Language of document : ECLI:EU:T:2010:315

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

22 juillet 2010 (*)

« Référé – Politique étrangère et de sécurité commune – Fonctionnaire national détaché auprès de la mission de police de l’Union européenne en Bosnie-et-Herzégovine – Décision de réaffectation et de rétrogradation – Demande de sursis à exécution – Recevabilité – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑271/10 R,

H, demeurant à Catania (Italie), représentée par Mes C. Mereu et M. Velardo, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Vitro et G. Marhic, en qualité d’agents,

et

Commission européenne, représentée par M. F. Erlbacher et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision du 7 avril 2010 du chef de la mission de police de l’Union européenne (MPUE) en Bosnie-et-Herzégovine ayant pour effet la rétrogradation et la réaffectation de la requérante,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique et factuel

1        Le 11 mars 2002, le Conseil de l’Union européenne a adopté l’action commune 2002/210/PESC relative à la mission de police de l’Union européenne (MPUE) (JO L 70, p. 1), en vue d’assurer jusqu’au 31 décembre 2005 la relève du groupe international de police des Nations unies en Bosnie-et-Herzégovine. Cette action commune a été prorogée à plusieurs reprises, en dernier lieu jusqu’au 31 décembre 2011 par la décision 2009/906/PESC du Conseil, du 8 décembre 2009, concernant la MPUE en Bosnie-et-Herzégovine (JO L 322, p. 22), adoptée en vertu des articles 28 TUE et 43, paragraphe 2, TUE.

2        La MPUE s’attache à aider les services répressifs compétents de Bosnie-et-Herzégovine à lutter contre la criminalité organisée et la corruption, en mettant l’accent sur les services répressifs au niveau de l’État, sur le renforcement des interactions entre la police et le parquet ainsi que sur la coopération régionale et internationale. Le quartier général principal de la MPUE se trouve à Sarajevo (Bosnie-et-Herzégovine). Il est composé du chef de la MPUE et du personnel prévu dans le plan d’opération. La MPUE dispose, en outre, de quatre bureaux régionaux à Sarajevo, Banja Luka, Mostar et Tuzla (Bosnie-et-Herzégovine).

3        Les articles 6, 7 et 8 de la décision 2009/906/PESC déterminent, respectivement, les compétences et responsabilités du chef de la MPUE, le recrutement, le statut et la gestion du personnel de la MPUE ainsi que le statut de la MPUE.

4        La requérante est une magistrate italienne qui a été détachée par le ministère de la justice italien auprès de la MPUE à Sarajevo le 14 novembre 2008, en tant qu’expert en droit pénal, puis à partir du 24 décembre 2008, en tant que responsable du département juridique. En conséquence, le ministère de la justice italien a prolongé le détachement de la requérante en tant que responsable du département juridique jusqu’en décembre 2009, puis jusqu’en décembre 2010.

5        Par lettre du 17 mars 2010, transmise au directeur de l’unité politique de la MPUE, la requérante a informé sa hiérarchie qu’elle avait détecté des irrégularités dans la gestion de la MPUE. De plus, elle a sollicité un entretien avec le chef de la MPUE pour lui exposer ses constatations, un tel entretien n’ayant cependant selon elle jamais eu lieu.

6        Par décision du 7 avril 2010, signée par le chef des ressources humaines, le chef de la MPUE a rétrogradé la requérante au poste de « conseiller en justice pénale/procureur général » et l’a réaffectée au bureau régional de Banja Luka, avec effet au 19 avril 2010, et ce pour des motifs opérationnels.

7        À la suite d’une plainte introduite par la requérante, le chef de la MPUE, par lettre du 30 avril 2010, a confirmé la décision du 7 avril 2004, en précisant que la réaffectation de la requérante était motivée par des besoins de conseil en matière pénale à Banja Luka.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2010, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision du 7 avril 2010 et, si nécessaire, à celle de la décision du 30 avril 2010, ainsi qu’à l’octroi de dommages et intérêts à hauteur de 30 000 euros, notamment pour l’indemniser du harcèlement moral dont elle prétend être victime de la part de la MPUE et de l’atteinte portée à sa santé par sa rétrogradation et sa réaffectation.

