Language of document : ECLI:EU:T:2003:47

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

27 février 2003(1)

«Fonctionnaires - Maladie professionnelle - Irrégularité de l'avis de la commission médicale - Opposition à un arrêt rendu par défaut»

Dans l'affaire T-20/00 OP,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d'agent, assisté de Me J.-L. Fagnart, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante sur opposition,

contre

Ivo Camacho-Fernandes, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Overijse (Belgique), représenté par Me N. Lhoëst, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse sur opposition,

ayant pour objet l'opposition formée contre l'arrêt du Tribunal du 15 novembre 2000, Camacho-Fernandes/Commission (T-20/00, RecFP p. I-A-249 et II-1149), rendu par défaut, portant annulation de la décision de la Commission du 10 février 1999 refusant de reconnaître l'origine professionnelle du cancer des poumons ayant entraîné le décès de l'épouse de M. Camacho-Fernandes,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, M. Vilaras et N. J. Forwood, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite des audiences du 27 juin 2001 et du 24 septembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    L'épouse de M. Camacho-Fernandes, Arlette Fernandes-De Corte, née le 28 mars 1934, est entrée au service de la Commission le 1er avril 1974. Elle a été affectée à Bruxelles, et a travaillé successivement dans l'immeuble Berlaymont, de 1974 à 1979, puis dans l'immeuble sis 130, rue de la Loi, de 1979 à 1994. Pendant ses années de service, elle a été membre du corps des pompiers ainsi que des secouristes bénévoles de première intervention de la Commission et, à ce titre, elle a participé à des exercices de feu dans les locaux des pompiers de Wavre (Belgique).

2.
    Après avoir souffert de nombreuses sinusites et irritations oculaires, ainsi que d'une bronchite chronique, elle a été atteinte d'un cancer du poumon, diagnostiqué en novembre 1993. Opérée le 1er décembre 1993, elle a été hospitalisée à nouveau le 5 mai 1994 et est décédée le 18 juillet 1994. Une autopsie a été effectuée par le docteur Ketelbant dont le rapport, en date du 22 juillet 1994, figure au dossier. En outre, du tissu pulmonaire a été prélevé sur le cadavre d'Arlette Fernandes-De Corte et ces prélèvements ont été envoyés pour examen à d'autres laboratoires européens. Les résultats respectifs de ces examens sont exposés dans les rapports du laboratoire du professeur Pooley à Cardiff (Royaume-Uni) du 16 août 1994, du laboratoire d'étude des particules inhalées de la mairie de Paris du 20 septembre 1994 et du laboratoire de l'hôpital Erasme à Bruxelles du 26 septembre 1994, annexés à la requête.

3.
    Le 15 mars 1994, Arlette Fernandes-De Corte avait introduit une demande de reconnaissance de l'origine professionnelle de sa maladie, au titre de l'article 73 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») et de la réglementation relative à la couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la «réglementation de couverture»), au motif que cette maladie aurait été due à une exposition à l'amiante ainsi qu'à d'autres agents polluants sur son lieu de travail et dans les locaux des pompiers de Wavre, au cours de ses années de service.

4.
    M. Camacho-Fernandes a introduit, le 7 avril 1995, une demande au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut visant à ce que l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») se prononce sur la demande initiale de son épouse.

5.
    Dans son rapport du 18 mai 1995, le docteur Dalem, médecin désigné par la Commission, a considéré que la maladie qui avait entraîné le décès d'Arlette Fernandes-De Corte n'était pas d'origine professionnelle. Le 23 juin 1995, l'AIPN a notifié à M. Camacho-Fernandes un projet de décision rejetant la demande de reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie d'Arlette Fernandes-De Corte.

6.
    Par lettre du 28 juin 1995, M. Camacho-Fernandes s'est opposé à ce projet de décision et a demandé la constitution d'une commission médicale, conformément à l'article 23 de la réglementation de couverture.

