Language of document : ECLI:EU:T:2023:854

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

20 décembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale Haus & Grund – Causes de nullité absolue – Caractère descriptif – Caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 40/94 [devenus article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑779/22,

Transport Werk GmbH, établie à Offenbach-sur-le-Main (Allemagne), représentée par Me D. Donath, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. M. Eberl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Haus & Grund Deutschland Zentralverband der Deutschen Haus-, Wohnungs- und Grundeigentümer eV, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Me K. Welkerling, avocat,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, MM. U. Öberg (rapporteur) et P. Zilgalvis, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Transport Werk GmbH, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 26 octobre 2022 (affaire R 84/2022-5) (ci‑après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 29 janvier 2021, la requérante a présenté une demande en nullité de la marque de l’Union européenne verbale Haus & Grund qui a été enregistrée à la suite d’une demande déposée par l’intervenante,  Haus & Grund Deutschland Zentralverband der Deutschen Haus-, Wohnungs- und Grundeigentümer eV, le 14 août 2008 en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        Les produits et les services couverts par la marque contestée relevaient des classes 9, 16, 35, 36, 38, 42 et 45 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Supports de données ; logiciels pour l’acquisition, la vente, l’administration, la location, l’érection et l’exploitation de bâtiments, installations et équipements » ;

–        classe 16 : « Produits de l’imprimerie » ;

–        classe 35 : « Publicité ; services de gestion d’affaires ; administration commerciale ; services de conseils en affaires ; travaux de bureau ; recherche, collecte, compilation systématique d’informations, y compris de jugements et décisions judiciaires ainsi que dispositions de tous types » ;

–        classe 36 : « Affaires immobilières ; avis d’expertise dans le secteur des assurances, de la finance, de l’immobilier et des affaires monétaires » ;

–        classe 38 : « Fourniture de nouvelles, y compris jugements et décisions judiciaires ainsi que dispositions de tous types » ;

–        classe 42 : « Avis d’expertise techniques ; conseils techniques ; création de logiciels pour l’acquisition, la vente, la location, l’érection, l’administration et l’exploitation de bâtiments, installations et équipements ; création de logiciels pour l’optimisation de la gestion, la rentabilité, l’utilisation, la commercialisation et la conservation de la valeur de biens immobiliers et équipements » ;

–        classe 45 : « Services juridiques ».

4        Les causes invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient celles visées à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du même règlement.

5        Le 29 novembre 2021, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

6        Le 14 janvier 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

8        La chambre de recours a d’abord examiné la cause de nullité absolue selon laquelle la marque contestée serait descriptive pour tous les produits et les services visés au point 3  ci-dessus au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

9        La chambre de recours a considéré, en substance, que le public pertinent était le public germanophone de l’Union européenne composé de professionnels et de consommateurs issus du grand public dont le niveau d’attention variait de moyen à élevé.

10      La chambre de recours a relevé que le premier mot de la marque contestée, « haus », signifiait notamment « bâtiment » et que le second mot de cette marque, « grund », pourrait se comprendre notamment dans le sens de « surface terrestre » ou « terrain ». La référence, contenue dans l’expression « haus & grund », à la combinaison d’une maison et d’un terrain, pourrait devoir être qualifiée d’indication descriptive si le public pertinent l’associait au langage allemand courant. Toutefois, la chambre de recours a considéré qu’il y avait lieu d’en douter pour les produits et les services en cause.

11      Cette conclusion correspondrait aux constatations, énoncées dans l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) du 31 juillet 2008 n° I ZR 21/06 concernant une procédure portant sur le caractère distinctif de l’expression « haus & grund » lorsqu’elle est utilisée comme dénomination sociale.

12      Au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué qu’il ne ressort pas non plus des documents présentés par la requérante que le public pertinent attribuera à l’expression « haus & grund » une signification concrète décrivant les produits et les services couverts par la marque contestée.

13      Par ailleurs, la chambre de recours a constaté que tous les exemples d’utilisation de l’expression « haus & grund », cités par la requérante, prouvaient sans exception l’existence d’un lien avec la titulaire de la marque contestée et suggéraient que cette expression avait été utilisée en tant que marque.

