Language of document : ECLI:EU:T:2020:471

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

5 octobre 2020 (*) (1)

« Concurrence – Concentrations – Marché du ciment gris en Croatie – Décision déclarant la concentration incompatible avec le marché intérieur et l’accord EEE – Entreprises concernées – Marché en cause – Partie substantielle du marché intérieur – Appréciation des effets de l’opération sur la concurrence – Engagements – Droits de la défense – Renvoi partiel aux autorités nationales »

Dans l’affaire T‑380/17,

HeidelbergCement AG, établie à Heidelberg (Allemagne),

Schwenk Zement KG, établie à Ulm (Allemagne),

représentées par Mes U. Denzel, C. von Köckritz, P. Pichler, U. Soltész, M. Raible et G. Wecker, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

Duna-Dráva Cement Kft., établie à Vác (Hongrie), représentée par Mes C. Bán et Á. Papp, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Dawes, H. Leupold et Mme T. Vecchi, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 1650 final de la Commission, du 5 avril 2017, déclarant une concentration incompatible avec le marché intérieur et l’accord EEE (affaire M.7878 – HeidelbergCement/Schwenk/Cemex Hungary/Cemex Croatia),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, R. Barents (rapporteur) et J. Passer, juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 octobre 2019,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Entités en cause

1        Les requérantes, HeidelbergCement AG et Schwenk Zement KG (ci-après « Schwenk »), sont des sociétés actives dans le domaine des matériaux de construction.

2        HeidelbergCement est un producteur et distributeur allemand de matériaux de construction, notamment de ciment, de scories, de béton prêt à l’emploi, de granulats et d’autres produits connexes. Elle exerce des activités commerciales à l’échelle mondiale et possède plusieurs filiales sur le territoire de l’Espace économique européen (EEE).

3        Schwenk est une société en commandite familiale exerçant une activité dans la production de ciment, de scories, de béton prêt à l’emploi, de produits en béton et de services y afférents, ainsi que de granulats. Elle est présente principalement en Allemagne, mais également dans d’autres parties de l’Europe.

4        L’intervenante, Duna-Dráva Cement Kft. (ci-après « DDC »), est une entreprise commune de plein exercice, détenue et contrôlée conjointement par HeidelbergCement et Schwenk. Elle est notamment présente en Hongrie, en Croatie et en Bosnie-Herzégovine, où elle exploite une usine de ciment située à Kakanj  (Bosnie-Herzégovine).

5        Cemex Hungária Építöanyagok Kft. (ci-après « Cemex Hungary ») est une société à responsabilité limitée hongroise opérant principalement dans le domaine de la production et de la vente de béton prêt à l’emploi, de pavés et de granulats, exclusivement vendus en Hongrie. Cemex Hungary n’exerce pas d’activité dans le domaine de la production et de la vente de ciment.

6        Cemex Hrvatska d.d. (ci-après « Cemex Croatia ») produit et distribue du ciment gris, du béton prêt à l’emploi, des scories et des granulats. Elle est essentiellement présente dans la région des Balkans occidentaux. Elle exploite sept usines de béton prêt à l’emploi, cinq en Croatie et deux en Bosnie-Herzégovine ainsi que deux carrières de granulats en Croatie. Elle possède également trois usines de ciment situées à Split (Croatie) (ci-après, prises ensembles, l’« usine de Cemex à Split ») et exploite quatre terminaux de vente en Croatie.

7        Cemex S.A. B. de C.V (ci-après, prise ensemble avec toutes les autres entités du groupe, « Cemex ») est un acteur mondial du marché des matériaux de construction, dont le siège se trouve à Mexico (Mexique).

B.      Faits antérieurs à la procédure administrative

8        En avril 2015, Cemex a lancé un processus de vente concernant, en premier lieu, sa filiale Cemex Austria AG qui détenait 100 % des actions de Cemex Hungary et, en second lieu, sa filiale Cemex Croatia.

9        Le 6 mai 2015 a eu lieu la réunion de lancement du « projet Cerberus » qui est le nom donné par les requérantes et DDC au projet d’acquisition des actifs de Cemex Hungary et de Cemex Croatia, (ci-après, prises ensembles, les « sociétés cibles »).

10      Le 8 juin 2015, HeidelbergCement a soumis l’offre indicative pour l’acquisition des sociétés cibles.

11      Le 27 juillet 2015, Rohrdorfer Baustoffe Austria AG (ci-après « Rohrdorfer ») et DDC ont conclu un accord-cadre en vertu duquel :

–        DDC et Cemex concluraient une convention d’achat d’actions pour l’acquisition de Cemex Croatia ;

–        Rohrdorfer et Cemex concluraient une convention d’achat d’actions pour l’acquisition de Cemex Austria ;

–        immédiatement après la clôture de l’acquisition de Cemex Austria par Rohrdorfer, DDC conclurait une convention d’achat d’actions pour l’acquisition de Cemex Hungary.

12      Le même jour, HeidelbergCement a présenté au nom de DDC et de Rohrdorfer une offre conjointe auprès de Cemex qui a été retenue comme étant la meilleure offre.

13      Le 11 août 2015, DDC et Cemex ont conclu une convention d’achat d’actions conformément à laquelle DDC acquérait 100 % des actions de Cemex Croatia. Le même jour, Rohrdorfer a conclu une convention similaire pour l’acquisition de Cemex Austria.

14      Le 20 août 2015, DDC a contacté la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission européenne afin d’obtenir des orientations informelles sur les « entreprises concernées » par l’acquisition des sociétés cibles, au sens de l’article 1er du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1).

15      L’acquisition de Cemex Austria et de sa filiale Cemex Hungary par Rohrdorfer a été réalisée le 2 novembre 2015, après avoir été autorisée par l’autorité de la concurrence fédérale autrichienne. Le même jour et conformément à l’accord-cadre conclu entre DDC et Rohrdorfer, DDC et Cemex Austria ont conclu une convention d’achat d’actions pour l’acquisition de Cemex Hungary par DDC.

16      Par lettre datée du 13 novembre 2015, la DG « Concurrence » a informé DDC et HeidelbergCement qu’elle considérait que l’acquisition des sociétés cibles constituait une concentration, au sens de l’article 3 du règlement no 139/2004, qui devait être notifiée par les requérantes en tant qu’entreprises concernées. Il était précisé que cette lettre ne constituait pas une décision de la Commission. Elle reflétait seulement l’opinion des services chargés du contrôle des concentrations au sein de la DG « Concurrence » sur la base des informations qui leur avaient été fournies et qu’elle ne saurait lier la Commission.

17      À la suite d’une demande en ce sens des requérantes, par sa décision du 22 juin 2016, la Commission a décidé de renvoyer l’évaluation des effets de l’opération sur les marchés en cause en Hongrie à l’autorité de concurrence hongroise (ci-après la « décision de renvoi partiel »).

C.      Procédure administrative

18      Le 5 septembre 2016, les requérantes ont notifié à la Commission, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 139/2004, un projet de concentration consistant en l’acquisition, par l’intermédiaire de DDC, du contrôle en commun par les requérantes de l’ensemble des sociétés cibles appartenant à Cemex par achat d’actions (ci-après l’« opération »).

19      Par décision du 10 octobre 2016, la Commission a estimé que le projet de concentration soulevait des doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur et a décidé d’engager une procédure d’examen approfondi, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 139/2004 (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi »).

20      Le 12 décembre 2016, la Commission a adopté une communication des griefs (ci-après la « communication des griefs »), par laquelle elle a conclu à titre préliminaire que l’opération donnerait lieu à une entrave significative à une concurrence effective dans une partie substantielle du marché intérieur.

21      Les 21 et 22 décembre 2016, les requérantes ont introduit séparément des recours en annulation contre la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, qui ont été jugés irrecevables (ordonnances du 27 novembre 2017, HeidelbergCement/Commission, T‑902/16, non publiée, EU:T:2017:846, et du 27 novembre 2017, Schwenk Zement/Commission, T‑907/16, non publiée, EU:T:2017:858).

22      Le 25 janvier 2017, la Commission a adopté une lettre d’exposé des faits (ci-après l’« exposé des faits ») informant les requérantes de la présence d’éléments de preuve préexistants qui n’avaient pas été invoqués dans la communication des griefs, mais qui, après analyse complémentaire, pouvaient être utiles pour étayer les conclusions préliminaires de la Commission. Cette dernière a également informé les requérantes de l’existence de certains éléments de preuve supplémentaires portés à son attention après l’adoption de la communication des griefs.

23      Une audition s’est tenue le 11 janvier 2017.

24      Le 26 janvier 2017, les requérantes ont présenté des engagements à la Commission.

D.      Décision attaquée

25      Par décision C(2017) 1650 final, du 5 avril 2017 (affaire M.7878 – HeidelbergCement/Schwenk/Cemex Hungary/Cemex Croatia) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a déclaré l’opération incompatible avec le marché intérieur et l’EEE.

26      Dans la décision attaquée, la Commission a fait état de considérations tenant notamment à la dimension communautaire de l’opération, au marché en cause, aux effets de la concentration en matière de concurrence et aux engagements des parties à la concentration.

27      À cet égard, pour les besoins de la décision attaquée, HeidelbergCement, Schwenk, DDC, Cemex Hungary et Cemex Croatia sont dénommés conjointement les « parties ».

1.      Sur la dimension communautaire

28      La Commission a estimé, au considérant 58 de la décision attaquée, que les requérantes étaient, eu égard à l’importance de leur participation à l’initiative, à l’organisation et au financement de l’opération, les véritables acteurs de celle-ci et, par conséquent, les « entreprises concernées ».

29      Au considérant 116 de la décision attaquée, la Commission a conclu que la concentration avait une dimension communautaire dans la mesure où les seuils de chiffres d’affaires fixés à l’article 1, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 étaient atteints. En particulier, il ressort de la décision attaquée qu’au moins deux entreprises concernées, notamment les requérantes, avaient un chiffre d’affaires individuel dans l’Union européenne supérieur à 250 millions d’euros, même si les sociétés cibles restaient au-dessous de ces seuils.

2.      Sur les marchés en cause

a)      Sur le marché de produits

30      Au considérant 144 de la décision attaquée, la Commission a estimé que la sous-segmentation exacte du marché du ciment gris (distinction entre le ciment en sac, le ciment en vrac, ainsi qu’entre les différents types et qualités de ciment) pouvait être laissée en suspens, étant donné que l’opération entraverait de manière significative l’exercice d’une concurrence effective, quelles que soient les définitions du marché de produits en cause retenues.

b)      Sur le marché géographique

31      Au considérant 160 de la décision attaquée, la Commission est parvenue à la conclusion qu’elle pouvait laisser en suspens la question de savoir si le marché géographique en cause devait être défini comme étant des zones de chalandise circulaires situées dans un rayon de 250 km autour des usines des « parties » ou des zones de chalandise modifiées situées dans un rayon de 250 km autour des usines des « parties », étant donné que l’opération entraverait de manière significative l’exercice d’une concurrence effective, quelle que soit la définition du marché retenue.

32      Elle a également conclu, au considérant 161 de la décision attaquée, qu’il n’y avait pas lieu d’établir si ces deux définitions possibles du marché géographique devaient inclure des zones situées en dehors du territoire de l’EEE (en particulier la Bosnie-Herzégovine), puisque l’appréciation concurrentielle portait en tout état de cause uniquement sur l’EEE.

3.      Sur les effets de la concentration sur la concurrence

33      La Commission est parvenue à la conclusion, au considérant 222 de la décision attaquée, que l’opération entraverait de manière significative une concurrence effective en raison d’effets non coordonnés, qui pourraient en particulier entraîner la création d’une position dominante, dans le marché du ciment gris dans la zone autour de l’usine de Cemex à Split. Les deux définitions possibles du marché géographique incluaient le chevauchement avec la zone de chalandise située dans un rayon de 250 km autour de l’usine de DDC à Kakanj.

34      Aux termes du considérant 223 de la décision attaquée, cette conclusion est basée sur les éléments suivants :

–        les parts de marché cumulées des « parties » et l’augmentation des parts de ces dernières dans chaque zone de chalandise alternative seront élevées [les parts de marché cumulées dépassant les [confidentiel(2)] %, voir les [confidentiel] % selon la définition du marché géographique retenue] ;

–        les « parties » sont des concurrents proches ;

–        DDC et, de façon plus limitée, Italcementi (ci-après « ITC »), producteur de ciment italien acquis par HeidelbergCement en 2015, poursuivent actuellement une stratégie [confidentiel] pour la Croatie et [confidentiel] alors que les autres producteurs, [confidentiel], réduisent leur production ;

–        les fournisseurs et les importateurs nationaux n’exerceront pas une pression suffisante sur les « parties » ;

–        il n’existe pas de concurrents potentiels dont l’entrée sur le marché est suffisamment probable, opportune et suffisante ;

–        l’opération est susceptible de déboucher sur des augmentations de prix quantifiables.

35      La Commission a également constaté, au considérant 480 de la décision attaquée, que cette entrave significative à la concurrence affectait une partie substantielle du marché intérieur selon les deux définitions du marché géographique possibles, en raison de son importance sur le plan de la consommation de ciment, de la population et des exportations de ces marchés vers d’autres pays de l’EEE.

4.      Sur les engagements

36      Au considérant 509 de la décision attaquée, la Commission a conclu que les engagements n’éliminaient pas entièrement les problèmes de concurrence et étaient, par conséquent, insuffisants pour rendre l’opération compatible avec le marché intérieur.

II.    Procédure et conclusions des parties

37      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2017, les requérantes ont introduit le présent recours en annulation contre la décision attaquée.

38      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 11 septembre 2017, DDC a demandé à intervenir au litige au soutien des conclusions des requérantes.

39      Par lettres du greffe du Tribunal du 12 septembre 2017, les requérantes et la Commission ont été invitées à soumettre leurs observations, au plus tard le 5 octobre 2017, sur la demande d’intervention.

40      La Commission a déposé son mémoire en défense le 25 septembre 2017.

41      Les requérantes ont déposé leurs observations sur la demande d’intervention le 4 octobre 2017.

42      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont, en réponse à la demande d’intervention, proposées que, tant eux, que les représentants de DDC, souscrivent des engagements de confidentialité concernant l’accès aux actes de procédure déposés devant le Tribunal. Dans l’hypothèse où le Tribunal ne souscrirait pas à cette option, les requérantes ont attiré l’attention du Tribunal sur le fait qu’elles entendaient soumettre une demande de traitement confidentiel, à l’égard de DDC, de certaines données et informations contenues, en particulier, dans les annexes de la requête.

43      La Commission a déposé ses observations sur la demande d’intervention le 5 octobre 2017.

44      Par acte déposé au greffe du Tribunal le même jour, la Commission a demandé le traitement confidentiel, à l’égard de DDC, de certaines données et informations contenues dans le mémoire en défense et ses annexes.

45      Le 9 octobre 2017, le greffe du Tribunal a fixé un délai aux requérantes pour le dépôt d’une demande de traitement confidentiel pour les informations contenues dans la requête et ses annexes.

46      Par lettre du 13 novembre 2017, DDC a informé le Tribunal qu’elle renonçait à recevoir les annexes de la requête, tant dans une version confidentielle que non confidentielle, dans la mesure où elle disposait des informations nécessaires à l’exercice de ses droits à la suite de la publication de la version non confidentielle de la décision attaquée sur le site Internet de la Commission.

47      Par acte du 15 novembre 2017, les requérantes ont déposé au greffe du Tribunal une version non confidentielle, à l’égard de DDC, de la requête et de ses annexes, dont l’annexe A.1, à savoir la décision attaquée, sans motiver le caractère confidentiel des annexes dont la protection était demandée.

48      Le 23 novembre 2017, les requérantes ont déposé la réplique.

49      Par acte du 11 décembre 2017, la Commission a déposé une version non confidentielle consolidée de la requête et de ses annexes, au travers de laquelle elle entérinait la demande de confidentialité de la requête et de ses annexes, déposée par les requérantes, et étendait son champ d’application à d’autres informations. Elle a également déposé une version non confidentielle de la réplique et de ses annexes.

50      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 2 janvier 2018, les requérantes ont confirmé que la version consolidée non confidentielle de la requête déposée par la Commission couvrait également leur demande de confidentialité.

51      Le 8 janvier 2018, la Commission a déposé une duplique au greffe du Tribunal et a demandé le traitement confidentiel, à l’égard de DDC, de certaines données et informations contenues dans ce mémoire et ses annexes.

52      Par ordonnance du 7 février 2018, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission (T‑380/17, non publiée), le président de la huitième chambre du Tribunal (ancienne) a fait droit à l’intervention de DDC, au soutien des conclusions des requérantes, et a réservé la décision sur le bien-fondé de la demande de traitement confidentiel.

53      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 mars 2018, DDC a soumis son mémoire en intervention.

54      Le 26 et 27 avril 2018, la Commission et les requérantes ont respectivement soumis leurs observations sur le mémoire en intervention.

55      Le 13 juin 2018, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal a invité les requérantes à produire une version lisible de la version confidentielle de la décision attaquée. Les requérantes ont, en outre, été informées que cette version de la décision attaquée ne serait pas transmise à DDC.

56      Les requérantes ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

57      Le 6 février 2019, en application de l’article 89, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure, le Tribunal a invité la Commission à produire la version non confidentielle de la décision attaquée, publiée sur son site Internet et référencée dans la lettre de DDC au Tribunal, en date du 13 novembre 2017.

58      La Commission a produit le document demandé dans le délai imparti. Elle a, en outre, informé le Tribunal qu’elle était au stade final de la préparation d’une version plus complète et non confidentielle de la décision attaquée qu’elle publierait bientôt sur son site Internet et que ce document, une fois publié, serait communiqué au Tribunal.

59      Le 8 mars 2019, en application de l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à répondre à des questions écrites. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti. À cette occasion, la Commission a demandé le traitement confidentiel, à l’égard de DDC, de certaines données et informations contenues dans ses réponses et a déposé une version non confidentielle de ces réponses.

60      Le 8 mars 2019, en application de l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, les requérantes ont également été invitées, à indiquer si elles maintenaient leur demande de traitement confidentiel de la requête et de ses annexes à l’égard de DDC eu égard, notamment, à la publication d’une version non confidentielle de la décision attaquée sur le site Internet de la Commission et, si tel était le cas, d’indiquer pour chaque élément expurgé, quels étaient les motifs fondant leur demande de traitement confidentiel. Les requérantes ont, le cas échéant, été invitées à produire une nouvelle version non confidentielle de la requête et de ses annexes, établie d’un commun accord avec la Commission.

61      Le 22 mars 2019, la Commission a publiée sur son site Internet et transmis au Tribunal la version non confidentielle plus complète de la décision attaquée, en complément de sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure visée au point 57 ci-dessus (ci-après la « version publique de la décision attaquée »).

62      Le 2 avril 2019, les requérantes ont demandé une première prorogation du délai imparti, dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure visée au point 60 ci-dessus, pour déposer la nouvelle version non confidentielle commune de la requête et de ses annexes. Le 4 avril 2019, il a été fait droit à cette demande.

63      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 17 avril 2019, la Commission a confirmé l’absence de données confidentielles, à l’égard de DDC, dans les réponses aux questions écrites des requérantes, posées dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure visée au point 59 ci-dessus.

64      Le 2 mai 2019, les requérantes ont demandé une seconde prorogation du délai imparti, dans le cadre de la mesure d’organisation de la procédure visée au point 60 ci-dessus, pour déposer la nouvelle version non confidentielle commune de la requête et de ses annexes. Le 3 mai 2019, il a été fait droit à cette demande.

65      Le 24 mai 2019, les requérantes ont déféré à la mesure d’organisation de la procédure visée au point 60 ci-dessus. Elles ont ainsi indiqué au sujet des informations de la requête et de ses annexes, expurgées à un stade antérieur de la procédure, si, sur la base de la version non confidentielle de la décision attaquée publiée le 8 mars 2019 sur le site Internet de la Commission, elles maintenaient ou retiraient leurs demandes de traitement confidentiel, à l’égard de DDC. Les requérantes ont, en outre, déposé une nouvelle version non confidentielle de la requête et de ses annexes et confirmé que cette version était commune aux requérantes et à la Commission.

66      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 octobre 2019.

67      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

68      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

69      DDC conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

III. En droit

70      À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent sept moyens. Le premier moyen est tiré du défaut de compétence en raison de l’absence de dimension communautaire de la concentration. Le deuxième moyen est tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la définition du marché géographique en cause. Le troisième moyen est tiré de l’absence d’entrave à la concurrence dans une partie substantielle du marché intérieur. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation concernant l’évaluation concurrentielle des effets de l’opération sur les marchés en cause. Le cinquième moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation de la mesure corrective proposée. Le sixième moyen est tiré de la violation d’exigences procédurales essentielles et des droits fondamentaux des requérantes. Le septième moyen est tiré du défaut de compétence de la Commission pour interdire la partie de l’opération relative à l’acquisition de Cemex Hungary.

A.      Considérations liminaires

71      Avant d’examiner le premier moyen, il y a lieu de revenir sur les demandes de confidentialité présentées par les parties principales et de se prononcer sur un argument liminaire de DDC.

1.      Sur les demandes de confidentialité

72      Les requérantes et la Commission ont présenté des demandes de traitement confidentiel portant sur certains éléments contenus dans la requête, le mémoire en défense, la réplique, la duplique, ainsi que certaines annexes jointes à ces actes de procédure.

73      En réponse à une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a produit la version publique de la décision attaquée et les parties principales ont renoncé à une partie de leurs demandes de traitement confidentiel concernant la requête et ses annexes.

74      Toutefois, bien que la confidentialité des pièces de procédure n’ait pas été contestée, il convient de relever que les demandes présentées par les parties principales sont, à plusieurs reprises entachées d’erreurs matérielles. Compte tenu du caractère manifeste de ces erreurs matérielles, il y a lieu de se référer non aux points tels que désignés dans les demandes, mais aux points du dossier tels qu’identifiés dans la version non confidentielle de celui-ci (voir, en ce sens, ordonnance du 15 septembre 2016, Deutsche Telekom/Commission, T‑827/14, non publiée, EU:T:2016:545, point 14 et jurisprudence citée).

75      Ensuite, il convient de rappeler que nonobstant l’absence de contestation, le Tribunal ne saurait être empêché de rejeter des demandes de traitement confidentiel en ce qu’elles visent des données dont le caractère public apparaît manifestement des éléments du dossier ou dont le caractère confidentiel devient, du fait de la publication de la décision attaquée ou de la divulgation d’autres éléments du dossier, manifestement obsolète (voir, en ce sens, ordonnance du 15 septembre 2016, Deutsche Telekom/Commission, T‑827/14, non publiée, EU:T:2016:545, point 46).

76      Ainsi, compte tenu de la publication d’une version non confidentielle de la décision attaquée sur le site Internet de la Commission, certaines demandes de traitement confidentiel apparaissent, dans la limite des données divulguées dans la version publique de celle-ci, désormais dépourvues d’objet (notamment, celle figurant au point 182 du mémoire en défense).

77      Par ailleurs, il n’y a pas lieu d’accorder un quelconque traitement confidentiel aux passages occultés dans la version publique de la décision attaquée n’ayant pas fait l’objet d’une demande de traitement confidentiel dans d’autres parties du dossier (notamment, celle figurant à la note en bas de page 76 de la requête).

78      Enfin, certaines informations n’ont fait l’objet d’aucun traitement confidentiel dans la version non confidentielle finale du dossier, de sorte que les demandes de traitement confidentiel antérieures visant ces mêmes informations apparaissent désormais dépourvues d’objet. Il en va de même lorsque des informations ont fait l’objet d’une demande de traitement confidentiel dans une partie du dossier, mais pas dans d’autres (notamment, celles figurant au point 268 du mémoire en défense et au point 82 de la réplique).

2.      Sur un argument liminaire de DDC

79      DDC affirme que la décision attaquée enfreindrait sa liberté d’entreprise, garantie par l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

80      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 142, paragraphe 1, du règlement de procédure, l’intervention ne peut avoir d’autre objet que le soutien en tout ou en partie des conclusions de l’une des parties principales. En outre, aux termes de l’article 142, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenant accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de son intervention.

81      Selon la jurisprudence, ces dispositions confèrent à l’intervenant le droit d’exposer de manière autonome non seulement des arguments, mais aussi des moyens, pour autant que ceux-ci viennent au soutien des conclusions d’une des parties principales et ne soient pas d’une nature totalement étrangère aux considérations qui fondent le litige tel qu’il a été constitué entre la partie requérante et la partie défenderesse, ce qui aboutirait à en altérer l’objet (arrêts du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, EU:T:2005:219, point 152, et du 2 octobre 2009, Chypre/Commission, T‑300/05 et T‑316/05, non publié, EU:T:2009:380, point 203 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30/59, EU:C:1961:2, p. 37).

