Language of document : ECLI:EU:C:2011:685

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

25 octobre 2011 (*)

«Règlement (CE) n° 44/2001 – Compétence judiciaire et exécution des décisions en matière civile et commerciale – Compétence ‘en matière délictuelle ou quasi délictuelle’ – Directive 2000/31/CE – Publication d’informations sur Internet – Atteinte aux droits de la personnalité – Lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire – Droit applicable aux services de la société de l’information»

Dans les affaires jointes C‑509/09 et C‑161/10,

ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Bundesgerichtshof (Allemagne) (C‑509/09) et par le tribunal de grande instance de Paris (France) (C‑161/10), par décisions des 10 novembre 2009 et 29 mars 2010, parvenues à la Cour, respectivement, les 9 décembre 2009 et 6 avril 2010, dans les procédures

eDate Advertising GmbH

contre

X,

et

Olivier Martinez,

Robert Martinez

contre

MGN Limited,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. A. Tizzano, J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, U. Lõhmus et M. Safjan (rapporteur), présidents de chambre, MM. E. Levits, A. Ó Caoimh, L. Bay Larsen et T. von Danwitz , juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. B. Fülöp, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 décembre 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour eDate Advertising GmbH, par Mes H. Graupner et M. Dörre, Rechtsanwälte,

–        pour X, par Me A. Stopp, Rechtsanwalt,

–        pour MGN Limited, par Me C. Bigot, avocat,

–        pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller et Mme J. Kemper, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement français, par M. G. de Bergues et Mme B. Beaupère-Manokha, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement danois, par M. C. Vang, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement grec, par Mme S. Chala, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement italien, par Mme W. Ferrante, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement luxembourgeois, par M. C. Schiltz, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Pesendorfer et M. E. Riedl, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme F. Penlington, en qualité d’agent, assistée de Mme J. Stratford, QC,

–        pour la Commission européenne, par M. M. Wilderspin, en qualité d’agent,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 29 mars 2011,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 5, point 3, du règlement (CE) nº 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1, ci-après le «règlement»), et de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique») (JO L 178, p. 1ci-après la «directive»).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, d’une part, X à eDate Advertising GmbH (ci-après «eDate Advertising») et, d’autre part, MM. Olivier et Robert Martinez à MGN Limited (ci-après «MGN»), au sujet de la responsabilité civile de ces défendeurs concernant des informations et des photos publiées sur Internet.

 Le cadre juridique

 Le règlement

3        Le onzième considérant du règlement énonce:

«Les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur et cette compétence doit toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de juridictions.»

4        Aux termes de l’article 2, paragraphe 1, du règlement, qui figure dans le chapitre II («Compétence») de celui-ci, section 1, intitulée «Dispositions générales»:

«Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.»

5        L’article 3, paragraphe 1, du même règlement dispose:

«Les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre ne peuvent être attraites devant les tribunaux d’un autre État membre qu’en vertu des règles énoncées aux sections 2 à 7 du présent chapitre.»

6        Au chapitre II, section 2, intitulée «Compétences spéciales», l’article 5, point 3, est ainsi libellé:

«Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, dans un autre État membre:

[…]

3.       en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire».

 La directive

7        La quatrième phrase du vingt-deuxième considérant de la directive se lit comme suit:

«En outre, afin d’assurer efficacement la libre prestation des services et une sécurité juridique pour les prestataires et leurs destinataires, ces services de la société de l’information doivent être soumis en principe au régime juridique de l’État membre dans lequel le prestataire est établi.»

8        Le vingt-troisième considérant de la directive énonce:

«La présente directive n’a pas pour objet d’établir des règles supplémentaires de droit international privé relatives aux conflits de loi ni de traiter de la compétence des tribunaux. Les dispositions du droit applicable désigné par les règles du droit international privé ne doivent pas restreindre la libre prestation des services de la société de l’information telle que prévue par la présente directive.»

9        Le vingt-cinquième considérant de la directive précise:

«Les juridictions nationales, y compris les juridictions civiles, statuant sur les différends de droit privé peuvent déroger à la libre prestation des services de la société de l’information, conformément aux conditions définies dans la présente directive.»

