Language of document : ECLI:EU:T:2021:783

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

10 novembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale NATIONAL GEOGRAPHIC – Marque non enregistrée antérieure geographic – Motif relatif de refus – Utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale – Article 8, paragraphe 4, et article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 4, et article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑517/20,

VF International Sagl, établie à Stabio (Suisse), représentée par Mes T. van Innis et A. Van der Planken, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. M. Fischer et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

National Geographic Society, établie à Washington, District of Columbia (États-Unis), représentée par M. S. Malynicz, QC, et Me C. de Haas, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 21 mai 2020 (affaire R 1665/2019-1), relative à une procédure de nullité entre VF International et National Geographic Society,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg et G. Hesse (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 août 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 19 novembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 16 novembre 2020,

vu la décision du 11 mai 2021 portant jonction des affaires T‑517/20 et T‑518/20 aux fins de la phase orale de la procédure,

à la suite de l’audience du 25 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 4 octobre 2010, l’intervenante, National Geographic Society, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal NATIONAL GEOGRAPHIC.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2010/227, du 3 décembre 2010, et la marque contestée a été enregistrée le 11 mars 2011 pour les produits mentionnés au point 3 ci-dessus.

5        Le 25 janvier 2017, la requérante, VF International Sagl, a présenté une demande en nullité de la marque contestée, s’agissant des produits visés au point 3 ci-dessus, sur le fondement, notamment, de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001).

6        La demande en nullité était fondée sur la marque antérieure non enregistrée geographic utilisée dans la vie des affaires en Italie pour des « sacs et vêtements ».

7        Par décision du 28 mai 2019, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité. Elle a conclu, en substance, que la requérante n’avait pas prouvé que la marque antérieure non enregistrée avait été utilisée dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale avant la date de dépôt de la marque contestée.

8        Le 29 juillet 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 21 mai 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Plus particulièrement, elle a considéré que la requérante n’avait pas démontré que le signe non enregistré geographic constituait un signe indépendant, utilisé dans la vie des affaires, dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 4 octobre 2010, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

13      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties aux dispositions du règlement 2017/1001, comme visant les dispositions d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

14      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001 par lequel elle reproche à la chambre de recours d’avoir retenu qu’elle n’avait pas démontré que le signe non enregistré geographic avait été utilisé dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, dudit règlement. Ce moyen s’articule, en substance, en trois branches, tirées, la première, d’une appréciation erronée des éléments de preuve présentés par la requérante, la deuxième, d’une appréciation erronée de la perception par le public pertinent du signe complexe NAPAPIJRI GEOGRAPHIC, et, la troisième, d’une application erronée de la jurisprudence.

15      À titre liminaire, il convient de relever que, en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 53, paragraphe 1, sous c), du même règlement, le titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un signe autre qu’une marque peut demander la nullité d’une marque de l’Union européenne si cette marque non enregistrée ou ce signe remplit cumulativement quatre conditions : il doit être utilisé dans la vie des affaires ; il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à cette marque ou à ce signe doit avoir été acquis conformément à la législation de l’Union européenne ou au droit de l’État membre où il était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne ; enfin, cette marque ou ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que, lorsqu’une marque non enregistrée ou un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, la demande en nullité fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée ou d’autres signes utilisés dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, ne peut aboutir [voir arrêt du 24 octobre 2018, Bacardi/EUIPO – Palírna U zeleného stromu (42 BELOW), T‑435/12, EU:T:2018:715, point 43 et jurisprudence citée].

16      Les deux premières conditions, c’est-à-dire celles relatives à l’usage dans la vie des affaires et à la portée du signe ou de la marque invoquée, cette dernière ne devant pas être seulement locale, résultent du libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 et doivent donc être interprétées à la lumière du droit de l’Union. Ainsi, ce règlement établit des standards uniformes, relatifs à l’usage des signes et à leur portée, qui sont cohérents avec les principes qui inspirent le système mis en place par ce règlement (voir arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 44 et jurisprudence citée).

17      En ce qui concerne la première condition d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, un signe est utilisé dans la vie des affaires lorsque son usage se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant un avantage économique et non dans le domaine privé [voir arrêt du 3 mars 2016, Ugly/OHMI – Group Lottuss (COYOTE UGLY), T‑778/14, non publié, EU:T:2016:122, point 28 et jurisprudence citée].

18      En revanche, il résulte de la locution « lorsque et dans la mesure où, selon le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe », que les deux autres conditions, énoncées ensuite à l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement no 207/2009, constituent des conditions fixées par le règlement qui, à la différence des précédentes, s’apprécient au regard des critères fixés par le droit qui régit le signe invoqué. Ce renvoi au droit qui régit le signe invoqué est justifié, étant donné que le règlement no 207/2009 reconnaît à des signes étrangers au système de marque de l’Union la possibilité d’être invoqués à l’encontre d’une marque de l’Union européenne. Dès lors, seul le droit qui régit le signe invoqué permet d’établir si celui-ci est antérieur à la marque de l’Union européenne et s’il peut justifier d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente (voir arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 45 et jurisprudence citée).

