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DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

2 mai 2024 (*)

« Recours en annulation – Environnement – Règlement (UE) 2023/851 – Normes de performance en matière d’émissions de dioxyde de carbone – Voitures particulières neuves – Prise en compte des émissions en dehors de l’utilisation du véhicule – Carburants synthétiques neutres en dioxyde de carbone – Acte législatif – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑419/23,

Lorenz Kiene, demeurant à Hoya (Allemagne),

Classic Tankstellen GmbH & Co. KG, établie à Hoya,

eFuel GmbH, établie à Hoya,

eFuel Projektentwicklung GmbH, établie à Hoya,

représentés par Mes A. Dlouhy, E. Macher et M. Soppe, avocats,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, représenté par Mme L. Taïeb et M. W. Kuzmienko, en qualité d’agents,

et

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. N. Brzezinski et Mme L. Hamtcheva, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin (rapporteur), président, Mme P. Škvařilová‑Pelzl et M. I. Nõmm, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérants, M. Lorenz Kiene, Classic Tankstellen GmbH & Co. KG, eFuel GmbH et eFuel Projektentwicklung GmbH, demandent l’annulation de l’article 1er, point 1, du règlement (UE) 2023/851 du Parlement européen et du Conseil, du 19 avril 2023, modifiant le règlement (UE) 2019/631 en ce qui concerne le renforcement des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et les véhicules utilitaires légers neufs conformément à l’ambition accrue de l’Union en matière de climat (JO 2023, L 110, p. 5, ci-après le « règlement attaqué »).

 Antécédents du litige

2        Le règlement attaqué fait partie du paquet législatif « Ajustement à l’objectif 55 » (Fit for 55), qui vise à réviser et à actualiser la législation de l’Union européenne ainsi qu’à mettre en place de nouvelles initiatives pour veiller à ce que les politiques de l’Union soient conformes aux objectifs climatiques arrêtés par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne. Il ressort du considérant 6 du règlement attaqué que « [t]ous les secteurs de l’économie devraient contribuer à ces réductions d’émissions, notamment le secteur du transport routier. Le secteur des transports est le seul secteur dans lequel les émissions ont augmenté depuis 1990. Ce constat vaut également pour le transport routier exécuté par des véhicules utilitaires légers et des véhicules utilitaires lourds, qui représentent ensemble plus de 70 % des émissions totales du secteur des transports. Pour parvenir à la neutralité climatique, une réduction des émissions du secteur des transports de 90 % est nécessaire d’ici à 2050 ».

3        À cette fin, le législateur de l’Union a estimé nécessaire de renforcer les exigences énoncées dans le règlement (UE) 2019/631 du Parlement européen et du Conseil, du 17 avril 2019 établissant des normes de performance en matière d’émissions de CO2 pour les voitures particulières neuves et pour les véhicules utilitaires légers neufs, et abrogeant les règlements (CE) no 443/2009 et (UE) no 510/2011 (JO 2019, L 111, p. 13). Ce règlement fixe des objectifs d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) à l’échelle de l’Union et répartit l’effort requis de réduction des émissions entre les constructeurs automobiles. Chaque constructeur doit ainsi s’assurer que les émissions de CO2 moyennes de sa flotte de véhicules nouvellement immatriculés dans une année donnée n’excèdent pas son objectif annuel d’émissions spécifiques.

4        Le règlement attaqué modifie le règlement 2019/631, notamment, en établissant des objectifs plus ambitieux de réduction progressive des émissions, à l’échelle de l’Union, pour les voitures et les véhicules utilitaires légers à l’horizon 2030 et au-delà, y compris un objectif de réduction de 100 % à l’horizon 2035 pour les voitures et véhicules utilitaires légers neufs. Ces nouveaux objectifs sont fixés à l’article 1er du règlement attaqué, dont les requérants demandent l’annulation partielle par le présent recours. La partie contestée dudit article est libellée ainsi :

« Le règlement (UE) 2019/631 est modifié comme suit :

