Language of document : ECLI:EU:T:2012:70

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 février 2012 (*)

« Recours en annulation – Règlement (CE) n° 530/2008 – Reconstitution des stocks de thon rouge – Fixation des TAC pour 2008 – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑305/08,

République italienne, représentée par Me F. Arena, avvocato dello Stato,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Banks et M. D. Nardi, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’article 1er du règlement (CE) n° 530/2008 de la Commission, du 12 juin 2008, établissant des mesures d’urgence en ce qui concerne les senneurs à senne coulissante pêchant le thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée (JO L 155, p. 9),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, V. Vadapalas (rapporteur) et K. O’Higgins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige

1        En application de l’article 7 du règlement (CE) n° 2371/2002 du Conseil, du 20 décembre 2002, relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche (JO L 358, p. 59), la Commission des Communautés européennes a, le 12 juin 2008, adopté le règlement (CE) n° 530/2008, établissant des mesures d’urgence en ce qui concerne les senneurs à senne coulissante pêchant le thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée (JO L 155, p. 9) (ci-après le « règlement attaqué »), dont les articles 1er à 3 énoncent :

« Article premier

La pêche du thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée, par des senneurs à senne coulissante battant pavillon de la Grèce, de la France, de l’Italie, de Chypre et de Malte, ou enregistrés dans ces États membres, est interdite à compter du 16 juin 2008.

Il est également interdit de conserver à bord, de mettre en cage aux fins de l’engraissement ou de l’élevage, de transborder, de transférer ou de débarquer des poissons de ce stock capturés par ces navires à compter de cette date.

Article 2

La pêche du thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée, par des senneurs à senne coulissante battant pavillon de l’Espagne, ou enregistrés dans cet État membre, est interdite à compter du 23 juin 2008.

Il est également interdit de conserver à bord, de mettre en cage aux fins de l’engraissement ou de l’élevage, de transborder, de transférer ou de débarquer des poissons de ce stock capturés par ces navires à compter de cette date.

Article 3

1.      Sans préjudice des dispositions du paragraphe 2, à compter du 16 juin 2008, les opérateurs communautaires refusent les débarquements, les mises en cage à des fins d’engraissement ou d’élevage ainsi que les transbordements dans les eaux ou dans les ports communautaires de thon rouge capturé par des senneurs à senne coulissante dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée.

2.      Le débarquement, la mise en cage aux fins de l’engraissement ou de l’élevage ainsi que le transbordement dans les eaux et dans les ports communautaires de thon rouge capturé dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée, par des senneurs à senne coulissante battant pavillon de l’Espagne, ou enregistrés dans cet État membre, sont autorisés jusqu’au 23 juin 2008. »

2        Le 12 juin 2008, le ministre des Politiques agricoles, alimentaires et forestières italien a demandé à la Commission la suspension de la mesure d’interdiction à compter du 16 juin 2008, de la pêche du thon rouge par les senneurs à senne coulissante battant pavillon italien en raison de l’important impact social et économique que celle-ci aurait sur un secteur déjà en état de crise.

3        Le 17 juin 2008, la Commission a indiqué qu’il lui était impossible d’agir dans le sens demandé par le ministre.

 Procédure et conclusions des parties

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 août 2008, la République italienne a introduit le présent recours.

5        La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er du règlement attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

6        La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

7        Par ordonnance du 25 mars 2010, le président de la sixième chambre du Tribunal, les parties entendues, a ordonné la suspension de la procédure dans la présente affaire jusqu’au prononcé de la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑221/09, AJD Tuna.

8        La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

9        La décision, dans l’attente de laquelle la procédure dans la présente affaire a été suspendue, étant intervenue par arrêt de la Cour du 17 mars 2011, AJD Tuna (C‑221/09, non encore publié au Recueil), les parties ont été invitées à se prononcer sur les conséquences qu’elles tiraient de cette décision pour la présente affaire.

10      Les parties ont soumis leurs observations le 5 mai 2011. La Commission a fait valoir que l’arrêt AJD Tuna, précité, confortait dans une large mesure sa position, exposée dans son mémoire en défense et sa duplique, selon laquelle le recours dans l’affaire T‑305/08 devait être rejeté comme étant non fondé. Quant à la République italienne, elle a soutenu, aux points 2 et 5 de ses observations, que « le Tribunal, après avoir pris acte de la déclaration d’invalidité du règlement [attaqué] à la suite de l’arrêt de la Cour [AJD Tuna] précité, devrait déclarer le recours sans objet » et que « le Tribunal […] n’aura d’autre choix que de déclarer l’affaire [T‑305/08] close, l’objet du recours initialement introduit ayant disparu ».