9        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 17 juin 2010, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de la décision du 7 avril 2010 et, si nécessaire, à celle de la décision du 30 avril 2010, conformément à l’article 105, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, en attendant la décision sur la demande de référé et, en tout état de cause, jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le recours principal ;

–        octroyer toutes les mesures conservatoires nécessaires ;

–        condamner le Conseil et la Commission aux dépens majorés d’intérêts de 8 %.

10      Dans leurs observations écrites déposées au greffe du Tribunal le 1er juillet 2010, le Conseil et la Commission concluent, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande de sursis à exécution comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      En réponse à une question écrite posée par le juge des référés, la requérante a indiqué, par mémoire du 7 juillet 2010, qu’elle avait également saisi, en date du 2 juillet 2010, les juridictions italiennes d’un recours dirigé contre le ministère de la justice italien et visant à l’annulation de la décision du 7 avril 2010. Ce recours aurait été introduit par précaution, dans l’hypothèse où le recours en annulation introduit devant le Tribunal serait déclaré irrecevable. La procédure devant le juge national serait actuellement bloquée en attendant l’issue de la procédure pendante devant le Tribunal.

12      En outre, après le dépôt par le Conseil et la Commission de leurs observations, la requérante a, par mémoire du 15 juillet 2010, présenté une réplique.

 En droit

13      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

14      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

15      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

16      Enfin, il importe de souligner que l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions, les organes et les organismes de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée).

17      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Observations liminaires

18      Dans sa demande de sursis à exécution, la requérante a désigné comme parties défenderesses non seulement le Conseil et la Commission, mais également la MPUE. À cet égard, elle relève que la décision du 7 avril 2010 a été adoptée par le chef de la MPUE en tant que mesure administrative, régie par l’article 6, paragraphes 2 et 6, de la décision 2009/906/PESC, qui n’impliquait aucune appréciation politique ou stratégique.

19      Or, ainsi qu’il ressort de la décision 2009/906/PESC – adoptée par le Conseil sur le fondement de l’article 28 TUE et de l’article 43, paragraphe 2, TUE –, la MPUE ne dispose pas de la personnalité juridique et il n’est pas prévu qu’elle puisse être partie à une procédure devant les juridictions de l’Union. Il s’agit d’une « mission », c’est-à-dire d’une simple action, dont la durée est limitée à deux années (article 1er, paragraphe 2, et article 18, deuxième alinéa, de la décision 2009/906/PESC). La MPUE ne s’est ainsi pas vu reconnaître le statut juridique d’une agence, telle que l’Agence européenne de défense, créée par l’action commune 2004/551/PESC du Conseil, du 12 juillet 2004 (JO L 245, p. 17), dont l’article 6 prévoit expressément qu’elle est dotée de la personnalité juridique et jouit de la capacité juridique la plus étendue possible sur le plan national. Cette appréciation – nécessairement sommaire dans le cadre d’une procédure de référé – n’est pas contredite par la circonstance que la MPUE semble disposer d’une certaine capacité juridique en matière contractuelle, d’ailleurs non spécifiée dans la décision 2009/906/PESC, en ce qui concerne le recrutement de personnel civil international et de personnel local ainsi que la conclusion de contrats techniques portant sur la fourniture d’équipements, de services et de locaux (article 7, paragraphe 3, article 8, paragraphe 3, et article 12, paragraphe 2, de ladite décision).

20      Contrairement à la thèse défendue par la requérante, la MPUE ne saurait donc être qualifiée d’organe ou d’organisme au sens de l’article 263, premier et quatrième alinéas, TFUE.