1) L’article 1er est modifié comme suit :

a) le paragraphe 5 est modifié comme suit :

i) au point a), le chiffre “37,5 %” est remplacé par “55 %” ;

ii) au point b), le chiffre “31 %” est remplacé par “50 %” ;

b) le paragraphe suivant est inséré :

“5 bis. À partir du 1er janvier 2035, les objectifs suivants à l’échelle du parc de l’Union sont applicables :

a) pour les émissions moyennes du parc de voitures particulières neuves, un objectif à l’échelle du parc de l’Union égal à une réduction de 100 % de l’objectif de 2021, déterminé conformément à l’annexe I, partie A, point 6.1.3 ;

“b) pour les émissions moyennes du parc de véhicules utilitaires légers neufs, un objectif à l’échelle du parc de l’Union égal à une réduction de 100 % de l’objectif de 2021, déterminé conformément à l’annexe I, partie B, point 6.1.3.”

c) le paragraphe 6 est remplacé par le texte suivant :

“6. Du 1er janvier 2025 au 31 décembre 2029, pour les véhicules à émission nulle et à faibles émissions, une référence égale à une part de 25 % du parc de voitures particulières neuves et égale à 17 % du parc de véhicules utilitaires légers neufs s’applique conformément à l’annexe I, partie A, point 6.3, et à l’annexe I, partie B, point 6.3, respectivement.”

d) le paragraphe 7 est supprimé. »

5        Les requérants, à l’exception de M. Kiene, sont des sociétés actives dans le domaine de la fabrication et de la distribution de carburants synthétiques régénératifs (également désignés comme « carburants neutres en carbone »). M. Kiene est une personne physique qui détient une participation dans Classic Tankstellen et, indirectement, dans eFuel et eFuel Projektentwicklung.

 Conclusions des parties

6        Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er, point 1, du règlement 2023/851 ;

–        condamner le Parlement et le Conseil aux dépens.

7        Le Parlement et le Conseil concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

8        En vertu de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. En l’espèce, le Parlement et le Conseil ont, par acte séparé, soulevé une exception d’irrecevabilité. Le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces versées au dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.

9        En l’espèce, le Parlement et le Conseil estiment que le règlement attaqué n’est pas un acte réglementaire. Ils estiment que les requérants ne sont pas individuellement concernés au sens de l’article 263 TFUE. Le Parlement soutient en outre que les requérants ne sont pas directement affectés par le règlement attaqué.

10      Les requérants considèrent que leur recours en annulation remplit les conditions de recevabilité édictées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en ce qu’ils seraient individuellement et directement concernés par l’article 1er du règlement attaqué. Ils estiment également que si le recours devait être déclaré irrecevable, ils seraient privés de leur droit à un recours effectif.

11      À titre liminaire, il convient de relever que, aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

12      Il convient de souligner que les requérants ne sont pas les destinataires du règlement attaqué. Dès lors, ils ne disposent pas d’un droit de recours en vertu de la première hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

13      En outre, il ressort du préambule du règlement attaqué que celui-ci a pour base juridique l’article 192, paragraphe 1, TFUE portant sur la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement et qu’il a été adopté conjointement par le Parlement et le Conseil selon la procédure législative ordinaire.

14      À cet égard, il ressort de l’article 289, paragraphes 1 et 3, TFUE que les actes juridiques adoptés selon la procédure définie à l’article 294 TFUE, dénommée « procédure législative ordinaire », constituent des actes législatifs.

15      Il s’ensuit que le règlement attaqué est un acte législatif.

16      Or, selon la jurisprudence, l’expression « acte réglementaire », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ne comprend pas les actes législatifs [arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 61, et du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T‑262/10, EU:T:2011:623, point 21].

17      Il s’ensuit que les requérants ne disposent pas d’un droit de recours en vertu de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

18      Ainsi, le présent recours ne serait recevable que dans la mesure où les requérants seraient directement et individuellement concernés par le règlement attaqué, en vertu de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

19      Le Tribunal estime opportun de commencer l’examen de la recevabilité du recours par celui l’examen de la question de l’affectation individuelle des requérants.