82      En l’espèce, le litige tel qu’il a été constitué entre les requérantes et la Commission a pour objet l’annulation de la décision attaquée. Toutefois, ni la requête ni le mémoire en défense ne contiennent de développements concernant une éventuelle violation de l’article 16 de la Charte. La prétendue violation de cet article de la Charte a été soulevée, pour la première fois, dans le mémoire en intervention.

83      Il s’ensuit que l’argumentation invoquée par DDC relative à la violation de la liberté d’entreprise ne se rattache pas à l’objet du litige tel qu’il a été défini par les parties principales et modifie le cadre du présent litige. Cette argumentation doit donc être rejetée comme étant irrecevable.

B.      Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la définition de la dimension communautaire de la concentration

1.      Sur la recevabilité 

a)      Sur la recevabilité du premier moyen

84      La Commission fait valoir, en substance, que, si le Tribunal devait déclarer recevables les affaires HeidelbergCement/Commission, T‑902/16 et Schwenk Zement/Commission, T‑907/16, visant l’annulation de la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, le premier moyen relatif à l’absence de dimension communautaire de l’opération devrait être déclaré irrecevable.

85      À cet égard, il suffit de constater que, par les ordonnances du 27 novembre 2017, HeidelbergCement/Commission (T‑902/16, non publiée, EU:T:2017:846), et du 27 novembre 2017, Schwenk Zement/Commission (T‑907/16, non publiée, EU:T:2017:858), le Tribunal a rejeté ces recours comme irrecevables. Dès lors, l’objection avancée par la Commission sur la recevabilité du premier moyen est dépourvue d’objet.

b)      Sur la recevabilité des points 15 à 32 de la réplique

86      La Commission fait valoir que la contestation tardive par les requérantes au stade de leur réplique de certains éléments factuels contenus dans la décision attaquée est irrecevable faute d’avoir été inclus dans la requête.

87      Selon une jurisprudence constante concernant l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci, doit être déclaré recevable. Pour pouvoir être regardé comme une ampliation d’un moyen ou d’un grief antérieurement énoncé, un nouvel argument doit présenter, avec les moyens ou les griefs initialement exposés dans la requête, un lien suffisamment étroit pour pouvoir être considéré comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse (voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2011, Groupe Gascogne/Commission, T‑72/06, non publié, EU:T:2011:671, points 23 et 27 ; du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233, points 45 et 46, et du 20 novembre 2017, Petrov e.a./Parlement, T‑452/15, EU:T:2017:822, point 46).

88      À cet égard, il suffit de constater que tous les arguments avancés aux points 15 à 32 de la réplique visent à contester la conclusion de la Commission selon laquelle les sociétés mères, à savoir HeidelbergCement et Schwenk, plutôt que DDC, seraient les entreprises concernées. Dès lors, ces arguments s’inscrivent dans le prolongement du premier moyen et doivent être déclarés recevables.

c)      Sur la recevabilité des points 23 et 25 du mémoire en intervention

89      En premier lieu, au point 23 de son mémoire en intervention, DDC renvoie à différents éléments de preuve additionnels qui démontreraient selon elle ce qui suit :

–        la direction de DDC aurait été fortement impliquée dans le volet financement (renvoi aux annexes I.2 à I.6, sans autre précision) ;

–        DDC aurait participé à la conception de la structure de société de l’opération (renvoi à l’annexe I.7, sans autre précision) ;

–        le directeur général d’une des filiales de DDC aurait participé à une réunion avec Cemex le 21 mai 2015, durant laquelle Cemex aurait fait une présentation de la vente de ses activités en Croatie (renvoi à l’annexe I.8, sans autre précision) ;

–        la direction générale hongroise de DDC et le conseil juridique de DDC auraient activement participé aux négociations avec Cemex et Rohrdorfer en ce qui concerne la partie hongroise de la transaction litigieuse (renvoi global aux annexes I.9 à I.10, soit un total de 16 pages), ainsi qu’aux négociations du contrat de service transitoire après que la transaction Cemex-Rohrdorfer a été clôturée (renvoi aux annexes I.11 et I.12, sans autre précision) ;

–        la direction générale de DDC aurait été impliquée étroitement dans les négociations avec Rohrdorfer concernant la revente de Cemex Hungary à DDC (renvoi aux annexes I.13 à I.15, sans autre précision).

90      DDC se contente ainsi d’avancer cinq allégations générales en procédant à un renvoi global à 14 annexes différentes, représentant au total 608 pages.

91      Force est de constater que, eu égard à l’article 145, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement de procédure, le Tribunal ne saurait tenir compte de ces annexes.

92      En effet, il convient de rappeler que, en vertu de ces dispositions, le mémoire en intervention doit notamment contenir les moyens et les arguments invoqués par la partie intervenante. Or, selon une jurisprudence bien établie en ce qui concerne la requête introductive d’instance, applicable par analogie en ce qui concerne le mémoire en intervention (arrêts du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, EU:T:2005:219, point 186, et du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a., T‑230/01 à T‑232/01 et T‑267/01 à T‑269/01, non publié, EU:T:2009:316, point 104 ; voir, également, arrêt du 11 juillet 2019, IPPT PAN/Commission et REA, T‑805/16, non publié, EU:T:2019:496, point 101 et jurisprudence citée), l’exposé des moyens et des griefs doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. À cet égard, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, EU:T:2007:289, point 94 et jurisprudence citée).

93      En second lieu, au point 25 de son mémoire en intervention, DDC affirme que l’approche de la Commission consistant à qualifier les requérantes d’entreprises concernées l’a privée de son statut de partie notifiante et a donc limité son droit d’accès au dossier, et son pouvoir de se défendre correctement en pleine connaissance de tous les éléments de preuve sur lesquels la Commission s’est fondée pour interdire l’opération.

94      Force est de constater que l’argumentation tirée de la violation des droits de la défense de DDC n’a pas été soulevée par les requérantes et ne se rattache pas à l’objet du litige ainsi défini par celles-ci. Elle doit donc être déclarée irrecevable, conformément aux points 80 et 81 ci-dessus.

2.      Sur le fond

95      Par leur premier moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission n’est pas compétente pour contrôler l’opération dans la mesure où cette dernière n’aurait pas de dimension communautaire, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 139/2004. Cette disposition requiert en particulier qu’au moins deux entreprises concernées atteignent individuellement un chiffre d’affaires dans l’Union d’au moins 250 millions d’euros. Or, au terme de l’opération, DDC se porterait acquéreur de ses concurrents directs, Cemex Croatia et Cemex Hungary. Dès lors, les entreprises concernées seraient ces deux entreprises en tant que sociétés cibles et DDC en tant qu’acquéreur. Les chiffres d’affaires de HeidelbergCement et de Schwenk n’auraient donc pas dû être considérés séparément par la Commission, mais auraient dû être attribués à DDC. Les chiffres d’affaires des sociétés cibles étant trop bas pour atteindre les seuils de chiffres d’affaires du règlement no 139/2004, seule DDC aurait donc été en mesure d’atteindre individuellement ces seuils et l’opération n’aurait pas eu de dimension communautaire.

96      Le premier moyen se décompose, en substance, en trois branches. La première branche porte sur la notion d’entreprises concernées, au sens du règlement no 139/2004. La deuxième branche porte sur les preuves sur la base desquelles la Commission a considéré que les requérantes ont participé activement à l’initiative, à l’organisation et au financement de l’opération. La troisième branche porte sur le défaut de pertinence des considérations développées et des preuves recueillies après la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi.

a)      Sur la première branche, relative à la notion d’entreprises concernées

97      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, les requérantes font valoir, en substance, que l’interprétation faite de la communication consolidée sur la compétence de la Commission en vertu du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO 2008, C 95, p. 1, et rectificatif JO 2009, C 43, p. 10 ; ci-après la « communication consolidée sur la compétence »), en ce qu’elle se rapporte à l’identification des entreprises concernées dans le cadre de la prise de contrôle par une entreprise commune, serait erronée. Les requérantes, soutenues par DDC, avancent cinq griefs au soutien de cette allégation.

98      Avant de se pencher sur le bien-fondé de ces griefs, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel une entreprise commune de plein exercice, telle que DDC, devrait être considérée comme une « entreprise concernée » au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, dans la mesure où la notion d’entreprise dans le contexte de droit de la concurrence se référerait à une entité économique autonome.

99      En effet, les principes d’autonomie juridique et économique des sociétés ne sauraient, en toute hypothèse, impliquer qu’une société détenue et contrôlée conjointement par deux autres sociétés agisse nécessairement de manière autonome sur le marché en raison du seul fait qu’elle dispose d’une personnalité juridique ou de moyens économiques propres. En effet, une telle supposition ferait totalement abstraction des nombreuses possibilités existantes en pratique pour de telles sociétés mères d’influencer le comportement de leur filiale de manière formelle ou informelle (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, EU:T:2011:217, point 70).

1)      Sur la prise en considération de la réalité économique aux fins de la détermination des entreprises concernées

100    Les requérantes soutiennent que les paragraphes 145 à 147 de la communication consolidée sur la compétence relatifs aux prises de contrôle par une entreprise commune ne permettraient pas à la Commission d’identifier les entreprises concernées au cas par cas, en examinant la réalité économique pour déterminer qui sont les véritables acteurs du projet de concentration. Ainsi, l’identification des entreprises concernées ne saurait être le résultat d’appréciations factuelles complexes, réalisées au cas par cas. Une exception ne serait envisageable que lorsqu’il serait évident pour toutes les entités en cause que l’entreprise commune de plein exercice n’est pas une entreprise concernée. La Commission ne pourrait examiner la réalité économique que dans deux hypothèses. En premier lieu, lorsque les entreprises acquéreuses utilisent une « société coquille », à savoir une société spécifiquement constituée aux fins de l’acquisition et, en second lieu, dans des situations de contournement manifeste lorsqu’une entreprise commune de plein exercice est utilisée en tant que simple vecteur pour une transaction qui est dénuée de toute pertinence pour elle et si cela est évident pour tous les acteurs concernés.

101    Les requérantes ajoutent qu’il ressortirait du libellé du paragraphe 147 de la communication consolidée sur la compétence qu’une participation active des sociétés mères à l’opération peut servir d’indication du fait que celles-ci utilisent une entreprise commune comme un simple vecteur d’acquisition, mais ne suffirait pas en tant que tel aux fins de la qualification des sociétés mères en tant qu’entreprises concernées.

102    De plus, une participation des sociétés mères ne pourrait être considérée comme une indication de l’utilisation d’une entreprise commune comme un simple vecteur d’acquisition que si celles-ci ont participé cumulativement à l’initiative, l’organisation et au financement de l’opération et si toutes ou, à tout le moins, plusieurs sociétés mères, montrent une telle participation.

103    Par ailleurs, les requérantes font valoir qu’une entreprise commune de plein exercice ne saurait être qualifiée de simple vecteur si elle a un intérêt stratégique propre dans l’opération de concentration, et ce même si les sociétés mères peuvent également avoir un intérêt stratégique propre plus large dans cette opération. Ce n’est que si l’acquisition ne concerne pas l’activité économique de l’entreprise commune de plein exercice, mais sert uniquement les intérêts des sociétés mères, que ces dernières peuvent être concernées par l’opération. L’intérêt de DDC serait matérialisé, en l’espèce, notamment, par ses projets d’acquisition antérieurs, par le fait qu’elle est établie de longue date, par le fait que l’opération renforcerait indirectement sa présence sur le marché, par le fait qu’elle aurait été l’acquéreur direct de Cemex Croatia, et par le fait qu’elle participerait à une opération qui la concernerait directement.

104    Selon DDC, la notion d’entreprises concernées viserait à identifier les entreprises à prendre en compte pour apprécier si une concentration doit être notifiée ou non dans le cadre du règlement no 139/2004. À ce titre, cette notion devrait être interprétée de façon stricte et prévisible. C’est pourquoi elle ne saurait dépendre ni de la manière dont le processus d’acquisition est initié ou organisé, ou de la manière dont il évolue, ni d’une appréciation par la Commission de la prétendue réalité économique. Il ne saurait y avoir d’exception que s’il est clairement établi que la direction de la société cible et sa stratégie concurrentielle ne seront pas déterminées par la société acquéreuse après l’opération ou que celle-ci profitera exclusivement à une autre société que l’acquéreur direct.

105    À cet égard, il convient de constater que l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 n’apporte pas de définition de la notion d’entreprises concernées. Toutefois, l’interprétation de cette notion dans les opérations où une entreprise commune prend le contrôle d’une autre société fait l’objet des paragraphes 145 à 147 de la communication consolidée sur la compétence.

106    Aux termes du paragraphe 145 de la communication consolidée sur la compétence, si, d’une manière générale, l’entreprise concernée est l’entreprise commune en tant que partie prenante directe à la prise de contrôle, il peut arriver que des sociétés créent des « sociétés coquilles » et que les sociétés mères soient chacune considérées comme des entreprises concernées. Dans ce cas de figure, la Commission examine la réalité économique de l’opération pour identifier les entreprises concernées.

107    Dans ce contexte, le paragraphe 146 de la communication consolidée sur la compétence précise que, lorsque l’acquisition est faite par une entreprise commune de plein exercice, présentant les caractéristiques décrites ci-dessus, qui opère déjà sur le même marché, la Commission considérera normalement que l’entreprise commune elle-même et l’entreprise cible sont les entreprises concernées (et non les sociétés mères de l’entreprise commune).

108    Selon le paragraphe 147 de la communication consolidée sur la compétence :

« À l’inverse, lorsque l’entreprise commune peut être considérée comme un simple vecteur utilisé pour une acquisition par les sociétés mères, la Commission considérera comme entreprises concernées chaque entreprise fondatrice, plutôt que l’entreprise commune en question, et la société cible. C’est en particulier le cas lorsque l’entreprise commune a été spécialement créée en vue de l’achat de la société cible ou n’est pas encore en activité, lorsqu’une entreprise commune existante n’a pas le caractère de plein exercice visé ci-dessus ou lorsque l’entreprise commune est une association d’entreprises. Il en est de même lorsque les faits démontrent que les sociétés mères sont en fait les véritables acteurs de l’opération. On citera ainsi la participation active des sociétés mères à l’initiative, à l’organisation et au financement de l’opération. Les sociétés mères sont alors considérées comme étant les entreprises concernées. »

109    C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les arguments des requérantes et de DDC.

110    Premièrement, l’interprétation proposée par les requérantes et DDC consistant à dénier la possibilité à la Commission de tenir compte de la réalité économique, sauf dans les hypothèses identifiées par elles, doit être rejetée.

111    Tout d’abord, ces interprétations ne reviennent à rien d’autre qu’à nier totalement la pertinence, pour l’application du règlement no 139/2004, des liens pouvant exister entre une entreprise commune de plein exercice et ses sociétés mères, à l’exception des cas de figure identifiés par les requérantes et DDC. Or, tel ne saurait être le cas.

112    En effet, il convient de rappeler qu’il a été jugé que le fait qu’une entreprise commune soit de plein exercice et donc, d’un point de vue fonctionnel, économiquement autonome ne signifie pas qu’elle jouisse d’une autonomie pour ce qui concerne l’adoption de ses décisions stratégiques. Une conclusion inverse aboutirait à la situation qu’il n’existerait jamais de contrôle conjoint sur une « entreprise commune », dès lors qu’elle serait économiquement autonome (voir, par analogie, arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, EU:T:2006:64, point 62).

113    Dès lors, il est exclu que la question essentielle, posée aux termes du paragraphe 145 de la communication consolidée sur la compétence, tenant à la détermination des circonstances dans lesquelles une entreprise commune doit être considérée comme une entreprise concernée, soit réduite aux cas de figure mentionnés par les requérantes et DDC.

114    Ensuite, l’interprétation des requérantes et de DDC revient également à nier que des liens indirects entre les sociétés mères et l’entreprise commune puissent avoir des effets sur le comportement concurrentiel des entreprises ainsi liées sur certains marchés.

115    Or, dans le cadre de l’exercice du contrôle conjoint d’une entreprise commune, les sociétés mères de cette entreprise devront nécessairement s’accorder sur la gestion commerciale de cette dernière, et, dans une certaine mesure, sur leur propre position à l’égard de l’entreprise commune sur certains marchés. Il s’ensuit que l’existence de tels liens indirects, d’ordre économique et structurel, constitue un élément dont il doit être tenu compte dans le cadre de l’appréciation d’une concentration au sens du règlement sur les concentrations (arrêt du 8 juillet 2003, Verband der freien Rohrwerke e.a./Commission, T‑374/00, EU:T:2003:188, points 173 et 174).

116    Il découle de ce qui précède que, pour garantir l’efficacité du contrôle des concentrations, il apparaît nécessaire de tenir compte de la réalité économique des véritables acteurs de la concentration en fonction des circonstances de droit et de fait propres à chaque espèce. Ainsi, la détermination des entreprises concernées est nécessairement liée à la façon dont le processus d’acquisition a été initié, organisé et financé dans chaque cas individuel.

117    Deuxièmement, l’interprétation du paragraphe 147 de la communication consolidée sur la compétence avancée par les requérantes et DDC doit également être rejetée.

118    En premier lieu, il ressort du libellé de ce paragraphe que l’utilisation d’une entreprise commune de plein exercice comme simple vecteur d’acquisition n’est pas la seule hypothèse où les sociétés mères pourraient être qualifiées d’entreprises concernées.

119    En effet, la deuxième phrase de ce paragraphe cite différents exemples de situations dans lesquelles une entreprise commune de plein exercice peut être considérée comme un simple vecteur d’acquisition. Cela ressort de l’emploi de la formule « c’est en particulier le cas ». En revanche, la situation dans laquelle « les faits démontrent que les sociétés mères sont en fait les véritables acteurs de l’opération » est citée séparément à la phrase suivante. Ce dernier cas est donc à distinguer des situations dans lesquelles une entreprise commune de plein exercice peut être considérée comme un simple vecteur d’acquisition.

120    De plus, la version anglaise de la dernière phrase du paragraphe 147 de la communication consolidée sur la compétence emploie l’expression « in those cases » au pluriel, et non au singulier, pour faire référence aux cas de figure dans lesquelles les sociétés mères peuvent entre considérées comme des « entreprises concernées » en lieu et place de leur entreprise commune de plein exercice. Cela confirme que plusieurs cas de figure où des sociétés mères sont considérées comme des « entreprises concernées » existent.

121    En second lieu, il ressort du libellé de cette disposition que les « faits » qui « démontrent » que « les sociétés mères sont en fait les véritables acteurs de l’opération » et qui sont énumérés comme tels, à savoir « la participation active des sociétés mères à l’initiative, à l’organisation et au financement de l’opération », ne forment pas une liste exhaustive d’hypothèses. Cela ressort de l’emploi de l’expression « on citera ainsi » dans la version française, de l’expression « these elements may include » dans la version anglaise et de l’expression « kan een factor zijn » dans la version néerlandaise.

122    En effet, aux fins de tenir compte de la réalité économique, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents permettant d’établir quels sont les véritables acteurs de l’opération. Ainsi, la participation active des sociétés mères à l’opération peut être déduite d’un faisceau global d’éléments de preuve concordants, même si aucun de ces éléments, pris isolément, n’est suffisant pour « lever le voile » sur la réalité de l’opération.

123    En d’autres termes, le paragraphe 147 de la communication consolidée sur la compétence envisage deux hypothèses, à savoir l’hypothèse où l’entreprise commune serait utilisée comme un simple vecteur ou, alternativement, l’hypothèse où les sociétés mères seraient les véritables acteurs de l’opération. À cet égard, ladite disposition cite différents exemples se rapportant à chacune de ces deux hypothèses, et ce de manière non exhaustive.

124    Dès lors, contrairement à ce que font valoir les requérantes et DDC, ce n’est pas seulement lorsque les sociétés mères utilisent une « coquille vide » pour l’acquisition ou dans des situations de contournement qu’il peut y avoir lieu de considérer que les sociétés mères sont les entreprises concernées, mais aussi lorsqu’elles sont les véritables acteurs de l’opération. Il y a lieu de préciser que, en l’espèce, la Commission a considéré que l’opération rentrait dans le second cas de figure, et non dans le premier comme les requérantes semblent le suggérer parfois dans leurs écritures.

125    Troisièmement, s’agissant de l’argument selon lequel une entreprise commune de plein exercice ne saurait être qualifiée de simple vecteur lorsqu’elle a un intérêt propre dans l’opération, cet argument doit être rejeté comme inopérant car, ainsi qu’il a été indiqué au point 124 ci-dessus, la Commission a considéré que la présente opération rentrait dans le deuxième cas de figure prévu au paragraphe 147 de la communication consolidée sur la compétence. En tout état de cause, le fait qu’une entreprise commune de plein exercice puisse avoir un intérêt stratégique propre dans une opération de concentration ne saurait empêcher la qualification des sociétés mères d’entreprises concernées en tant qu’acteurs véritables de l’opération, au vu notamment de leur participation active à l’initiative, à l’organisation et au financement de l’opération.

126    Partant, il convient de rejeter les arguments des requérantes et de DDC.

2)      Sur le principe de sécurité juridique

127    Les requérantes font valoir que l’approche de la Commission consistant à tenir compte au cas par cas de la réalité économique violerait le principe de sécurité juridique. En effet, la notion d’entreprises concernées aurait un impact immédiat sur l’applicabilité de l’obligation de suspension de la concentration et sur le risque d’éventuelles amendes en cas de violation de cette obligation. Or, du côté de l’acquéreur, la société mère d’une entreprise commune de plein exercice ne serait pas forcément au courant de l’étendue de l’implication de l’autre société mère. De même, l’entreprise cible et le vendeur ne seraient généralement pas en mesure d’identifier les entreprises concernées, du côté de l’acquéreur, dans la mesure où ils n’auraient pas nécessairement connaissance du degré de participation des sociétés mères et de l’entreprise commune de plein exercice dans l’organisation et le financement de la concentration. Et même si tel devait être le cas, les entreprises en cause ne sauraient apprécier en amont de l’opération si ce degré de participation est suffisamment actif pour conclure que les sociétés mères sont des entreprises concernées. L’incertitude générée par cette situation serait inacceptable.

128    Selon elles, les entreprises en cause devraient consulter la Commission avant la notification de chaque projet de concentration afin de prendre connaissance du point de vue de cette dernière. Toutefois, même une telle consultation n’offrirait pas de sécurité juridique dans la mesure où les réponses de la DG « Concurrence » aux demandes de consultation sont non contraignantes et que, dans des affaires récentes, la Commission aurait même refusé de fournir une réponse écrite.

129    Il y a lieu de rejeter le grief tiré de la violation du principe de sécurité juridique avancé par les requérantes.

130    Le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles du droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (arrêt du 8 décembre 2011, France Télécom/Commission, C‑81/10 P, EU:C:2011:811, point 100). Cependant, dès lors qu’un certain degré d’incertitude quant au sens et à la portée d’une règle de droit est inhérent à celle-ci, il convient d’examiner si la règle de droit en cause souffre d’une ambiguïté telle qu’elle ferait obstacle à ce que les justiciables puissent lever avec une certitude suffisante des éventuels doutes sur la portée ou le sens de cette règle (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2005, Belgique/Commission, C‑110/03, EU:C:2005:223, points 30 et 31). À cet égard, ces exigences ne sauraient être comprises comme imposant qu’une norme utilisant une notion juridique abstraite mentionne les différentes hypothèses concrètes dans lesquelles elle est susceptible de s’appliquer, dans la mesure où toutes ces hypothèses ne peuvent pas être déterminées à l’avance par le législateur (arrêt du 20 juillet 2017, Marco Tronchetti Provera e.a., C‑206/16, EU:C:2017:572, point 42).

131    En l’espèce, par leur allégation selon laquelle la communication consolidée sur la compétence ne permettrait pas à la Commission d’« examiner la réalité économique » quand bon lui semble et de « déterminer qui sont les véritables acteurs d’une opération » dans chaque hypothèse individuelle, il n’est pas possible de déterminer si les requérantes entendent faire valoir le manque de clarté, de précision ou de prévisibilité des paragraphes 145 à 147 de ladite communication, ou de l’application qui en est faite par la Commission en l’espèce. Dès lors, il y a lieu d’examiner si la communication consolidée sur la compétence elle-même ou sa mise en œuvre par la Commission auraient généré une ambiguïté contraire au principe de sécurité juridique.

132    Il ressort des paragraphes 1 et 4 de la communication consolidée sur la compétence que celle-ci a été adoptée dans l’intérêt de garantir la transparence, la prévisibilité et la sécurité juridique de l’action menée par la Commission (voir, par analogie, arrêts du 30 mai 2013, Commission/Suède, C‑270/11, EU:C:2013:339, point 41, et du 12 février 2014, Beco/Commission, T‑81/12, EU:T:2014:71, point 70).