11      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, le Tribunal a invité la République italienne à préciser si, eu égard à la teneur de ses réponses aux questions du Tribunal déposées le 5 mai 2011, elle considérait que le recours était devenu sans objet et qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur celui-ci, au titre de l’article 113 du règlement de procédure. Le Tribunal a également invité la Commission à soumettre ses observations quant à l’opportunité, pour lui, de constater que le recours était devenu sans objet, conformément à cette dernière disposition.

12      Par lettre du 14 novembre 2011, la République italienne a confirmé que « le Tribunal, prenant acte de ce que […] la Cour [avait] constaté l’invalidité du règlement attaqué, [aurait dû] déclarer que le recours [était] devenu sans objet, sans qu’il [ait été] nécessaire de statuer expressément sur ledit recours, du moment que la Cour [avait] déjà constaté l’invalidité de l’acte attaqué ». La Commission a, par lettre du 11 novembre 2011, considéré, pour sa part, qu’un non-lieu à statuer ne saurait être prononcé en l’espèce. Selon elle, la déclaration d’invalidité du règlement attaqué, prononcée par la Cour dans l’arrêt AJD Tuna, précité, n’étant que partielle, il serait nécessaire que le Tribunal se prononce sur les points de fait et de droit non abordés dans ledit arrêt.

 En droit

13      Conformément à l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, les parties entendues, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer. Il résulte de l’article 114, paragraphe 3, de ce même règlement que, sauf décision contraire du Tribunal, la suite de la procédure est orale.

14      En l’espèce, le Tribunal considère que par les lettres du 5 mai et du 14 novembre 2011, la République italienne soulève un incident de procédure qu’il convient de régler sans procédure orale, conformément à l’article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure.

15      Il convient de relever que, en cours d’instance, la Cour a dit pour droit, au point 3 du dispositif de l’arrêt AJD Tuna, précité :

« Le règlement [attaqué] est invalide dans la mesure où, ayant été adoptées sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 2371/2002, les interdictions qu’il édicte prennent effet à compter du 23 juin 2008 en ce qui concerne les senneurs à senne coulissante battant pavillon espagnol ou enregistrés dans cet État membre et les opérateurs communautaires ayant conclu des contrats avec eux alors que ces interdictions prennent effet à compter du 16 juin 2008 pour les senneurs à senne coulissante qui battent pavillon maltais, grec, français, italien ainsi que chypriote ou enregistrés dans ces États membres et les opérateurs communautaires ayant conclu des contrats avec eux, sans que cette différence de traitement soit objectivement justifiée. »

16      Selon la requérante, à la suite de cet arrêt, l’objet du recours a disparu, si bien qu’il y a lieu pour le Tribunal de faire application de l’article 113 du règlement de procédure.

17      La Commission s’oppose toutefois à ce que le présent recours soit déclaré sans objet, principalement au motif qu’il ressortirait clairement de l’arrêt AJD Tuna, précité, que le règlement attaqué n’aurait été jugé que partiellement invalide, à savoir uniquement en ce qui concerne les interdictions qu’il édicte à l’égard de l’Espagne à compter du 23 juin 2008. Selon elle, l’invalidité concerne le report au 23 juin 2008 de l’entrée en vigueur des mesures d’interdiction et résulte de l’absence de justification du délai supplémentaire accordé pour les seuls senneurs espagnols, sans que les interdictions prenant effet le 16 juin 2008 aient été invalidées. Or, elle fait valoir que, dans la mesure où l’interdiction de pêche à l’égard de la République italienne a justement pris effet le 16 juin 2008, l’invalidité partielle n’affecte pas les effets du règlement attaqué sur la requérante.

18      À cet égard, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétend la Commission, il ne ressort nullement de l’arrêt AJD Tuna, précité, que seules les interdictions prenant effet le 23 août 2008, prévues à l’article 2 du règlement attaqué, seraient invalidées et que celles prenant effet le 16 août 2008, prévues à l’article 1er dudit règlement, demeureraient valides à la suite de l’arrêt de la Cour. Force est de constater que cette dernière s’est bornée à juger que, en interdisant la pêche du thon rouge à deux dates différentes alors que rien ne le justifiait, la Commission a violé le principe de non-discrimination. Toutefois, rien dans l’arrêt AJD Tuna, précité, ne permet d’affirmer que la Cour a validé l’interdiction de la pêche du thon rouge à une date plutôt qu’à une autre. La seule conclusion qui puisse être tirée du raisonnement suivi dans ledit arrêt, est que, dès lors que la Commission n’a choisi ni le 16 juin 2008, ni le 23 juin 2008, ni une autre date commune, comme date d’interdiction effective de la pêche du thon rouge pour l’ensemble des senneurs à senne coulissante, le règlement attaqué est invalide dans son ensemble au motif qu’il viole le principe de non-discrimination.

