Language of document : ECLI:EU:T:2021:790

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

17 novembre 2021 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Politique économique et monétaire – Restructuration de la dette publique grecque – Participation du secteur privé – Clauses d’action collective – Créanciers privés – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Égalité de traitement – Personnes physiques et morales – Prescription – Imputabilité – Recevabilité – Responsabilité sans faute – Préjudice anormal et spécial »

Dans l’affaire T‑147/17,

Nikolaos Anastassopoulos, demeurant à Nea Erythraia (Grèce),

Aristeidis Anastassopoulos, demeurant à Nea Erythraia,

Alexia Anastassopoulos, demeurant à Nea Erythraia,

Maria-Myrto Anastassopoulos, demeurant à Nea Erythraia,

Sophie Velliou, demeurant à Kifisia (Grèce),

représentés par Mes K. Floros, M. Meng-Papantoni et H. Tagaras, avocats,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes K. Michoel, E. Chatziioakeimidou et M. J. Bauerschmidt, en qualité d’agents,

et

Commission européenne, représentée par MM. J.-P. Keppenne, L. Flynn et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que les requérants auraient prétendument subi à la suite de la mise en œuvre d’un échange obligatoire de titres de créance étatiques dans le cadre de la restructuration de la dette publique grecque en 2012, au titre d’une participation des investisseurs privés impliquant l’application de clauses d’action collective, en raison de comportements ou d’actes de l’Eurogroupe, de son président, des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro et de la Commission qui y sont afférents,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz (rapporteur) et Mme N. Półtorak, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 26 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 21 octobre 2009, la République hellénique a notifié à l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat) un déficit public revu à la hausse de 12,5 % du produit intérieur brut (PIB) – en réalité un déficit public de 15,7 % du PIB selon les statistiques officiellement révisées de 2013 – contre un taux de 3,7 % du PIB notifié au printemps 2009. Cette révision des données économiques de la République hellénique a suscité des doutes quant à sa solvabilité et, partant, a entraîné une baisse de la notation de la dette publique grecque par les agences de notation de crédit ainsi qu’une augmentation des taux d’intérêt des titres de créance grecs au cours des premiers mois de l’année 2010.

2        Eu égard au fait que la crise de la dette publique grecque menaçait d’avoir des effets dans d’autres États membres de la zone euro et mettait en danger la stabilité de cette zone dans son ensemble, lors du sommet du Conseil européen du 25 mars 2010, les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro se sont accordés pour mettre en place, avec la participation du Fonds monétaire international (FMI), un mécanisme intergouvernemental d’assistance à la République hellénique consistant en des prêts bilatéraux coordonnés à taux d’intérêts non concessionnels.

3        Le 23 avril 2010, la République hellénique a demandé l’activation du mécanisme intergouvernemental d’assistance. Le 2 mai 2010, les États membres de la zone euro ont donné leur accord pour fournir, en vertu dudit mécanisme d’assistance, 80 milliards d’euros à la République hellénique dans le cadre d’une enveloppe financière de 110 milliards d’euros allouée en commun avec le FMI.

4        Le 9 mai 2010, dans le cadre du Conseil Ecofin, il a été décidé de prendre un ensemble de mesures, parmi lesquelles, d’une part, l’adoption du règlement (UE) no 407/2010 du Conseil, du 11 mai 2010, établissant un mécanisme européen de stabilisation financière (JO 2010, L 118, p. 1), sur le fondement de l’article 122, paragraphe 2, TFUE, et, d’autre part, la création du Fonds européen de stabilité financière (FESF). Le 7 juin 2010, le FESF a été créé et les États membres de la zone euro et le FESF ont signé l’accord-cadre établissant les conditions dans lesquelles le FESF fournirait un soutien à la stabilité.

5        Dès le mois de mai 2011, la République hellénique, les États membres de la zone euro et plusieurs créanciers de l’État grec ont entamé des discussions en vue de l’introduction d’un nouveau programme d’aide financière, dont l’objectif général était de permettre à la République hellénique de retrouver une situation financière viable. Un des éléments envisagés dans lesdites discussions était une restructuration de la dette publique grecque, dans le cadre de laquelle les créanciers privés de la République hellénique contribueraient à réduire la charge de cette dette, pour éviter ainsi une situation de défaut de paiement. Mais, dans un premier temps, ces discussions portaient, notamment, sur une éventuelle prorogation volontaire des échéances des titres de créance grecs détenus par des créanciers privés.

6        Le 6 juin 2011, le ministre des Finances allemand a adressé une lettre à la Banque centrale européenne (BCE), au FMI et aux autres ministres des Finances des États membres de la zone euro, dans laquelle il préconisait un échange de titres qui prolongerait de sept ans les échéances des titres de créance grecs détenus par des créanciers privés.

7        Le 20 juin 2011, à la suite d’une réunion portant sur la situation financière de la République hellénique, l’Eurogroupe a adopté une déclaration, aux termes de laquelle, notamment :

« [A]u vu de la situation financière difficile, il apparaît peu probable que la [République hellénique] retrouve un accès au marché privé d’ici au début de 2012. Les ministres sont convenus que, pour le financement supplémentaire nécessaire, il sera fait appel à des sources tant publiques que privées, et se félicitent de l’approche visant à obtenir une participation volontaire du secteur privé, sous la forme de reconductions informelles et volontaires de la dette existante de la [République hellénique] arrivant à échéance, en vue de réduire d’une façon substantielle le financement nécessaire année après année dans le cadre du programme, tout en évitant un défaut de paiement partiel. »

8        Lors de sa réunion des 23 et 24 juin 2011, le Conseil européen a abordé la situation financière de la République hellénique et a conclu à ce sujet, notamment, ce qui suit :

« 14. Le Conseil européen demande aux autorités helléniques de poursuivre avec détermination les efforts d’ajustement nécessaires pour acheminer le pays vers une situation soutenable. Il est urgent que, dans les prochains jours, le programme de réformes de grande ampleur défini en accord avec la Commission [européenne], en liaison avec la BCE et le FMI, soit arrêté définitivement et le Parlement hellénique achève l’adoption des lois essentielles relatives à la stratégie budgétaire et aux privatisations. Faisant suite à la demande du gouvernement hellénique annoncée par le premier ministre hellénique, ces éléments serviront de base pour définir les principaux paramètres d’un nouveau programme soutenu conjointement par les partenaires de la zone euro et par le FMI, conformément aux pratiques en vigueur, et pour permettre le versement des fonds nécessaires à temps pour satisfaire les besoins de financement de la [République hellénique] en juillet [2011].

15.       Les chefs d’État ou de gouvernement des États membres de la zone euro sont convenus que, pour le financement supplémentaire nécessaire, il sera fait appel à des sources tant publiques que privées. Ils se rallient à l’approche retenue par l’Eurogroupe, le 20 juin [2011], visant à obtenir une participation volontaire du secteur privé, sous la forme de renouvellements informels et volontaires de la dette [publique] grecque actuelle arrivant à échéance, en vue de réduire d’une façon substantielle le financement nécessaire année après année dans le cadre du programme, tout en évitant un défaut de paiement partiel. »

9        Le 24 juin 2011, la Fédération bancaire française, association qui représente des banques exerçant des activités commerciales en France, a écrit au ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie de la République française pour proposer, notamment, de prolonger à 30 ans l’échéance des titres de créance grecs en cours détenus par des créanciers privés, à condition, notamment, que la BCE soit disposée à ne pas vendre ses titres de créance grecs durant cette période.

10      Aux termes d’un communiqué de presse du 1er juillet 2011, l’Institut de la finance internationale (IFI) a déclaré, notamment, ce qui suit :

« Le conseil d’administration de l’Institut de la finance internationale s’emploie à travailler avec ses associés et les autres institutions financières, avec le secteur public et les autorités helléniques, non seulement pour offrir à la [République hellénique] une contribution substantielle en termes de flux de trésorerie, mais aussi pour poser les bases d’une position débitrice plus soutenable.

La communauté financière privée est disposée à faire un effort volontaire, de coopération, transparent et à grande échelle, pour soutenir la [République hellénique], étant donné le caractère unique et exceptionnel des circonstances […]

La contribution des investisseurs privés viendra en complément du soutien financier et de la trésorerie publique et sera réduite à un nombre limité d’options […] »

11      Le 21 juillet 2011, l’IFI a présenté une proposition de programme d’échange de titres et d’allongement des échéances. Le programme visait l’échange de titres de créance grecs existants contre quatre instruments différents, conjointement avec un mécanisme de rachat de la dette publique grecque à définir par le secteur public, à savoir, premièrement, un échange de titres de créance émis au pair contre un instrument à 30 ans ; deuxièmement, une offre de titres de créance émis au pair impliquant la conversion de titres de créance arrivés à échéance en instruments à 30 ans ; troisièmement, un échange de titres de créance émis à décote contre un instrument à 30 ans ; et, quatrièmement, un échange de titres de créance à décote contre un instrument à 15 ans.

12      Le 21 juillet 2011, les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro et des institutions de l’Union européenne se sont réunis pour délibérer sur des mesures à prendre afin de surmonter les difficultés auxquelles la zone euro faisait face.

13      Dans leur déclaration conjointe du 21 juillet 2011, il est exposé, notamment, ce qui suit :

« 1.      Nous nous félicitons des mesures prises par le gouvernement [hellénique] pour stabiliser ses finances publiques et [pour] réformer son économie, ainsi que du nouveau train de mesures, y compris de privatisation, récemment adopté par le Parlement [hellénique]. Ces mesures constituent des efforts sans précédent, mais qui sont nécessaires pour que l’économie grecque retrouve la voie d’une croissance durable. Nous sommes conscients des efforts que les mesures d’ajustement entraînent pour les citoyens grecs et nous sommes convaincus que ces sacrifices sont indispensables pour la reprise économique et qu’ils contribueront à la stabilité et à la prospérité futures du pays.

2.      Nous convenons de soutenir un nouveau programme pour la [République hellénique] et, avec le FMI et la contribution volontaire du secteur privé, de couvrir intégralement le déficit de financement. Le financement public total s’élèvera à un montant estimé à 109 milliards d’euros. Ce programme visera, notamment grâce à une réduction des taux d’intérêt et à un allongement des délais de remboursement, à ramener l’endettement à un niveau bien plus supportable et à améliorer le profil de refinancement de la [République hellénique]. Nous appelons le FMI à continuer de contribuer au financement du nouveau programme pour la [République hellénique]. Nous avons l’intention d’utiliser le FESF en tant qu’instrument de financement pour le prochain décaissement. Nous suivrons avec beaucoup d’attention la mise en œuvre rigoureuse du programme sur la base d’une évaluation régulière effectuée par la Commission [européenne] en liaison avec la BCE et le FMI.