10      Conformément à son article 1er, paragraphe 1, la directive a pour objectif «de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur en assurant la libre circulation des services de la société de l’information entre les États membres».

11      L’article 1er, paragraphe 4, de la directive est libellé comme suit:

«La présente directive n’établit pas de règles additionnelles de droit international privé et ne traite pas de la compétence des juridictions.»

12      Aux termes de l’article 2, sous h), i), de la directive:

«Le domaine coordonné a trait à des exigences que le prestataire doit satisfaire et qui concernent:

–        l’accès à l’activité d’un service de la société de l’information, telles que les exigences en matière de qualification, d’autorisation ou de notification,

–        l’exercice de l’activité d’un service de la société de l’information, telles que les exigences portant sur le comportement du prestataire, la qualité ou le contenu du service, y compris en matière de publicité et de contrat, ou sur la responsabilité du prestataire.»

13      L’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive dispose:

«1.      Chaque État membre veille à ce que les services de la société de l’information fournis par un prestataire établi sur son territoire respectent les dispositions nationales applicables dans cet État membre relevant du domaine coordonné.

2.      Les États membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre.»

14      L’article 3, paragraphe 4, de la directive précise les conditions dans lesquelles les États membres peuvent prendre, à l’égard d’un service de la société de l’information, des mesures qui dérogent au paragraphe 2.

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

 Affaire C-509/09

15      En 1993, X, domicilié en Allemagne, a été condamné avec son frère par une juridiction allemande à une peine d’emprisonnement à perpétuité pour le meurtre d’un acteur populaire. Au mois de janvier 2008, il a été libéré avec mise à l’épreuve.

16      eDate Advertising, établie en Autriche, gère un portail Internet à l’adresse «www.rainbow.at». Dans la rubrique «Info‑News», sur les pages prévues pour les informations moins récentes, la défenderesse a tenu à disposition jusqu’au 18 juin 2007, en vue de sa consultation, une information remontant au 23 août 1999. Il y était dit, en citant nommément X ainsi que son frère, qu’ils avaient tous deux saisi le Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale) de Karlsruhe (Allemagne) d’un recours contre leur condamnation. Outre une brève description des faits commis en 1990, l’avocat mandaté par les condamnés est cité comme affirmant qu’ils entendaient prouver que plusieurs des principaux témoins à charge n’avaient pas dit la vérité au procès.

17      X a enjoint à eDate Advertising de cesser d’en faire état ainsi que de faire une déclaration relative à un engagement de ne pas faire. eDate Advertising n’a pas répondu à ce courrier mais a, le 18 juin 2007, retiré l’information contestée de son site Internet.

18      Par son recours devant les juridictions allemandes, X exige de eDate Advertising qu’elle cesse de parler de lui en citant l’intégralité de son nom à propos de l’acte commis. Cette dernière a principalement contesté la compétence internationale des juridictions allemandes. Le recours ayant abouti dans les deux instances inférieures, eDate Advertising persiste, devant le Bundesgerichtshof, dans ses conclusions tendant au rejet du recours.

19      Le Bundesgerichtshof relève que l’issue de ce recours est subordonnée à la question de savoir si les instances inférieures ont, à juste titre, admis leur compétence internationale pour statuer sur le litige conformément à l’article 5, point 3, du règlement.

20      Si la compétence internationale des juridictions allemandes était établie, se poserait la question de savoir si le droit allemand ou le droit autrichien s’appliquent. Cela dépendrait de l’interprétation de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive.

21      D’une part, le principe du pays d’origine pourrait constituer un correctif sur le plan du droit matériel. Le résultat sur le fond, prévu par le droit déclaré applicable selon les règles de conflit de lois de l’État du for, serait, dans le cas concret, modifié dans sa teneur le cas échéant et réduit aux exigences moins strictes du droit du pays d’origine. Selon cette interprétation, le principe du pays d’origine n’affecterait pas les règles nationales de conflit de lois de l’État du for et n’interviendrait – comme les libertés fondamentales énoncées dans le traité CE – que dans le cadre d’une comparaison concrète coûts/bénéfices sur le plan du droit matériel.

22      D’autre part, l’article 3 de la directive pourrait instituer un principe général en matière de règles de conflit de lois qui entraîne l’unique application du droit en vigueur dans le pays d’origine en évinçant les règles nationales de conflit de lois.

