Language of document : ECLI:EU:T:2015:500

Affaires T‑413/10 et T‑414/10

(publication par extraits)

Socitrel – Sociedade Industrial de Trefilaria, SA
et

Companhia Previdente – Sociedade de Controle de Participações Financeiras, SA

contre

Commission européenne

« Concurrence – Ententes – Marché européen de l’acier de précontrainte – Fixation des prix, partage du marché et échange d’informations commerciales sensibles – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Coopération durant la procédure administrative – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Délai raisonnable »

Sommaire – Arrêt du Tribunal (sixième chambre) du 15 juillet 2015

1.      Actes des institutions – Motivation – Obligation – Portée – Appréciation de l’obligation de motivation en fonction des circonstances de l’espèce – Nécessité de spécifier tous les éléments de fait et de droit pertinents – Absence

(Art. 296 TFUE)

2.      Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Ajustement du montant de base – Caractère dissuasif – Application d’un facteur multiplicateur au montant de départ – Renvoi aux considérations exposées au titre de l’appréciation de la gravité de l’infraction – Motivation suffisante

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 25)

3.      Concurrence – Procédure administrative – Obligations de la Commission – Respect d’un délai raisonnable – Violation – Conséquences – Annulation de la décision constatant une infraction en raison d’une durée excessive de la procédure – Condition – Atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées – Facteurs susceptibles d’expliquer la durée de la procédure administrative

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 17)

4.      Droit de l’Union européenne – Principes – Protection de la confiance légitime – Violation – Conditions – Adoption par la Commission d’une décision modificative après l’introduction d’un recours contre la décision initiale – Respect du devoir de diligence et des droits de la défense – Absence de violation du principe de protection de la confiance légitime

5.      Concurrence – Règles de l’Union – Infractions – Imputation – Société mère et filiales – Unité économique – Critères d’appréciation – Présomption d’une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues en totalité ou en quasi‑totalité par celle‑ci, y compris en cas de holding

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53)

6.      Concurrence – Règles de l’Union – Infractions – Imputation – Société mère et filiales – Unité économique – Critères d’appréciation – Présomption d’une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues en totalité ou en quasi‑totalité par celle‑ci, y compris en cas de holding – Obligations probatoires de la société désirant renverser cette présomption – Éléments insuffisants pour renverser la présomption

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53)

7.      Concurrence – Règles de l’Union – Infractions – Imputation – Société mère et filiales – Unité économique – Critères d’appréciation – Présomption d’une influence déterminante exercée par la société mère sur les filiales détenues en totalité ou en quasi‑totalité par celle‑ci – Caractère réfragable – Prise en compte dans le respect des principes de présomption d’innocence, de personnalité des peines, de sécurité juridique et d’égalité des armes

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53)

8.      Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Ajustement du montant de base – Montant maximal – Calcul – Chiffre d’affaires à prendre en considération – Chiffre d’affaires cumulé de l’ensemble des sociétés constituant l’entité économique agissant en tant qu’entreprise à la date d’adoption de la décision infligeant l’amende

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2)

9.      Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Ajustement du montant de base – Montant maximal – Calcul – Chiffre d’affaires à prendre en considération – Chiffre d’affaires de l’exercice social précédant la date d’imposition de l’amende – Recours au chiffre d’affaires d’un autre exercice social antérieur – Admissibilité – Conditions

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2)

10.    Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Fixation du montant de base – Gravité de l’infraction – Critères d’appréciation – Gravité de la participation de chaque entreprise – Distinction – Entente comportant plusieurs branches – Respect des principes de proportionnalité et d’individualité des peines et des sanctions

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, points 13 et 22)

11.    Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Fixation du montant de base – Gravité de l’infraction – Détermination de taux de gravité échelonnés à l’égard de différentes catégories d’entreprises ayant commis une infraction unique – Écart réduit entre les taux appliqués aux entreprises ayant commis l’infraction – Respect du principe d’égalité de traitement – Appréciation

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3)

12.    Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Fixation du montant de base – Gravité de l’infraction – Critères d’appréciation – Appréciation erronée par l’entreprise concernée de sa propre situation juridique – Absence d’incidence

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3)

13.    Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Obligation pour la Commission de se tenir à sa pratique décisionnelle antérieure – Absence

(Art. 101 TFUE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2)

