Language of document : ECLI:EU:T:2002:39

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

26 février 2002 (1)

«Acte du Parlement - Recours en annulation - Recevabilité - Immunité des membres du Parlement - Office européen de lutte antifraude (OLAF) - Pouvoir d'enquête»

Dans l'affaire T-17/00,

Willi Rothley, demeurant à Rockenhausen (Allemagne), et les 70 autres requérants dont les noms figurent en annexe au présent arrêt, représentés par Mes H.-J. Rabe et G. Berrisch, avocats,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par MM. J. Schoo et H. Krück, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenu par

Conseil de l'Union européenne, représenté par Mme J. Aussant, MM. M. Bauer et I. Díez Parra, en qualité d'agents,

par

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J.-L. Dewost, H.-P. Hartvig et U. Wölker, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

par

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes H. G. Sevenster et J. van Bakel, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

et par

République française, représentée par MM. G. de Bergues, S. Pailler, Mme C. Vasak, en qualité d'agents, assistés de Me L. Bernheim, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du Parlement, du 18 novembre 1999, relative à la modification de son règlement à la suite de l'accord interinstitutionnel du 25 mai 1999, entre le Parlement, le Conseil et la Commission, relatif aux enquêtes internes effectuées par l'Office européen de lutte antifraude (OLAF),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas et J. D. Cooke, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 10 juillet 2001,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes du 8 avril 1965

1.
    Les articles 8 à 10 du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes (JO 1967, 152, p. 13) sont consacrés aux membres du Parlement.

2.
    L'article 9 prévoit que «[l]es membres du Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l'exercice de leurs fonctions».

3.
    L'article 10 dispose:

«Pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient:

a)    sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays,

b)    sur le territoire de tout autre État membre, de l'exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.

L'immunité les couvre également lorsqu'ils se rendent au lieu de réunion du Parlement européen ou en reviennent.

L'immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement européen de lever l'immunité d'un de ses membres.»

Décision de la Commission instituant l'Office européen de lutte antifraude

4.
    Le 28 avril 1999, la Commission a adopté la décision 1999/352/CE, CECA, Euratom, instituant l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) (JO L 136, p. 20, ci-après la «décision instituant l'OLAF»). Cette décision est fondée, notamment, sur l'article 218 CE, dont le paragraphe 2 prévoit que «[l]a Commission fixe son règlement intérieur en vue d'assurer son fonctionnement et celui de ses services dans les conditions prévues par le [traité CE]».

5.
    Aux termes de l'article 2, paragraphe 1, deuxième et troisième alinéas, de la décision instituant l'OLAF:

«L'[OLAF] est chargé d'effectuer des enquêtes administratives internes destinées:

a)    à lutter contre la fraude, contre la corruption et contre toute activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers des Communautés;

b)    à rechercher les faits graves, liés à l'exercice d'activités professionnelles, pouvant constituer un manquement aux obligations des fonctionnaires et agents des Communautés susceptible de poursuites disciplinaires et, le cas échéant, pénales ou un manquement aux obligations analogues des membres des institutions et organes, des dirigeants des organismes ou des membres du personnel des institutions, organes et organismes non soumis au statut des fonctionnaires des Communautés européennes ou au régime applicable aux autres agents de ces Communautés.

L'[OLAF] exerce les compétences de la Commission y relatives, telles qu'elles sont définies par les dispositions établies dans le cadre, les limites et les conditions fixés par les traités.»

6.
    Selon l'article 3, l'OLAF exerce les pouvoirs d'enquête qui lui sont dévolus en toute indépendance.

7.
    Enfin, aux termes de son article 7, cette décision prend effet à la date d'entrée en vigueur du règlement (CE) du Parlement européen et du Conseil relatif aux enquêtes effectuées par l'OLAF.

Règlement n° 1073/1999

8.
    Le règlement (CE) n° 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l'OLAF (JO L 136, p. 1), a pour base juridique l'article 280 CE. L'article 1er, paragraphe 1, de ce règlement est ainsi libellé:

«En vue de renforcer la lutte contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de la Communauté européenne, l'[OLAF] [...] exerce les compétences d'enquête conférées à la Commission par la réglementation communautaire et les accords en vigueur dans ces domaines.»

9.
    L'article 4, paragraphes 1, 2, 4 et 6, du règlement n° 1073/1999 précise:

«1. [...] Ces enquêtes internes sont exécutées dans le respect des règles des traités, notamment du protocole sur les privilèges et immunités [...] dans les conditions etselon les modalités prévues par le présent règlement et par des décisions que chaque institution, organe ou organisme adopte. [...]

2. Pour autant que les dispositions mentionnées au paragraphe 1 soient respectées:

-    l'[OLAF] a accès sans préavis et sans délai à toute information détenue par les institutions, organes et organismes ainsi qu'aux locaux de ceux-ci. L'[OLAF] a la faculté de contrôler la comptabilité des institutions, organes et organismes. L'[OLAF] peut prendre copie et obtenir des extraits de tout document et du contenu de tout support d'information que les institutions, organes et organismes détiennent et, en cas de besoin, s'assurer de ces documents ou informations pour éviter tout risque de disparition,

[...]

4. Les institutions, organes et organismes sont informés lorsque des agents de l'[OLAF] effectuent une enquête dans leurs locaux et lorsqu'ils consultent un document ou demandent une information que détiennent ces institutions, organes et organismes.

[...]