133    Les paragraphes 145 à 147 de la communication consolidée sur la compétence ont donc notamment été adoptés dans l’objectif de garantir la sécurité juridique. En outre, ces dispositions n’émettent pas de signaux contradictoires quant à la démarche utilisée par la Commission pour déterminer les entreprises concernées par une opération de concentration. Elles permettent, tant aux sociétés mères d’une entreprise commune de plein exercice, qu’au vendeur et à sa cible, de déterminer les entreprises concernées, dans la mesure où, comme le fait valoir la Commission, ces entreprises auront nécessairement connaissance, dans le cadre des négociations en vue de la concentration, du degré d’implication des sociétés mères de l’entreprise commune. En cas de doute, les parties à la concentration peuvent toujours demander des informations auprès de la société concernée quant à son degré d’implication dans l’opération.

134    En outre, en tant qu’opérateurs économiques diligents et, en particulier, en tant que professionnels habitués à devoir faire preuve d’une grande prudence dans l’exercice de leur métier, les parties à une concentration peuvent également au besoin recourir à des conseils éclairés pour évaluer les conséquences pouvant résulter de l’application des paragraphes 145 à 147 de la communication consolidée sur la compétence.

135    Par ailleurs, les parties à la concentration ont toujours la faculté de prendre contact avec les services de la Commission afin d’obtenir des orientations informelles sur les entreprises concernées par l’opération. À cet égard, les requérantes ne précisent pas dans quelles affaires récentes la Commission aurait refusé, selon leurs dires, de fournir une telle réponse.

136    Les circonstances de l’espèce contredisent également les allégations des requérantes, puisque DDC a demandé, le 20 août 2015, et obtenu, le 13 novembre 2015, une telle réponse, ainsi qu’il ressort des points 14 et 16 ci-dessus. De plus, la position de la DG « Concurrence » exposée dans sa lettre datée du 13 novembre 2015, identifiant les requérantes en tant qu’entreprises concernées, est identique à la position finalement adoptée dans la décision attaquée. Bien que cette lettre mentionne qu’elle ne constitue pas une décision de la Commission, les requérantes n’établissent pas que la consultation de la Commission les aurait empêchées, en tant qu’opérateurs économiques diligents, de lever les éventuels doutes qu’elles auraient pu entretenir quant à l’obligation de notification en l’espèce.

137    Il y a lieu de rejeter comme irrecevable l’affirmation des requérantes contenue dans la note en bas de page 33 de la requête en ce qu’elle se rapporte au considérant 43 de la décision attaquée et à ses notes en bas de page 21 et 22, au regard des dispositions de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, dans la mesure où elle n’est pas indiquée de manière suffisamment précise.

3)      Sur l’extension des compétences de la Commission

138    Les requérantes font valoir que l’interprétation faite par la Commission du paragraphe 147 de la communication consolidée sur la compétence permettrait à cette dernière d’étendre sa compétence aux affaires qui ont uniquement un impact sur une petite partie d’un État membre et qui sont dénuées de pertinence pour le commerce transfrontalier dans le marché intérieur. Cela irait à l’encontre de l’objectif assigné au règlement no 139/2004, par son considérant 8, et violerait la répartition des compétences entre la Commission et les États membres établie par ce même règlement.

139    Selon elles, les préoccupations d’efficacité du contrôle des concentrations, mises en avant par la Commission, ne sauraient justifier l’extension contra legem des compétences de cette dernière. Les législations nationales de contrôle des concentrations et le mécanisme de renvoi des États membres à la Commission, prévu par l’article 22 du règlement no 139/2004, assureraient l’efficacité du contrôle des concentrations pour les « petites » concentrations qui n’atteignent pas les seuils visés par l’article 1er dudit règlement. L’interprétation extensive de la Commission interférerait avec le droit pour les États membres de décider eux-mêmes, au terme de l’article 22 dudit règlement, s’ils veulent renvoyer ces « petites » concentrations à la Commission. L’efficacité du contrôle des concentrations pourrait, tout au plus, justifier un examen de la réalité économique en cas de contournement manifeste, tel que cela est visé au point 100 ci-dessus.

140    Il y a lieu de relever que le raisonnement des requérantes, selon lequel l’interprétation de la Commission permettrait d’inclure dans son champ de compétence des concentrations ayant un impact sur une petite partie d’un État membre et qui sont dénuées de pertinence pour le commerce transfrontalier dans le marché intérieur, repose sur une prémisse erronée. En effet, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, dernier membre de phrase, du règlement no 139/2004 une concentration n’a pas de dimension communautaire, même si les seuils de chiffre d’affaires sont atteints, lorsque chacune des entreprises concernées réalise plus des deux tiers de son chiffre d’affaires total dans l’Union à l’intérieur d’un seul et même État membre. De surcroît, les requérantes semblent opérer un amalgame entre la taille économique d’une concentration et ses effets sur une partie substantielle du marché, car la question de savoir si l’opération entrave de façon significative une concurrence effective dans une partie substantielle du marché relève de l’appréciation concurrentielle au fond (voir point 359 et suivants ci-après).

141    Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes.

4)      Sur l’intention des sociétés mères

142    Les requérantes font valoir que le point de vue retenu par la Commission dans la décision attaquée sur la communication consolidée sur la compétence ferait dépendre l’applicabilité du règlement no 139/2004 d’éléments subjectifs, ce qui irait à l’encontre de la jurisprudence du Tribunal.

143    Il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes.

144    À cet égard, les requérantes ne sauraient tirer aucun argument utile du point 129 de l’arrêt du 21 septembre 2005, EDP/Commission (T‑87/05, EU:T:2005:333). En effet, si ce point énonce que l’applicabilité de l’ancien règlement sur le contrôle des concentrations ne saurait dépendre de la volonté des parties à une opération de concentration, il ne porte pas sur l’identification des entreprises concernées, mais se limite à établir que le simple fait pour les parties de notifier une opération n’implique pas que le règlement sur le contrôle des concentrations soit applicable.

5)      Sur les objectifs et la structure du règlement no 139/2004

145    DDC fait valoir que, si  le règlement no 139/2004 ne définit pas la notion d’entreprises concernées, ses objectifs et la structure de son article 5, paragraphe 4, donnent des indications sur la façon dont il convient d’interpréter cette notion.

146    En premier lieu, il découlerait, en substance, de l’objectif assigné au règlement, par son considérant 8, que les entreprises concernées seraient les entreprises participant directement à la concentration. Pour évaluer comme il se doit les effets d’une concentration, il conviendrait ainsi de déterminer quelle société contrôlera les activités des sociétés cibles, décidera de leur stratégie concurrentielle et en supportera les conséquences économiques. Il serait, en règle générale, nécessaire que les entreprises concernées se situent de part et d’autre de la transaction, sinon la Commission devrait examiner chaque acquisition mineure d’entreprises cibles par des entreprises communes de grandes multinationales. Il ne saurait y avoir d’exception que lorsque la direction de la cible et sa stratégie concurrentielle ne sont pas déterminées par l’acquéreur ou lorsque l’opération profite exclusivement à une autre société. Le degré d’implication de la société mère de l’acquéreur dans l’initiative, l’organisation et le financement importerait peu.

147    En second lieu, il découlerait de la distinction opérée par l’article 5, paragraphe 4, sous a) et c), du règlement no 139/2004 entre l’entreprise concernée, d’une part, et les entreprises qui contrôlent une entreprise concernée, d’autre part, que ce règlement n’envisage pas que les actionnaires de contrôle d’une société puissent être considérés comme des entreprises concernées. Il peut y avoir des exceptions s’il est clairement établi qu’une opération ne concerne pas directement la société acquéreuse. Sinon l’article 5, paragraphe 4, sous c), dudit règlement serait superflu.

148    Le raisonnement de DDC doit être rejeté.

149    En premier lieu, comme le fait valoir à juste titre la Commission, il n’est pas nécessaire que les entreprises concernées dont le chiffre d’affaires dépasse les seuils prévus se situent de part et d’autre de l’opération, dans la mesure où l’article 1er du règlement no 139/2004 n’évoque pas « l’acquéreur et l’entreprise cible », mais « au moins deux des entreprises concernées ».

150    Par ailleurs, il convient de rappeler que, de manière similaire, en vertu du paragraphe 140 de la communication consolidée sur la compétence, lorsque deux sociétés acquièrent le contrôle conjoint d’une société préexistante, les entreprises concernées sont chacune des sociétés acquérant le contrôle conjoint et la société cible.

151    En second lieu, l’article 5, paragraphe 4, sous c), du règlement no 139/2004 dispose seulement que le chiffre d’affaires total d’une entreprise concernée doit inclure le chiffre d’affaires des entreprises ayant certains droits ou pouvoirs dans l’entreprise concernée, sans que cela empêche que, dans certains cas, les entreprises contrôlant d’autres entreprises puissent être considérées comme étant elles-mêmes les entreprises concernées.

152    Il résulte de tout ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être rejetée.

b)      Sur la deuxième branche, relative aux éléments de preuve

153    Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, les requérantes contestent, en substance, les éléments de preuve retenus pour identifier les entreprises concernées, ainsi que l’appréciation qui en est faite dans la décision attaquée.

154    Elles contestent pouvoir être regardées comme les véritables acteurs de l’opération en raison de leur participation active à l’initiative, l’organisation et au financement de l’opération. Elles soutiennent que DDC aurait été le véritable acteur de l’opération, car elle y aurait participé activement. Selon elles, en dépit de sa participation active à l’opération, HeidelbergCement ne pourrait être regardée comme un véritable acteur de l’opération, parce qu’elle a toujours agi au nom et au soutien de DDC. Par ailleurs, Schwenk ne saurait être un véritable acteur de l’opération, car elle n’y a pas participé activement.

155    Dans ce contexte, elles avancent une série d’arguments et proposent des mesures d’organisation de la procédure.

1)      Sur le premier argument

156    Au point 16 de la réplique, les requérantes font valoir que l’opération n’aurait pas été initiée par elles, mais par Cemex. Cemex aurait contacté HeidelbergCement qui aurait contacté DDC pour savoir si l’acquisition de Cemex Croatia présentait un intérêt pour DDC. HeidelbergCement et DDC auraient ensuite discuté et décidé conjointement de poursuivre l’opération en avril 2015. L’affirmation selon laquelle DDC n’aurait été informée que le 7 mai 2015 des décisions prises par HeidelbergCement, serait donc inexacte. Il en irait de même de l’allégation selon laquelle, les requérantes auraient convenu de poursuivre, avant la réunion du 6 mai 2015, l’acquisition des sociétés cibles par l’intermédiaire de DDC. Cette dernière avait déjà signalé en amont à HeidelbergCement qu’elle était favorable à l’opération et qu’elle était donc tout au moins aussi impliquée dans le processus décisionnel que Schwenk. La Commission aurait été informée de ces éléments au plus tard le 24 janvier 2017. Pour étayer leurs allégations, les requérantes s’appuient sur le témoignage de [confidentiel] et la réponse de HeidelbergCement et de DDC à la demande d’information de la Commission du 23 janvier 2017.

157    DDC fait valoir qu’elle aurait discuté avec HeidelbergCement des possibilités d’investissement « avant même que la décision de réaliser [l’opération] » ne soit prise.

158    Premièrement, à supposer même que les arguments avancés aux points 156 à 157 ci-dessus puissent faire une différence quant à la participation active des requérantes à l’opération, il ressort du point 4 du procès-verbal de la réunion de lancement du « projet Cerberus », du 6 mai 2015, à laquelle assistaient exclusivement des représentants de HeidelbergCement, que Schwenk a indiqué être en faveur du projet de concentration. Dès lors, Schwenk a nécessairement été informée en amont de cette réunion de l’opération, désignée à cette époque sous le nom de « projet Cerberus », ainsi qu’il ressort du point 9 ci-dessus.

159    Il ressort de la note en bas de page 41 de la décision attaquée, non contestée par les requérantes, que ce procès-verbal a été partagé par courriel le 7 mai 2015 par [confidentiel], participant à la réunion avec, notamment, [confidentiel], membres de la direction générale de DDC. Ce courriel précisait que « [confidentiel]». Dans un courriel daté du même jour adressé notamment à [confidentiel] déclarait que, « [confidentiel]». Il ressort donc de ce qui précède que DDC a été informée au plus tard le 7 mai 2015 de l’opération.

160    Afin de déterminer si DDC a été informée de l’opération avant la réunion du 6 mai 2015, il y a lieu d’examiner les éléments de preuve produits à cet effet par les requérantes, à savoir la réponse de HeidelbergCement et de DDC à la demande d’information de la Commission du 23 janvier 2017 (annexe C2) et le témoignage de [confidentiel] (annexe A5).

161    S’agissant de la réponse de HeidelbergCement et de DDC à la demande d’information de la Commission du 23 janvier 2017, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, les parties principales peuvent faire des offres de preuve à l’appui de leur argumentation dans la réplique et la duplique, mais doivent alors motiver le retard apporté à la présentation de celles-ci.

162    Cependant, selon la jurisprudence, la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve fournies à la suite d’une preuve contraire de la partie adverse dans le mémoire en défense ne sont pas visées par la règle de forclusion prévue par ladite disposition. En effet, cette disposition concerne les offres de preuve nouvelles et doit être lue à la lumière de l’article 92, paragraphe 7, dudit règlement, qui prévoit expressément que la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve restent réservées (arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, EU:C:1998:608, points 71 et 72, et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, EU:T:2006:374, point 189).

163    En l’espèce, les requérantes soutiennent en substance que l’annexe C2 constitue une preuve contraire et a pour but de contester les allégations exprimées par la Commission au point 118, sous c), du mémoire en défense.

164    Le point 118, sous c), du mémoire en défense reprend l’idée du point 112 de ce mémoire, qui lui-même reprend celle de la note en bas de page 96 de la décision attaquée. Ces trois éléments font un constat identique, à savoir que la valeur probante du témoignage de [confidentiel] est limitée en raison de l’absence pour étayer ce témoignage d’éléments de preuve remontant à l’époque du lancement de l’opération. Les requérantes produisent ainsi l’annexe C2 en vue de répondre à la conclusion de la décision attaquée.

165    Or, l’annexe C2 est parvenue par courriel le 24 janvier 2017 à la Commission. Il s’ensuit que ce document, de même que la constatation contenue dans la note en bas de page 96 de la décision attaquée, sont tous deux antérieurs à l’introduction du présent recours. Par conséquent, rien ne s’opposait à ce que les requérantes contestent dans la requête cette note en bas de page en produisant l’annexe C2.

166    Dès lors, indépendamment de la pertinence de la preuve en cause, il y a lieu de considérer que les requérantes n’ont pas justifié, au sens de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, la production tardive de ladite preuve, laquelle est donc irrecevable.

167    En ce qui concerne le témoignage de [confidentiel], il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la crédibilité et, partant, la valeur probante d’un document dépendent de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et du caractère sensé et fiable de son contenu (arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 1053).

168    En l’espèce, il y a lieu d’observer que [confidentiel] est un membre de la direction générale de DDC et que ce document a été rédigé, le 30 janvier 2017, c’est-à-dire après la réception par les requérantes de la communication des griefs et de l’exposé des faits, et dans le cadre de la procédure administrative se déroulant devant la Commission, ainsi que l’atteste la dernière phrase du document. Cette déclaration ne constitue donc pas une preuve contemporaine de l’époque du lancement de l’opération, ce qui lui aurait conféré une valeur probante plus élevée (voir, en ce sens, arrêts du 11 mars 1999, Ensidesa/Commission, T‑157/94, EU:T:1999:54, point 312 ; du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied/Commission, T‑5/00 et T‑6/00, EU:T:2003:342, point 181, et du 28 juin 2016, Portugal Telecom/Commission, T‑208/13, EU:T:2016:368, point 149).

169    En outre, même si un témoignage établi par un témoin direct des circonstances qu’il a exposées doit en principe être qualifié d’élément de preuve à valeur probante élevée (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2011, Siemens/Commission, T‑110/07, EU:T:2011:68, point 75), il convient également de prendre en considération le fait que la déclaration en cause en l’espèce a été établie par une personne qui pourrait avoir un intérêt direct dans l’affaire et qui ne saurait être qualifiée d’indépendante de DDC et des requérantes (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2011, Siemens/Commission, T‑110/07, EU:T:2011:68, points 69 et 70). En effet, ce témoignage ne saurait être qualifié de différent et d’indépendant de celui de DDC et, plus largement, des requérantes, dans la mesure où, non seulement [confidentiel] est membre de la direction générale de DDC, mais selon ses propres termes, il se considère comme étant avec DDC les « véritables acteurs de l’acquisition des actifs croates ».

170    Ainsi, les circonstances qui sont relatées dans ce document doivent être étayées par d’autres éléments de preuve afin d’exclure avec certitude l’existence d’un conflit d’intérêts (voir, en ce sens, arrêts du 3 mars 2011, Siemens/Commission, T‑110/07, EU:T:2011:68, points 69 et 70, et du 28 février 2018, Vakakis kai Synergates/Commission, T‑292/15, EU:T:2018:103, point 138).

171    Par conséquent, en l’absence d’autres éléments de preuve venant corroborer ce témoignage, ce document ne saurait établir la réalité des circonstances qui y sont relatées, notamment que DDC a été informée avant Schwenk, avant la réunion du 6 mai 2015, du projet de concentration (voir point 156 ci-dessus).

172    Quant à l’allégation de DDC selon laquelle elle aurait discuté avec HeidelbergCement des possibilités d’investissements avant même que la décision de réaliser l’opération ne soit prise, il y a lieu de relever qu’elle est étayée par une référence à une réponse à une demande d’information de la Commission, sans plus de précision. À supposer que DDC ait entendu viser la réponse de HeidelbergCement et DDC à la demande d’information de la Commission du 23 janvier 2017, il y a lieu de renvoyer aux considérations déjà effectuées au point 166 ci-dessus quant à l’irrecevabilité de cette annexe.

173    Deuxièmement et dans le prolongement de ce qui précède, l’allégation des requérantes visant à remettre en cause les considérants 65 et 73 de la décision attaquée, aux termes desquels Schwenk aurait décidé avec HeidelbergCement de poursuivre l’acquisition avec DDC comme acquéreur final, doit également être rejetée. En effet, il ressort des notes en bas de page 38, 39 et 49 de la décision attaquée que la Commission s’est fondée sur le procès-verbal de la réunion de lancement du « projet Cerberus », du 6 mai 2015, pour établir ses conclusions. Aux termes de ce document, Schwenk a indiqué « être en faveur de l’opération ». Contrairement à ce que font valoir les requérantes, ce point du procès-verbal ne contredit pas la conclusion de la Commission. Quant au témoignage de [confidentiel] sur lequel les requérantes entendent s’appuyer, il ne saurait établir la réalité des circonstances qui y sont relatées en l’absence d’autres éléments de preuve venant le corroborer, ainsi qu’il ressort du point 170 ci-dessus. Pour les mêmes raisons, l’allégation des requérantes, selon laquelle c’était DDC qui était intéressée par l’acquisition des sociétés cibles et non les requérantes par l’intermédiaire de DDC doit être rejetée.

174    L’allégation des requérantes, selon laquelle les affirmations contenues au considérant 59 de la décision attaquée ne seraient étayées par aucun élément de preuve, doit également être rejetée. En effet, ce considérant est la conclusion générale à laquelle abouti la Commission quant à la participation active des requérantes à l’initiative de l’opération. Cette conclusion est fondée sur les constatations effectuées aux considérants 60 à 71 de la décision attaquée et étayée par les éléments de preuve énumérés dans les notes en bas de page y afférentes. Or, les requérantes n’ont pas contesté de façon systématique ces considérants de la décision attaquée et les éléments de preuve qui y sont cités. Pour les éléments contestés, elles n’ont pas réussi à démontrer leur inexactitude matérielle ou une erreur manifeste de leur appréciation par la Commission, ainsi qu’il ressort des points 171 et 173 ci-dessus.

175    Troisièmement, il y a lieu de répondre à l’allégation des requérantes, figurant à la note en bas de page 11 de la réplique, selon laquelle la Commission avait l’obligation d’enquêter si elle ne s’estimait pas suffisamment informée par la réponse de HeidelbergCement et de DDC à sa demande d’information et par le témoignage de [confidentiel].

176    Il y a lieu de relever que l’impératif de célérité qui caractérise l’économie générale du règlement no 139/2004 impose à la Commission de respecter des délais stricts pour l’adoption de la décision finale. À cet égard, il a déjà été jugé que la Commission n’était pas tenue d’effectuer de nouvelles enquêtes de marché à la suite de la réponse à la communication des griefs par les parties notifiantes. En particulier, compte tenu des contraintes de temps qui découlent des délais de procédure prévus par le règlement no 139/2004, la Commission ne saurait, en principe, être tenue, dans chaque cas individuel, d’envoyer, après la communication des griefs et après l’audition des entreprises concernées, à « de nombreux opérateurs économiques » des demandes de renseignements « étendues » peu de temps avant la transmission de son projet de décision au comité consultatif pour le contrôle des concentrations d’entreprises, en application de l’article 19 dudit règlement (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, points 90 et 91).

177    En l’espèce, la réponse de HeidelbergCement et de DDC à la demande d’information de la Commission date du 23 janvier 2017. Le témoignage de [confidentiel] est daté, quant à lui, du 30 janvier 2017 et a été communiqué à la Commission le 8 mars 2017. Ces documents ont donc été transmis après la communication des griefs le 12 décembre 2016 et l’audition du 11 janvier 2017. Partant, il résulte de ce qui précède qu’il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir enquêté après leur réception.

2)      Sur le deuxième argument

178    Au point 17 de la réplique, les requérantes font valoir que DDC était représentée au sein du comité de pilotage et que deux des quatre membres de ce comité étaient membres de la direction de DDC, comme l’indiquerait le point 77 du mémoire en défense qui reprend le considérant 63 de la décision attaquée. Cela montrerait clairement que DDC aurait été étroitement impliquée dans « toutes » les décisions relatives à l’opération, à la différence de Schwenk qui n’y était pas du tout représentée.

179    DDC, quant à elle, fait valoir qu’elle aurait participé à toutes les décisions prises au niveau du comité de pilotage, au sein duquel HeidelbergCement ne disposait ni d’une voix prépondérante ni d’un droit de veto. Dans le prolongement de ce raisonnement, elle fait également valoir qu’elle ne s’est pas « strictement conformée à toutes les décisions prises par HeidelbergCement », mais qu’elle a participé à l’adoption de ces décisions et les a exécutées, parce qu’elle y souscrivait.

180    Il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la participation de DDC au comité de pilotage ne démontre pas que DDC ait été étroitement impliquée dans toutes les décisions relatives à l’opération, mais seulement que DDC a été impliquée dans les décisions adoptées par ledit comité. Or, ni les requérantes ni DDC n’apportent la preuve que DDC aurait pris part aux décisions suivantes de HeidelbergCement.

181    En premier lieu, avant la réunion du 6 mai 2015, HeidelbergCement a pris des décisions concernant la mise en place et la composition du comité de pilotage, le calendrier, la préparation et la soumission d’une offre indicative, la structure du devoir de diligence et les responsabilités y afférentes (considérant 74 de la décision attaquée).

182    En deuxième lieu, les représentants de HeidelbergCement au comité de pilotage ont participé aux négociations avec Cemex et ont préparé des documents détaillés, l’évaluation de l’opération et d’autres éléments de l’analyse de rentabilité en vue de la décision du conseil d’administration et du conseil de surveillance de HeidelbergCement autorisant l’acquisition (considérant 75 de la décision attaquée).

183    En troisième lieu, HeidelbergCement a négocié les accords de non-divulgation avec Cemex, a organisé et géré le devoir de diligence et a organisé la planification de la mise en œuvre (considérant 76 de la décision attaquée).

184    En quatrième lieu, avant la signature de la convention écrite d’achat d’actions, un accord verbal sur les principales conditions de l’acquisition a été conclu entre un membre du personnel de HeidelbergCement et de Cemex (considérant 77 de la décision attaquée).

185    En cinquième lieu, à la suite de cet accord verbal, le même membre du personnel de HeidelbergCement a négocié certaines questions en suspens directement avec Cemex (considérant 78 de la décision attaquée).

186    Enfin, DDC n’a produit aucun élément de preuve à l’appui de son affirmation selon laquelle HeidelbergCement ne disposait ni d’une voix prépondérante ni d’un droit de veto au sein dudit comité ou qu’elle ne se serait pas « strictement conformée à toutes les décisions prises par HeidelbergCement ». Elle n’apporte également pas la preuve qu’elle aurait disposée d’un droit de vote ou d’une voix prédominante au sein de ce comité. En effet, le fait que DDC ait été impliquée dans les travaux dudit comité n’induit pas qu’elle y ait joui d’un pouvoir de décision ou d’une voix délibérative prépondérante.

3)      Sur le troisième argument

187    Au point 18 de la réplique, les requérantes font valoir que, lorsque HeidelbergCement a soumis l’offre indicative, il était clair pour Cemex que HeidelbergCement le faisait au nom de DDC et de Rohrdorfer. De plus, avant cette soumission, HeidelbergCement aurait reçu l’approbation de Schwenk, mais aussi de DDC. Cela résulterait très clairement de la note en bas de page 43 de la décision attaquée et contrairement à la déclaration incomplète et trompeuse du point 82 du mémoire en défense, reprenant le considérant 68 de la décision attaquée.

