Language of document : ECLI:EU:T:2023:361

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

28 juin 2023 (*)

« REACH – Évaluation des substances – Hexahydro-4-methylphthalic anhydride – Décision de l’ECHA invitant à effectuer un ou plusieurs essais complémentaires – Article 40 du règlement (CE) no 1907/2006 – Recours formé devant la chambre de recours – Erreur de droit »

Dans l’affaire T‑207/21,

Polynt SpA, établie à Scanzorosciate (Italie), représentée par Mes C. Mereu, P. Sellar et I. Zonca, avocats,

partie requérante,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par M. N. Herbatschek, Mme T. Basmatzi et M. M. Goodacre, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et W. Valasidis, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’ordonnance du 22 juin 2021, Polynt/ECHA (T‑207/21 R, non publiée, EU:T:2021:382),

à la suite de l’audience du 19 janvier 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Polynt SpA, demande l’annulation de la décision A-015-2019 de la chambre de recours de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), du 9 février 2021, par laquelle celle-ci a rejeté son recours formé contre la décision relative à une proposition d’essais soumise dans son dossier d’enregistrement de la substance hexahydro‑4‑methylphthalic anhydride (ci-après la « décision attaquée »).

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, ci-après le « règlement REACH »), sauf disposition contraire dudit règlement, tout fabricant ou importateur d’une substance, telle quelle ou contenue dans un ou plusieurs mélanges, en quantité d’une tonne ou plus par an, soumet une demande d’enregistrement à l’ECHA.

3        Pour enregistrer une substance auprès de l’ECHA, un fabricant ou un importateur doit soumettre un dossier d’enregistrement contenant les informations visées à l’article 10 du règlement REACH. En vertu de l’article 10, sous a), ix), dudit règlement, ces informations comprennent des propositions d’essais concernant les informations sur les propriétés intrinsèques des substances dérivées de l’application des annexes IX et X dudit règlement.

4        En vertu de l’article 12, paragraphe 1, sous e), du règlement REACH, les déclarants qui fabriquent ou importent une substance en quantité de 1 000 tonnes ou plus par an sont tenus de fournir les informations énoncées aux annexes VII et VIII dudit règlement et des propositions d’essais pour la fourniture des informations spécifiées en annexes IX et X.

5        La colonne 1 des annexes VII à X du règlement REACH présente les études pour lesquelles un déclarant est tenu de fournir des résumés, en fonction de la fourchette de quantité pour laquelle il envisage d’enregistrer la substance en cause. La colonne 2 des annexes VII à X du règlement REACH énumère les règles spécifiques relatives à la modification ou au remplacement des informations standards exigées par d’autres informations fournies à une étape différente ou adaptées d’une autre manière (adaptations spécifiques). Lorsque les conditions énoncées dans la colonne 2 des annexes VII à X du règlement REACH permettent de proposer des adaptations spécifiques, le déclarant doit clairement indiquer ce fait et donner les raisons de chaque adaptation sous la rubrique appropriée du dossier d’enregistrement. Outre ces adaptations spécifiques, un déclarant peut renoncer à réaliser une étude s’il peut démontrer que les conditions énoncées à l’annexe XI du règlement REACH sont satisfaites (adaptations générales).

6        L’article 40, paragraphe 1, du règlement REACH dispose que l’ECHA examine toute proposition d’essai formulée dans un enregistrement ou dans un rapport d’utilisateur en aval en vue de déterminer si elle contient les informations visées aux annexes IX et X pour une substance.

7        L’article 40, paragraphe 2, du règlement REACH dispose, en substance, que les informations relatives aux propositions d’essais requérant des essais sur des animaux vertébrés sont publiées sur le site Internet de l’ECHA et que celle-ci invite les tierces parties à soumettre, dans les quarante‑cinq jours suivant la date de publication, des informations et des études scientifiquement valables portant sur la substance en question et le point critique d’évaluation faisant l’objet de la proposition d’essai. Les informations et les études scientifiquement valables reçues sont prises en compte par l’ECHA pour préparer sa décision conformément à l’article 40, paragraphe 3, du règlement REACH.

8        L’article 40, paragraphe 3, du règlement REACH prévoit que l’ECHA prépare l’une des décisions suivantes :

« a)      une décision invitant le ou les déclarants et l’utilisateur ou les utilisateurs en aval concernés à effectuer l’essai proposé, et fixant un délai pour la communication des résultats du résumé d’étude ou du résumé d’étude consistant, si l’annexe I le prescrit ;

b)      une décision conforme au point a), mais modifiant les conditions dans lesquelles l’essai doit être réalisé ;

c)      une décision conforme aux points a), b) ou d), mais invitant le ou les déclarants et l’utilisateur ou les utilisateurs en aval à effectuer un ou plusieurs essais complémentaires lorsque la proposition d’essai n’est pas conforme aux annexes IX, X et XI ;

d)      une décision rejetant la proposition d’essai […] »

9        L’article 40, paragraphe 4, du règlement REACH dispose que le déclarant ou l’utilisateur en aval communique les informations exigées à l’ECHA dans le délai fixé.

10      Les décisions visées à l’article 40, paragraphe 3, du règlement REACH sont prises conformément à la procédure prévue aux articles 50 et 51 du même règlement.

11      Aux termes de l’article 50, paragraphe 1, du règlement REACH, l’ECHA communique tout projet de décision aux déclarants ou à l’utilisateur ou aux utilisateurs en aval concernés, en les informant de leur droit de présenter des observations dans les trente jours suivant la réception. Si les déclarants ou les utilisateurs en aval concernés souhaitent présenter des observations, ils les communiquent à l’ECHA. Cette dernière tient compte de toute observation reçue et peut modifier le projet de décision en conséquence.

12      L’article 51 du règlement REACH dispose que l’ECHA notifie son projet de décision ainsi que les observations présentées par le déclarant aux autorités compétentes des États membres. Dans les trente jours suivant la diffusion, les États membres peuvent proposer à l’ECHA des modifications du projet de décision. L’article 51, paragraphe 3, du règlement REACH dispose que, si l’ECHA ne reçoit aucune proposition, elle arrête la décision dans la version notifiée aux déclarants ou à l’utilisateur ou aux utilisateurs en aval concernés.

13      L’article 57 du règlement REACH dispose ce qui suit :

« Les substances suivantes peuvent être incluses dans l’annexe XIV conformément à la procédure prévue à l’article 58 :

a)      les substances répondant aux critères de classification comme substances cancérogènes, de catégorie 1A ou 1B, conformément à l’annexe I, section 3.6., du règlement (CE) no 1272/2008 ;

b)      les substances répondant aux critères de classification comme substances mutagènes sur les cellules germinales, de catégorie 1A ou 1B, conformément à l’annexe I, section 3.5., du règlement (CE) no 1272/2008 ;

c)      les substances répondant aux critères de classification comme substances toxiques pour la reproduction, de catégorie 1A ou 1B, ayant des effets néfastes sur la fonction sexuelle et la fertilité ou sur le développement, conformément à l’annexe I, section 3.7., du règlement (CE) no 1272/2008 ;

d)      les substances qui sont persistantes, bioaccumulables et toxiques conformément aux critères énoncés à l’annexe XIII du présent règlement ;

e)      les substances qui sont très persistantes et très bioaccumulables, conformément aux critères énoncés à l’annexe XIII du présent règlement ;

f)      les substances – telles que celles possédant des propriétés perturbant le système endocrinien ou celles possédant des propriétés persistantes, bioaccumulables et toxiques ou très persistantes et très bioaccumulables, qui ne remplissent pas les critères visés aux points d) ou e) – pour lesquelles il est scientifiquement prouvé qu’elles peuvent avoir des effets graves sur la santé humaine ou l’environnement qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation d’autres substances énumérées aux points a) à e) et qui sont identifiées, cas par cas, conformément à la procédure prévue à l’article 59. »

14      La section 8.7. de l’annexe X du règlement REACH (ci-après la « section 8.7. de l’annexe X ») dispose qu’une étude de la toxicité pour la reproduction ne doit pas être réalisée :

« –       s’il est avéré que la substance est un cancérogène génotoxique et que des mesures appropriées de gestion des risques sont mises en œuvre ; ou

–       s’il est avéré que la substance est un mutagène sur cellules germinales et que des mesures appropriées de gestion des risques sont mises en œuvre ; ou

–       si la substance a une faible activité toxicologique (si aucun des tests disponibles n’a fourni de preuves de toxicité), si des données toxicocinétiques permettent de prouver qu’aucune absorption systémique ne se produit par les voies d’exposition prises en considération (par exemple : concentrations plasma/sang inférieures à la limite de détection en cas d’utilisation d’une méthode sensible, et absence de la substance et de métabolites de la substance dans l’urine, la bile ou l’air exhalé), et s’il n’y a pas d’exposition humaine ou pas d’exposition humaine importante […] »

15      La colonne 1 de la section 8.7.3. de l’annexe X du règlement REACH prévoit la configuration de base d’un essai d’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération (ci-après l’« EOGRT ») (cohortes 1A et 1B sans extension pour inclure une génération F2), portant sur une seule espèce, avec la voie d’administration la plus appropriée, compte tenu de la voie d’exposition humaine probable.

