Language of document : ECLI:EU:T:2021:791

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

17 novembre 2021 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Recrutement – Avis de concours général EPSO/AD/371/19 – Décision du jury de ne pas admettre le requérant à l’étape suivante du concours – Critère d’admission lié à l’expérience professionnelle – Conformité avec l’avis de concours du critère utilisé par le jury »

Dans l’affaire T‑430/20,

KV, représenté par Me M. Velardo, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Gattinara, T. Lilamand et Mme I. Melo Sampaio, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du jury du 19 septembre 2019 rejetant la demande de réexamen du refus d’admission du requérant à l’étape suivante du concours général EPSO/AD/371/19 et, d’autre part, de la décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination du 31 mars 2020 rejetant la réclamation du requérant à l’encontre de ladite décision,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, P. Nihoul et Mme R. Frendo (rapporteure), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 10 juin 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 25 mars 2019, le requérant, KV, s’est porté candidat au concours général sur titres et épreuves EPSO/AD/371/19 pour le recrutement d’administrateurs (AD 7) spécialisés dans la recherche scientifique (ci-après le « concours ») dans le domaine no 5 « Communication et gestion des connaissances scientifiques ». Ce concours avait pour objet l’établissement de listes de réserve à partir desquelles les institutions européennes, principalement le Centre commun de recherche de la Commission européenne (JRC), pourraient recruter des fonctionnaires. L’avis de concours avait été publié par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) au Journal officiel de l’Union européenne le 21 février 2019 (JO 2019, C 68 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »).

2        L’avis de concours prévoyait une procédure en trois étapes. Lors d’une première étape, les dossiers de tous les candidats étaient examinés afin de vérifier le respect des conditions d’admission sur le fondement des informations communiquées dans l’acte de candidature en ligne. L’avis de concours énonçait les conditions d’admission, notamment concernant les titres et l’expérience professionnelle des candidats, à savoir un niveau d’enseignement correspondant à un cycle complet d’études universitaires d’au moins trois ou quatre ans respectivement, sanctionné par un diplôme dans un domaine scientifique pertinent, suivi d’une expérience professionnelle ayant un rapport direct avec les fonctions concernées d’au moins sept ou six ans respectivement.

3        L’avis de concours prévoyait que pouvaient être prises en compte au titre de l’expérience professionnelle, jusqu’à concurrence de trois ans, les études doctorales dans un domaine scientifique pertinent, à savoir science agronomique, architecture, biochimie, biologie, chimie, sciences informatiques, écologie, économie, sciences de l’éducation, ingénierie, sciences de l’environnement, sylviculture, géographie, géologie, sciences hydrologiques, sciences de la vie, sciences des matériaux, mathématiques, sciences médicales, météorologie, nanotechnologie, nanobiotechnologie, sciences naturelles, sciences nucléaires, sciences de la nutrition, océanographie/sciences de la mer, pharmacie, physique, sciences politiques, psychologie, sciences humaines et sociales, et statistiques.

4        L’annexe I de l’avis de concours, intitulée « Tâches et compétences spécifiques » décrivait la nature des fonctions, qui était spécifique pour chacun des domaines d’activités envisagés.

5        Une fois les conditions générales et spécifiques d’admission vérifiées, l’avis de concours prévoyait une deuxième étape de sélection, la sélection sur titres (« évaluateur de talent »), sur la base des qualifications indiquées dans l’acte de candidature. Il invitait les candidats à fournir, dans leur demande, le plus d’informations possible concernant les qualifications et l’expérience professionnelle, le cas échéant, qui étaient en rapport avec les fonctions concernées, comme cela était décrit dans la partie « Puis-je poser ma candidature ? » dudit avis. Cependant, le nombre de caractères disponibles pour les candidats était limité.

6        L’annexe II de l’avis de concours, intitulée « Critères de sélection », énumérait les critères à prendre en considération dans le cadre de la sélection sur titres (« évaluateur de talent »).

7        L’avis de concours prévoyait, enfin, une troisième étape, durant laquelle les candidats ayant obtenu les meilleurs résultats lors de la deuxième étape étaient invités à passer les épreuves du centre d’évaluation et des tests de type « questionnaires à choix multiples ». Ceux ayant obtenu les meilleures notes globales à l’issue de cette phase de la procédure étaient inscrits sur les listes de réserve du concours.

