, presque tous les documents recueillis par la Commission dans n’importe quel contexte sont en effet susceptibles de ne pas être divulgués, puisque tout document pourrait être utilisé dans le cadre de procédures susceptibles d’avoir une incidence sur de potentielles enquêtes menées par la Commission, indépendamment des circonstances dans lesquelles il a été recueilli. Il suffit de constater à cet égard qu’il n’est pas question de potentielles enquêtes, mais d’une procédure administrative précise, dont le point de départ est une décision de la Commission qui définit les objectifs des activités d’enquête subséquentes à son adoption en vue d’une nouvelle prise de décision de sa part, relative à la saisine de la Cour conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

78      Par ailleurs, s’il ne saurait être nié qu’il existe un lien entre la phase d’adoption de la décision concernant une aide d’État et celle de contrôle de l’exécution de cette décision dans la mesure où la seconde est la conséquence de la première, il ne peut être considéré que, au regard de l’application de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, il existe une continuité procédurale entre ces deux phases. Force est en effet de constater que les activités d’enquête durant chacune d’elles diffèrent quant à la raison de leur lancement et à leur finalité. L’argumentation de la Commission à cet égard doit dès lors être rejetée.

ii)    Sur l’atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête

79      Selon la jurisprudence, pour justifier le refus d’accès à un document dont la divulgation a été demandée, il ne suffit pas, en principe, que ce document relève d’une activité mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. L’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union concerné doit également fournir des explications quant à la question de savoir comment l’accès audit document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue par cette disposition (arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 116 ; du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 44, et du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 68).

80      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la phase de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État doit être considérée comme étant comparable à la phase précontentieuse de la procédure prévue à l’article 258 TFUE (voir point 75 ci-dessus).

81      Or, selon une jurisprudence constante, il peut être présumé que la divulgation des documents afférents à une procédure en manquement, au cours de la phase précontentieuse de celle-ci, risque d’altérer le caractère de cette procédure ainsi que d’en modifier le déroulement et que, partant, cette divulgation porterait, en principe, atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 (arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 65, et du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356, point 40).

82      Il a été en effet considéré que le contrôle que la Commission était appelée à exercer dans le cadre d’une procédure en manquement relevait d’une fonction administrative, dans le cadre de laquelle elle disposait d’un large pouvoir discrétionnaire et engageait un dialogue bilatéral avec les États membres concernés. En revanche, les parties autres que ces États membres ne disposaient pas de garanties procédurales spécifiques dont le respect était soumis à un contrôle juridictionnel effectif (voir arrêt du 13 septembre 2013, ClientEarth/Commission, T‑111/11, EU:T:2013:482, point 74 et jurisprudence citée).

83      Dès lors, selon la jurisprudence, la Commission est en droit de préserver la confidentialité des documents réunis dans le cadre d’une enquête relative à une procédure en manquement dont la divulgation pourrait porter préjudice au climat de confiance devant exister, entre elle-même et l’État membre concerné, en vue d’une solution consensuelle aux infractions au droit de l’Union éventuellement identifiées (arrêt du 13 septembre 2013, ClientEarth/Commission, T‑111/11, EU:T:2013:482, point 60).

84      S’agissant de la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État, il y a lieu de tenir compte de la circonstance que cette procédure est bilatérale, puisqu’elle se déroule entre la Commission et l’État membre concerné. Dans le cadre de cette procédure, les parties intéressées autres que cet État membre ne bénéficient pas du droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission et aucun rôle particulier ne leur est réservé.

85      Partant, si les parties intéressées autres que l’État membre concerné étaient en mesure d’obtenir, sur le fondement du règlement no 1049/2001, l’accès aux documents du dossier administratif de la Commission relatif à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État, une telle divulgation serait susceptible de modifier la nature et le déroulement d’une telle procédure bilatérale, en permettant, le cas échéant, à des tiers de prendre position sur les informations fournies par l’État membre concerné et de porter ainsi atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête.

86      En effet, dans le cadre de la procédure de récupération d’une aide d’État, une coopération loyale et une confiance mutuelle entre la Commission et l’État responsable de l’octroi de l’aide sont indispensables afin de leur permettre de s’exprimer librement. Si ledit État membre est tenu d’exécuter la décision de la Commission et si cette dernière doit veiller à l’exécution de sa décision, la mise en œuvre de la décision de récupération nécessite des échanges entre la Commission et les autorités de l’État membre concerné, notamment, mais pas seulement, lorsque ce dernier rencontre des difficultés lors de la récupération.