23      Le Bundesgerichtshof indique que si l’on considérait le principe du pays d’origine comme un obstacle à l’application du droit sur le plan matériel, le droit international privé allemand serait applicable et il faudrait annuler la décision attaquée et rejeter définitivement le recours, puisqu’on ne pourrait pas admettre un droit en cessation du demandeur fondé sur le droit allemand. En revanche, si l’on accordait au principe du pays d’origine le caractère d’une règle de conflit de lois, il faudrait apprécier le droit en cessation de X selon le droit autrichien.

24      Dans ces conditions, le Bundesgerichtshof a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’expression ‘lieu où le fait dommageable […] risque de se produire’, figurant à l’article 5, point 3, du règlement [...] doit-elle, en cas (de risque) d’atteintes aux droits de la personnalité par des contenus mis en ligne sur un site Internet, être interprétée en ce sens

que l’intéressé peut intenter une action en cessation contre le gestionnaire du site Internet devant les tribunaux également de tout État membre dans lequel le site Internet peut être consulté, indépendamment de l’État membre dans lequel le gestionnaire est établi,

      ou

la compétence des juridictions d’un État membre dans lequel le gestionnaire du site Internet n’est pas établi suppose-t-elle l’existence d’un lien particulier (lien de rattachement avec l’État en question) des contenus attaqués ou du site Internet avec l’État du for, allant au-delà de la possibilité technique de consultation?

2)      Si un tel lien particulier de rattachement est requis:

      Selon quels critères ce lien se définit-il?

Importe-t-il que, selon la finalité poursuivie par le gestionnaire, le site Internet attaqué s’adresse de manière ciblée (également) aux internautes de l’État du for ou suffit-il que les informations consultables sur le site Internet présentent objectivement un lien avec l’État du for en ce sens qu’un conflit des intérêts divergents – intérêt du demandeur au respect de ses droits de personnalité et intérêt du gestionnaire à concevoir son site Internet et à informer – peut, selon les circonstances du cas d’espèce, en raison en particulier du contenu du site Internet contesté, effectivement être survenu ou survenir dans l’État du for?

Pour constater l’existence du lien de rattachement particulier, le nombre des consultations, depuis l’État du for, du site Internet contesté revêt-il un caractère décisif?

3)      Si aucun lien de rattachement particulier n’est nécessaire pour admettre la compétence ou s’il suffit, pour admettre l’existence d’un tel lien, que les informations contestées présentent objectivement un lien avec l’État du for en ce sens qu’un conflit d’intérêts divergents peut effectivement être survenu ou survenir dans l’État du for, selon les circonstances du cas d’espèce, en raison en particulier du contenu du site Internet contesté, et que l’admission d’un lien de rattachement particulier ne suppose pas de constater un nombre minimal de consultations, depuis l’État du for, du site Internet contesté:

L’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive [...] doit-il être interprété en ce sens

qu’il convient d’accorder à ces dispositions le caractère de règles de conflit de lois en ce sens qu’elles prescrivent également en droit civil l’unique application du droit en vigueur dans le pays d’origine, en évinçant les normes nationales de conflit de lois,

ou

ces dispositions constituent-elles un correctif sur le fond par lequel le résultat sur le fond du droit déclaré applicable selon les normes nationales de conflit de lois est modifié dans sa teneur et est réduit aux exigences du pays d’origine?

Au cas où l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive [...] revêtirait le caractère d’une règle de conflit de lois:

Les dispositions précitées prescrivent-elles uniquement la seule application du droit matériel en vigueur dans le pays d’origine ou aussi l’application des normes de conflit de lois qui y sont en vigueur, avec pour effet qu’un renvoi du droit du pays d’origine au droit du pays de destination demeure possible?»

 Affaire C-161/10

25      Devant le tribunal de grande instance de Paris, l’acteur français Olivier Martinez et son père, Robert Martinez, se plaignent d’atteintes à leur vie privée et au droit à l’image d’Olivier Martinez qui seraient caractérisées par la mise en ligne, sur le site Internet accessible à l’adresse «www.sundaymirror.co.uk», d’un texte rédigé en langue anglaise, daté du 3 février 2008 et intitulé, selon la traduction française non contestée versée aux débats, «Kylie Minogue est de nouveau avec Olivier Martinez», avec des détails concernant leur rencontre.