[…]

5.      Le secteur financier a indiqué qu’il était prêt à soutenir la [République hellénique] sur une base volontaire en recourant à différentes possibilités permettant de renforcer encore la viabilité globale. La contribution nette du secteur privé est estimée à 37 milliards d’euros […] Un rehaussement de crédit sera fourni pour étayer la qualité de la garantie, afin d’en permettre l’utilisation continue pour que les banques grecques puissent accéder aux opérations de liquidités de l’Eurosystème. Nous fournirons des ressources appropriées pour recapitaliser les banques grecques si nécessaire. »

14      S’agissant de la participation du secteur privé, il est indiqué au point 6 de la déclaration conjointe du 21 juillet 2011 ce qui suit :

« Pour ce qui est de notre approche générale à l’égard de la participation du secteur privé dans la zone euro, nous tenons à préciser que la [République hellénique] appelle une solution exceptionnelle et bien spécifique. »

15      Eu égard à l’importance de la dette publique grecque qui, à la fin de l’année 2011, était estimée à environ 355 milliards d’euros, dont 206 milliards détenus par des créanciers privés, les tentatives de restructuration de ladite dette fondées sur un renouvellement des échéances des titres de créance grecs n’ont pas abouti. Ainsi, dès octobre 2011, les créanciers de la République hellénique et notamment le FMI ont entamé des discussions visant à intensifier la participation du secteur privé.

16      Le 21 octobre 2011, le FMI a publié une analyse de la soutenabilité de la dette publique grecque indiquant, notamment, ce qui suit :

« L’approfondissement du PSI [private sector involvement ; participation du secteur privé], qui est désormais envisagé, peut également jouer un rôle vital pour ramener l’endettement de la [République hellénique] à un niveau supportable [...] Pour évaluer l’ampleur potentielle des améliorations de la trajectoire de la dette et leurs possibles répercussions sur le financement public, peuvent être pris en considération des scénarios illustratifs utilisant des titres de créance émis à décote avec un rendement supposé de six pour cent et aucune garantie. Les résultats montrent que, en appliquant des décotes de 50 [%], la dette peut être ramenée à un niveau tout juste supérieur à 120 [%] du PIB d’ici [à la fin de] 2020. Compte tenu de l’accès toujours tardif au marché, un financement public supplémentaire de grande ampleur, estimé à quelque 114 milliards d’euros (sur la base des hypothèses d’accès au marché appliquées), resterait nécessaire. Pour réduire encore davantage la dette, il serait indispensable d’accroître la contribution du secteur privé (ainsi, pour ramener la dette en deçà de 110 [%] du PIB d’ici [à] 2020, la valeur nominale devrait être réduite d’au moins 60 [%] et/ou le financement du secteur public devrait être assorti de conditions plus favorables). En telle hypothèse, l’exigence de financement public supplémentaire pourrait être réduite à quelque 109 milliards d’euros [...] »

17      Lors de leur sommet du 26 octobre 2011, les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro ont déclaré, notamment, ce qui suit :

« 12. La participation du secteur privé joue un rôle vital pour ramener l’endettement de la [République hellénique] à un niveau supportable. C’est pourquoi nous nous félicitons des discussions en cours entre la [République hellénique] et ses investisseurs privés visant à trouver une solution permettant d’approfondir la participation du secteur privé. Parallèlement à un programme de réforme ambitieux pour l’économie grecque, la participation du secteur privé devrait garantir la diminution du ratio de la dette grecque au PIB, l’objectif étant de parvenir à un taux de 120 % d’ici à 2020. À cette fin, nous invitons la [République hellénique], les investisseurs privés et toutes les parties concernées à mettre en place un échange volontaire d[e titres de créance] avec une décote nominale de 50 % sur la valeur notionnelle de la dette grecque détenue par les investisseurs privés. Les États membres de la zone euro contribueront à l’ensemble des mesures relatives à la participation du secteur privé à hauteur de 30 milliards d’euros. Sur cette base, le secteur public est disposé à fournir un financement supplémentaire au titre du programme pour un montant allant jusqu’à 100 milliards d’euros jusqu’en 2014, y compris la recapitalisation requise des banques grecques. Le nouveau programme devrait être arrêté d’ici à la fin de 2011 et l’échange d[e titres de créance] devrait être mis en œuvre au début de 2012. Nous demandons au FMI de continuer à contribuer au financement du nouveau programme grec. »

18      D’après un communiqué de presse du ministère des Finances hellénique du 17 novembre 2011, celui-ci avait entamé des négociations avec les détenteurs privés de titres de créance grecs en vue de préparer une transaction d’échange volontaire de tels titres avec une décote nominale de 50 % sur la valeur notionnelle de la dette grecque détenue par les investisseurs privés, telle que prévue au point 12 de la déclaration des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro du 26 octobre 2011. Ces négociations ont été menées avec un comité représentant les créanciers privés de l’État grec issus du secteur bancaire, d’assurance et de gestion d’actifs, appelé comité directeur de la commission créanciers-investisseurs privés pour la Grèce [Steering Committee of the Private Creditor-Investor Committee for Greece (Steering Committee PCIC for Greece), ci-après le « comité directeur PCIC »] et coprésidé par le directeur général de l’IFI et par un directeur de BNP Paribas.

19      Dans un communiqué de presse du 21 février 2012, après la conclusion de ces négociations, le ministère des Finances hellénique, d’une part, a divulgué les caractéristiques essentielles de la transaction envisagée d’échange volontaire de titres de créance grecs, dénommée participation des investisseurs privés (Private Sector Involvement, ci-après le « PSI »), et, d’autre part, a annoncé la préparation et l’adoption d’une loi à cet effet. Cette transaction devait comporter une demande d’accord et une invitation adressées aux détenteurs privés de certains titres de créance grecs dans le but d’échanger ces derniers contre des titres nouveaux d’une valeur nominale égale à 31,5 % de celle de la dette échangée ainsi que contre des titres émis par le FESF venant à échéance après 24 mois et ayant une valeur nominale de 15 % de celle de la dette échangée, ces différents titres devant être fournis par la République hellénique lors de la clôture de l’accord. En outre, tout investisseur privé participant à cette transaction devait recevoir des sûretés détachables de la République hellénique liées au PIB avec une valeur notionnelle égale à celle des nouveaux titres de créance.

20      Dans un communiqué de presse du même jour du comité directeur PCIC, il est précisé que la transaction d’échange volontaire au titre du PSI est susceptible d’aboutir à une réduction de la dette publique grecque d’environ 107 milliards d’euros, correspondant à environ 50 % du PIB estimé de la République hellénique pour 2011, ainsi qu’à une réduction du montant de la dette venant à échéance et devant être refinancée entre 2012 et 2020 d’environ 150 milliards d’euros.

21      La déclaration de l’Eurogroupe du même jour expose, notamment, ce qui suit :

« L’Eurogroupe prend acte du fait que les autorités helléniques et le secteur privé sont parvenus à un accord sur les conditions générales de l’offre d’échange au titre du PSI qui concerne tous les détenteurs de titres du secteur privé. Cet accord garantit un taux de décote de 53,5 %. L’Eurogroupe estime que cet accord constitue une base appropriée pour le lancement de l’invitation à l’échange faite aux détenteurs de titres d’État grecs (PSI). La réussite de l’opération de PSI constitue une condition préalable nécessaire à un programme destiné à succéder au programme actuel. L’Eurogroupe compte sur une importante participation des créanciers privés à l’échange de la dette, ce qui contribuerait de manière substantielle à la soutenabilité de la dette de la [République hellénique].

[...]

Les contributions respectives des secteurs privé et public doivent garantir que le ratio de la dette publique de la [République hellénique] sera mis sur une trajectoire descendante pour atteindre 120,5 % du PIB en 2020. Sur cette base, et si la conditionnalité politique définie dans le cadre du programme est remplie sur une base continue, l’Eurogroupe confirme que les États membres de la zone euro sont prêts à fournir, par l’intermédiaire du FESF et avec l’espoir que le FMI apportera une contribution significative, un programme public additionnel d’un montant pouvant atteindre jusqu’à 130 milliards d’euros d’ici [à] 2014. »

22      Le 23 février 2012, le Parlement hellénique a adopté la nomos 4050/2012, Kanones tropopoiiseos titlon, ekdoseos i engyiseos tou Ellinikou Dimosiou me symfonia ton Omologiouchon (loi no 4050/2012, relative à la modification des titres émis ou garantis par l’État grec avec l’accord de leurs détenteurs et introduisant le mécanisme des clauses d’action collective) (FEK A’ 36). En vertu du mécanisme des clauses d’action collective (ci-après les « CAC »), les amendements proposés étaient destinés à devenir juridiquement contraignants pour tout détenteur de titres de créance régis par le droit hellénique et émis avant le 31 décembre 2011, tels qu’identifiés dans l’acte du Conseil des ministres grec approuvant les invitations au PSI, si lesdits amendements étaient approuvés, de manière collective et sans distinction de séries, par un quorum de détenteurs de titres représentant au moins deux tiers de la valeur nominale desdits titres.

23      Dans un communiqué de presse du 24 février 2012, le ministère des Finances hellénique a précisé les conditions régissant la transaction d’échange volontaire de titres de créance impliquant les investisseurs privés d’une valeur nominale d’environ 206 milliards d’euros en faisant référence à la loi no 4050/2012. Le même jour, le Conseil des ministres grec a adopté l’acte prévu dans la loi no 4050/2012, à savoir la décision no 5/24.2.2012 (FEK A’ 37), qui comportait un tableau énumérant l’ensemble des titres de créance grecs éligibles à l’échange.

24      L’offre de transaction d’échange volontaire de titres de créance a été clôturée le 8 mars 2012.

25      Dans un communiqué de presse du 9 mars 2012, le ministère des Finances hellénique a déclaré que, en principe, il était satisfait aux conditions fixées par la loi no 4050/2012 et a annoncé les proportions dans lesquelles les créanciers privés avaient accepté l’offre d’échange.

26      À cet égard, il y est, notamment, indiqué ce qui suit :

« [L]es détenteurs de titres de créance émis ou garantis par la République [hellénique] pour un montant d’environ 172 milliards d’euros ont présenté leurs titres de créance à l’échange ou consenti aux amendements proposés en réponse aux invitations et aux demandes d’accord faites par la République [hellénique] le 24 février 2012.