16      La colonne 2 de la section 8.7.3. de l’annexe X du règlement REACH (ci-après la « colonne 2 de la section 8.7.3. ») prévoit qu’une EOGRT avec l’extension de la cohorte 1B pour inclure la génération F2 est proposée par le déclarant ou peut être exigée par l’ECHA :

« a)      si certaines utilisations de la substance entraînent une exposition significative des consommateurs ou des professionnels, compte tenu, notamment, de l’exposition des consommateurs causée par les articles, et

b)      si l’une des conditions suivantes est remplie :

–       la substance présente des effets génotoxiques lors d’essais in vivo de mutagénicité sur des cellules somatiques, ce qui pourrait entraîner son classement comme mutagène de catégorie 2, ou

–       des éléments indiquent que la dose interne de la substance et/ou de tout métabolite de celle‑ci ne peut atteindre son niveau d’équilibre dans les animaux d’essai qu’après une exposition prolongée, ou

–       des études in vivo ou des méthodes non animales disponibles indiquent un ou plusieurs modes d’action pertinents liés à une perturbation endocrinienne. »

17      La colonne 2 de la section 8.7.3. indique également qu’une EOGRT comportant des cohortes 2A/2B (neurotoxicité pour le développement) ou une cohorte 3 (immunotoxicité pour le développement) est proposée par le déclarant ou peut être exigée par l’ECHA conformément aux articles 40 et 41 du règlement REACH, en cas de préoccupations particulières liées à la neurotoxicité pour le développement ou à l’immunotoxicité pour le développement qui seraient justifiées par l’un des éléments suivants :

« –      des informations existantes relatives à la substance elle‑même et tirées de méthodes in vivo ou non animales pertinentes et disponibles (par exemple, anomalies du système nerveux central, preuve d’effets nocifs sur le système nerveux ou immunitaire dans le cadre d’études sur des animaux adultes ou exposés au stade prénatal), ou

–      des mécanismes/modes d’action spécifiques de la substance associés à une neurotoxicité (pour le développement) et/ou à une immunotoxicité (pour le développement) (par exemple, inhibition de la cholinestérase ou modifications pertinentes des taux d’hormones thyroïdiennes associés à des effets nocifs), ou

–       des informations existantes sur les effets causés par des substances de structure analogue à celle de la substance étudiée, suggérant l’existence de tels effets ou mécanismes/modes d’action. »

18      L’article 13 TFUE dispose que, « [l]orsqu’ils formulent et mettent en œuvre la politique de l’Union dans les domaines de l’agriculture, de la pêche, des transports, du marché intérieur, de la recherche et développement technologique et de l’espace, l’Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles, tout en respectant les dispositions législatives ou administratives ».

19      L’article 25 du règlement REACH dispose que, « [a]fin d’éviter les essais sur les animaux, les essais sur des animaux vertébrés réalisés aux fins du[dit] règlement ne sont effectués que s’il n’existe aucune autre solution » et qu’« [i]l convient en outre de prendre des mesures en vue de limiter la répétition d’autres essais ».

20      Les considérants 63 et 64 du règlement REACH disposent ce qui suit :

« (63) Il est également nécessaire de veiller à ce que la production d’informations soit adaptée aux besoins réels en informations. À cet effet, il devrait être fait obligation à l’[ECHA] de statuer, dans le cadre de l’évaluation, sur les programmes d’essais proposés par les fabricants et les importateurs. En coopération avec les États membres, l’[ECHA] devrait donner la priorité à certaines substances, en particulier celles qui peuvent être extrêmement préoccupantes.

(64) Afin d’éviter de réaliser des essais inutiles sur les animaux, les parties prenantes devraient disposer d’une période de 45 jours pour fournir des informations et des études scientifiquement valables portant sur la substance en question et le point critique d’évaluation faisant l’objet de la proposition d’essai. Les informations et les études scientifiquement valables reçues par l’[ECHA] devraient être prises en compte pour les décisions relatives aux propositions d’essais. »

 Antécédents du litige

21      Le 21 octobre 2010, la requérante a présenté à l’ECHA un dossier technique dans le cadre d’une demande d’enregistrement de la substance hexahydro-4-methylphthalic anhydride (sous les références CE 243-072-0 et CAS 19438-60-9) (ci-après le « 4-MHHPA »), conformément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement REACH. La requérante a demandé l’enregistrement du 4-MHHPA en tant que substance fabriquée ou importée en quantités égales ou supérieures à 1 000 tonnes.

22      Dans le cadre de la procédure d’enregistrement, le 27 février 2015, la requérante a fait partiellement appel de la décision CCH-D-2114289309‑36‑01/F de l’ECHA sur le contrôle de conformité, adoptée le 28 novembre 2014 et l’invitant à présenter une étude de toxicité subchronique de 90 jours, par voie orale, sur des rats, conformément à la section 8.6.2. de l’annexe IX du règlement REACH (méthode d’essai portant la référence UE B.26/OCDE 408) et une étude de toxicité pour le développement prénatal, sur des rats ou des lapins, par voie orale, conformément à la section 8.7.2. de l’annexe IX de ce même règlement (méthode d’essai portant la référence UE B.31/OCDE 414). Le 19 octobre 2016, la chambre de recours de l’ECHA a rejeté le recours et confirmé la décision invitant la requérante à présenter ces études pour le 28 octobre 2018 (décision Polynt, A‑004‑2015 de la chambre de recours de l’ECHA).

23      Le 4 juillet 2017 et le 20 octobre 2017, la requérante a reçu des messages de l’ECHA par l’intermédiaire du système informatique « REACH-IT » lui demandant de présenter « une proposition d’essai, une justification pour adaptation, ou un résumé d’étude consistant d’une étude existante » répondant aux informations requises par l’annexe IX et la section 8.7.3. de l’annexe X du règlement REACH. Cette demande a été formulée à la suite de l’entrée en vigueur du règlement (UE) 2015/282 de la Commission, du 20 février 2015, modifiant les annexes VIII, IX et X du règlement REACH, en ce qui concerne l’EOGRT (JO 2015, L 50, p. 1), dont le considérant 4 a mis en exergue le fait que ladite étude était considérée comme avantageuse par rapport à l’étude de toxicité pour la reproduction sur deux générations.

24      Du 18 février au 16 avril 2018, l’ECHA a mené une consultation publique sur cette proposition d’essai. Elle a reçu d’une tierce partie des informations sur l’EOGRT, celle-ci ayant considéré, en substance, que, en l’espèce, il n’était pas justifié scientifiquement de mener une telle étude et que cela n’était pas conforme au bien-être des animaux.

25      Le 5 décembre 2018, l’ECHA a adressé à la requérante un projet de décision l’invitant à réaliser une étude répondant aux conditions suivantes :

« [EOGRT] (annexe X, section 8.7.3. ; méthode de test : lignes directrices de l’OCDE pour les essais de produits chimiques 443) sur des rats, voie orale avec la substance enregistrée précisée comme suit :

Durée de dix semaines d’exposition avant accouplement pour la génération des parents (P0) ;

Le niveau de dose sera établi pour induire une toxicité systémique au niveau de dose le plus élevé ;

Cohorte 1A (toxicité pour la reproduction) ;

Cohorte 1B (toxicité pour la reproduction) sans extension pour que les animaux de la cohorte 1B produisent la génération F2 ; et la cohorte 3 (immunotoxicité pour le développement). »

26      L’ECHA a invité la requérante à présenter des observations sur ce projet de décision. Celle-ci a répondu dans le délai imparti.

27      Le 4 septembre 2019, l’ECHA a adopté la décision TPE-D-2114483466‑38‑01/F, concernant une proposition d’essai pour la substance en cause au titre de l’article 40 du règlement REACH (ci-après la « décision initiale »), invitant la requérante à lui présenter l’EOGRT, telle que décrite au point 25 ci-dessus, pour le 13 septembre 2021.

28      Le 4 décembre 2019, la requérante a présenté un recours contre la décision initiale, au titre de l’article 91 du règlement REACH, devant la chambre de recours de l’ECHA.