26      Sur le fondement de l’article 9 du code civil français qui dispose que «chacun a droit au respect de sa vie privée», l’action est engagée contre la société de droit anglais MGN, éditrice du site du journal britannique Sunday Mirror. Cette société soulève l’incompétence du tribunal de grande instance de Paris en l’absence d’un lien de rattachement suffisant entre la mise en ligne litigieuse et le dommage allégué sur le territoire français, les demandeurs estimant au contraire qu’un tel lien de rattachement n’est pas nécessaire et que, en tout état de cause, il existe.

27      La juridiction de renvoi expose qu’un fait dommageable dont le support est le réseau Internet ne saurait être considéré comme s’étant produit sur le territoire d’un État membre que s’il existe un lien suffisant, substantiel ou significatif le rattachant audit territoire.

28      La juridiction de renvoi estime que la solution de la question de la compétence du tribunal d’un État membre pour juger d’une atteinte aux droits de la personnalité commise sur le réseau Internet, depuis un site édité par une personne domiciliée dans un autre État membre et essentiellement destiné au public de cet autre État, ne résulte pas clairement des termes des articles 2 et 5, point 3, du règlement.

29      Dans ces conditions, le tribunal de grande instance de Paris a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Les articles 2 et 5[, point 3,] du règlement [...] doivent-ils être interprétés comme accordant compétence à la juridiction d’un État membre pour juger une action engagée du chef d’une atteinte aux droits de la personnalité susceptible d’avoir été commise par une mise en ligne d’informations et/ou de photographies sur un site Internet édité dans un autre État membre par une société domiciliée dans ce second État – ou encore dans un autre État membre, en tout état de cause distinct du premier:

–        soit à la seule condition que ce site Internet puisse être consulté depuis ce premier État,

–        soit seulement lorsqu’existe entre le fait dommageable et le territoire de ce premier État un lien de rattachement suffisant, substantiel ou significatif et, dans ce second cas, si ce lien de rattachement peut résulter:

–        de l’importance des connexions à la page litigieuse depuis ce premier État membre, en valeur absolue ou relativement à l’ensemble des connexions à ladite page,

–        de la résidence, voire de la nationalité, de la personne qui se plaint d’une atteinte à ses droits de la personnalité ou plus généralement des personnes concernées,

–        de la langue dans laquelle est diffusée l’information litigieuse ou de tout autre élément susceptible de démontrer la volonté de l’éditeur du site de s’adresser spécifiquement au public de ce premier État,

–        du lieu où se sont déroulés les faits évoqués et/ou où ont été pris les clichés photographiques éventuellement mis en ligne,

–        d’autres critères [?]»

30      Par ordonnance du 29 octobre 2010, le président de la Cour de justice a, conformément à l’article 43 du règlement de procédure de la Cour, décidé de joindre les affaires C‑509/09 et C‑161/10 aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

 Sur la recevabilité

31      Le gouvernement italien considère que les questions posées dans l’affaire C‑509/09 doivent être déclarées irrecevables faute de pertinence pour le litige au principal. L’action en cessation constituerait un instrument juridictionnel d’urgence et présupposerait donc l’actualité du comportement dommageable. Il ressortirait néanmoins de la présentation des faits de l’espèce que la conduite considérée comme faisant grief n’était plus actuelle au moment de l’introduction de la demande en cessation, étant donné que le gestionnaire du site avait déjà retiré l’information litigieuse avant le début de l’instance.

32      Il convient de rappeler à cet égard que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (voir arrêt du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, non encore publié au Recueil, point 15 et jurisprudence citée).

33      Le refus de la Cour de statuer sur une demande de décision préjudicielle formée par une juridiction nationale n’est, en effet, possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, notamment lorsque le problème est de nature hypothétique (voir arrêt TeliaSonera Sverige, précité, point 16).

34      Or, il n’apparaît pas que, dans l’affaire au principal, l’action en cessation soit devenue sans objet du fait que le gestionnaire du site avait déjà retiré l’information litigieuse avant le début de l’instance. En effet, ainsi qu’il est rappelé au point 18 du présent arrêt, le recours en cessation a abouti dans les deux instances inférieures.