Sur les quelque 177 milliards d’euros de titres de créance régis par le droit grec émis par la République [hellénique] et ayant fait l’objet d’invitations, la République [hellénique] a reçu des offres d’échange et des accords de la part de détenteurs de titres de créance d’une valeur nominale d’environ 152 milliards d’euros, ce qui représente 85,8 % du montant nominal non encore réglé de ces titres. Les détenteurs de 5,3 % du montant nominal non encore réglé de ces titres ont participé à la demande d’accord et ont refusé les amendements proposés. La République [hellénique] a informé ses créanciers du secteur public que, dès leur confirmation et leur certification par la Banque [centrale hellénique], en sa qualité de gestionnaire de la procédure en vertu de la loi no 4050/2012 [...], elle a[vait] l’intention d’accepter les accords reçus et de modifier les conditions de tous ses titres de créance régis par le droit grec, y compris ceux qui n’ont pas été présentés à l’échange à la suite des invitations, suivant les termes de la loi susmentionnée. En conséquence, la République [hellénique] ne prolongera pas la période d’invitation pour ses titres de créance régis par le droit grec.

[...] Si les accords concernant les amendements proposés des titres de créance régis par le droit grec sont acceptés, la valeur nominale totale desdits titres destinés à être échangés et d’autres titres [régis par un droit autre que le droit grec] ayant fait l’objet des invitations et pour lesquels la République hellénique a reçu des offres d’échange et des accords concernant les amendements proposés atteindrait 197 milliards d’euros, soit 95,7 % de la valeur nominale totale des titres de créance visés par les invitations. »

27      Le 9 mars 2012 également, le Conseil des ministres grec a approuvé, par sa décision no 10/9.3.2012 (FEK A’ 50), le résultat de la procédure d’offre de transaction d’échange volontaire de titres ainsi que la mise en œuvre des CAC. En outre, par décision no 2/20964/0023A (FEK B’ 682), le ministre adjoint des Finances hellénique a fait remplacer les titres soumis au PSI par de nouveaux titres conformément aux dispositions pertinentes de la loi no 4050/2012.

28      Le 14 mars 2012, le nouveau programme d’assistance financière en faveur de la République hellénique a été approuvé. Il prévoyait un montant total d’assistance financière de 164,5 milliards d’euros jusqu’à la fin de 2014, dont 144,7 milliards seraient mis à disposition par le FESF et 19,8 milliards par le FMI dans le cadre d’un accord sur quatre ans portant sur un montant de 28 milliards d’euros au titre du mécanisme élargi de crédit pour la République hellénique, approuvé par le FMI en mars 2012.

29      Les requérants, MM. Nikolaos Anastassopoulos, Aristeidis Anastassopoulos, Mmes Alexia Anastassopoulos, Maria-Myrto Anastassopoulos et Sophie Velliou, en tant que détenteurs de titres de créance grecs, ont participé à la restructuration de la dette publique grecque, en vertu du PSI et des CAC mis en œuvre conformément à la loi no 4050/2012 après avoir refusé l’offre d’échange de leurs titres.

 Procédure et conclusions des parties

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 mars 2017, les requérants ont introduit le présent recours contre « la Commission européenne à titre individuel et en tant que représentante de l’Union européenne pour les agissements de l’Eurogroupe et/ou de son [p]résident ». En réponse à une question écrite du président du Tribunal, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, les requérants ont précisé que leur recours était également dirigé contre le Conseil de l’Union européenne, au motif, notamment, que « l’Eurogroupe [était] beaucoup plus proche [du] Conseil [que de] la Commission ».

31      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

32      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 26 septembre 2018.

33      Par ordonnance du 25 octobre 2018, sur demande des requérants, le Tribunal a décidé de rouvrir la phase orale de la procédure.

34      Par décision du 7 novembre 2018, les parties entendues, le président de la troisième chambre a, conformément à l’article 69, sous c) et d), du règlement de procédure, décidé de suspendre l’affaire jusqu’aux décisions de la Cour statuant sur les pourvois formés contre les arrêts du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a. (T‑680/13, EU:T:2018:486), et du 13 juillet 2018, Bourdouvali e.a./Conseil e.a. (T‑786/14, non publié, EU:T:2018:487).

35      Par arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), la Cour a, pour partie, annulé les arrêts du 13 juillet 2018, K. Chrysostomides & Co. e.a./Conseil e.a. (T‑680/13, EU:T:2018:486), et du 13 juillet 2018, Bourdouvali e.a./Conseil e.a. (T‑786/14, non publié, EU:T:2018:487), et rejeté les recours comme irrecevables en tant qu’ils étaient dirigés contre l’Eurogroupe.

36      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à se prononcer sur les conséquences qu’elles comptaient tirer de l’ordonnance du 12 mars 2020, EMB Consulting e.a./BCE (C‑571/19 P, non publiée, EU:C:2020:208), et de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), s’agissant de la solution du présent litige. Les parties ont soumis leurs observations dans le délai imparti.

37      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        faire droit à leurs demandes indemnitaires en allouant au premier requérant le montant de 123 442 euros, aux deuxième, troisième et quatrième requérants le montant de 61 721 euros, et à la cinquième requérante le montant de 120 900 euros ou, à titre subsidiaire, les montants de 38 227,20, de 19 107,60 et de 37 440 euros respectivement, majorés, d’intérêts moratoires ;

–        condamner le Conseil et la Commission aux dépens.

38      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

39      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        en tout état de cause, condamner les requérants aux dépens.

 En droit

 Sur la responsabilité non contractuelle du fait d’un comportement illicite

 Sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union et sur l’imputabilité des comportements incriminés

40      Aux termes de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, l’Union doit, en matière de responsabilité non contractuelle, réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

41      L’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de cette disposition, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement de cette institution et le préjudice invoqué (voir arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 64 et jurisprudence citée ; arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 79).

42      En outre, la responsabilité non contractuelle de l’Union ne saurait être tenue pour engagée sans que soient réunies toutes les conditions auxquelles se trouve ainsi subordonnée l’obligation de réparation définie à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C‑120/06 P et C‑121/06 P, EU:C:2008:476, points 165 et 166, et ordonnance du 12 mars 2020, EMB Consulting e.a./BCE, C‑571/19 P, non publiée, EU:C:2020:208, point 29 et jurisprudence citée).

43      En revanche, les dommages causés par les autorités nationales ne sont susceptibles de mettre en jeu que la responsabilité de ces autorités nationales et les juridictions nationales demeurent seules compétentes pour en assurer la réparation. Il s’ensuit que, pour déterminer si le juge de l’Union est compétent, il convient de vérifier si l’illégalité alléguée à l’appui de la demande d’indemnité émane bien d’une institution de l’Union et ne peut être regardée comme imputable à une autorité nationale (voir arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, points 106 et 107 et jurisprudence citée).

44      Ainsi, pour être imputable à l’Union, le comportement incriminé doit être celui d’une « institution », au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, ce qui englobe non seulement les institutions de l’Union énumérées à l’article 13, paragraphe 1, TUE, mais aussi tous les organes et organismes de l’Union institués par les traités, ou en vertu de ceux-ci, et destinés à contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union (voir arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 80 et jurisprudence citée).

45      À l’appui de leurs demandes indemnitaires, les requérants invoquent un moyen d’illégalité unique, tiré d’une violation suffisamment caractérisée de leur droit à l’égalité de traitement garanti par l’article 20 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de l’interdiction de toute discrimination prévue à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte, par des comportements de l’Eurogroupe, de son président, des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro, et de la Commission, au motif que, notamment, en tant que personnes physiques agissant à titre privé, à la différence des personnes morales exerçant une activité professionnelle, ils n’auraient pas dû être contraints à participer à la restructuration de la dette publique grecque.

46      Le Conseil et la Commission soutiennent, à titre principal, que le recours est prescrit et que les comportements allégués, en particulier ceux de l’Eurogroupe, ne sont pas imputables à l’Union.

 Sur la prescription

47      Selon le Conseil et la Commission, depuis le 25 février 2017, le présent recours est prescrit au sens de l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et doit donc être rejeté comme irrecevable. En l’espèce, le fait générateur du préjudice allégué consisterait en l’inclusion des titres de créance grecs détenus par les personnes physiques dans la restructuration de la dette publique grecque en vertu du PSI. Ce fait générateur se serait entièrement concrétisé le 24 février 2012, date à laquelle le Conseil des ministres grec a approuvé les offres d’échange sans exclure les titres de créance grecs détenus par les personnes physiques, et le délai de prescription quinquennal aurait donc commencé à courir. Or, les requérants n’auraient formé leur recours que le 2 mars 2017. Le Conseil et la Commission contestent que le préjudice allégué ne se soit concrétisé qu’ultérieurement. La note gouvernementale no 1057/2012, du 14 mars 2012, indiquerait uniquement que le Conseil des ministres grec a été informé du fait que les détenteurs de titres de créance grecs ne bénéficieront pas d’une compensation. Cette note ne ferait pas spécifiquement référence à des personnes physiques ou à des personnes morales et ne produirait aucun effet sur le statut juridique des requérants de nature à remettre en cause l’appréciation selon laquelle ledit préjudice s’était déjà concrétisé le 24 février 2012. En outre, les requérants ne sauraient se prévaloir du délai de distance de dix jours au sens de l’article 60 du règlement de procédure, ce délai ne s’appliquant pas au délai de prescription quinquennal au titre de l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. Celui-ci ne constituerait pas un délai de procédure, mais serait d’ordre public et non à la disposition des parties et du juge.

48      Les requérants contestent que le délai quinquennal pour l’introduction du recours ait commencé à courir le 24 février 2012, à savoir après l’adoption de la loi no 4050/2012 et à la date de sa publication et à celle des offres d’échange en vertu du PSI. Ce délai n’aurait commencé à courir au plus tôt que le 9 mars 2012, après l’annonce des résultats, positifs, de la procédure de transaction d’échange volontaire de titres de créance grecs.

49      Il résulte d’une jurisprudence constante que le délai de prescription de l’action en responsabilité non contractuelle de l’Union commence à courir lorsque sont réunies toutes les conditions auxquelles se trouve subordonnée l’obligation de réparation, notamment lorsque le dommage à réparer s’est concrétisé [arrêts du 19 avril 2007, Holcim (Deutschland)/Commission, C‑282/05 P, EU:C:2007:226, point 29 ; du 8 novembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑469/11 P, EU:C:2012:705, point 34, et du 28 février 2013, Inalca et Cremonini/Commission, C‑460/09 P, EU:C:2013:111, point 16]. En outre, les conditions d’application des règles de prescription régissant les actions tendant à la réparation d’un tel dommage ne sauraient être fondées sur des critères autres que strictement objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑469/11 P, EU:C:2012:705, point 36 et jurisprudence citée).