188    DDC fait valoir qu’il ressortirait clairement de l’offre indicative que HeidelbergCement agissait au nom de DDC et de Rohrdorfer. Ainsi, l’offre indicative indiquait clairement et de façon non équivoque que « [confidentiel] ». De plus, DDC aurait approuvé l’offre indicative avant sa soumission.

189    S’agissant de l’allégation selon laquelle il aurait été clair pour Cemex que HeidelbergCement avait soumis l’offre indicative du 8 juin 2015 au nom de DDC et de Rohrdorfer, il suffit de constater que celle-ci n’est nullement étayée. De plus, il n’est pas contesté que cette offre indicative stipulait que « [confidentiel] » et que, HeidelbergCement s’y définissait elle-même comme « [confidentiel] » (considérant 68 et note en bas de page 43 de la décision attaquée). Ces circonstances sont, à elles seules, suffisantes pour constater que, pour HeidelbergCement, l’accord oral de DDC auquel le courriel du 2 juin 2015, cité à la note en bas de page 43 de la décision attaquée, semble se référer, n’était pas décisif. Par ailleurs, les requérantes n’ont pas contesté les conclusions des considérants 69 et 70 de la décision attaquée aux termes desquelles l’offre indicative mettait en lumière l’intérêt stratégique de HeidelbergCement dans l’opération, ainsi que la façon dont l’opération était conforme avec la stratégie commerciale globale de HeidelbergCement.

190    Dès lors, les requérantes et DDC restent en défaut de démontrer qu’il était clair pour Cemex que HeidelbergCement a soumis l’offre indicative au nom de DDC.

191    Par ailleurs, ainsi que le fait remarquer la Commission au point 27 de ses observations sur le mémoire en intervention, DDC n’a fourni aucune preuve à l’appui de son affirmation générale selon laquelle elle aurait approuvé l’offre indicative avant sa transmission.

4)      Sur le quatrième argument

192    Au point 19 de la réplique, les requérantes contestent les points 86 et 91 du mémoire en défense, qui reprennent respectivement les considérants 72 et 80 de la décision attaquée.

193    Selon elles, la Commission aurait omis de mentionner le fait que Schwenk a été tenue informée par DDC. Par ailleurs, l’affirmation selon laquelle DDC se serait strictement conformée à toutes les décisions prises par HeidelbergCement serait inexacte et ne reposerait sur aucun élément de preuve.

194    DDC fait valoir que c’est elle qui informait Schwenk de l’état d’avancement de l’opération. La communication hebdomadaire actualisée serait une pratique de marché courante.

195    Tout d’abord, en ce qui concerne le considérant 72 de la décision attaquée, il y a lieu de relever que cette disposition est la conclusion à laquelle aboutie la Commission au regard des considérants 73 à 81 de cette même décision et qu’il dispose ce qui suit :

« HeidelbergCement [aurait] organisé l’opération : elle [aurait] notamment élaboré le dossier sur la rentabilité commerciale, conçu la structure de l’opération, préparé l’évaluation de l’opération et mené les négociations finales avec Cemex. Schwenk [aurait] été tenue régulièrement informée de l’organisation de l’opération et ne [se serait] jamais opposée à la participation active de HeidelbergCement. DDC [se serait] strictement conformée à toutes les décisions prises par HeidelbergCement. Cela [serait confirmé par les éléments de preuve exposés aux considérants 72 à 81 de la décision attaquée] ».

196    Or, force est de constater que les requérantes n’ont nullement contesté les considérants 74 à 79 et 81 de la décision attaquée, ainsi que les documents internes fournis par les requérantes et DDC sur lesquels ces considérants s’appuient, et dont il ressort que :

–        avant la réunion du 6 mai 2015, HeidelbergCement a pris des décisions concernant la mise en place et la composition du comité de pilotage, le calendrier, la préparation et la soumission d’une offre indicative, la structure du devoir de diligence et les responsabilités y afférentes (considérant 74 de la décision attaquée) ;

–        les membres de HeidelbergCement siégeant au comité de pilotage ont participé aux négociations avec Cemex et ont préparé des documents détaillés, l’évaluation de l’opération et d’autres éléments du dossier sur la rentabilité commerciale en vue de la décision du conseil d’administration et du conseil de surveillance de HeidelbergCement autorisant l’acquisition (considérant 75 de la décision attaquée) ;

–        HeidelbergCement a négocié les accords de non-divulgation avec Cemex, a organisé et géré le devoir de diligence et a organisé la planification de la mise en œuvre (considérant 76 de la décision attaquée) ;

–        en juin 2015, Schwenk a discuté de la structure potentielle de l’opération avec HeidelbergCement (considérant 81 de la décision attaquée) ;

–        le 31 juillet 2015, [confidentiel] (HeidelbergCement) et [confidentiel] (Cemex) ont conclu un accord verbal sur les principales conditions de l’opération (considérant 77 de la décision attaquée) ;

–        après la conclusion de cet accord verbal, HeidelbergCement a négocié certaines questions en suspens directement avec Cemex. (considérant 78 de la décision attaquée) ;

–        à compter de juin 2016, des représentants des requérantes ont siégé au sein d’un comité de pilotage chargé de l’intégration de l’opération, et dont le rôle était de préparer « [confidentiel] » ce qui concerne « [confidentiel] » (considérant 79 de la décision attaquée).

197    Ensuite, en ce qui concerne le considérant 80 de la décision attaquée, les requérantes et DDC ne contestent pas le fait que Schwenk ait effectivement demandé et reçu chaque semaine des informations actualisées sur l’état d’avancement de l’opération.

198    Dès lors, les requérantes et DDC n’apportent pas la preuve que les appréciations contenues aux considérants 72 et 80 de la décision attaquée seraient manifestement erronées.

5)      Sur le cinquième argument

199    Au point 20 de la réplique, les requérantes font valoir que rien n’indique une quelconque participation active de Schwenk à la conception de la structure de financement et de la structure commerciale finalement adoptées, contrairement à ce qu’indique le point 96 du mémoire en défense qui reprend le considérant 82 de la décision attaquée.

200    DDC fait valoir que le fait que la structure de financement ait également été discutée avec HeidelbergCement et Schwenk et que HeidelbergCement ait participé de façon limitée à la conception de cette structure ne changerait rien au fait qu’elle aurait effectué les vérifications préalables appropriées, mise en place le financement de l’opération et négocié avec les banques.

201    À cet égard, l’argumentation des requérantes n’est pas claire, en ce sens qu’elle ne permet pas de déterminer s’il est soutenu que DDC, à titre exclusif, ou que HeidelbergCement, à titre exclusif ou en collaboration avec DDC, ont conçu la structure financière et commerciale de l’opération. En tout état de cause, il y a lieu de relever les éléments suivants.

202    Premièrement, les requérantes ne contestent pas les conclusions de la décision attaquée selon lesquelles HeidelbergCement a participé à différentes actions se rapportant à la conception de la structure de financement de l’opération et de sa structure commerciale connexe, à savoir :

–        avant la signature de la convention d’achat d’actions écrite, un accord verbal sur les principales conditions de l’acquisition a été conclu entre un membre de HeidelbergCement et de Cemex (considérant 77 de la décision attaquée) ;

–        l’un des deux représentants de HeidelbergCement au comité de pilotage était chargé de garder « le contact avec Cemex et les banques » (considérant 83 de la décision attaquée) ;

–        HeidelbergCement a contacté des sociétés de conseil dans le cadre du devoir de diligence financier (considérant 85 de la décision attaquée) ;

–        HeidelbergCement a déterminé l’entité qui devait supporter des emprunts, a décidé si une nouvelle entité devrait être constituée à cette fin, a identifié l’entreprise qui serait l’acquéreur direct, a choisi les entreprises dont il faudrait augmenter le capital et a examiné si elle devait injecter davantage de fonds (considérant 88 de la décision attaquée) ;

–        HeidelbergCement a contacté les banques en juillet 2015, a préparé une note d’information à leur intention, a négocié les accords de non-divulgation avec les banques entre juillet et octobre 2015 et a participé à des réunions avec elles en novembre 2015 (considérant 89 de la décision attaquée) ;

–        HeidelbergCement a convenu avec Cemex du prix d’achat final (considérant 90 de la décision attaquée) ;

–        une équipe de projet composée principalement de représentants de HeidelbergCement a pris des décisions sur une stratégie d’abaissement de la dette (considérant 92 de la décision attaquée).

203    Deuxièmement, il ressort des considérants 99 et 100 de la décision attaquée que Schwenk a participé en août 2015 à des discussions importantes concernant la structure de financement de l’opération, ainsi que celle de sa structure commerciale connexe, notamment en approuvant l’offre indicative et en indiquant qu’elle était disposée à accorder un [confidentiel] afin d’éviter que les requérantes n’aient besoin d’émettre des garanties à l’égard des banques. À supposer à cet égard, comme le soutiennent les requérantes, que la participation à des décisions stratégiques importantes concernant des projets d’acquisition par des entreprises communes de plein exercice soit une « pratique de marché courante » et constitue l’essence même du contrôle conjoint, ces dernières ne démontrent pas que la participation à des discussions importantes concernant la structure de financement de l’opération et la structure commerciale connexe ressortirait d’une telle « pratique » ou d’une telle essence.

204    Troisièmement, DDC reconnaît elle-même, au point 19 de son mémoire en intervention, que HeidelbergCement et Schwenk ont « discuté » de la structure de financement et que HeidelbergCement a participé à sa conception. À cet égard, il ressort du point 202 ci-dessus que la participation de HeidelbergCement à la conception de la structure de financement ne saurait être qualifiée de limitée.

205    Par ailleurs, l’implication éventuelle de DDC dans l’opération n’exclut pas la participation active des requérantes à l’initiative, à l’organisation et au financement de l’opération. En effet, une telle implication est une question distincte de celle de savoir si les requérantes ont participé activement à l’initiative, à l’organisation et au financement de l’opération. Ainsi, le fait que DDC ait « effectué les vérifications préalables appropriées, mis en place le financement de l’opération et négocié avec les banques » n’enlève rien au rôle qu’ont pu jouer les requérantes.

206    Par conséquent, les requérantes ne démontrent pas que DDC, à titre exclusif, ou que HeidelbergCement, à titre exclusif ou en collaboration avec DDC, ont conçu la structure financière et commerciale de l’opération.

6)      Sur le sixième argument

207    Au point 21 de la réplique, les requérantes font valoir que la déclaration de HeidelbergCement reprise au point 105 du mémoire en défense, qui lui-même reprend le considérant 91 de la décision attaquée, montre clairement que DDC était chargée de sécuriser le financement et de négocier avec les banques et que HeidelbergCement n’était pas prête à participer activement au financement ou à être exposée aux risques économiques de l’opération.

208    DDC fait valoir qu’il est clair que cette déclaration d’un employé de HeidelbergCement ne montre pas que DDC se serait strictement conformée aux décisions prises par HeidelbergCement concernant le financement de l’opération.

209    Le considérant 91 de la décision attaquée, repris au point 105 du mémoire en défense, dispose ce qui suit :

« [E]n août 2015, HeidelbergCement a exigé de DDC qu’elle obtienne le financement convenu conformément aux lignes directrices de HeidelbergCement et en étroite collaboration avec le directeur financier et/ou le trésorier de HeidelbergCement : “[confidentiel]”. En ce qui concerne la réticence de HeidelbergCement relative aux garanties d’entreprise, HeidelbergCement a donné l’explication suivante à DDC : “[confidentiel]”. »

210    Il résulte de la première citation que DDC était effectivement chargée de sécuriser le financement et de négocier avec les banques. Toutefois, il ressort également de cet extrait que cette situation résultait d’un ordre donné par HeidelbergCement à DDC, ainsi que l’atteste l’emploi de la formule « [confidentiel] », et que cet impératif était motivé par la nécessité pour HeidelbergCement d’éviter « [confidentiel] » et non par l’absence de volonté de participer au financement de l’opération.

211    Ensuite, le fait que HeidelbergCement n’ait pas voulu [confidentiel] pour l’opération n’exclut pas qu’elle ait pu participer activement à l’opération et, en particulier, à son financement. De plus, ainsi qu’il ressort du point 125 ci-dessus, l’exposition de DDC aux risques économiques et, d’une façon plus générale, son exposition aux avantages et inconvénients de l’opération, n’est pas un critère déterminant pour identifier les véritables acteurs d’une opération et, notamment, apprécier la participation des sociétés mères à cette dernière. Enfin, il y a lieu de relever que c’est HeidelbergCement, et non DDC, qui a pris l’initiative de contacter les banques en juillet 2015, qui a préparé une note d’information à leur intention, qui a négocié les accords de non-divulgation avec les banques entre juillet et octobre 2015 et qui a participé à des réunions avec elles en novembre 2015 (considérant 89). Par ailleurs, l’un des représentants de HeidelbergCement au comité de pilotage était chargé de garder « le contact avec Cemex et les banques » (considérant 83).

212    Enfin, à supposer même, comme le fait valoir DDC, que la déclaration du considérant 91 de la décision attaquée n’induise pas que DDC se soit strictement conformée aux décisions prises par HeidelbergCement concernent le financement de l’opération, DDC n’explique pas à quelles décisions elle ne se serait pas conformée et n’apporte pas la preuve qu’elle se serait opposée d’une quelconque façon à HeidelbergCement.

7)      Sur le septième argument

213    Au point 22 de la réplique, les requérantes font valoir qu’elles n’ont pas participé activement au financement de l’opération. Ainsi, l’augmentation de capital d’un actionnaire afin de permettre à une entreprise commune de plein exercice de payer une partie du prix d’achat au moyen de ses fonds propres serait une « norme de marché courante ». La même chose serait vraie concernant les lettres de confort non contraignantes fournies par les sociétés mères. De plus, DDC aurait négocié avec les banques et aurait été partie à tous les contrats de prêt pertinents, et c’est à DDC que serait revenue la décision d’utiliser ou non les fonds provenant de l’augmentation de capital pour financer le prix d’achat. Enfin, la participation de HeidelbergCement à la conception de la structure de financement de l’opération et à celle de la structure commerciale connexe n’équivaudrait pas à une participation au financement.

214    Tout d’abord, en ce qui concerne l’augmentation de capital et les lettres de confort non contraignantes accordées par les requérantes, il convient de relever que les requérantes se réfèrent une fois de plus à ce qu’elles estiment être une « norme de marché courante », sans apporter aucune preuve permettant d’établir l’existence d’une telle norme et n’expliquent pas les raisons pour lesquelles de tels éléments ne sauraient être considérés comme une participation active à l’opération.

215    Ensuite, en ce qui concerne la participation de DDC et de HeidelbergCement aux négociations avec les banques, il y a lieu de renvoyer aux considérations figurant aux points 210 et 211 ci-dessus.

216    Par ailleurs, les requérantes n’apportent pas la preuve ou, dans tous les cas, ne renvoient pas à une annexe spécifique du dossier établissant que DDC aurait été partie à tous les contrats de prêt pertinents et qu’elle avait une marge de manœuvre ou aurait pris une quelconque décision quant à l’utilisation des fonds provenant de l’augmentation de son capital accordé par les requérantes en vue de financer le prix d’achat.

217    Enfin, il convient de rejeter comme inopérante l’interprétation restrictive des requérantes au terme de laquelle la participation à la conception de la structure de financement de l’opération et à la structure commerciale connexe ne ressortiraient pas à proprement dit du financement de l’opération. En effet, à supposer même que tel soit le cas, une telle participation permettrait toujours d’établir la participation de HeidelbergCement à l’organisation de l’opération. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort des points 122 et 123 ci-dessus, les éléments énumérés au point 147 de la communication consolidée sur la compétence ne constituent pas une liste exhaustive d’hypothèses et il convient de tenir compte de l’ensemble des éléments pertinents pour apprécier la réalité économique de l’opération.

8)      Sur le huitième argument

218    Au point 23 de la réplique, les requérantes font valoir que le fait que HeidelbergCement ait envisagé divers scénarios de financement qui ne se sont jamais concrétisés est dénué de pertinence aux fins de l’appréciation de la participation des requérantes au financement de l’opération. La même chose serait vraie concernant la prétendue disposition de Schwenk à accorder un prêt d’actionnaire à DDC. Ce qui importerait est la participation au schéma de financement qui a finalement été adopté.

219    Dans le prolongement de cette idée, les requérantes font également valoir qu’il n’y a pas eu de tentative de contourner le régime de contrôle des concentrations, contrairement aux insinuations implicites figurant au point 98 du mémoire en défense, reprenant le considérant 84 de la décision attaquée. HeidelbergCement aurait simplement pu acquérir Cemex Croatia elle-même sans que cela entraîne d’obligation de notification. Le document sur lequel s’appuie la Commission contenait une analyse neutre et ne dénote aucune intention de contourner l’obligation de notification.

220    Tout d’abord, comme le soutient la Commission, le degré de participation des requérantes au « schéma de financement qui a finalement été adopté » est certes pertinent, mais ne saurait être déterminant aux fins d’apprécier leur participation à l’opération car dans une telle hypothèse, la Commission serait dans l’impossibilité d’apprécier correctement la réalité économique sous-jacente à la concentration.

221    Ensuite, il y a lieu de relever que, aux termes du considérant 84 de la décision attaquée, la Commission a retenu ce qui suit :

« en mai 2015, HeidelbergCement a envisagé des scénarios pour le financement de l’opération où HeidelbergCement et Schwenk payeraient [confidentiel] millions du prix d’achat qui était estimé à ce moment-là à [confidentiel] millions. La contribution de HeidelbergCement et Schwenk a été, toutefois, ultérieurement réduite à [confidentiel] millions chacune, auquel cas une “notification UE” ne serait pas requise à condition que le “[confidentiel]” »

222    Le Tribunal constate que la Commission s’est contentée de reprendre les propos des requérantes tenus dans le cadre de la procédure administrative, dont l’authenticité n’est, au demeurant, pas contestée, et ne qualifie pas le comportement de ces dernières. Enfin, ainsi que la Commission le fait valoir, il ne lui appartient pas de spéculer sur la question de savoir si HeidelbergCement aurait pu acquérir les sociétés cibles elle-même, ou par l’intermédiaire d’une de ses filiales.

9)      Sur le neuvième argument

223    Au point 24 de la réplique, les requérantes font valoir que la citation du point 100 du mémoire en défense, reprenant le considérant 86 de la décision attaquée, et disposant que, « à la fin juillet 2015, “[confidentiel]” pour Cemex Hungary et Cemex Croatia », renverrait au prix d’achat global devant être payé par DDC et non à [confidentiel], dans la mesure où DDC est généralement considérée comme faisant partie de HeidelbergCement dans les documents internes de ce dernier.

224    Dans le prolongement de cette idée, les requérantes font valoir que dans la terminologie interne de HeidelbergCement, toute société qui conclut un contrat de cession d’actions dans le cadre d’une concentration serait qualifiée de « vecteur d’acquisition ». Dès lors, l’affirmation du considérant 113 de la décision attaquée selon laquelle DDC était considérée comme simple vecteur est erronée et n’est pas corroborée par la citation figurant audit considérant.

225    Pour finir, les requérantes font valoir que DDC n’a pas de département juridique et ne dispose pas du personnel et de l’expérience nécessaire pour négocier une importante opération de fusion et d’acquisition et que DDC opérerait de fait dans le cadre du groupe HeidelbergCement en dépit de sa constitution sociale en entreprise commune sous contrôle conjoint et serait couramment perçue par les acteurs du marché comme faisant partie de HeidelbergCement. C’est donc essentiellement HeidelbergCement qui aurait mené le processus de vente et les négociations avec Cemex au nom et au soutien de DDC.

226    DDC fait valoir, en substance, que le recours à de tierces parties, internes ou externes au groupe, ne saurait être l’élément décisif pour définir les entreprises concernées.

227    Tout d’abord, il y a lieu de relever que, par leur allégation au terme de laquelle DDC n’aurait pas la capacité, en raison de son manque de personnel et d’expérience, de négocier une importante opération de fusion et d’acquisition, les requérantes reconnaissent que la participation de HeidelbergCement à l’opération était décisive. Par ailleurs, cette affirmation contredit celle de DDC selon laquelle HeidelbergCement n’aurait pas pu réaliser l’opération et ne l’aurait pas réalisée sans le soutien de DDC.

228    Ensuite, le considérant 86 de la décision attaquée démontre que HeidelbergCement avait un rôle essentiel dans le financement de l’opération, indifféremment du fait qu’un montant de [confidentiel] devait être payé par [confidentiel].

229    Enfin, le fait, comme le prétendent les requérantes, que DDC soit généralement considérée comme faisant partie de HeidelbergCement, contredit leur affirmation selon laquelle HeidelbergCement n’a ni lancé ni organisé l’opération. En tout état de cause, comme le soutient la Commission, à supposer même que DDC opère de fait dans le cadre du groupe de HeidelbergCement, il y a lieu de considérer que cette constatation  étaye, plutôt qu’elle ne la réfute, la conclusion selon laquelle DDC n’a ni lancé ni organisé l’opération.

230    Dans ce contexte, les requérantes mettent en avant l’affaire M.7252 Holcim/Lafarge, dans laquelle la Commission aurait considéré que DDC faisait partie de HeidelbergCement.À cet égard, et alors même le Tribunal n’est pas lié par la pratique décisionnelle de la Commission (arrêt du 26 octobre 2017, Marine Harvest/Commission, T‑704/14, EU:T:2017:753, point 78), il suffit de relever qu’une constatation effectuée dans une décision qui ne concerne pas les requérantes n’est pas de nature à remettre en cause les considérations qui précèdent.

10)    Sur le dixième argument

231    Au point 25 de la réplique, les requérantes font valoir que le considérant 107 de la décision attaquée n’expliquerait nullement pourquoi les projets antérieurs d’acquisition du prédécesseur légal de Cemex Croatia par DDC ne seraient pas pertinents. Ces projets seraient tout à fait pertinents en tant qu’éléments de preuve circonstancielle du fait que l’opération servirait directement et principalement les « intérêts stratégiques » de DDC elle-même et non les intérêts de ses actionnaires (et que DDC n’était donc pas un simple « vecteur d’acquisition »). Il n’incomberait pas aux requérantes de fournir des preuves ou des arguments supplémentaires pour remettre en question l’allégation de la Commission tenant à un défaut de pertinence de ces projets antérieurs.

232    DDC fait valoir qu’elle envisageait déjà d’acquérir les sociétés cibles il y a plusieurs années.

233    En l’espèce, à supposer que le considérant 107 de la décision attaquée n’explique pas les raisons pour lesquelles les projets d’acquisition antérieurs de DDC ne seraient pas pertinents pour l’opération de 2015, les requérantes restent en défaut de montrer en quoi les intentions passées de DDC seraient pertinentes pour prouver que cette opération servait directement et principalement l’intérêt de DDC et non celui de ses actionnaires.

234    En tout état de cause, ainsi qu’il ressort du point 125 ci-dessus, le fait qu’une entreprise commune de plein exercice puisse avoir un « intérêt stratégique » ou un « intérêt propre » dans une opération de concentration ne saurait empêcher la qualification des sociétés mères d’entreprise concernées.

11)    Sur le onzième argument

235    Au point 25 de la requête, les requérantes font valoir, en substance, que DDC a participé à « toutes » les discussions et décisions relatives à l’évaluation, à l’organisation et à la structuration de l’opération. Elles citent notamment à titre d’exemple le courriel repris au considérant 110 de la décision attaquée qui montrerait clairement, selon elles, que [confidentiel] a été responsable de l’équipe d’acquisition et a participé à la structuration de l’opération, ainsi qu’à l’élaboration des fondements commerciaux étayant une acquisition de Cemex Croatia. Il résulterait de cette citation que DDC a donné son avis à HeidelbergCement sur la meilleure manière de structurer l’opération. Contrairement à ce qu’indiquerait le point 111 du mémoire en défense, reprenant les considérants 109 à 111 de la décision attaquée, cela montrerait la participation de DDC à l’initiative et à l’organisation de l’opération.

236    Le considérant 110 de la décision attaquée dispose ce qui suit :

« [..] les mots du courriel indiquent que DDC a fait part de “[confidentiel]” à HeidelbergCement quant à la meilleure manière de “[confidentiel]”. HeidelbergCement a ultérieurement confirmé durant la procédure administrative que c’était [HeidelbergCement] qui a informé [DDC] de la vente de Cemex Croatia et non pas [DDC] qui a informé [HeidelbergCement]. »

237    Il ressort du point précédent que la contribution de DDC relative à la « structuration » de l’opération a consisté à [confidentiel] en vue de « [confidentiel]», sans considération spécifique relative à la situation existante en 2015. Cela s’apparente plus à la simple utilisation d’informations anciennes qu’à une prise de position ou une analyse quant à la situation existante en 2015. Il ne ressort également pas des termes employés que les deux parties aient été d’un rapport d’égal à égal ou que [confidentiel] et DDC par son entremise aient été « responsables » de l’équipe d’acquisition. L’impression qui s’en dégage est plutôt que DDC a [confidentiel] afin que HeidelbergCement puisse établir sa position ou prendre une décision.