29      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. Premièrement, elle a conclu que, d’une part, la colonne 2 de la section 8.7. de l’annexe X du règlement REACH (ci-après la « colonne 2 de la section 8.7. ») ne prévoyait aucune dérogation pour l’absence d’études sur la toxicité pour la reproduction dès lors qu’une substance avait été identifiée comme extrêmement préoccupante (ci-après « SVHC ») en raison de ses propriétés sensibilisantes respiratoires. D’autre part, selon elle, les arguments de la requérante selon lesquels les conditions énoncées au troisième tiret de la colonne 2 de la section 8.7. étaient remplies n’étaient pas fondés. Deuxièmement, elle a conclu que la requérante n’avait pas démontré que l’ECHA avait commis une erreur d’appréciation en exigeant d’inclure la cohorte 3 dans l’EOGRT en raison de la réduction du poids du thymus observée dans l’étude de toxicité subchronique. Troisièmement, elle a conclu que la requérante n’avait pas démontré que l’ECHA avait négligé de prendre en compte les observations d’une tierce partie en application de l’article 40, paragraphe 2, du règlement REACH. Quatrièmement, elle a conclu que l’argumentation de la requérante portant sur la méconnaissance par l’ECHA, d’une part, du principe de bonne administration et, d’autre part, de l’article 13 TFUE et de l’article 25 du règlement REACH devait être rejetée pour les mêmes raisons que celles qui avaient conduit à rejeter les autres arguments.

 Conclusions des parties

30      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler partiellement la décision attaquée, dans la mesure où elle concerne l’obligation d’inclure une analyse de la cohorte 3 dans le cadre de l’EOGRT ;

–        condamner l’ECHA aux dépens.

31      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

32      La requérante soulève cinq moyens au soutien de son recours. Premièrement, la chambre de recours aurait commis une erreur de droit dans le contrôle de légalité de la décision initiale et aurait négligé d’apprécier ses arguments. Deuxièmement, elle aurait commis une erreur de droit en concluant que l’examen des propositions d’essais équivalait à un contrôle de conformité. Troisièmement, elle n’aurait pas appliqué le bon critère juridique. Quatrièmement, elle aurait méconnu ou mal appliqué les articles 91 à 93 du règlement REACH. Cinquièmement, la chambre de recours n’aurait pas examiné ses arguments tirés de la violation de l’article 13 TFUE et de l’article 25 du règlement REACH ainsi que des principes de protection du bien-être des animaux, de proportionnalité et de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré d’une prétendue erreur de droit, en ce que la chambre de recours se serait livrée à un contrôle juridique erroné et aurait incorrectement interprété la section 8.7. de l’annexe X

33      La requérante soutient que l’ECHA avait méconnu la section 8.7. de l’annexe X en lui enjoignant de réaliser une EOGRT, alors que le 4-MHHPA était un sensibilisant respiratoire connu jugé équivalent à des substances cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (ci-après « CMR »). Selon elle, la dérogation figurant à la colonne 2 de la section 8.7. pouvait être appliquée au 4‑MHHPA.

34      La requérante fait valoir que la chambre de recours a expressément limité, dans la décision attaquée, son examen à la recherche d’une erreur manifeste d’appréciation commise dans la décision initiale. Elle prétend également qu’elle n’a pas abordé son argument central, selon lequel si, pour le 4-MHHPA, il y avait une preuve scientifique d’effets graves sur la santé humaine, suscitant un niveau de préoccupation équivalent aux substances CMR, les règles spécifiques de la colonne 2 de la section 8.7. dispensant les déclarants de réaliser de nouvelles études auraient dû également s’appliquer. Ainsi, aucune autre étude de toxicité pour la reproduction n’aurait dû être réalisée, dès lors qu’il y aurait eu des mesures de gestion du risque strictes visant à garantir la protection des travailleurs et que seuls les usages industriels auraient été préconisés.

35      La requérante soutient que, si la chambre de recours avait recouru au postulat adéquat aux fins de l’analyse juridique de l’application par l’ECHA de la colonne 2 de la section 8.7., elle ne se serait pas limitée à une interprétation littérale, mais aurait pris en compte le contexte, sans priver le 4-MHHPA des mêmes dérogations en matière de données que celles applicables à une substance CMR.

36      L’ECHA conteste les allégations de la requérante.

37      En premier lieu, il convient de relever que la requérante ne conteste pas les conclusions de la chambre de recours formulées au point 1.2. de la décision attaquée concernant l’application du troisième tiret de la colonne 2 de la section 8.7., à savoir qu’elle n’avait pas démontré que les conditions d’une adaptation spécifique, telles que prévues audit tiret, étaient remplies en l’espèce (voir point 14 ci-dessus).

38      En deuxième lieu, s’agissant de l’allégation de la requérante portant sur le degré de contrôle appliqué par la chambre de recours, certes, aux points 36 et 66 de la décision attaquée, celle-ci s’est référée, par analogie, à la jurisprudence issue du point 71 de l’arrêt du 19 janvier 2012, Xeda International et Pace International/Commission (T‑71/10, non publié, EU:T:2012:18), visant la situation dans laquelle une partie invoquait une erreur manifeste d’appréciation commise par l’institution compétente, pour laquelle il avait été jugé que le juge de l’Union devait contrôler si cette institution avait examiné, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, éléments qui appuyaient les conclusions qui en étaient tirées. D’une part, alors qu’une telle référence paraît inappropriée dans les circonstances de l’espèce, force est de constater que la première phrase de ces mêmes points a renvoyé également au point 89 de l’arrêt du 20 septembre 2019, BASF Grenzach/ECHA (T‑125/17, EU:T:2019:638), lequel avait précisé que le contrôle, par la chambre de recours, des appréciations d’ordre scientifique figurant dans une décision de l’ECHA n’était pas limité à la vérification de l’existence d’erreurs manifestes. Il y avait été ajouté que, au contraire, à cet égard, en se fondant sur les compétences juridiques et scientifiques de ses membres, ladite chambre devait examiner si les arguments avancés par la partie requérante étaient susceptibles de démontrer que les considérations sur lesquelles ladite décision était fondée étaient entachées d’erreurs.

39      D’autre part, aux points 35, 36 et 66 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est correctement référée à l’argument de la requérante visant une « erreur d’appréciation » et a indiqué qu’elle allait évaluer si l’ECHA avait commis une telle « erreur ». Ainsi, elle n’a pas limité son examen de la décision initiale à la recherche d’une erreur manifeste d’appréciation.

40      Dans ces circonstances, il ne saurait être conclu sur le seul fondement de la citation de jurisprudence aux points 36 et 66 de la décision attaquée que la chambre de recours a limité son approche à la recherche d’une erreur « manifeste » d’appréciation. À l’audience, les parties ont d’ailleurs admis qu’il convenait plutôt de trancher cette question au regard de l’approche réellement adoptée par la chambre de recours dans la décision attaquée, lors de l’appréciation portée sur les différentes allégations de la requérante.

41      Sur ce plan, il y a lieu de constater qu’il ressort de la lecture d’ensemble de la décision attaquée que la chambre de recours ne s’est pas limitée dans ses analyses juridiques ou scientifiques à la recherche d’une erreur manifeste. Au contraire, la lecture, notamment, des points 47, 56, 58 et 70 à 74 de la décision attaquée permet de considérer qu’elle a concrètement évalué si les critiques formulées devant elle par la requérante étaient susceptibles de démontrer que les considérations sur lesquelles la décision initiale était fondée étaient entachées d’erreurs. Une lecture similaire ressort du point 84 de la décision attaquée, portant sur l’évaluation des commentaires d’une tierce partie par la chambre de recours (voir également point 24 ci-dessus).

42      Partant, il convient de conclure que la requérante n’a pas démontré que la chambre de recours s’était limitée, expressément ou implicitement, à la recherche d’une erreur manifeste d’appréciation.

43      En troisième lieu, ainsi que le rappelle, en substance, la chambre de recours au point 33 de la décision attaquée, la requérante a demandé l’enregistrement pour le 4-MHHPA en tant que substance fabriquée ou importée en quantités égales ou supérieures à 1 000 tonnes. Pour de telles substances, conformément à la colonne 1 de la section 8.7.3. de l’annexe X du règlement REACH, l’EOGRT était considérée comme relevant d’une information standard (voir point 15 ci-dessus). En outre, la requérante a confirmé à l’audience ne pas avoir formellement effectué de modification dudit tonnage et qu’une procédure en ce sens n’avait pas non plus été lancée par l’ECHA.