87      Or, un dialogue bilatéral entre la Commission et l’État membre concerné peut permettre de s’assurer de la coopération loyale de ce dernier, tout en veillant de la part de la Commission à la bonne exécution de sa décision dans les meilleurs délais. Comme l’avance cette dernière, une divulgation des documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État compromettrait le suivi de cette procédure et la volonté des États membres de fournir des explications détaillées notamment sur l’état d’avancement de la récupération et sur les difficultés rencontrées lors de leur récupération. Il pourrait s’avérer ainsi encore plus difficile pour la Commission d’obtenir de telles informations ainsi que, le cas échéant, d’entamer un processus de négociation et de parvenir à un accord avec l’État membre concerné, mettant fin à un manquement qui pourrait être reproché à ce dernier, qui consisterait en l’inexécution de la décision de la Commission, afin de permettre que le droit de l’Union soit respecté et d’éviter un recours juridictionnel en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 63).

88      Partant, pour les mêmes raisons que celles invoquées à l’occasion d’une procédure en manquement, et notamment de la phase précontentieuse de celle-ci, rappelées aux points 81 et 83 ci-dessus, et compte tenu de la position particulière de l’État membre concerné dans le cadre de la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État, il convient d’admettre que, en principe, la divulgation de documents afférents à cette procédure compromettrait le dialogue et, partant, la collaboration entre la Commission et ledit État membre.

89      Il résulte des considérations qui précèdent que, eu égard à l’application de l’exception visée à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, les documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État relèvent d’une partie du dossier administratif de la Commission relatif à la ou aux mesures nationales en cause qui doit être distinguée de celle concernant la phase de qualification de la ou des mesures d’aide d’État (voir point 63 ci-dessus). De même, la phase d’enquête précédant l’adoption d’une décision concernant une aide d’État doit être distinguée de celle de contrôle de l’exécution de cette décision (voir point 78 ci-dessus). Partant, il convient de considérer que, contrairement à ce que la Commission a soutenu dans la décision attaquée, les documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État ne sont pas couverts par la présomption générale de confidentialité qui concerne les documents du dossier administratif afférent à une procédure de contrôle des aides d’État, telle que reconnue par la jurisprudence (voir point 53 ci-dessus).

90      En revanche, les raisons qui ont conduit à la reconnaissance d’une présomption générale, au titre de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, applicable aux documents réunis dans le cadre d’une enquête relative à une potentielle procédure en manquement justifient la reconnaissance d’une présomption générale, au titre de la même disposition, applicable aux documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État (voir point 88 ci-dessus).

91      Partant, il doit être considéré que c’est sans commettre d’erreur de droit que la Commission a considéré que les documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État étaient couverts par une présomption générale de confidentialité au titre de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001.

92      Il convient dès lors d’examiner si c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la Commission a appliqué, en l’espèce, la présomption générale de confidentialité mentionnée au point 91 ci-dessus.

b)      Sur l’application de la présomption générale de confidentialitéaux documents demandés

93      Dans la décision attaquée, la Commission a notamment indiqué, comme la requérante l’admet, que l’absence de respect de sa décision ordonnant la récupération de l’aide par l’État membre concerné pouvait conduire à l’ouverture d’une procédure en manquement. Elle a dès lors estimé que le raisonnement suivi pour reconnaître l’existence d’une présomption générale de confidentialité applicable aux documents réunis dans le cadre d’une enquête relative à une procédure en manquement s’appliquait mutatis mutandis pour refuser la divulgation des documents en cause en l’espèce.

94      À cet égard, s’il est exact que, comme la requérante le soutient, la Commission n’a pas, dans la décision attaquée, fait référence à la procédure de récupération d’une aide d’État visée à l’article 16 du règlement 2015/1589, il est néanmoins fait suffisamment clairement référence à la procédure de récupération et il est dès lors sans importance qu’elle n’ait pas cité cette disposition.

95      De plus, ainsi qu’il a été relevé au point 4 ci-dessus, la requérante a demandé l’accès aux documents pertinents de la Commission contenant des informations sur l’état d’avancement de la récupération et sur le montant de l’aide d’État récupéré par la République slovaque à la suite de la décision 2015/1826.

96      Partant, il doit être considéré que la Commission a pu sans commettre d’erreur d’appréciation considérer que les documents demandés étaient couverts par une présomption générale de confidentialité, fondée sur l’exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, s’appliquant aux documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État (voir point 91 ci-dessus).