8        Le 23 mai 2019, l’EPSO a informé le requérant que le jury avait décidé de ne pas l’admettre à la deuxième étape du concours (ci-après la « décision d’exclusion »). Plus particulièrement, l’EPSO a constaté que le requérant ne remplissait pas les conditions spécifiques relatives à l’expérience professionnelle, à savoir six ans d’expérience professionnelle, y compris les années d’études doctorales jusqu’à concurrence de trois ans.

9        Le 28 mai 2019, le requérant a introduit une demande de réexamen de la décision d’exclusion.

10      Le 19 septembre 2019, l’EPSO a répondu à la demande de réexamen en constatant que le jury avait confirmé sa décision d’exclusion (ci-après la « décision sur la demande de réexamen »). L’EPSO a indiqué que, avant d’entamer la procédure d’admission, le jury avait défini des critères, en prenant en considération les conditions particulières de l’avis de concours qui, tout comme les tâches, étaient définies sur la base des compétences requises pour les postes et dans l’intérêt du service. Il a ajouté que les critères d’admission et la pondération des divers éléments de qualification ou de l’expérience professionnelle reflétaient les besoins en recrutement des institutions, à ce moment donné. Enfin, la décision sur la demande de réexamen assurait le requérant que le jury avait rigoureusement appliqué les critères à tous les candidats afin de garantir une égalité de traitement entre eux.

11      Le 24 octobre 2019, le requérant a introduit une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») à l’encontre de la décision d’exclusion et de la décision sur la demande de réexamen.

12      Le 31 mars 2020, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation du requérant (ci-après la « décision sur la réclamation »). En substance, tout d’abord, l’AIPN a fait observer que le jury avait défini au préalable et appliqué de manière égalitaire des critères objectifs d’évaluation afin de garantir un examen uniforme des candidatures. Elle a précisé notamment que l’un des critères indiquait qu’une expérience professionnelle était considérée comme « directement pertinente pour les tâches » uniquement si elle comprenait au moins deux compétences spécifiques énumérées dans l’annexe I « Tâches et compétences spécifiques » de l’avis de concours, à savoir au moins une compétence scientifique et au moins une compétence en communication. Ensuite, l’AIPN a constaté que, même si l’expérience professionnelle du requérant s’étendait sur une période d’environ 231 mois, il n’avait pas atteint la période minimale de six ans d’expérience professionnelle directement pertinente pour les tâches, telle que requise par l’avis de concours. Le jury en a conclu que le requérant n’avait pas satisfait aux conditions d’admission exigées par l’avis de concours, même après que le jury avait accepté l’un de ses deux doctorats et l’avait pris en compte en tant que trois années d’expérience professionnelle. Enfin, l’AIPN a considéré que l’évaluation faite par le jury de l’expérience professionnelle du requérant en appliquant des critères objectifs prédéfinis ne saurait être qualifiée de manifestement erronée.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juillet 2020, le requérant a introduit le présent recours. Le mémoire en défense de la Commission, la réplique et la duplique ont été déposés, respectivement, le 24 septembre 2020, le 11 novembre 2020 et le 7 janvier 2021.

14      Par acte séparé du même jour, déposé au greffe du Tribunal en application de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, le requérant a demandé le bénéfice de l’anonymat. Par décision du 14 septembre 2020, le Tribunal (quatrième chambre) a fait droit à cette demande.

15      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision d’exclusion ;

–        annuler la décision sur la demande de réexamen ;

–        annuler la décision sur la réclamation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du recours

17      À titre liminaire, il y a lieu de relever, ainsi que le fait valoir la Commission, que, par ses deux premiers chefs de conclusions, le requérant a attaqué les deux décisions du jury, à savoir la décision d’exclusion et celle sur la demande de réexamen.

18      Or, il est de jurisprudence constante que la décision prise après réexamen se substitue à la décision initiale du jury (voir arrêt du 16 mai 2019, Nerantzaki/Commission, T‑813/17, non publié, EU:T:2019:335, point 25 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que, dans la présente procédure, la décision d’exclusion a été remplacée par la décision sur la demande de réexamen et qu’il y a lieu de considérer que les premier et deuxième chefs de conclusions tendent à la seule annulation de la décision sur la demande de réexamen, qui constitue, en l’espèce, l’acte attaqué.