14      Compte tenu de ces éléments, la chambre de recours a constaté, au point 41 de la décision attaquée, qu’un lien suffisamment direct et spécifique entre la signification de l’expression « haus & grund » et les produits et les services en cause ne saurait être supposé.

15      La chambre de recours a enfin examiné la cause de nullité absolue selon laquelle la marque contestée serait dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle a relevé que la requérante a soutenu l’absence de caractère distinctif par le caractère descriptif de la marque de l’Union européenne. Or, la chambre de recours a estimé qu’il n’y avait pas lieu de constater l’existence de ce dernier.

 Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        enjoindre à l’EUIPO de supprimer du registre des marques de l’Union européenne la marque contestée pour l’ensemble des produits et des services relevant des classes 9, 16, 35, 36, 38, 42, et 45 ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

17      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens si une audience est organisée.

18      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

19      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 14 août 2008, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 40/94 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

20      Par conséquent, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par la requérante et l’intervenante dans leurs écritures à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et à l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et l’article 51, paragraphe 1, sous a), d’une teneur identique du règlement n° 40/94.

21      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

 Sur le deuxième chef de conclusions de la requérante

22      L’EUIPO conteste la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante, invitant le Tribunal à enjoindre à l’EUIPO de supprimer du registre des marques de l’Union européenne la marque contestée pour tous les produits et les services couverts par celle-ci.

23      Il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union contre la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier est tenu, conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement no 40/94, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’EUIPO, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 20 et jurisprudence citée].

24      À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union (voir ordonnance de la Cour du 26 octobre 1995, Pevasa et Inpesca/Commission, C‑199/94 P et C‑200/94 P, EU:C:1995:360, point 24 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, Suède/Commission, T‑260/16, EU:T:2018:597, point 104 et jurisprudence citée). Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le deuxième chef de conclusions de la requérante pour cause d’incompétence.

 Sur le fond

25      À l’appui du recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94 et, le second, d’une violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement

26      La requérante considère que la marque contestée présente un caractère descriptif des produits et des services qu’elle couvre et que la chambre de recours aurait ainsi violé l’article 51, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94.

27      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

28      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, la nullité d’une marque de l’Union européenne est déclarée, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, lorsque cette marque a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du même règlement.

29      En vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ».

30      Selon une jurisprudence constante, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les indications ou les signes descriptifs des caractéristiques de produits ou de services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche dès lors que ces signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque [voir arrêts du 15 janvier 2013, BSH/OHMI (ecoDoor), T‑625/11, EU:T:2013:14, point 14 et jurisprudence citée ; du 19 décembre 2019, Currency One/EUIPO – Cinkciarz.pl (CINKCIARZ), T‑501/18, EU:T:2019:879, point 41 et jurisprudence citée, et du 4 mai 2022, Sturz/EUIPO – Clatronic International (STEAKER), T‑261/21, non publié, EU:T:2022:269, point 25 et jurisprudence citée].

31      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, il faut que celui-ci présente avec les produits ou les services en cause un lien suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de ces produits ou de ces services ou de l’une de leurs caractéristiques [voir arrêt du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].

32      Pour qu’une marque composée de plusieurs mots soit considérée comme descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, il ne suffit pas qu’un éventuel caractère descriptif soit constaté pour chacun des termes pris séparément. Un tel caractère doit également être constaté pour l’ensemble qu’ils composent (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2001, Procter & Gamble/OHMI, C‑383/99 P, EU:C:2001:461, point 40).

33      Une marque composée de plusieurs mots dont chacun est descriptif des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou de ces services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, sauf s’il existe un écart perceptible entre les mots et la simple somme des éléments qui les composent. Cela suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, les mots créent une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui les composent, en sorte qu’ils priment la somme desdits éléments (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2005, PAPERLAB, T‑19/04, EU:T:2005:247, point 27).

34      L’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport à la perception qu’en a le public concerné et, d’autre part, par rapport aux produits ou aux services visés [voir arrêt du 14 mai 2013, Unister/OHMI (fluege.de), T‑244/12, EU:T:2013:243, point 19 et jurisprudence citée].

35      Par ailleurs, pour que l’EUIPO oppose un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n40/94, il n’est pas nécessaire que le signe en cause soit effectivement utilisé à des fins descriptives, mais uniquement qu’il puisse être utilisé à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de cette disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés [voir arrêt du 16 décembre 2010, Deutsche Steinzeug Cremer & Breuer/OHMI (CHROMA), T‑281/09, EU:T:2010:537, point 28 et jurisprudence citée].