97      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

98      En premier lieu, selon la requérante, le fait d’accueillir sa demande d’accès aux documents demandés ne pourrait pas porter atteinte à la volonté de la République slovaque de coopérer avec la Commission dans le cadre de son enquête. Même si, comme elle le soutient, sa demande ne concerne pas des arguments de fond présentés par cet État, cela n’est vrai que pour autant que ces arguments porteraient sur la qualification des mesures nationales examinées dans la décision 2015/1826. En revanche, sa demande est susceptible de concerner des arguments de fond dudit État relatifs à la mise en œuvre de ladite décision.

99      En deuxième lieu, la requérante soutient que, bien qu’il soit fait référence à de nombreux précédents dans la décision attaquée, aucun d’eux n’est applicable en l’espèce. Selon elle, l’arrêt du 11 décembre 2001, Petrie e.a./Commission (T‑191/99, EU:T:2001:284), l’ordonnance du 13 novembre 2012, ClientEarth e.a./Commission (T‑278/11, EU:T:2012:593), et l’arrêt du 19 septembre 2018, Chambre de commerce et d’industrie métropolitaine Bretagne-Ouest (port de Brest)/Commission (T‑39/17, non publié, EU:T:2018:560), concernaient des demandes d’accès à des « documents de fond » élaborés par la Commission au sujet d’une violation potentielle du droit de l’Union, et non des informations spécifiques relatives à l’état d’avancement du remboursement d’une aide d’État.

100    À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission a cité le troisième arrêt mentionné au point 99 ci-dessus afin d’étayer son affirmation selon laquelle les actions qu’elle engageait au stade de la mise en œuvre d’une décision constatant l’illégalité d’une aide d’État constituaient des activités d’enquête visées à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001. Il en va de même concernant l’arrêt du 7 septembre 2017, France/Schlyter (C‑331/15 P, EU:C:2017:639), auquel la requérante a entendu se référer dans ses écritures, ainsi qu’elle l’a précisé lors de l’audience, alors qu’elle avait mentionné à tort l’« arrêt France/Commission ». Enfin, la Commission a cité les deux premiers arrêts mentionnés au point 99 ci-dessus au soutien de son affirmation selon laquelle le raisonnement suivi concernant l’existence d’une présomption générale de confidentialité couvrant les documents concernant des enquêtes qui pourraient éventuellement déboucher sur une procédure en manquement était applicable mutatis mutandis aux documents comme ceux en cause en l’espèce. Or, il a été considéré que ces raisonnements de la Commission n’étaient pas entachés d’erreurs de droit.

101    En troisième lieu, la requérante prétend que, même s’il était admis, comme cela est suggéré par la Cour dans l’arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission (C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738), que des informations relatives à une procédure d’infraction puissent bénéficier de l’exception afférente à la protection des objectifs des activités d’enquête, elle n’a connaissance d’aucune procédure d’infraction qui aurait été engagée contre la République slovaque après l’adoption de la décision 2015/1826. À cet égard, il doit être constaté que, dans la mesure où cet État est tenu de récupérer l’aide d’État en cause en vertu de la décision 2015/1826 et que, conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission peut saisir directement la Cour en cas de non-respect de l’obligation de récupération, il n’est nul besoin que soit « engagée » une nouvelle procédure au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ou que soit « engagée » une procédure au titre de l’article 258 TFUE à l’encontre de cet État. En outre, contrairement à ce que la requérante fait également valoir, la Commission ne fait pas référence dans ses écritures à une procédure en manquement ouverte à l’encontre de la République slovaque en ce qui concerne l’exécution de la décision 2015/1826.

102    En quatrième lieu, la requérante allègue que la Commission ne peut pas se fonder sur une interprétation extensive des exceptions au principe général de la divulgation des documents publics, consacré par le règlement no 1049/2001, lorsque sa propre pratique souligne que les motifs qu’elle invoque ne sont pas applicables à la demande d’accès. Elle cite, à titre d’exemple, six affaires dans lesquelles la Commission aurait publié, avant l’ouverture de procédures d’infraction, des communiqués de presse comportant des informations comparables à celles qu’elle visait à obtenir par sa demande. Dans ces communiqués ainsi que dans sa lettre de juin 2015 informant AlzChem Trostberg AG de l’état d’avancement de la récupération par des tiers de certaines amendes en matière d’ententes, la Commission aurait ainsi démontré qu’il était possible de produire des données quantitatives sans divulguer des données substantielles. En l’espèce, elle aurait ainsi pu se limiter à ne révéler que les informations quantitatives relatives à l’état de la récupération de l’aide d’État en cause.