6. Sans préjudice des règles des traités, notamment du protocole sur les privilèges et immunités [...] la décision qu'adopte chaque institution, organe et organisme, prévue au paragraphe 1, comprend notamment des règles relatives:

a)    à l'obligation pour les membres [...] des institutions et organes [...] de coopérer avec les agents de l'[OLAF] et de les informer;

b)    aux procédures à observer par les agents de l'[OLAF] lors de l'exécution des enquêtes internes, ainsi qu'aux garanties des droits des personnes concernées par une enquête interne.»

Accord interinstitutionnel du 25 mai 1999 entre le Parlement, le Conseil et la Commission

10.
    Le 25 mai 1999, le Parlement, le Conseil et la Commission ont conclu un accord relatif aux enquêtes internes effectuées par l'OLAF (JO L 136, p. 15, ci-après l'«accord interinstitutionnel»).

11.
    Selon le point 1 de cet accord, les institutions qui en sont signataires sont convenues «d'adopter un régime commun comportant les mesures d'exécution nécessaires pour faciliter le bon déroulement des enquêtes menées par l'[OLAF], en leur sein».

12.
    Elles sont également convenues «d'établir un [régime commun] et de le rendre immédiatement applicable en adoptant une décision interne conformément au modèle annexé [à l']accord, et de ne s'en écarter que lorsque des exigences particulières, qui leur sont propres, en imposent la nécessité technique» (point 2 de l'accord interinstitutionnel).

13.
    La date d'entrée en vigueur de cet accord ainsi que du règlement n° 1073/1999 a été fixée au 1er juin 1999.

14.
    Le modèle de décision annexé audit accord a été transposé par le Conseil et la Commission, respectivement les 25 mai et 2 juin 1999 (décision 1999/394/CE, Euratom du Conseil et décision 1999/396/CE, CECA, Euratom de la Commission, relatives aux conditions et modalités des enquêtes internes en matière de lutte contre la fraude, la corruption et toute activité illégale préjudiciable aux intérêts des Communautés, respectivement JO L 149, p. 36, et JO L 149, p. 57). Le 18 novembre 1999, le Parlement a adopté la décision sur les modifications de son règlement à la suite de l'accord interinstitutionnel (ci-après l'«acte attaqué»).

Acte attaqué

15.
    L'acte attaqué insère, dans le règlement du Parlement (JO 1999, L 202, p. 1), un article 9 bis relatif aux «Enquêtes internes effectuées par l'[OLAF]» rédigé en ces termes:

«Le régime commun prévu par [l'accord interinstitutionnel] [...] comportant les mesures nécessaires pour faciliter le bon déroulement des enquêtes menées par l'[OLAF] est applicable au sein du Parlement, conformément à la décision du Parlement figurant au présent règlement.»

16.
    L'acte attaqué porte également approbation de la décision du Parlement relative aux conditions et modalités des enquêtes internes en matière de lutte contre la fraude, la corruption et toute activité illégale préjudiciable aux intérêts des Communautés (ci-après la «décision du Parlement relative aux conditions et modalités des enquêtes internes»), laquelle reproduit le modèle de décision annexé à l'accord interinstitutionnel, en y apportant certains ajustements nécessaires à son application au sein du Parlement.

17.
    L'article 1er, second alinéa, de l'acte attaqué dispose:

«Sans préjudice des dispositions pertinentes des traités instituant les Communautés européennes, notamment du protocole sur les privilèges et immunités, ainsi que des textes pris pour leur application, les députés coopèrent pleinement avec l'[OLAF].»

18.
    Aux termes de son article 2, quatrième alinéa:

«Les députés qui acquièrent la connaissance de faits visés au premier alinéa [connaissance d'éléments de fait laissant présumer l'existence d'éventuels cas de fraude, de corruption ou toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts des Communautés, ou de faits graves, liés à l'exercice d'activités professionnelles, pouvant constituer un manquement aux obligations des fonctionnaires et des agents des Communautés ou du personnel non soumis au statut, susceptible de poursuites disciplinaires et, le cas échéant, pénales], en informent le président du Parlement européen ou, s'ils l'estiment utile, l'[OLAF] directement.»

19.
    Son article 4 prévoit que «[l]es règles relatives à l'immunité parlementaire et au droit de refus de témoigner des députés restent inchangées».

20.
    L'article 5 est rédigé comme suit:

«Dans le cas où apparaît la possibilité d'une implication personnelle d'un député [...], l'intéressé doit en être informé rapidement lorsque cela ne risque pas de nuire à l'enquête. En tout état de cause, des conclusions visant nominativement un député [...] ne peuvent être tirées à l'issue de l'enquête sans que l'intéressé ait été mis à même de s'exprimer sur tous les faits qui le concernent.

Dans les cas nécessitant le maintien d'un secret absolu aux fins de l'enquête et exigeant le recours à des moyens d'investigation relevant de la compétence d'une autorité judiciaire nationale, l'obligation d'inviter le député [...] à s'exprimer peut être différée en accord avec [...] le président [...]»

Procédure et faits à l'origine du recours

21.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2000, M. W. Rothley et 70 autres députés du Parlement (ci-après les «requérants») ont introduit, en vertu de l'article 230, quatrième alinéa, CE, un recours visant à l'annulation de l'acte attaqué.

22.
    Par acte séparé enregistré au greffe du Tribunal le même jour, ils ont également introduit, en vertu de l'article 242 CE, une demande de sursis à l'exécution de l'acte attaqué jusqu'au règlement de l'affaire au principal.