7.
    Afin de constituer la commission médicale, M. Camacho-Fernandes et la Commission ont désigné, respectivement, le docteur Joppart et le professeur Bartsch. Le 10 décembre 1995, le docteur Joppart a informé la Commission qu'il avait obtenu l'accord du professeur Bartsch en vue de la désignation du professeur Maltoni comme troisième membre de la commission médicale. Par courrier du 18 décembre 1995, le professeur Bartsch a informé le professeur Maltoni que la candidature de ce dernier n'avait pas été retenue par la Commission.

8.
    Les deux médecins désignés par les parties n'ayant pas pu se mettre d'accord sur la désignation d'un troisième médecin, le président de la Cour a désigné le professeur Quoix le 10 mai 1996, conformément à l'article 23, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la réglementation de couverture.

9.
    Par lettre du 20 juin 1996, le docteur Joppart a informé la Commission de sa décision de se retirer de la commission médicale en invoquant ses relations difficiles avec le professeur Bartsch, lequel aurait manqué, selon lui, à son obligation d'indépendance, ainsi que ses doutes quant à l'opportunité de la désignation du professeur Quoix. M. Camacho-Fernandes a désigné le professeur Maltoni pour remplacer le docteur Joppart au sein de la commission médicale.

10.
    La commission médicale s'est réunie le 7 octobre 1996 à Strasbourg (France), au cabinet du professeur Quoix. Il ressort du compte-rendu de cette réunion, annexé à la requête, que celle-ci a porté principalement sur des questions théoriques et procédurales ainsi que sur le caractère adéquat et pertinent des éléments médicaux figurant au dossier. Ainsi, le professeur Maltoni a réitéré ses demandes, déjà faites par courrier du 3 octobre 1996, tendant à ce que, outre un «interprète juré», un secrétaire indépendant assiste aux réunions de la commission médicale ou que les débats au sein de celle-ci soient enregistrés et à ce que les réunions se tiennent à une distance équivalente des trois villes de résidence de ses membres.

11.
    Par courrier du 20 juin 1997 adressé au professeur Bartsch, avec copie au professeur Quoix, le conseil de M. Camacho-Fernandes de l'époque, Me Eben, a réitéré les demandes faites par le professeur Maltoni et a insisté pour que la réunion suivante de la commission médicale se tienne soit à Bologne (Italie), lieu d'exercice de ce dernier, soit à Liège (Belgique), lieu d'exercice du professeur Bartsch.

12.
    Le professeur Quoix a fixé une réunion à son cabinet à Strasbourg, le 27 novembre 1997. Selon M. Camacho-Fernandes, le professeur Maltoni a informé les deux autres membres de la commission médicale, par l'intermédiaire de Me Eben, que, étant souffrant, il était dans l'impossibilité d'assister à la réunion prévue, dont il demandait le report à une date ultérieure.

13.
    Selon la Commission, c'est Me Eben lui-même qui a pris l'initiative de contacter les trois médecins pour les informer que la réunion était annulée, sans invoquer, à l'époque, la circonstance selon laquelle le professeur Maltoni était souffrant. Considérant qu'il n'existait aucune raison d'annuler la réunion, la Commission a, le 26 novembre 1997, confirmé aux trois médecins concernés que la réunion pouvait avoir lieu. Selon M. Camacho-Fernandes, le professeur Maltoni n'a reçu cette communication de la Commission que le matin même de la réunion, le 27 novembre 1997. Se trouvant à Bologne, il n'aurait donc pu se rendre à Strasbourg en temps utile afin d'y assister.

14.
    Les professeurs Quoix et Bartsch se sont réunis comme prévu le 27 novembre 1997, en l'absence du professeur Maltoni. À cette occasion, ils ont rédigé un rapport majoritaire, dans lequel ils considèrent qu'il n'est pas possible de conclure à l'origine professionnelle de la maladie d'Arlette Fernandes-De Corte. Ce rapport a été communiqué au professeur Maltoni par la Commission le 4 mars 1998, sous couvert d'une lettre l'invitant à le signer ou à faire, le cas échéant, des commentaires sur celui-ci.