103    À cet égard, d’une part, il convient de relever que, dans les six affaires citées par la requérante, la Commission a décidé de publier, par voie de communiqués de presse, certaines informations, comme sa décision de saisir la Cour d’un recours dirigé contre chacun des six États membres concernés. Cependant, ainsi que la Commission le fait valoir, la publication de tels communiqués ne porte pas atteinte à l’applicabilité de la présomption générale de confidentialité aux documents concernant la phase d’exécution de la décision 2015/1826 (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2018, Campbell/Commission, T‑312/17, non publié, EU:T:2018:876, point 38). Cela est d’autant plus vrai, ainsi que la Commission le relève, lorsqu’elle n’a pas encore décidé d’introduire un recours devant la Cour.

104    D’autre part, dans la mesure où l’argumentation de la requérante pourrait être interprétée comme une demande d’accès partiel aux documents en cause, en ayant accès seulement à certaines informations, elle doit être écartée. En effet, la notion de document et celle d’information doivent être distinguées. Le droit d’accès du public à un document des institutions ne vise que des documents, et non des informations entendues de manière plus générale, et n’implique pas pour les institutions le devoir de répondre à toute demande de renseignements d’un particulier (arrêt du 25 avril 2007, WWF European Policy Programme/Conseil, T‑264/04, EU:T:2007:114, point 76).

105    De surcroît, dans la mesure où la requérante fait valoir que la Commission aurait pu lui transmettre un document faisant apparaître qu’un certain pourcentage de l’aide d’État illégale et incompatible avait été récupéré, cela reviendrait à lui communiquer une information substantielle, contrairement à ce qu’elle sous-entend. En tout état de cause, s’agissant de l’accès aux documents pour lesquels une présomption générale de confidentialité s’applique, tels que ceux demandés, ladite présomption signifie que les documents couverts par celle-ci échappent à l’obligation d’une divulgation, intégrale ou partielle, de leur contenu (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 68, et du 7 septembre 2017, AlzChem/Commission, T‑451/15, non publié, EU:T:2017:588, points 93 et 94 et jurisprudence citée).

106    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, les première et deuxième branches du premier moyen doivent être rejetées.

2.      Sur la quatrième branche, tirée d’une mise en œuvre discriminatoire des exceptions à la divulgation des informations relatives à la récupération

107    La requérante prétend que, dans la décision attaquée, la Commission a mis en œuvre de façon discriminatoire, en violation de l’article 20 de la charte des droits fondamentaux, des exceptions à la divulgation des informations relatives à la récupération de l’aide d’État. En premier lieu, elle fait valoir que, dans six affaires en matière d’aides d’État, la Commission a rendu publiques des informations portant sur des montants qui n’avaient pas été récupérés, et ce avant l’ouverture d’une procédure d’infraction à l’encontre des États membres concernés et alors que des procédures juridictionnelles relatives à la décision en matière d’aides d’État sous-jacente étaient en cours. L’intérêt allégué de la sauvegarde des activités d’enquête en cours ou des intérêts commerciaux n’aurait alors pas empêché la Commission de divulguer le nom des bénéficiaires, qui auraient été identifiés ou identifiables.

108    En second lieu, la requérante invoque dans la réplique la divulgation par la Commission d’informations quantitatives et substantielles concernant l’état de recouvrement d’amendes en matière d’ententes, alors que certaines des décisions les imposant faisaient l’objet de procédures devant le juge de l’Union.

109    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

110    Il convient de rappeler que l’article 20 de la charte des droits fondamentaux dispose que « [t]outes les personnes sont égales en droit ». Avant que l’article 6 TUE ne confère une force juridiquement contraignante à la charte des droits fondamentaux, la Cour avait déjà considéré que le principe d’égalité était un des principes généraux du droit de l’Union qui devaient être respectés par toute juridiction (voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 1977, Ruckdeschel e.a., 117/76 et 16/77, EU:C:1977:160, point 7). Le respect de ce principe requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2006, Franz Egenberger, C‑313/04, EU:C:2006:454, point 33 et jurisprudence citée).