44      Dans ces circonstances, ainsi qu’indiqué aux points 34 et 37 de la décision attaquée, afin d’omettre l’EOGRT, conformément au premier tiret de la colonne 2 de la section 8.7., un déclarant devait être en mesure de démontrer, d’abord, que la substance était connue pour être un cancérogène génotoxique et, ensuite, que des mesures appropriées de gestion des risques étaient mises en œuvre en ce qui concerne cette substance (voir point 14 ci-dessus). Il ressort du libellé de la colonne 2 de la section 8.7. qu’il s’agissait des conditions cumulatives.

45      La question principale, en l’espèce, est ainsi de savoir si c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté aux points 37 à 53 de la décision attaquée que, contrairement aux allégations de la requérante, le premier tiret de la colonne 2 de la section 8.7. ne permettait pas d’omettre l’EOGRT au motif qu’une substance qui n’était pas connue pour être un cancérogène génotoxique présentait toutefois un « niveau de préoccupation équivalent » à une substance ayant des propriétés CMR.

46      Aux points 41 à 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a affirmé, en substance, que la colonne 2 de la section 8.7. contenait une liste limitative de conditions devant être remplies aux fins de l’omission de l’EOGRT. Aucune des dispositions ne prévoyait une exception qui serait liée au fait qu’une substance avait été identifiée comme SVHC en raison de ses propriétés sensibilisantes respiratoires. Une telle circonstance n’apportait aucune indication quant à sa toxicité sur la reproduction et ne justifiait ainsi l’omission de l’obligation d’apporter l’information standard quant au potentiel de ladite substance de causer une toxicité pour la reproduction.

47      Il ressort des points 41 à 43 de la décision attaquée que la chambre de recours a procédé, tout d’abord, à une analyse grammaticale du premier tiret de la colonne 2 de la section 8.7. La requérante soutient qu’il convenait de procéder par interprétation contextuelle, conformément au point 47 de l’arrêt du 10 décembre 2018, Wightman e.a. (C‑621/18, EU:C:2018:999), en tenant compte d’autant plus de la circonstance que le 4-MHHPA suscitait un niveau de préoccupation équivalent aux substances CMR et que les mesures appropriées de gestion des risques étaient mises en place. Le 4-MHHPA devait ainsi être traité de la même manière qu’une substance CMR en ce qui concernait les dérogations quant aux informations à fournir conformément à l’annexe X du règlement REACH.

48      À cet égard, le libellé du premier tiret de la colonne 2 de la section 8.7. est suffisamment clair. En effet, il inclut une référence explicite à ce qu’il soit « avéré que la substance est un cancérogène génotoxique ». Or, il est constant que cela n’était pas le cas du 4-MHHPA. C’est d’ailleurs à bon droit que, aux points 44 à 50 de la décision attaquée, la chambre de recours a affirmé, en référence au considérant 19 du règlement REACH et à la disposition susmentionnée, qu’il appartenait à la requérante d’apporter les informations quant aux autres risques inhérents liés à la substance en cause, outre ceux liés au fait qu’il s’agissait d’un sensibilisant respiratoire connu. En particulier, il convenait d’apprécier d’éventuels risques liés à la toxicité pour la reproduction, par le biais d’informations standards présentées à cet égard, comme prévu par le règlement 2015/282.

49      En effet, comme l’a souligné la chambre de recours au point 46 de la décision attaquée, et ainsi que cela a également été soutenu par l’ECHA à l’audience, en l’absence d’informations standards sur l’ensemble des points d’entrée, il existait une incertitude quant à la question de savoir si le risque lié aux propriétés de sensibilisation respiratoire de la substance en cause constituait le plus grand risque de celle-ci. La requérante n’a pas apporté d’éléments permettant d’invalider la considération de la chambre de recours, dans ce même point, selon laquelle les données provenant de l’EOGRT pouvaient mener à des décisions d’autorisation ou de limitation concernant la substance en cause ou avoir des effets sur de telles décisions, ou encore mener à ce que le régime de gestion des risques fût modifié.

50      Sur ce dernier point, les mesures appropriées de gestion des risques mises en œuvre concernant les propriétés de sensibilisation respiratoire de la substance pouvaient s’avérer insuffisantes ou inadaptées pour les autres risques éventuels. Ainsi que l’a expliqué l’ECHA à l’audience, il ne pouvait être exclu que des mesures plus strictes, liées aux risques éventuels quant à la toxicité pour la reproduction, pussent être requises, incluant la minimisation de l’utilisation de la substance en cause ou encore la préférence aux éléments de gestion de risques portant directement sur les lieux de fabrication ou d’utilisation de la substance plutôt qu’aux éléments de protection personnelle des professionnels rentrant en contact avec la substance, ces derniers étant sujets à de possibles défaillances. Il ressort d’ailleurs des éléments de preuve présentés par la requérante dans le contexte d’explications visant l’utilisation pratique de la substance en cause que « 80 % des accidents étaient liés à l’aspect humain ».

51      Or, dans cette logique, les allégations de la requérante portant sur le fait qu’elle avait des mesures de gestion de risques strictes et que, partant, l’EOGRT ne susciterait aucun perfectionnement ne sont pas de nature à remettre en question les appréciations de la chambre de recours. En effet, d’une part, les éléments apportés par l’ECHA à l’audience, résumés au point 50 ci-dessus, indiquent clairement qu’il pouvait exister des perfectionnements, même conséquents, desdites mesures, s’il devait s’avérer que le 4-MHHPA était toxique pour la reproduction. D’autre part, il ne saurait être exclu que, dans un tel cas, l’une des mesures principales à prendre pourrait même être de minimiser l’utilisation de cette substance et de mettre en place son remplacement progressif par une autre substance moins nocive, voire inoffensive, du point de vue toxicologique.

52      Dans ces circonstances, comme constaté par la chambre de recours au point 47 de la décision attaquée, le fait que la substance en cause avait été identifiée comme un « sensibilisant respiratoire » présentant un niveau de préoccupation équivalent aux substances CMR n’entraînait pas une exonération de la requérante de son obligation de présenter des informations standards, notamment pour la toxicité pour la reproduction. L’approche adoptée aux points 44 à 53 de la décision attaquée, qui a d’ailleurs pris en considération le contexte de cette disposition, a renforcé l’interprétation littérale du premier tiret de la colonne 2 de la section 8.7. Il convient également de souligner qu’une équivalence, quant au niveau de préoccupation, du 4-MHHPA aux substances CMR n’est pas pour autant une identité entre lesdites substances. Or, si telle avait été l’intention du législateur de l’Union, il aurait suffi à celui-ci de prévoir, dans cette disposition, qu’une exonération des études en question pouvait s’appliquer non seulement dans le cas où il était avéré que la substance était un « cancérogène génotoxique », mais également lorsqu’il s’agissait d’« une substance équivalente » (voir, par analogie, arrêt du 15 mars 2017, Polynt/ECHA, C‑323/15 P, EU:C:2017:207, point 33).

53      À l’instar de ce que soutient l’ECHA, il convient également de constater que, contrairement aux allégations de la requérante, il n’y a aucune « contradiction » entre, d’une part, le fait que la substance en cause a été identifiée en tant que SVHC au sens de l’article 57, sous f), du règlement REACH, en raison de ses propriétés sensibilisantes respiratoires, par assimilation à une substance CMR et, d’autre part, l’application de règles différentes de celles applicables aux substances CMR quant à la colonne 2 de la section 8.7., en raison du libellé clair de cette disposition, limitée aux seules substances dont il était avéré qu’elles constituaient « un cancérogène génotoxique ».

54      Cette approche tient compte des desseins différents de ces deux dispositions et elle est conforme à la jurisprudence de la Cour, qui a précisé que l’article 57, sous f), du règlement REACH instaurait un mécanisme autonome permettant d’identifier comme extrêmement préoccupantes des substances qui n’avaient pas déjà été désignées comme telles au titre de cette disposition (arrêt du 23 janvier 2019, Deza/ECHA, C‑419/17 P, EU:C:2019:52, point 32).

55      Il ressort de cette jurisprudence qu’il n’était pas exclu que les propriétés intrinsèques d’une substance puissent correspondre à plusieurs des motifs prévus à l’article 57, sous a) à f), du règlement REACH (arrêt du 23 janvier 2019, Deza/ECHA, C‑419/17 P, EU:C:2019:52, point 35).

