Language of document : ECLI:EU:T:2021:776

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

10 novembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marques de l’Union européenne verbales MONSTER et MONSTER ENERGY – Usage sérieux des marques – Usage pour les produits pour lesquels les marques ont été enregistrées – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans les affaires jointes T‑758/20 et T‑759/20,

Monster Energy Co., établie à Corona, Californie (États-Unis), représentée par M. P. Brownlow, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. V. Ruzek et Mme E. Śliwińska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Frito-Lay Trading Company GmbH, établie à Berne (Suisse), représentée par Mes V. von Bomhard et J. Fuhrmann, avocats,

ayant pour objet deux recours formés contre les décisions de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 5 octobre 2020 (affaires R 2927/2019-2 et R 2928/2019-2), relatives à deux procédures de déchéance entre Frito-Lay Trading Company et Monster Energy,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et R. Norkus, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal le 22 décembre 2020,

vu la décision du 5 février 2021 portant jonction des affaires T‑758/20 et T‑759/20 aux fins de la phase écrite de la procédure, de l’éventuelle phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 17 mars 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 18 mars 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 La première marque contestée (affaire T758/20)

1        Le 3 novembre 2010, la requérante, Monster Energy Co., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal MONSTER.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment des classes 30 et 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 30 : « Boissons à base de café et boissons à base de café contenant du lait, comprises dans la classe 30 » ;

–        classe 32 : « Boissons non alcooliques, à savoir boissons énergétiques et boissons énergétiques aromatisées au café, toutes enrichies en vitamines, minéraux, nutriants, acides aminés et/ou herbes comprises dans la classe 32 ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2011/005, du 10 janvier 2011, et, le 19 avril 2011, le signe en cause a été enregistré en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 9492158.

 La seconde marque contestée (affaire T759/20)

5        Le 5 novembre 2010, la requérante a présenté une autre demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne auprès de l’EUIPO, laquelle portait sur le signe verbal MONSTER ENERGY.

6        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 30 et correspondent à la description suivante : « Boissons à base de café et boissons à base de café contenant du lait, comprises dans la classe 30 ».

7        Cette demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2011/005, du 10 janvier 2011, et, le 19 avril 2011, le signe en cause a été enregistré en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 9500448.

 Les procédures en déchéance

8        Le 25 avril 2017, l’intervenante, Frito-Lay Trading Company GmbH, a déposé des demandes en déchéance des marques contestées au motif que celles-ci n’avaient pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période continue de cinq ans, conformément à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001]. Ces demandes concernaient notamment les produits relevant de la classe 30 visés au point 3 ci-dessus, s’agissant de la première marque contestée, et au point 6 ci-dessus, s’agissant de la seconde marque contestée (ci‑après, ensemble, les « produits concernés »).

9        La requérante a présenté des éléments de preuve de l’usage de ces marques.

10      Par décisions des 22 et 23 octobre 2019, la division d’annulation a prononcé la déchéance des marques contestées notamment pour les produits concernés, en considérant que l’usage de ces marques n’avait été prouvé que pour des boissons énergétiques, éventuellement pour diverses lignes de boissons énergétiques aux arômes différents, qui relèvent de la classe 32.

11      Le 19 décembre 2019, en application des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, la requérante a formé deux recours auprès de l’EUIPO contre les décisions de la division d’annulation notamment dans la mesure où celles-ci accueillaient les demandes en déchéance pour les produits concernés.

12      Par deux décisions du 5 octobre 2020 (ci-après les « décisions attaquées »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté les recours de la requérante, au motif que celle-ci n’avait pas démontré l’usage sérieux des marques contestées au cours de la période pertinente pour les produits concernés.

13      À titre liminaire, la chambre de recours a rappelé que, pour démontrer l’usage des marques contestées pour les produits concernés, la requérante se référait à ses produits « x-presso monster hammer » et « x-presso monster midnight », en réalité « x-presso monster midnite », (ci-après, ensemble, les « produits “x‑presso monster” »), des boissons en canette, et à des photographies de ces produits sur lesquelles figuraient les termes « espresso coffee drink with milk » (boisson café expresso avec du lait).

14      En réponse, la chambre de recours a considéré qu’il convenait de distinguer, d’une part, les « boissons à base de café » relevant de la classe 30, qu’elles contiennent ou non du lait, et, d’autre part, les « boissons énergétiques » relevant de la classe 32.