23.
    Le Conseil et la Commission ont, par lettres respectivement des 4 et 10 février 2000, demandé à intervenir au soutien des conclusions de la partie défenderesse dans les affaires en référé et au principal.

24.
    Par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 9 mars 2000, les interventions du Conseil et de la Commission dans l'affaire au principal ont été admises.

25.
    Par ordonnance du 2 mai 2000, Rothley e.a./Parlement (T-17/00 R, Rec. p. II-2085), le président du Tribunal a prononcé le sursis à l'exécution des articles 1er et 2 de l'acte attaqué dans la mesure où ils obligent les requérants à coopérer avec l'OLAF et à informer le président du Parlement ou l'OLAF. Il a en outre ordonné que le Parlement informe sans délai les requérants de toute mesure imminente de l'OLAF menée à leur encontre et de n'autoriser les agents de l'OLAF à avoir accès aux bureaux des requérants qu'avec le consentement de ces derniers, jusqu'au prononcé de l'arrêt du Tribunal mettant fin à l'instance dans l'affaire au principal. Les dépens ont été réservés.

26.
    Les mémoires en intervention du Conseil et de la Commission ont été déposés au greffe du Tribunal respectivement les 13 juin et 31 mai 2000. Les requérants ont déposé leurs observations concernant ces mémoires le 5 septembre 2000. Le Parlement a renoncé à déposer des observations.

27.
    Par actes déposés respectivement les 21 juin et 10 juillet 2000, le royaume des Pays-Bas et la République française ont demandé à intervenir au soutien des conclusions du Parlement. Il a été fait droit à ces demandes par ordonnance du président de la cinquième chambre du Tribunal du 14 septembre 2000.

28.
    Les mémoires en intervention du royaume des Pays-Bas et de la République française ont été déposés respectivement les 24 novembre et 6 décembre 2000. Les requérants ont déposé leurs observations concernant ces mémoires le 8 février 2001. Le Parlement a renoncé à déposer des observations.

29.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

30.
    Les parties principales, ainsi que le Conseil et la Commission, ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 10 juillet 2001.

Conclusions des parties

31.
    Les requérants concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler l'acte attaqué;

-    condamner le Parlement aux dépens.

32.
    Lors de l'audience, les requérants ont précisé que leur recours tend à l'annulation de l'acte attaqué en tant qu'il concerne les membres du Parlement.

33.
    Le Parlement, ainsi que le Conseil, la Commission, le royaume des Pays-Bas et la République française concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     rejeter le recours comme irrecevable, subsidiairement comme non fondé;

-    condamner les requérants aux dépens.

34.
    La Commission conclut, en outre, à ce qu'il plaise au Tribunal condamner les requérants aux dépens afférents à la demande en référé.

En droit

35.
    Les requérants avancent deux moyens tirés, d'une part, d'une violation de la procédure législative et, d'autre part, d'une violation de l'immunité des parlementaires et de l'indépendance de leur mandat. Ils soulèvent également, par voie d'exception, l'illégalité de la décision instituant l'OLAF et du règlement n° 1073/1999. Sans soulever formellement une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114 du règlement de procédure du Tribunal, le Parlement, soutenu par les parties intervenantes, fait valoir que le recours est irrecevable. Il convient, par conséquent, d'examiner la recevabilité du présent recours.

Arguments des parties

36.
    Le Parlement soutient, en premier lieu, que les requérants ne sont pas directement et individuellement concernés. L'acte attaqué ne porterait pas directement atteinte aux droits des députés, une telle atteinte ne pouvant être portée que lors de l'exécution de mesures précises. En outre, cet acte concernerait non seulement les élus siégeant actuellement au Parlement mais aussi ceux qui y siégeront à l'avenir. Par ailleurs, la possibilité d'identifier les personnes auxquelles la mesure pourrait s'appliquer n'impliquerait pas qu'elles soient individuellement concernées par l'acte attaqué. En l'espèce, à défaut d'une enquête concrète de l'OLAF, les députés ne seraient que théoriquement concernés.

37.
    En deuxième lieu, l'acte attaqué ne dépasserait pas le cadre de l'organisation interne du Parlement et ne pourrait donc pas, en application de l'article 230, premier alinéa, CE, faire l'objet d'un contrôle de légalité (ordonnances de la Cour du 4 juin 1986, Groupe des droites européennes/Parlement, 78/85, Rec. p. 1753, et du 22 mai 1990, Blot et Front national/Parlement, C-68/90, Rec. p. I-2101).

38.
    Il s'agirait, en effet, d'un acte interne du Parlement, modifiant le règlement de celui-ci et adoptant de nouvelles règles relatives à la position des députés. Il traduirait l'obligation de coopération à la lutte contre la fraude qui découle de cette position, tout en respectant les dispositions du traité, l'immunité parlementaire et le droit des députés de refuser de témoigner. Il ne produirait, en outre, aucun effet juridique dépassant le cadre de l'organisation interne du Parlement, d'autant qu'il ne porterait atteinte ni directement ni individuellement à l'exercice du mandat desdéputés (ordonnance du président du Tribunal du 25 novembre 1999, Martinez et de Gaulle/Parlement, T-222/99 R, Rec. p. II-3397, point 67).