56      Il ressort également du libellé de l’article 57, sous f), du règlement REACH, qui précise que l’identification des substances autres que CMR, des substances persistantes, bioaccumulables et toxiques (ci-après « PBT ») ou des substances très persistantes et très bioaccumulables (ci-après « vPvB ») n’est possible qu’à l’égard de celles dont les effets graves suscitent « un niveau de préoccupation équivalent » à celui suscité par les substances CMR, PBT ou vPvB, que le champ d’application de cette disposition englobe la possibilité de prendre en considération, à des fins de comparaison, des éléments qui dépassent les seuls dangers issus des propriétés intrinsèques des substances concernées (arrêt du 15 mars 2017, Polynt/ECHA, C‑323/15 P, EU:C:2017:207, point 34). Ces autres facteurs peuvent comprendre, outre la probabilité que les effets graves d’une substance se produisent dans les conditions normales de son utilisation, la difficulté à évaluer de manière adéquate les risques posés par ces substances lorsqu’il est impossible de déterminer avec la certitude requise un niveau dérivé sans effet ou une concentration prévisible sans effet ou encore le niveau d’inquiétude que ces substances génèrent pour le public, le nombre de personnes affectées, ainsi que l’impact de ces effets sur la vie, notamment professionnelle, des personnes affectées (arrêt du 15 mars 2017, Polynt/ECHA, C‑323/15 P, EU:C:2017:207, point 39).

57      Ainsi, l’article 57, sous f), du règlement REACH ne permet pas d’assimiler complètement certaines substances, comme, en l’espèce, le 4-MHHPA, aux substances CMR (voire PBT ou vPvB), mais uniquement de les identifier comme substances extrêmement préoccupantes. Or, pour de telles substances, la question peut demeurer ouverte de savoir quels étaient précisément les autres risques qu’elles posaient, ceux-ci nécessitant une évaluation scientifique concrète et adéquate. D’ailleurs, il ressort de la lecture même du tableau portant comparaison des niveaux de préoccupations des substances CMR et du 4-MHHPA, reproduit au point 53 de la requête en tant que « tableau 6.1 », que les effets sur la santé pouvaient être différents, seules les substances CMR comportant l’indication de la possibilité de décès, ou encore d’effets généraux irréversibles. Il ressort de la décision initiale que ces mêmes raisons, à savoir l’absence de clarté quant aux risques du 4-MHHPA autres que ceux portant sur la sensibilisation respiratoire, ont mené l’ECHA à demander l’EOGRT en cause.

58      Dans ces circonstances, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, aux points 51 à 53 de la décision attaquée, que le premier tiret de la colonne 2 de la section 8.7. ne permettait pas d’omettre une EOGRT pour la seule raison que le 4-MHHPA était d’un « niveau de préoccupation équivalent » à une substance ayant des propriétés CMR. Par ailleurs, comme constaté aux points 50 et 51 ci-dessus, cette conclusion ne saurait être invalidée par l’allégation de la requérante selon laquelle « des mesures appropriées de gestion des risques [étaie]nt mises en œuvre » concernant les propriétés de sensibilisation respiratoire du 4-MHHPA.

59      Partant, il convient de rejeter le premier moyen de la requérante comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une prétendue erreur de droit consistant en l’absence de différenciation entre examen d’une proposition d’essai et contrôle de conformité

60      Selon la requérante, l’examen d’une proposition d’essai est différent d’un contrôle de conformité, qui constitue un contrôle administratif plus formaliste du dossier. À l’appui de cette distinction, elle renvoie au considérant 63 du règlement REACH. La requérante soutient, en substance, que, dans l’examen des propositions d’essais, comme en l’espèce, il incombe à l’ECHA de garantir que les essais sur les animaux vertébrés ne sont requis que pour répondre aux besoins réels en informations afin d’éviter les propositions d’essais inutiles sur les animaux. Elle renvoie également au guide de l’ECHA d’avril 2020, intitulé « Comment agir dans le cadre de l’évaluation des dossiers », suivant lequel « le contrôle de conformité des dossiers évalue si la qualité et l’adéquation des informations soumises dans les dossiers d’enregistrement sont conformes aux exigences juridiques des annexes I et VI à X du règlement REACH, y compris aux éventuelles adaptations [effectuées] conformément à l’annexe XI » dudit règlement, tandis que l’« examen des propositions d’essais présentées dans les dossiers vise à garantir une production de données pertinentes et fiables ainsi que des essais adaptés aux besoins réels en informations, notamment afin d’éviter les essais inutiles sur les animaux vertébrés » (pages 5 et 6 dudit guide).

61      La requérante prétend que l’EOGRT était inutile, d’une part, parce que des mesures strictes de gestion des risques étaient déjà mises en œuvre et, d’autre part, étant donné que le 4-MHHPA était produit et utilisé dans l’Union européenne uniquement dans ses installations industrielles, sans qu’il y ait d’utilisation par les consommateurs. La chambre de recours se serait fondée sur un élément non essentiel, à savoir le fait que la colonne 2 de la section 8.7. s’appliquait aux deux étapes de l’évaluation du dossier, alors qu’elle aurait dû apprécier si l’ECHA avait procédé au contrôle des propositions d’essais et donner des raisons pour rejeter l’argument selon lequel l’EOGRT ne permettait ni de clarifier un risque potentiel ni d’améliorer les mesures de gestion des risques. En négligeant de le faire et en soutenant que les deux étapes comportaient le même type d’évaluation, la chambre de recours aurait commis une erreur dans son appréciation juridique.

62      L’ECHA conteste les allégations de la requérante.

63      S’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle l’examen d’une proposition d’essais est différent d’un contrôle de conformité, qui constitue un contrôle administratif plus formaliste visant à s’assurer du caractère complet du dossier d’enregistrement, et de sa référence au considérant 63 du règlement REACH, il convient de relever, à titre liminaire, qu’il ressort du libellé de ce considérant (voir point 20 ci-dessus) qu’il précise un objectif dudit règlement, qui consiste à ce que l’ECHA reçoive les informations dont elle a besoin pour évaluer le dossier en question, s’appliquant à tous les processus d’évaluation, sans limitation aux seuls examens des propositions d’essais comme le prétend la requérante. Il est l’expression du principe de proportionnalité, en vertu duquel les informations demandées doivent être nécessaires à l’objectif poursuivi.

64      Dans la mesure où le préambule d’un acte de l’Union est susceptible de préciser le contenu des dispositions de cet acte et fournit des éléments d’interprétation qui sont de nature à éclairer sur la volonté de son auteur (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2019, Puppinck e.a./Commission, C‑418/18 P, EU:C:2019:1113, points 75 et 76 et jurisprudence citée), le considérant 63 du règlement REACH ne saurait être invoqué pour aller plus loin que ce que prévoient les dispositions concrètes des articles mêmes dudit règlement. Il y a donc lieu de constater que les « besoins réels en informations » visés au considérant 63 de ce même règlement sont identifiés par le législateur comme des exigences d’informations standards au titre des annexes VII à X dudit règlement, conformément à l’objectif visant à atteindre un niveau élevé de protection de la santé humaine par la génération d’informations pertinentes sur les substances concernées.

65      En l’espèce, comme il a déjà été constaté dans le cadre du premier moyen, l’adaptation pertinente est clairement énoncée dans la colonne 2 de la section 8.7. (voir points 5 et 44 ci-dessus).

66      En ce qui concerne les articles 40 et 41 du règlement REACH, visant, respectivement, l’examen des propositions d’essai et le contrôle de la conformité d’enregistrement, la chambre de recours a indiqué, au point 51 de la décision attaquée, qu’ils permettaient de garantir que le dossier d’enregistrement contenait les informations standards, selon ledit règlement, ou des « adaptations acceptables ». La chambre de recours a affirmé que les principes spécifiques d’adaptation prévus dans la colonne 2 de la section 8.7., où figure d’ailleurs une référence explicite aux articles 40 et 41 du règlement REACH, s’appliquaient de la même manière au contrôle de conformité et à l’examen des propositions d’essais.

67      À cet égard, d’une part, il ressort du point 63 de la requête que la requérante admet que la colonne 2 de la section 8.7. s’appliquait aux deux étapes de l’évaluation du dossier, bien qu’elle considère que ce fait n’était pas un « élément essentiel ».

68      D’autre part, il n’est pas contesté que, en l’espèce, l’ECHA a effectivement appliqué l’article 40 du règlement REACH. Il ressort cependant des allégations de la requérante, telles que précisées à l’audience, qu’elle a reproché à l’ECHA d’avoir, en réalité, appliqué par analogie la procédure prévue par l’article 41 du règlement REACH ou, en d’autres termes, de s’être inspirée de ce dernier article. Elle soutient que le législateur a divisé l’étape de conformité du dossier en deux phases différentes pour une raison : la première étape servirait à effectuer un contrôle administratif visant à examiner le caractère complet du dossier d’enregistrement et la seconde étape à évaluer de manière plus approfondie la proposition d’essai en vue d’éviter un essai sur des animaux vertébrés.