15      Sur ce point, la chambre de recours a indiqué que l’Encyclopédie Britannica définissait une « boisson énergétique » comme suit :

« Toute boisson qui contient des niveaux élevés d’un ingrédient stimulant, généralement de la caféine, ainsi que du sucre et souvent des compléments, tels que des vitamines ou de la carnitine, et qui est promue comme un produit capable d’améliorer la vigilance mentale et les performances physiques. Les boissons énergétiques se distinguent des boissons pour sportifs, qui sont utilisées pour remplacer l’eau et les électrolytes pendant ou après l’activité physique, et du café et du thé, qui sont infusés, contiennent moins d’ingrédients, et peuvent être décaféinés. Les boissons énergétiques diffèrent également des boissons sans alcool, qui soit ne contiennent pas de caféine, soit contiennent des quantités relativement faibles de caféine. […] »

16      Dans ce contexte, la chambre de recours a indiqué qu’il ressortait des images de la liste des ingrédients des produits « x-presso monster » qu’ils contenaient de la L‑carnitine, des vitamines B, du ginseng et de la taurine, des ingrédients qui, selon elle, n’étaient pas communément utilisés dans les « boissons à base de café contenant du lait » incluses dans la classe 30, mais qui se retrouvaient habituellement dans les boissons énergétiques. Selon la chambre de recours, la présence de tels ingrédients constituait un aspect essentiel des produits auxquels la requérante se référait.

17      Quant au fait que les produits « x-presso monster » contenaient 1,3 % d’extrait de café, la chambre de recours a relevé tout d’abord qu’il n’était pas expliqué si ces produits étaient infusés ou non. Elle a aussi considéré que, si de tels produits pouvaient être aromatisés au café ou à l’expresso, leurs ingrédients comprenaient également un large éventail de composants qui ne se trouvaient généralement pas dans les « boissons [...] à base de café » et que l’étiquette de ces produits indiquait clairement qu’ils avaient une « teneur élevée en caféine ».

18      La chambre de recours en a conclu que les produits « x‑presso monster » avaient les mêmes caractéristiques que celles qui caractérisaient les « boissons énergétiques ». Elle a relevé, à ce propos, que le témoignage présenté par un dirigeant de la requérante ainsi que la présence sur les canettes contenant ces produits de l’expression « coffee energy », figurant en caractères gras et dans une position proéminente, montraient que la fonction ou la destination réelle de ces produits était de servir de « boissons énergétiques », même s’il s’agissait de variantes aromatisées au café, y compris au lait.

19      En dernier lieu, s’agissant de la seconde marque contestée, la chambre de recours a relevé que celle-ci n’était pas utilisée sur les produits « x‑presso monster » invoqués par la requérante.

 Conclusions des parties

20      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées dans la mesure où elles ont prononcé la déchéance des marques contestées pour les produits concernés ;

–        annuler les décisions de la division d’annulation des 22 et 23 octobre 2019, dans la mesure où elles ont prononcé la déchéance des marques contestées pour les produits concernés ;

–        rejeter les demandes en déchéance des marques contestées pour les produits concernés ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

21      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

22      À l’appui de ses recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, pris de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, articulé en trois branches, tirées, respectivement :

–        de la méconnaissance par la chambre de recours, compte tenu notamment des éléments de preuve relatifs aux produits « x-presso monster », du « principe selon lequel un produit peut être correctement classé et ainsi faire l’objet d’un usage sérieux dans plusieurs classes en raison de son caractère composite » ;

–        de l’erreur commise par la chambre de recours en ce qu’elle a considéré que l’usage sérieux n’avait pas été démontré pour les produits concernés étant donné que ceux-ci partageaient certaines caractéristiques avec les boissons énergétiques comprises dans la classe 32, ce qui aurait donné une importance excessive à ces caractéristiques ;

–        de l’erreur commise par la chambre de recours en ce qu’elle a tenu compte, pour son appréciation, du processus de fabrication des produits « x-presso monster ».