19      Par son troisième chef de conclusions, le requérant demande aussi l’annulation de la décision sur la réclamation. Or, il est de jurisprudence constante que des conclusions dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le juge de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée dans la mesure où elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir arrêt du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T‑205/04, EU:T:2007:346, point 27 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, Europol/Kalmár, T‑455/11 P, EU:T:2013:595, point 41).

20      Toutefois, il y a lieu de constater que, si, en l’espèce, la décision sur la réclamation est dépourvue de contenu autonome et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celle-ci, elle contient des arguments visant à compléter la portée de ceux qui figuraient notamment dans la décision sur la demande de réexamen. Dès lors, dans l’examen de la légalité de la décision de réexamen, il conviendra de prendre en considération la motivation figurant dans la décision sur la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision de réexamen (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59 et jurisprudence citée).

21      Par conséquent, il y a lieu de considérer que l’objet du présent recours porte sur la décision sur la demande de réexamen, qui constitue, en l’espèce, l’acte faisant grief à la requérante, telle que complétée par la décision sur la réclamation.

 Sur le fond

22      À l’appui de son recours, le requérant soulève trois moyens. Le premier moyen est tiré de l’erreur manifeste d’appréciation de son expérience professionnelle ainsi que de la violation de l’avis de concours et de l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe III du statut, le deuxième, de la violation du principe d’égalité de traitement et, le troisième, de la violation de l’obligation de motivation et du principe d’égalité des parties à la procédure garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

23      Le premier moyen se divise en deux branches, la première, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation de l’expérience professionnelle du requérant et, la seconde, tirée d’une violation de l’avis de concours et de l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe III du statut.

24      Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal estime qu’il y a lieu de commencer par l’examen de la seconde branche du premier moyen.

25      Le requérant fait valoir une violation de l’avis de concours et de l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe III du statut, puisque, ainsi qu’il ressort de la décision sur la demande de réexamen, le jury aurait adopté et se serait fondé sur d’autres critères que ceux prévus dans l’avis de concours pour l’examen de l’expérience professionnelle. Selon le requérant, ces critères supplémentaires auraient été introduits arbitrairement par le jury, qui l’aurait, par conséquent, illégalement exclu de la procédure de sélection, en appliquant des critères différents de ceux fixés dans l’avis de concours.

26      La liste des critères établie et utilisée par le jury lors de la procédure litigieuse a été produite par la Commission avec son mémoire en défense en tant que l’annexe B.1.

27      Il convient de rejeter d’emblée l’argument du requérant tiré d’une violation de l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe III du statut, car, ainsi que le fait valoir la Commission, cette disposition ne fait pas obstacle par principe à ce que le jury fixe des critères d’appréciation des titres. En effet, le jury d’un concours sur titres et épreuves a la responsabilité d’apprécier, au cas par cas, si les diplômes produits ou l’expérience professionnelle de chaque candidat correspondent au niveau requis par le statut et par l’avis de concours (arrêts du 28 novembre 1991, Van Hecken/CES, T‑158/89, EU:T:1991:63, point 22 ; du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T‑214/99, EU:T:2000:272, point 69, et du 28 novembre 2002, Pujals Gomis/Commission, T‑332/01, EU:T:2002:289, points 39 à 41) et, en adoptant des critères d’appréciation, il tend à assurer une certaine homogénéité de ses appréciations, dans l’intérêt des candidats, notamment lorsque leur nombre est élevé (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 29). À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a précisé que, dans le cas où une condition de l’avis de concours était rédigée dans des termes généraux, le jury disposait d’un large pouvoir d’appréciation pour définir les critères d’application des conditions d’admission, dont celle de la durée de l’expérience professionnelle requise (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2017, Commission/FE, T‑734/15 P, EU:T:2017:612, point 26).