36      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le premier moyen soulevé dans le cadre du présent recours.

37      En l’espèce, s’agissant du public pertinent, la requérante ne conteste pas le constat de la chambre de recours selon lequel la marque contestée est composée de mots allemands, de sorte que l’examen des motifs absolus de refus doit être effectué par référence au public germanophone de l’Union. Elle ne conteste pas non plus le constat selon lequel les produits et les services en cause s’adressaient au public professionnel et aux consommateurs issus du grand public.

38      Aucun élément du dossier ne permet de remettre d’office en cause de telles appréciations.

39      En revanche, la requérante conteste la constatation de la chambre de recours, au point 28 de la décision attaquée, selon laquelle le niveau d’attention du public pertinent variera de moyen à élevé étant donné que la majorité des produits et des services s’adresse à des consommateurs très attentifs en raison du prix généralement élevé des bâtiments, installations, équipements et biens immobiliers, et du caractère mûrement réfléchi de l’achat qu’ils impliquent. Ainsi, il y a lieu, selon la requérante, de partir du principe que le niveau d’attention du public pertinent est élevé.

40      À cet égard, force est de constater, comme l’a souligné à bon droit  l’EUIPO, qu’il ressort de la jurisprudence, que la question de savoir si le consommateur relevant du public concerné fait preuve d’une attention faible, moyenne ou élevée s’avère étrangère à l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94 [arrêts du 19 décembre 2019, Vereinigung der Bayerischen Wirtschaft/EUIPO (eVoter), T‑175/19, non publié, EU:T:2019:874, point 25, et du 23 février 2022, Govern d’Andorra/EUIPO (Andorra), T‑806/19, non publié, EU:T:2022:87, point 28].

41      Dans ces conditions, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait erronément considéré que le niveau d’attention du public pertinent variait de moyen à supérieur à la moyenne doit, en tout état de cause, être rejeté.

42      En ce qui concerne le caractère descriptif de la marque contestée, la requérante fait valoir que la marque contestée est descriptive des produits et des services en cause. Elle soutient que le terme « haus » désigne un bâtiment destiné à l’habitation, au travail, au stockage ou à l’utilisation de biens et que le terme « grund » est compris par le public pertinent, en lien avec les produits et les services contestés, comme signifiant « propriété immobilière » ou « terrain ». Ainsi, les produits et services en cause concerneraient la « maison » et le « fonds de terre », c’est-à-dire des bâtiments et des terrains non bâtis. Les termes « Haus & Grund » recouvriraient par conséquent des biens immobiliers bâtis et non bâtis et il n’existerait pas de chevauchement de contenu dans la combinaison de ces deux mots. Cela serait également immédiatement visible et manifeste pour le public pertinent attentif.

43      La requérante ajoute que le fait d’accoler les deux mots en cause ne crée pas une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des mots « haus » et « grund ». Une telle combinaison de mots serait conforme aux règles syntaxiques et grammaticales allemandes et ne serait pas inhabituelle dans la structure de cette langue. Ainsi, il serait inexact de prétendre, comme le fait la chambre de recours, que le public ciblé serait contraint de recourir à un raisonnement particulièrement complexe.

44      Enfin, la requérante fait valoir que la référence faite à l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) du 31 juillet 2008 n° I ZR21/06, cité à l’appui du raisonnement de la chambre de recours, selon lequel la marque contestée ne constitue pas une indication descriptive, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, serait dépourvue de toute pertinence juridique. Premièrement, le régime des marques de l’Union européenne constituerait un système autonome, son application étant indépendante de tout système national. Deuxièmement, la décision du Bundgerichtshof (Cour fédérale de justice) porterait uniquement sur la question de savoir si Haus & Grund en tant que dénomination sociale possède encore un caractère distinctif intrinsèque suffisant au sens de l’article 5 du Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichen (loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs), du 25 octobre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 3082, et BGBl. 1995 I, p. 156, ci-après le « Markengesetz »).