21      S’il est vrai que, aux termes de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure, il appartient à la partie requérante de désigner la partie contre laquelle la requête est formée, il n’en reste pas moins que le juge des référés peut, le cas échéant, clarifier à cet égard la formulation de la demande de sursis à exécution (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 mars 1977, Milch-, Fett- und Eier-Kontor/Conseil et Commission, 44/76, Rec. p. 393, point 1 ; ordonnance de la Cour du 3 juillet 1986, Commission/BEI, 85/86, Rec. p. 2215, point 6 ; ordonnance du Tribunal du 16 octobre 2006, Aisne et Nature/Commission, T‑173/06, non publiée au Recueil, point 17). En l’espèce, il convient donc de considérer le Conseil et la Commission comme seules parties défenderesses.

 Sur la recevabilité

22      Premièrement, en ce qui concerne le chef de conclusions invitant le juge des référés à ordonner « toutes les mesures conservatoires nécessaires », force est de constater que cette demande revêt un caractère vague et imprécis, de sorte qu’elle ne remplit pas les conditions de l’article 44, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, auquel renvoie l’article 104, paragraphe 3, de ce même règlement. Par conséquent, ce chef de conclusions doit être déclaré manifestement irrecevable (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée au Recueil, point 36, et la jurisprudence citée).

23      Deuxièmement, la décision du 7 avril 2010 et la décision du 30 avril 2010 étant intervenues en matière de politique étrangère et de sécurité commune (PESC), régie par le titre V du TUE, le Conseil et la Commission contestent la compétence du Tribunal pour connaître tant du recours principal que de la demande en référé qui se greffe sur celui-ci. Les institutions défenderesses invoquent l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE et l’article 275, paragraphe 1, TFUE, selon lesquels les actes pris en matière de PESC ne peuvent faire l’objet d’un recours en annulation que dans une mesure restreinte. En outre, elles se réfèrent à l’article 8, paragraphe 2, de la décision 2009/906/PESC, selon lequel il appartient non pas aux institutions de l’Union ou à la MPUE, mais aux autorités de l’État ayant détaché un agent à la MPUE de répondre à toute plainte liée à ce détachement et émanant de cet agent ou le concernant. Le Conseil et la Commission relèvent que, consciente de cette situation juridique, la requérante a saisi, le 4 juin 2010, les juridictions italiennes d’un recours visant à l’annulation de la décision du 7 avril 2010 et d’une demande de sursis à l’exécution de cette dernière.

24      À cet égard, il convient de rappeler que c’est le Conseil qui a créé la MPUE et que, si le chef de la MPUE est responsable de la MPUE et donne des instructions à l’ensemble du personnel de la MPUE (article 6, paragraphes 1 et 3, de la décision 2009/906/PESC), la responsabilité du Conseil pour l’action de la MPUE reste engagée à divers égards (article 9, paragraphes 2 et 4, article 10, paragraphes 1 et 2, ainsi qu’article 13, paragraphes 1 et 3, de la décision 2009/906/PESC). Quant à la Commission, elle intervient à des fins budgétaires et financières dans la gestion de la MPUE (article 6, paragraphe 4, et article 12, paragraphe 3, de la décision 2009/906/PESC). Par ailleurs, en l’occurrence, la requérante a allégué, sans être contredite par le Conseil ou la Commission, que le chef de la MPUE avait été recruté par la Commission.

25      Dans ces circonstances, il ne saurait être exclu, de prime abord, que la décision du 7 avril 2010 et la décision du 30 avril 2010, formellement prises par le chef de la MPUE, soient imputables au Conseil ou à la Commission dans la mesure où le chef de la MPUE aurait juridiquement agi pour le compte de l’une de ces institutions. Dans cette optique, il conviendrait d’éviter que ces dernières échappent à tout contrôle par le juge de l’Union en ce qui concerne les décisions de nature purement administrative prises en matière de gestion du personnel dans le cadre de la MPUE, qui seraient clairement détachables des actes de nature « politique » pris au titre de la PESC. En effet, dans la mesure où une telle décision fait grief à son destinataire et modifie de façon caractérisée sa situation juridique, il ne saurait être acceptable dans une Union de droit qu’elle échappe à tout contrôle juridictionnel (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Sogelma/AER, T‑411/06, Rec. p. II‑2771, point 36).