238    En tout état de cause, à supposer que ce courriel puisse être qualifié de consultation ou d’avis, cela ne saurait établir la participation de DDC à « toutes » les discussions et décisions relatives à l’opération. La détermination du rôle et du degré d’implication de DDC dans l’opération ne saurait être basée sur un élément isolé.

239    Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 205 ci-dessus, l’implication éventuelle de DDC dans l’opération n’exclut pas la participation active des requérantes à cette dernière.

12)    Sur le douzième argument

240    Au point 28 de la réplique, les requérantes font valoir qu’aucune décision relative à l’organisation, à la structuration et au financement de l’opération n’aurait été adoptée sans la participation et l’accord de DDC et présentent le témoignage de [confidentiel] à l’appui de cette allégation.

241    DDC fait valoir que [confidentiel] a donné son avis sur les raisons et l’objectif de l’opération. C’est lui qui aurait proposé les prix d’achat de l’offre initiale et de l’offre ferme. DDC fait également valoir que HeidelbergCement n’aurait pas pu réaliser l’opération et ne l’aurait pas réalisée sans son soutien et son approbation.

242    DDC fait également valoir qu’elle était représentée au sein de l’équipe chargée des négociations. Le fait qu’elle aurait été représentée uniquement par son conseiller juridique externe ne changerait rien à cela. Par ailleurs, DDC aurait participé directement aux négociations en ce qui concerne la partie hongroise de l’opération.

243    Ainsi qu’il ressort du point 171 ci-dessus, en l’absence d’autres éléments de preuve venant corroborer le témoignage de [confidentiel], ce document ne saurait établir la réalité des circonstances qui y sont relatées.

244    Quant à l’allégation de DDC, elle n’est étayée par aucun élément de preuve. À supposer que DDC ait entendu viser implicitement le témoignage de [confidentiel], il y a lieu de relever que, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le point précédent, ce document ne saurait remettre en cause les éléments factuels relevés par la Commission dans sa décision. À supposer que DDC ait entendu viser son courriel du 27 juillet 2015 contenant l’offre ferme pour l’achat de Cemex Croatia, produit en tant qu’annexe au mémoire en intervention, il y a lieu de relever qu’il ne ressort pas de ce courriel ou de ses pièces jointes que le prix d’achat de l’offre ferme ait été proposé par [confidentiel] dans la mesure où il n’est ni expéditeur, ni destinataire, ni même en copie de ce courriel.

245    Quant à la présence du conseiller juridique externe de DDC au sein de l’équipe chargée de négociations, si elle peut, à la supposer établie, s’avérer pertinente dans le cadre de l’appréciation globale du faisceau d’indices invoqués par la Commission pour établir la participation active des requérantes à l’opération, elle ne saurait être, à elle seule, déterminante.

246    Quant au fait que DDC aurait participé directement aux négociations en ce qui concerne la partie hongroise de l’opération, à supposer que cela puisse être pertinent dans le cadre de l’appréciation de la participation active à l’opération croate, il indique au contraire que DDC n’était pas aussi impliquée dans la partie croate de l’opération que dans la partie hongroise.

13)    Sur le treizième argument

247    Au point 29 de la réplique, les requérantes font valoir que la présence de DDC au sein du comité de pilotage constitue « en soi » la preuve de la participation étroite de DDC à toutes les discussions et décisions relatives au processus d’acquisition et à l’évaluation, à l’organisation et à la structuration de l’opération.

248    En l’espèce, il convient de rejeter cet argument. En effet, ainsi qu’il ressort du point 180 ci-dessus, la participation de DDC audit comité démontre simplement que DDC a été impliquée dans les décisions adoptées par ce comité. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 186 ci-dessus, les requérantes n’apportent pas la preuve que toutes les décisions relatives à l’opération devaient être entérinées par ledit comité.

14)    Sur le quatorzième argument

249    Au point 30 de la réplique, les requérantes font valoir que, dans la mesure où DDC a soumis l’offre d’achat, a été partie aux accords d’achat finaux et a financé 80 % du prix d’achat par le biais d’emprunts bancaires et les 20 % restants à partir de ses propres fonds, la Commission ne saurait valablement contester que DDC était responsable de payer et de sécuriser le financement de la plus grande partie du prix d’achat.

250    En l’espèce, il ressort de l’annexe I1 du mémoire en intervention que DDC a transmis l’offre d’achat ferme de Cemex Croatia à des banques, par courriel, daté du 27 juillet 2015. L’offre ferme et différents documents connexes étaient joints au courriel. Il ressort ainsi de la décision des actionnaires jointe audit courriel que les requérantes ont autorisé DDC à soumettre une offre ferme et contraignante auprès de Cemex, en son nom propre, au prix d’achat qui était fixé dans la décision. Dès lors, si DDC apporte la preuve de la transmission de son offre à des banques, elle n’apporte pas la preuve qu’elle ait également soumis, conformément à la décision de ses sociétés mères, cette offre à Cemex. Les requérantes ne produisent quant à elles aucune preuve à l’appui de leurs allégations.

251    En tout état de cause, ainsi que le relève la Commission, cette offre d’achat mettait en œuvre l’accord verbal sur les principales conditions de l’opération, dont l’accord sur le prix d’achat final, conclu le 31 juillet 2015 entre HeidelbergCement et Cemex (considérants 77 et 90 de la décision attaquée).

252    En outre, à supposer que DDC ait effectivement payé 80 % du prix d’achat par le biais d’emprunts bancaires et les 20 % restants à partir de ses propres fonds, il ressort des points 13 et 22 de la réplique que c’est grâce à l’utilisation des fonds provenant de l’augmentation de son capital accordé par les requérantes en vue de financer ce prix d’achat.

253    Enfin, le fait que DDC « a été partie aux accords d’achat finaux et a financé 80 % du prix d’achat par le biais d’emprunts bancaires et les 20 % restants à partir de ses propres fonds » ne change rien au fait que ce sont les requérantes, et non DDC, ainsi qu’il ressort des points 202 à 205 ci-dessus, qui ont conçu la structure de financement de l’opération et la structure commerciale connexe.

15)    Sur le quinzième argument

254    Contrairement à ce qu’affirment les requérantes au point 32 de la réplique, la prise en considération des facteurs mentionnés au point 119 du mémoire en défense, qui se réfère à la section 3.4.4 de la décision attaquée, elle-même relative à l’implication de Schwenk dans l’opération, ne conduit pas à rendre la détermination des entreprises concernées par la Commission totalement imprévisible et arbitraire.

255    En effet, en ce qui concerne la prétendue imprévisibilité de l’approche retenue par la Commission, il convient de renvoyer aux points 129 et suivants ci-dessus, desquels il ressort que les requérantes n’ont pas établi une violation du principe de sécurité juridique.

256    En ce qui concerne le prétendu caractère arbitraire de l’approche retenue par la Commission, il convient de relever que l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 laisse à la Commission une marge d’appréciation pour identifier les entreprises concernées, ainsi qu’il résulte des points 105 et 124 ci-dessus. Toutefois, ce pouvoir d’appréciation est limité par les règles de conduite que la Commission s’est elle-même imposée dans la communication consolidée sur la compétence.

257    Ainsi, au terme du point 147 de la communication consolidée sur la compétence, sont qualifiées d’entreprises concernées les sociétés mères qui sont en fait les véritables acteurs de l’opération, en particulier, si leur implication dans l’opération équivaut à une participation active à son initiative, à son organisation et à son financement. Dès lors, le fait que la Commission prenne en considération, dans son appréciation, des faits qui se rattachent à la participation de Schwenk à l’opération ne saurait être qualifié d’arbitraire.

258    Quant aux modalités concrètes de la participation de Schwenk à l’opération et au caractère suffisant des indices retenus par la Commission, ils seront examinés ci-après.

16)    Sur la participation de Schwenk à l’opération

259    Selon les requérantes, Schwenk n’était clairement pas un véritable acteur de l’opération et n’y aurait pas participé activement. Son rôle n’aurait pas dépassé celui d’un actionnaire exerçant le contrôle dans le cadre du projet d’acquisition d’une filiale. Le fait que Schwenk ait été tenue informée du processus d’acquisition par DDC, qu’elle ait été impliquée dans des discussions occasionnelles liées au financement de l’opération et qu’elle ait dû approuver le lancement du processus d’acquisition serait tout à fait normal et constituerait une pratique courante. De plus, Schwenk n’aurait été impliquée ni dans le comité de pilotage responsable du processus d’acquisition, ni dans des questions d’importance stratégique générale. Par ailleurs, aucun élément de preuve n’étayerait les affirmations de la Commission selon lesquelles Schwenk aurait élaboré le financement de l’opération ou identifié celle‑ci comme une opportunité commerciale attractive. Le fait que Schwenk ne se soit jamais opposée à la participation active de HeidelbergCement ne saurait constituer un indice de la participation active de Schwenk à l’opération.

260    Il y a lieu de relever d’emblée que, lorsque deux sociétés mères détiennent respectivement 50 % des parts sociales et 50 % des droits de vote d’une entreprise commune, il n’apparaît pas manifestement erroné de considérer qu’elles exercent toutes les deux une influence déterminante sur cette entreprise commune et que le comportement de cette dernière est déterminé de manière conjointe par les sociétés mères.

261    Par ailleurs, il ressort du point 147 de la communication consolidée sur la compétence que la condition d’une participation active des sociétés mères à l’initiative, à l’organisation et au financement de l’opération n’est remplie que si, sans certaines décisions ou certains agissements des sociétés mères, l’entreprise commune n’aurait pas pu effectuer l’opération en question.

262    Premièrement, en ce qui concerne l’initiative de l’opération, il ressort des considérants 65, 73 et 96 de la décision attaquée que, avant la réunion du 6 mai 2015, HeidelbergCement et Schwenk ont décidé de poursuivre l’acquisition des sociétés cibles avec DDC comme acquéreur final de Cemex Croatia. Ces constatations sont étayées par les notes en bas de page 38, 49 et 79 de la décision attaquée qui visent toutes le même document, à savoir le procès-verbal de la réunion de lancement du « projet Cerberus » du 6 mai 2015. À cet égard, les requérantes se contentent de déclarer sans autre explication, à la note en bas de page 10 de la requête, que « les preuves n’indiquent pas » ce que les considérants 65 et 73 de la décision attaquée mentionnent. Cela ne saurait suffire à remettre en cause les considérations déjà effectuées au point 173 ci-dessus.

263    Selon les considérants 68 et 99 de la décision attaquée, HeidelbergCement a, le 8 juin 2015, soumis l’offre indicative pour l’achat de Cemex Austria et des sociétés cibles, après avoir obtenu l’accord oral de Schwenk. Cette constatation s’appuie sur un courriel du 2 juin 2015 et sur l’offre indicative, ces deux éléments de preuve étant visés sous les considérants en question, aux notes en bas de page 42, 43, 83 et 84 de la décision attaquée. Or, force est de constater que les requérantes n’ont pas contesté les considérants 68 et 99 de la décision attaquée, ni les éléments de preuve qui y sont cités et qu’elles ont également admis cette circonstance au point 18 de la réplique.

264    Deuxièmement, en ce qui concerne l’organisation de l’opération, il ressort des considérants 72 et 105 de la décision attaquée que Schwenk était régulièrement informée de l’organisation de l’opération par HeidelbergCement et n’a jamais cherché à s’opposer de quelque façon que ce soit au rôle de HeidelbergCement. À la note en bas de page 20 de la requête, les requérantes font valoir que cette dernière affirmation ne serait étayée par aucune preuve. Toutefois, elles ne produisent aucun élément de preuve accréditant l’idée selon laquelle Schwenk se serait opposée d’une quelconque façon que ce soit au rôle joué par HeidelbergCement ou à ses décisions. Cela est confirmé par les statuts de DDC selon lesquels l’accord des deux sociétés mères était requis pour l’opération.

265    Selon les considérants 79 et 103 de la décision attaquée, des représentants de HeidelbergCement et Schwenk étaient, depuis juin 2016, membres d’un comité de direction pour l’intégration de l’opération. À la note en bas de page 24 de la requête, les requérantes font valoir que le fait d’avoir rejoint ce comité était dénué de toute pertinence, étant donné que celui-ci avait été établi après la conclusion de l’opération. À cet égard, il suffit de constater que les requérantes n’ont pas contesté les considérants 81 et 98 de la décision attaquée selon lesquels, en juin 2015, HeidelbergCement et Schwenk ont discuté de la structure potentielle de l’opération.

266    Troisièmement, en ce qui concerne le financement de l’opération, les considérants 84 et 97 de la décision attaquée font référence à la préparation par HeidelbergCement, en mai 2015, de scénarios pour le financement de l’opération, prévoyant que HeidelbergCement et Schwenk payeraient entre [confidentiel]- [confidentiel] millions d’euros du prix d’achat qui était estimé à ce moment-là entre [confidentiel]- [confidentiel] millions d’euros. Les paiements de HeidelbergCement et Schwenk ont été réduits ensuite à [confidentiel] millions d’euros chacun. Aux termes de ces considérants, une notification de l’opération ne serait pas requise si [confidentiel]. À la note en bas de page 22 de la requête, les requérantes observent que ces modèles de financement n’ont jamais été mis en œuvre et que la Commission ne soutient pas que Schwenk les aient approuvés. À la note en bas de page 31 de la requête, les requérantes ont qualifié l’allégation de la Commission relative au contournement de l’obligation de notification d’absurde. Il suffit de constater que la référence des requérantes, à la note en bas de page 22 de la requête, à la prétendue absence d’implication de Schwenk en la matière, ne revient à rien d’autre que d’affirmer que HeidelbergCement aurait pu imposer à Schwenk unilatéralement un scénario de financement, ce qui, au vu notamment du fait que les requérantes ont eu des discussions relatives à la structure potentielle de l’opération, ainsi qu’il ressort du point 204 ci-dessus, est peu crédible.

267    Selon les considérants 87 et 100 de la décision attaquée, en août 2015, Schwenk a indiqué sa volonté d’accorder un [confidentiel] afin d’éviter aux requérantes d’avoir à donner des garanties aux banques pour sécuriser le financement de l’opération par DDC. À la note en bas de page 22 de la requête, les requérantes déclarent que [confidentiel] n’a jamais été octroyé. À cet égard, il suffit de constater que les requérantes ne contestent pas la réalité du comportement de la part de Schwenk.

268    Selon les considérants 94 et 102 de la décision attaquée, Schwenk était prête à donner des « soft comfort letters » [confidentiel]. Or, force est de constater que ces considérants n’ont pas été contestés par les requérantes.

269    C’est donc sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a retenu, sur la base d’un faisceau d’indices concordants, que Schwenk avait participé activement à l’opération.

270    Il ressort de ce qui précède que les requérantes et DDC restent en défaut de démontrer que HeidelbergCement aurait agi au nom et au soutien de DDC et que Schwenk n’aurait pas participé activement à l’opération. C’est donc sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu conclure que les requérantes ont participé activement à l’opération et étaient les véritables acteurs de l’opération.

17)    Sur les mesures d’organisation de la procédure proposées par les requérantes et DDC

271    En premier lieu, les requérantes ont proposé de rapporter par le biais de six témoignages différents la preuve de certains faits concernant notamment leur participation ainsi que celle de DDC à l’opération.

272    À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 67 et jurisprudence citée).

273    En l’espèce, le Tribunal a pu utilement se prononcer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés au cours des phases écrite et orale de la procédure. Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande d’audition de témoins, présentée par les requérantes.

274    En second lieu, DDC demande au Tribunal d’« enjoindre » à la Commission de communiquer certains courriels saisis et de lui donner la possibilité de présenter des observations concernant ceux-ci afin de démontrer sa participation active à l’opération, aux fins du premier moyen.

275    Or, il résulte des termes de l’article 88, paragraphe 1, du règlement de procédure que seules les parties principales peuvent solliciter l’adoption de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction. Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande de mesure d’organisation de la procédure de DDC comme étant irrecevable.

c)      Sur la troisième branche, relative au défaut de pertinence des considérations développées et des preuves recueillies après l’ouverture de la phase d’examen approfondi

276    À titre subsidiaire, les requérantes soutiennent que le raisonnement, les allégations factuelles et les preuves figurant aux considérants 37 à 115 de la décision attaquée seraient dénués de pertinence aux fins de l’appréciation des entreprises concernées pour deux raisons.

277    Premièrement, la Commission se serait prononcée de façon définitive sur sa compétence dans la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi. Or, les preuves et le raisonnement se rapportant à ces considérations dans ladite décision, seraient clairement insuffisants pour justifier la compétence de la Commission.

278    Deuxièmement, les requérantes font valoir que toutes les preuves recueillies après l’ouverture de la phase d’examen approfondi seraient illégales et ne sauraient être utilisées contre les parties. En effet, la question de la compétence de la Commission ayant été tranchée par la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, la Commission n’aurait plus compétence pour envoyer des demandes de renseignement visant à obtenir des informations additionnelles sur cette question.

279    S’agissant de ces arguments, il convient de rappeler que l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 dispose que la Commission peut demander aux entreprises de lui fournir tous les renseignements nécessaires pour l’accomplissement des tâches qui lui sont assignées par ledit règlement.

280    Partant, la Commission peut exercer les pouvoirs qui lui sont conférés par ledit article dans la mesure où elle estime ne pas disposer de toutes les informations nécessaires pour se prononcer dans une décision finale sur la compatibilité de l’opération de concentration avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, EU:T:2009:27, point 28).

281    Il s’ensuit que les textes cités ne permettent pas de faire une distinction entre la première phase d’examen et la phase d’examen approfondi en ce qui concerne l’objet des demandes de renseignements. De plus, l’interprétation des requérantes aurait pour effet de rendre la Commission incompétente pour prendre connaissance des observations éventuelles des parties sur la décision d’ouverture de la procédure d’examen approfondi, portant sur la dimension communautaire de leur projet de concentration.

282    Il résulte de ce qui précède que la troisième branche du premier moyen doit être rejetée et partant, le premier moyen dans son ensemble.

C.      Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la définition du marché géographique en cause

283    Par leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent que le raisonnement de la Commission relatif à la définition du marché géographique en cause serait juridiquement et factuellement insoutenable, violerait les principes relatifs à la définition du marché géographique énoncées dans la communication de la Commission, du 9 décembre 1997, sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, ci-après la « communication sur la définition du marché »), et la jurisprudence des juridictions de l’Union.

284    Ce moyen se décompose, en substance, en onze arguments.

1.      Rappel de la décision attaquée

285    La Commission a défini, dans la section 6.3, aux considérants 160 à 207 de la décision attaquée, le marché géographique en cause.

286    Ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 31 ci-dessus, la Commission a conclu, au considérant 160 de la décision attaquée, qu’elle pouvait laisser en suspens la question de savoir si le marché géographique en cause devait être défini comme étant des zones de chalandise circulaires situées dans un rayon de 250 km autour des usines des « parties » ou des zones de chalandise modifiées situées dans un rayon de 250 km autour des usines des « parties », étant donné que l’opération entraverait de manière significative l’exercice d’une concurrence effective, quelle que soit la définition du marché retenue.

287    Au considérant 162 de la décision attaquée, elle a précisé que l’appréciation sous l’angle de la concurrence tenait toutefois compte du fait que, si les zones couvertes par ces deux définitions possibles de marché étaient suffisamment homogènes et pouvaient être distinguées des zones voisines, il existait des variations dans les conditions de concurrence au sein de chacun de ces deux marchés.

288    Après avoir résumé sa pratique décisionnelle antérieure (section 6.3.1) et les observations des parties (section 6.3.2), la Commission a donné un aperçu des principes généraux pour l’évaluation des marchés géographiquement différenciés comme celui du ciment gris (section 6.3.3.1). Aux considérants 174 et 175 de la décision attaquée, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles il ressortait de la nature et des caractéristiques du ciment gris que les conditions de concurrence dans les zones de chalandise changeaient graduellement en fonction de la localisation géographique de chaque client. Au considérant 176 de la décision attaquée, la Commission a estimé que ces conditions signifiaient que, si les conditions de concurrence dans une zone de chalandise circulaire donnée pouvaient être suffisamment homogènes et pouvaient être distinguées des zones voisines, les conditions de concurrence pouvaient être plus homogènes entre les clients situés à proximité les uns des autres et moins homogènes pour les clients plus éloignés.

289    Au considérant 178 de la décision attaquée (section 6.3.3.2), la Commission a considéré que le rayon approprié des zones de chalandise circulaires situées autour des usines de DDC et de Cemex devrait être une distance géodésique de 250 km. Aux considérants 179 à 183 de la décision attaquée, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles le rayon approprié des zones de chalandise circulaires devait être de 250 km. Ces zones représentent en moyenne 90 % des livraisons autour des usines de DDC et de Cemex.

290    Après avoir exposé la situation des territoires en dehors de l’EEE, mais à l’intérieur des zones de chalandise circulaires (section 6.3.3.3), la Commission a expliqué au considérant 190 de la décision attaquée que des arguments militaient en faveur d’un affinage des zones de chalandise circulaires de 250 km autour des usines des « parties » afin de tenir compte des distances spécifiques de livraison aux clients individuels, ainsi que des conditions réelles du réseau routier dans différentes parties des zones de chalandise circulaires (section 6.3.3.4). Selon cette approche modifiée et sur la base des calculs fournis par les requérantes, la Commission a circonscrit une zone de chalandise modifiée autour de l’usine de Cemex à Split, définie comme étant la zone atteinte en parcourant [confidentiel] km par la route (considérants 196 et 197 de la décision attaquée).

291    En vertu du considérant 198 de la décision attaquée, la Commission a estimé qu’une telle approche n’était pas nécessaire pour la zone de chalandise circulaire autour de l’usine de DDC à Kakanj, dans la mesure où cette usine était desservie par des liaisons routières relativement droites entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie.

292    Aux considérants 199 à 207 de la décision attaquée, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles elle a rejeté les arguments de HeidelbergCement contredisant son affirmation selon laquelle le ciment ne serait pas transporté à travers la Bosnie-Herzégovine.

2.      Considérations liminaires

293    Il convient de rappeler que la définition adéquate du marché en cause est une condition nécessaire et préalable à toute appréciation portée sur l’impact concurrentiel d’une opération de concentration (arrêts du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, EU:C:1998:148, point 143, et du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T‑405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 116).

294    Ainsi qu’il découle tant de l’article 9, paragraphe 7, du règlement no 139/2004 que du point 8 de la communication sur la définition du marché, le marché géographique en cause comprend le territoire sur lequel les entreprises concernées sont engagées dans l’offre des biens et des services en cause, sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué des territoires voisins, en particulier en raison des conditions de concurrence sensiblement différentes de celles prévalant sur ces territoires. Dans le cadre de la définition du marché géographique, il convient de tenir compte de plusieurs éléments, tels que la nature et les caractéristiques des produits ou des services concernés, l’existence de barrières à l’entrée, les préférences des consommateurs ainsi que l’existence, entre le territoire concerné et les territoires voisins, de différences considérables de parts de marché des entreprises ou de différences de prix substantielles (arrêts du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T‑346/02 et T‑347/02, EU:T:2003:256, point 115, et du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, EU:T:2009:144, point 52).

295    Enfin, le contrôle juridictionnel des appréciations de la Commission en matière de définition des marchés de référence est celui de l’erreur manifeste (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2002, Airtours/Commission, T‑342/99, EU:T:2002:146, points 26 et 32, et du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T‑346/02 et T‑347/02, EU:T:2003:256, point 199).

296    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’analyser le deuxième moyen.

3.      Appréciation du Tribunal

297    Premièrement, au point 62 de la requête, tel que cela a été précisé à l’audience, les requérantes font valoir que l’affirmation contenue aux considérants 162, 176, 191 et 229 de la décision attaquée, selon laquelle les conditions de concurrence dans les « zones de chalandise en cause » seraient suffisamment homogènes et pourraient être distinguées des zones voisines, ne serait pas suffisamment étayée dans la décision attaquée.

298    Cet argument doit être écarté. En effet, les raisons pour lesquelles les zones de chalandise délimitées par la Commission sont suffisamment homogènes et peuvent être distinguées des zones voisines, sont exposées aux considérants 180 et 181, 196 et 197, ainsi qu’aux tableaux 2 et 3 de la décision attaquée.