 Observations liminaires

23      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante, l’intervenante et l’EUIPO, dans leurs écritures, et la chambre de recours, dans les décisions attaquées, se réfèrent aux dispositions du règlement 2017/1001. Toutefois, compte tenu de la date d’introduction des demandes en déchéance en cause, en l’occurrence le 25 avril 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009. Dans la mesure où l’article 58 du règlement 2017/1001 correspond à l’article 51 du règlement no 207/2009, il y a lieu d’entendre les références faites par la requérante et par la chambre de recours à ce premier article comme visant ce dernier article (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, points 3 et 25).

24      Aux termes de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, notamment sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

25      En l’espèce, les marques contestées ont été enregistrées le 19 avril 2011 et les demandes en déchéance ont été déposées le 25 avril 2017. Par conséquent, les marques contestées étant enregistrées depuis plus de cinq ans à la date de dépôt desdites demandes, la requérante devait prouver l’usage sérieux de ces marques pour les produits concernés au cours des cinq années précédant cette dernière date, à savoir du 25 avril 2012 au 24 avril 2017 inclus.

26      En effet, dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque, c’est au titulaire de cette dernière qu’il incombe, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque (voir arrêt du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO, C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48, point 57 et jurisprudence citée).

27      À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits ou services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque [voir arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 39 et jurisprudence citée].

28      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (voir arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 et jurisprudence citée).

29      Pour examiner le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 8 juillet 2004, VITAFRUIT, T‑203/02, EU:T:2004:225, point 42 et jurisprudence citée).

30      L’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [voir arrêt du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 28 et jurisprudence citée].

31      C’est à la lumière de ce qui précède qu’il y a lieu d’examiner l’argumentation des parties.

 Sur la première branche du moyen unique, tirée de la méconnaissance du « principe selon lequel un produit peut faire l’objet d’un usage sérieux dans plusieurs classes en raison de son caractère composite » et de l’absence d’examen des éléments de preuve au regard de ce principe

32      La requérante fait valoir que la chambre de recours a négligé un principe qui impliquerait qu’un « produit fini à usages multiples » peut être classé et ainsi faire l’objet d’un usage sérieux dans toutes les classes correspondant à l’une quelconque de ses fonctions ou de ses destinations. Elle cite à ce propos les remarques générales de la neuvième édition de la classification de Nice, en vigueur au moment du dépôt des demandes d’enregistrement des marques contestées (ci-après les « remarques générales »), ainsi que la décision de la deuxième chambre de recours du 11 décembre 2017 dans l’affaire R 344/2017-2, à propos d’un stylo auto-injecteur d’adrénaline dénommé « epipen » classé dans les classes 5 et 10 en raison de son caractère composite. En l’espèce, selon la requérante, la chambre de recours aurait dû se demander si les éléments de preuve relatifs aux produits « x‑presso monster » pouvaient démontrer un usage sérieux en lien avec des produits relevant à la fois des classes 30 et 32. En effet, un consommateur pourrait acheter ces produits parce qu’il souhaite consommer une « boisson à base de café » relevant de la classe 30, alors qu’un autre le ferait parce qu’il souhaite consommer une « boisson énergétique » relevant de la classe 32. Pour établir l’utilisation des marques contestées pour la commercialisation de tels produits en tant que « boissons à base de café », la requérante se prévaut des éléments suivants repris du dossier de la procédure devant l’EUIPO :

–        la référence à la mention « x-presso », qui rappellerait le terme « expresso » et apparaîtrait en évidence dans une police stylisée de grande taille à l’avant des canettes des produits « x‑presso monster » ;

–        la référence au terme anglais « coffee », qui apparaîtrait en caractères gras à l’avant des canettes desdits produits ;

–        la description en anglais du produit, « espresso coffee drink with milk » (boisson café expresso avec du lait), qui apparaîtrait en grands caractères gras et en position proéminente à l’arrière des canettes desdits produits ; et

–        la référence au café dans la liste des ingrédients qui figurerait sur les canettes desdits produits.

33      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

34      En substance, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir examiné les éléments de preuve relatifs à l’usage des marques contestées pour les produits concernés en considération d’un critère erroné.

35      Afin de soutenir qu’il convenait de distinguer entre, d’une part, les « boissons énergétiques » relevant de la classe 32 et, d’autre part, les « boissons à base de café » relevant de la classe 30, la chambre de recours s’est référée au premier critère mentionné dans la rubrique « produits » des remarques générales (voir le point 28 de la seconde décision attaquée et la référence audit critère faite au point 29 de la première décision attaquée à propos de la première catégorie de produits examinée dans celle-ci). Selon ce critère, la catégorisation d’un produit fini dans la classification de Nice se fait en principe selon sa fonction ou sa destination et, si la fonction ou la destination d’un produit fini n’est mentionnée dans aucun intitulé de classe, le produit fini est classé par analogie avec d’autres produits finis comparables.