15.
    Le 27 août 1998, le professeur Maltoni a rédigé et communiqué à la Commission un rapport minoritaire, dans lequel il conclut à l'origine professionnelle de la maladie d'Arlette Fernandes-De Corte. Par courrier du 27 octobre 1998, la Commission a envoyé une copie de ce rapport minoritaire du professeur Maltoni au professeur Quoix, avec copie au professeur Bartsch, et lui a demandé de fournir ses commentaires éventuels sur celui-ci dans les meilleurs délais.

16.
    Le 10 février 1999, la Commission a notifié à M. Camacho-Fernandes sa décision, confirmant le projet de décision du 23 juin 1995, de ne pas reconnaître l'origine professionnelle du cancer des poumons d'Arlette Fernandes-De Corte (ci-après la «décision litigieuse»), ainsi que le rapport majoritaire établi par les professeurs Quoix et Bartsch le 27 novembre 1997.

17.
    Le 7 mai 1999, M. Camacho-Fernandes a introduit une réclamation, au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision litigieuse. Cette réclamation a été rejetée par décision explicite du 8 octobre 1999.

18.
    Par lettre du 8 juillet 1999, les professeurs Quoix et Bartsch ont conjointement pris position sur les conclusions du professeur Maltoni en indiquant qu'ils ne pouvaient les accepter.

Procédure

19.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 janvier 2000, M. Camacho-Fernandes a introduit un recours en annulation contre la décision litigieuse. Par la même requête, il a demandé au Tribunal de condamner la Commission au paiement des honoraires et frais mis à sa charge en vertu de l'article 23, paragraphe 2, de la réglementation de couverture.

20.
    La Commission n'ayant pas déposé de mémoire en défense dans le délai prescrit et M. Camacho-Fernandes ayant demandé que lui soit adjugé le bénéfice de ses conclusions, conformément à l'article 122, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal (première chambre) a rendu, le 15 novembre 2000, un arrêt par défaut, Camacho-Fernandes/Commission (T-20/00, RecFP p. I-A-249 et II-1149). Considérant, sur la base de la requête et de ses annexes, que la première branche du premier moyen d'annulation, tirée de l'irrégularité de l'avis de la commission médicale en raison de la violation du principe de collégialité, était fondée, le Tribunal a annulé la décision litigieuse sans procéder à l'examen desautres arguments et moyens d'annulation du recours de M. Camacho-Fernandes. Pour le surplus, la demande de condamnation de la Commission a été rejetée comme irrecevable.

21.
    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 décembre 2000, la Commission a formé opposition contre l'arrêt rendu par défaut, conformément à l'article 122, paragraphe 4, du règlement de procédure.

22.
    Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 26 février 2001, M. Camacho-Fernandes a présenté ses observations sur l'opposition, conformément à l'article 122, paragraphe 5, du règlement de procédure.

23.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

24.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience du 27 juin 2001. Au terme de l'audience, la procédure orale a été clôturée.

25.
    Par ordonnance du 16 juillet 2001, le Tribunal (première chambre) a décidé de rouvrir la procédure orale, conformément à l'article 62 du règlement de procédure. Par ordonnance du 21 novembre 2001, le Tribunal (première chambre) a décidé, les parties entendues, de procéder à une expertise et a désigné un expert à cette fin. M. Camacho-Fernandes a déposé au greffe du Tribunal, le 31 décembre 2001, un document par lequel il a demandé la récusation de l'expert sur la base de l'article 73 du règlement de procédure. Par décision du 19 février 2002, le président de la première chambre du Tribunal a rejeté cette demande au motif qu'elle n'avait pas été introduite dans le délai de deux semaines prévu à l'article 73, paragraphe 2, du règlement de procédure.

26.
    Le rapport de l'expert est parvenu au Tribunal le 27 décembre 2001. Les deux parties ayant déposé leurs observations écrites sur ce rapport, le Tribunal a posé des questions orales à l'expert et a entendu les observations supplémentaires des parties lors de l'audience du 24 septembre 2002.