69      Force est de constater que, en l’espèce, l’ECHA a correctement suivi la procédure prévue à l’article 40 du règlement REACH, d’abord, en examinant, conformément à l’article 40, paragraphe 1, de ce règlement, les propositions d’essais de la requérante, ensuite, en publiant, conformément à l’article 40, paragraphe 2, du même règlement, sur son site, les informations relatives aux propositions d’essais requérant des essais sur des animaux vertébrés ou encore en invitant les tierces parties à soumettre leurs observations et, enfin, conformément à l’article 40, paragraphe 3, dudit règlement, en adoptant la décision initiale, requérant l’EOGRT (voir points 21 à 27 ci-dessus).

70      C’est à juste titre que l’ECHA soutient, devant le Tribunal, que, dans le cadre des examens de propositions d’essais, elle était légalement tenue, en vertu de l’article 40 du règlement REACH, de rendre une décision sur une proposition d’essais exigeant que le déclarant effectuât un essai, lorsque les informations visées à l’annexe X dudit règlement manquaient dans le dossier d’enregistrement et qu’aucune adaptation valable n’avait été soumise.

71      Ainsi que le soutient l’ECHA, dans le cadre de l’appréciation de la nécessité d’informations additionnelles à celles présentées par la requérante, les propriétés intrinsèques de la substance en cause peuvent être analysées séparément de l’exposition à celle-ci, en amont de la question de la gestion des risques. En effet, comme cela a été discuté à l’audience, ladite gestion dépend intimement des types de risques identifiés et pouvait différer selon qu’il se fût agi uniquement des propriétés de sensibilisation respiratoire ou d’autres risques éventuels, en particulier toxiques pour la reproduction, ces derniers pouvant mener à des modifications dans la classification harmonisée, avec pour conséquence des principes obligatoires et stricts de gestion des risques.

72      Dans ces circonstances, il convient de rejeter les allégations de la requérante selon lesquelles la chambre de recours se serait fondée sur des éléments non essentiels en omettant d’examiner les questions pertinentes (voir point 61 ci-dessus).

73      Partant, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré, en substance, d’une application d’un critère juridique erroné et d’un renversement de la charge de la preuve

74      Dans le cadre de ce moyen, comme elle l’a précisé à l’audience, la requérante soutient que la décision doit être partiellement annulée, dans la mesure où l’ECHA l’a illégalement invitée à évaluer l’immunotoxicité pour le développement de la substance en cause par le biais d’une étude de la cohorte 3, conformément à la colonne 2 de la section 8.7.3. Elle fait valoir que l’ECHA n’était pas parvenue à démontrer que l’inclusion de la cohorte 3 était fondée sur une préoccupation particulière propre à l’immunotoxicité pour le développement et qui atteigne un certain degré de gravité. La chambre de recours aurait abordé cet argument sous l’angle de l’« erreur manifeste d’appréciation » uniquement, appliquant ainsi un critère juridique erroné.

75      La requérante soutient qu’il appartenait à la chambre de recours de se prononcer sur la question de savoir si l’ECHA avait identifié, en l’espèce, un problème particulier propre à l’immunotoxicité pour le développement atteignant un certain degré de gravité. Or, elle se serait limitée à analyser si l’ECHA avait détecté un problème, sans examiner sa gravité, ce qui serait contraire au document d’orientation obligatoire, à savoir le chapitre R.7a, intitulé « Information spécifique aux effets », du guide des exigences d’information et d’évaluation de la sécurité chimique de l’ECHA (versions 6.0, juillet 2017, pages 530 et 531) (ci-après le « guide de l’ECHA de 2017 »). En appliquant un critère juridique erroné, la chambre de recours aurait éludé ses arguments et renversé la charge de la preuve.

76      La requérante fait valoir que, durant la procédure administrative, elle avait proposé que la nécessité d’inclure la cohorte 3, relative à l’immunotoxicité pour le développement, fût déterminée à partir des conclusions d’études sur des anhydres cycliques similaires et de l’étude proposée de toxicité par dose répétée de 90 jours. Elle aurait produit les résultats d’une étude de toxicité pour le développement prénatal conforme aux bonnes pratiques de laboratoires et d’une étude subchronique de 90 jours, de type OCDE TG 408 (datée de 2018). Ces études ne montraient pas une préoccupation significative justifiant d’ajouter la cohorte 3 au canevas de l’étude étendue de toxicité. Alors que l’ECHA avait inclus la cohorte 3 dans la décision initiale, la requérante a soutenu que cette décision était fondée sur des variations statistiques mineures de différents paramètres, erronément interprétés par l’ECHA. Ainsi, quant à la réduction mineure du poids du thymus et du nombre de globules blancs, il se serait agi de faits résultant de variations individuelles et d’un regroupement entraînant des différences statistiques significatives dans l’ensemble des données. Enfin, au point 74 de la décision attaquée, la chambre de recours aurait négligé de répondre à l’argument tiré de l’élément de preuve intitulé « Document concis no 75 d’évaluation chimique internationale relatif aux anhydres d’acides cycliques et à leurs effets sur la santé humaine » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) (ci-après le « document de 2009 de l’OMS »). Selon la requérante, la conclusion sur l’absence de toxicité répondait à la condition requise par la colonne 2 de la section 8.7. pour se passer de l’EOGRT et de sa cohorte 3 augmentée.

77      L’ECHA conteste les allégations de la requérante.

78      Il ressort de la décision initiale que l’ECHA a conclu, après l’examen des propositions d’essais de la requérante, qu’il y avait une « préoccupation particulière » pour l’immunotoxicité pour le développement, telle que définie au deuxième alinéa de la colonne 2 de la section 8.7.3., de telle sorte qu’il convenait de demander que la cohorte supplémentaire d’immunotoxicité pour le développement fût incluse dans l’EOGRT.

79      Il convient également de noter que, dans la décision initiale, l’ECHA a indiqué avoir demandé à la requérante s’il était possible de prendre en considération des méthodes alternatives d’adaptation pour remplir les obligations d’information pour la toxicité pour la reproduction. Elle a tenu compte de la réponse de la requérante, selon laquelle il n’existait pas de telles méthodes.

80      S’agissant des termes « préoccupation particulière », outre la mention au deuxième alinéa de la colonne 2 de la section 8.7.3., ils sont définis plus avant dans le guide de l’ECHA de 2017. Conformément à celui-ci, de telles préoccupations doivent spécifiquement concerner la question de l’immunotoxicité pour le développement, mais également présenter un certain degré de gravité. À cet égard, des éléments additionnels d’explications peuvent être tirés du libellé de la colonne 2 de la section 8.6.1. de l’annexe VIII du règlement REACH (voir note en bas de page n° 155 du guide de l’ECHA de 2017) et de la colonne 2 de la section 8.7.3. des annexes IX et X du règlement REACH. En substance, le degré de gravité est contextualisé comme nécessitant l’existence de preuves suffisantes, au vu de toutes les informations disponibles, permettant de s’attendre raisonnablement à ce que la substance puisse être immunotoxique pour le développement.

81      En l’espèce, ainsi que le soutient l’ECHA devant le Tribunal, sa « préoccupation particulière » était principalement fondée sur des preuves d’une réduction du poids du thymus, observée dans une étude in vivo de toxicité subchronique réalisée sur des rats et portant sur la substance soumise par la requérante (ladite réduction concernant les mâles). Alors que la décision initiale a identifié également d’autres raisons justifiant une demande d’une cohorte d’immunotoxicité pour le développement, à savoir la réduction du nombre des globules blancs (ladite réduction concernant les femelles), celles-ci n’ont pas été examinées dans la décision attaquée, la chambre de recours ayant considéré que la réduction du poids du thymus était suffisante à cet égard.

82      La requérante soutient, devant le Tribunal, qu’il convenait d’apprécier quel était le « degré de gravité » lié à la « préoccupation particulière » en cause et invoque certains éléments qui servaient, selon elle, à démontrer que les effets problématiques relevaient de variations statistiques mineures de différents paramètres. Il s’agit d’une répétition des allégations que la requérante avait déjà formulées devant la chambre de recours, reprises aux points 60 à 62 de la décision attaquée, et auxquelles cette dernière a apporté des réponses aux points 66 à 73 de ladite décision.

83      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’aurait pas effectué son contrôle avec l’intensité requise (voir points 74 et 75 ci-dessus), il a déjà été rappelé au point 38 ci-dessus qu’il ressortait de la jurisprudence que le contrôle, par la chambre de recours, des appréciations d’ordre scientifique figurant dans une décision de l’ECHA n’était pas limité à la vérification de l’existence d’erreurs manifestes. Au contraire, à cet égard, en se fondant sur les compétences juridiques et scientifiques de ses membres, ladite chambre doit examiner si les arguments avancés par la partie requérante sont susceptibles de démontrer que les considérations sur lesquelles ladite décision de l’ECHA est fondée sont entachées d’erreurs (arrêt du 20 septembre 2019, BASF Grenzach/ECHA, T‑125/17, EU:T:2019:638, point 89).