35      En tout état de cause, la Cour a déjà relevé que, au vu de son libellé, l’article 5, point 3, du règlement ne présuppose pas l’existence actuelle d’un préjudice (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2002, Henkel, C‑167/00, Rec. p. I‑8111, points 48 et 49). Il s’ensuit qu’une action visant à éviter qu’un comportement considéré comme illicite ne se reproduise relève de ladite disposition.

36      Dans ces conditions, la demande de décision préjudicielle doit être considérée comme étant recevable.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur l’interprétation de l’article 5, point 3, du règlement

37      Par les deux premières questions dans l’affaire C‑509/09 et la question unique dans l’affaire C‑161/10, qu’il convient d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi demandent, en substance, à la Cour comment l’expression «lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire», utilisée à l’article 5, point 3, du règlement doit être interprétée en cas d’atteinte alléguée à des droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet.

38      Afin de répondre à ces questions, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, selon une jurisprudence constante, les dispositions du règlement doivent être interprétées de manière autonome, en se référant au système et aux objectifs de celui-ci (voir, notamment, arrêt du 16 juillet 2009, Zuid-Chemie, C‑189/08, Rec. p. I‑6917, point 17 et jurisprudence citée).

39      D’autre part, dans la mesure où le règlement a remplacé, dans les relations des États membres, la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 1972, L 299, p. 32), telle que modifiée par les conventions successives relatives à l’adhésion des nouveaux États membres à cette convention (ci-après la «convention de Bruxelles»), l’interprétation fournie par la Cour en ce qui concerne les dispositions de cette convention vaut également pour celles dudit règlement, lorsque les dispositions de ces instruments communautaires peuvent être qualifiées d’équivalentes (arrêt Zuid-Chemie, précité, point 18).

40      Il est de jurisprudence constante que la règle de compétence spéciale prévue, par dérogation au principe de la compétence des juridictions du domicile du défendeur, à l’article 5, point 3, du règlement est fondée sur l’existence d’un lien de rattachement particulièrement étroit entre la contestation et les juridictions du lieu où le fait dommageable s’est produit, qui justifie une attribution de compétence à ces dernières pour des raisons de bonne administration de la justice et d’organisation utile du procès (voir arrêt Zuid-Chemie, précité, point 24 et jurisprudence citée).

41      Il convient de rappeler aussi que l’expression «lieu où le fait dommageable s’est produit» vise à la fois le lieu de l’événement causal et celui de la matérialisation du dommage. Ces deux lieux peuvent constituer un rattachement significatif du point de vue de la compétence judiciaire, chacun d’entre eux étant susceptible, selon les circonstances, de fournir une indication particulièrement utile en ce qui concerne la preuve et l’organisation du procès (arrêt du 7 mars 1995, Shevill e.a., C‑68/93, Rec. p. I‑415, points 20 et 21).

42      S’agissant de l’application de ces deux critères de rattachement à des actions visant à réparer un dommage immatériel prétendument causé par une publication diffamatoire, la Cour a considéré que, en cas de diffamation au moyen d’un article de presse diffusé dans plusieurs États contractants, la victime peut intenter contre l’éditeur une action en réparation soit devant les juridictions de l’État contractant du lieu d’établissement de l’éditeur de la publication diffamatoire, compétentes pour réparer l’intégralité des dommages résultant de la diffamation, soit devant les juridictions de chaque État contractant dans lequel la publication a été diffusée et où la victime prétend avoir subi une atteinte à sa réputation, compétentes pour connaître des seuls dommages causés dans l’État de la juridiction saisie (arrêt Shevill e.a., précité, point 33).

43      À cet égard, la Cour a également précisé que, s’il est vrai que la limitation de la compétence des juridictions de l’État de diffusion aux seuls dommages causés dans l’État du for présente des inconvénients, le demandeur a cependant toujours la faculté de porter l’ensemble de sa demande devant le tribunal soit du domicile du défendeur, soit du lieu d’établissement de l’éditeur de la publication diffamatoire (arrêt Shevill e.a., précité, point 32).