Conclusions des parties

27.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    faire droit à l'opposition et substituer à son arrêt du 15 novembre 2000 un arrêt rejetant le recours;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

28.
    M. Camacho-Fernandes conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer l'opposition recevable mais non fondée;

-    confirmer l'arrêt du 15 novembre 2000 en ce qu'il a annulé la décision litigieuse et condamné la Commission aux dépens;

-    pour le surplus, condamner la Commission au paiement des honoraires et frais médicaux qu'il a dû supporter dans le cadre des travaux de la commission médicale;

-    condamner la Commission aux dépens de l'instance.

En droit

29.
    Le premier moyen d'annulation soulevé par M. Camacho-Fernandes, tiré de l'irrégularité de l'avis de la commission médicale, s'articule en cinq branches. Premièrement, M. Camacho-Fernandes excipe du non-respect du principe de collégialité dans le fonctionnement de la commission médicale. Deuxièmement, il fait valoir que, contrairement à la demande du professeur Maltoni, les débats au sein de la commission médicale n'ont pas été enregistrés et qu'un compte-rendu n'en a pas été établi par un secrétaire indépendant. Troisièmement, la commission médicale n'aurait pas pris position sur des éléments importants. Quatrièmement, la commission médicale aurait émis son avis sur la base d'éléments factuels erronés. Cinquièmement, enfin, l'avis de la commission médicale ne ferait pas apparaître de lien compréhensible entre les constatations médicales et les conclusions qu'il contient.

30.
    À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les appréciations médicales proprement dites d'une commission médicale doivent être considérées comme définitives lorsqu'elles ont été émises dans des conditions régulières. Le juge est uniquement habilité à vérifier, d'une part, si la commission médicale a été constituée et a fonctionné régulièrement et, d'autre part, si son avis est régulier, et notamment s'il contient une motivation permettant d'apprécier les considérations sur lesquelles il est fondé et s'il établit, entre les constatations médicales et les conclusions qu'il comporte, un lien compréhensible (arrêt du Tribunal du 15 décembre 1999, Latino/Commission, T-300/97, RecFP p. I-A-259 et II-1263, point 41, et la jurisprudence citée).

Sur la première branche du premier moyen, tirée du non-respect du principe de collégialité dans le fonctionnement de la commission médicale

Arguments des parties

31.
    En ce qui concerne les arguments et motifs relatifs à la première branche du premier moyen, seule examinée par le Tribunal dans l'arrêt par défaut, la Commission fait valoir que c'est Me Eben, et non le professeur Maltoni, qui a pris l'initiative de contacter les trois médecins pour les informer que la réunion du 27novembre 1997 était annulée, sans prétendre, à l'époque, que le professeur Maltoni était souffrant. Selon elle, cette circonstance, dont le Tribunal ne pouvait avoir connaissance au moment du prononcé de son arrêt par défaut, change radicalement l'appréciation qu'il convient de porter sur la régularité de la procédure au regard de l'absence du professeur Maltoni lors de ladite réunion.

32.
    La Commission expose que le professeur Quoix a eu beaucoup de difficultés à organiser une deuxième réunion après celle du 7 octobre 1996, se heurtant, à chaque tentative, soit au silence, soit aux objections du professeur Maltoni. Le professeur Quoix aurait enfin réussi à fixer, en accord avec les autres membres de la commission médicale, un rendez-vous en son cabinet pour le 27 novembre 1997, ce dont il a informé la Commission le 14 octobre 1997. La Commission affirme qu'elle a confirmé au professeur Maltoni, le 13 novembre 1997, la date et l'heure de la réunion ainsi fixée.

33.
    Le 25 novembre 1997, Me Eben aurait avisé, par téléphone, M. Schuijt, fonctionnaire de la Commission, qu'il avait contacté les trois médecins pour leur signaler que la réunion était annulée. La Commission relève qu'il n'appartenait pas à Me Eben de prendre cette initiative, dès lors qu'il était étranger au collège des membres de la commission médicale. Considérant qu'il n'existait aucune raison d'annuler la réunion, les services de la Commission aurait donc confirmé aux trois médecins, le 26 novembre 1997, que celle-ci pouvait avoir lieu, comme prévu, le 27 novembre 1997.

