Language of document : ECLI:EU:T:2008:247

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

3 juillet 2008 (*)

« Requête introductive d’instance − Exigences de forme − Incompétence manifeste – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T-175/08,

Nistor Isai Faur, actuellement détenu à Arad (Roumanie), représenté par MI. Creţiu, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours faisant valoir que la Commission n’aurait pas répondu à trois demandes du requérant et que celui‑ci aurait été victime de violations de ses droits lors de son incarcération,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras (rapporteur), président, M. Prek et V. Ciucă, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mai 2008, M. Nistor Isai Faur a introduit le présent recours.

2        Dans sa requête, le requérant, qui est incarcéré à la prison de Arad (Roumanie), relève que, en janvier 2007, il a adressé à la Commission une première demande laquelle, toutefois, n’aurait jamais été enregistrée par la Commission. Le requérant aurait envoyé à la Commission une seconde demande, datée du 24 septembre 2007. Cette seconde demande aurait été enregistrée par la Commission, le 4 octobre 2007, mais le requérant n’aurait reçu aucune réponse à celle-ci. Enfin, le 12 octobre 2007, le requérant aurait envoyé une troisième demande à la Commission, qui n’aurait pas non plus été enregistrée.

3        Le requérant avance, ensuite, certains griefs, ayant trait à des prétendues violations de ses droits politiques et fondamentaux du fait de son incarcération, ainsi qu’aux prix et conditions de vente de produits au magasin de la prison dans laquelle il est détenu. Le requérant conclut à ce que le Tribunal prenne acte de son recours et y fasse entièrement droit.

 En droit

4        Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque ce dernier est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

5        En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

6        Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige, les conclusions et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnances du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20, et du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, Rec. p. II‑1703, point 49 ; arrêt du Tribunal du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, Rec. p. II‑1825, point 29).

7        En l’espèce, force est de constater que la requête ne répond pas aux exigences susmentionnées. Elle ne contient pas l’objet du litige, dès lors qu’elle ne précise nullement si le requérant se plaint de ses conditions d’incarcération ou encore de la prétendue absence de réponse à ses demandes soumises à la Commission. S’agissant de ces dernières demandes, le requérant n’explique nullement quel était leur objet et il ne les a même pas annexées à sa requête.

8        En outre, la requête ne contient pas de conclusions suffisamment précises et concrètes pour permettre au Tribunal de comprendre ce que le requérant entend obtenir par son recours.

9        Certes, le requérant a avancé, dans sa requête, certaines allégations relatives aux conditions de son incarcération et à des prétendues violations de ses droits qui en résulteraient. Mais, ces allégations, à les supposer exactes, ne sauraient servir de fondement à un recours devant le Tribunal.

10      En effet, l’auteur du comportement incriminé ne saurait être, manifestement, ni la Commission, contre laquelle le requérant a dirigé son recours, ni une autre institution ou un autre organe communautaire, mais les autorités roumaines compétentes.

11      Or, il ressort de l’article 225, de l’article 235 CE et de l’article 288, deuxième alinéa, CE, ainsi que de l’article 140 A, de l’article 151 et de l’article 188, deuxième alinéa, EA, que le Tribunal est uniquement compétent pour connaître des recours introduits au titre de l’article 230 CE ou de l’article 146 EA à l’encontre des institutions et organes communautaires, créés par les traités ou par des actes pris pour leur application, ainsi que des recours en réparation de dommages causés par les mêmes institutions ou par leurs agents dans l’exercice de leurs fonctions. En revanche, le Tribunal n’est compétent ni pour annuler un acte quelconque des autorités nationales roumaines, ni pour condamner lesdites autorités à verser au requérant des dommages‑intérêts.

12      Par ailleurs et pour autant que le présent recours puisse être compris en ce sens qu’il tend à l’annulation d’une décision de la Commission de ne pas donner suite aux demandes du requérant susvisées, lesquelles viseraient à obtenir une intervention de cette institution en sa faveur, il convient de relever que la seule suite favorable que la Commission aurait pu donner à de telles demandes aurait été d’engager, à l’encontre de la Roumanie, une procédure en constatation de manquement, sur fondement de l’article 226 CE (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 23 janvier 1995, Bilanzbuchhalter/Commission, T‑84/94, Rec. p. II‑101, point 22, confirmée sur pourvoi par l’arrêt de la Cour du 20 février 1997, Bundesverband der Bilanzbuchhalter/Commission, C‑107/95 P, Rec. p. I‑947).

13      Cependant, selon une jurisprudence constante, les particuliers ne sont pas recevables à attaquer un refus de la Commission d’engager une procédure en constatation de manquement à l’encontre d’un État membre (ordonnance de la Cour du 12 juin 1992, Asia Motor France/Commission, C‑29/92, Rec. p. I‑3935, point 21 ; ordonnance du Tribunal du 13 novembre 1995, Dumez/Commission, T‑126/95, Rec. p. II‑2863, point 33, et arrêt du Tribunal du 22 mai 1996, AITEC/Commission, T‑277/94, Rec. p. II‑351, point 55).

14      En effet, lorsque, comme en l’espèce, une décision de la Commission revêt un caractère négatif, cette décision doit être appréciée en fonction de la nature de la demande à laquelle elle constitue une réponse (arrêt de la Cour du 8 mars 1972, Nordgetreide/Commission, 42/71, Rec. p. 105, point 5 ; ordonnance Dumez/Commission, précitée, point 34, et arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Salt Union/Commission, T‑330/94, Rec. p. II‑1475, point 32).

15      Il convient de rappeler que l’article 230, quatrième alinéa, CE subordonne la recevabilité d’un recours en annulation formé par une personne physique ou morale contre une décision dont elle n’est pas le destinataire à la condition que la décision attaquée la concerne directement et individuellement.

16      Or, dans le cadre de la procédure en manquement régie par l’article 226 CE, les seuls actes que la Commission peut être amenée à prendre sont adressés aux États membres (ordonnances du Tribunal du 29 novembre 1994, Bernardi/Commission, T‑479/93 et T‑559/93, Rec. p. II‑1115, point 31, et du 19 février 1997, Intertronic/Commission, T‑117/96, Rec. p. II‑141, point 32). En outre, il résulte du système prévu par l’article 226 CE que ni l’avis motivé, qui ne constitue qu’une phase préalable au dépôt éventuel d’un recours en constatation de manquement devant la Cour, ni la saisine de la Cour par le dépôt effectif d’un tel recours ne sauraient constituer des actes concernant de manière directe les personnes physiques ou morales.

17      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent, que le présent recours doit être rejeté, sans qu’il soit nécessaire de le signifier à la Commission.

 Sur les dépens

18      La présente ordonnance étant adoptée avant la notification de la requête à la partie défenderesse et avant que celle-ci n’ait pu exposer des dépens, il suffit de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens, conformément à l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Nistor Isai Faur supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 3 juillet 2008.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      M. Vilaras


* Langue de procédure : le roumain.