44      Ces considérations sont, ainsi que M. l’avocat général l’a exposé au point 39 de ses conclusions, susceptibles de s’appliquer également à d’autres médias et supports de communication et de couvrir un large éventail de violations des droits de la personnalité connues par les différents systèmes juridiques, telles que celles alléguées par les requérants au principal.

45      Toutefois, ainsi que l’ont fait valoir tant les juridictions de renvoi que la plupart des parties et des intéressés ayant soumis des observations à la Cour, la mise en ligne de contenus sur un site Internet se distingue de la diffusion territorialisée d’un média tel un imprimé en ce qu’elle vise, dans son principe, à l’ubiquité desdits contenus. Ceux-ci peuvent être consultés instantanément par un nombre indéfini d’internautes partout dans le monde, indépendamment de toute intention de leur émetteur visant à leur consultation au-delà de son État membre d’établissement et en dehors de son contrôle.

46      Il apparaît donc que Internet réduit l’utilité du critère tenant à la diffusion, dans la mesure où la portée de la diffusion de contenus mis en ligne est en principe universelle. De plus, il n’est pas toujours possible, sur le plan technique, de quantifier cette diffusion avec certitude et fiabilité par rapport à un État membre particulier ni, partant, d’évaluer le dommage exclusivement causé dans cet État membre.

47      Les difficultés de la mise en œuvre, dans le contexte d’Internet, dudit critère de la matérialisation du dommage issu de l’arrêt Shevill e.a., précité, contrastent, ainsi que M. l’avocat général l’a relevé au point 56 de ses conclusions, avec la gravité de l’atteinte que peut subir le titulaire d’un droit de la personnalité qui constate qu’un contenu qui porte atteinte audit droit est disponible en tout point du globe.

48      Il y a donc lieu d’adapter les critères de rattachement rappelés au point 42 du présent arrêt en ce sens que la victime d’une atteinte à un droit de la personnalité au moyen d’Internet peut saisir, en fonction du lieu de la matérialisation du dommage causé dans l’Union européenne par ladite atteinte, un for au titre de l’intégralité de ce dommage. Étant donné que l’impact d’un contenu mis en ligne sur les droits de la personnalité d’une personne peut être le mieux apprécié par la juridiction du lieu où la prétendue victime a le centre de ses intérêts, l’attribution de compétence à cette juridiction correspond à l’objectif d’une bonne administration de la justice, rappelé au point 40 du présent arrêt.

49      L’endroit où une personne a le centre de ses intérêts correspond en général à sa résidence habituelle. Toutefois, une personne peut avoir le centre de ses intérêts également dans un État membre où elle ne réside pas de manière habituelle, dans la mesure où d’autres indices tels que l’exercice d’une activité professionnelle peuvent établir l’existence d’un lien particulièrement étroit avec cet État.

50      La compétence de la juridiction du lieu où la prétendue victime a le centre de ses intérêts est conforme à l’objectif de prévisibilité des règles de compétence (voir arrêt du 12 mai 2011, BVG, C-144/10, non encore publié au Recueil, point 33) également à l’égard du défendeur, étant donné que l’émetteur d’un contenu attentatoire est, au moment de la mise en ligne de ce contenu, en mesure de connaître les centres des intérêts des personnes qui font l’objet de celui-ci. Il y a donc lieu de considérer que le critère du centre des intérêts permet à la fois au demandeur d’identifier facilement la juridiction qu’il peut saisir et au défendeur de prévoir raisonnablement celle devant laquelle il peut être attrait (voir arrêt du 23 avril 2009, Falco Privatstiftung et Rabitsch, C‑533/07, Rec. p. I‑3327, point 22 et jurisprudence citée).

51      Par ailleurs, en lieu et place d’une action en responsabilité au titre de l’intégralité du dommage, le critère de la matérialisation du dommage issu de l’arrêt Shevill e.a., précité, confère compétence aux juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été. Celles-ci sont compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie.