50      En l’espèce, les parties sont notamment en désaccord sur la question de savoir à quelle date précise le préjudice allégué s’est concrétisé, à savoir soit, comme le font valoir le Conseil et la Commission, le 24 février 2012, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi no 4050/2012, soit, selon les requérants, au plus tôt le 9 mars 2012, à la suite de la clôture de la procédure d’offre d’échange de titres.

51      Force est de constater que les allégations du Conseil et de la Commission manquent tant en fait qu’en droit.

52      Ainsi qu’il ressort des points 22 à 27 ci-dessus, d’une part, en vertu de la loi no 4050/2012 et des règles d’exécution pertinentes, la mise en œuvre des CAC dans le cadre du PSI à l’égard des détenteurs de titres de créance grecs n’ayant pas consenti à l’offre d’échange de titres dépendait de la réunion d’une condition supplémentaire particulière, à savoir du constat formel selon lequel les amendements proposés par le gouvernement hellénique étaient approuvés par un quorum de détenteurs de titres représentant au moins deux tiers de la valeur nominale de l’ensemble des titres éligibles. D’autre part, il est constant que ce quorum a été atteint dans le cadre de la procédure de transaction d’échange de titres entamée à la suite de l’entrée en vigueur de cette loi et que ladite procédure n’a été clôturée que le 8 mars 2012.

53      Par conséquent, c’est au plus tôt à partir de cette date que les conditions tant factuelles que juridiques pour la mise en œuvre des CAC étaient réunies, ces dernières habilitant les autorités helléniques à procéder à un échange contraignant de l’ensemble des titres de créance grecs éligibles, en vertu de la loi no 4050/2012, y compris ceux détenus par des créanciers privés qui, à l’instar des requérants, n’avaient pas consenti à l’offre d’échange. Le préjudice allégué n’ayant pu résulter que de l’application des CAC, l’argument du Conseil et de la Commission selon lequel ce préjudice se serait déjà concrétisé au moment de l’adoption de ladite loi ne saurait donc prospérer. En effet, en l’absence de votes suffisants pour atteindre le quorum requis, il n’aurait pas été légalement possible pour les autorités helléniques d’étendre les CAC aux titres de créance grecs détenus par des investisseurs ayant refusé l’offre d’échange, de sorte que ceux-ci n’auraient pas pu subir de décote.

54      En tout état de cause, il aurait incombé au Conseil et à la Commission invoquant la fin de non-recevoir tirée de la prescription, qui n’est pas d’ordre public (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑469/11 P, EU:C:2012:705, points 51 à 54), d’établir à suffisance de droit que le quorum nécessaire pour déclencher l’application des CAC avait été atteint déjà avant le 2 mars 2012, c’est-à-dire précisément cinq ans avant le dépôt de la requête, ce qu’elles sont toutefois restées en défaut de faire.

55      Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de la prescription doit être rejetée.

56      Le Tribunal estime nécessaire d’apprécier, à l’aune de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), si les comportements allégués de l’Eurogroupe, de son président, des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro, et de la Commission, en ce qu’ils sont liés aux mesures contestées, sont imputables à l’Union.

 Sur l’imputabilité des mesures contestées à l’Union

57      Selon les requérants, la violation suffisamment caractérisée de leur droit à l’égalité de traitement et de l’interdiction de toute discrimination est imputable à l’Union.

58      En premier lieu, ils estiment que la décision d’inclure les personnes physiques dans la restructuration de la dette publique grecque en vertu du PSI et des CAC et de leur refuser toute compensation ultérieure (ci-après les « mesures contestées ») a été prise par le président de l’Eurogroupe seul ou par ce dernier en tant que tel et, partant, engagerait la responsabilité non contractuelle de l’Union au sens de l’article 268, lu conjointement avec l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, qui impose à l’Union de réparer les dommages causés « par ses institutions ou par ses agents ». En effet, il s’agirait d’un « ordre » donné en ce sens par l’Eurogroupe ou par son président à la suite de l’adoption de la loi no 4050/2012 et, plus précisément, à l’issue du vote au titre du PSI qui s’est déroulé jusqu’au 8 mars 2012. Cette appréciation ne serait pas infirmée par le fait que l’Eurogroupe ne figure pas formellement parmi les « institutions » de l’Union au sens de l’article 13 TUE et ne constitue, aux termes du protocole no 14 sur l’Eurogroupe, lequel est annexé au traité UE et au traité FUE, qu’une « réunion informelle » des ministres des États membres dont la monnaie est l’euro. Selon les requérants, premièrement, même à supposer que l’Eurogroupe n’adopte pas de décisions juridiquement contraignantes et qu’il ne l’ait pas fait en l’espèce, la responsabilité non contractuelle de l’Union est également engagée « du fait des actes matériels », comme en l’espèce, du fait d’avoir contraint un État membre à agir d’une certaine manière. Deuxièmement, il en serait de même lorsqu’une entité ou une émanation de l’Union adopte une décision en excédant ses compétences, une telle décision ultra vires étant contraire tant à l’esprit même de l’article 340 TFUE qu’aux principes les plus élémentaires d’une « communauté de droit » que constitue l’Union. Troisièmement, pour les mêmes motifs, le terme « institutions » visé dans l’article 340 TFUE ne pourrait être interprété comme comportant un renvoi à l’article 13 TUE, une telle interprétation conduisant à l’immunité de l’Union pour tout acte imputable à ses organes et émanations autres que les « institutions » en ce sens. Cela serait d’autant plus vrai que l’arrêt du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE (C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702), a établi que les actes de l’Eurogroupe n’étaient pas susceptibles de recours en annulation, de sorte que le recours en indemnité serait la seule voie de recours permettant un contrôle juridictionnel de cette « entité particulière, si puissante » (conclusions de l’avocat général Wathelet dans les affaires jointes Mallis e.a./Commission et BCE, C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:294, point 132). Cette appréciation serait applicable mutatis mutandisau président de l’Eurogroupe s’il apparaissait, à la suite de la mise en œuvre des mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction demandées, que la décision à l’origine du dommage causé aux requérants a été prise par lui seul, en tant qu’« agent » de l’Union au sens de l’article 340 TFUE. Toute autre interprétation faisant échapper cette décision au contrôle juridictionnel serait contraire au droit fondamental au juge garanti, notamment, par l’article 47 de la Charte. Les requérants précisent, en substance, que, même si, sur un plan strictement formel, la compétence ultime pour décider de l’inclusion au ou de l’exclusion du PSI des personnes physiques appartenait aux autorités helléniques, la République hellénique se trouvait dans un état de dépendance à l’égard de l’Union pour le sauvetage de son économie et ne disposait d’aucun pouvoir de négociation concernant « l’exigence formulée par l’intermédiaire de l’Eurogroupe et/ou [de] son président » de mettre en œuvre les mesures contestées. En réalité, ce faisant, le gouvernement hellénique n’aurait fait qu’accepter l’« ordre de l’Eurogroupe et/ou de son président » doté d’un « caractère en fait contraignant ».

59      En second lieu, les requérants invoquent l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 75), dans lequel il aurait été reconnu que la Commission, en sa qualité d’institution chargée, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, TUE, « de surveiller l’application du droit de l’Union », était susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union du simple fait d’avoir « permis » l’adoption de mesures illégales, en particulier contraires à la Charte. Ils en déduisent que, au-delà de son devoir de ne pas adopter elle-même des mesures illégales, la Commission est soumise à une obligation « de précaution », voire « d’intervention préventive », qui consiste à veiller à empêcher l’adoption des mesures illégales par d’autres « acteurs » de l’Union ou agissant en rapport avec celle-ci. Même à considérer que la Commission fût impliquée dans le processus d’adoption des mesures contestées en application de règles ad hoc, en particulier, d’une part, de l’article 13, paragraphes 2 et 3, du traité instituant le mécanisme européen de stabilité entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Chypre, le Grand-Duché de Luxembourg, la République de Malte, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Slovénie, la République slovaque et la République de Finlande, conclu à Bruxelles le 2 février 2012 et entré en vigueur le 27 septembre 2012, qui lui conféraient des tâches de négociation, conjointement avec la BCE, et d’autre part, du protocole d’accord régissant les conditions d’octroi, par le mécanisme européen de stabilité, d’une assistance financière, son obligation « de précaution » au titre de l’article 17 TUE, comme reconnue dans l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701), aurait une portée générale et serait pleinement applicable, à plus forte raison, en l’espèce. En effet, la Commission aurait joué un rôle actif dans toutes les phases des discussions et des négociations portant sur la restructuration de la dette publique grecque et elle aurait également participé aux réunions de l’Eurogroupe, cadre dans lequel elle aurait dû s’opposer aux mesures contestées.

60      Selon les requérants, conformément à l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 67), l’illégalité donnant lieu à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union peut consister en la violation d’une disposition de la Charte qui s’impose à ses institutions et à ses autres entités quand bien même elles « agi[raient] en dehors du cadre juridique de l’Union ». À cet égard, ils précisent, en substance, ne pas soutenir que la Commission devait s’assurer du respect du droit de l’Union, d’autant que la décision finale sur l’adoption des mesures contestées ne dépendait pas d’elle, mais de l’Eurogroupe ou de son président. Ils n’auraient jamais allégué que la Commission avait un tel pouvoir ou était tenue de l’exercer, et moins encore qu’elle était tenue d’empêcher des violations du droit de l’Union par les États membres. Selon eux, la Commission était plutôt soumise à une obligation de diligence lui enjoignant de relever l’incompatibilité avec le droit de l’Union d’une mesure envisagée, d’attirer l’attention des parties concernées et de plaider en faveur de la non-adoption d’une telle mesure. En l’espèce, elle aurait méconnu cette obligation en ayant omis de s’opposer à « l’ordre litigieux donné par l’Eurogroupe et/ou [par] son président au gouvernement hellénique ». Cette obligation de portée générale s’imposerait avec une force toute particulière dans les cas où la violation du droit de l’Union est commise par d’autres institutions ou entités de l’Union, comme l’Eurogroupe ou son président, et serait limitée aux seules hypothèses où la Commission est elle-même présente et participe à des discussions ou des négociations sur une question donnée.

61      Dans leur réponse à la question écrite du Tribunal visée au point 36 ci-dessus, les requérants précisent, en substance, que les considérations exposées aux points 78 à 98 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), ne visent que le manque de « légitimation passive » de l’Eurogroupe dans le cadre de recours indemnitaires au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, mais n’indiquent pas que les agissements de l’Eurogroupe peuvent échapper à un contrôle juridictionnel lorsqu’ils affectent, comme en l’espèce, directement les droits du justiciable, ce qui serait contraire à l’article 47 de la Charte. Ils relèvent que, même si le recours ne doit pas être dirigé contre l’Eurogroupe lui-même, mais, à l’instar du présent recours, contre les institutions, cela n’exclut pas pour autant l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union du fait de ses agissements ou de ses actes. De même, la Cour aurait confirmé, au point 96 dudit arrêt, que l’éventuelle inaction de la Commission dans le contrôle de conformité des accords politiques conclus au sein de l’Eurogroupe était de nature à engager cette responsabilité.