34.
    Par ailleurs, la Commission fait valoir que, à supposer que le professeur Maltoni ait réellement été malade, comme l'affirme M. Camacho-Fernandes, il aurait pu être attendu qu'il en avise lui-même ses collègues, en s'excusant auprès d'eux et en proposant une nouvelle date pour la réunion, ce qu'il n'aurait jamais fait.

35.
    La Commission qualifie d'étonnante l'explication de l'absence du professeur Maltoni, liée à son état de santé, compte tenu, notamment, de la circonstance selon laquelle la prétendue maladie du professeur Maltoni a été alléguée pour la première fois dans la requête en annulation, déposée au greffe du Tribunal deux ans après la date de la réunion du 27 novembre 1997. Sa crédibilité serait encore remise en cause par la circonstance selon laquelle Me Eben ne l'a évoquée ni au cours de sa conversation téléphonique avec M. Schuijt du 25 novembre 1997, ni dans sa lettre du 8 janvier 1998 à la Commission par laquelle il contestait la validité de cette réunion et du rapport qui en était issu. Au contraire, Me Eben aurait affirmé, dans cette lettre, que l'empêchement du professeur Maltoni d'assister à la réunion du 27 novembre 1997 était dû au fait que ce dernier n'avait pas pu prendre acte en temps utile de la communication envoyée par la Commission la veille de cette réunion, soit le 26 novembre 1997, pour signaler que celle-ci était maintenue.

36.
    En outre, la Commission relève que le professeur Bartsch, demeurant à Liège, soit à des centaines de kilomètres de Strasbourg, a reçu, en temps utile, lacommunication confirmative qui lui a été adressée le 26 novembre 1997, puisqu'il a pu assister à la réunion du 27 novembre 1997.

37.
    Tout en reconnaissant que la commission médicale est un organe collégial, la Commission soutient que le principe de collégialité n'a pas pour objet d'autoriser l'un de ses membres à entraver les travaux de celle-ci, et moins encore de conférer un tel pouvoir à l'avocat de l'une des parties. Ainsi, dans des circonstances dans lesquelles il est démontré que des difficultés affectant l'organisation des travaux de la commission médicale résultent du comportement du fonctionnaire, ou de ceux qui le représentent, comme en l'espèce, l'institution ne devrait pas en assumer la responsabilité. Le principe qu'il conviendrait d'appliquer par analogie est celui énoncé par la Cour dans l'arrêt du 7 mai 1969, X/Commission de contrôle (12/68, Rec. p. 109), selon lequel, dans le cadre d'une procédure disciplinaire, un fonctionnaire ne saurait tirer argument d'une irrégularité procédurale qui résulte de sa propre attitude (voir également, à cet égard, l'arrêt du Tribunal du 16 mai 2000, Irving/Commission T-121/99, RecFP p. I-A-85 et II-357, point 70).

38.
    En l'espèce, l'attitude d'obstruction du professeur Maltoni lui-même tout comme la tentative de Me Eben d'annuler la réunion du 27 novembre 1997 auraient créé une situation exceptionnelle dans laquelle la commission médicale ne pouvait fonctionner de la façon habituelle. Dans ces circonstances, les deux autres membres de la commission médicale auraient été en droit de se réunir et de rédiger ensemble l'avis de la commission médicale, sous réserve de donner au professeur Maltoni la possibilité de faire des observations sur celui-ci, ainsi qu'ils l'ont fait. La Commission affirme, à cet égard, que les professeurs Quoix et Bartsch se sont concertés une nouvelle fois, après avoir reçu le rapport minoritaire du 27 août 1998, sans tenir une réunion, pour exposer, dans leur lettre du 8 juillet 1999, les motifs pour lesquels ils n'acceptaient pas l'argumentation avancée par le professeur Maltoni.

