Language of document : ECLI:EU:T:2010:513

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA HUITIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

14 décembre 2010 (*)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige – Radiation d’une demande d’intervention »

Dans l’affaire T‑536/08,

Huvis Corp., établie à Séoul (Corée), représentée par Mes J.-F. Bellis, F. Di Gianni et R. Antonini, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.-P. Hix et B. Driessen, en qualité d’agents, assistés initialement de Mes G. Berrisch et G. Wolf, puis de MBerrisch, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet et M. França, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE PRÉSIDENT DE LA HUITIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL DE L’UNION EUROPÉENNE

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 décembre 2008, la requérante, Huvis Corp., a introduit un recours visant à l’annulation du règlement (CE) n° 893/2008 du Conseil, du 10 septembre 2008, prorogeant les droits antidumping sur les importations de fibres discontinues de polyesters originaires du Belarus, de la République populaire de Chine, d’Arabie saoudite et de Corée à la suite d’un réexamen intermédiaire partiel effectué conformément à l’article 11, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 384/96 (JO L 247, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »), en ce qu’il proroge le droit antidumping qui lui est applicable à compter du 29 décembre 2006.

2        Le résumé de la requête introductive d’instance a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 7 mars 2009 (JO C 55, p. 28).

3        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 mars 2009, la Commission européenne a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil de l’Union européenne. Par ordonnance du 14 juillet 2009, le président de la première chambre du Tribunal a admis cette intervention.

4        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 avril 2009, le Gesamtverband der Deutschen Textil und Modeindustrie eV (ci-après le « Gesamtverband »), Lück GmbH & Co KG (ci-après « Lück »), Sandler AG (ci-après « Sandler »), FAN Frankenstolz, H. Neumeyer GmbH & Co KG (ci-après « Frankenstolz ») et Cetex-Rheinfaser GmbH (ci-après « Cetex-Rheinfaser ») ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la requérante. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 mai 2009, cette demande a été régularisée et Frankenstolz a indiqué, à cette occasion, retirer sa demande d’intervention. La demande d’intervention du Gesamtverband, de Lück, Sandler et Cetex-Rheinfaser (ci-après la « demande d’intervention ») a été signifiée aux parties, conformément à l’article 116, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, ainsi que le retrait de la demande d’intervention de Frankenstolz. La requérante n’a pas formulé d’observations dans le délai qui lui avait été imparti à cette fin. Le défendeur a soulevé des objections à l’encontre de la demande d’intervention et n’a pas formulé d’observation à l’égard du retrait de la demande d’intervention de Frankenstolz.

 Arguments soumis au Tribunal

5        Les demandeurs à l’intervention font valoir que Lück et Sandler sont importatrices et utilisatrices de fibres discontinues de polyesters, que Cetex-Rheinfaser est également importatrice de ces produits et que, à ce titre, ces trois sociétés sont directement affectées par le règlement attaqué, en ce qu’il n’apporte pas de modifications au règlement (CE) n° 428/2005 du Conseil, du 10 mars 2005, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de fibres discontinues de polyesters originaires de la République populaire de Chine et d’Arabie saoudite, modifiant le règlement (CE) n° 2852/2000 instituant un droit antidumping définitif sur les importations de fibres discontinues de polyesters originaires de la République de Corée, et clôturant la procédure antidumping concernant Taïwan (JO L 71, p. 1). Selon eux, la prorogation des droits antidumping par le règlement attaqué a un effet sur l’activité de ces mêmes sociétés. Pour prouver l’intérêt à intervenir de celles-ci, ils mentionnent le règlement attaqué, aux termes duquel le Conseil a relevé, au point 12, que Lück faisait partie des utilisateurs communautaires, dont les informations ont été vérifiées au cours de la procédure de réexamen, et, au point 52, que Lück et Sandler ont coopéré en tant qu’utilisatrices des produits en cause en provenance des pays concernés.

6        Les demandeurs à l’intervention soutiennent que le Gesamtverband représente 80 % du secteur textile en Allemagne, qu’il a représenté ses membres au cours de la procédure de réexamen et que les utilisateurs et importateurs qui en sont membres seront largement affectés par l’arrêt à intervenir.