62      Le Conseil et la Commission contestent les arguments des requérants. Selon le Conseil, le recours doit être rejeté comme étant irrecevable. Dans leurs réponses à la question écrite du Tribunal visée au point 36 ci-dessus, le Conseil et la Commission précisent, en substance, que, notamment, les considérations exposées aux points 84 et 87 à 90 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), confirment leurs conclusions.

63      À titre liminaire, il importe de relever que le seul manque de caractère juridiquement obligatoire, notamment, des déclarations de l’Eurogroupe ne suffit pas à faire échapper d’emblée l’Union à sa responsabilité non contractuelle pour le comportement d’une de ses institutions, étant donné que, selon une jurisprudence établie, tout comportement à l’origine d’un dommage est de nature à établir cette responsabilité. En effet, si une juridiction de l’Union ne pouvait apprécier la légalité du comportement d’une institution ou d’un organe de l’Union, la procédure prévue à l’article 268 et à l’article 340, deuxième et troisième alinéas, TFUE serait privée de son effet utile (voir, en ce sens, arrêts du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts, C‑234/02 P, EU:C:2004:174, points 50 à 52, 60 et 61, et du 23 mai 2019, Steinhoff e.a./BCE, T‑107/17, EU:T:2019:353, point 55 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que le Conseil et la Commission ne sauraient invoquer la jurisprudence antérieure à l’arrêt du 23 mars 2004, Médiateur/Lamberts (C‑234/02 P, EU:C:2004:174), qui avait rejeté des recours en indemnité comme irrecevables lorsque l’illégalité alléguée était liée à un acte dépourvu d’effets juridiques (voir arrêt du 23 mai 2019, Steinhoff e.a./BCE, T‑107/17, EU:T:2019:353, point 56 et jurisprudence citée).

64      Par ailleurs, en premier lieu, s’agissant de la nature et des effets des déclarations de l’Eurogroupe des 20 juin 2011 et 21 février 2012, il convient de rappeler que l’Eurogroupe a été formellement institué par la résolution du Conseil européen du 13 décembre 1997 sur la coordination des politiques économiques au cours de la troisième phase de l’union économique et monétaire et sur les articles 109 et 109 B du traité CE (JO 1998, C 35, p. 1), en vertu de laquelle « les ministres des États membres participant à la zone “euro” peuvent se réunir entre eux de façon informelle pour discuter de questions liées aux responsabilités spécifiques qu’ils partagent en matière de monnaie unique » et « la Commission ainsi que, le cas échéant, la [BCE], sont invitées à participer aux réunions » (point 6). L’Eurogroupe a été conçu comme un organe intergouvernemental, extérieur au cadre institutionnel de l’Union, visant à permettre aux ministres des États membres dont la monnaie est l’euro (ci-après les « EMME ») d’échanger et de coordonner leurs points de vue sur des questions relatives à leurs responsabilités communes en matière de monnaie unique. Il fait ainsi fonction de liaison entre le niveau national et le niveau de l’Union aux fins de la coordination des politiques économiques des EMME (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 84).

65      En effet, l’Eurogroupe ne figure pas parmi les différentes formations du Conseil, énumérées à l’annexe I du règlement intérieur de celui-ci, adopté par la décision 2009/937/UE du Conseil, du 1er décembre 2009 (JO 2009, L 325, p. 35), dont la liste est visée à l’article 16, paragraphe 6, TUE. Par conséquent, l’Eurogroupe ne peut ni être assimilé à une formation du Conseil ni être qualifié d’organe ou d’organisme de l’Union. Au contraire, l’Eurogroupe se caractérise par sa nature informelle qui s’explique par la finalité de sa création consistant à doter l’Union économique et monétaire d’un outil intergouvernemental de coordination, sans toutefois affecter le rôle du Conseil, qui est au cœur du processus décisionnel au niveau de l’Union en matière économique, ni l’indépendance de la BCE. De même, la circonstance que, notamment, en vertu de l’article 137 TFUE et du protocole no 14, la Commission et la BCE participent aux réunions de l’Eurogroupe ne modifie ni sa nature intergouvernementale ni celle de ses déclarations qui ne peuvent être qualifiées d’expression d’un pouvoir décisionnel de ces deux institutions de l’Union. Ainsi, l’Eurogroupe ne dispose, dans l’ordre juridique de l’Union, d’aucune compétence propre, l’article 1er du protocole no 14 se limitant à énoncer que ses réunions ont lieu, en tant que de besoin, pour discuter de questions liées aux responsabilités spécifiques que les ministres des EMME partagent en matière de monnaie unique, étant entendu que ces responsabilités leur incombent en raison de leur seule compétence au niveau national (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2016, Mallis e.a./Commission et BCE, C‑105/15 P à C‑109/15 P, EU:C:2016:702, points 57 et 61, et du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, points 87 à 89).

66      Il en résulte que, indépendamment du contenu et des effets éventuels des déclarations de l’Eurogroupe des 20 juin 2011 et 21 février 2012, celles-ci ne sauraient être imputées à l’Union, de sorte que le Tribunal est incompétent pour connaître de leur légalité, y compris dans le cadre d’un recours indemnitaire, aux fins de l’appréciation de l’engagement de son éventuelle responsabilité non contractuelle.

67      En deuxième lieu, en raison de son caractère intergouvernemental, les considérations précédentes relatives aux déclarations de l’Eurogroupe s’appliquent nécessairement mutatis mutandis et à plus forte raison à la déclaration conjointe des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro lors du sommet de la zone euro du 26 octobre 2011 (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans les affaires jointes Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:390, point 81). Dès lors, ladite déclaration ne saurait être qualifiée d’acte de l’Union ou d’acte qui lui serait imputable, de sorte que le Tribunal n’est pas non plus compétent pour connaître de sa légalité aux fins de l’appréciation de l’engagement de son éventuelle responsabilité non contractuelle.

68      En troisième lieu, il est, certes, vrai que la déclaration conjointe des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro et des institutions de l’Union européenne du 21 juillet 2011 dépasse le cadre purement intergouvernemental des déclarations visées aux points 64 à 67 ci-dessus, en ce qu’elle implique la participation desdites institutions. Il ne saurait donc être exclu que ladite déclaration soit, du moins pour partie, imputable à l’Union. Cependant, s’agissant de son contenu, cette déclaration se limite à confirmer la volonté des parties audit sommet de « soutenir » le nouveau programme d’assistance financière pour la République hellénique « et, avec le FMI et la contribution volontaire du secteur privé, de couvrir intégralement [son] déficit de financement » (point 2). En outre, à son point 5, il est pris acte, notamment, de la volonté du « secteur financier » de « soutenir » la République hellénique « sur une base volontaire », en estimant la « contribution nette du secteur privé [...] à 37 milliards d’euros ». S’agissant de la participation du secteur privé, il est précisé, au point 6 de ladite déclaration, que la République hellénique « appelle une solution exceptionnelle et bien spécifique ». Ainsi, cette déclaration ne contient aucune indication relative à une éventuelle participation « forcée » de détenteurs privés de titres de créance grecs à la restructuration de la dette publique grecque permettant d’établir un lien de cause à effet entre son contenu et le préjudice prétendument subi par les requérants. À plus forte raison, il ne saurait lui être attribuée une force obligatoire en ce sens qu’elle aurait imposé, à l’instigation de l’Eurogroupe ou de son président, une obligation juridiquement contraignante, voire donné un « ordre », à la République hellénique de mettre en œuvre les mesures contestées. Les requérants eux-mêmes ont d’ailleurs précisé, dans la réplique, que ce prétendu « ordre » n’était intervenu qu’à un stade ultérieur, à savoir à la suite de la clôture de la procédure d’offre d’échange volontaire de titres, intervenue le 8 mars 2012. En tout état de cause, son absence n’exclut pas l’existence d’obligations politiques, voire juridiques au sens du droit international public, de la République hellénique à l’égard de certains de ses créanciers, en particulier des États membres de la zone euro et du FMI, découlant d’accords bilatéraux ou multilatéraux conclus au niveau intergouvernemental (voir, notamment, les accords rappelés aux points 7, 10 et 11 de l’arrêt du 3 mai 2017, Sotiropoulou e.a./Conseil, T‑531/14, non publié, EU:T:2017:297), dont le contrôle échappe à la compétence du Tribunal et les requérants ne contestent pas la légalité en l’espèce, mais qui pouvaient, certes, avoir une incidence importante sur l’exercice par le législateur hellénique de son pouvoir d’appréciation lorsqu’il a édicté, notamment, la loi no 4050/2012.

69      Dès lors, indépendamment de son imputabilité à l’Union, la déclaration conjointe des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro et des institutions de l’Union européenne du 21 juillet 2011 n’était pas susceptible de donner lieu à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union.

70      En quatrième lieu, s’agissant de l’éventuelle responsabilité de l’Union pour violation du devoir de surveillance de la Commission au titre de l’article 17, paragraphe 1, TUE, il y a lieu de rappeler que les justiciables peuvent introduire, devant les juridictions de l’Union, un recours en responsabilité non contractuelle de l’Union contre le Conseil, la Commission et la BCE au titre des actes ou des comportements que ces institutions de l’Union adoptent à la suite d’accords politiques conclus au sein de l’Eurogroupe (arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 93). À cet égard, ainsi qu’il ressort de l’article 17, paragraphe 1, TUE, la Commission « promeut l’intérêt général de l’Union » et « surveille l’application du droit de l’Union » (arrêts du 27 novembre 2012, Pringle, C‑370/12, EU:C:2012:756, point 163, et du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 57). Cette institution conserve donc, dans le cadre de sa participation aux activités de l’Eurogroupe, son rôle de gardienne des traités. Il en découle que son éventuelle inaction dans le contrôle de la conformité au droit de l’Union des accords politiques conclus au sein de l’Eurogroupe est susceptible de conduire à une mise en cause de la responsabilité non contractuelle de l’Union au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE (arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 96).

71      Les requérants ont reconnu, dans la réplique, que la Commission n’était pas soumise à une obligation absolue ou illimitée de prévenir ou d’empêcher des violations du droit de l’Union par d’autres organes de l’Union, mais qu’elle était seulement tenue, au titre de son devoir de diligence, dans le cadre de procédures ou de négociations auxquelles elle était associée, de « s’opposer » à une telle violation, notamment, en y attirant l’attention ou en déclarant son désaccord, ce que, en l’espèce, elle aurait omis de faire quant au prétendu « ordre » donné par l’Eurogroupe ou par son président à l’égard du gouvernement hellénique.