39.
    Par ailleurs, la Commission invoque l'arrêt du Tribunal du 29 janvier 1998, De Corte/Commission (T-62/96, RecFP p. I-A-31 et II-71). Selon l'institution, si les faits à l'origine de cet arrêt diffèrent de ceux de l'espèce, notamment dans la mesure où le requérant avait interdit à son médecin d'assister à la réunion de la commission médicale, le principe qu'il conviendrait d'en déduire est que le rapport de la commission médicale est valable lorsqu'il est signé par la majorité de ses membres, même si l'un d'eux ne participe pas à la décision pour un motif quelconque. En l'espèce, l'avis signé par deux membres de la commission médicale sur trois serait donc valable en tout état de cause.

40.
    Tout en prenant acte de ce que le Tribunal a considéré, dans son arrêt par défaut du 15 novembre 2000, que l'arrêt du 22 novembre 1990, V./Parlement (T-54/89, Rec. p. II-659), n'était pas transposable au cas d'espèce, la Commission souligne que le Tribunal ne disposait pas de son point de vue au moment où il a écarté cette jurisprudence. Selon la Commission, il y a une forte ressemblance entre lesfaits de la présente affaire et ceux de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt V./Parlement, précité.

41.
    En particulier, le Tribunal a considéré, dans l'arrêt V./Parlement, précité, que l'exigence de collégialité avait été respectée au sein d'une commission d'invalidité dans des circonstances dans lesquelles le médecin représentant le requérant avait demandé l'organisation d'une nouvelle réunion après avoir appris que le troisième médecin, qui avait réservé sa position lors d'une première réunion, partageait l'avis du médecin représentant l'institution et dans lesquelles, cette demande n'ayant pas été acceptée, les conclusions majoritaires, signées par les deux autres médecins, avaient été immédiatement communiquées à l'institution. Selon la Commission, les exigences de collégialité auraient été à plus forte raison respectées en l'espèce, dès lors que l'avis approuvé par les professeurs Bartsch et Quoix n'a pas été considéré comme définitif avant que ceux-ci n'aient eu l'occasion de prendre acte des observations faites par le professeur Maltoni dans son rapport minoritaire du 27 août 1998.

42.
    M. Camacho-Fernandes fait valoir que les faits présentés dans sa requête et sur lesquels le Tribunal s'est basé dans son arrêt par défaut du 15 novembre 2000 sont exacts et que, partant, il y a lieu de confirmer celui-ci dans la mesure où il annule la décision litigieuse. En effet, ce serait sans le moindre élément de preuve à l'appui, que la Commission reproche au professeur Maltoni d'avoir entravé les travaux de la commission médicale, notamment en omettant de répondre aux convocations du professeur Quoix.

43.
    Par ailleurs, M. Camacho-Fernandes produit un courrier du 18 novembre 1997 par lequel le professeur Maltoni fait part à Me Eben de son état de santé. Ce serait en réaction à cette communication, et non de sa propre initiative, que Me Eben a contacté les deux autres membres de la commission médicale pour annuler la réunion prévue pour le 27 novembre 1997.

44.
    En outre, M. Camacho-Fernandes relève que la Commission a pris la décision litigieuse, le 10 février 1999, sans attendre les observations des professeurs Bartsch et Quoix du 8 juillet 1999 sur le rapport minoritaire du professeur Maltoni. Le rapport majoritaire du 27 novembre 1997 aurait donc été considéré comme définitif par la Commission sans qu'il y ait eu de débat, même écrit, entre les trois médecins. Par ailleurs, la lettre du 8 juillet 1999 n'aurait pas été communiquée pour observations au professeur Maltoni, ce qui constituerait une violation des droits de la défense.

Appréciation du Tribunal

45.
    Il y a lieu d'examiner d'abord si, abstraction faite de l'absence du professeur Maltoni lors de la réunion du 27 novembre 1997, laquelle était imputable, selon la Commission, à M. Camacho-Fernandes en raison de l'intervention de son avocat,la commission médicale a fonctionné d'une manière qui respecte pleinement le principe de collégialité.