39.
    En troisième lieu, pour autant que le recours concerne la décision instituant l'OLAF, le Parlement fait observer que l'acte attaqué ne se fonde pas sur cette décision, de sorte qu'une exception d'illégalité ne peut être soulevée (arrêt de la Cour du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, point 36). Par ailleurs, il souligne que, conformément à son article 7, la prise d'effet de cette décision est subordonnée à l'entrée en vigueur du règlement n° 1073/1999.

40.
    Quant à l'exception d'illégalité du règlement n° 1073/1999, le Parlement relève que, du seul point de vue formel, l'acte attaqué se fonde exclusivement sur les dispositions du traité relatives à l'adoption du règlement du Parlement et donc sur l'autonomie organisationnelle interne. En outre, ni la nullité de la décision instituant l'OLAF ni celle du règlement n° 1073/1999 ne pourraient être invoquées en l'espèce, puisque l'objet du présent litige ne serait pas la validité de ces deux actes juridiques.

41.
    Le Parlement ajoute que, dans l'hypothèse même où l'acte attaqué reposerait directement sur le règlement n° 1073/1999, l'exception d'illégalité se heurterait au fait que le recours est irrecevable, dans la mesure où les députés ne sont pas directement et individuellement concernés par ledit acte.

42.
    De surcroît, puisque l'acte attaqué ne ferait que réitérer les obligations incombant aux institutions et organes, ainsi qu'à leurs fonctionnaires, agents et membres, telles qu'elles seraient énoncées dans le règlement n° 1073/1999, et fixer leurs modalités d'application, le recours des requérants ne tendrait pas à un contrôle incident mais à un contrôle de normes abstrait. En effet, le règlement n° 1073/1999 aurait été adopté en codécision par le Parlement et par le Conseil conformément à l'article 251 CE. Or, les requérants, qui font partie de l'organe législatif qu'est le Parlement, ne pourraient mettre en question la validité d'un acte adopté par cette institution et par le Conseil.

43.
    Les parties intervenantes se rallient à l'argumentation du Parlement.

44.
    Les requérants estiment être directement et individuellement concernés au sens de l'article 230, quatrième alinéa, CE, dans la mesure où l'acte attaqué affecte leur statut de députés au Parlement.

45.
    L'exercice de leurs fonctions et leur statut juridique de députés au Parlement seraient directement restreints par l'acte attaqué. Ils considèrent que cet acte représente la mesure d'exécution requise par les dispositions combinées de l'article 4, paragraphes 1 et 6, du règlement n° 1073/1999 et du point 2 de l'accord interinstitutionnel, qui soumettent directement les députés aux pouvoirs d'enquête de l'OLAF et leur imposent de respecter, à tout moment, certaines règles de conduite.

46.
    Les requérants affirment que l'acte attaqué porte atteinte à leur statut juridique de députés au Parlement. Ils précisent que les députés jouissent d'un statut «constitutionnel» en leur qualité de représentants directement élus par les citoyens et détenteurs de la légitimation démocratique directe (article 190, paragraphe 1, CE).

47.
    De plus, les députés au Parlement formeraient un cercle limité de personnes nominativement identifiées, qui seraient destinataires de l'acte attaqué. Même si le «cercle des députés» pourrait changer après les prochaines élections, les députés seraient actuellement non seulement «déterminables» collectivement et nommément, mais également clairement déterminés. Les règles de conduite résultant de l'acte attaqué viseraient individuellement chacun des députés actuellement au Parlement et restreindraient l'indépendance de leur mandat ainsi que leur immunité.

48.
    Ensuite, les requérants soutiennent que les effets juridiques de l'acte attaqué dépassent le cadre de l'organisation interne des travaux du Parlement au sens de l'arrêt de la Cour du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil (C-69/89, Rec. p. I-2069, point 49).

49.
    Selon les requérants, la Cour a confirmé dans l'arrêt du 23 mars 1993, Weber/Parlement (C-314/91, Rec. p. I-1093, points 9 et suivants), que les règles internes du Parlement sont susceptibles de contrôle juridictionnel, dès lors qu'elles affectent la situation personnelle, en l'occurrence patrimoniale, des députés. Or, l'indépendance du mandat et l'immunité seraient des données plus importantes encore du statut personnel du député et pourraient être défendues par la voie juridictionnelle (ordonnance Martinez et de Gaulle/Parlement, précitée, points 64 et suivants).

50.
    En l'espèce, les effets juridiques de l'acte attaqué à l'égard des députés ne relèveraient pas de l'exercice du mandat parlementaire ni des activités politiques s'y rattachant. L'acte attaqué ne concernerait pas les travaux internes du Parlement, mais aurait pour objet essentiel de faciliter le bon déroulement des enquêtes internes que l'OLAF pourrait y mener.

51.
    Enfin, concernant l'exception d'illégalité de la décision instituant l'OLAF et du règlement n° 1073/1999, les requérants rétorquent que ces textes forment, avec l'accord interinstitutionnel et les décisions d'exécution correspondantes, un ensemble cohérent dont les différents éléments n'auraient juridiquement aucun sens s'ils étaient dissociés les uns des autres.

52.
    Ils estiment que, contrairement à ce que soutient le Parlement, ces actes réglementaires constituent la «base juridique» de l'acte attaqué et que leur illégalité peut, dès lors, être soulevée en application de l'article 241 CE, conformément à l'arrêt Simmenthal/Commission, précité.