14.    Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Ajustement du montant de base – Circonstances atténuantes – Rôle passif ou suiviste de l’entreprise – Circonstance non reprise dans les nouvelles lignes directrices – Marge d’appréciation de la Commission

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 ; communication de la Commission 98/C 9/03, points 2 et 3 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 29)

15.    Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Ajustement du montant de base – Circonstances atténuantes – Coopération de l’entreprise incriminée en dehors du champ d’application de la communication sur la clémence – Critères d’appréciation

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 ; communication de la Commission 2006/C 210/02, point 29)

16.    Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Ajustement du montant de base – Montant maximal – Calcul – Sociétés formant une entreprise durant la période infractionnelle et société ayant acquis un participant après l’infraction – Application de différentes modalités de calcul du plafond – Violation du principe d’égalité de traitement – Absence

(Art. 101 TFUE ; accord EEE, art. 53 ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 et 3)

1.      Voir le texte de la décision.

(cf. point 106)

2.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 135‑137)

3.      En matière de concurrence, la violation du délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives peut entraîner deux types de conséquences.

D’une part, lorsque la violation du délai raisonnable a eu une incidence sur l’issue de la procédure, une telle violation est de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée. À cet égard, s’agissant de l’application des règles de concurrence, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation que de décisions constatant des infractions et à la condition qu’il ait été établi que la violation de ce principe a porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non‑respect de l’obligation de statuer dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative au titre du règlement no 17. Toutefois, le respect des droits de la défense revêtant une importance capitale dans les procédures administratives en matière de concurrence, il importe d’éviter que ces droits puissent être irrémédiablement compromis en raison de la durée excessive de la phase d’instruction et que cette durée soit susceptible de faire obstacle à l’établissement de preuves visant à réfuter l’existence de comportements de nature à engager la responsabilité des entreprises concernées. Pour cette raison, l’examen de l’éventuelle entrave à l’exercice des droits de la défense ne doit pas être limité à la phase même dans laquelle ces droits produisent leur plein effet, à savoir la seconde phase de la procédure administrative, qui s’étend de la communication des griefs à l’adoption de la décision finale. L’appréciation de la source de l’éventuel affaiblissement de l’efficacité des droits de la défense doit s’étendre à l’ensemble de cette procédure en se référant à la durée totale de celle‑ci.

D’autre part, lorsque la violation du délai raisonnable est sans incidence sur l’issue de la procédure, une telle violation peut conduire le juge de l’Union, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, à redresser de manière adéquate la violation résultant du dépassement du délai raisonnable de la procédure administrative en réduisant le cas échéant le montant de l’amende imposée.

À cet égard, afin d’expliquer la durée d’une procédure administrative en matière d’ententes, il convient d’avoir égard, notamment, à la durée de l’entente, sa dimension géographiquement étendue, à l’organisation de l’entente au niveau géographique et dans le temps, au nombre de réunions qui se sont tenues dans le cadre de l’entente, au nombre d’entreprises concernées, au nombre de demandes de clémence et au volume de documents, fournis dans ce cadre ou obtenus au cours d’inspections et établis dans diverses langues, qui doivent être examinés par la Commission, aux demandes de renseignements, au nombre de destinataires de la communication des griefs, au nombre de langues de procédure ainsi qu’aux demandes relatives à la capacité contributive.

(cf. points 151‑155, 168, 169)

4.      Le principe de protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union. Le droit de se prévaloir de ce principe suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables.

Par ailleurs, le devoir de diligence implique l’obligation pour la Commission d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

En outre, il est légitime et dans l’intérêt d’une saine gestion administrative qu’une institution corrige les erreurs et omissions dont serait entachée une décision. La Commission ne saurait, en effet, laisser subsister dans l’ordre juridique une décision qu’elle sait entachée d’erreurs et d’omissions et, dans cette mesure, il est légitime et dans l’intérêt d’une saine gestion administrative qu’une institution corrige les erreurs et omissions dont était entachée la décision initiale. Ainsi, lorsque la Commission a adopté, à cette fin, une décision modificative après l’introduction de recours juridictionnels contre la décision initiale et que les auteurs des recours ont été invités à adapter les moyens et conclusions à la suite de l’adoption de la décision modificative, ces derniers ne sauraient soutenir que leurs droits de la défense ont été violés par la Commission.