111    En premier lieu, comme le fait valoir la requérante, dans la lettre du 24 avril 2019, la Commission lui a refusé l’accès aux documents demandés au motif que la décision 2015/1826 faisait l’objet d’une procédure pendante et que, partant, l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 s’appliquait. Cependant, force est de constater que cette considération n’a pas été reprise dans la décision attaquée et que la Commission, dans la décision qu’elle adopte en réponse à la demande confirmative, n’est nullement tenue de conserver le fondement juridique retenu à l’appui de sa réponse à la demande initiale (arrêt du 28 mars 2017, Deutsche Telekom/Commission, T‑210/15, EU:T:2017:224, point 83). Partant est dépourvu de pertinence le fait que, dans quatre des six affaires en matière d’aides d’État citées par la requérante pour lesquelles un communiqué de presse a été publié, les décisions de la Commission en vertu desquelles l’État membre concerné était tenu à une obligation de récupération de l’aide d’État en cause faisaient l’objet d’un recours pendant devant le juge de l’Union, comme en l’espèce s’agissant de la décision 2015/1826.

112    Par ailleurs doit être écarté l’argument de la requérante selon lequel il ne pourrait pas être compris comment la Commission a pu estimer que l’enquête sur la récupération de l’aide était close dans les six affaires qu’elle cite, alors que la notion d’enquêtes en cours, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, couvrirait les périodes pendant lesquelles les procédures se poursuivent devant le juge de l’Union. La situation aurait été alors la même dans ces six affaires et en l’espèce. Outre les considérations exposées au point 103 ci-dessus, il doit être précisé que, si la décision de la Commission constatant qu’une aide d’État a été accordée implique que cette institution estime que son enquête visant à déterminer l’existence d’une aide d’État l’a conduite à une conclusion, en revanche, le fait que ladite décision fasse l’objet d’un recours pendant devant le juge de l’Union a pour conséquence que les documents relatifs à ladite enquête demeurent couverts par une présomption générale de confidentialité. Il en va de même s’agissant des documents afférents à la phase de récupération d’une aide d’État lorsque la Commission décide de saisir la Cour, en considérant que sa décision exigeant la récupération de l’aide d’État en cause n’a pas été exécutée. Partant, même à supposer que la Commission ait pu estimer que l’enquête sur la récupération de l’aide avait été menée à son terme dans les six affaires qu’elle cite, il n’existe pas de différence entre celles-ci et la présente espèce quant à l’applicabilité de la présomption générale de confidentialité s’appliquant aux documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État.

113    Cependant, s’agissant des six affaires citées par la requérante, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas donné accès à des documents, mais a informé le public, par voie de communiqués de presse, de sa décision d’introduire un recours devant la Cour contre les États membres concernés, au motif que, selon elle, ils n’avaient pas exécuté des décisions exigeant la récupération d’une aide d’État. Dès lors, comme la Commission l’affirme, la situation dans ces six affaires diffère de celle de l’espèce en ce que la requérante a demandé à la Commission un accès à des documents en vertu du règlement no 1049/2001. De surcroît, il n’existe pas d’éléments permettant de considérer que la Commission ait pris la décision d’introduire un recours devant la Cour contre la République slovaque, en invoquant l’absence d’exécution de la décision 2015/1826 (voir point 101 ci-dessus).

114    En second lieu, concernant les affaires en matière de paiement d’amendes citées par la requérante, il doit être constaté que, comme la Commission l’invoque, les preuves présentées sont nouvelles, en ce qu’elles ont été produites au stade de la réplique. Or, la requérante n’a avancé aucun élément visant à démontrer que les documents produits, qui sont, d’une part, la demande d’accès aux documents introduite par AlzChem Trostberg en vertu du règlement no 1049/2001 en ce qui concerne le montant des amendes effectivement acquitté par les destinataires de plusieurs décisions de la Commission dans le cadre d’affaires en droit de la concurrence de l’Union (annexe C.1 de la réplique) et, d’autre part, la réponse de la Commission à cette demande (annexe C.2 de la réplique), n’étaient pas en sa possession au moment de l’introduction du recours, ni des éléments permettant d’établir les raisons pour lesquelles lesdites preuves n’ont pas été produites avec la requête. Partant, leur production au stade de la réplique est tardive et les annexes C.1 et C.2 de la réplique sont irrecevables en vertu de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure.