7        Les demandeurs à l’intervention ajoutent que, s’il était fait droit aux conclusions de la requérante, ils en tireraient un bénéfice immédiat, dès lors que la levée des droits antidumping en cause leur permettra, selon eux, de s’approvisionner avec des fibres moins chères et donc d’être plus compétitifs.

8        Le Conseil conteste, en premier lieu, le droit d’intervenir des demandeurs, au motif qu’il ne suffit pas d’avoir participé à la procédure de réexamen pour justifier d’un intérêt suffisant à la solution du litige et que, en outre, Cetex-Rheinfaser n’a pas participé à cette procédure.

9        En second lieu, si le Tribunal acceptait l’intervention des trois sociétés en plus de celle du Gesamtverband, cela ferait courir le risque d’une multiplicité des représentations qui pourrait compromettre l’efficacité de la procédure.

10      En troisième lieu, Lück, Sandler et Cetex-Rheinfaser n’ayant pas, selon le Conseil, apporté la preuve qu’elles importent ou utilisent des fibres discontinues de polyesters fabriquées par la requérante ou par tout autre producteur coréen de tels produits, elles n’auraient pas démontré qu’elles ont un intérêt direct à ce que le Tribunal annule le règlement attaqué en ce qu’il vise la requérante.

11      En quatrième et dernier lieu, le Gesamtverband ne justifierait pas d’un intérêt suffisant à la solution du litige, dès lors qu’il n’apporte pas la preuve qu’il représente un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné, qu’il n’indique pas s’il a pour objet de représenter les intérêts de ses membres, qu’il ne démontre pas si la présente affaire peut soulever des questions de principe affectant le fonctionnement du secteur concerné et qu’il ne fournit aucun élément de nature à justifier que les intérêts de ses membres peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir.

 Appréciation du Président

12      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.

13      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens ou aux arguments soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (voir ordonnance du Tribunal du 25 février 2003, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑213, point 26, et la jurisprudence citée).

14      Par ailleurs, selon une jurisprudence également constante, est admise l’intervention d’associations représentatives qui ont pour objet la protection de leurs membres dans des affaires soulevant des questions de principe de nature à affecter ces derniers [ordonnances du président de la Cour du 17 juin 1997, National Power et PowerGen, C-151/97 P(I) et C-157/97 P(I), Rec. p. I-3491, point 66, et du 28 septembre 1998, Pharos/Commission, C-151/98 P, Rec. p. I-5441, point 6 ; ordonnances du président du Tribunal du 26 juillet 2004, Microsoft/Commission, T‑201/04 R, Rec. p. II-2977, point 37, et du 28 mai 2001, Poste Italiane/Commission, T-53/01 R, Rec. p. II-1479, point 51]. Plus particulièrement, une association peut être admise à intervenir dans une affaire si elle est représentative d’un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné, si son objet comprend la protection des intérêts de ses membres, si l’affaire peut soulever des questions de principe affectant le fonctionnement du secteur concerné et, donc, si les intérêts de ses membres peuvent être affectés dans une mesure importante par l’arrêt à intervenir (ordonnances du Tribunal du 8 décembre 1993, Kruidvat/Commission, T-87/92, Rec. p. II-1375, point 14, et du 28 mai 2004, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission, T‑253/03, Rec. p. II-1603, point 21).

15      En l’espèce, il y a lieu de rappeler que les conclusions de la requérante tendent à obtenir l’annulation du règlement attaqué en ce qui la concerne. Elles visent ainsi à faire échec à la prorogation du droit antidumping institué à l’égard des produits en cause de la requérante.

16      Or, les demandeurs à l’intervention ne soutiennent pas ni n’apportent la preuve tendant à démontrer que Lück, Sandler et Cetex-Rheinfaser sont des importatrices des produits de la requérante. Ils font seulement valoir, comme le relève à juste titre le Conseil, que Lück et Sandler sont importatrices et utilisatrices de fibres discontinues de polyesters et que Cetex-Rheinfaser est importatrice de ces produits. Par ailleurs, s’ils se fondent sur les points 12 et 52 du règlement attaqué, qui ne sont pas contestés, il ressort seulement de ces points que Lück et Sandler sont utilisatrices des fibres discontinues de polyesters et qu’elles absorbent une partie des importations de ces produits en provenance des pays concernés par le règlement attaqué. En outre, la lecture du règlement attaqué ne permet pas de trouver la moindre information à l’égard de Cetex-Rheinfaser, celle-ci n’étant pas mentionnée dans la liste des sociétés ayant collaboré au cours de la procédure de réexamen.