72      En effet, en vertu de son devoir de surveillance de l’application du droit de l’Union au titre de l’article 17, paragraphe 1, TUE, tel que reconnu aux points 57 et 59 de l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701), et confirmé au point 96 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), la Commission n’est pas soumise à une obligation générale de prévention de violations du droit de l’Union par d’autres institutions, organes ou organismes de l’Union, au sens d’une obligation de résultat (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Wahl dans les affaires jointes Ledra Advertising e.a./Commission et BCE, C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:290, points 69 et 71). Ainsi, au point 59 de l’arrêt du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE (C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701), la Cour s’est limitée à juger que, en vertu de son rôle de gardienne des traités, tel qu’il ressort de l’article 17, paragraphe 1, TUE, la Commission devrait s’abstenir de signer un protocole d’accord dont elle douterait de la compatibilité avec le droit de l’Union. À la lumière de cette considération, elle a relevé, au point 67 du même arrêt, que la Commission était tenue, en vertu de cet article, qui lui confère la mission générale de surveiller l’application du droit de l’Union, d’assurer qu’un tel protocole soit compatible avec les droits fondamentaux de la Charte, ce qui ne peut donc faire référence qu’à son propre comportement et non à celui d’autres institutions ou d’autres organismes de l’Union, et moins encore à celui d’une entité intergouvernementale comme l’Eurogroupe. C’est ainsi que, au point 68 dudit arrêt, la Cour a entamé l’examen de la question de savoir si la Commission avait elle-même contribué à une violation suffisamment caractérisée du droit de propriété des parties requérantes dans ces autres affaires. Dans le même sens, aux points 95 et 96 de l’arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a. (C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028), la Cour a déduit de cette jurisprudence que c’était l’éventuelle « inaction » de la Commission dans le contrôle de la conformité au droit de l’Union de certains accords politiques conclus au sein de l’Eurogroupe qui était susceptible de conduire à une mise en cause de la responsabilité non contractuelle de l’Union au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE.

73      Cette absence d’obligation de résultat est confirmée par l’impossibilité pour la Commission, en vertu de son devoir de surveillance, au titre de l’article 17, paragraphe 1, TUE, de prévenir activement l’adoption d’un acte d’une entité ne relevant pas du cadre institutionnel de l’Union, telle que l’Eurogroupe, et, moins encore, d’un acte dont la matérialité n’est pas démontrée, comme le prétendu « ordre » de l’Eurogroupe ou de son président (voir point 68 ci-dessus).

74      Or, force est de constater que, hormis les prétendues illégalités liées à des agissements, notamment, de l’Eurogroupe et de son président et le fait que, en vertu de l’article 1er, troisième phrase, du protocole no 14, la Commission participe aux réunions de l’Eurogroupe, les requérants n’ont identifié aucun comportement ou acte précis, ni aucune inaction précise dont la Commission serait responsable dans ce cadre et qui aurait été susceptible d’avoir contribué auxdites illégalités, et dont les requérants estiment qu’ils résident dans une violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement. Au contraire, il résulte de ce qui est exposé aux points 64 à 69 ci-dessus, d’une part, que les agissements incriminés soit n’étaient pas imputables à l’Union, mais aux décisions souveraines et autonomes des autorités helléniques, à l’égard desquelles, en dehors du champ d’application du droit de l’Union au sens de l’article 51 de la Charte, la Commission n’était pas et ne pouvait pas être tenue d’agir en vertu de l’article 17, paragraphe 1, TUE, soit n’étaient pas susceptibles d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union pour les préjudices prétendument subis par les requérants à la suite de la mise en œuvre des mesures contestées. D’autre part, les agissements incriminés, en ce qu’ils sont liés aux déclarations de l’Eurogroupe, de son président ou des chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro et des institutions, ne comportaient aucun « ordre », ni accord politique de procéder à la restructuration de la dette publique grecque avec la participation obligatoire des investisseurs privés auquel la Commission aurait pu s’opposer (voir points 67 et 68 ci-dessus). En particulier, dans ce cadre, elle n’était amenée ni à participer à la négociation d’un accord politique ou d’un protocole d’accord qui aurait eu pour objet une telle restructuration, ni à y adhérer par sa signature, comme cela est envisagé par la jurisprudence (arrêts du 20 septembre 2016, Ledra Advertising e.a./Commission et BCE C‑8/15 P à C‑10/15 P, EU:C:2016:701, point 59, et du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, points 95 et 96).

75      Dès lors, il convient de rejeter comme non fondé le grief tiré d’une violation du devoir de surveillance de la Commission au titre de l’article 17, paragraphe 1, TUE, ainsi que l’argument selon lequel, en substance, une telle violation aurait rendu les prétendues illégalités commises par l’Eurogroupe, par son président ou par les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro imputables à l’Union.

76      Par conséquent, les requérants n’ont identifié aucun comportement à l’origine de l’illégalité alléguée qui soit serait imputable à l’Union, soit serait susceptible d’engager sa responsabilité non contractuelle, de sorte que leur demande indemnitaire doit être rejetée, ne serait-ce que pour cette raison.

77      Indépendamment de ce qui précède, même à supposer que les prétendus comportements illégaux puissent être imputés à l’Union ou soient susceptibles d’engager sa responsabilité non contractuelle ou que l’« ordre » allégué de mettre en œuvre les mesures contestées existe, le recours doit être rejeté, pour les raisons exposées dans le cadre de l’examen du moyen d’illégalité unique, tiré d’une violation suffisamment caractérisée du droit à l’égalité de traitement.

 Sur le moyen d’illégalité unique, tiré d’une violation suffisamment caractérisée du droit à l’égalité de traitement

78      Selon les requérants, la décision prise par l’Eurogroupe ou par son président, et imposée au gouvernement hellénique, avec l’accord de la Commission, de soumettre les personnes physiques à la restructuration de la dette publique grecque et de leur refuser toute indemnisation ultérieure, à savoir les mesures contestées, constitue une violation manifeste du principe de l’égalité de traitement et de l’interdiction de toute discrimination, telle que prévue à l’article 21 de la Charte qui constitue une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. Ce faisant, l’Eurogroupe aurait interdit aux autorités helléniques de mettre en œuvre leur choix, d’une part, d’exempter entièrement de ladite restructuration les titres de créance grecs détenus par les personnes physiques, à savoir seulement 2 à 3 % de la dette « privée » et 1 % de la dette publique globale de l’État grec, et, d’autre part, de leur offrir des mesures de compensation adéquates. Les requérants invoquent à l’appui de leur argumentation, premièrement, la note d’information du Genikon Logistirion tou Kratous (GLK, direction générale du service central de la comptabilité de l’État, Grèce), du 24 février 2012, deuxièmement, l’arrêt de la Cour EDH du 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce (CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, point 23), énonçant le « refus que le président de l’Eurogroupe [...] avait opposé à cette exemption » en faveur des personnes physiques, troisièmement, le discours de M. V., vice-Premier ministre et ministre des Finances helléniques, lors des débats du Parlement hellénique du 23 février 2012 ayant précédé l’adoption du projet de loi hellénique no 4050/2012, quatrièmement, la note gouvernementale no 1057/2012, du 14 mars 2012, faisant état de ce que, d’une part, le Conseil des ministres a été informé par M. V. de l’opposition de l’Eurogroupe à toute forme d’indemnisation des détenteurs privés de titres de créance grecs soumis au PSI et, d’autre part, ledit Conseil s’est engagé à se plier à cette exigence, et, cinquièmement, un article de presse faisant état de la décision du président de l’Eurogroupe selon laquelle aucun détenteur privé de titres de créance grecs ne saurait être compensé pour les pertes subies du fait du PSI. Les requérants en déduisent que ledit président ou l’Eurogroupe en tant que tel, avec l’accord de la Commission, se sont opposés à toute différenciation entre personnes physiques et personnes morales et ont empêché une telle différenciation.

79      En l’espèce, le principe d’égalité de traitement aurait été violé en raison d’un traitement égal de situations différentes. D’après les requérants, au regard de la restructuration de la dette publique grecque, les personnes physiques se trouvaient dans une situation fondamentalement différente de celle des personnes morales. Premièrement, d’une part, les personnes physiques et, en tout état de cause, les requérants, en achetant des titres de créance étatiques, agiraient généralement à titre privé, contrairement aux personnes morales qui agiraient dans le cadre de leur activité professionnelle. Or, selon un principe général du droit, il conviendrait d’accorder un régime différent, plus protecteur ou préférentiel, à ceux qui agissent à titre privé, par rapport à ceux qui agissent à titre professionnel. D’autre part, à la différence des personnes morales ayant, de surcroît, recours à des services spécialisés, les personnes physiques ne disposeraient généralement pas d’expertise et de connaissances en matière de droit financier et d’opérations sur titres. Deuxièmement, les personnes physiques investiraient généralement des montants très inférieurs à ceux investis par des personnes morales dans des titres de créance étatiques. Ainsi, l’arrêt de la Cour EDH du 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce (CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614), aurait confirmé que la part de la dette publique grecque détenue par les personnes physiques à la veille de sa restructuration n’aurait représenté que 1 %. Troisièmement, en l’absence de structures et de connaissances pertinentes, les personnes physiques n’auraient pas eu la possibilité de participer aux négociations sur la restructuration de ladite dette, ni aux discussions sur les modalités de sa mise en œuvre. En revanche, les personnes morales, par l’intermédiaire des dits « grands créanciers », dans le cadre de l’IFI et du comité directeur PCIC, auraient déterminé elles-mêmes, dans leur propre intérêt, lesdites modalités, y compris le taux de la décote. En effet, la composition exclusive dudit comité par des représentants de personnes morales démontrerait en soi la différence fondamentale entre ces dernières et les personnes physiques. Les personnes morales auraient donc arrêté ces modalités à l’insu des personnes physiques et les leur auraient imposées par la suite. Selon les requérants, eu égard au caractère suffisant de ces preuves de l’existence de situations différentes, l’argumentation contraire du Conseil et de la Commission équivaut à leur demander une probatio diabolica et à leur refuser l’accès au juge.