26      Toutefois, il n’est pas nécessaire d’approfondir cette question de recevabilité dans le cadre de la présente procédure, étant donné que la demande en référé doit, en tout état de cause, être rejetée pour défaut d’urgence.

 Sur l’urgence

27      La requérante affirme qu’elle a commencé, après la notification de la décision du 7 avril 2010, à souffrir de problèmes de santé. À cet égard, elle se prévaut de certificats médicaux selon lesquels ses problèmes de santé pourraient être liés au stress causé par sa réaffectation, sa rétrogradation et sa situation plus générale de harcèlement moral. Ce harcèlement continuerait en raison des effets permanents de sa réaffectation et de sa rétrogradation. En conséquence, il serait probable que le préjudice pour sa santé s’accroisse. La rétrogradation porterait préjudice également à la réputation de la requérante. Elle ajoute que son préjudice psychologique et professionnel est dû au fait que les fonctions qui lui sont à présent assignées sont moins prestigieuses que celles qui avaient fondé son détachement. En outre, les fonctions actuelles seraient exercées dans un bureau régional plus inconfortable (Banja Luka), qui serait plus difficilement atteignable par rapport à Sarajevo.

28      Le Conseil et la Commission contestent ces arguments et font valoir que la requérante n’a pas établi l’urgence.

29      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires. Pour pouvoir apprécier si le préjudice allégué présente un caractère de cette nature et justifie donc de suspendre, à titre exceptionnel, l’exécution des décisions du 7 avril et du 30 avril 2010, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés, qui permettent d’évaluer les conséquences qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures provisoires demandées. En toute hypothèse, c’est à la partie qui sollicite de telles mesures qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure principale, alors que le juge des référés, confronté à des contestations de la part de la partie adverse, ne saurait faire droit à une demande en référé en se contentant de pures affirmations non étayées de la partie qui sollicite les mesures provisoires. Compte tenu du caractère strictement exceptionnel de l’octroi de mesures provisoires, une telle mesure ne peut être accordée que si ces affirmations s’appuient sur des éléments de preuve concluants [voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal 27 avril 2010, Parlement/U, T‑103/10 P(R), non publiée au Recueil, points 37 à 39, et la jurisprudence citée, et du 30 avril 2010, Inuit Tapiriit Kanatami/Parlement et Conseil, T‑18/10 R, non publiée au Recueil, point 105, et la jurisprudence citée].

30      En l’espèce, il convient de relever que la requérante n’invoque aucun préjudice financier, en termes de perte de salaire ou d’indemnités, qui serait provoqué par la rétrogradation et par la réaffectation dont elle se plaint. L’étendue du préjudice allégué est ainsi limitée, en substance, à l’atteinte que porteraient les mesures attaquées à la santé de la requérante, à sa réputation ainsi qu’au prestige et au confort du poste de responsable du département juridique qu’elle occupait à Sarajevo au sein de la MPUE.

31      Force est de constater que les seuls éléments de preuve apportés par la requérante dans ce contexte concernent ses prétendus problèmes de santé. À cet effet, elle fournit quatre certificats médicaux, datés des 26 avril, 4 mai, 24 mai et 9 juin 2010, qui attestent qu’elle souffrait d’une bronchite chronique, accompagnée de toux constante, de nausée et de fièvre, lui donnant droit à des congés de maladie, respectivement, de trois, de douze et de quatre jours. Ce n’est que dans le certificat du 9 juin 2010 que le médecin traitant indique qu’« il pourrait exister un lien de causalité entre la fréquence de la maladie et le stress physique et psychologique ». Or, il s’agit là d’une simple supposition qui, de surcroît, ne précise pas que le stress physique et psychologique en cause aurait été provoqué uniquement par les décisions du 7 avril et du 30 avril 2010.