 Sur l’affectation individuelle des requérants par le règlement attaqué

20      En ce qui concerne le critère de l’affectation individuelle, les requérants font valoir qu’ils auraient orienté leur activité économique en fonction de l’hypothèse selon laquelle l’objectif général de réduction des émissions dans le secteur des transports était neutre sur le plan technologique et non pas orienté uniquement vers les véhicules à batterie électrique. Ils soutiennent ainsi que l’interdiction de fait des véhicules à moteur à combustion interne à partir de 2035 (et le fait, en conséquence, que les constructeurs de voitures ne se concentreront plus sur les véhicules capables d’utiliser les carburants de synthèse) les priverait d’un débouché important pour les carburants neutres en carbone. Ils auraient effectivement une situation prépondérante sur le marché de carburants neutres en carbone. De plus, ils feraient partie d’un cercle délimité et identifiable d’entreprises étant donné que seul un nombre d’entreprises limité est actif dans le domaine de carburants neutres en carbone.

21      Les requérants soutiennent également qu’ils sont chacun individuellement concernés en raison de circonstances qui leur sont propres. M. Kiene serait ainsi particulièrement concerné en ce qu’il serait un « pionnier » et un expert dans le domaine des carburants neutres en carbone.

22      Classic Tankstellen aurait pour principale activité l’exploitation de stations-service, principalement en zone rurale. Cette activité économique serait particulièrement affectée par la baisse croissante du nombre de véhicules à moteur à combustion interne entrainée par le règlement attaqué, car les stations-service qu’elle exploiterait fourniraient précisément ce carburant, qu’il soit classique ou neutre en carbone, pour ce type de véhicule.

23      eFuel et eFuel Projektentwicklung seraient, quant à elles, individuellement concernées en raison de l’orientation de leur activité vers le développement, la production ou la promotion de carburants synthétiques, qui seraient également leur objet social. Elles feraient partie, à ce titre, d’un cercle délimité et identifiable d’entreprises concernées par le règlement. En outre, leur position sur le marché des carburants liquides les rendrait également individuellement concernées par le règlement en cause. Elles soutiennent, à cet égard, que leurs activités économiques, voire leur existence, dépendent de l’existence future d’un marché de vente de carburants neutres en carbone.

24      Les requérants soutiennent également qu’ils sont individuellement affectés du fait que le règlement attaqué ne respecte pas le principe d’égalité de traitement. En effet, le carburant neutre en émissions de CO2 serait comparable à l’électricité de recharge qui est favorisée par le règlement attaqué, contrairement à l’activité des requérants. En outre, les carburants neutres en émission de CO2 seraient erronément mis sur un pied d’égalité avec les carburants à base de fossiles qui ne sont pas neutres en émissions de CO2. Cela démontrerait que les requérants sont individualisés par rapport aux autres acteurs sur le marché.

25      Il y a lieu de rappeler qu’une personne physique ou morale n’est individuellement concernée par un acte dont elle n’est pas destinataire que si ledit acte l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait l’individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223, et du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, EU:C:2002:462, point 36).

26      Selon la jurisprudence, un acte a une portée générale s’il s’applique à des situations déterminées objectivement et s’il produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, EU:T:2011:419, point 63).

27      Tel est le cas en l’espèce. En effet, selon l’article 288, deuxième alinéa, TFUE, le règlement a une portée générale, il est obligatoire dans tous ses éléments et il est directement applicable dans tout État membre.

28      S’agissant des critères établis par la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus, il convient de constater que l’article 1er du règlement attaqué, fixe de nouveaux objectifs d’émission de CO2 pour les voitures particulières neuves et pour les véhicules utilitaires légers neufs, à l’échelle de l’Union, en modifiant l’article 1er du règlement 2019/631. Or, le règlement 2019/631, tel que modifié par le règlement attaqué, s’applique en premier lieu au secteur de la construction automobile puisqu’il fixe des obligations devant être respectées par différents types de véhicules, lorsqu’ils sont nouvellement immatriculés. L’ensemble des règles contenues dans le règlement attaqué s’applique directement dans tous les États membres et à tous les acteurs du secteur de l’automobile.