45      L’EUIPO estime que la chambre de recours n’a pas violé l’article 51, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94. Il soutient que la requérante n’a pas démontré que l’expression « haus & grund » a une signification claire et descriptive des produits et des services en cause. Plus précisément, selon l’EUIPO, la référence à la combinaison d’une maison et d’un terrain contenue dans l’expression « haus & grund » ne saurait être associée à l’usage linguistique allemand normal à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée, à savoir le 14 août 2008. Cette expression dans son ensemble ne transmettrait pas d’information concrète sur les produits relevant des classes 9 et 16 et les services relevant des classes 35, 36, 38, 42 et 45. Ainsi, un lien direct et spécifique entre la signification de l’expression « haus & grund » et lesdits produits et services ne saurait être supposé.

46      Par ailleurs, la requérante n’aurait pas démontré que l’expression « haus & grund » dans son ensemble est effectivement utilisée sur le marché pertinent pour décrire les produits ou les services concernés, ou l’une de leurs caractéristiques objectives, intrinsèques et durables. Les exemples d’utilisation cités par la requérante démontreraient un lien avec l’utilisation que fait l’intervenante de l’expression « haus & grund » et suggèreraient donc un usage de l’expression en tant que marque.

47      L’EUIPO ajoute que la chambre de recours s’est référée à la jurisprudence du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) uniquement pour souligner davantage que la marque contestée n’est pas descriptive mais distinctive, et non en tant qu’argument unique ou principal.

48      L’intervenante soutient que l’examen des motifs absolus de refus au regard des dispositions du Markengesetz est calqué sur l’examen de ces motifs au regard du règlement no 40/94. Ainsi, elle estime qu’il convient de considérer, conformément à la jurisprudence du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice), que la marque contestée est un signe distinctif et non descriptif en langue allemande. La requérante n’examinerait les éléments verbaux que de manière isolée au lieu, comme il le faudrait, d’examiner leur combinaison, telle qu’elle résulte de la demande. Par conséquent, la requérante ne se pencherait pas sur la jurisprudence pertinente du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) relative au signe protégé par la marque contestée.

49      L’intervenante ne conteste pas que, considéré de manière isolée, l’élément « haus » du signe est synonyme d’un certain type de bâtiment. En revanche, l’élément « grund » du signe présenterait de nombreuses significations, à savoir « le fond d’un cours d’eau », « le fond d’un lac », « le fond d’un récipient », « une circonstance », « un fait » ou « un motif ». Ainsi, un élément de la marque serait équivoque et vague, faisant l’objet d’une interprétation par le public pertinent. Par conséquent, l’enregistrement ne saurait être refusé au motif que le signe a une fonction exclusivement descriptive.

50      Il y a lieu d’examiner si, en l’espèce, le public pertinent percevra la signification des éléments verbaux de la marque contestée, à savoir « haus & grund », comme étant descriptive des produits relevant des classes 9 et 16 ainsi que des services relevant des classes 35, 36, 38, 42 et 45.

51      Le Tribunal constate, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 30 de la décision attaquée, et sans que les parties ne le contestent, que le terme « haus » signifie notamment bâtiment et que le terme « grund » signifie, entre autres, « surface terrestre » ou « terrain ».

52      La seule circonstance que le mot « grund » puisse également revêtir d’autres significations est, à cet égard, dépourvue de pertinence aux fins d’apprécier le caractère descriptif de la marque contestée [arrêt du 21 décembre 2022, European Lotto and Betting/EUIPO – Tipp24 Services (Cash4Life), T‑554/21, non publié, EU:T:2022:841, point 32]. En effet, selon la jurisprudence, un signe doit être refusé à l’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il caractérise l’existence d’un motif absolu de refus [arrêt du 12 décembre 2019, Conte/EUIPO (CANNABIS STORE AMSTERDAM), T‑683/18, EU:T:2019:855, point 25].

53      Il n’est en l’espèce pas contesté que l’expression « haus & grund » est composée de mots communs, d’usage courant et compréhensibles par toute personne ayant une connaissance de la langue allemande.

54      L’EUIPO et l’intervenante soutiennent que l’expression « haus & grund » a une signification différente de celle de la réunion des éléments qui le composent étant donné que ladite expression ne saurait être associée à l’usage linguistique allemand normal à la date de la demande d’enregistrement de la marque contestée, sans toutefois expliquer quelle pourrait être cette signification. Cet argument est donc dépourvu de fondement.