115    En tout état de cause, outre le fait que, à la différence de la procédure de récupération à la suite de la décision 2015/1826, trois des sept cas cités étaient clos et que la Commission, par sa lettre du 11 juin 2005, figurant à l’annexe C.2, n’a pas donné accès à des documents, mais a communiqué des informations, la récupération d’une aide d’État se situe, comme la Commission le fait valoir, dans un contexte juridique différent de celui du versement d’une amende infligée dans une décision qu’elle adopte en vertu de l’article 7 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1). Ainsi que la Commission l’expose, l’obligation de récupération d’une aide d’État n’est pas une sanction infligée au bénéficiaire de l’aide, ni au demeurant à l’État membre concerné, et la procédure de récupération se déroule exclusivement avec cet État, destinataire de la décision de récupération, en tant que seule partie ayant commis une infraction au droit de l’Union (article 108, paragraphe 3, TFUE), alors qu’une amende imposée à une entreprise sanctionne sa violation des règles de concurrence. L’ensemble de ces différences impliquent qu’il ne s’agit pas de situations comparables.

116    Il découle de tout ce qui précède qu’il ne saurait être reproché à la Commission une violation du principe de non-discrimination. Par conséquent, la quatrième branche du premier moyen doit être rejetée.

3.      Sur la cinquième branche, tirée de l’existence d’un intérêt public supérieur

117    La requérante fait valoir que, même à supposer que la Commission ait conclu à bon droit que sa demande concernait des documents couverts par les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, en premier lieu, elle aurait dû les divulguer sur le fondement de l’existence d’un intérêt public supérieur, consistant à garantir le droit à un recours effectif conformément à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux.

118    En second lieu, la requérante invoque l’importance de la transparence et du contrôle public sur les actions de la Commission. Ainsi, l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 devrait être interprétée à la lumière de l’objectif de la protection des objectifs des activités d’enquête et la Commission ne devrait pas être autorisée à l’utiliser dans le seul but de se soustraire au contrôle du public. Même si la requérante ne reproche pas à la Commission de ne pas ouvrir de procédure en manquement contre la République slovaque au titre de l’article 258 TFUE, car cette décision relèverait de son pouvoir discrétionnaire, cette institution serait néanmoins responsable à l’égard des citoyens de l’Union de son inaction.

119    La protection du budget des États membres contre les effets dévastateurs de la course aux aides d’État et l’exécution des décisions de la Commission en la matière relèveraient, chacune, d’un intérêt public supérieur, et non de l’intérêt privé de la requérante. Comme l’aurait observé la Commission dans son étude sur l’application au niveau national des règles de l’Union sur les aides d’État, deux institutions allemandes auraient souligné l’intérêt public lié à la récupération des aides d’État illégales.

120    La requérante ajoute que le juge de l’Union a procédé à une interprétation et à une application restrictives du règlement no 1049/2001, critiquées par le Parlement européen, alors que toute exception au droit d’accès aux documents ou toute limitation de ce droit devrait être interprétée strictement. Sa demande ne portant pas sur un document ou une information relevant du dossier de la Commission portant sur l’aide d’État mise à exécution par la République slovaque en faveur de NCHZ, la Commission ne devrait pas être autorisée à limiter encore davantage le droit fondamental d’accès aux documents des citoyens de l’Union.

121    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

122    Il convient de rappeler que, conformément à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, « [l]es institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection », notamment, à « des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé ».

123    Ainsi qu’il a été rappelé au point 43 ci-dessus, une présomption générale de confidentialité fondée sur l’exception relative à la protection des objectifs des activités d’enquête prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 n’exclut pas la possibilité de démontrer qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents visés.

124    Selon une jurisprudence constante, il incombe à celui qui fait valoir l’existence d’un intérêt public supérieur d’invoquer de manière concrète les circonstances justifiant la divulgation des documents concernés (voir arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 94 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 40).

125    Ainsi, le régime des exceptions prévu à l’article 4 du règlement no 1049/2001, et notamment au paragraphe 2 de cet article, est fondé sur une mise en balance des intérêts qui s’opposent dans une situation donnée, à savoir, d’une part, les intérêts qui seraient favorisés par la divulgation des documents concernés et, d’autre part, ceux qui seraient menacés par cette divulgation. La décision prise à propos d’une demande d’accès à des documents dépend de la question de savoir quel est l’intérêt qui doit prévaloir dans le cas d’espèce (voir arrêt du 7 septembre 2017, AlzChem/Commission, T‑451/15, non publié, EU:T:2017:588, point 66 et jurisprudence citée).