84      En revanche, dans le cadre d’un recours en annulation en vertu de l’article 263 TFUE, le contrôle que le juge de l’Union effectue est limité lorsqu’il s’agit de l’appréciation d’éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes. En effet, s’agissant de telles appréciations, le juge de l’Union se limite à contrôler si elles sont entachées d’une erreur manifeste, d’un détournement de pouvoir ou si l’auteur de la décision a manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2019, BASF Grenzach/ECHA, T‑125/17, EU:T:2019:638, point 87).

85      En premier lieu, il ressort de la rédaction de la partie de la décision attaquée portant sur la cohorte 3 que la chambre de recours ne s’est pas limitée à l’analyse d’une erreur « manifeste d’appréciation », mais a fait mention, à plusieurs reprises, d’« erreurs d’appréciation ».

86      En second lieu, une même conclusion ressort de l’appréciation des motifs précis, appuyés sur des éléments concrets d’évaluation scientifique, sur lesquels la chambre de recours s’était fondée quant à la cohorte 3. Aux points 66 à 74 de la décision attaquée, elle s’est référée aux études de la requérante sur lesquelles l’ECHA avait fondé sa conclusion, portant sur l’obligation d’inclure une cohorte 3. En particulier, au point 67 de la décision attaquée, la chambre de recours a repris les éléments concrets mis en exergue par l’ECHA, concernant les préoccupations quant au développement du thymus. Au point 68 de la décision attaquée, elle a indiqué que cela formait l’élément primaire de la préoccupation de l’ECHA, alors que les autres éléments (à l’instar de la décroissance du nombre des cellules blanches) n’étaient que secondaires. Au point 69 de la décision attaquée, la chambre de recours a évalué ce qu’elle a considéré être des données statistiquement significatives concernant la réduction du thymus chez les sujets « mâles », tant à doses basses (moins 19 % en termes de réduction de masse) qu’à doses hautes (moins 21 % en termes de réduction de masse). De surcroît, elle a souligné que même le groupe comparatif de récupération présentait une réduction de poids significative pour le thymus, à savoir de 22 %, ce qui indiquait que les animaux, objets de l’étude, ne récupéraient pas leur état de santé initial après avoir été exposés à la substance en cause. Au point 70 de la décision attaquée, la chambre de recours a tenu compte du fait qu’il n’y avait pas de modification générale du poids des sujets testés, ces données n’ayant pas été, selon elle, invalidées par la requérante.

87      C’est dans ces circonstances, c’est-à-dire à la suite d’une évaluation scientifique détaillée, que la chambre de recours a constaté, tout d’abord au point 71 de la décision attaquée, que le fait que des résultats identiques (réduction du poids du thymus) n’étaient pas identifiés pour les femelles n’était pas décisif, étant donné que les effets sur les mâles étaient suffisants. Elle a mis en exergue le fait qu’il était constant qu’il pouvait y avoir des effets spécifiques différents entre les sujets testés mâles et femelles.

88      Ensuite, le point 72 de la décision attaquée apporte une réponse précise à l’allégation de la requérante selon laquelle les tests en cause et leurs résultats auraient été liés uniquement à des « variations mineures statistiques de certains paramètres ». La chambre de recours a souligné que cette allégation n’était pas de nature à démontrer que l’ECHA avait commis une erreur d’appréciation au sujet des risques concernant l’immunotoxicité et que, d’ailleurs, celle-ci avait déjà répondu auparavant à une allégation similaire. Elle a considéré que la requérante, au lieu de démontrer une erreur d’appréciation, avait plutôt montré une « opinion divergente » quant aux appréciations des faits scientifiques et des résultats de l’étude subchronique sur la toxicité.

89      Force est de constater que la requérante n’a pas apporté d’éléments devant le Tribunal dont il serait possible de déduire une erreur manifeste d’appréciation de la part de la chambre de recours, conformément à la jurisprudence rappelée au point 84 ci-dessus. En particulier, il n’est pas contesté qu’une diminution du poids du thymus a effectivement eu lieu, bien que la requérante la considère comme minime ou dépourvue de conséquences d’un point de vue statistique. Or, à ce dernier égard, elle n’a pas démontré pour quelles raisons une comparaison avec un groupe « historique » de vertébrés auquel elle a fait référence devrait avoir priorité sur la comparaison, faite par l’ECHA, avec le groupe « de récupération ». En l’absence d’éléments décisifs apportés par la requérante sur ce point, il est raisonnable de considérer, ainsi que l’a également soutenu l’ECHA à l’audience, que la comparaison avec un groupe de vertébrés dit « de récupération » qui a été concomitamment examiné dans les mêmes conditions par le même laboratoire est prioritaire lors d’une mise en balance avec des données « historiques », provenant d’autres études antérieures.

90      De surcroît, il est constant qu’une diminution du poids d’un organe tel que le thymus peut être considérée comme un des indices de la toxicité pour reproduction d’une substance testée (voir page 266 du guide de l’ECHA de 2017).

91      D’ailleurs, en présence d’opinions scientifiques divergentes avec, d’une part, la position soutenue par la requérante, à savoir que, en l’espèce, la réduction du thymus n’était pas statistiquement significative pour indiquer un danger particulier au niveau de la toxicité pour la reproduction et, d’autre part, la position contraire de l’ECHA, confirmée par la chambre de recours, ce serait précisément l’étude demandée dans la décision initiale, l’EOGRT incluant la cohorte 3, qui permettrait d’acquérir les informations décisives sur ce point. Une telle approche, c’est-à-dire celle consistant à solliciter ladite étude, demeure conforme aux exigences d’informations requises au titre du règlement REACH, en particulier de l’article 40 de ce dernier.

92      Par ailleurs, ne pas inclure la cohorte 3 dans l’EOGRT pourrait s’avérer contraire au principe de précaution tel qu’il ressort de l’article 1er, paragraphe 3, du règlement REACH. Conformément à ce principe, il incombe aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval de veiller à fabriquer, à mettre sur le marché ou à utiliser des substances qui n’ont pas d’effets nocifs pour la santé humaine ou l’environnement. Il ressort, de surcroît, du guide de l’ECHA de 2017 que la cohorte 3 vise précisément à évaluer les éléments concernant la toxicité pour la reproduction qui ne ressortent pas d’autres informations déjà présentées dans le cadre d’autres études prévues par le règlement REACH et pouvant être pertinents dans l’évaluation des risques.

93      Partant, la requérante n’a pas démontré que la chambre de recours aurait commis une erreur manifeste d’appréciation dans son évaluation de la gravité des effets causés par les études en cause sur le thymus (voir également points 80 à 82 ci-dessus).

94      Or, dans la mesure où il s’agit ici de la question principale qui, dans la décision initiale, avait mené l’ECHA à exiger l’inclusion de la cohorte 3 dans l’EOGRT, c’est également sans commettre une telle erreur manifeste que la chambre de recours a constaté, au point 74 de la décision attaquée, qu’il n’était pas nécessaire d’évaluer les allégations tirées du document de 2009 de l’OMS.

95      Ainsi que le soutient l’ECHA, l’une des trois conditions auxquelles renvoie la colonne 2 de la section 8.7.3. porte sur des informations existant sur la substance elle-même, à partir des études pertinentes disponibles in vivo, y compris celles concernant des animaux adultes. Alors même que les résultats de la réduction du poids du thymus dans l’étude de la toxicité subchronique remplissaient cette condition, le document de 2009 de l’OMS ne porte pas, quant à lui, sur la même substance, mais uniquement sur des substances apparentées. D’ailleurs, la requérante n’a pas apporté d’éléments établissant la relation entre le 4-MHHPA et les substances ayant fait l’objet des analyses de l’OMS, qu’elle désigne comme étant les « substances structurellement liées de l’anhydride trimellitique, [de] l’anhydride phtalique, [de] l’anhydride succinique et [de] l’anhydride maléique ». De surcroît, la requérante n’a pas non plus clarifié sans ambiguïté si elle visait à tirer des conclusions, à partir du document de 2009 de l’OMS, sur la question de la réduction du poids du thymus ou uniquement sur l’évaluation liée aux globules blancs.

96      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une prétendue méconnaissance ou application erronée des articles 91 à 93 du règlement REACH

97      La requérante soutient que, en négligeant de réaliser un contrôle au fond de la décision de l’ECHA, la chambre de recours a fait une appréciation erronée de la norme juridique requise au titre des articles 91 à 93 du règlement REACH, qui est de réaliser un entier contrôle des décisions de l’ECHA et d’« exercer tout pouvoir relevant de la compétence de [l’ECHA] », par opposition à un contrôle limité à des « erreurs manifestes ».