55      Il est donc raisonnable d’estimer que, prise dans son ensemble, la marque contestée sera comprise directement et sans autre réflexion dans le sens de « Haus & Grund ». En effet, eu égard à sa structure, qui n’est pas inhabituelle, et au fait qu’elle est conforme aux règles de la langue allemande, cette marque ne crée pas, auprès du public pertinent, une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple juxtaposition des mots qui la composent pour en modifier le sens ou la portée (arrêt du 22 juin 2005, PAPERLAB, T‑19/04, EU:T:2005:247, point 32).

56      Il résulte de ces éléments que le public pertinent est à même de comprendre la signification de l’expression « haus & grund », prise dans son ensemble. 

57      Les produits compris dans la classe 9 et les services compris dans les classes 36 et 42 couverts par la marque contestée concernent, en substance, l’immobilier. Le Tribunal constate, contrairement à la chambre de recours, que pris ensemble, les termes « haus », « & » et « Grund » sont, au regard de ces produits et ces services, dotés d’une signification claire et non équivoque.

58      Bien que l’expression « haus & grund » ne peut être considérée comme synonyme de la notion de « biens immobiliers », les composants de cette expression doivent être appréciés dans le contexte de produits et services liés à l’acquisition, la vente, l’administration, la location, l’érection et l’exploitation de bâtiments. Ainsi, le mot « haus » recouvre des biens immobiliers bâtis et le mot « grund » recouvre des biens immobiliers non bâtis.

59      La combinaison des mots allemands « haus » et « grund » sera donc directement comprise par le public germanophone comme l’informant que les produits compris dans la classe 9 et les services compris dans les classes 36 et 42 couverts par la marque contestée sont spécifiquement destinés à des biens immobiliers bâtis et non bâtis.

60      Ainsi, l’expression « haus & grund », associée aux produits compris dans la classe 9 et aux services compris dans les classes 36 et 42, qui concernent des biens immobiliers, renseigne directement sur l’activité de l’intervenante, sur sa spécialisation et sur l’objet des produits et des services concernés. Dès lors, il y a lieu de constater que, appliqué aux auxdits produits et services, le signe Haus & Grund informe directement le public pertinent d’une caractéristique essentielle de ceux‑ci.

61      Par conséquent, en l’espèce, le rapport existant entre la marque contestée et les produits compris dans la classe 9 et les services compris dans les classes 36 et 42 couverts par cette marque est suffisamment direct et concret pour que le public pertinent perçoive immédiatement et sans un effort mental particulier ladite marque comme étant la description de l’une des caractéristiques de ces produits et ces services. En effet, pour le grand public germanophone, le message transmis par l’expression « haus & grund » concernant des biens immobiliers sera dépourvu d’ambiguïté, car les mots composant cette expression seront compris conformément à l’une de leurs significations de base, et ladite expression ne présente pas de particularités, d’ordre grammatical ou sémantique, susceptibles de modifier ces significations de base.

62      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de l’intervenante selon lequel l’arrêt du 31 juillet 2008 du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a confirmé que la marque contestée n’était pas descriptive. En effet, cet arrêt vise uniquement la question de savoir si l’élément « haus & grund », en tant que dénomination sociale, possédait un caractère distinctif intrinsèque suffisant au sens de l’article 5 du Markengesetz.

63      Certes, l’article 5 du Markengesetz dispose ce qui suit :

« 1. Les enseignes et les titres d’œuvres sont protégés en tant que désignations commerciales.

2. Les enseignes sont des signes qui, dans la vie des affaires, sont utilisés en tant que nom commercial, dénomination sociale, ou désignation particulière d’une activité commerciale ou d’une entreprise. Aux désignations commerciales sont assimilés tous signes commerciaux et autres signes particuliers permettant de distinguer une activité commerciale d’autres activités commerciales et qui, au sein du public pertinent, sont considérés comme signes distinctifs d’une entreprise.

[...] »

64      Or, le fait qu’un terme fasse partie des différents éléments verbaux de la dénomination sociale d’une personne morale est dénué de pertinence aux fins de l’examen du caractère descriptif de ce terme, eu égard à la circonstance qu’un tel examen est effectué par rapport aux produits et aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et par rapport à la perception qu’en ont les milieux intéressés (voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2018, J. Portugal Ramos Vinhos, C‑629/17, EU:C:2018:988, point 27).