46.
    Sur cette question, il convient de considérer que, même dans l'hypothèse où la version des faits avancée par la Commission dans le cas d'espèce serait exacte, la commission médicale n'a pas fonctionné d'une manière adéquate au regard du principe de collégialité. En effet, à supposer même qu'il soit démontré, à suffisance de droit, que l'absence du professeur Maltoni lors de la réunion du 27 novembre 1997 était imputable à M. Camacho-Fernandes, cela ne signifie pas que la majorité des membres de la commission médicale était autorisée, de ce fait, à statuer sans chercher à consulter le professeur Maltoni.

47.
    Il convient de considérer qu'une commission médicale tripartite peut se réunir valablement à la majorité de ses membres, s'il s'avère difficile, voire impossible, de tenir une réunion à laquelle le troisième médecin accepte d'assister. Dans ce cas, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'institution ayant désigné ce troisième médecin ne saurait invoquer cette circonstance, en tant que telle, pour mettre en cause la régularité de la procédure devant la commission médicale (voir, par analogie, arrêts X/Commission de contrôle, précité, points 10 à 18, et Irving/Commission, précité, point 70). En effet, en l'absence de possibilité de réunion partielle mais majoritaire, aucune solution ne pourrait être apportée à une telle situation.

48.
    Toutefois, les deux membres d'une commission médicale tripartite qui se réunissent seuls et qui rédigent un rapport majoritaire ne doivent pas, à tout le moins dans des circonstances dans lesquelles les questions d'ordre médical n'ont pas été abordées de manière adéquate lors d'une précédente réunion (voir, a contrario, arrêt V./Parlement, précité, point 34), rendre ce rapport définitif avant de donner au troisième médecin l'occasion de faire valoir ses éventuelles observations par écrit sur une version provisoire de leur rapport et, pour leur part, de prendre en compte son point de vue, s'il choisit de l'exprimer, aux fins d'apprécier s'il convient de confirmer leur appréciation initiale. Si le troisième membre d'une commission médicale tripartite n'accepte toujours pas de participer aux travaux de celle-ci, cette fois par la voie écrite, les deux autres membres doivent pouvoir rédiger un rapport majoritaire en son absence et statuer ainsi à la majorité (voir en ce sens, arrêts V./Parlement, précité, point 34, et De Corte/Commission, précité, point 81, ainsi que la jurisprudence citée).

49.
    En l'espèce, force est de constater d'abord, sur la base du compte-rendu de la réunion du 7 octobre 1996, qui est la seule à laquelle ses trois membres ont assisté, que la commission médicale n'a pas examiné de manière collégiale l'origine de la maladie d'Arlette Fernandes-De Corte à cette occasion. La présence du professeur Maltoni à cette réunion ne permet donc pas de considérer, en l'espèce, que la commission médicale a fonctionné d'une manière qui respecte pleinement les exigences en matière de collégialité.

50.
    La commission médicale n'a pas non plus poursuivi son travail par la voie écrite exposée ci-dessus au point 48, à tout le moins de manière adéquate. À cet égard, si, par courrier du 27 octobre 1998, adressé au professeur Quoix avec copie au professeur Bartsch, la Commission a effectivement envoyé une copie du rapport minoritaire du professeur Maltoni, en date du 27 août 1998, aux autres membres de la commission médicale, force est de constater que ces derniers n'ont pas pris position sur ce rapport en temps utile. En effet, la Commission a notifié à M. Camacho-Fernandes, le 10 février 1999, sa décision de ne pas reconnaître l'origine professionnelle du cancer des poumons d'Arlette Fernandes-De Corte, alors que les auteurs du rapport majoritaire n'avaient pas pris position sur le rapport minoritaire du professeur Maltoni. Ce n'est qu'après l'adoption de cette décision, soit par lettre commune du 8 juillet 1999, qu'ils ont répondu à certaines des critiques du professeur Maltoni sans pourtant indiquer expressément s'ils maintenaient les conclusions retenues dans leur rapport majoritaire. Ainsi, dès lors que la Commission a traité le rapport majoritaire comme représentant la position définitive de la commission médicale aux fins de l'adoption de sa décision du 10 février 1999 alors que ce rapport n'avait pas été confirmé, à cette date, par ses auteurs à la lumière du rapport minoritaire du professeur Maltoni, force est de conclure que les exigences de collégialité n'ont pas été respectées de manière adéquate en l'espèce.