De plus, dans la mesure où la Commission est en droit, dans l’intérêt d’une saine administration, de corriger une décision initiale qui est entachée d’erreurs et d’omissions, aucune assurance précise, inconditionnelle et concordante, émanant de sources fiables et autorisées, ne peut être fournie par l’administration dans le maintien d’une telle décision jusqu’à son éventuelle annulation par le juge de l’Union.

Par ailleurs, il ne saurait non plus être reproché à la Commission aucun comportement déloyal et de mauvaise foi du seul fait d’avoir modifié une décision entachée, de son propre aveu, de diverses erreurs et omissions.

(cf. points 174‑176, 179, 182, 185, 187‑189)

5.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 197‑208, 220, 228, 238)

6.      En matière d’infraction aux règles de concurrence, lorsqu’une société mère détient la totalité ou la quasi‑totalité du capital de sa filiale pendant la période infractionnelle retenue à sa charge, la Commission est en droit de faire valoir une présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante. Ladite présomption ne saurait être renversée par la seule démonstration que c’est la filiale qui gère les aspects spécifiques de sa politique commerciale sans recevoir de directives à cet égard. Par conséquent, l’autonomie de la filiale ne saurait être établie par la simple démonstration qu’elle gère de manière autonome des aspects spécifiques de sa politique relative à la commercialisation des produits concernés par l’infraction.

En outre, étant donné que l’autonomie de la filiale ne s’apprécie pas au regard des seuls aspects de la gestion opérationnelle de l’entreprise, le fait que la filiale n’ait jamais mis en œuvre, au profit de la société mère, une politique d’information spécifique sur le marché concerné ne saurait suffire à démontrer son autonomie. De même, le fait qu’il ne ressorte pas des pièces du dossier que la société mère ait donné des instructions à sa filiale ne saurait prouver que de telles instructions n’ont pas existé. À cet égard, la représentation de la société mère dans les organes de direction de sa filiale constitue un élément de preuve pertinent de l’exercice d’un contrôle effectif sur la politique commerciale de celle‑ci.

De surcroît, une société mère peut être considérée comme responsable d’une infraction commise par une filiale, même lorsqu’il existe un grand nombre de sociétés opérationnelles dans un groupe. Ainsi, le fait que la société mère soit un holding, même non opérationnel, ne suffit pas à écarter la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante et n’emporte aucun renversement de la charge de la preuve. À cet égard, le fait que la société mère se soit bornée à gérer ses participations, eu égard à sa nature sociale et à son objet statutaire, n’est pas suffisant, à lui seul, pour remettre en cause la présomption appliquée par la Commission.

En outre, le fait que la société mère et sa filiale soient des sociétés ayant une personnalité juridique différente et aient un actionnariat et des sièges sociaux différents demeure sans incidence, dès lors qu’elles forment une même entreprise.

De même, est dénuée de pertinence l’existence d’une réglementation nationale selon laquelle les administrateurs d’une société mère ne représentent pas celle‑ci lorsqu’ils siègent dans le conseil d’administration de sa filiale. En effet, une société ne saurait se prévaloir de la réglementation nationale pour échapper aux règles de l’Union, les notions juridiques utilisées par le droit de l’Union devant être en principe interprétées et appliquées de façon uniforme dans l’ensemble de l’Union.

Par ailleurs, le fait que la société mère n’ait pas elle‑même été active dans le secteur concerné par l’infraction ne suffit pas non plus à renverser la présomption de l’exercice effectif d’une influence déterminante.

En outre, l’autonomie de la filiale ne saurait être déduite du fait que la direction exécutive précédemment en place soit demeurée aux commandes après l’acquisition de la filiale par la société mère.

Enfin, dans la mesure où l’imputation à une entreprise d’une infraction à l’article 101 TFUE ne suppose pas une action ou même une connaissance des associés ou des gérants principaux de l’entreprise concernée de cette infraction, mais l’action d’une personne qui est autorisée à agir pour le compte de l’entreprise, le fait que la société mère n’ait pas eu connaissance du comportement infractionnel de sa filiale est sans incidence sur la possibilité de retenir sa responsabilité solidaire pour le comportement de celle‑ci.