65      Par conséquent, il y a lieu de conclure que la marque contestée doit être considérée comme descriptive des produits compris dans la classe 9 et des services compris dans les classes 36 et 42 couverts par cette marque.

66      En revanche, le Tribunal constate qu’il n’existe pas de rapport suffisamment direct et concret entre des biens immobiliers bâtis et non bâtis, sens du signe verbal Haus & Grund, et les « produits de l’imprimerie » relevant de la classe 16, les services de « publicité ; services de gestion d’affaires ; administration commerciale ; services de conseils en affaires ; travaux de bureau ; recherche, collecte, compilation systématique d’informations, y compris de jugements et décisions judiciaires ainsi que dispositions de tous types », relevant de la classe 35, les « fourniture de nouvelles, y compris jugements et décisions judiciaires ainsi que dispositions de tous types », relevant de la classe 38, ainsi que les « services juridiques » relevant de la classe 45.

67      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, par l’emploi, à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, des termes « l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci », le législateur de l’Union a, d’une part, indiqué que ces termes devaient tous être considérés comme correspondant à des caractéristiques de produits ou de services et, d’autre part, précisé que cette liste n’était pas exhaustive, toute autre caractéristique de produits ou de services pouvant également être prise en compte (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 49).

68      Le choix, par le législateur de l’Union, du terme « caractéristique » met en exergue le fait que les signes visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, ne sont que ceux qui servent à désigner une propriété, facilement reconnaissable par les milieux intéressés, des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Ainsi, un signe ne saurait être refusé à l’enregistrement sur le fondement de cette disposition , que s’il est raisonnable d’envisager qu’il sera effectivement reconnu par les milieux intéressés comme une description de l’une desdites caractéristiques (voir arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 50 et jurisprudence citée).

69      De plus, s’il est indifférent qu’une telle caractéristique soit essentielle ou accessoire sur le plan commercial [arrêt du 16 octobre 2014, Larrañaga Otaño/OHMI (GRAPHENE), T‑458/13, EU:T:2014:891, point 20], une caractéristique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, doit néanmoins être « objective et inhérente à la nature du produit » ou du service ainsi qu’ « intrinsèque et permanente » pour ce produit ou ce service [arrêt du 7 mai 2019, Fissler/EUIPO (vita), T‑423/18, EU:T:2019:291, point 44].

70      En l’espèce, force est de constater qu’aucun élément du dossier ne permet d’établir un lien suffisamment direct et concret entre des biens immobiliers bâtis et non bâtis et les produits compris dans la classe 16 ainsi que les services compris dans les classes 35, 38 et 45 couverts par la marque contestée. En effet, ces produits et ces services peuvent être fournis dans un grand nombre de domaines, dont le domaine des biens immobiliers n’est qu’un exemple parmi d’autres. Ainsi, des biens immobiliers bâtis et non bâtis ne constituent pas une caractéristique « intrinsèque » et « inhérente à la nature » des produits et des services visés.

71      Le simple fait que les produits compris dans la classe 16 et les services compris dans les classes 35, 38 et 45 couverts par la marque contestée peuvent potentiellement être fournis dans le contexte du secteur immobilier, n’établit pas un lien suffisamment direct et concret entre le signe verbal Haus & Grund et ces produits et ces services. En effet, il n’est pas raisonnable d’envisager que, de ce simple fait, des biens immobiliers bâtis et non bâtis seraient effectivement reconnus par le public pertinent comme une description d’une caractéristique intrinsèque ou inhérente à la nature de ces produits et services.

72      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le premier moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94 pour les produits compris dans la classe 9 et les services compris dans les classes 36 et 42 visés au point 3 ci-dessus.

73      Or il résulte de la jurisprudence qu’il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 40/94 s’applique pour qu’un signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne (arrêt du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, EU:C:2002:506, point 29).

74      Partant, il y a lieu d’annuler la décision attaquée en ce qui concerne les produits compris dans la classe 9 et les services compris dans les classes 36 et 42, sans qu’il soit, à cet égard, nécessaire de se prononcer sur le second moyen de la requérante.