19      Cette interprétation est d’ailleurs pleinement corroborée par les points 131 à 133 des conclusions de l’avocat général Mme Trstenjak, sous l’arrêt AJD Tuna, précité, dans lesquels il est notamment indiqué que, « [e]n vertu de la jurisprudence constante, l’annulation partielle d’un acte communautaire n’est possible que lorsque les éléments dont l’annulation est demandée peuvent être détachés du reste de l’acte », que « la violation du principe de non-discrimination […] conduit [en l’espèce] à l’invalidité des articles 1er et 2, du règlement [attaqué] qui ont pour effet que les senneurs à senne coulissante espagnols sont traités plus favorablement que les autres navires visés par ce règlement », et que, l’article 3 du même règlement devrait être invalidé comme conséquence de l’invalidité des articles 1er et 2. Il convient d’ajouter, au demeurant, que, si la Cour avait considéré que le règlement attaqué ne devait être invalidé qu’en ce qui concerne le report au 23 juin 2008 de l’entrée en vigueur des mesures d’interdiction de la pêche du thon rouge, il ne fait aucun doute que la Cour aurait dit pour droit que seul l’article 2 dudit règlement était invalide en raison de la violation du principe de non-discrimination.

20      Le règlement attaqué étant invalidé dans son ensemble, il appartient donc au Tribunal de vérifier si, comme le soutient la République italienne, le recours en annulation est devenu sans objet.

21      À cet égard, il convient de souligner que, par le recours, la République italienne tend, en substance, à l’annulation du règlement attaqué afin que ce dernier ne produise plus d’effets.

22      Or, force est de relever que, la Cour ayant invalidé le règlement attaqué par son arrêt AJD Tuna, précité, la République italienne est parvenue au résultat recherché. En effet, ainsi que cela ressort d’une jurisprudence constante, les actes des institutions de l’Union produisent des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés, annulés dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 octobre 2004, Commission/Grèce, C‑475/01, Rec. p. I‑8923, point 18, et la jurisprudence citée).

23      Dans de telles circonstances, il doit être considéré que l’invalidité du règlement attaqué produit, en l’espèce, des effets équivalents à ceux d’un arrêt d’annulation, lesdits effets présentant, en principe et sauf limitation expresse résultant de l’arrêt d’invalidation, un effet rétroactif à compter de la date d’entrée en vigueur de la règle interprétée, à l’instar d’un arrêt d’annulation (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 26 avril 1994, Roquette Frères, C‑228/92, Rec. p. I‑1445, points 17 et 19, et du 12 février 2008, Kempter, C‑2/06, Rec. p. I‑411, point 35). Ainsi, un arrêt qui annulerait ledit règlement, à présent invalidé, n’entraînerait aucune conséquence juridique supplémentaire, ainsi que le soutient en substance la République italienne, par rapport aux conséquences de l’invalidité prononcée.

24      En effet, alors même que la République italienne n’a pas à démontrer l’existence d’un intérêt à agir lorsqu’elle introduit un recours en annulation sur le fondement de l’article 230 CE, cet intérêt à agir doit toutefois perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours, par son résultat, soit susceptible de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. Si l’intérêt à agir du requérant disparaît au cours de la procédure, une décision du Tribunal sur le fond ne saurait procurer aucun bénéfice à celui-ci (arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, points 42 et 43). Il s’ensuit que, compte tenu de l’autorité de la chose jugée qui s’attache à l’arrêt AJD Tuna, précité, le présent recours est devenu sans objet ainsi que le soutient la République italienne.

25      II résulte de ce qui précède qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

 Sur les dépens

26      L’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure dispose que, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. En l’espèce, il est constant que, postérieurement à l’introduction du présent recours, le règlement attaqué a été invalidé par l’arrêt AJD Tuna, précité, au motif que la Commission avait violé le principe de non-discrimination. Dans la mesure où c’est cette violation qui a conduit au non-lieu à statuer, il y a lieu de condamner la Commission à supporter les dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 14 février 2012.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       S. Papasavvas


* Langue de procédure : l’italien.