126    C’est au regard de ces principes qu’il convient d’analyser les arguments de la requérante.

127    En l’espèce, en premier lieu, dans la requête, la requérante invoque l’intérêt public supérieur consistant à garantir le droit à un recours effectif conformément à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux. Toutefois, il n’y a pas lieu d’examiner ce grief, car, interrogée à cet égard lors de l’audience, la requérante a confirmé l’absence de lien direct entre le refus d’accès aux documents demandés et l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux. Elle a également indiqué que le Tribunal ne devait pas tenir compte de la référence à l’existence d’un intérêt public supérieur consistant à garantir le droit à un recours effectif, telle que mentionnée dans le titre de la cinquième branche du premier moyen, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

128    En second lieu, la requérante invoque, en renvoyant au considérant 2 du règlement no 1049/2001, l’importance de la transparence et du contrôle public sur les actions de la Commission, qui ne devrait pas être autorisée à utiliser l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du même règlement dans le seul but de couvrir son inaction et de se soustraire au contrôle du public.

129    Il convient de relever que l’intérêt tenant à la transparence constitue certes un intérêt public, dans la mesure où il a un caractère objectif et général (arrêt du 11 décembre 2018, Arca Capital Bohemia/Commission, T‑440/17, EU:T:2018:898, point 76 ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 mai 2015, Technion et Technion Research & Development Foundation/Commission, T‑480/11, EU:T:2015:272, point 78 et jurisprudence citée). Cependant, ainsi qu’il a été rappelé au point 37 ci-dessus, en ce qui concerne la transparence et le contrôle public des actions que la Commission mène, les juridictions de l’Union ont reconnu que son activité administrative n’exigeait pas la même étendue de l’accès aux documents que celle requise par l’activité législative d’une institution de l’Union. En l’espèce, les documents demandés s’inscrivent manifestement dans le cadre d’une procédure administrative, à savoir une procédure de récupération d’une aide d’État à la suite d’une décision de la Commission.

130    En outre, des considérations générales relatives au principe de transparence et au droit du public d’être informé sur le travail des institutions ne sauraient justifier la divulgation de documents afférents à la procédure de contrôle de l’exécution de la décision de la Commission, laquelle peut déboucher sur la saisine de la Cour conformément à l’article 108, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE et est comparable à la phase précontentieuse d’une procédure en manquement (voir point 75 ci-dessus) (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, points 91 et 93).

131    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il incombe à la Commission, lorsqu’elle considère qu’un État membre a manqué à ses obligations, d’apprécier l’opportunité d’agir contre cet État, de déterminer les dispositions qu’il aurait violées et de choisir le moment où elle engagera la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE à son égard. Par conséquent, la requérante ou un citoyen ne dispose pas du droit d’exiger de la Commission qu’elle prenne une position dans un sens déterminé ou d’attaquer un refus de la Commission d’engager une procédure à l’encontre de la République slovaque (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, points 60 et 61).

132    Partant, l’objectif invoqué par la requérante pour justifier la divulgation des documents demandés, consistant à exercer un contrôle sur l’action de la Commission dans le cadre de la procédure de contrôle de l’exécution de la décision 2015/1826 en cause, revient à nier, contrairement à ce qu’elle affirme, l’existence du pouvoir d’appréciation discrétionnaire dont jouit cette institution dans le cadre de la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, deuxième alinéa, TFUE, alors que la présomption générale de confidentialité s’attachant à l’ensemble des documents relatifs à une telle procédure vise précisément à protéger, notamment, le caractère utile de l’action de la Commission dans le cadre de celles-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, points 61, 63 et 65).

133    De plus, la Commission, comme elle l’a relevé à juste titre, veille à informer le public sur l’avancement de dossiers d’infraction spécifiques par la publication de communiqués de presse (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2017, Justice & Environment/Commission, T‑727/15, non publié, EU:T:2017:18, point 60).

134    Par ailleurs, la requérante invoque, en substance, l’intérêt public relatif à l’exécution des décisions de la Commission en matière d’aides d’État ainsi que l’intérêt public de la protection du budget des États membres contre les effets dévastateurs de la course aux aides d’État et de l’obligation de réintégrer les aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur au budget des États membres visés par une décision en matière d’aides d’État. Cet argument ne saurait cependant prospérer. Ainsi que la Commission le fait valoir, le fait de donner accès à la requérante aux documents demandés ne permet pas de garantir l’intérêt public de la protection du budget des États membres par la récupération des aides d’État illégales.