52      Par conséquent, il y a lieu de répondre aux deux premières questions dans l’affaire C‑509/09 et à la question unique dans l’affaire C‑161/10 que l’article 5, point 3, du règlement doit être interprété en ce sens que, en cas d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet, la personne qui s’estime lésée a la faculté de saisir d’une action en responsabilité, au titre de l’intégralité du dommage causé, soit les juridictions de l’État membre du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus, soit les juridictions de l’État membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts. Cette personne peut également, en lieu et place d’une action en responsabilité au titre de l’intégralité du dommage causé, introduire son action devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été. Celles-ci sont compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie.

 Sur l’interprétation de l’article 3 de la directive

53      Par sa troisième question dans l’affaire C-509/09, le Bundesgerichtshof cherche à savoir si les dispositions de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive ont le caractère de règles de conflit de lois en ce sens qu’elles prescrivent également en droit civil l’application exclusive pour les services de la société de l’information du droit en vigueur dans le pays d’origine, en écartant les normes nationales de conflit de lois, ou si elles constituent un correctif au droit déclaré applicable selon les normes nationales de conflit de lois pour en modifier la teneur conformément aux exigences du pays d’origine.

54      Il convient d’analyser ces dispositions en tenant compte non seulement des termes de celles-ci, mais également de leur contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elles font partie (voir arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, Rec. p. I-6857, point 50; du 7 décembre 2006, SGAE, C‑306/05, Rec. p. I‑11519, point 34, et du 7 octobre 2010, Lassal, C‑162/09, non encore publié au Recueil, point 49).

55      En ce sens, le dispositif d’un acte de l’Union est indissociable de sa motivation et doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission, C-298/00 P, Rec. p. I‑4087, point 97 et jurisprudence citée, ainsi que Lassal, précité, point 50).

56      La directive, adoptée sur le fondement des articles 47, paragraphe 2, CE, 55 CE et 95 CE, a pour objet, aux termes de son article 1er, paragraphe 1, de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur en assurant la libre circulation des services de la société de l’information entre les États membres. Son cinquième considérant énumère, en tant qu’obstacles juridiques au bon fonctionnement du marché intérieur dans ce domaine, la divergence des législations ainsi que l’insécurité juridique des régimes nationaux applicables à ces services.

57      Or, pour la plupart des aspects du commerce électronique, la directive ne vise pas à une harmonisation des règles matérielles, mais définit un «domaine coordonné» dans le cadre duquel le mécanisme de l’article 3 doit permettre, selon le vingt-deuxième considérant de cette directive, de soumettre les services de la société de l’information en principe au régime juridique de l’État membre dans lequel le prestataire est établi.

58      À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que le régime juridique de l’État membre d’établissement du prestataire comprend le domaine du droit civil, ce qui ressort, notamment, du vingt-cinquième considérant de la directive ainsi que du fait que l’annexe de celle-ci énumère les droits et les obligations de nature civile auxquels le mécanisme de l’article 3 ne s’applique pas. D’autre part, l’application de celui-ci à la responsabilité des prestataires est expressément prévue à l’article 2, sous h), i), second tiret, de la directive.

59      La lecture de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive à la lumière des dispositions et des objectifs susvisés démontre que le mécanisme prévu par la directive prescrit, également en droit civil, le respect des exigences du droit matériel en vigueur dans le pays d’établissement du prestataire. En effet, en l’absence de dispositions contraignantes d’harmonisation prises au niveau de l’Union, seule la reconnaissance du caractère contraignant du régime national auquel le législateur a décidé de soumettre les prestataires et leurs services peut garantir le plein effet de la libre prestation desdits services. L’article 3, paragraphe 4, de la directive vient corroborer une telle lecture en ce qu’il précise les conditions dans lesquelles les États membres peuvent déroger au paragraphe 2 de cet article, conditions qu’il y a lieu de considérer comme exhaustives.

60      Or, l’interprétation de l’article 3 de la directive doit également tenir compte de son article 1er, paragraphe 4, selon lequel celle-ci n’établit pas de règles additionnelles de droit international privé relatives aux conflits de loi.