36      Pour sa part, la requérante se prévaut d’un autre critère mentionné dans la rubrique « produits » des remarques générales, aux termes duquel « un produit fini à usages multiples (tel qu’un combiné radio-réveil) peut être classé dans toutes les classes correspondant à l’une quelconque de ses fonctions ou de ses destinations ». Elle prétend, dès lors, que, dans la mesure où un consommateur peut acheter les produits « x-presso monster » parce qu’il souhaite consommer une « boisson à base de café » relevant de la classe 30, alors qu’un autre peut les acheter parce qu’il souhaite consommer une « boisson énergétique » relevant de la classe 32, la chambre de recours n’a pas appliqué le bon critère.

37      Cependant, il y a lieu de relever, comme le font valoir à juste titre l’EUIPO et l’intervenante, que, en ce qui concerne un produit fini, c’est-à-dire un produit prêt à être commercialisé [arrêt du 19 juillet 2016, Alpha Calcit/EUIPO – Materis Paints Italia (CALCILITE), T‑742/14, EU:T:2016:418, point 51], les remarques générales font tout d’abord état d’un principe avant d’envisager une situation particulière.

38      Le principe est celui du classement d’un produit fini dans une seule classe selon sa fonction ou sa destination, alors que la situation particulière est celle du produit fini à usages multiples (« a multipurpose composite object »), ce dernier, par exception au principe précité, pouvant être classé dans plusieurs classes en considération de ses différentes fonctions ou destinations. En effet, une double classification du même produit n’est normalement pas possible au regard du libellé de la règle 2, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1), applicable ratione temporis au cas d’espèce.

39      La chambre de recours a donc correctement considéré, dans le cadre de l’appréciation des preuves de l’usage, notamment de celles relatives aux produits « x-presso monster », qu’il y avait lieu de se référer au principe exposé dans les remarques générales plutôt qu’à la situation particulière relative aux produits finis à usages multiples.

40      En application de ce principe, la chambre de recours a considéré que la fonction ou la destination réelle des boissons en canettes « x-presso monster » était de servir de « boissons énergétiques » relevant de la classe 32, même s’il s’agissait de variantes aromatisées au café et contenant du lait (voir première décision attaquée, point 52, et seconde décision attaquée, point 39). Il ressort également des décisions attaquées que les produits « x-presso monster » sont des boissons énergétiques comprises dans la classe 32, à savoir des boissons énergétiques aromatisées au café, dont la fonction ou la destination réelle est de fournir un regain d’énergie ou de servir de remontant (voir première décision attaquée, point 54, qui précise que ces boissons sont enrichies en vitamines, minéraux, nutriments, acides aminés et/ou herbes, et seconde décision attaquée, point 42).

41      Pour parvenir à cette conclusion, la chambre de recours a examiné les différents éléments de preuve produits par la requérante et évoqué plusieurs circonstances relatives notamment à la nature des produits « x-presso monster » et aux caractéristiques du marché, qui seront examinées ci-après dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé de la deuxième branche.

42      S’agissant plus précisément des différents éléments invoqués par la requérante dans le cadre de la première branche pour établir que les produits « x‑presso monster » sont des « boissons à base de café » comprises dans la classe 30, il y a lieu de relever ce qui suit.

43      Tout d’abord, l’affirmation de la requérante selon laquelle certains consommateurs achètent les produits « x-presso monster » non pas pour obtenir une boisson énergétique et stimulante, aromatisée au café, mais en tant que « boissons à base de café » relevant de la classe 30 n’est nullement étayée.

44      Cette affirmation repose en fait sur une série d’indications figurant sur l’emballage des produits « x-presso monster » qui sont susceptibles, selon la requérante, d’établir que les consommateurs identifient lesdits produits comme des « boissons à base de café » comprises dans la classe 30.