28      Toutefois, malgré sa large marge d’appréciation, le jury reste toujours lié par le texte de l’avis de concours, qui a le rôle essentiel d’informer les intéressés, d’une façon aussi exacte que possible, de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s’agit, afin de les mettre en mesure d’apprécier, notamment, s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature (voir, en ce sens, ordonnance du 3 avril 2001, Zaur-Gora et Dubigh/Commission, T‑95/00 et T‑96/00, EU:T:2001:114, point 47, et arrêt du 13 septembre 2010, Espagne/Commission, T‑156/07 et T‑232/07, non publié, EU:T:2010:392, point 87). Au demeurant, il ressort explicitement de l’annexe B.1 que le jury est toujours soumis au libellé de l’avis de concours et que les termes dudit avis doivent être interprétés dans l’esprit du texte ainsi que dans le respect des attentes légitimes des candidats. Pourtant, le critère contesté ne respecte pas le libellé de l’avis de concours.

29      En l’espèce, le requérant reproche au jury d’avoir considéré que son expérience professionnelle ne comportait pas deux compétences spécifiques parmi celles énumérées à l’annexe I de l’avis de concours et intitulées « Tâches et compétences spécifiques », dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de la décision sur la réclamation, au moins l’une de ces compétences aurait dû relever du domaine scientifique et l’autre du domaine de la communication (ci-après le « critère contesté »).

30      Le critère contesté figure clairement dans l’annexe B.1, qui comporte explicitement les critères adoptés par le jury dont le respect devrait être contrôlé lors de la première étape, à savoir la « phase d’admission », au cours de laquelle sont vérifiées les conditions d’admission et durant laquelle le requérant a été éliminé. Dès lors, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, la portée de la définition de ces critères ne peut, pour cette étape, être qualifiée de négligeable.

31      S’agissant plus particulièrement du critère contesté, le requérant fait valoir que, en l’adoptant, le jury aurait accordé la même importance aux domaines scientifiques et à la communication, malgré la prépondérance du profil scientifique visée par le concours, telle qu’elle résulterait de l’avis de concours.

32      La Commission, en revanche, soutient que le critère contesté est légal en faisant valoir qu’il ressortirait de la nature des fonctions et des compétences spécifiques mentionnées dans l’avis de concours que le profil scientifique des candidats n’était pas le seul élément à prendre en compte pour apprécier la pertinence de leur expérience professionnelle.

33      À cet égard, il est certes vrai que, en l’absence de dispositions plus précises et compte tenu de son large pouvoir d’appréciation de la pertinence des qualifications des candidats, le jury pouvait légitimement adopter des critères exigeant un rapport étroit entre les tâches à accomplir et l’expérience professionnelle. En effet, selon la jurisprudence, les conditions d’admission doivent être interprétées à la lumière des finalités du concours, telles qu’elles résultent de la description générale des tâches (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2000, Teixeira Neves/Cour de justice, T‑146/99, EU:T:2000:194, point 34 et jurisprudence citée). Par ailleurs, en l’espèce, l’avis de concours rattachait explicitement les conditions d’admission aux fonctions des postes à pourvoir, en exigeant une expérience professionnelle ayant un rapport direct avec lesdites fonctions.

34      Or, le point 5 de l’annexe I de l’avis de concours énumérait les tâches principales pour le domaine « Communication et gestion des connaissances scientifiques », choisi par le requérant, comme consistant en « la gestion des connaissances, une notion qui, au [JRC,] recouvre notamment la collecte, l’organisation, le contrôle de la qualité, la validation, la communication, l’explicitation et la disponibilité de données, d’informations, d’outils et de méthodes fondés sur la science, en vue de soutenir l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de l’Union européenne ». Le même point soulignait aussi les capacités d’anticiper les besoins stratégiques, de recenser les lacunes en matière de connaissances et de proposer des thèmes de recherche pour soutenir les services de la Commission chargés des politiques, ainsi que les capacités de communication et de gestion d’information. Il s’ensuit que les tâches que les lauréats seraient appelés à exercer dépassaient la recherche scientifique au sens strict.

35      Toutefois, le même avis de concours a aussi établi, explicitement, que, au titre de l’expérience professionnelle pertinente, les candidats devaient faire preuve de « quelques-unes des compétences spécifiques », énumérées encore au point 5 de l’annexe I. Le critère contesté, en revanche, disposait explicitement que les candidats devaient faire preuve d’au moins deux compétences spécifiques, dont au moins une devait relever du « groupe A) sciences » et l’autre du « groupe B) communication ».