(cf. points 210‑214, 240‑253)

7.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 235‑237)

8.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 258‑264)

9.      S’agissant de la détermination de l’« exercice social précédent », au sens de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, dans les situations où il n’y a aucune indication qu’une entreprise a cessé ses activités commerciales ou détourné son chiffre d’affaires pour éviter l’imposition d’une lourde amende, la Commission est obligée de fixer la limite maximale de l’amende par rapport au chiffre d’affaires le plus récent reflétant une année complète d’activité économique. À cet égard, la Commission n’a pas le pouvoir arbitraire d’appliquer le plafond de 10 % aux exercices sociaux antérieurs à l’exercice social précédant la date d’adoption de la décision. La Commission peut recourir à un tel exercice social antérieur seulement dans des circonstances exceptionnelles, lorsque, par exemple, l’entreprise concernée n’a réalisé aucun chiffre d’affaires au cours de l’exercice qui précède l’adoption de la décision de la Commission. En outre, elle ne dispose pas, même dans un tel cas, d’une large marge d’appréciation dans le choix de l’exercice social à utiliser pour fixer la limite maximale de l’amende. Elle est en effet obligée de se référer au dernier exercice social complet reflétant une année complète d’activités économiques normales.

À cet égard, si, aux fins du calcul du plafond de l’amende, la Commission doit, en principe, prendre en considération le chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise concernée lors du dernier exercice complet à la date de l’adoption de la décision infligeant l’amende, il résulte toutefois du contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ladite disposition fait partie que, lorsque le chiffre d’affaires de l’exercice social qui précède l’adoption de la décision de la Commission ne représente pas un exercice complet d’activité économique normale pendant une période de douze mois et, ainsi, ne donne aucune indication utile sur la situation économique réelle de l’entreprise concernée et le niveau approprié de l’amende à lui infliger, ledit chiffre d’affaires ne peut pas être pris en considération aux fins de la détermination du plafond de l’amende. Dans cette dernière hypothèse, qui ne se produira que dans des circonstances exceptionnelles, la Commission est obligée de se référer, aux fins du calcul du plafond de l’amende, au dernier exercice social complet reflétant une année complète d’activités économiques normales.

En effet, la référence à « un exercice complet d’activité économique normale » vise à exclure la prise en considération d’un exercice pendant lequel l’entreprise concernée était en train de mettre fin à ses opérations, bien que toute activité économique n’avait pas encore cessé, et, plus généralement, d’un exercice pendant lequel le comportement de l’entreprise concernée sur le marché ne correspondait pas à celui d’une entreprise exerçant une activité économique aux termes habituels. En revanche, le seul fait que le chiffre d’affaires ou le bénéfice réalisés lors d’un exercice déterminé sont significativement inférieurs, ou supérieurs, à ceux réalisés lors d’exercices précédents ne signifie pas que l’exercice en question ne constitue pas un exercice complet d’activité économique normale.

(cf. points 265‑268)

10.    Pour la détermination des montants des amendes infligées pour violation des règles de concurrence, il y a lieu de tenir compte de la durée de l’infraction et de tous les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de celle‑ci. Dans ce contexte, la gravité des infractions au droit de la concurrence doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte. Figurent parmi les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité des infractions le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement de l’entente, le profit qu’elles ont pu tirer de celui‑ci, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de l’Union.

À cet égard, si le fait qu’une entreprise n’a pas participé à tous les éléments constitutifs d’une entente ou qu’elle a joué un rôle mineur dans les aspects auxquels elle a participé n’est pas pertinent pour établir l’existence d’une infraction à son égard, l’importance limitée de la participation de l’entreprise concernée est néanmoins de nature à avoir une influence sur l’appréciation de son étendue et de sa gravité et, partant, sur la détermination du niveau de la sanction. Ainsi, la Commission est tenue de prendre en compte, lors de l’appréciation de la gravité relative de la participation de chaque contrevenant à une entente, le fait que certains contrevenants, le cas échéant, ne sont pas tenus responsables pour l’ensemble des volets de cette entente.

Par ailleurs, s’agissant du principe de proportionnalité, celui‑ci exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Dans le contexte du calcul des amendes, la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments et il ne faut attribuer à aucun de ces éléments une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation. Le principe de proportionnalité implique dans ce contexte que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée.