299    Tout d’abord, en ce qui concerne la zone de chalandise circulaire autour de l’usine de Cemex à Split et la zone de chalandise circulaire autour de l’usine de DDC à Kakanj, il ressort du considérant 180 et du tableau 2 de la décision attaquée que 90 % des ventes de Cemex et DDC sont livrées, en moyenne, à une distance géodésique de [confidentiel] km au maximum. De plus, les parties n’ont pas contesté le considérant 181, ni les tableaux 2 et 3 de la décision attaquée, au terme desquels 90 % des ventes des principaux concurrents de Cemex, à savoir LafargeHolcim, Titan, Asamer et Nexe, sont également réalisées dans une zone de chalandise circulaire de 250 km depuis leurs usines.

300    Ensuite, en ce qui concerne la zone de chalandise modifiée autour de l’usine de Cemex à Split, il ressort des considérants 180, 196 et 197, ainsi que du tableau 2 de la décision attaquée que [confidentiel] % des ventes de Cemex partant de son usine de Split sont livrées à une distance routière réelle de [confidentiel] km au maximum.

301    Ces chiffres suggèrent que les conditions de concurrence dans les zones de chalandise délimitées par la Commission se distinguent suffisamment des zones voisines où Cemex et DDC ne réalisent que 10 % de leurs ventes.

302    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’allégation développée à la note en bas de page 41 de la requête selon laquelle les différents marchés définis par la Commission sur la base d’une approche circulaire et modifiée ne pourraient être considérés comme suffisamment homogènes dans le cadre d’une définition, mais pas dans l’autre. En effet, ces deux approches sont basées sur des prémisses distinctes, à savoir la distance géodésique pour les zones de chalandise circulaires (considérant 178) et les distances routières réelles et les caractéristiques réelles des voies de communication pour les zones de chalandise modifiées (considérant 189). Dans la mesure où la délimitation de ces zones repose sur des critères différents, il est normal d’aboutir à des contours de zones différents. Pour autant, cela n’induit pas que, au sein de chacune de ces zones, les conditions de concurrence ne sont pas suffisamment homogènes.

303    Deuxièmement, au point 63 de la requête, les requérantes font valoir que si la Commission affirme au considérant 191 de la décision attaquée qu’il existe des différences dans les conditions de concurrence au sein des « marchés correspondant aux zones de chalandise », en raison principalement de facteurs topographiques, et renvoie à cet égard aux explications figurant à la section 7.4 de cette décision, aucun facteur de ce genre ne serait mentionné dans cette section.

304    Cet argument doit être écarté.

305    En effet, la section 7.4 de la décision attaquée contient bel et bien une énumération de facteurs expliquant la différentiation géographique au sein des zones de chalandise en cause. Bien qu’il soit possible de douter de la qualification de ces éléments en « facteurs topographiques » proprement dits, il n’en demeure pas moins que ces éléments sont susceptibles d’expliquer des différences dans les conditions de concurrence.

306    De plus, les requérantes ne contestent aucune des conclusions figurant aux considérants 188, 192 et 197 de la section 6.3.3 de la décision attaquée, auxquels renvoie le considérant 235 de la section 7.4, et au terme desquels, si les livraisons de ciment gris entre la Dalmatie (Croatie) et la Slavonie (Croatie) suivent un itinéraire plus long à travers la Croatie, c’est en raison de la topographie de la Croatie et des pays voisins.

307    Dans ce contexte, il y a également lieu de rejeter les allégations des requérantes visant à remettre en cause le bien-fondé du considérant 233, figurant dans la section 7.4 de la décision attaquée, au terme duquel les prix pratiqués par les cimentiers diffèrent selon les régions de Croatie. En effet, comme le fait valoir la Commission, [confidentiel]. Enfin, les requérantes n’apportent également aucun élément de preuve pour étayer leur affirmation selon laquelle il y aurait de nombreuses explications possibles aux différences de prix.

308    Troisièmement, dans différents passages de leurs écritures et, en particulier, au point 65 de la requête et au point 36 de la réplique, les requérantes font valoir, en substance, que l’appréciation concurrentielle figurant dans la section 7 de la décision attaquée n’aurait pas porté sur le marché géographique défini dans la section 6.3. L’appréciation concurrentielle de la Commission aurait porté sur les zones de chalandise circulaire et modifiée de l’usine de Cemex à Split prises isolément et non sur les marchés comprenant les zones de chalandise à la fois de Split et de Kakanj.

309    Il y a lieu de constater que la prétendue contradiction mise en avant par les requérantes n’est pas fondée.

310    Comme la Commission l’a expliqué, la section 6.3 de la décision attaquée concerne tous les marchés géographiques potentiellement affectés par l’opération, c’est-à-dire les zones de chalandise circulaires autour des usines de DDC à Kakanj et de Cemex à Split, ainsi que la zone de chalandise modifiée autour de l’usine de Cemex à Split. En revanche, la section 7 de la décision attaquée apprécie les marchés géographiques dans lesquels l’opération aurait généré une entrave significative à une concurrence effective, c’est-à-dire les zones de chalandise circulaire et modifiée autour de l’usine de Cemex à Split et leur chevauchement respectif avec la zone de chalandise circulaire autour de l’usine de DDC à Kakanj.

311    À cet égard, il résulte d’une lecture combinée du considérant 252 et de la note en bas de page 188 de la décision attaquée, non contestés par les requérantes, que la zone de chevauchement entre les usines de Split et de Kakanj représente une grande majorité des ventes en volume de ciment gris dans les zones de chalandise circulaire et modifiée autour de l’usine de Cemex à Split et que les autres parties de la zone de chalandise circulaire autour de l’usine de DDC à Kakanj tombent en dehors du champ de compétence de la Commission (territoires en dehors de l’EEE et de la Hongrie) ou n’ont pas d’incidence sur l’appréciation (parties additionnelles limitées de la Slavonie proche de la frontière hongroise).

312    Dans le prolongement de cette idée, il y a également lieu de rejeter l’allégation des requérantes figurant au point 34 de la réplique, selon laquelle la Commission aurait soutenu, dans son mémoire en défense, que l’entrave significative à une concurrence effective, constatée dans la décision attaquée, concernerait une zone de chalandise circulaire de [confidentiel] km autour de l’usine de Cemex à Split. Ainsi que la Commission l’a clarifié au point 42 de la duplique, il s’agit d’une erreur de plume et la décision attaquée définit sans équivoque une zone de chalandise modifiée, non circulaire, de [confidentiel] km, autour de ladite usine.

313    Cette simple erreur de plume étant sans incidence sur le contenu de la décision attaquée, il y a lieu de considérer qu’elle n’en affecte pas la validité (arrêt du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C‑196/99 P, EU:C:2003:529, point 115).

314    Enfin, dans la note en bas de page 13 de la réplique, les requérantes font également valoir que le considérant 196 de la décision attaquée, en vertu duquel les requérantes ont calculé elles-mêmes que la distance moyenne de livraison par route à un client dans la région de Zagreb (Croatie) était de [confidentiel] km, serait incomplet dans la mesure où elles auraient été forcées de communiquer ces données à la suite d’une demande d’information de la Commission qui n’expliquait même pas clairement le but de cette demande de calcul.

315    À cet égard, il suffit de constater que les requérantes ne contestent pas avoir effectué ces calculs et que ces derniers sont corrects.

316    Quatrièmement, au point 66 de la requête, les requérantes font valoir qu’il serait inadmissible de laisser explicitement en suspens la définition du marché en cause. Dans une décision d’interdiction, la Commission devrait parvenir à une conclusion définitive sur cette définition. Sans une définition précise du marché en cause, il serait impossible de mesurer si l’atténuation de la concurrence résultant d’une opération est suffisamment « significative » pour justifier le constat d’une entrave significative à une concurrence effective sur le marché en cause.

317    DDC fait valoir que la Commission ne saurait se prévaloir du point 60 de l’arrêt du 26 octobre 2017, KPN/Commission (T‑394/15, non publié, EU:T:2017:756), au soutien de son approche consistant à laisser ouverte la définition des marchés en cause.

318    Force est de constater que ces allégations reposent sur une lecture erronée de la décision attaquée et de la jurisprudence.

319    Ainsi qu’il ressort des points 31 et 32 ci-dessus, la définition du marché géographique en cause donnée par la Commission au considérant 160 de la décision attaquée n’a pas été laissée en suspens, contrairement à ce qu’affirment les requérantes. Au contraire, cette définition opérée selon deux modalités distinctes apparaît définitive, comme l’atteste l’emploi de l’expression « la Commission conclut », mais également suffisamment précise, puisqu’elle a permis à la Commission de calculer notamment les parts de marché pour les deux types de marchés en cause, ainsi qu’il ressort du considérant 271 de la décision attaquée, et de tirer, d’une façon plus générale, une conclusion quant à l’effet sur le marché de l’opération envisagée.

320    Quant à DDC, elle ne saurait tirer aucun argument utile de l’arrêt du 26 octobre 2017, KPN/Commission (T‑394/15, non publié, EU:T:2017:756). En effet, si, en vertu du point 60 de cet arrêt, la Commission a pu laisser ouverte la définition du marché en cause « dans la mesure où aucune des définitions du marché ne permettait de constater l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective à la suite de la concentration », rien dans ce libellé ne vient limiter le bénéfice de cette solution aux cas d’absence d’entrave sur le marché. En effet, dans un cas comme dans l’autre, la Commission aboutit à une solution consistante quant à l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective à la suite de la concentration.

321    Cinquièmement, au point 67 de la requête, les requérantes critiquent la Commission en ce qu’elle n’aurait pas tenu compte des facteurs énumérés au point 52 de l’arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission (T‑151/05, EU:T:2009:144), repris au point 294 ci-dessus, qui seraient pertinents pour la définition du marché contenue dans la décision attaquée.

322    Il y a lieu de constater, à cet égard, que les requérantes méconnaissent clairement le contenu de la décision attaquée. Ainsi, aux considérants 174 à 176 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que, en raison de la nature et des caractéristiques du ciment gris, les conditions de concurrence changeaient progressivement avec la localisation géographique de chaque client. Elle a examiné l’existence de barrières à l’entrée aux considérants 188, 192 et 199 à 207, les préférences des consommateurs au considérant 174, ainsi que l’existence, entre le territoire concerné et les territoires voisins, de différences considérables de parts de marché des entreprises aux considérants 183, 231 et 232, ou de différences de prix substantielles aux considérants 175 et 233.

323    En ce qui concerne l’allégation des requérantes selon laquelle la Commission n’aurait pas expliqué pourquoi et dans quelle mesure les conditions de concurrence dans les zones de chalandise autour des usines des « parties » auraient été sensiblement différentes de celles prévalant dans les zones voisines, il y a lieu de renvoyer au raisonnement figurant aux points 298 à 302 ci-dessus.

324    En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la décision attaquée n’expliquerait pas comment les conditions de concurrence dans une zone de chalandise pourraient être « suffisamment homogènes » quand les « prix et les niveaux de concentration seraient sensiblement plus élevés en Dalmatie », il y a lieu de renvoyer au point 325 ci-après qui traite de l’évolution progressive des conditions de concurrences qui caractérise des marchés géographiquement différenciés.

325    En ce qui concerne l’allégation des requérantes selon laquelle il serait contradictoire d’affirmer que les conditions de concurrence au sein des « marchés correspondant aux zones de chalandise » sont « suffisamment homogènes » et en même temps « géographiquement différenciées », il y a lieu de relever que, en raison des caractéristiques associées à la vente de ciment gris, à savoir l’existence de coûts de transport et des préoccupations liées à la sécurité de l’approvisionnement, indifféremment de la façon dont sont définis les marchés géographiques pertinents, il existera toujours une différentiation géographique au sein de ces marchés.

326    Dans ce contexte, la référence à la note 32 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, C 31, p. 5, ci-après les « lignes directrices sur les concentrations horizontales »), au considérant 237 de la décision attaquée n’apparaît pas « trompeuse ». En effet, selon ses termes, cette note a pour objet les « diverses façons » dont peuvent se différencier les produits. Elle distingue ainsi la différenciation pouvant exister sur la base de l’endroit où se trouve le produit de celle pouvant être effectuée sur la base du produit lui-même. Contrairement à ce qu’affirment les requérantes, dans le cadre de la différenciation géographique d’un produit, tant la distance à parcourir par le client pour obtenir le produit que la distance à parcourir par le produit pour atteindre le client apparaissent pertinentes. Dans les deux cas, les coûts de transports et la sécurité des approvisionnements jouent un rôle important. Ainsi, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le ciment est un produit géographiquement différencié.

327    Sixièmement, au point 68 de la requête, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir confondu, aux considérants 174 à 177 de la décision attaquée, la définition du marché géographique en cause avec l’appréciation des effets concurrentiels d’une concentration. L’approche de la Commission, tenant compte de l’évolution progressive des conditions de concurrence pour les clients à différents endroits et de la circonstance que le degré d’homogénéité de ces conditions pourrait varier selon la distance, serait vraie pour tout marché géographique.

328    À cet égard, il suffit d’observer que les requérantes n’ont pas contredit l’explication qui ressort de ces considérants, à savoir que, au vu des caractéristiques du ciment gris, notamment la proportion que représente les coûts de transport dans le total des coûts variables de livraison du ciment, la pression concurrentielle exercée par un fournisseur de ce produit pour gagner un client dépend de la distance qui le sépare de ce dernier. Ces constatations ne sont pas vraies pour tout marché géographique.

329    En outre, l’argumentation, de la note en bas de page 53 de la requête, relative aux calculs de parts de marché fondés sur la capacité de production (ci-après les « parts de capacité ») disponibles pour chaque client, est trompeuse. Comme le fait valoir la Commission, cette dernière n’a pas traité, dans la décision attaquée, « chaque client comme un marché géographique distinct », mais a expliqué comment, dans les zones de chalandise en cause, les conditions de concurrence changeaient progressivement en fonction de la localisation géographique des fournisseurs concurrents. Par ailleurs, et en tout état de cause, comme cela est expliqué à la note en bas de page 221 de la décision attaquée, les calculs de parts de capacité ne font que compléter les calculs de parts de marché « plus pertinents » fondés sur les ventes effectives des fournisseurs de ciment gris à l’ensemble de leur clientèle dans les zones de chalandise en cause.

330    Septièmement, au point 69 de la requête, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir appliqué le « test SSNIP », décrit au point 17 de la communication sur la définition du marché.

331    Ainsi que le relève la Commission, à juste titre, au point 143 de son mémoire en défense, le « test SSNIP » n’est pas l’unique méthode à sa disposition lors de la définition des marchés géographiques en cause. De plus, les requérantes n’ont même pas essayé de démontrer que l’application de ce test aurait modifié les conclusions auxquelles est parvenue la Commission dans la décision attaquée.

332    Huitièmement, au point 70 de la requête, les requérantes font valoir que la délimitation, effectuée par la Commission, du marché correspondant à la zone de chalandise modifiée autour de l’usine de Cemex à Split serait complètement arbitraire, dans la mesure où les affirmations de la Commission, avancées aux considérants 193 à 196 de la décision attaquée, empêcheraient toute vérification des raisons pour lesquelles les « liaisons routières moins linéaires » ne seraient pas pertinentes dans la région concernée. L’« approche modifiée » ne serait pas plus fiable que l’« approche circulaire » dans la mesure où la Commission n’aurait pas pris en considération, dans le cadre de cette première approche, les conditions routières et les temps de trajet du réseau routier réel.

333    Cet argument méconnaît le fait que, aux considérants 188 à 192 de la décision attaquée, la Commission a fourni une explication des raisons pour lesquelles la zone de chalandise circulaire autour de l’usine de Cemex à Split pouvait ne pas refléter pleinement les distances réelles de livraison aux clients, en raison notamment de la topographie. Les requérantes n’ont également pas contesté le considérant 196 de la décision attaquée, duquel il résulte que ce sont elles-mêmes qui ont calculé que la distance routière moyenne pour approvisionner un client autour de Zagreb était de [confidentiel] km, ni le considérant 197, duquel il résulte que [confidentiel]. Enfin, elles n’ont pas contesté que, en vertu de ce dernier considérant, l’analyse de leurs données suggérait qu’un rayon géodésique de 250 km aboutissait à surévaluer la zone de chalandise autour de l’usine de Cemex à Split, dans la mesure où [confidentiel]. En tout état de cause, les requérantes n’exposent pas les raisons pour lesquelles, selon elles, cette distance routière de [confidentiel] km autour de l’usine de Cemex à Split n’aurait rien à voir avec une appréciation du caractère suffisamment homogène des conditions de concurrence.

334    Neuvièmement, au point 71 de la requête, les requérantes font valoir que « l’approche de la zone de chalandise modifiée » pourrait tout au plus fournir des résultats utiles si la même modification avait également été appliquée aux zones de chalandise des usines de DDC et de tous les concurrents concernés. De plus, l’affirmation contenue au considérant 198 de la décision attaquée, selon laquelle une modification similaire n’était pas nécessaire, car l’usine de DDC à Kakanj pouvait utiliser des liaisons routières relativement directes entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, ne serait pas étayée.

335    DDC fait valoir que l’affirmation contenue au considérant 198 de la décision attaquée, selon laquelle une modification de la zone de chalandise circulaire de Kakanj n’aurait pas été nécessaire, car l’usine pourrait utiliser des liaisons routières relativement directes entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie, serait erronée.

336    À cet égard, il y a lieu d’observer que les requérantes n’ont pas démontré que l’explication donnée par la Commission, au considérant 198 de la décision attaquée, des raisons pour lesquelles il n’était pas nécessaire de définir une zone de chalandise modifiée pour l’usine de DDC à Kakanj serait manifestement erronée. Ainsi, il ressort dudit considérant que l’usine de Kakanj pourrait utiliser des liaisons routières relativement directes entre la Bosnie-Herzégovine et la Croatie de sorte qu’appliquer l’approche modifiée à cette usine ne devrait pas changer les résultats de l’évaluation de la Commission. Toutefois, si Cemex a la possibilité d’utiliser les mêmes liaisons routières que DDC lorsqu’elle livre du ciment en Croatie, en réalité, elle utilise uniquement des liaisons routières à l’intérieur de la Croatie pour ses livraisons. Cela lui évite d’avoir à franchir deux fois la frontière avec la Bosnie‑Herzégovine pour un temps de conduite équivalent. Cela ressort des considérants 206 et 342, non contestés, de la décision attaquée.

337    Par ailleurs, ainsi qu’il résulte des considérants 188, 327, 339, 358, 359, 368, 372, 379, 385 et 568 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte du réseau routier et de l’état des routes pour Cemex, DDC et d’autres concurrents. À cet égard, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, il ne ressort pas des considérants 188, 372 et 568 que les routes en Bosnie-Herzégovine sont en général en mauvais état, mais seulement que, pour Asamer et Titan, certaines d’entre elles constituent un obstacle au respect des délais de livraison dans la région de Dalmatie.

338    En tout état de cause, les requérantes et DDC n’ont pas démontré que l’établissement d’une zone de chalandise modifiée pour l’usine de DDC à Kakanj et les usines des concurrents concernés aurait abouti à une appréciation différente des effets concurrentiels de l’opération.

339    Dixièmement, au point 72 de la requête, les requérantes font valoir que la délimitation de la zone de chalandise modifiée autour de l’usine de Cemex à Split aurait simplement servi à réduire de façon arbitraire la taille du marché géographique en cause et donc à augmenter les parts de marché totales des « parties ».

340    À supposer même que cette allégation soit fondée, quod non, il n’en demeure pas moins que l’opération aurait généré une entrave significative à une concurrence effective dans la zone de chalandise circulaire de 250 km autour de l’usine de Cemex à Split, ainsi qu’il ressort des considérants 160 et 222 de la décision attaquée.

341    Onzièmement, au point 41 de la réplique, les requérantes font valoir que les considérations de la décision attaquée relatives aux préoccupations de sécurité des approvisionnements et à leur importance pour la différenciation géographique, reprises notamment au considérant 174 de la décision attaquée, ne seraient pas étayées par des preuves, mais seraient également infondées dans la mesure où elles n’auraient aucun impact sur la capacité effective des fournisseurs à livrer ou à expédier de façon rentable dans une zone donnée.

342    Indépendamment de la question de savoir si cet argument est irrecevable comme le soutient la Commission, il y a lieu de constater, en tout état de cause, que, lue dans son intégralité, la décision attaquée expose, de façon appropriée, la pertinence des préoccupations relatives à la sécurité des approvisionnements pour la définition des marchés géographiques en cause. En effet, les clients attachent de l’importance à la sécurité des approvisionnements (considérant 318), de sorte que, plus la distance est grande, moins les livraisons sont concurrentielles (considérant 174).

343    Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

D.      Sur le troisième moyen, tiré de l’absence d’entrave à la concurrence dans une partie substantielle du marché intérieur

344    Par leur troisième moyen, les requérantes soutiennent que la Commission n’aurait pas établi l’existence d’une entrave à la concurrence dans une partie substantielle du marché intérieur.

345    Premièrement, les requérantes font valoir, en substance, qu’il ne suffirait pas que le marché géographique en cause constitue en tant que tel une partie substantielle du marché intérieur. Il faudrait que la partie au sein de ce marché, affectée par le problème de concurrence, constitue également une partie substantielle du marché intérieur. En l’espèce, l’opération aurait, tout au plus, éventuellement généré une entrave significative à une concurrence effective en Dalmatie. Or, ni la Dalmatie ni le « sud de la Croatie » ne constitueraient une partie substantielle du marché intérieur. De plus, la Commission n’aurait pas démontré qu’une entrave significative à une concurrence effective affecterait l’ensemble des « marchés correspondant à la zone de chalandise de Split » visés dans la section 7 et encore moins les marchés pertinents définis dans la section 6.3 de la décision attaquée.

346    Il y a lieu de rejeter cet argument des requérantes.

347    En effet, ainsi qu’il ressort du point 366 ci-après, la notion d’entrave significative à une concurrence effective n’implique pas que toutes les parties des zones de chalandise circulaire et modifiée autour de l’usine de Cemex à Split doivent être affectées de la même manière par cette entrave. Comme le fait remarquer la Commission, bien que, en raison de différences dans les conditions de concurrence existant dans les zones de chalandise, l’entrave significative à une concurrence effective ait été plus forte dans la partie de ces zones correspondant à la région de la Dalmatie, cette entrave aurait néanmoins affecté l’ensemble du territoire de ces zones.

348    Par ailleurs, comme le fait également valoir la Commission au point 158 de son mémoire en défense, l’allégation des requérantes selon laquelle la Dalmatie ne saurait être considérée comme une partie substantielle du marché intérieur est dénuée de pertinence, dans la mesure où ce n’est pas ce qui a été retenu par la décision attaquée. En effet, la Commission a conclu, au considérant 160 de la décision attaquée, que le marché géographique en cause pouvait être défini comme étant des zones de chalandise circulaires situées dans un rayon de 250 km autour des usines des « parties » ou des zones de chalandise modifiées situées dans un rayon de 250 km autour des usines des « parties » et a également conclu, au considérant 222 de la décision attaquée, que l’opération entraverait, de manière significative, l’exercice d’une concurrence effective dans le marché géographique pertinent autour de l’usine de Cemex à Split, en prenant en compte le chevauchement avec la zone de chalandise autour de l’usine de DDC à Kakanj.

349    Deuxièmement, les requérantes font valoir que, en tout état de cause, la Commission n’aurait pas démontré que les « marchés correspondant à la zone de chalandise de Split » constitueraient une partie substantielle du marché intérieur. À cet égard, en premier lieu, elles observent que les sources des chiffres fournis au considérant 479 de la décision attaquée sont floues, que ces chiffres ne sont pas vérifiables et que, même s’ils étaient exacts, ils n’en demeureraient pas moins insignifiants par rapport aux chiffres correspondants à l’ensemble du marché intérieur. En effet, les « marchés correspondant à la zone de chalandise de Split » seraient moins peuplés que des zones ayant été considérées par le passé comme constituant une partie substantielle du marché intérieur. De plus, la « zone de 30 000 km² », invoquée par la Commission ne serait pas clairement définie. En deuxième lieu, la comparaison de la consommation régionale et nationale de ciment serait dénuée de pertinence pour savoir s’il s’agit d’une partie substantielle du marché intérieur. La question de savoir si une zone affectée par une entrave significative à une concurrence effective constitue une partie substantielle du marché intérieur, nécessite une comparaison avec le marché intérieur considéré dans son ensemble et non une comparaison avec des États membres particuliers. En troisième lieu, la Commission n’aurait jamais affirmé que des importations ou des exportations puissent être affectées par la prétendue entrave significative à une concurrence effective.

350    En l’espèce, il ressort du considérant 479 de la décision attaquée que la Commission s’est appuyée sur quatre facteurs, à savoir la superficie, la population, la consommation, ainsi que les exportations et les importations pour conclure que chacun des marchés géographiques alternatifs en cause constituait une partie substantielle du marché intérieur.

351    Il convient donc d’examiner si chacun des marchés géographiques alternatifs en cause est à même de constituer une partie substantielle du marché intérieur.