61      À cet égard, il convient de relever, d’une part, qu’une interprétation de la règle de marché intérieur consacrée par l’article 3, paragraphe 1, de la directive en ce sens qu’elle aboutit à l’application du droit matériel en vigueur dans l’État membre d’établissement ne détermine pas sa qualification de règle de droit international privé. En effet, ce paragraphe impose principalement aux États membres l’obligation de veiller à ce que les services de la société de l’information fournis par un prestataire établi sur leur territoire respectent les dispositions nationales applicables dans ces États membres relevant du domaine coordonné. L’imposition d’une telle obligation ne présente pas les caractéristiques d’une règle de conflit de lois, destinée à trancher un conflit spécifique entre plusieurs droits ayant vocation à s’appliquer.

62      D’autre part, l’article 3, paragraphe 2, de la directive contient une interdiction pour les États membres de restreindre, pour des raisons relevant du domaine coordonné, la libre circulation des services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre. En revanche, il ressort de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive, lu à la lumière du vingt-troisième considérant de celle-ci, que les États membres d’accueil sont en principe libres de désigner, en vertu de leur droit international privé, les règles matérielles applicables pour autant qu’il n’en résulte pas une restriction de la libre prestation des services du commerce électronique.

63      Il s’ensuit que l’article 3, paragraphe 2, de la directive n’impose pas une transposition sous forme de règle spécifique de conflit de lois.

64      Il convient toutefois d’interpréter les dispositions de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive de manière à garantir que l’approche de coordination retenue par le législateur de l’Union permet effectivement d’assurer la libre circulation des services de la société de l’information entre les États membres.

65      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a déjà relevé que des dispositions impératives d’une directive qui sont nécessaires pour la réalisation des objectifs du marché intérieur doivent pouvoir s’appliquer même en dépit d’un choix de loi divergent (voir, en ce sens, arrêts du 9 novembre 2000, Ingmar, C‑381/98, Rec. p. I‑9305, point 25, et du 23 mars 2006, Honyvem Informazioni Commerciali, C‑465/04, Rec. p. I‑2879, point 23).

66      Or, s’agissant du mécanisme prévu à l’article 3 de la directive, il y a lieu de considérer que la soumission des services du commerce électronique au régime juridique de l’État membre d’établissement de leurs prestataires en vertu dudit article 3, paragraphe 1, ne permettrait pas de garantir pleinement la libre circulation de ces services si les prestataires devaient, en fin de compte, respecter, dans l’État membre d’accueil, des exigences plus strictes que celles qui leur sont applicables dans leur État membre d’établissement.

67      Il s’ensuit que l’article 3 de la directive s’oppose, sous réserve des dérogations autorisées selon les conditions prévues à cet article 3, paragraphe 4, à ce que le prestataire d’un service du commerce électronique soit soumis à des exigences plus strictes que celles prévues par le droit matériel en vigueur dans l’État membre d’établissement dudit prestataire.

68      Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la troisième question dans l’affaire C‑509/09 que l’article 3 de la directive doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas une transposition sous forme de règle spécifique de conflit de lois. Néanmoins, s’agissant du domaine coordonné, les États membres doivent assurer que, sous réserve des dérogations autorisées selon les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 4, de la directive, le prestataire d’un service du commerce électronique n’est pas soumis à des exigences plus strictes que celles prévues par le droit matériel applicable dans l’État membre d’établissement de ce prestataire.

 Sur les dépens

69      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant les juridictions de renvoi, il appartient à celles-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

1)      L’article 5, point 3, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, en cas d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site Internet, la personne qui s’estime lésée a la faculté de saisir d’une action en responsabilité, au titre de l’intégralité du dommage causé, soit les juridictions de l’État membre du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus, soit les juridictions de l’État membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts. Cette personne peut également, en lieu et place d’une action en responsabilité au titre de l’intégralité du dommage causé, introduire son action devant les juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été. Celles-ci sont compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’État membre de la juridiction saisie.

2)      L’article 3 de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»), doit être interprété en ce sens qu’il n’impose pas une transposition sous forme de règle spécifique de conflit de lois. Néanmoins, s’agissant du domaine coordonné, les États membres doivent assurer que, sous réserve des dérogations autorisées selon les conditions prévues à l’article 3, paragraphe 4, de la directive 2000/31, le prestataire d’un service du commerce électronique n’est pas soumis à des exigences plus strictes que celles prévues par le droit matériel applicable dans l’État membre d’établissement de ce prestataire.

Signatures


* Langues de procédure: l’allemand et le français.