29      En outre, les situations et les personnes auxquelles le règlement attaqué s’applique sont déterminées objectivement, dès lors que celui-ci vise le secteur de l’automobile.

30      Il résulte de ce qui précède que les catégories de personnes auxquelles le règlement attaqué s’applique sont également envisagées de manière générale et abstraite.

31      Il s’ensuit que l’article 1er, point 1, du règlement attaqué a une portée générale.

32      Cependant, il y a lieu de rappeler que le fait qu’une disposition a, par sa nature et sa portée, un caractère général en ce qu’elle s’applique à la généralité des opérateurs économiques intéressés n’exclut pas, pour autant, qu’elle puisse concerner individuellement certains d’entre eux (arrêts du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 58, et du 23 avril 2009, Sahlstedt e.a./Commission, C‑362/06 P, EU:C:2009:243, point 29).

33      Selon la jurisprudence, lorsque l’acte attaqué affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres de ce groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques et il peut en être notamment ainsi lorsque l’acte modifie les droits acquis par le particulier antérieurement à son adoption (arrêt du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 59).

34      Toutefois, il ne suffit pas que certains opérateurs soient économiquement plus affectés par un acte de portée générale que d’autres pour les individualiser par rapport à ces autres opérateurs, dès lors que l’application de cet acte s’effectue en vertu d’une situation objectivement déterminée (voir arrêt du 2 mars 2010, Arcelor/Parlement et Conseil, T‑16/04, EU:T:2010:54, point 106 et jurisprudence citée).

35      Eu égard à ces considérations, il convient tout d’abord de considérer que le fait que le premier requérant soit un pionnier dans le domaine des carburants neutres en émission de CO2 ne permet pas de l’individualiser au sens de la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus. En effet, si cet argument devait être admis, toute entreprise pionnière dans un domaine serait toujours individuellement affectée en dépit du nombre d’entreprises existantes sur le marché. Il convient également de relever, comme le soutient le Parlement, que cette appréciation est subjective et ne saurait constituer un élément factuel à même d’individualiser le premier requérant de manière analogue au destinataire d’une décision comme le requiert la jurisprudence.

36      Il convient ensuite de constater que, eu égard à la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, l’argument selon lequel les requérants feraient partie d’une catégorie identifiable et fermée d’opérateurs particulièrement affectés par les dispositions litigieuses ne saurait prospérer. En effet, même si l’activité des requérants était affectée par le règlement attaqué, ce serait, en toute hypothèse, de manière comparable à d’autres acteurs économiques dont l’activité présente un lien avec le marché automobile. Ainsi, même si les ventes de carburant automobile pourraient être affectées, les modifications entrainées dans le secteur de l’automobile pourraient également concerner de nombreux autres acteurs, dont l’activité économique est liée à la construction, la vente, la réparation ou encore à la circulation des véhicules concernés.

37      Enfin, l’argument selon lequel l’article 1er, point 1, du règlement attaqué violerait le principe d’égalité de traitement, est un argument qui relève du fond et non des critères permettant d’établir l’affectation individuelle des requérants. En effet, ledit principe ne permet pas de déterminer que les requérants sont dans une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait.

38      Partant, il y a lieu de constater qu’aucun des requérants n’a établi que sa situation pouvait être distinguée de celles des autres opérateurs économiques, y compris les acteurs actifs sur le marché des carburants neutres en émissions de CO2. Un tel groupe d’opérateurs n’est pas fermé et ni le nombre ni l’identité de ces opérateurs potentiellement affectés par le règlement litigieux ne peut être connu ou déterminé.

39      Par conséquent, les critères d’affectation directe et individuelle étant des critères cumulatifs de la recevabilité lorsque celle-ci est examinée au regard de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et le critère de l’affectation individuelle n’étant pas satisfait, il est superflu d’examiner l’affectation directe des requérants par le règlement attaqué.