51.
    Par ailleurs, il convient de considérer que le fait pour les auteurs du rapport majoritaire de le confirmer après que la Commission s'est appuyée sur celui-ci pour adopter la décision litigieuse, le 10 février 1999, ne saurait pallier l'absence d'une telle confirmation avant cette date. En effet, sans nullement remettre en cause la bonne foi et l'indépendance des professeurs Bartsch et Quoix, force est de constater que l'adoption par la Commission d'une décision sur la base de leur rapport majoritaire a pu donner lieu à une pression, à tout le moins apparente, sur ces deux membres de la commission médicale les incitant à ne pas embarrasser l'administration en revenant sur la position qu'ils avaient exprimée dans ce rapport.

52.
    À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de considérer que la première branche du premier moyen est fondée et que, par voie de conséquence, l'arrêt d'annulation rendu par défaut le 15 novembre 2000 doit être confirmé, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens et arguments soulevés par les parties dans le cadre de la demande en annulation. En particulier, en ce qui concerne la cinquième branche du premier moyen, tirée de ce que l'avis majoritaire de la commission médicale ne fait pas apparaître de lien compréhensible entre les constatations médicales et les conclusions qu'il contient, l'expertise qui a été réalisée en tant que mesure d'instruction et l'audience du 24 septembre 2002 s'y rapportant n'ont pas permis d'éclairer cette question d'une manière exhaustive. Il n'y pas lieu en l'espèce, compte tenu notamment de la nécessité de clore la présente procédure dans un délai raisonnable, d'ordonner une seconde expertise.

Sur la demande de remboursement des frais et honoraires médicaux

Arguments des parties

53.
    M. Camacho-Fernandes demande au Tribunal de faire droit à la demande de remboursement des frais et honoraires médicaux qu'il a encourus dans le cadre de la procédure devant la commission médicale, formulée dans sa requête et rejetée au point 23 de l'arrêt par défaut du 15 novembre 2000. Le Tribunal disposant en matière pécuniaire d'une compétence de pleine juridiction en vertu de l'article 91 du statut, ce serait à tort qu'il a considéré cette demande irrecevable dans son arrêt par défaut au motif qu'il appartenait à la Commission de prendre, le cas échéant, les mesures que comporte l'exécution de celui-ci. Par ailleurs, les travaux de la première commission médicale étant entachés d'un vice de procédure, les frais y afférant devraient, en tout état de cause, être supportés par la Commission, même si la répartition des frais relatifs aux travaux de la nouvelle commission médicale, qui devra être constituée, dépendront de l'issue de la procédure devant celle-ci.

Appréciation du Tribunal

54.
    Dans la présente procédure sur opposition, il n'y a pas lieu de répondre à cette demande. En effet, le Tribunal a déjà rejeté comme irrecevable, sur la base de la seule requête, la demande initiale visant à la condamnation de la Commission au paiement des honoraires et frais médicaux relatifs aux travaux de la commission médicale dans son arrêt par défaut, lequel est exécutoire en vertu de l'article 122, paragraphe 3, du règlement de procédure, à moins que le Tribunal ne le suspende par voie de référé. De plus, l'article 122, paragraphe 6, du règlement de procédure, en prévoyant que la minute du présent arrêt est annexée à celle de l'arrêt par défaut, implique nécessairement que l'arrêt par défaut survit à l'arrêt rendu sur opposition et continue de produire des effets de droit per se. Dans ces conditions, et compte tenu de ce que cet aspect de l'arrêt n'a évidemment pas été soulevé dans l'acte d'opposition, M. Camacho-Fernandes ne peut plus remettre en cause la décision du Tribunal en réponse à cette demande devant cette même juridiction.

Sur les dépens

55.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé sur l'essentiel, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de M. Camacho-Fernandes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)    L'opposition est rejetée.

2)    La Commission est condamnée aux dépens de l'opposition.

Vesterdorf
Vilaras

Forwood

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 février 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le français.