75      En revanche, dans la mesure où la décision attaquée n’est annulée qu’en ce qui concerne les produits compris dans la classe 9 et les services compris dans les classes 36 et 42, il convient néanmoins d’examiner le second moyen de la requérante en ce qui concerne les autres produits et services couverts par la marque contestée.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement

76      La requérante fait valoir, en substance, que, dans la mesure où la marque contestée est descriptive des produits et des services qu’elle couvre au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, elle est nécessairement dépourvue de caractère distinctif au regard de ces produits et de ces services au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. La requérante ajoute que la marque contestée ne serait ni particulièrement originale ni notoire et qu’elle n’exigerait pas une certaine interprétation ou un certain effort de la part du public ciblé. À cet égard, la requérante fait valoir que le Deutsche Patent- und Markenamt (Office des brevets et des marques allemand) avait rejeté une demande d’enregistrement de la marque verbale Haus & Grund aktuell pour des produits relevant de la classe 16 en raison de son absence de caractère distinctif.

77       L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

78      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

79      À cet égard, un minimum de caractère distinctif suffit à faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n40/94 [arrêt du 7 février 2002, Mag Instrument/OHMI (Forme de lampes de poche), T‑88/00, EU:T:2002:28, point 34].

80      Or, compte tenu des réponses apportées au premier moyen, l’argumentation de la requérante doit être écartée en tant qu’elle repose sur l’affirmation du caractère descriptif de la marque contestée pour les produits compris dans la classe 16 et les services compris dans les classes 35, 38 et 45 couverts par cette marque.

81      Ensuite, le lien entre la signification de l’expression « haus & grund », qui renvoie à des biens immobiliers bâtis et non bâtis, et les produits compris dans la classe 16 ainsi que les services compris dans les classes 35, 38 et 45 couverts par la marque contestée, qui ne sont pas nécessairement liés aux biens immobiliers, est tout au plus faible, voire inexistant. En l’espèce, la marque contestée pourrait présenter, tout au plus, un caractère allusif très réduit pour certains de ces produits et de ces services. En outre, en raison de sa structure simple et de sa brièveté, cette expression sera aisément mémorisable par le public pertinent. Partant, la marque contestée jouit, à tout le moins, d’un minimum de caractère distinctif, de sorte qu’elle apparaît apte à indiquer au consommateur l’origine commerciale de ces produits et de ces services.

82      Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel l’Office des brevets et des marques allemand avait rejeté une demande d’enregistrement de la marque verbale Haus & Grund aktuell. En effet, force est de constater que cette marque n’est pas identique au signe Haus & Grund litigieux. Par ailleurs, le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national (voir arrêt du 12 décembre 2013, Rivella International/OHMI, C‑445/12 P, EU:C:2013:826, point 48 et jurisprudence citée).

83      Il résulte de ce qui précède que le signe verbal Haus & Grund présente un certain caractère distinctif au regard des produits compris dans la classe 16 et des services compris dans les classes 35, 38 et 45 couverts par la marque contestée.

84      Compte tenu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le second moyen de la requérante.

85      Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée pour les produits relevant de la classe 9 et les services relevant des classes 36 et 42 et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. L’EUIPO et la requérante ayant respectivement succombé sur l’un ou l’autre chef, il y a lieu de condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

87      En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 26 octobre 2022 (affaire R 84/20225) est annulée en tant qu’elle a rejeté le recours contre la décision de la division d’annulation du 29 novembre 2021 relative à la marque de l’Union européenne verbale Haus & Grund pour ce qui concerne les « supports de données ; logiciels pour l’acquisition, la vente, l’administration, la location, l’érection et l’exploitation de bâtiments, installations et équipements », relevant de la classe 9, les « affaires immobilières ; avis d’expertise dans le secteur des assurances, de la finance, de l’immobilier et des affaires monétaires », relevant de la classe 36, et les « avis d’expertise techniques ; conseils techniques ; création de logiciels pour l’acquisition, la vente, la location, l’érection, l’administration et l’exploitation de bâtiments, installations et équipements ; création de logiciels pour l’optimisation de la gestion, la rentabilité, l’utilisation, la commercialisation et la conservation de la valeur de biens immobiliers et équipements », relevant de la classe 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Costeira

Öberg

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 décembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.