19      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le bien-fondé du présent recours.

20      Il y a ainsi lieu de constater, à titre liminaire, que le recours de la requérante porte uniquement sur la première condition d’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, à savoir celle selon laquelle le signe doit être utilisé dans la vie des affaires. En effet, la chambre de recours ayant conclu que ladite condition n’était pas remplie, elle n’a pas examiné les autres conditions présentées au point 15 ci-dessus.

21      Par ailleurs, dans les circonstances du cas d’espèce, il convient de commencer par l’examen de la deuxième branche du moyen unique.

 Sur la deuxième branche du moyen unique, portant sur une appréciation erronée de la perception par le public pertinent du signe complexe NAPAPIJRI GEOGRAPHIC

22      Au point 60 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les documents produits par la requérante montrent l’usage du signe complexe Image not found ou Image not found, dans lequel le signe napapijri est d'autant plus dominant lorsqu’il est utilisé avec le signe non enregistré geographic, principalement en rapport avec des produits vestimentaires en association, la plupart du temps, avec le drapeau norvégien. La chambre de recours a ainsi conclu, au point 65 de ladite décision, que compte tenu de la position subordonnée du signe non enregistré geographic dans le signe complexe en cause et des preuves présentées, la requérante n’avait pas démontré que le signe non enregistré geographic constituait un signe indépendant dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001.

23      La requérante soutient que le consommateur moyen percevra le signe complexe NAPAPIJRI GEOGRAPHIC comme une configuration de deux marques autonomes, à savoir la marque NAPAPIJRI et la marque GEOGRAPHIC. Ainsi, selon la requérante, le signe non enregistré geographic, lorsqu’il est utilisé comme une partie du signe complexe NAPAPIJRI GEOGRAPHIC, ne perd pas son « individualité » sur les plans visuel, phonétique et conceptuel ni son « pouvoir distinctif », de sorte que le consommateur moyen percevra le signe non enregistré geographic indépendamment des autres éléments.

24      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

25      En l’espèce, il convient de relever que le signe non enregistré geographic a une position clairement subordonnée dans le signe complexe NAPAPIJRI GEOGRAPHIC dans la mesure où il est représenté dans une petite police d’écriture en lettres minuscules simples, sans stylisation particulière frappante. En revanche, le signe napapijri, compte tenu de sa taille beaucoup plus grande et de sa stylisation graphique forte, constitue l’élément dominant dudit signe. Sa position dominante est mise en évidence dans la plupart des éléments de preuve fournis par la requérante.

26      Par conséquent, force est de constater que la chambre de recours a établi, à juste titre, au point 65 de la décision attaquée, que le public pertinent, confronté au signe complexe NAPAPIJRI GEOGRAPHIC, ne percevra pas le signe non enregistré geographic comme un signe indépendant dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009.

 Sur la première branche du moyen unique, portant sur l’appréciation erronée des éléments de preuve présentés par la requérante

27      Aux points 61 à 65 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé qu’il avait été démontré que la requérante avait promu ses produits sous le signe complexe NAPAPIJRI GEOGRAPHIC au moyen de campagnes publicitaires intensives, mais qu’il ne ressortait toutefois pas des éléments de preuve que le signe non enregistré geographic avait été utilisé dans la vie des affaires de manière autonome.

28      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a conclu à tort que les éléments de preuve produits n’étaient pas de nature à démontrer que la marque nationale non enregistrée antérieure geographic était utilisée dans la vie des affaires. Elle estime avoir produit de nombreux éléments de preuve démontrant que le signe non enregistré geographic avait été utilisé dans la vie des affaires de longue date, par elle et par son prédécesseur, sur le territoire italien et en dehors, pour des vêtements et des sacs.

29      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

30      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, s’agissant de la fonction à laquelle doit tendre l’usage du signe, celui-ci doit être utilisé comme élément distinctif en ce sens qu’il doit servir à identifier une activité économique exercée par son titulaire (arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C-96/09 P, EU:C:2011:189, point 149).

31      En outre, selon le même arrêt de la Cour, l’objet commun des deux conditions posées à l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009 est de limiter les conflits entre les signes en empêchant qu’un droit antérieur qui n’est pas suffisamment caractérisé, c’est-à-dire important et significatif dans la vie des affaires, puisse faire obstacle à l’enregistrement d’une nouvelle marque communautaire. Une telle faculté d’opposition doit être réservée aux signes qui sont effectivement et réellement présents sur leur marché pertinent (arrêt du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C-96/09 P, EU:C:2011:189, point 157).