80      Les requérants reconnaissent qu’il peut exister des cas très exceptionnels dans lesquels « une personne physique Crésus » investit dans des titres de créance étatiques des montants supérieurs à ceux investis par une « petite personne morale ». Selon eux, de tels cas sont toutefois purement hypothétiques et, même s’ils existaient, « le gouvernement hellénique n’aurait pas manqué de s’en prévaloir concrètement dans les multiples contentieux engendrés par la restructuration » de la dette publique grecque. En tout état de cause, de tels cas exceptionnels ne seraient pas de nature à mettre en question la pertinence et le bien-fondé de la catégorisation et de la différenciation entre personnes physiques et morales, sous peine de renoncer à toute catégorisation et différenciation. Les requérants précisent, en substance, que, compte tenu du caractère fondamental du principe d’égalité de traitement, toute éventuelle difficulté pratique de différenciation pourrait et devrait être surmontée, à tout le moins a posteriori, notamment, au moyen de mesures de compensation, comme promises par M. V., mais « interdites » par l’Eurogroupe ou par son président.

81      Les requérants estiment que cette violation du principe d’égalité de traitement est « suffisamment caractérisée » au sens de la jurisprudence, l’Union ne disposant pas de marge d’appréciation quant à sa mise en œuvre. Même à supposer que cette qualification exige la démonstration d’une « méconnaissance manifeste et grave, par l’institution ou l’organe [...] concerné, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation », tel serait le cas en l’espèce, compte tenu, premièrement, du caractère constant de la jurisprudence imposant le traitement différent de situations différentes, deuxièmement, de la différence manifeste entre la situation des personnes morales et celle des personnes physiques, troisièmement, du caractère inconditionnel de l’interdiction des discriminations énoncée dans l’article 21 de la Charte, et quatrièmement, de l’importance du préjudice subi par les requérants, non limitée par une « franchise » ou par une garantie analogues à celle des 100 000 euros prévue pour les dépôts, dont l’Eurogroupe aurait reconnu lui-même qu’elle participait des « principes » de l’Union. Or, ni la Commission ni l’Eurogroupe n’auraient examiné la possibilité d’une réglementation qui tiendrait compte, ne fût-ce que de manière limitée, de la différence entre personnes morales et physiques. Au contraire, soit le président de l’Eurogroupe, soit ce dernier lui-même auraient plaidé en faveur du traitement égal de ces deux catégories de personnes et auraient imposé ce traitement.

82      Le Conseil et la Commission contestent l’existence d’une violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement qui serait imputable à l’Union.

83      Par leur moyen unique, tiré d’une violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement, les requérants font valoir l’existence d’un traitement égal interdit de situations différentes. À cet égard, ils contestent, à titre principal, la comparabilité des situations respectives de deux prétendues catégories distinctes de détenteurs privés de titres de créance grecs dans le cadre du PSI, à savoir les personnes physiques, notamment, les petits « épargnants » agissant à titre privé, d’une part, et les personnes morales exerçant une activité professionnelle, d’autre part.

84      Or, eu égard à l’ensemble des éléments pertinents caractérisant les situations en cause, les requérants n’ont pas établi qu’ils auraient dû faire l’objet d’un traitement différent en raison de leur situation particulière, au sens du principe d’égalité de traitement, tel qu’interprété par la jurisprudence, selon laquelle des situations comparables ne doivent pas être traitées de manière différente et des situations différentes ne doivent pas être traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, points 191 et 192 et jurisprudence citée).

85      Premièrement, les requérants admettent que des personnes physiques dotées d’une capacité financière importante sont susceptibles d’acquérir des quantités de titres de créance étatiques qui sont supérieures à celles acquises par certaines personnes morales d’une taille moindre (voir, en ce sens, Cour EDH, 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce, CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, points 137 et 138). En effet, la capacité financière ou le volume de titres acquis ne sont pas en soi des critères de différenciation pertinents pour distinguer, dans tous les cas, les personnes physiques des personnes morales, et cela d’autant moins que, du point de vue tant économique que juridique, au sens du droit des sociétés, des individus, gérants d’une entreprise, se confondent souvent avec une personne morale. Il en va de même du critère de l’expertise et des connaissances en matière financière qui peuvent varier dans chacun des deux groupes d’investisseurs privés envisagés par les requérants, de sorte qu’ils sont tous susceptibles de recourir à des conseils d’experts en la matière. En outre, n’est pas avérée l’affirmation selon laquelle les décisions d’investissement de la majorité des personnes physiques dans des titres de créance étatiques, à la différence de celles des personnes morales, sont principalement guidées par la volonté d’investir dans de l’épargne, étant donné que, à l’instar des requérants, un grand nombre de particuliers a été amené, lors de la crise financière grecque, à investir des sommes substantielles dans des titres de créance grecs nonobstant le risque élevé qui était associé à cet investissement (voir, notamment, les faits à l’origine des arrêts du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, et du 23 mai 2019, Steinhoff e.a./BCE, T‑107/17, EU:T:2019:353, confirmé par ordonnance du 12 mars 2020, EMB Consulting e.a./BCE, C‑571/19 P, non publiée, EU:C:2020:208).

86      Deuxièmement, cette appréciation est confirmée, en l’espèce, eu égard aux dates d’achat des titres de créance grecs litigieux, qui, selon les propres dires des requérants, se situaient entre janvier 2009 et janvier 2010. Ainsi, la plupart de ces achats sont intervenus soit pendant la période au cours de laquelle la République hellénique se trouvait déjà dans une situation de déficit extrême (voir, en ce sens, Cour EDH, 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce, CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, point 101) et ayant précédé le déclenchement de sa crise financière en octobre 2009, soit durant une période au cours de laquelle sa situation financière était exposée à de fortes perturbations du marché financier, accentuée par une baisse importante de la notation des titres de créance grecs (arrêt du 24 janvier 2017, Nausicaa Anadyomène et Banque d’escompte/BCE, T‑749/15, non publié, EU:T:2017:21, point 97 ; voir également points 1 à 4 ci-dessus). Force est donc de constater que, du moins pour ce qui est des achats de titres intervenus en janvier 2010, les requérants ont procédé à des investissements à haut risque, dont il ne saurait être exclu qu’ils étaient guidés par un but spéculatif et non d’épargne, dans l’espoir d’obtenir un rendement élevé. Cela indique que les décisions d’investissement des requérants dans les titres de créance grecs litigieux ont été effectuées dans un intérêt patrimonial privé et été guidées par des motifs à but lucratif, associés à un certain risque de perte, qui étaient comparables à celles d’autres investisseurs privés, en leur qualité soit de particuliers, soit de personnes morales exerçant, le cas échéant, une activité professionnelle (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 janvier 2017, Nausicaa Anadyomène et Banque d’escompte/BCE, T‑749/15, non publié, EU:T:2017:21, points 97 et 115).

87      Troisièmement, la motivation principale susmentionnée sous-tendant les décisions d’investissement en cause était un critère de différenciation ou de comparaison tant pertinent que suffisant aux fins de l’application du principe d’égalité de traitement à l’égard des créanciers privés soumis au PSI, y compris les requérants, et plus précisément aux fins de la comparaison des situations respectives desdits investisseurs, outre le fait qu’ils détenaient tous des titres de créance grecs. En revanche, tel n’est pas le cas d’éventuels motifs accessoires ou supplémentaires quant à cette motivation principale, qui étaient également de nature à influer sur la décision desdits investisseurs d’acquérir des titres de créance grecs. En effet, tant en théorie qu’en pratique, il n’est possible ni de distinguer clairement les personnes physiques ayant agi à titre purement privé, en tant qu’épargnants, de celles ayant agi dans le cadre d’une activité entrepreneuriale ou professionnelle, voire à titre spéculatif, ni de différencier à suffisance entre des personnes physiques et morales susceptibles d’appartenir à un de ces deux groupes d’investisseurs. Une telle distinction serait non seulement artificielle, mais exigerait aussi de vérifier, de manière détaillée, les véritables motifs, forcément subjectifs, ayant guidé les décisions d’investissement en cause, ce qui risquerait de rendre l’inclusion d’un investisseur privé dans l’une ou l’autre catégorie très aléatoire (voir, en ce sens, Cour EDH, 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce, CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, point 137).

88      Ainsi que l’avance le Conseil, il aurait été très difficile et chronophage d’opérer une distinction entre les personnes physiques et morales dans le cadre du PSI ou d’identifier les seuls « épargnants ». En outre, afin de déterminer la répartition précise de la dette publique grecque parmi ces investisseurs, il aurait été nécessaire d’interdire ou de « geler » les échanges de titres à partir d’un moment donné avant l’adoption de la loi no 4050/2012 pour jeter les bases d’une exemption non discriminatoire du PSI de certains investisseurs répondant à certains critères objectifs, mais difficiles à établir. Cependant, la simple annonce d’une telle démarche avant cette date aurait pu donner lieu à un transfert massif de titres vers les catégories de détenteurs de titres exemptés, ce qui aurait mis en péril le succès même de l’opération envisagée de restructuration de la dette publique grecque en vertu du PSI (voir, en ce sens, Cour EDH, 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce, CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, point 138). Cette appréciation n’est pas contredite par la note d’information du GLK du 24 février 2012, qui avait identifié, d’une part, des titres de créance grecs acquis par des personnes physiques sur les marchés primaire et secondaire de titres d’une valeur totale respective de 1,3 milliard et de 962 millions d’euros, sans pour autant expliciter les critères juridiques et factuels pertinents à l’origine de ces constats. Elle n’est pas davantage remise en cause par l’argument vague et ambigu des requérants, tiré du constat général de la Cour EDH, destiné à résumer les arguments des requérants dans cette autre affaire (Cour EDH, 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce, CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, point 76), selon lequel les personnes physiques n’auraient détenu que 2 à 3 % de la dette « privée » et 1 % de la dette globale de l’État grec.

89      Quatrièmement, même à supposer que, du fait de l’importance de leur position de créanciers et de leur capacité financière plus significative, certaines personnes morales exerçant une activité professionnelle soient généralement plus aptes que les personnes physiques à négocier avec l’État émetteur de titres de créance et à influer sur ses décisions en matière de gestion de sa dette publique, il est impossible d’établir une ligne de démarcation claire et praticable entre ces personnes morales, d’une part, et celles dotées d’une taille et d’une capacité économique nettement inférieures ou les personnes physiques exerçant une activité entrepreneuriale ou professionnelle, d’autre part. En outre, ainsi que le relève le Conseil, sans préjudice de leur qualité de personne morale ou physique, il n’est pas avéré que les « petits » investisseurs ou épargnants n’avaient pas de possibilité de s’organiser et d’influer sur le processus décisionnel ayant abouti à l’adoption de la loi no 4050/2012 ou, à tout le moins, sur l’issue de la procédure d’offre d’échange de titres en tentant d’atteindre une minorité de blocage pour empêcher l’activation des CAC, par exemple, en faisant appel à des associations de protection des consommateurs, de petits investisseurs ou d’épargnants.