Appréciation du Tribunal

53.
    En premier lieu, il convient d'examiner si l'acte attaqué est susceptible de faire l'objet d'un recours en annulation. Aux termes de l'article 230, premier alinéa, CE, le juge communautaire contrôle la légalité «des actes du Parlement européen destinés à produire des effets juridiques vis-à-vis des tiers». Les députés peuvent, dans certaines conditions, constituer des tiers au sens de cette disposition et peuvent former un recours à l'encontre d'un acte du Parlement, sous réserve que celui-ci dépasse le cadre de l'organisation interne de ses travaux (arrêt Weber/Parlement, précité, point 9).

54.
    La Cour a précisé que les actes ne touchant que l'organisation interne des travaux du Parlement sont des actes du Parlement qui soit ne produisent pas d'effets juridiques, soit ne produisent des effets juridiques qu'à l'intérieur du Parlement en ce qui concerne l'organisation de ses travaux et sont soumis à des procédures de vérification fixées par son règlement (arrêt Weber/Parlement, précité, point 10). En outre, la Cour a jugé que le règlement intérieur d'une institution communautaire a pour objet d'organiser le fonctionnement interne des services dans l'intérêt d'une bonne administration. Les règles qu'il établit, notamment pour l'organisation des délibérations et la prise de décisions, ont, dès lors, essentiellement pour fonction d'assurer le bon déroulement des débats, dans le plein respect des prérogatives de chacun des membres de l'institution (arrêt Nakajima/Conseil, précité, point 49).

55.
    Il importe donc de déterminer si l'acte attaqué est susceptible de produire des effets juridiques dépassant le cadre de l'organisation interne des travaux du Parlement.

56.
    L'acte attaqué porte, d'une part, modification du règlement intérieur du Parlement en y insérant un article 9 bis consacré aux enquêtes internes effectuées par l'OLAF et, d'autre part, approbation de la décision du Parlement relative aux conditions et modalités des enquêtes internes. Le cinquième considérant de cette dernière décision et cinq de ses huit articles se réfèrent expressément aux députés en tant que titulaires de droits et sujets d'obligations, au nombre desquelles figurent celles de coopération (article 1er) et d'information (article 2) (voir points 17 et 18 ci-dessus). L'acte attaqué précise, notamment, les modalités dans lesquelles s'exercent les obligations de coopération et d'information qui incombent aux membres du Parlement, en vue d'assurer le bon déroulement de ces enquêtes. À cet égard, il convient de rappeler que l'acte attaqué fait partie des mesures destinées à assurer la protection des intérêts financiers des Communautés et à lutter contre la fraude et toute autre activité illégale préjudiciable à ces intérêts. Il vise à déterminer les conditions dans lesquelles l'OLAF peut mener, au sein du Parlement, des enquêtes en la matière.

57.
    Ainsi, de par son objet et ses effets, l'acte attaqué dépasse le cadre de l'organisation interne des travaux du Parlement. Partant, il s'agit d'un acte qui estsusceptible de faire l'objet d'un recours en vertu de l'article 230, premier alinéa, CE.

58.
    En second lieu, il y a lieu de vérifier si les requérants ont qualité pour agir et, plus particulièrement, si l'acte attaqué constitue une «décision» qui concerne les requérants individuellement, au sens de l'article 230, quatrième alinéa, CE, étant précisé que cet examen doit s'attacher non pas à la forme dans laquelle l'acte a été adopté, mais à sa substance (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9). À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a précisé, dès son arrêt du 14 décembre 1962, Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes e.a./Conseil (16/62 et 17/62, Rec. p. 901, 918), que le terme «décision» figurant à l'article 230, quatrième alinéa, CE doit être entendu dans le sens technique résultant de l'article 249 CE (ordonnance de la Cour du 12 juillet 1993, Gibraltar et Gibraltar Development/Conseil, C-168/93, Rec. p. I-4009, point 11).

59.
    Une décision ainsi définie se distingue d'un acte de nature normative. Le critère de distinction doit être recherché dans la portée générale ou non de l'acte en question (ordonnance Gibraltar et Gibraltar Development/Conseil, précitée, point 11). Un acte ne saurait être considéré comme constituant une décision s'il s'applique à des situations déterminées objectivement et produit ses effets juridiques à l'égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (arrêts de la Cour Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes e.a./Conseil, précité, Rec. p. 918 et 919; du 6 octobre 1982, Alusuisse/Conseil et Commission, 307/81, Rec. p. 3463, point 9; ordonnance de la Cour du 24 avril 1996, CNPAAP/Conseil, C-87/95 P, Rec. p. I-2003, point 33; ordonnance du Tribunal du 19 juin 1995, Kik/Conseil et Commission, T-107/94, Rec. p. II-1717, point 35; arrêt du Tribunal du 10 juillet 1996, Weber/Commission, T-482/93, Rec. p. II-609, point 55, et ordonnance du Tribunal du 26 mars 1999, Biscuiterie-confiserie LOR et Confiserie du Tech/Commission, T-114/96, Rec. p. II-913, point 26).

60.
    En l'espèce, l'acte attaqué a été adopté sur le fondement des articles 199, premier alinéa, CE, 25 CA et 112 EA, par un vote de la majorité des membres du Parlement lors de la session plénière du 18 novembre 1999. L'acte attaqué insère dans le règlement intérieur du Parlement un article 9 bis relatif aux «Enquêtes internes effectuées par l'[OLAF]» selon lequel «le régime commun prévu par [l'accord interinstitutionnel] [...] comportant les mesures nécessaires pour faciliter le bon déroulement des enquêtes menées par l'[OLAF] est applicable au sein du Parlement, conformément à la décision du Parlement figurant au présent règlement». Cette dernière décision reproduit pour l'essentiel le modèle de décision annexé à l'accord interinstitutionnel en y ajoutant un article 4 en vertu duquel «[l]es règles relatives à l'immunité parlementaire et au droit de refus de témoigner des députés restent inchangées».