98      Dans la réplique, la requérante fait valoir qu’elle ne sous-entendait pas que la chambre de recours aurait dû effectuer un « nouvel » examen, mais qu’elle était juridiquement équipée pour contrôler la légalité de la décision de l’ECHA et examiner toute question relative à l’application et à l’interprétation erronée du droit ou de la science.

99      L’ECHA conteste les allégations de la requérante.

100    Dans la mesure où il a déjà été constaté, dans le cadre des trois précédents moyens, que la chambre de recours avait procédé, dans la décision attaquée, en conformité avec la jurisprudence précisant que son contrôle des appréciations d’ordre scientifique figurant dans une décision de l’ECHA n’était pas limité à la vérification de l’existence d’erreurs manifestes (comme expliqué au point 83 ci-dessus), il convient également de rejeter le présent moyen de la requérante. En effet, force est de constater qu’il se fonde, en substance, sur les mêmes critiques que celles émises dans le cadre des trois précédents moyens.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une prétendue absence d’examen des arguments soulevés par la requérante devant la chambre de recours de l’ECHA et portant sur la méconnaissance de l’article 13 TFUE, de l’article 25 du règlement REACH et des principes de protection du bien-être des animaux, de proportionnalité et de bonne administration

101    La requérante fait valoir que, aux points 92, 97 et 98 de la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté ses arguments tirés de la méconnaissance des principes de protection du bien-être des animaux, de proportionnalité et de bonne administration, au motif que ses arguments étaient prétendument les mêmes que ceux invoqués dans ses mémoires antérieurs. Cependant, selon elle, il ressort des motifs exposés dans les quatre premiers moyens que la conclusion tirée auxdits points de la décision attaquée était également illégale. En tout état de cause, il appartenait à la chambre de recours d’examiner ses arguments, dès lors qu’ils avaient été soulevés séparément, visaient des principes consacrés, respectivement, par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, par le traité FUE et par la jurisprudence de la Cour, constituant ainsi des principes fondamentaux méritant une appréciation propre et indépendante.

102    La requérante fait valoir que, dans l’acte de recours déposé devant la chambre de recours de l’ECHA, elle avait indiqué que le modèle de base d’une EOGRT requérait l’utilisation de 200 animaux pour la génération initiale des parents et une expérimentation sur 320 animaux supplémentaires, constituant les cohortes 1A et 1B. L’inclusion de la cohorte 3 requérait une expérimentation sur 80 animaux additionnels. Pour des raisons déjà évoquées dans le cadre des moyens précédents, l’étude n’était ni nécessaire ni utile en l’absence de préoccupation significative quant à l’immunotoxicité pour le développement. En raison également du manque d’absorption par exposition pertinente et du fait que la substance enregistrée avait une faible activité toxicologique autre que celle liée à ses propriétés sensibilisantes telles qu’elles étaient définies et comprises, l’étude n’était pas justifiée.

103    L’approche de l’ECHA aurait ainsi dépassé les limites de ce qui était adéquat et nécessaire pour réaliser les objectifs poursuivis par la décision initiale et aurait également méconnu le principe de protection du bien-être des animaux. De surcroît, l’ECHA aurait méconnu le principe de bonne administration en négligeant d’examiner soigneusement et impartialement tous les facteurs pertinents.

104    L’ECHA conteste les allégations de la requérante.

105    En premier lieu, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui constitue l’un des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (arrêt du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 124).

106    En second lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la mort de près de 600 animaux, dont 80 en raison de l’inclusion de la cohorte 3 dans l’EOGRT, serait, en l’espèce, disproportionnée, il convient de constater, à titre liminaire, que le législateur de l’Union a fixé, comme objectif principal à l’obligation d’enregistrement prévue à l’article 6 du règlement REACH, l’objectif consistant à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement. Le moyen pour atteindre ledit objectif est, ainsi que l’énonce le considérant 19 du règlement REACH, l’obligation d’enregistrement imposée aux fabricants et aux importateurs, comprenant celle de produire des données sur les substances qu’ils fabriquent ou importent, d’utiliser ces données pour évaluer les risques liés à ces substances ainsi que de développer et de recommander des mesures appropriées de gestion des risques (arrêt du 7 juillet 2009, S.P.C.M. e.a., C‑558/07, EU:C:2009:430, points 45 et 46).

107    L’objectif consistant à garantir la protection des animaux est certes également poursuivi par le règlement REACH, en particulier par son article 13, paragraphe 1, et son article 25, paragraphe 1. En effet, selon cette dernière disposition, les essais sur des animaux vertébrés réalisés aux fins de ce règlement ne sont effectués que s’il n’existe aucune autre solution.

108    Toutefois, les exigences en matière d’informations énoncées aux annexes VII à X du règlement REACH confirment que les essais sur les animaux ne peuvent pas être évités dans tous les cas. Dans certains cas, seuls des essais sur des animaux vertébrés fourniront des informations scientifiques suffisantes permettant de prendre des mesures pour protéger la santé humaine et l’environnement.

109    Par ailleurs, s’agissant de la référence de la requérante à l’article 13 TFUE (voir point 18 ci-dessus), elle fait état, en substance, de ce que, lors de la formulation et de la mise en œuvre de certaines politiques de l’Union telles qu’énumérées, l’Union et les États membres tiennent pleinement compte des exigences du bien-être des animaux en tant qu’êtres sensibles, et ce dans le respect des dispositions législatives ou administratives et des usages des États membres en matière notamment de rites religieux, de traditions culturelles et de patrimoines régionaux. Or, en l’espèce, il convient de se référer aux points 106 à 108 ci-dessus, renvoyant à la logique du règlement REACH, respectée en l’espèce par l’ECHA et par la chambre de recours dans la décision attaquée.

110    Plus particulièrement, s’agissant des circonstances de l’espèce, il convient de constater que, dans la mesure où, en vertu de l’article 10, sous a), vi), du règlement REACH, lu conjointement avec la section 8.7.3. des annexes X et XI dudit règlement, le dossier d’un déclarant doit contenir des informations sur une EOGRT ou, à défaut, une adaptation acceptable, l’ECHA n’était ni tenue, en vertu dudit règlement, d’examiner s’il était proportionné que la requérante fût tenue de fournir ces informations, ni habilitée, par le même règlement, à le faire. Il a déjà été conclu, dans le cadre des moyens précédents de la requérante, que celle-ci n’avait pas démontré l’illégalité de la décision attaquée, confirmant la décision initiale en ce que l’ECHA avait exigé qu’elle effectuât l’EOGRT, incluant la cohorte 3.

111    Dans ces circonstances, d’une part, la requérante ne saurait non plus se prévaloir d’une violation de l’article 13 TFUE, dès lors que l’ECHA a agi dans le respect des dispositions législatives qui prévoyaient déjà les procédures à suivre afin de tenir pleinement compte des exigences du bien-être des animaux. D’autre part, elle ne saurait non plus se prévaloir de l’article 25 du règlement REACH, l’ECHA ayant présenté des éléments permettant de considérer que l’étude requise en l’espèce était indispensable. Elle s’est d’ailleurs intéressée dès le début de la procédure administrative à la question de savoir quelles étaient les autres solutions éventuelles, en sollicitant en outre des informations sur de potentielles adaptations proposées par la requérante.

112    Enfin, s’agissant des arguments liés à la bonne administration, l’ECHA fait valoir, à juste titre, que la chambre de recours a souligné, aux points 91 et 92 de la décision attaquée, l’absence de justification de ces arguments de la requérante, tout en continuant à traiter les arguments concrets de celle-ci, portant sur différents volets de la décision initiale. Ainsi, aux points 1 et 2 de la décision attaquée, la chambre de recours a écarté tant les arguments visant la prétendue faible activité toxicologique du 4-MHHPA (en particulier au point 55 de la décision attaquée) que ceux selon lesquels cette substance ne présentait aucun risque d’immunotoxicité pour le développement. Partant, c’est à bon droit qu’elle a rejeté, au point 4.1. de la décision attaquée, l’allégation tirée de la violation du principe de bonne administration, fondée sur ces arguments, en se référant à ses constatations antérieures. Par ailleurs, il a déjà été constaté que l’ECHA avait correctement suivi la procédure prévue par l’article 40 du règlement REACH, lu en combinaison avec l’article 50 de ce dernier, et il n’a pas été démontré, contrairement à ce que prétend la requérante au soutien de cet argument, que la chambre de recours aurait examiné avec partialité et négligence les facteurs pertinents.

113    Dans ces circonstances, il convient de rejeter également le cinquième moyen comme étant non fondé ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

114    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de l’ECHA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Polynt SpA est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 juin 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.