135    Enfin, la requérante soutient que le juge de l’Union a procédé à une application restrictive du règlement no 1049/2001, alors que toute exception au droit d’accès aux documents ou toute limitation de ce droit devraient être interprétées strictement, et que, en substance, sa demande ne relevait pas de l’exception visant à protéger les objectifs des activités d’enquête. Or, dans la mesure où elle conteste le fait que sa demande d’accès pouvait être couverte par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, son argumentation porte sur une question distincte de celle de savoir si, en cas d’application d’une exception, un intérêt public supérieur permet d’écarter une telle application. Elle est dès lors dépourvue de pertinence dans le cadre de la présente branche. Elle a été au demeurant examinée et rejetée dans le cadre de la première branche du présent moyen.

136    Partant, la cinquième branche du premier moyen doit être rejetée ainsi que le premier moyen dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa troisième branche, dans la mesure où l’exception visant à protéger les enquêtes réalisées par les institutions de l’Union était un fondement autonome et suffisant pour justifier l’adoption de la décision attaquée et où une éventuelle erreur entachant le second motif de ladite décision, relatif à l’exception visant à protéger les intérêts commerciaux, faisant l’objet de la troisième branche du premier moyen serait en tout état de cause sans effet sur la légalité de cette décision.

C.      Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motiver le refus de donner un accès aux documents demandés dans une version non confidentielle ou dans les locaux de la Commission

137    La requérante indique avoir proposé, dans la demande confirmative, un accès aux documents dans une version non confidentielle ou dans les locaux de la Commission. Celle-ci aurait cependant considéré que, en raison de l’application de la présomption générale de confidentialité aux divulgations partielles, un accès partiel ne pouvait pas être accordé. La requérante estime que, puisqu’elle a réfuté tous les motifs susceptibles de justifier le refus de divulgation des documents demandés, dont les présomptions générales de confidentialité invoquées par la Commission, il résulte a contrario du raisonnement de cette dernière qu’elle aurait dû faire droit à sa demande, à tout le moins en lui accordant un accès partiel ou dans ses locaux, conformément, respectivement, à l’article 4, paragraphe 6, et à l’article 10 du règlement no 1049/2001. La Commission n’aurait toutefois pas exposé les motifs de son refus à cet égard.

138    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

139    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir arrêt du 22 avril 2008, Commission/Salzgitter, C‑408/04 P, EU:C:2008:236, point 56 et jurisprudence citée).

140    Il convient en outre de rappeler que la violation de l’obligation de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision litigieuse, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision (voir, en ce sens, arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67, et du 19 juin 2009, Qualcomm/Commission, T‑48/04, EU:T:2009:212, point 179). En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 181 et jurisprudence citée).

141    Dans la décision attaquée, la Commission a examiné la possibilité d’accorder à la requérante un accès partiel aux documents concernés, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001. Elle a précisé que les documents demandés étaient toutefois couverts par une présomption générale de confidentialité fondée sur les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du même règlement et qu’une telle présomption excluait la possibilité d’accorder un accès partiel au dossier. Elle a renvoyé à cet égard à l’arrêt du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission (C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 61).

142    Partant, il doit être considéré que la Commission a exposé les motifs pour lesquels elle rejetait la demande de la requérante visant à obtenir un accès aux documents dans une version non confidentielle ou dans ses locaux. Elle a ainsi mis la requérante en mesure de comprendre les motifs pour lesquels cette demande était refusée et permis au Tribunal d’exercer son contrôle. Partant, la décision attaquée est suffisamment motivée à cet égard.

143    Par ailleurs, dans la mesure où la requérante allègue que, puisqu’elle a réfuté tous les motifs susceptibles de justifier le refus de divulgation des documents demandés, la Commission aurait dû accéder à sa demande visant à obtenir un accès à ceux-ci dans une version non confidentielle ou dans ses locaux, force est de constater qu’elle n’invoque pas un défaut ou une insuffisance de la motivation de la décision attaquée, mais qu’elle conteste le bien-fondé de celle-ci. Cette argumentation ne saurait en tout état de cause davantage prospérer. En effet, la Commission ayant pu sans commettre d’erreur de droit ni d’appréciation opposer un refus à la demande de la requérante d’accès aux documents demandés en invoquant une présomption générale de confidentialité, l’argumentation de la requérante repose sur une prémisse erronée.

144    Partant, le second moyen doit être rejeté.

145    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le présent recours.

V.      Sur les dépens

146    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      AlzChem Group AG est condamnée aux dépens.

Spielmann

Spineanu-Matei

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.