(cf. points 277‑282)

11.    Voir le texte de la décision.

(cf. points 283, 288, 290‑293)

12.    Dans le cadre de la détermination du montant des amendes infligées pour infraction aux règles de concurrence, le fait que la taille modeste d’une entreprise incriminée ainsi que son appartenance à un groupe familial aient une incidence sur ses connaissances juridiques et économiques et l’aient empêchée de mesurer l’ampleur exacte de l’infraction à laquelle elle participait ne saurait être pris en considération aux fins de l’appréciation de la gravité de l’infraction. En effet, il est de principe que les entreprises supportent elles‑mêmes le risque d’une appréciation erronée de leur situation juridique, conformément à l’adage général selon lequel nul n’est censé ignorer la loi.

(cf. points 301, 304)

13.    Voir le texte de la décision.

(cf. point 307)

14.    En matière d’amendes infligées pour infraction aux règles de concurrence, lorsqu’une infraction a été commise par plusieurs entreprises, il y a lieu d’examiner la gravité relative de la participation à l’infraction de chacune d’entre elles, afin de déterminer s’il existe, à leur égard, des circonstances aggravantes ou atténuantes.

Pour déterminer si une entreprise doit bénéficier d’une circonstance atténuante au titre d’une non‑application effective d’accords infractionnels, il convient de vérifier si l’entreprise a avancé des arguments de nature à établir que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, qu’elle a clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle‑ci.

Lorsqu’il a été établi que l’entreprise contrevenante a pu tenir compte des arrangements collusoires de l’entente pour déterminer son comportement sur le marché concerné, l’absence de participation à l’un ou à l’autre de ces arrangements, à la supposer établie, ne saurait suffire, à elle seule, à satisfaire la preuve exigée par la jurisprudence selon laquelle, pour bénéficier de la circonstance atténuante visée par les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003 (lignes directrices de 2006), les contrevenants doivent démontrer qu’ils ont adopté un comportement concurrentiel ou, à tout le moins, qu’ils ont clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre l’entente, au point d’en avoir perturbé le fonctionnement même. En effet, la preuve de la seule non‑participation à certains des arrangements collusoires de l’entente ne saurait exclure, en soi, que les autres arrangements ont pu nuire à la concurrence sur le marché concerné.

À cet égard, les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA prévoyaient qu’un rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction constituait une circonstance atténuante. La liste des circonstances atténuantes visées au point 29 des lignes directrices de 2006 ne fait toutefois plus référence, au titre des circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en compte, à une telle circonstance. Cependant, dans la mesure où la liste établie au point 29 des lignes directrices de 2006 n’est pas exhaustive, le rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction ne saurait être, dans son principe, écarté au titre des circonstances qui peuvent amener à une diminution du montant de base de l’amende.

(cf. points 313‑318)

15.    En matière d’amendes infligées pour infraction aux règles de concurrence, en vertu du point 29, quatrième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003, le montant de base de l’amende peut être réduit lorsque l’entreprise concernée coopère effectivement avec la Commission, en dehors du champ d’application de la communication sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (communication sur la clémence) et au‑delà de ses obligations juridiques de coopérer.

À cet égard, pour qu’une entreprise incriminée puisse revendiquer le bénéfice de cette disposition, il lui appartient d’établir que, sa coopération étant allée au‑delà de son obligation légale de coopérer sans toutefois lui donner droit à une réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la clémence, cette coopération a eu une utilité objective pour la Commission, celle‑ci ayant pu se reposer, dans sa décision finale, sur des éléments de preuve qu’elle lui aurait fournis dans le cadre de ladite coopération et en l’absence desquels la Commission n’aurait pas été en mesure de sanctionner totalement ou partiellement l’infraction en cause.

Ainsi, lorsqu’une entreprise, d’une part, n’a pas contesté les faits et a répondu en temps et en heure aux demandes de renseignements qui lui avaient été faites, ce qui ne va pas au‑delà de son obligation légale de coopérer, et, d’autre part, est restée en défaut de démontrer que la Commission a pu se reposer, dans sa décision finale, sur des éléments de preuve qu’elle lui aurait fournis dans le cadre de sa coopération et en l’absence desquels la Commission n’aurait pas été en mesure de sanctionner totalement ou partiellement l’infraction en cause, l’entreprise concernée ne saurait prétendre à la réduction au titre du point 29 des lignes directrices de 2006.

(cf. points 327‑330)

16.    Voir le texte de la décision.

(cf. points 334‑337)