352    Tout d’abord, en ce qui concerne la superficie et la population des zones concernées, le considérant 479 de la décision attaquée retient une superficie de plus de 30 000 km² et une population de plus de deux millions d’habitants. Ces chiffres sont comparables à ceux du Land de Rhénanie-Palatinat (Allemagne), lequel a été considéré comme une partie substantielle du marché intérieur, avec une superficie de près de 20 000 km2 et une population d’environ quatre millions d’habitants (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C‑475/99, EU:C:2001:577, point 38). En tout état de cause, comme le fait remarquer la Commission, une population de plus de deux millions d’habitants représente une partie substantielle du marché intérieur, indifféremment du fait que ce nombre d’habitants soit ou non similaire, en l’espèce, à celui qui a été considéré comme constituant une partie substantielle du marché intérieur dans des affaires antérieures, dans la mesure où cette population demeure comparable, voir supérieure, à celle de certains États membres (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Jacobs dans l’affaire Ambulanz Glöckner, C‑475/99, EU:C:2001:284, point 129).

353    Ensuite, en ce qui concerne la consommation de ciment gris dans les zones concernées, selon le considérant 479 de la décision attaquée, cette consommation en 2015 était située entre [confidentiel] kt et [confidentiel] kt, soit entre [confidentiel] % de la consommation totale de la Croatie, soit un niveau comparable à celui de plusieurs États membres et plus élevé que celui de plusieurs autres États membres, selon les chiffres fournis par les requérantes elles-mêmes à la Commission au cours de la procédure administrative.

354    À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission a admis avoir commis une erreur de plume à la note en bas de page 523 de la décision attaquée en indiquant que les niveaux de consommation avaient été communiqués par les requérantes dans le formulaire CO, alors qu’ils avaient été, en réalité, communiqués dans le cadre de différentes réponses à des demandes de renseignements, ainsi que l’attestent les annexes B2 et B3 du mémoire en défense.

355    Aux termes de la jurisprudence citée au point 313 ci-dessus, cette simple erreur de plume étant sans incidence sur le contenu de la décision attaquée, il y a lieu de considérer qu’elle n’en affecte pas la validité.

356    Par ailleurs, comme le fait valoir la Commission, sans être contestée sur ce point par les requérantes, il ressort de la décision attaquée, lue dans son intégralité, que la zone de 30 000 km² de la région sous-jacente des zones de chalandise circulaire et modifiée autour de l’usine de Cemex à Split, mentionnée au considérant 479 de la décision attaquée, n’englobe pas la partie des zones de chalandise située en dehors de l’EEE.

357    Enfin, en ce qui concerne les importations et les exportations, il importe peu que l’entrave significative à une concurrence effective dans les zones de chalandise autour de l’usine de Cemex à Split ait pu affecter les importations ou les exportations dans le cadre de la question de savoir si le marché en cause constituait une partie substantielle du marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, C‑179/90, EU:C:1991:464, point 15).

358    Partant, il résulte de ce qui précède que les marchés géographiques alternatifs en cause constituent une partie substantielle du marché intérieur et que le troisième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

E.      Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’appréciation des effets concurrentiels de l’opération

359    Par leur quatrième moyen, les requérantes soutiennent que l’appréciation des effets concurrentiels de l’opération effectuée dans la section 7 de la décision attaquée serait entachée d’erreurs manifestes.

360    Selon le Tribunal, ce moyen se décompose en cinq branches.

1.      Sur la première branche, tirée du fait que l’enquête et l’appréciation concurrentielle ne concernent pas « les marchés en cause »

361    Dans la première branche du quatrième moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que l’appréciation concurrentielle de la Commission n’aurait pas porté sur le marché géographique en cause. Cette branche s’articule autour de deux arguments.

362    En premier lieu, les requérantes font valoir que les considérations relatives aux « marchés correspondant à la zone de chalandise de l’usine à Split » dans la décision attaquée seraient manifestement insuffisantes pour constater une entrave significative à une concurrence effective dans les marchés en cause, en raison du fait que sur les 266 considérants relatifs à l’appréciation concurrentielle figurant dans la section 7 de la décision attaquée, seuls les considérants 208 à 228, 239 et 271 à 288 porteraient directement sur cette zone.

363    Cet argument ne saurait être accueilli. En effet, la légalité d’une décision au sens de l’article 288 TFUE ne saurait dépendre du nombre des considérants de celle-ci ou de la proportion de certains de ses développements par rapport à la taille du reste de la décision.

364    En second lieu, à différents endroits de leurs écritures et, en particulier, aux points 85 et 87 de la requête, les requérantes font valoir, en substance, que la plus grande partie de l’appréciation ne concernerait pas les « marchés correspondant à la zone de chalandise de Split », mais se focaliserait sur les régions croates et, en particulier, sur la Dalmatie.

365    À ce titre, le raisonnement des requérantes apparaît difficilement compréhensible, dans la mesure où il semble être fondé sur la prémisse erronée selon laquelle les zones de chalandise circulaire et modifiée autour de l’usine de Cemex à Split n’incluraient pas de régions croates.

366    En tout état de cause, la notion d’entrave significative à une concurrence effective n’implique pas que toutes les parties des zones de chalandise autour de l’usine de Cemex à Split doivent être affectées de la même manière par cette entrave. Contrairement à ce que semblent soutenir implicitement les requérantes au point 46 de la réplique, la Commission n’a pas conclu à l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective dans une partie seulement d’un marché géographiquement différencié qui n’aurait pas eu d’effets ou que des effets insignifiants sur la concurrence dans d’autres parties de ce même marché. Comme la Commission l’a expliqué, en raison de différences dans les conditions existantes dans les zones de chalandise autour de l’usine de Cemex à Split, l’entrave significative à une concurrence effective aurait été plus forte dans la partie de ces zones correspondant à la région de Dalmatie, mais elle aurait néanmoins affecté l’ensemble de ces zones.

367    À cet égard, les requérantes n’ont pas contesté que, selon leurs propres calculs, auxquels se réfèrent le considérant 288 et le tableau 9 de la décision attaquée, en 2015, en Dalmatie, les parts de marché fondées sur les ventes s’élevaient à [confidentiel] % pour Cemex et à [confidentiel] % pour l’entité issue de l’opération en parts cumulées, alors qu’elles étaient au niveau national de [confidentiel] % pour Cemex et de [confidentiel] % pour l’entité issue de l’opération. Il y a lieu de rappeler également que, selon le considérant 231 de la décision attaquée, Cemex se réfère à la Dalmatie comme son « [confidentiel] ».

368    Il convient par conséquent de rejeter la première branche du quatrième moyen.

2.      Sur la deuxième branche, tirée du fait que les parts de marché ne sont pas des indicateurs valables du problème de concurrence en l’espèce 

369    Dans le cadre de la deuxième branche, les requérantes soutiennent, en substance, que les parts de marché figurant aux considérants 271 à 288 de la décision attaquée, ne seraient pas, en l’espèce, des indicateurs valables des problèmes de concurrence.

a)      Rappel de la décision attaquée

370    Avant d’examiner les arguments avancés par les parties au litige, le Tribunal estime utile de résumer les principales conclusions de la section 7.5 de la décision attaquée, intitulée « parts de marché » dans laquelle la Commission a conclu, au terme du considérant 240, que, après l’opération, les « parties » auraient eu des parts de marché élevées dans les zones de chalandise circulaire et modifiée, autour de l’usine de Cemex à Split, et leur chevauchement respectif avec la zone de chalandise circulaire autour de l’usine de DDC à Kakanj.

371    Au considérant 243 (section 7.5.1), la Commission a conclu que les parts de marché constituaient un indicateur utile de l’importance concurrentielle des « parties » et de leurs concurrents dans « les marchés en cause » (section 7.5.1.1), à la différence du nombre de fournisseurs alternatifs qui ne constituait pas, quant à lui, un indicateur utile (section 7.5.1.2).

372    À la section 7.5.2 et, plus particulièrement, aux sections 7.5.2.1 et 7.5.2.2, la Commission a analysé les deux méthodologies utilisées par les « parties » pour calculer leurs parts de marché, à savoir, d’une part, leurs parts de marché fondées sur les ventes et, d’autre part, leurs parts de capacité. Elle a conclu au considérant 270 (section 7.5.2.3) que les parts de marché pour la zone de chalandise modifiée autour de l’usine de Cemex à Split étaient les mieux adaptées pour l’évaluation de l’opération.

373    Au terme de son analyse (sections 7.5.3 et 7.5.4), la Commission a conclu que, dans la zone de chalandise modifiée autour de l’usine de Cemex à Split, les parts de marché cumulées des « parties » dépassaient les [confidentiel] % en matière de vente et les [confidentiel] % en matière de capacité. Quant à la zone de chalandise circulaire autour de l’usine de Cemex à Split, les parts de marchés cumulées des « parties » dépassaient les [confidentiel] % en matière de vente et les [confidentiel] % en matière de capacité.

374    Il ressort de la note en bas de page 188 que la décision attaquée n’évalue pas les parts de marché dans la zone de chalandise circulaire de 250 km autour de Kakanj en raison du fait que cette zone de chalandise était déjà couverte par l’évaluation pour le chevauchement avec la zone de chalandise circulaire de Split et pour le reste tombait en dehors du champ de compétence de la Commission (territoires en dehors de l’EEE et de la Hongrie) ou n’avait pas d’incidence sur l’évaluation (parties additionnelles limitées de la Slavonie proche de la frontière hongroise).

375    Enfin, au considérant 287 (section 7.5.5), la Commission a conclu que, en raison des variations géographiques au sein des « zones de chalandises en cause », les parts de marché de l’entité issue de l’opération seraient plus élevées en Dalmatie, à savoir [confidentiel] % des ventes en 2015 au terme du considérant 288.

b)      Appréciation du Tribunal

376    Premièrement, au point 89 de la requête, les requérantes font valoir que les parts de marché ainsi définies dans la décision attaquée ne seraient pas adaptées pour fournir une image fiable de la puissance sur le marché de l’entité issue de l’opération et renvoient, à cet égard, à leurs observations sous le deuxième moyen concernant la définition du marché en cause.

377    Ce moyen ayant été rejeté dans son ensemble, ainsi qu’il résulte du point 343 ci-dessus, il y a lieu, pour les mêmes motifs, d’écarter cet argument.

378    Deuxièmement, au point 90 de la requête, les requérantes critiquent la Commission pour avoir, aux considérants 268 et 269 de la décision attaquée, relevé les insuffisances dont souffriraient leurs estimations des parts de marché et d’avoir, en même temps, utilisé ces données au lieu de recueillir des données exactes relatives aux ventes et à la capacité des concurrents.

379    En premier lieu, les requérantes ne démontrent pas que, en utilisant comme base de travail les données qu’elles avaient fournies, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

380    En second lieu, l’argument des requérantes repose également sur une lecture incomplète de la décision attaquée.

381    En effet, il ressort du considérant 268 de la décision attaquée que la Commission a complété ces estimations en reconstituant les parts de marché fondées sur les ventes pour quatre régions de Croatie, calculant les parts de capacité axées sur la clientèle en fonction des rayons de vente moyens et individuels des usines et des terminaux et en examinant d’autres éléments de preuve disponibles, tels que notamment les résultats qualitatifs de son enquête.

382    De plus, ainsi qu’il ressort du considérant 269 de la décision attaquée, les estimations des « parties » leur sont favorables, dans la mesure où elles sous-estiment la part de marché totale de l’entité issue de l’opération. Contrairement à ce que font valoir les requérantes, cela ressort des considérants 269, sous d) et f), au terme desquels les « parties » surestiment la capacité des concurrents, ainsi que la portée géographique de certains terminaux.

383    Enfin, aux termes du considérant 270 de la décision attaquée, les parts de marché de la zone de chalandise modifiée autour de l’usine de Cemex à Split étaient les mieux adaptées pour évaluer l’opération.

384    Troisièmement, au point 91 de la requête, les requérantes font valoir que les niveaux de parts de marché pour l’ensemble d’un marché géographiquement différencié n’auraient aucune utilité en tant qu’indicateur de la puissance de marché dans ce marché global. Les requérantes avancent, aux points 92 à 97 de la requête, six arguments spécifiques pour étayer cette allégation.

385    En premier lieu, les requérantes font valoir que, contrairement à ce qu’indique le considérant 245 de la décision attaquée, aucun de leurs documents internes n’utiliserait les parts de marché pour les marchés en cause retenus dans la section 6.3 ou la section 7 de la décision attaquée. Au point 61 de la réplique, elles ajoutent que ces parts de marché n’autoriseraient aucune conclusion quant à l’importance concurrentielle des fournisseurs dans les marchés délimités différemment et ne confirmeraient nullement que le nombre de fournisseurs distincts de ciment gris dans les marchés correspondant aux zones de chalandise en cause ne serait pas un indicateur approprié des pressions concurrentielles exercées par des fournisseurs concurrents ayant de plus faibles parts de marché.

386    Cet argument est erroné, dès lors qu’il ressort du considérant 245 que DDC (figure 11) et Cemex (figure 12) utilisaient les parts de marché [confidentiel] et non pour les marchés ainsi définis dans les sections 6.3 ou 7 de la décision attaquée et que la Commission n’a pas tiré de conclusion quant à l’importance concurrentielle des fournisseurs.

387    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que le fait que les parts de marché aient été analysées dans d’autres décisions de la Commission, auxquelles cette dernière fait référence au considérant 246 de la décision attaquée, ne constituerait pas un argument valable attestant de la pertinence des parts de marché en l’espèce.

388    Cependant, les requérantes n’ont pas contredit l’affirmation de la Commission selon laquelle, dans aucune des trois affaires mentionnées par la requérante, le nombre de fournisseurs n’a été déterminant.

389    En troisième lieu, les requérantes font valoir que l’affirmation des considérants 248 et 256 de la décision attaquée, selon laquelle la différenciation géographique se reflétera dans les parts de marché fondées sur les ventes serait clairement erronée en ce qui concerne les parts de marché globales. Une estimation en parts de marché pour une zone de chalandise entière empêcherait de déterminer si le fournisseur en cause possède une puissance de marché dans l’ensemble de la zone de chalandise ou seulement dans des parties géographiquement différenciées. Dans la réplique, elles ajoutent que le raisonnement tenu au point 179 du mémoire en défense au terme duquel, plus les parts de marché dans certaines régions seraient élevées, plus un fournisseur de ciment gris serait susceptible d’être proche des clients dans ces zones, et donc de rivaliser efficacement pour les approvisionner, serait incompréhensible et inconciliable avec l’argument de la Commission selon lequel les conditions de concurrence évoluent progressivement. Enfin, elles font valoir que, au terme des tableaux 9 et 10 de la décision attaquée, la Dalmatie était la seule région où une entrave significative à une concurrence effective aurait pu être constatée.

390    Cet argument dénature le considérant 248. En effet, la Commission n’a pas distingué entre les parties du marché qui seraient géographiquement différenciées et celles qui ne le seraient pas, mais a expliqué que, au vu des limites à la concurrence imposées par la nature et les caractéristiques du ciment gris, plus un fournisseur donné sera susceptible d’être localisé à proximité de ses clients et sera en mesure de rivaliser efficacement pour les approvisionner, plus les parts de marché fondées sur les ventes au sein des zones de chalandise autour de l’usine de Cemex à Split seront élevées.

391    En ce qui concerne l’allégation au terme de laquelle, si la Commission considérait effectivement le ciment comme étant un produit différencié, elle aurait dû utiliser des parts de marché fondées sur les ventes plutôt que sur les volumes, il suffit de constater qu’il s’agit d’une hypothèse non étayée par les requérantes.

392    En ce qui concerne l’allégation selon laquelle, en vertu des tableaux 9 et 10 de la décision attaquée, la Dalmatie serait la seule région où une entrave significative à une concurrence effective aurait pu être constatée, il y a lieu de renvoyer aux points 366 et 368 ci-dessus.

393    En quatrième lieu, au point 95 de la requête, les requérantes font valoir que le raisonnement du considérant 249 de la décision attaquée, selon lequel les parts de marché sont censées refléter les avantages ou les faiblesses concurrentiels, ne pourrait s’appliquer que si un fournisseur détenait continuellement une part de marché faible ou élevée durant une longue période. Or, la décision attaquée ne contiendrait qu’un aperçu des parts de marché pour une seule année. De plus, la Commission aurait méconnu le fait qu’un fournisseur exercerait une pression concurrentielle effective en dépit d’une part de marché très faible, voire nulle, dans la mesure où les contrats de fourniture ne dureraient généralement pas plus d’un an.

394    À cet égard, il suffit d’observer que les requérantes n’ont pas contredit les affirmations contenues, d’une part, à la note en bas de page 187 de la décision attaquée, au terme de laquelle il n’y aurait aucune raison de penser que les parts de marché étaient très différentes en 2013 et en 2014, et, d’autre part, au considérant 249, au terme de laquelle, en raison du nombre élevé de possibilités de concurrence, indépendamment de la durée des contrats de fourniture, une faible part de marché indique que le fournisseur qui la détient ne représente pas un fournisseur de substitution crédible pour les clients.

395    En cinquième lieu, au point 96 de la requête, les requérantes font valoir, qu’« on ne voit pas clairement comment » les considérants 251 à 254 de la décision attaquée « pourrait avoir une quelconque pertinence pour apprécier l’importance des parts de marché pour l’ensemble des marchés correspondants à la zone de chalandise de Split ».

396    Ces considérations exposées dans la requête ne remplissent pas les exigences de clarté, de précision et de cohérence minimales des moyens avancés, telles qu’elles sont prévues par l’article 76, sous d), du règlement de procédure et cet argument doit, par conséquent, être rejeté comme irrecevable.

397    En sixième lieu, au point 97 de la requête, les requérantes font valoir que les parts de marché calculées aux considérants 274 et suivants de la décision attaquée seraient erronées, car la Commission aurait attribué erronément les ventes [confidentiel] à ITC, acquis par HeidelbergCement en 2015, et donc à l’entité issue de l’opération. À la note en bas de page 76 de la requête, le raisonnement de ce considérant est qualifié de « clairement insuffisant et insoutenable » et, à la note en bas de page 7, d’« inexact et insoutenable ».  

398    Dans ce contexte, DDC fait également valoir [confidentiel] n’appartient pas aux groupes de sociétés de ITC ou de HeidelbergCement.

399    En l’espèce, il ressort du considérant 127 de la décision attaquée qu’ITC est un producteur de ciment italien qui importe du ciment gris en Croatie. [Confidentiel].

400    Il y a également lieu d’observer que la Commission a formulé trois observations au considérant 274 de la décision attaquée.

401    Tout d’abord, la Commission a observé que l’attribution des ventes [confidentiel] reflétait la façon dont DDC, [confidentiel]. L’argument des requérantes formulé à la note en bas de page 76 de la requête selon lequel « les documents internes de DDC ne constituent assurément pas une raison valable pour attribuer les ventes [confidentiel] à ITC », n’est pas suffisant pour contredire l’observation, reprise au considérant 312 de la décision attaquée, aux termes de laquelle DDC a affirmé que « [confidentiel] ».

402    Ensuite, la Commission a observé qu’ITC pouvait contrôler les ventes d’Armacom en Croatie en réduisant ou en suspendant ses livraisons à ce distributeur. L’argument des requérantes formulé à la note en bas de page 76 de la requête selon lequel ce raisonnement s’appliquerait à toute relation d’un cimentier avec ses clients n’est pas suffisant pour contredire cette affirmation.

403    Enfin, la Commission a observé qu’ITC [confidentiel] pour surmonter la tentative de Cemex Croatia de bloquer les importations de ciment d’ITC en Croatie, y compris en engageant une action en justice contre Cemex. L’argument des requérantes formulé à la note en bas de page 76 de la requête, selon lequel [confidentiel], ne suffit pas à contredire la référence du considérant 440, sous b), de la décision attaquée à un arrêt d’une juridiction nationale daté du 21 décembre 2015, duquel il ressort que Cemex a tenté d’empêcher ITC d’opérer en Croatie par le biais d’enregistrement de marques.

404    Il s’ensuit que les requérantes n’ont pas démontré que les trois raisons invoquées par la Commission au considérant 274 de la décision attaquée pour attribuer les ventes [confidentiel] à ITC seraient manifestement erronées.

405    En tout état de cause, à supposer même que la Commission n’aurait pas dû attribuer les ventes [confidentiel] à ITC, il y a lieu de constater que les parts de marché cumulées en 2015 des requérantes, Cemex et DDC auraient été supérieures à [confidentiel] % (tant en matière de vente que de capacité) dans la zone de chalandise circulaire de l’usine de Cemex à Split ainsi qu’il ressort des tableaux 5, 6 et 8 de la décision attaquée. Quant aux parts de marché dans la zone de chalandise modifiée autour de l’usine de Cemex à Split, elles auraient été supérieures à [confidentiel] % en matière de vente et à [confidentiel] % en matière de capacité ainsi qu’il ressort des tableaux 4 et 7 de la décision attaquée. Ces parts de marché associées aux autres facteurs, résumés au considérant 223 de la décision attaquée, repris au point 34 ci-dessus, confirment l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective dans la section 7 de cette décision.

406    En ce qui concerne l’argument figurant aux notes en bas de page 7 et 76 de la requête contestant l’appréciation de la Commission contenue aux considérants 293 et 312 de la décision attaquée, selon laquelle ITC serait « une puissance concurrentielle importante à l’ouest de la Croatie », il y a lieu de relever qu’il est basé sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, les tableaux 4 à 8 mis en avant par les requérantes pour souligner les faibles parts de marchés d’ITC ne se rapportent pas à l’ouest de la Croatie, mais aux zones de chalandise circulaire et modifiée autour de l’usine de Cemex à Split, ainsi que leurs chevauchements respectifs avec la zone de chalandise circulaire autour de l’usine de DDC à Kakanj. Ce sont les tableaux 9 et 10 de la décision attaquée, établis par la Commission sur la base d’informations fournies respectivement par les « parties » et par les concurrents, qui s’attachent à la Croatie et la divisent en régions. Or, il ressort de ces deux derniers tableaux que, dans la région d’Istrie et de Kvarner, située à l’ouest de la Croatie, ITC a une part de marché de [confidentiel] % dans le premier tableau et de 10 à 20 % dans le second. À supposer même, comme l’affirment les requérantes, que la part de marché d’ITC en Istrie et dans le Kvarner, dans ces deux tableaux, résulterait exclusivement du fait qu’[confidentiel] est située dans cette région, il y a lieu de relever que les requérantes n’ont pas démontré que l’attribution des ventes [confidentiel] à ITC serait manifestement erronée, ainsi qu’il résulte du point 404 ci-dessus. En tout état de cause, cette allégation est inopérante, ainsi qu’il résulte du point 405 ci-dessus.

407    À supposer même que l’observation de DDC au considérant 312 de la décision attaquée, reprise au point 401 ci-dessus, ne prouve pas qu’ITC soit un concurrent important, il y a lieu de relever que cette conclusion s’impose également au vu des chiffres contenus dans les tableaux 9 et 10 de la décision attaquée.

408    En ce qui concerne l’argument figurant au point 40 du mémoire en intervention, il y a lieu de relever que DDC n’indique pas à quel considérant de la décision attaquée la Commission aurait conclu qu’ITC serait un concurrent « dominant » sur les marchés en cause. Dès lors, l’argument selon lequel il ressortirait du tableau 9 de la décision attaquée que la région d’Istrie et de Kvarner serait dominée par LafargeHolcim et non par ITC doit être déclaré irrecevable au regard des prescriptions de l’article 145, paragraphe 2, sous b), du règlement de procédure.

409    En ce qui concerne l’allégation de DDC figurant au même point selon laquelle il existerait de nombreux autres concurrents pouvant approvisionner facilement l’ensemble des régions croates à des prix et des conditions concurrentielles, il y a lieu de relever que ces considérations sont non étayées et doivent, par conséquent, être rejetées.

410    Enfin, DDC demande au Tribunal d’ « enjoindre », sur la base de l’article 88 et de l’article 89, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure, à la Commission, de divulguer les réponses des clients qu’elle a collectées dans le cadre de l’étude de marché.

411    Pour la même raison que celle exposée au point 275 ci-dessus, il y a lieu de rejeter la demande de mesure d’organisation de la procédure de DDC comme étant irrecevable.

412    Il convient par conséquent de rejeter la deuxième branche du quatrième moyen.

3.      Sur la troisième branche, tirée de l’insuffisance des « autres considérations » relatives aux « marchés correspondant à la zone de chalandise de Split » dans la décision attaquée 

413    Dans la troisième branche du quatrième moyen, les requérantes contestent, en substance, les considérants 208 à 221 (section 7.1), 222 à 224 (section 7.2), 225 à 227 (section 7.3) et 239 (section 7.4) de la décision attaquée.

414    Premièrement, au point 98 de la requête, les requérantes reprochent à la Commission, en premier lieu, d’avoir commis une erreur en citant, au considérant 218 de la décision attaquée, le paragraphe 33 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations horizontales et, en second lieu, de s’être engagée dans des considérations générales sur une concurrence potentielle manifestement erronées.