90      Dès lors, les éléments de différenciation avancés par les requérants pour démontrer que les personnes physiques et les personnes morales ne se trouvaient pas, en tant que détenteurs privés de titres de créance grecs, dans des situations comparables ne sont ni étayés ni pertinents au regard de l’objectif des mesures contestées, à savoir celui d’assurer la restructuration de la dette publique grecque afin de la rendre viable. Dans ce contexte, l’éventuel motif d’épargne ou un autre motif économique secondaire ayant amené un créancier privé soumis au PSI à investir dans des titres de créance grecs ne constitue pas un élément de différenciation pertinent au regard de cet objectif (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, Conseil e.a./K. Chrysostomides & Co. e.a., C‑597/18 P, C‑598/18 P, C‑603/18 P et C‑604/18 P, EU:C:2020:1028, point 200, et Cour EDH, 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce, CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, points 134 et 137). Au contraire, à l’aune dudit objectif, ces personnes se trouvaient a priori dans des situations soit identiques, soit comparables, étant donné qu’elles avaient acquis les titres de créance grecs concernés dans leur seul intérêt patrimonial privé, voire dans un but lucratif, et qu’elles avaient accepté le risque de perte qui y était associé tout en étant conscientes de la situation de crise financière dans laquelle la République hellénique se trouvait à l’époque.

91      Enfin, même à considérer que la différenciation alléguée par les requérants soit pertinente au regard du principe d’égalité de traitement, il n’aurait pas été possible d’opérer une distinction entre les prétendus « petits épargnants » et les « gros investisseurs » en fixant, notamment, un seuil d’investissement de 100 000 euros, en dessous duquel les titres de créance auraient pu être exemptés du PSI. En effet, à l’instar de ce qui est exposé au point 88 ci-dessus et ainsi que la Cour EDH l’a jugé (Cour EDH, 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce, CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, point 138), la simple annonce de l’introduction d’une telle exemption aurait eu pour effet un transfert massif de tels titres vers des catégories de détenteurs de titres exemptés, ce qui aurait pu mettre en péril le succès du PSI dans son ensemble. En outre, les requérants sont restés en défaut de démontrer que, à la suite de l’adoption de la loi no 4050/2012, il eût été possible d’introduire une telle différenciation légalement, cette loi ayant déjà clairement établi les critères régissant le PSI et l’activation du mécanisme des CAC pour l’ensemble des titres de créance grecs éligibles, sans pour autant prévoir de possibles exemptions. En effet, à cet égard, les requérants se sont limités à évoquer des « circonstances objectives » et à faire vaguement allusion, dans la seule réplique et, partant, de manière tardive, au sens de l’article 84 du règlement de procédure, à une prétendue violation du principe de proportionnalité dont l’existence a, en tout état de cause, déjà été rejetée dans l’arrêt de la Cour EDH du 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce (CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, points 106 à 120).

92      Ainsi, les requérants ayant omis d’établir à suffisance de droit qu’ils se trouvaient dans une situation différente de celle d’autres détenteurs privés de titres de créance grecs, dont les personnes morales, il convient de rejeter le moyen d’illégalité, tiré d’une violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’existence d’une éventuelle justification objective du traitement égal en cause.

93      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté, en ce qu’il vise l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union du fait d’un comportement illicite, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le lien de causalité ou sur le préjudice allégué.

 Sur la responsabilité non contractuelle du fait d’un comportement licite

94      À titre subsidiaire, les requérants demandent au Tribunal de reconnaître la responsabilité non contractuelle de l’Union du fait d’un acte licite, responsabilité dont les conditions seraient remplies en l’espèce, compte tenu du préjudice tant « anormal » que « spécial » subi. D’une part, ce préjudice serait anormal, car il « affecte une catégorie particulière d’opérateurs économiques d’une façon disproportionnée par rapport aux autres opérateurs », à savoir les seuls détenteurs de titres de créance grecs, à la différence de tout autre épargnant ayant choisi de placer ses économies pour la même période, soit sur d’autres titres étatiques, tels que les billets à ordre (entoka grammatia), soit dans les établissements bancaires publics, soit sous la garantie de l’État « avec le plafond des 100 000 [euros] ». En raison de leurs caractéristiques particulières et du fait qu’elles ne détenaient que 3 % de la dette publique grecque soumise au PSI, les personnes physiques pourraient également être considérées comme une « catégorie particulière » par rapport aux banques et aux autres « géants de la finance internationale ». D’autre part, ce préjudice serait anormal, car il « dépasse les limites des risques économiques inhérents aux activités dans le secteur concerné », les requérants ayant choisi le placement a priori le plus sûr et le moins spéculatif, mais tout de même supporté de pertes substantielles, atteignant 78 à 80 % de leur capital, et « sans même bénéficier de la garantie de l’exemption de la tranche ne dépassant pas les 100 000 [euros] ».

95      Le Conseil et la Commission soutiennent que, en l’espèce, les conditions de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union du fait d’un acte licite ou sans faute ne sont pas réunies.

96      S’agissant de la responsabilité non contractuelle de l’Union du fait d’un acte licite, il convient de rappeler les considérations pertinentes exposées dans l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE (T‑79/13, EU:T:2015:756, points 119 à 122).

97      Premièrement, même à supposer que les requérants contestent, en l’espèce, une activité « normative » de l’Union, soit en lui imputant les mesures contestées, soit en dénonçant la participation de la Commission au processus décisionnel ayant abouti à leur adoption, il ressort de la jurisprudence, que, en l’état actuel du droit de l’Union, l’examen comparatif des ordres juridiques des États membres ne permet pas de consacrer l’existence d’un régime de responsabilité non contractuelle de l’Union du fait de l’exercice licite par celle-ci de ses activités relevant de la sphère normative (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 119 et jurisprudence citée).

98      Deuxièmement, en l’espèce, les requérants ne peuvent prétendre avoir subi un préjudice anormal et spécial susceptible de justifier une telle responsabilité dans l’hypothèse où elle devrait néanmoins être reconnue dans son principe. En effet, il ressort d’une jurisprudence établie que, d’une part, un préjudice présente un caractère « anormal » s’il dépasse les limites des risques économiques inhérents aux activités dans le secteur économique en cause. D’autre part, le préjudice doit être qualifié de « spécial » si l’acte concerné affecte une catégorie particulière d’opérateurs économiques d’une façon disproportionnée par rapport à d’autres opérateurs (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 120 et jurisprudence citée).

99      Troisièmement, en l’occurrence, le préjudice invoqué par les requérants ne dépasse pas les limites des risques économiques inhérents aux transactions commerciales dans le cadre du secteur financier, notamment aux transactions portant sur des titres de créance négociables émis par un État, surtout, lorsque cet État présente, comme la République hellénique à partir de la fin de l’année 2009, une notation réduite. Au contraire, indépendamment du principe général selon lequel tout créancier doit supporter le risque d’insolvabilité de son débiteur, y compris étatique, de telles transactions s’effectuent sur des marchés particulièrement volatils, souvent soumis à des aléas et à des risques non contrôlables s’agissant de la baisse ou de l’augmentation de la valeur de tels titres, ce qui peut inviter à la spéculation pour obtenir des rendements élevés dans un laps de temps très court. Dès lors, à supposer même que tous les requérants ne soient pas engagés dans des transactions de nature spéculative, ils devaient être conscients desdits aléas et risques quant à une éventuelle perte considérable de la valeur des titres acquis. C’est d’autant plus vrai que, même avant le début de sa crise financière en 2009, l’État grec émetteur faisait déjà face à un endettement et à un déficit élevés. Partant, le préjudice subi en raison du PSI ne peut être qualifié d’« anormal » au sens de la jurisprudence précitée (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 121, et Cour EDH, 21 juillet 2016, Mamatas et autres c. Grèce, CE :ECHR :2016 :0721JUD 006306614, point 118).

100    Quatrièmement, il n’est pas non plus possible de qualifier ce préjudice de « spécial », dès lors que les requérants se voyaient soumis, au même titre que tous les autres investisseurs privés au PSI et au mécanisme de décote en vertu des CAC, tels que fondés sur la loi no 4050/2012. Dans ces conditions et compte tenu du grand nombre d’investisseurs concernés, identifiés par ladite loi de manière générale et objective en fonction, notamment, des numéros de série des titres en cause, les requérants ne peuvent être considérés comme appartenant à une catégorie particulière d’opérateurs économiques qui étaient affectés d’une façon disproportionnée par rapport à d’autres opérateurs (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 122 ; voir également points 85 à 91 ci-dessus).

101    Par conséquent, la demande indemnitaire fondée sur une prétendue responsabilité non contractuelle de l’Union du fait d’un comportement licite doit être rejetée comme non fondée.

102    S’agissant de la demande d’instruction des requérants visant à ordonner, d’une part, la convocation, en tant que témoins, de l’ancien président de l’Eurogroupe, de l’ancien vice-Premier ministre et ministre des Finances helléniques, ainsi que d’un membre ou agent de la Commission ayant participé aux réunions de l’Eurogroupe entre le 21 février et le 15 mars 2012, et, d’autre part, la production des procès-verbaux de toutes les réunions de l’Eurogroupe, ainsi que du Conseil des ministres de l’Économie et des Finances, tenues durant cette même période, il suffit de constater que le Tribunal s’estime être suffisamment éclairé par les éléments versés au dossier pour trancher le litige et qu’il n’y a pas lieu de mettre les requérants en mesure de rechercher au hasard, par le biais de témoignages ou dans ledit dossier, des éléments susceptibles d’avoir une incidence sur l’appréciation du Tribunal concernant l’absence d’imputabilité des comportements incriminés à l’Union et de violation du principe d’égalité de traitement.

103    Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

104    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil et de la Commission.

105    En effet, contrairement à la demande des requérants, en l’absence de réunion des critères prévus à l’article 135 du règlement de procédure et, notamment, de préjudice exceptionnel et anormal subi par eux, cette disposition ne saurait leur être appliquée.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      MM. Nikolaos Anastassopoulos, Aristeidis Anastassopoulos, Mmes Alexia Anastassopoulos, Maria-Myrto Anastassopoulos et Sophie Velliou sont condamnés aux dépens.

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 novembre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Papasavvas


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la responsabilité non contractuelle du fait d’un comportement illicite

Sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union et sur l’imputabilité des comportements incriminés

Sur la prescription

Sur l’imputabilité des mesures contestées à l’Union

Sur le moyen d’illégalité unique, tiré d’une violation suffisamment caractérisée du droit à l’égalité de traitement

Sur la responsabilité non contractuelle du fait d’un comportement licite

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.