36      Il est certes vrai que, dans la mesure où l’avis de concours exigeait la possession de « quelques-unes » des compétences spécifiques qu’il énumérait, le jury pouvait légitimement retenir une exigence minimale d’au moins deux desdites compétences.

37      Toutefois, en adoptant le critère contesté, le jury a également séparé les compétences spécifiques énumérées dans l’annexe I de l’avis de concours en deux catégories distinctes, là où ladite annexe n’a procédé à aucune distinction entre lesdites compétences selon leur nature scientifique ou leur nature de communication. En d’autres termes, le jury a réduit le choix ample et libre parmi les quinze compétences spécifiques prévues par l’avis de concours, en imposant l’exigence minimale d’une appartenance des compétences des candidats à ces deux catégories distinctes, en contradiction manifeste avec les termes dudit avis.

38      En outre, en imposant une exigence minimale de compétence en matière de communication, le critère contesté a méconnu le fait que, sur les quinze compétences spécifiques indiquées au point 5 de l’annexe I, quatre uniquement se rattachaient particulièrement à la communication. Au demeurant, l’intitulé du concours, « Administrateurs spécialisés dans la recherche scientifique », indiquait que l’objectif était, notamment, de sélectionner des administrateurs ayant un profil scientifique. En outre, l’avis de concours s’appuyait en particulier sur les besoins spécifiques du JRC, soulignant le lien étroit entre le processus de recrutement et les fonctions scientifiques de haut niveau du JRC. Quant à la nature des fonctions, il était prévu dans la partie introductive de l’avis de concours que « le personnel du [JRC] a[vait] pour mission de fournir un appui scientifique et technique personnalisé pour la conception, l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques de l’Union européenne ».

39      S’il est certes vrai que, ainsi qu’il ressort du point 32 ci-dessus, les lauréats seraient appelés à exercer des fonctions dépassant le domaine de la recherche scientifique au sens strict, l’illégalité du critère contesté consiste non pas dans le fait que le jury ait considéré comme pertinente l’expérience professionnelle aussi bien dans le domaine de la communication que dans le domaine scientifique, mais dans le fait qu’il a retenu qu’au moins l’une des compétences spécifiques des candidats devait relever du domaine de la communication pour accéder à la deuxième étape du concours, là où l’avis de concours n’imposait aucune exigence minimale de cette nature.

40      Il s’ensuit que le critère contesté contredit, à l’évidence, l’avis de concours.

41      Or, ainsi qu’il ressort du point 28 ci-dessus, nonobstant sa large marge d’appréciation, le jury demeure lié par le texte de l’avis de concours. Ainsi, les termes de l’avis de concours constituent aussi bien le cadre de légalité que le cadre d’appréciation pour le jury de concours (arrêts du 16 avril 1997, Fernandes Leite Mateus/Conseil, T‑80/96, EU:T:1997:57, point 27, et du 21 octobre 2004, Schumann/Commission, T‑49/03, EU:T:2004:314, point 63), et il ne revient pas au jury de restreindre ou d’élargir les critères de sélection déterminés par l’avis de concours, sous peine de ne pas respecter le texte dudit avis (arrêt du 14 décembre 2018, UR/Commission, T‑761/17, non publié, EU:T:2018:968, point 67).

42      Il s’ensuit que, en adoptant et en appliquant le critère contesté, le jury s’est écarté de manière illégale des critères de sélection déterminés par l’avis de concours et a, dès lors, méconnu l’avis de concours. Par conséquent, le requérant a été illégalement exclu de la procédure de sélection.

43      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir la seconde branche du premier moyen. Partant, il convient d’annuler la décision sur la demande de réexamen, sans qu’il soit besoin d’examiner la première branche du premier moyen, le deuxième moyen et le troisième moyen soulevés par le requérant.

 Sur les dépens

44      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du jury du 19 septembre 2019 portant rejet de la demande de réexamen de l’exclusion de KV du concours EPSO/AD/371/19 est annulée.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Nihoul

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 novembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.