61.
    En outre, l'acte attaqué a pour objet général de préciser les conditions dans lesquelles le Parlement coopère avec l'OLAF afin de faciliter le bon déroulement des enquêtes au sein de cette institution. Conformément à cet objet, il envisage la situation des membres du Parlement en tant que titulaires de droits et sujets d'obligations et comporte à leur égard des dispositions particulières dans l'hypothèse, notamment, où ils viendraient à être impliqués dans une enquête diligentée par l'OLAF ou à acquérir la connaissance d'éléments de fait laissant présumer l'existence d'éventuels cas de fraude, de corruption ou de toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts des Communautés, ou de faits graves, liés à l'exercice d'activités professionnelles pouvant constituer un manquement susceptible de poursuites disciplinaires ou pénales. L'acte attaqué vise indistinctement les membres du Parlement siégeant lors de son entrée en vigueur ainsi que toute autre personne ultérieurement amenée à exercer les mêmes fonctions. Ainsi, il s'applique, sans limitation dans le temps, à des situations déterminées objectivement et produit ses effets juridiques à l'égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite.

62.
    Il résulte de ces considérations que l'acte attaqué constitue, bien qu'il soit intitulé «décision», une mesure de portée générale.

63.
    Toutefois, la jurisprudence a précisé que, dans certaines circonstances, une disposition d'un acte de portée générale peut concerner individuellement certains particuliers intéressés (arrêts de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C-358/89, Rec. p. I-2501, point 13, et du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853, point 19). Dans une telle hypothèse, un acte communautaire peut à la fois revêtir un caractère normatif et, à l'égard de certains particuliers intéressés, un caractère décisionnel (arrêt du Tribunal du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T-481/93 et T-484/93, Rec. p. II-2941, point 50). Tel est le cas si l'acte en cause atteint une personne physique ou morale en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne (arrêt Codorniu/Conseil, précité, point 20).

64.
    À la lumière de cette jurisprudence, il y a lieu de vérifier si de telles circonstances existent en l'espèce et permettent d'individualiser les requérants d'une manière analogue à celle dont le destinataire d'une décision le serait.

65.
    À cet égard, les requérants ont excipé de leur qualité de membres du Parlement siégeant au moment de l'adoption de l'acte attaqué pour soutenir qu'ils appartiennent à un ensemble restreint de personnes nominativement identifiables. Toutefois, le seul fait qu'il soit possible de déterminer le nombre et l'identité des sujets de droit auxquels s'applique une mesure n'implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme individuellement concernés par cette mesure, dès lors que celle-ci s'applique à eux en raison d'une situation objective de droit ou de fait définie par l'acte en cause (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 11 juillet 1968, Zuckerfabrik Watenstedt/Conseil, 6/68, Rec. p. 595, 605 et 606, ainsi que lesordonnances de la Cour du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C-10/95 P, Rec. p. I-4149, point 30, et CNPAAP/Conseil, précitée, point 34).

66.
    Or, ainsi qu'il a été précédemment exposé, l'acte attaqué n'affecte les requérants qu'en raison de leur appartenance à une catégorie de personnes définie de manière générale et abstraite. L'acte attaqué ne procède pas de la volonté du Parlement de répondre à un cas particulier qui serait propre aux requérants. Ces derniers n'ont d'ailleurs pas soutenu ni apporté d'éléments permettant de penser que l'adoption de l'acte attaqué modifie leur situation juridique et les affecte d'une manière particulière par rapport aux autres membres du Parlement.

67.
    De même, le fait d'appartenir à l'une des deux catégories de personnes auxquelles s'adresse l'acte attaqué - à savoir, d'une part, l'ensemble du personnel statutaire ou non du Parlement et, d'autre part, ses membres - ne suffit pas à individualiser les requérants, puisque ces deux catégories sont définies de manière générale et abstraite. Il convient de rappeler, à cet égard, que l'acte attaqué se limite à mettre en oeuvre et à adapter, dans le cadre du règlement intérieur du Parlement, certaines dispositions relatives aux droits et obligations des membres des institutions communautaires prévues par le règlement n° 1073/1999 et l'accord interinstitutionnel. Ces instruments, ainsi que la décision portant création de l'OLAF, désignent les membres et l'ensemble du personnel des institutions comme des catégories de personnes tenues de coopérer avec l'OLAF ou susceptibles de faire l'objet d'une enquête de sa part.

68.
    La «décision modèle» annexée à l'accord interinstitutionnel prévoit certaines modalités d'application qui sont propres aux membres des institutions. S'agissant de l'obligation de coopérer avec l'OLAF, l'article 1er, deuxième alinéa, de la décision modèle précise: «Sans préjudice des dispositions pertinentes des traités instituant les Communautés européennes, notamment du protocole sur les privilèges et immunités, ainsi que des textes pris pour leur application, les membres coopèrent pleinement avec l'office.» Quant à l'obligation d'information, l'article 2, quatrième alinéa, de la «décision modèle» énonce: «Les membres qui acquièrent la connaissance de faits visés au premier alinéa en informent le président de l'institution [ou organe] ou, s'ils l'estiment utile, [l'OLAF] directement.»