32      Dans ces circonstances, le juge des référés ne peut que constater que la requérante n’est pas parvenue à établir que les affirmations relatives au préjudice causé à sa santé s’appuient sur des éléments de preuve concluants, au sens de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus, étant entendu que la question de l’éventuelle gravité de ce préjudice peut être laissée en suspens. La requérante semble au demeurant reconnaître, elle-même, le caractère douteux d’une causalité entre les décisions du 7 avril et du 30 avril 2010 et sa maladie en relevant qu’« il n’est pas exclu » que ses problèmes de santé soient liés au stress causé par la réaffectation, la rétrogradation et la situation plus générale de harcèlement moral.

33      En tout état de cause, la requérante a indiqué, par mémoire du 24 juin 2010 en réponse à une question écrite du juge des référés, qu’elle avait entre-temps effectivement occupé son nouveau poste à Banja Luka, sans faire état d’une persistance de ses problèmes de santé ou d’une prolongation de son congé de maladie. Il est permis d’en conclure que lesdits problèmes étaient de nature passagère et que le préjudice causé à la santé de la requérante, à le supposer établi, était déjà survenu. Ce préjudice ne pourrait donc plus être évité par l’octroi du sursis à exécution demandé. Or, selon une jurisprudence bien établie, la finalité de la procédure de référé n’est pas d’assurer la réparation d’un préjudice déjà subi (voir ordonnance du président du Tribunal du 8 juin 2009, Dover/Parlement, T‑149/09 R, non publiée au Recueil, point 37, et la jurisprudence citée).

34      S’agissant des autres types de préjudice invoquées par la requérante, la requérante n’a fourni aucun élément de preuve aux fins de les étayer, mais s’est contentée d’avancer de simples affirmations. Eu égard aux contestations de la part des parties défenderesses, ces affirmations ne sauraient donc justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité (voir point 29 ci-dessus).

35      En outre, le préjudice qui consisterait à ce que les nouvelles fonctions de la requérante à exercer dans le bureau régional de Banja Luka soient moins prestigieuses et confortables que celles qui avaient fondé son détachement à Sarajevo ne saurait, en l’absence d’indications factuelles plus détaillées, être qualifié de grave eu égard aux objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune poursuivis par la MPUE, à savoir aider les services répressifs compétents de Bosnie-et-Herzégovine à lutter contre la criminalité organisée et la corruption (article 2, premier alinéa, de la décision 2009/906/PESC).

36      Quant à l’atteinte portée à la réputation de la requérante, à la supposer établie, elle aurait déjà été causée par la décision du 7 avril 2010, de sorte que le préjudice allégué à ce titre serait déjà survenu. Or, ainsi qu’il a été exposé au point 33 ci-dessus, la finalité de la procédure de référé n’est pas d’assurer la réparation d’un préjudice déjà subi. En outre, une annulation de la décision du 7 avril 2010 et de la décision du 30 avril 2010 au terme de la procédure principale constituerait une réparation suffisante du préjudice moral allégué (voir, en ce sens, ordonnance Dover/Parlement, précitée, point 37, et la jurisprudence citée), et ce pour la période entière s’étalant jusqu’à la fin de cette procédure. Au demeurant, la requérante n’a pas prétendu, et encore moins établi, qu’il lui serait impossible de s’adresser au ministère de la justice italien pour obtenir qu’il soit mis fin à son détachement auprès de la MPUE, dans la mesure où sa situation administrative actuelle lui apparaîtrait insupportable, et pour se soustraire ainsi à une situation qu’elle trouve préjudiciable.

37      Il résulte de ce qui précède que la présente demande en référé, dans la mesure où elle est recevable, doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit nécessaire de vérifier si la condition de l’existence d’un fumus boni juris est remplie.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne sont considérés comme seules parties défenderesses.

2)      La demande en référé est rejetée.

3)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 22 juillet 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.