45      Cependant, en considération des différents éléments évoqués par la chambre de recours, et notamment du fait que les produits « x‑presso monster » ont la même fonction ou destination que les autres boissons énergétiques commercialisées par la requérante, il est plus vraisemblable que les références faites sur les emballages de ces boissons au terme « x‑presso », pour signifier « expresso », ou au terme « coffee » soient interprétées par le consommateur comme une référence à l’arôme utilisé pour ces boissons énergétiques, plutôt que comme l’indication qu’il s’agit des boissons préparées à partir de café.

46      De plus, s’agissant du terme « coffee », il doit être rappelé que celui-ci est immédiatement associé au terme « energy » sur les emballages des produits « x-presso monster », ce qui renforce l’idée que ces produits sont des boissons énergétiques aromatisées au café, et non des boissons à base de café.

47      En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante et comme l’expose l’intervenante, la description en anglais du produit « espresso coffee drink with milk » (boisson café expresso avec du lait) ne figure pas vraiment en position proéminente sur les emballages des produits « x-presso monster ». En effet, cette mention est placée à l’arrière des canettes en petits caractères, même s’il s’agit de caractères gras, et juste au-dessus de la liste des ingrédients. Ladite mention est d’ailleurs immédiatement suivie, avant même que le début de la liste des ingrédients, de la précision suivante : « with taurine, L-carnitine, ginseng and B vitamins » (avec taurine, L‑carnitine, ginseng et vitamines B). Prises ensemble, ces mentions figurant à l’arrière desdits emballages attestent bien du fait que les produits « x‑presso monster » correspondent à des boissons énergétiques, en l’occurrence aromatisées au café et avec du lait, plutôt qu’à des boissons à base de café.

48      Enfin, la référence au café dans la liste des ingrédients qui figure sur les emballages des produits « x-presso monster » renforce l’idée que cet ingrédient, soit « 1,3 % d’extrait de café », n’est en soi que l’un des multiples ingrédients qui composent cette boisson énergétique, un tel ingrédient constituant d’ailleurs, par le biais de la caféine, un ingrédient typique d’une telle boisson.

49      Au demeurant, comme l’expose l’EUIPO, la chambre de recours pouvait tenir compte du fait que les « boissons énergétiques » relevant de la classe 32 se distinguent au regard de la classification de Nice des « boissons à base de café » relevant de la classe 30 (voir, en ce sens, première décision attaquée, points 32 et 35). En effet, nonobstant le fait que la classification de Nice a été adoptée à des fins exclusivement administratives, les notes explicatives concernant les différentes classes de cette classification sont pertinentes afin de déterminer la nature et la destination des produits en cause [voir, en ce sens, ordonnance du 9 septembre 2019, Shore Capital International/EUIPO – Circle Imperium (The Inner Circle), T‑575/18, non publiée, EU:T:2019:580, point 38 et jurisprudence citée]. Or, selon les notes explicatives de la neuvième édition de la classification de Nice, les boissons non alcooliques relèveraient de manière générale de la classe 32, alors que les boissons à base de café comprises dans la classe 30 et expressément exclues de la classe 32 viseraient plutôt les boissons dans lesquelles le café constitue l’élément prédominant et caractéristique.

50      Une boisson simplement « aromatisée au café », et non « à base de café », relève donc de la classe 32, et non de la classe 30.

51      Enfin, la requérante ne saurait utilement alléguer que les produits « x-presso monster » sont des « produits finis à usages multiples » (« multipurpose composite objects »). Ainsi qu’il ressort des deux exemples fournis à cet égard par la requérante, à savoir un combiné radio-réveil et un stylo auto-injecteur d’adrénaline, un produit fini à usages multiples se compose de plusieurs éléments et remplit plus d’une fonction : radio et réveil ou dispositif (auto-injecteur) et traitement médical (solution d’adrénaline). Il s’agit de produits vendus comme un tout, mais dont chacun des composants possède une valeur marchande indépendante et distincte et pourrait être commercialisé sans l’autre composant spécifique vendu avec lui. En revanche, les boissons en canette de la requérante constituent un produit homogène indissociable qui remplit une fonction principale, celle d’être essentiellement une boisson énergétique et stimulante, en l’occurrence aromatisée au café.