32      Il y a lieu de relever que, afin de prouver que le signe non enregistré geographic était utilisé dans la vie des affaires, la requérante a présenté devant l’EUIPO plusieurs éléments de preuve, notamment les suivants :

–        documents 1 et 6 : des catalogues et des publicités pour des produits distribués avant et après 2001 ;

–        document 2 : des articles de presse ;

–        document 3 : une liste des principaux magasins qui distribuaient des vêtements « Napapijri/Geographic » en mars 2001 ;

–        document 5 : des captures d’écran du site Internet de « Napapijri/Geographic » datant de 2001 ;

–        document 10 : une copie d’une transaction entre la requérante et l’entreprise Green Sport Monte Bianco datée du 29 décembre 2004, mentionnant la « marque de facto » GEOGRAPHIC ;

–        annexe A.1 de la requête (document 12) : des exemples de l’utilisation autonome du signe non enregistré geographic.

33      En l’espèce, il y a d’abord lieu de constater que les documents 1 et 6 renvoient à des catalogues et des publicités concernant des chaussures, des vêtements et des sacs, sur lesquels figure le signe complexe NAPAPIJRI GEOGRAPHIC, tandis que le document 2 renvoie à des articles de presse faisant également référence au signe napapijri. De même, le document 3 renvoie à une liste de magasins qui distribuaient des vêtements « NAPAPIJRI GEOGRAPHIC » en mars 2001 et le document 5 montre des captures d’écran du site Internet intitulé « NAPAPIJRI GEOGRAPHIC » de la même année.

34      En ce qui concerne l’annexe A.1 de la requête (document 12), présentée comme renvoyant à des exemples d’utilisation autonome du signe non enregistré geographic, force est de constater que les extraits de site Internet qui y figurent (pages 2 à 10), datant de 2000 et 2001, montrent l’usage du signe napapijri dans l’adresse URL. En outre, le terme « geographic » ne figure de façon isolée dans lesdits extraits que très sporadiquement, et, lorsque tel est le cas, il renvoie au nom d’une « collection » de la marque de vêtements napapijri, de sorte que, même dans ce cas-là, il apparaît comme subordonné à cette dernière marque, laquelle est utilisée pour indiquer l’origine commerciale des produits de la requérante. Enfin, dans les photos figurant aux pages 11 à 16 de ladite annexe, il y a lieu de constater que le signe non enregistré geographic figure conjointement avec le signe napapijri.

35      Enfin, le document 10, qui contient des documents relatifs à une transaction entre la requérante et une entreprise datant de 2004, porte la mention de la « marque de facto » geographic. Or, d’une part, ce document est marqué comme étant « confidentiel » et, par conséquent, il n’est pas de nature à démontrer que le public pertinent perçoit le signe non enregistré geographic, pris isolément, comme une indication de l’origine commerciale des produits de la requérante. D’autre part, et en tout état de cause, il ne s’agit que d’un cas isolé, lequel concerne une seule transaction de la requérante.

36      Il résulte ainsi de ce qui précède que la quasi-totalité des preuves concerne l’utilisation du signe non enregistré geographic conjointement avec le signe napapijri ou le drapeau norvégien. Partant, les éléments de preuve ne démontrent pas que les produits visés ont été commercialisés sous le signe non enregistré geographic pris isolément, et, partant, ils ne sont pas susceptibles de démontrer que le public pertinent percevrait ce signe comme une indication de l’origine commerciale desdits produits.

37      Par ailleurs, la requérante a admis lors de l’audience qu’il n’existait pas d’élément de preuve spécifique qui montre que le signe non enregistré geographic a été utilisé aux fins de l’identification par les milieux intéressés des produits concernés comme provenant d’une entreprise déterminée, à savoir de son entreprise, à l’exception de l’annexe A.1, laquelle, pourtant, ainsi qu’il a été relevé au point 34 ci-dessus, n’est pas susceptible de démontrer que le public pertinent percevrait ce signe comme une indication de l’origine commerciale desdits produits.

38      Par conséquent, compte tenu du fait que le signe non enregistré geographic n’est pas effectivement et réellement présent de manière autonome sur le marché pertinent, mais seulement conjointement avec le signe napapijri, qui est dominant, et avec le drapeau norvégien, de sorte qu’il n’est pas prouvé qu’une partie substantielle du public pertinent connaîtrait le signe non enregistré geographic et l’associerait, sans effort, aux produits commercialisés par la requérante, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que ledit terme ne constituait pas un signe indépendant utilisé dans la vie des affaires au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009.