69.
    L'acte attaqué prévoit que le personnel du Parlement et les députés sont soumis à une obligation d'information et de coopération avec l'OLAF. Cependant, l'obligation d'information est soumise à des modalités qui diffèrent selon la catégorie de personnes à laquelle elle s'applique. Ainsi, le personnel est tenu d'informer soit ses chef de service, directeur général, secrétaire général ou l'OLAF, soit le président du Parlement, selon que les faits en cause concernent un membre du personnel ou un membre du Parlement, alors que c'est au président du Parlement ou à l'OLAF que les membres du Parlement doivent dénoncer les faits dont ils ont connaissance.

70.
    Aucune de ces dispositions ne permet de conclure à l'existence d'éléments susceptibles d'individualiser les requérants.

71.
    Au surplus, il convient d'examiner si est applicable en l'espèce la jurisprudence en vertu de laquelle sont recevables des recours en annulation introduits à l'encontre d'un acte à caractère normatif dans la mesure où une disposition de droit supérieur imposait à son auteur de tenir compte de la situation particulière des parties requérantes (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec. p. 207, points 11 à 32; du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C-152/88, Rec. p. I-2477, points 11 à 13; du 11 février 1999, Antillean Rice Mills e.a./Commission, C-390/95 P, Rec. p. I-769, points 25 à 30, et du Tribunal du 17 juin 1998, UEAPME/Conseil, T-135/96, Rec. p. II-2335, point 90).

72.
    En l'espèce, les requérants ont soutenu, au fond, que l'acte attaqué porte atteinte à leur indépendance ainsi qu'à l'immunité que leur confère le protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, précité. Cependant, ce protocole ne vise les membres du Parlement que d'une manière générale et ne contient aucune disposition régissant expressément les enquêtes internes au Parlement. En outre, il y a lieu de relever que le Parlement a entendu prêter une attention particulière à l'immunité dont bénéficient ses membres, dans la mesure où l'acte attaqué ajoute aux dispositions de la «décision modèle» annexée à l'accord interinstitutionnel un article 4 selon lequel «[l]es règles relatives à l'immunité parlementaire et au droit de refus de témoigner des députés restent inchangées».

73.
    Ainsi que le juge des référés a pu le souligner au point 107 de l'ordonnance Rothley e.a./Parlement, précitée, ne saurait être exclu a priori le risque que l'OLAF effectue, dans le cadre d'une enquête, un acte qui porte atteinte à l'immunité dont bénéficie tout membre du Parlement. Cependant, à supposer qu'une telle circonstance survienne, tout membre du Parlement confronté à un acte de cette nature, dont il estimerait qu'il lui fait grief, disposerait alors de la protection juridictionnelle et des voies de recours instaurées par le traité.

74.
    En tout état de cause, l'existence d'un tel risque ne saurait autoriser une modification du système des voies de recours et des procédures établi par les articles 230 CE, 234 CE et 235 CE et destiné à confier aux juridictions communautaires le contrôle de la légalité des actes des institutions. En aucun cas, elle ne permet de déclarer recevable un recours en annulation formé par une ou des personnes physiques ou morales qui ne satisfont pas aux conditions posées par l'article 230, quatrième alinéa, CE (ordonnances Asocarne/Conseil, précitée, point 26, et CNPAAP/Conseil, précitée, point 38).

75.
    Enfin, la circonstance que l'acte attaqué affecte les requérants d'une manière analogue à tout autre membre du Parlement, actuel ou futur, a pour corollaire que l'irrecevabilité du présent recours n'est pas susceptible d'engendrer une inégalitéde protection juridictionnelle entre les requérants et d'autres membres du Parlement.

76.
    Sur ce point, les faits en l'espèce se distinguent de ceux à l'origine de l'arrêt de la Cour du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement (294/83, Rec. p. 1339, point 36). En effet, cette affaire portait sur une inégalité de répartition de fonds publics destinés à la campagne d'information des formations politiques participant à l'élection du Parlement en 1984. Les décisions budgétaires attaquées concernaient toutes les formations politiques bien que le traitement qu'elles leur réservaient variait selon qu'elles étaient représentées ou non dans l'Assemblée élue en 1979. Les formations représentées ont participé à la prise de décisions portant à la fois sur leur propre traitement et sur celui accordé aux formations rivales non représentées. La Cour a répondu par l'affirmative à la question de savoir si les décisions attaquées concernaient individuellement une formation politique non représentée mais susceptible de présenter des candidats à l'élection de 1984. La Cour a estimé que la thèse inverse aboutirait à créer une inégalité de protection juridictionnelle dans la mesure où les formations non représentées seraient dans l'impossibilité de s'opposer à la répartition des crédits budgétaires destinés à la campagne électorale avant que les élections aient eu lieu. En l'espèce, il n'existe aucune disparité de ce type entre la situation des requérants et celle des autres membres du Parlement.

77.
    Par conséquent, les requérants n'ont pas établi l'existence d'éléments les individualisant au regard de l'acte attaqué.

78.
    Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas individuellement concernés par l'acte attaqué, au sens de l'article 230 CE et, partant, que le recours doit être rejeté comme irrecevable sans qu'il soit nécessaire d'aborder la question de savoir si les requérants sont directement concernés par cette décision, au sens du même article.