52      En conséquence, ainsi que le font valoir à juste titre l’EUIPO et l’intervenante, les boissons à base de café et les boissons énergétiques présentent une nature différente et ne remplissent pas la même fonction principale. Les premières se caractérisent par la présence de café, tandis que les secondes incluent et combinent plusieurs éléments et ne donnent au café ou à son arôme qu’un rôle secondaire. Les consommateurs ont conscience de ces différences, lesquelles se trouvent d’ailleurs renforcées par la communication et la promotion effectuées par la requérante pour les produits « x-presso monster », comme l’illustrent différents éléments de preuve présents dans le dossier, dont le témoignage de son dirigeant ou le rapport annuel de la requérante pour l’année 2010, qui mettent en avant l’apport énergétique représenté par lesdits produits.

53      Il ressort de ce qui précède que la requérante n’a pas démontré que les produits concernés relevaient à la fois de la classe 30 et de la classe 32 au titre de l’exception visée au point 38 ci-dessus et que, dès lors, la chambre de recours a correctement analysé les différents éléments de preuve invoqués par la requérante en appliquant le principe suivant lequel un produit fini est classé dans une seule classe selon sa fonction ou sa destination.

54      La première branche du moyen unique doit dès lors être rejetée.

 Sur la deuxième branche du moyen unique, tirée de l’importance excessive donnéeaux caractéristiques des boissons énergétiques

55      La requérante fait valoir que, même si ses produits « x-presso monster » ne peuvent pas relever de plusieurs classes, la chambre de recours a accordé trop d’importance aux caractéristiques associées aux boissons énergétiques relevant de la classe 32 et insuffisamment tenu compte des caractéristiques qui indiquent qu’il s’agirait de boissons à base de café relevant de la classe 30. Ainsi, la chambre de recours aurait accordé plus d’importance au fait que ces produits contiennent de la L‑carnitine, des vitamines B, du ginseng et de la taurine qu’au fait qu’ils contiennent du café. Elle aurait également estimé que la mention « high caffeine content » (haute teneur en caféine) sur les emballages de ces produits faisaient correspondre ceux-ci à des « boissons énergétiques » plutôt qu’à des « boissons à base de café », et ce en dépit du fait que les boissons à base de café seraient souvent choisies par les consommateurs et consommées pour leur teneur élevée en caféine. En outre, la chambre de recours aurait accordé une importance excessive à la mention « coffee energy » (énergie café), figurant sur lesdits emballages en caractères gras et en position proéminente, sans tenir compte de la mention « expresso coffee drink with milk » (boisson à base de café expresso avec du lait) qui apparaissait aussi en caractères gras et en position proéminente sur ces emballages.

56      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

57      Contrairement à ce que fait en substance valoir la requérante, il ressort des décisions attaquées que la chambre de recours a procédé à une appréciation globale du caractère sérieux de l’usage des marques contestées pour les produits concernés en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce.

58      En effet, après s’être interrogée, au vu des éléments de preuve produits par la requérante, sur la nature des produits « x‑presso monster », à savoir des « boissons énergétiques » relevant de la classe 32 ou des « boissons à base de café » relevant de la classe 30, la chambre de recours a correctement considéré que la fonction ou la destination réelle de ces produits consistait à servir de « boissons énergétiques », même s’il s’agissait de variantes aromatisées au café et contenant du lait (voir première décision attaquée, points 41 à 52, et seconde décision attaquée, points 25 à 40).

59      Dans le cadre de cette appréciation globale, la chambre de recours a correctement pris en compte les différents éléments permettant de considérer que les produits « x‑presso monster » répondaient à la définition d’une boisson énergétique sans que cette conclusion ne soit réfutée par les arguments contraires présentés par la requérante.

60      Pour étayer cette conclusion, la chambre de recours a dûment relevé que les produits « x-presso monster » contenaient les mêmes ingrédients que ceux qui sont communément utilisés dans les boissons énergétiques, de tels ingrédients ne se retrouvant généralement pas dans les boissons traditionnelles à base de café.

61      Elle a également indiqué que ces produits se caractérisaient par la présence d’une mise en garde caractéristique des boissons énergétiques, qui présentent souvent, comme en l’occurrence, une « teneur élevée en caféine », une telle mise en garde n’étant pas requise sur le plan réglementaire pour les boissons à base de café, comme l’expose l’intervenante.

62      La chambre de recours a aussi correctement indiqué qu’il ressortait du témoignage d’un dirigeant de la requérante que ce qui importait pour cette dernière était de mettre l’accent sur les bénéfices présentés par ses produits en terme d’énergie. C’est dans ce contexte qu’il y a lieu de considérer par exemple l’expression « coffee energy » apposée sur les produits « x-presso monster ».