 Sur la troisième branche du moyen unique, portant sur une application erronée de la jurisprudence

39      La requérante fait valoir que, selon la jurisprudence de la Cour et du Tribunal, un signe peut toujours fonctionner comme une marque lorsqu’il est utilisé « en tant que partie d’une marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci ». À l’appui de son argumentation, elle mentionne les arrêts du 7 juillet 2005, Nestlé (C‑353/03, EU:C:2005:432) ; du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT) (T‑482/08, non publié, EU:T:2010:229) et du 21 septembre 2010, Villa Almè/OHMI – Marqués de Murrieta (i GAI) (T‑546/08, non publié, EU:T:2010:404), ainsi que des décisions de la chambre de recours.

40      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

41      S’agissant de l’arrêt du 7 juillet 2005, Nestlé (C‑353/03, EU:C:2005:432), il convient de relever que, dans cet arrêt, la Cour a précisé que le caractère distinctif d’une marque visé à l’article 3, paragraphe 3, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), peut être acquis en conséquence de l’usage de cette marque en tant que partie d’une marque enregistrée ou conjointement avec celle-ci. En effet, tel est le cas lorsque, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent le produit ou le service désigné par ladite marque comme provenant d’une entreprise déterminée (arrêt du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, points 30 et 32).

42      Dans l’arrêt du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT) (T‑482/08, non publié, EU:T:2010:229), le Tribunal a examiné si des éléments de preuve versés au dossier par la requérante contenaient des éléments additionnels par rapport à la marque contestée susceptibles d’altérer le caractère distinctif de celle-ci, de sorte que ces éléments de preuve ne sauraient constituer une preuve de l’usage sérieux de la marque contestée en vertu de l’article 15, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 40/94. Le Tribunal a conclu que tel n’était pas le cas, puisque notamment les éléments ajoutés à la marque contestée occupaient une position accessoire dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, et présentaient, pour la plupart, un caractère distinctif faible (points 32, 37 et 43 de l’arrêt). De même, dans l’arrêt du 21 septembre 2010, Villa Almè/OHMI – Marqués de Murrieta (i GAI) (T‑546/08, non publié, EU:T:2010:404), le Tribunal a précisé qu’il n’existait aucune règle en matière de marques obligeant l’opposante à prouver l’usage sérieux de la marque antérieure de manière séparée et indépendante de toute autre marque. Le Tribunal a conclu que, même si certains éléments de preuve fournis par l’intervenante concernaient l’utilisation de la marque antérieure conjointement avec d’autres éléments, il ressortait desdites preuves que la marque antérieure était également utilisée seule et qu’elle était susceptible d’identifier les produits commercialisés par l’intervenante (points 19, 20 et 25 de l’arrêt).

43      S’il est vrai que, à la différence de la présente affaire, les arrêts cités ci-dessus ne concernaient pas l’article 8, paragraphe 4, du règlement n° 207/2009, il n’en demeure pas moins que, comme le soutient la requérante, il reste loisible au titulaire d’une marque non enregistrée de démontrer qu’elle est utilisée dans la vie des affaires, au sens de cette disposition, sur la base d’éléments de preuve se rapportant à l’utilisation de cette marque conjointement avec d’autres marques. Cependant, encore faut-il que la marque non enregistrée ainsi invoquée n’occupe pas une position accessoire dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe dont elle fait partie et que le public pertinent la perçoive, prise isolément, comme une indication de l’origine commerciale des produits en question.

44      Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, à la différence des affaires ayant donné lieu aux arrêts cités au point 39 ci-dessus, les éléments de preuve fournis par la requérante démontrent que la marque non enregistrée geographic est, en réalité, toujours ou presque, utilisée conjointement avec le signe napapijri et occupe une position clairement subordonnée au sein du signe complexe NAPAPIJRI GEOGRAPHIC. Partant, ces éléments de preuve ne sont pas susceptibles de démontrer que le signe geographic, pris isolément, est perçu par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits de la requérante. Dès lors, la requérante ne saurait valablement tirer aucun argument des arrêts précités.

45      Par conséquent, vu les différences entre ces affaires, il convient d’écarter le grief de la requérante sur ce point. Au surplus, il convient de rappeler que l’EUIPO n’est pas tenu par sa pratique décisionnelle et l’application des principes d’égalité de traitement et de bonne administration doit se concilier avec le principe de légalité, chaque cas concret devant faire l’objet d’un examen rigoureux [voir, par analogie, arrêt du 3 juillet 2013, Airbus/OHMI (NEO), T‑236/12, EU:T:2013:343, point 50 et jurisprudence citée].

46      Dans ce cadre, ne sauraient donc prospérer les arguments avancés par la requérante afin de démontrer que la chambre de recours a erronément apprécié les éléments de preuve soumis pour prouver l’usage dans la vie des affaires du signe non enregistré geographic.

47      Au vu de tout ce qui précède, force est de constater que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la preuve de l’existence d’un usage dans la vie des affaires du signe national antérieur non enregistré geographic n’avait pas été apportée en l’espèce. Il convient, dès lors, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

48      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      VF International Sagl est condamnée aux dépens.

Kornezov

Buttigieg

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 novembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.