Sur les dépens

79.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En l'espèce, les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter les dépens de l'instance, y compris ceux afférents à la procédure en référé, conformément aux conclusions du Parlement. En vertu de l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, le Conseil et la Commission ainsi que le royaume des Pays-Bas et la République française, parties intervenantes au litige, supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)    Les requérants supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la partie défenderesse dans l'affaire au principal et dans la procédure en référé.

3)    Les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.

Lindh García-Valdecasas Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 février 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. D. Cooke

Annexe à l'arrêt

Liste des 70 autres requérants

Klaus-Heiner Lehne, demeurant à Düsseldorf (Allemagne),

Johannes Voggenhuber, demeurant à Vienne (Autriche),

Olivier Dupuis, demeurant à Rome (Italie),

Christian von Boetticher, demeurant à Pinneberg (Allemagne),

Emma Bonino, demeurant à Rome,

Elmar Brok, demeurant à Bielefeld (Allemagne),

Renato Brunetta, demeurant à Rome,

Udo Bullmann, demeurant à Gießen (Allemagne),

Marco Cappato, demeurant à Milan (Italie),

Benedetto Della Vedova, demeurant à Milan,

Gianfranco Dell'Alba, demeurant à Rome,

Michl Ebner, demeurant à Bolzano (Italie),

Raina A. Mercedes Echerer, demeurant à Vienne,

Markus Ferber, demeurant à Bobingen (Allemagne),

Francesco Fiori, demeurant à Voghera (Italie),

Evelyne Gebhardt, demeurant à Mulfingen (Allemagne),

Norbert Glante, demeurant à Werder/Havel (Allemagne),

Alfred Gomolka, demeurant à Greifswald (Allemagne),

Friedrich-Wilhelm Graefe zu Baringdorf, demeurant à Spenge (Allemagne),

Lissy Gröner, demeurant à Neustadt (Allemagne),

Ruth Hieronymi, demeurant à Bonn (Allemagne),

Magdalene Hoff, demeurant à Hagen (Allemagne),

Dr. Georg Jarzembowski, demeurant à Hambourg (Allemagne),

Karin Jöns, demeurant à Brême (Allemagne),

Karin Junker, demeurant à Düsseldorf,

Othmar Karas, demeurant à Vienne,

Margot Keßler, demeurant à Kehmstedt (Allemagne),

Dr. Heinz Kindermann, demeurant à Strasburg (Allemagne),

Karsten Knolle, demeurant à Quedlinburg (Allemagne),

Dieter-Lebrecht Koch, demeurant à Weimar (Allemagne),

Dr. Christoph Konrad, demeurant à Bochum (Allemagne),

Constanze Krehl, demeurant à Leipzig (Allemagne),

Wilfried Kuckelkorn, demeurant à Bergheim (Allemagne),

Helmut Kuhne, demeurant à Soest (Allemagne),

Bernd Lange, demeurant à Hannovre (Allemagne),

Kurt Lechner, demeurant à Kaiserslautern (Allemagne),

Jo Leinen, demeurant à Sarrebruck (Allemagne),

Rolf Linkohr, demeurant à Stuttgart (Allemagne),

Giorgio Lisi, demeurant à Rimini (Italie),

Erika Mann, demeurant à Bad Gandersheim (Allemagne),

Thomas Mann, demeurant à Schwalbach/Taunus (Allemagne),

Mario Mauro, demeurant à Milan,

Prof. Dr. Hans-Peter Mayer, demeurant à Vechta (Allemagne),

Winfried Menrad, demeurant à Schwäbisch Hall (Allemagne),

Dr. Peter-Michael Mombaur, demeurant à Düsseldorf,

Rosemarie Müller, demeurant à Nieder-Olm (Allemagne),

Hartmut Nassauer, demeurant à Wolfhagen (Allemagne),

Giuseppe Nistico, demeurant à Rome,

Marco Pannella, demeurant à Rome,

Willi Piecyk, demeurant à Reinfeld (Allemagne),

Dr. Hubert Pirker, demeurant à Klagenfurt (Autriche),

Christa Randzio-Plath, demeurant à Hambourg,

Bernhard Rapkay, demeurant à Dortmund (Allemagne),

Mechtild Rothe, demeurant à Bad Lippspringe (Allemagne),

Dagmar Roth-Behrendt, demeurant à Berlin (Allemagne),

Paul Rübig, demeurant à Wels (Autriche),

Umberto Scapagnini, demeurant à Catania (Italie),

Jannis Sakellariou, demeurant à Munich (Allemagne),

Dr. Horst Schnellhardt, demeurant à Langenstein (Allemagne),

Jürgen Schröder, demeurant à Dresde (Allemagne),

Martin Schulz, demeurant à Würselen (Allemagne),

Dr. Renate Sommer, demeurant à Herne (Allemagne),

Ulrich Stockmann, demeurant à Bad Kösen (Allemagne),

Maurizio Turco, demeurant à Pulsano (Italie),

Guido Viceconte, demeurant à Bari (Italie),

Ralf Walter, demeurant à Cochem (Allemagne),

Brigitte Wenzel-Perillo, demeurant à Leipzig,

Rainer Wieland, demeurant à Stuttgart,

Stefano Zappala, demeurant à Latina (Italie),

Prof. Dr. Jürgen Zimmerling, demeurant à Essen (Allemagne).


1: Langue de procédure: l'allemand.