40      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que les requérants ne disposent pas de la qualité pour agir en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

 Sur le droit à un recours effectif

41      Les requérants estiment, en substance, que si le recours devait être déclaré irrecevable, ils seraient privés de leur droit à un recours effectif. En effet, il n’existerait pas d’acte attaquable au niveau national et même dans l’hypothèse où un acte serait adopté, la protection juridictionnelle arriverait trop tard car les opérateurs économiques des marchés concernés réagiraient dès à présent à l’évolution annoncée et auront déjà mis en œuvre la transition vers la mobilité électrique pure dans le secteur de l’automobile.

42      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré, ainsi que cela ressort de l’article 19, paragraphe 1, TUE, par la Cour et les juridictions des États membres (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 90).

43      Selon la jurisprudence, le traité FUE a, par ses articles 263 et 277, d’une part, et par son article 267, d’autre part, établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes de l’Union, en le confiant au juge de l’Union (arrêts du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, EU:C:2002:462, point 40, et du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 92).

44      Ainsi, les personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement des actes de l’Union de portée générale sont protégés contre l’application à leur égard de tels actes. Lorsque la mise en œuvre desdits actes appartient aux institutions de l’Union, ces personnes peuvent introduire un recours direct devant la juridiction de l’Union contre les actes d’application dans les conditions visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et invoquer, en vertu de l’article 277 TFUE, à l’appui de ce recours, l’illégalité de l’acte général en cause. Lorsque cette mise en œuvre incombe aux États membres, elles peuvent faire valoir l’invalidité de l’acte de l’Union en cause devant les juridictions nationales et amener celles-ci à interroger, en vertu de l’article 267 TFUE, à cet égard, la Cour par la voie de questions préjudicielles (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 93).

45      À ce titre, il convient de préciser que les justiciables ont, dans le cadre d’une procédure nationale, le droit de contester en justice la légalité de toute décision ou de tout autre acte national relatif à l’application à leur égard d’un acte de l’Union de portée générale, en excipant de l’invalidité dudit acte (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 94).

46      Il s’ensuit que le renvoi en appréciation de validité constitue, au même titre que le recours en annulation, une modalité du contrôle de la légalité des actes de l’Union (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 95).

47      En revanche, quant à la protection conférée au droit à un recours effectif par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il convient de relever que cet article n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités et, notamment, les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la juridiction de l’Union (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 97).

48      Il s’ensuit que les requérants ne sauraient valablement prétendre que le présent recours en annulation devrait être recevable sur la base de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux, alors qu’ils ne disposent pas de la qualité pour agir en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

49      Dès lors, il y a lieu de rejeter le présent grief et partant le recours dans sa totalité comme étant irrecevable.

50      Dans ces circonstances, conformément à l’article 142, paragraphe 2, du règlement de procédure, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes d’intervention déposées respectivement les 18 octobre 2023 et 20 octobre 2023 par la Commission européenne et l’Irlande.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

52      Le Parlement et le Conseil ayant conclu à la condamnation des requérants aux dépens et ceux-ci ayant succombé, il y a lieu de condamner les requérants aux dépens.

53      Par ailleurs, en application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, les demandeurs en intervention, à savoir la Commission et l’Irlande, supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention. Étant donné qu’il n’y a pas eu d’observations relatives aux demandes d’intervention, les requérants, le Parlement et le Conseil n’ont pas exposé de dépens à cet égard.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes d’intervention de la Commission européenne et de l’Irlande.

3)      M. Lorenz Kiene, Classic Tankstellen GmbH & Co. KG, eFuel GmbH et eFuel Projektentwicklung GmbH sont condamnés aux dépens, à l’exception de ceux afférents aux demandes d’ intervention.

4)      La Commission et l’Irlande supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Fait à Luxembourg, le 2 mai 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

F. Schalin


*      Langue de procédure : l’allemand.