63      De même, pour les raisons exposées aux points 45 à 48 ci-dessus, il ne peut être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir donné suffisamment d’importance aux éléments invoqués par la requérante pour soutenir que les produits « x-presso monster » avaient pour fonction ou pour destination d’être des boissons à base de café, et non des boissons énergétiques, aromatisées en l’occurrence au café.

64      En outre, ainsi que le relève l’intervenante et comme cela ressort de plusieurs éléments de preuve produits par la requérante, il s’avère, s’agissant des « conditions actuelles du marché des boissons énergétiques » évoquées par la chambre de recours (voir première décision attaquée, point 45, et seconde décision attaquée, point 30), que les boissons énergétiques aromatisées au café se trouvent généralement dans les mêmes rayons que les boissons énergétiques aux autres arômes, qu’il s’agisse de celles de la requérante ou d’autres fabricants. Les consommateurs perçoivent aucune différence de fonction ou de destination entre les différents arômes des boissons énergétiques, qu’il s’agisse de boissons aromatisées au café, à la cerise, au kiwi, au chewing-gum ou à la mangue. Toutes ces boissons remplissent ainsi la même fonction, à savoir donner un regain d’énergie.

65      En conséquence, la deuxième branche du moyen unique doit être rejetée.

 Sur la troisième branche du moyen unique, tirée de la prise en considération erronée d’éléments relatifs au processus de fabrication des produits « x-presso monster »

66      La requérante fait valoir que la chambre de recours lui a reproché à tort de « n’a[voir] pas clairement indiqué si les produits [“x‑presso monster”] sont infusés ou fabriqués selon une technique différente, bien qu’ils semblent contenir de l’“extrait de café (1,3 %)” » (voir première décision attaquée, point 47, et seconde décision attaquée, point 34). En effet, ce faisant, la chambre de recours aurait tenu compte d’éléments relatifs au processus de fabrication pour apprécier la fonction ou la destination des produits concernés.

67      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

68      En l’espèce, il y a lieu de relever que, pour considérer que les preuves de l’usage concernaient des boissons dont la fonction ou la destination réelle consistaient à servir de « boissons énergétiques », même s’il s’agissait de variantes aromatisées au café et contenant du lait, la chambre de recours s’est essentiellement basée sur la définition des boissons énergétiques donnée par l’Encyclopedia Britannica, qui mettait l’accent sur les ingrédients et les fonctions de ces boissons, et sur le témoignage d’un dirigeant de la requérante.

69      S’agissant de la différence relative au processus de fabrication mentionnée par l’Encyclopedia Britannica, il ressort des décisions attaquées que la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas clairement indiqué si ses produits « [étaient] infusés ou fabriqués selon une technique différente ». Aucune précision n’est d’ailleurs apportée sur ce point par la requérante dans ses recours.

70      Dans ce contexte, il ne peut être reproché à la chambre de recours d’avoir évoqué la différence entre des produits infusés, comme des boissons à base de café, et ceux qui ne le sont pas, comme des boissons énergétiques combinant différents ingrédients tels que la L-carnitine ou la taurine, parmi les éléments susceptibles d’être pris en considération par le consommateur pour apprécier la fonction ou la destination réelle des boissons dont la requérante s’est prévalue en vue d’établir l’usage des marques contestées pour les produits concernés. Il était loisible à la chambre de recours d’en faire mention à titre d’appréciation supplémentaire. En tout état de cause, il suffit de rappeler, ainsi qu’il résulte des points 57 à 63 ci-dessus, que la chambre de recours, après avoir procédé à l’appréciation globale du caractère sérieux de l’usage des marques contestées, a considéré à bon droit que la fonction et la destination des produits « x-presso monster » répondaient à la définition d’une boisson énergétique, de sorte que l’usage sérieux de ces marques n’a pas été démontré pour les produits concernés.

71      En conséquence, la troisième branche du moyen unique doit être rejetée.

72      Il résulte de tout ce qui précède que le premier chef de conclusions doit été écarté, de même que, par voie de conséquence, les deuxième et troisième chefs de conclusions, sans qu’il soit besoin de statuer sur leur recevabilité.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Monster Energy Co. est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 novembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.