17      Ainsi, aucun élément du dossier ne permet de démontrer que les trois sociétés demanderesses à l’intervention sont tenues de s’acquitter du droit antidumping qui frappe les produits en cause de la requérante. Par conséquent, quand bien même il serait fait droit aux conclusions de la requérante, il n’est pas établi que ces trois sociétés se trouveraient dans une position où cette circonstance pourrait leur bénéficier de manière directe et certaine en raison du fait qu’elles seraient importatrices des produits de la requérante (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 14 février 1996, Commission/NTN Corporation, C‑245/95 P, Rec. p. I‑559, point 15).

18      De même, les demandeurs à l’intervention n’apportent aucune preuve tendant à démontrer que le Gesamtverband représente un nombre important d’entreprises actives dans le secteur concerné et qu’il a pour objet la protection des intérêts de ses membres. À cet égard, il suffit de constater qu’ils ne joignent ni la liste des membres du Gesamtverband ni les statuts de celui-ci ou tout autre document justifiant l’étendue de sa représentativité ainsi que son objet. Ils se contentent de renvoyer aux points 12 et 53 du règlement attaqué, qui ne contiennent que des informations très générales à cet égard. En effet, selon ces points, premièrement, le Gesamtverband est une confédération du secteur allemand du textile et de la mode, qui représente à la fois le secteur de la filature et celui des non-tissés, et il est formé notamment de l’Industrieverband Garne-Gewebe-Technische Textilien eV (IVGT) et du Verband der Deutschen Heimtextilien-Industie eV. Deuxièmement, le Gesamtverband, ces deux dernières associations et une troisième, européenne, représentant les entreprises du secteur des non-tissés, ont présenté des observations invitant la Commission à lever les mesures en vigueur. Troisièmement, la représentation de toutes ces associations correspond à 30 % environ de la consommation totale de fibres discontinues de polyesters de l’Union européenne, sans que soit précisée toutefois la part couverte par les membres du Gesamtverband.

19      L’intérêt à la solution du litige au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice n’ayant pas été établi, la demande d’intervention doit être rejetée.

 Sur les dépens

20      En vertu de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance met fin à l’instance à l’égard du Gesamtverband ainsi que de Lück, Sandler, Cetex-Rheinfaser et Frankenstolz. Par conséquent il convient de statuer sur les dépens afférents respectivement à la demande d’intervention et au retrait de la demande d’intervention de Frankenstolz.

21      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du même règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, le Gesamtverband, Lück, Sandler et Cetex-Rheinfaser ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens conformément aux conclusions du Conseil.

22      Selon l’article 87, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de procédure, la partie qui se désiste est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens par l’autre partie dans ses observations sur le désistement. En l’espèce, les parties n’ayant pas demandé que Frankenstolz soit condamnée aux dépens, il y a donc lieu de rayer cette société de l’affaire et de condamner les parties et Frankenstolz à supporter leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention de celle-ci.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA HUITIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande d’intervention du Gesamtverband der Deutschen Textil und Modeindustrie eV ainsi que de Lück GmbH & Co KG, Sandler AG et Cetex-Rheinfaser GmbH est rejetée.

2)      Frankenstolz, H. Neumeyer GmbH & Co KG est rayée de l’affaire T‑536/08 en tant que demanderesse à l’intervention.

3)      Le Gesamtverband der Deutschen Textil und Modeindustrie EV, Lück GmbH & Co KG, Sandler AG et Cetex-Rheinfaser GmbH sont condamnées aux dépens afférents à leur demande d’intervention.

4)      Les parties et Frankenstolz, H. Neumeyer GmbH & Co KG supportent leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention de cette société.

Fait à Luxembourg, le 14 décembre 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       L. Truchot


* Langue de procédure : l’anglais.