415    En ce qui concerne la première partie de cet argument et, comme l’a expliqué la Commission, la seconde phrase du considérant 218 de la décision attaquée ne constituait qu’une reformulation du paragraphe 33 des lignes directrices sur les concentrations horizontales, repris lui-même à la première phrase de ce même considérant, ainsi que l’atteste l’utilisation de l’expression « en d’autres termes » dans la seconde phrase.

416    Par ailleurs, l’allégation des requérantes, selon laquelle un intérêt des concurrents à augmenter « suffisamment » les ventes, avec pour conséquence d’empêcher une augmentation permanente des prix à la suite de l’opération, existerait clairement dans la présente affaire, n’apparaît étayée par aucune donnée ou aucun renvoi à d’autres pièces du dossier.

417    En tout état de cause, les requérantes n’expliquent pas suffisamment les raisons précises pour lesquelles cette soi-disant erreur serait pertinente pour la légalité de la décision attaquée.

418    En ce qui concerne la seconde partie de cet argument, il y a lieu de constater que la Commission a admis avoir commis une erreur de plume en omettant les mots « l’élimination de » au début de la deuxième phrase du considérant 220 de la décision attaquée, dont la nature est attestée par le reste du considérant qui reflète le libellé du paragraphe 60 des lignes directrices sur les concentrations horizontales.

419    Aux termes de la jurisprudence citée au point 313 ci-dessus, cette simple erreur de plume étant sans incidence sur le contenu de la décision attaquée, il y a lieu de considérer qu’elle n’en affecte pas la validité.

420    Deuxièmement, au point 99 de la requête, les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir analysé aux sections 7.5 à 7.12 les « marchés correspondants à la zone de chalandise de Split » mentionnés au considérant 222 de la décision attaquée et de s’être focalisée presque entièrement sur la Dalmatie.

421    En ce qui concerne cet argument, il suffit de renvoyer aux points 308 à 311 et 366 à 367 ci-dessus.

422    Enfin, l’appréciation de la capacité et l’incitation des concurrents existants ou potentiels de l’entité issue de l’opération à s’étendre ou entrer sur ces marchés sont analysées aux considérants 316 à 324, 325 à 403, 405 à 419, 420 à 430 et 435 à 445 de la décision attaquée.

423    Troisièmement, au point 100 de la requête, les requérantes font valoir que le fait que les concurrents réels et potentiels aient des capacités excédentaires significatives aurait dû suffire pour exclure tout problème de concurrence sur les marchés en cause. Toutefois, au considérant 228 de la décision attaquée, il est indiqué qu’aucun des concurrents actuels et potentiels n’auraient la capacité et l’intérêt d’augmenter ses ventes pour exercer une pression suffisante sur l’entité issue de l’opération. La conclusion énoncée au considérant 228 ne suffirait donc pas pour constater une entrave significative à une concurrence effective et la section 7.7 traiterait à nouveau presque exclusivement de la Dalmatie.

424    Cet argument doit être rejeté. En effet, les requérantes ne donnent pas les raisons pour lesquelles la conclusion figurant au considérant 228, ainsi que les analyses auxquelles ce dernier renvoie, à savoir les considérants 314 à 405 de la décision attaquée (section 7.7), ainsi que les considérants 406 à 419 (section 7.8) par renvoi subséquent du considérant 405 lui-même, ne justifieraient pas ladite conclusion.

425    En ce qui concerne les allégations liées à l’appréciation concurrentielle qui aurait été essentiellement limitée dans la section 7.7 à la Dalmatie, il suffit de renvoyer aux points 308 à 311 et 366 à 367 ci-dessus.

426    En ce qui concerne la note en bas de page 79 de la requête, il y a lieu de relever que les requérantes se contentent de renvoyer aux points 56 et suivants de l’annexe 1 de la réponse de HeidelbergCement à la communication des griefs (annexe A3 de la requête) pour étayer l’allégation du point 100 de la requête selon laquelle le nombre de concurrents et leur capacité excédentaire significative auraient dû suffire pour exclure tout problème de concurrence. Elles affirment également dans cette note en bas de page que les comptes des concurrents ne reposeraient pas sur une méthodologie erronée et renvoient aux points 158 et suivants de ce même document. Ces allégations renvoyant à l’annexe A3 de la requête doivent être rejetées comme étant irrecevables au regard des dispositions de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

427    Il y a également lieu de relever que l’allégation, contenue à la note en bas de page 80 de la requête, selon laquelle la Commission n’aurait pas tenu compte des pressions conjointes exercées par les concurrents sur l’entité issue de l’opération, est contredite par le libellé du considérant 405 de la décision attaquée aux termes duquel, « même pris cumulativement », les concurrents ne seraient pas en mesure d’exercer une contrainte suffisante.

428    Quatrièmement, aux points 101 et 102 de la requête, les requérantes font valoir que la Commission se serait contentée d’affirmer, aux termes du considérant 239 de la décision attaquée, que, « dans l’ensemble des marchés en cause, la concurrence [..] sera perdue après [l’opération] ». Ainsi, l’appréciation concurrentielle des « marchés correspondant à la zone de chalandise de Split » de la Commission aurait consisté à examiner les niveaux de concentration et les parts de marché.

429    À cet égard, il y a lieu de relever, comme le fait remarquer la Commission, que les requérantes isolent artificiellement deux des cinq arguments utilisés par la Commission, non pour appuyer sa conclusion relative à l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective, mais pour rejeter l’allégation des requérantes, figurant au considérant 234 de la décision attaquée, selon laquelle l’appréciation concurrentielle de la Commission aboutissant à la constatation d’une différenciation géographique serait en contradiction avec sa définition du marché.

430    Cinquièmement, au point 103 de la requête, les requérantes font valoir, en substance, que la conclusion de la Commission relative à l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective serait uniquement fondée sur le total élevé des parts de marché de DDC et de Cemex Croatia dans les « marchés correspondant à la zone de chalandise de Split ».

431    À cet égard, il y a lieu de relever, comme le fait remarquer à juste titre la Commission, que sa conclusion n’est pas uniquement fondée sur un total élevé de parts de marché. Ainsi qu’il ressort du considérant 223 de la décision attaquée, repris au point 34 ci-dessus, le total élevé de parts de marché ne constitue qu’un des six éléments sur lesquels la Commission a fondé sa conclusion relative à l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective.

432    Dès lors, il n’y a pas lieu de répondre à la note en bas de page 82 de la requête dans la mesure où, à supposer même que l’argument des requérantes soit fondé, elles n’élaborent pas les raisons pour lesquelles les cinq autres éléments sur laquelle la conclusion de la Commission relative à l’existence de l’entrave est fondée, seraient manifestement erronés.

433    Sixièmement, au point 104 de la requête, les requérantes font valoir que la Commission n’aurait pas expliqué de façon concluante pourquoi les concurrents existants ou potentiels dans les « marchés correspondant à la zone de chalandise de Split » n’auraient pas eu la capacité d’exercer conjointement une pression suffisante sur l’entité issue de l’opération et n’auraient pas été incités à le faire.

434    À cet égard, il y a lieu de relever que le considérant 228 de la décision attaquée, contesté par les requérantes, renvoie aux considérants 315 à 405 de la section 7.7 de cette décision et que le considérant 405, lui-même, renvoie aux considérants 406 à 419 de la section 7.8 de la décision. Il ressort également de la première et de la dernière phrase du considérant 405 que les conclusions « de cette section » s’appliquent également à une réponse cumulative de ces concurrents.

435    Dans ce cadre, ainsi que le fait valoir la Commission au point 190, sous a), du mémoire en défense, non contesté par les requérantes, il ressort des sections 7.7 et 7.8 de la décision attaquée que les concurrents n’auraient pas été en mesure d’exercer une pression suffisante sur l’entité issue de l’opération, dans la mesure où toute capacité inutilisée dont ils disposeraient se trouverait dans des usines nettement plus éloignées de l’usine de Cemex à Split que l’usine de DDC à Kakanj (considérant 409). Cette situation aboutit à des désavantages concurrentiels permanents en raison de coûts de transport plus élevés, de facteurs liés à la sécurité de l’approvisionnement et d’autres inconvénients (considérants 316 à 324) et de la capacité potentielle de l’entité issue de l’opération à faire obstacle à des expansions ou à des entrées sur le marché (considérants 435 à 445).

436    De plus, il ressort des considérants 410 à 419 de la décision attaquée que les concurrents n’auraient pas été incités à exercer une pression suffisante sur l’entité issue de l’opération, car il est probable que, en cas d’augmentation des prix de la part de l’entité issue de l’opération, les concurrents auraient préféré augmenter leurs prix pour bénéficier à leur tour de volumes plus importants vendus à des prix plus élevés. Dans la mesure où les requérantes contestent le bien-fondé de cette conclusion, il y a lieu de renvoyer aux points 452 à 482 ci-après.

437    Il convient par conséquent de rejeter la troisième branche du quatrième moyen.

4.      Sur la quatrième branche, tirée du fait que les pressions conjointes des concurrents dans la « région en cause et autour de cette région » devraient suffire pour exclure toute entrave significative à une concurrence effective

438    Dans la quatrième branche du quatrième moyen, les requérantes soutiennent que les pressions conjointes exercées par les concurrents dans la « région en cause et autour de cette région » devraient suffire pour exclure toute entrave significative à une concurrence effective. Elles critiquent, en substance, le raisonnement tenu au considérant 405 et à la section 7.8 de la décision attaquée. Cette branche du moyen s’articule en trois griefs concernant respectivement la pression résultant des capacités excédentaires, l’intérêt des concurrents à augmenter leurs ventes et la théorie des représailles.

439    Avant d’examiner les arguments des parties au litige, il convient de se prononcer, à titre liminaire, sur une demande de mesure d’instruction sollicitée par les requérantes.

440    Les requérantes observent ainsi que, durant la procédure administrative, les conseillers économiques de HeidelbergCement ont montré, sur la base des informations disponibles dans la salle de données quantitatives, qu’un certain nombre de concurrents ayant des capacités excédentaires suffisantes seraient déjà en mesure d’augmenter [confidentiel] en Dalmatie même aux niveaux de prix actuels et donc, a fortiori, également en cas d’augmentation des prix consécutive à l’opération. Selon elles, les conditions de marché en l’espèce correspondraient exactement à la situation visée au paragraphe 33 des lignes directrices sur les concentrations horizontales. Pour cette raison, elles demandent au Tribunal d’enjoindre à la Commission de produire le rapport confidentiel des conseillers économiques de HeidelbergCement, en vertu de l’article 91, sous b), du règlement de procédure. Il s’ensuivrait, que la conclusion visée au considérant 405 de la décision attaquée serait « juridiquement et économiquement insoutenable ».

441    Cette demande de mesure d’instruction doit être rejetée.

442    En effet, l’affirmation des requérantes selon laquelle les conditions de marché dans les marchés en cause « correspondent exactement » aux exigences du paragraphe 33 des lignes directrices sur les concentrations horizontales est erronée. Aux termes de ce paragraphe, lorsque la situation sur le marché est telle que les concurrents ont assez de capacités de production et qu’une augmentation suffisante de leurs ventes leur serait profitable, il est peu probable que la Commission conclut que l’opération créera ou renforcera une position dominante ou entravera différemment, de manière significative, la concurrence effective. Or, ainsi qu’il a déjà été dit au point 436 ci-dessus et comme il sera exposé aux points 452 à 482 ci-après, il est probable que, en cas d’augmentation des prix de la part de l’entité issue de l’opération, les concurrents auraient préféré augmenter leurs tarifs pour bénéficier à leur tour de volumes plus importants vendus à des prix plus élevés.

a)      S’agissant de la pression résultant des capacités excédentaires

443    Les requérantes soulèvent deux arguments à l’appui de ce grief.

444    Premièrement, au point 109 de la requête, les requérantes font valoir que la Commission se contenterait d’affirmer que les usines des concurrents sont plus éloignées de l’usine de Cemex à Split que l’usine de DDC à Kakanj et que cela entraînerait des coûts de transport plus élevés, des problèmes de sécurité des approvisionnements et d’autres inconvénients et se référerait ensuite aux sections 7.7.1 et 7.11 de la décision attaquée. Ce raisonnement tenu au considérant 409 de la décision attaquée serait totalement insuffisant pour exclure l’exercice d’une pression concurrentielle suffisante du fait de capacités excédentaires.

445    Il y a lieu de constater que les requérantes effectuent une lecture tronquée du considérant 409 de la décision attaquée.

446    Ainsi, s’il est vrai, comme le soutiennent les requérantes, que la Commission a affirmé que les usines des concurrents étaient plus éloignées de l’usine de Cemex à Split que l’usine de DDC à Kakanj et que cette situation entraînait « des coûts de transport plus élevés, de[s] facteurs liés à la sécurité de l’approvisionnement et d’autres inconvénients », elle a également renvoyé, à la phrase suivante, aux sections 7.7.1 et 7.11 de la décision attaquée, comme le relèvent également les requérantes. Or, il ressort des considérants 316 à 318 de la section 7.7.1 de la décision attaquée et, en particulier du considérant 317, que ce qui aurait empêché les concurrents de pouvoir, collectivement, exercer une pression sur l’entité issue de l’opération aurait été le fait que « leurs installations de production se situent à une distance considérable de nombreux clients dans la zone de chevauchement ».

447    Contrairement à ce qu’affirment les requérantes, au point 65 de la réplique, les considérants 409, 316 à 318 de la décision attaquée se rapportent bien à la « capacité à s’étendre » des concurrents sur le marché en cause, même si cette expression n’y est pas expressément citée. En effet, ce qui importe est la substance de l’appréciation effectuée et non la reprise littérale de certains termes ou expressions.

448    En ce qui concerne l’allégation du point 65 de la réplique selon laquelle les considérants 409, 316 à 318 de la décision attaquée ne se rapporteraient pas au marché en cause, mais à la Dalmatie ou à la zone de chevauchement, il y a lieu de renvoyer aux points 308 à 311 ainsi qu’aux points 366 et 367 ci-dessus.

449    Deuxièmement, au point 110 de la requête, les requérantes font valoir que la Commission n’aurait pas démontré que les concurrents subiraient des coûts de transport ou d’autres inconvénients pour chaque lieu où se trouve un client en Dalmatie, et encore moins dans les marchés en cause. De plus, des coûts de transport plus élevés et d’autres prétendus inconvénients découlant d’une distance plus importante ne seraient pas en eux-mêmes suffisants pour pouvoir conclure qu’un concurrent n’est pas en mesure de concurrencer de façon effective ou d’exercer une pression suffisante sur l’entité issue de l’opération afin de contrecarrer une augmentation de prix.

450    En ce qui concerne la première allégation, il convient de la rejeter dans la mesure où elle a pour corollaire que l’entrave significative à une concurrence effective devrait affecter chaque client au sein du marché géographique. Or tel ne saurait être le cas, ainsi qu’il résulte du point 366 ci-dessus.

451    En ce qui concerne la seconde allégation, il suffit de constater que les requérantes n’ont pas indiqué le ou les passages de la décision attaquée dans lesquels la Commission aurait formulé une telle conclusion.

b)      S’agissant de l’intérêt des fournisseurs concurrents à augmenter leurs ventes 

452    Les requérantes soutiennent, en substance, que les considérants 410 et suivants de la décision attaquée, au terme desquels les fournisseurs concurrents ont un intérêt insuffisant à augmenter leurs ventes pour contrer une augmentation des prix, ne seraient que des spéculations insoutenables, non étayées par les éléments de preuve et donc manifestement erronées.

453    Les requérantes soulèvent sept arguments à l’appui de ce grief.

454    Premièrement, au point 112 de la requête, les requérantes font valoir que, aux considérants 412 à 419 de la décision attaquée, la Commission se lancerait dans des calculs et des affirmations non étayées relatives à la présence de concurrents, aux coûts et aux marges dans différentes régions de Bosnie-Herzégovine et donc dans des régions extérieures à l’EEE. Ces appréciations seraient dénuées de pertinence dans la mesure où l’appréciation concurrentielle de la Commission devrait être limitée aux « marchés en cause » dans l’EEE.

455    Cet argument méconnaît le fait que si, aux considérants 412 à 419 de la décision attaquée, la Commission explique que Asamer, Nexe et Titan, disposent actuellement d’une présence limitée, voire nulle dans les régions de Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) et de Mostar (Bosnie-Herzégovine), ce n’est qu’un argument parmi d’autres visant à réfuter l’argument des « parties », repris au considérant 406 de la décision attaquée, au terme duquel la capacité libre de ciment gris exercera une contrainte concurrentielle importante sur l’entité issue de l’opération.

456    De plus, l’observation des requérantes à la note en bas de page 87 de la requête, selon laquelle la Commission ne fournit aucune preuve au soutien de son affirmation sur la différence entre les coûts de livraison du ciment dans la région de Mostar et en Dalmatie, n’est pas exacte, dès lors qu’il ressort du considérant 414, sous b), de la décision attaquée, que cette différence résulte de la comparaison entre les estimations des coûts additionnels de transport d’Asamer, Nexe et Titan, communiqués par les requérantes, et les coûts additionnels de transport de DDC.

457    Deuxièmement, au point 113 de la requête et aux points 67 et 68 de la réplique, les requérantes font valoir que les considérants 412 à 419 de la décision attaquée reposeraient tous sur un unique document interne de HeidelbergCement contenant des estimations de parts de marché pour 2014. Ce document serait obsolète et n’aurait pas été spécifiquement préparé aux fins de l’appréciation des effets de l’opération. Selon elles, cet unique document ne serait pas suffisant pour étayer les allégations lourdes de conséquences concernant les coûts, les marges et l’intérêt des concurrents à rivaliser dans les marchés des différentes régions de Bosnie-Herzégovine. Les requérantes ajoutent que la Commission n’aurait jamais interrogé les concurrents sur ces sujets.

458    Tout d’abord, en ce qui concerne le caractère prétendument obsolète du document, il suffit de constater que les requérantes n’ont pas contredit l’affirmation de la Commission selon laquelle ce document contiendrait à la fois des chiffres effectifs pour 2014 et des prévisions pour 2015.

459    Ensuite, l’argument selon lequel ce document n’aurait pas été spécifiquement préparé aux fins de l’appréciation des effets de l’opération est dénué de pertinence. Ce qui compte à cet égard, c’est la valeur probante de celui-ci.

460    Enfin, l’argument selon lequel les affirmations contenues dans les considérants susmentionnés reposeraient sur un seul document doit également être rejeté. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’aucun principe de droit de l’Union ne s’oppose à ce que la Commission se fonde sur un seul élément de preuve documentaire, pourvu que la valeur probante de celui-ci ne fasse pas de doute (voir, par analogie, arrêt du 16 juin 2011, FMC Foret/Commission, T‑191/06, EU:T:2011:277, point 122). À cet égard, l’analogie que DDC tente d’établir avec les points 71 et 76 de l’arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice (C‑300/16 P, EU:C:2017:706), est hors de propos, dans la mesure où, à supposer que cette solution soit applicable en l’espèce, la Commission a réuni des preuves suffisantes pour étayer sa conclusion selon laquelle, dans le cas où l’entité issue de l’opération aurait augmenté les prix, les concurrents n’auraient pas été incités à augmenter leurs ventes. En tout état de cause, comme la Commission l’a observé au point 197 de son mémoire en défense, les informations que cette dernière aurait prétendument dû demander aux concurrents, apparaissent dénuées de pertinence. L’affirmation des requérantes selon laquelle le niveau relatif des marges des concurrents dans différentes régions ne saurait être valablement apprécié et comparé sans vérifier les informations relatives aux coûts et aux marges qui les sous-tendent apparaît vague et n’est pas de nature à renverser cette conclusion.

461    Troisièmement, au point 114 de la requête, les requérantes font valoir, que la Commission reconnaît au considérant 418 de la décision attaquée que, en cas d’augmentation des prix consécutive à l’opération, les fournisseurs concurrents auront un intérêt à augmenter leurs ventes « même si c’est seulement “de façon limitée pour bénéficier d’une demande accrue à des prix plus élevés” ». Selon elles, la Commission supposerait donc que les concurrents n’exerceraient pas de pression sur l’entité issue de l’opération, car ils auraient tendance à suivre l’augmentation des prix plutôt que de concurrencer l’entité issue de l’opération. En l’absence de coordination entre les cimentiers, cette théorie serait erronée. Au point 64 de la réplique, les requérantes ajoutent que les considérants 410 à 419 de la décision attaquée seraient insoutenables, ne seraient qu’une simple spéculation et manqueraient d’explication. En particulier, la Commission n’expliquerait pas comment une stratégie poursuivie en parallèle par plusieurs fournisseurs pourrait être durable et n’entraînerait pas de baisse de prix, en l’absence de coordination.

462    Cet argument repose sur une dénaturation du considérant 418. En effet, la Commission a observé audit considérant que l’élimination de la concurrence entre Cemex et DDC « ne sera probablement pas compensée par la présence de fournisseurs de ciment gris plus éloignés et désavantagés sur le plan de la concurrence » et que « les fournisseurs concurrents de ciment gris seront [plutôt] incités à accroître leur production seulement de façon “limitée” en vue de bénéficier d’une demande accrue à des prix plus élevés ».

463    Par ailleurs, comme le fait valoir la Commission, il ressort du considérant 409 de la décision attaquée, qui renvoie aux considérants 316 à 318 et, en particulier du considérant 317, que les concurrents auraient été dans l’incapacité d’exercer collectivement une pression sur l’entité issue de l’opération, dans la mesure où leurs installations de production se situent à une distance considérable de nombreux clients dans la zone de chevauchement.

464    En ce qui concerne l’insinuation des requérantes et de DDC relative à l’utilisation de postulats basés sur une théorie de la coordination, il y a lieu de renvoyer au point 480 ci-après.

465    En ce qui concerne l’allégation de la note en bas de page 90 de la requête, selon laquelle la décision attaquée ne motiverait pas le changement d’intérêt des concurrents prétendument mentionné au considérant 419, sous b), de la décision attaquée, il y a lieu de relever qu’elle repose sur un postulat, non établi, attribué par les requérantes à la Commission, ainsi que l’atteste l’emploi de l’expression « la Commission semble supposer ».

466    Quatrièmement, au point 115 de la requête, les requérantes font valoir que le fait que les concurrents ne soient pas présents en Dalmatie avant l’opération ne permettrait pas de conclure que, après l’opération, ils n’auraient pas de motivation pour approvisionner les clients dans la région en cause. À cet égard, elles invoquent trois arguments spécifiques.

467    En premier lieu, les requérantes font valoir que les fournisseurs ayant des parts de marché faibles voire nulles dans la région concernée seraient décisifs aux fins de la limitation des prix au niveau auxquels ils se trouvent et exerceraient donc une pression concurrentielle. Cet argument doit être rejeté.

468    Tout d’abord, force est de constater que cet argument est directement contredit par le considérant 419, sous b), de la décision attaquée, au terme duquel le raisonnement du considérant 418 s’applique également, à savoir que « les fournisseurs concurrents de ciment gris seront incités à accroître leur production seulement de façon “limitée” en vue de bénéficier d’une demande accrue à des prix plus élevés » (voir point 462 ci-dessus).

469    Ensuite, au considérant 249 de la décision attaquée, la Commission explique que, en raison du nombre élevé de possibilités de concurrence, indépendamment de la durée des contrats de fourniture, une faible part de marché indique que le fournisseur qui la détient ne représente pas un fournisseur de substitution crédible pour les clients.

470    Enfin, l’allégation soutenue au point 69 de la réplique par les requérantes, selon laquelle le fait même qu’un client demande des devis auprès d’une multitude de fournisseurs montrerait qu’il considère ces derniers comme des fournisseurs crédibles, est infondée, dans la mesure où une telle considération dépend surtout du devis et des conditions qui y sont rattachées.

471    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que la décision attaquée ne tiendrait pas compte du fait que, après l’opération, les concurrents anticiperaient une probabilité accrue de décrocher des contrats avec des clients qui se sont fondés sur la concurrence entre les parties avant l’opération. Il y a lieu de constater que cet argument ne constitue qu’une simple hypothèse et est non étayé. Dès lors, il n’y a pas lieu d’y répondre.

472    En troisième lieu, les requérantes font valoir que le raisonnement de la Commission reposerait sur l’attente irréaliste selon laquelle les clients ne réagiraient pas à l’opération, alors que, au contraire, les fournisseurs qui n’exerceraient pas, à l’heure actuelle, d’activité dans la région concernée auraient un intérêt à entrer en concurrence pour l’approvisionnement des clients. Cet argument ne saurait prospérer.

473    Comme cela a été expliqué par la Commission aux points 192 et 198, sous b), de son mémoire en défense et, ainsi qu’il ressort du point 446 ci-dessus, ce qui aurait empêché tous les concurrents de pouvoir, collectivement, exercer une pression sur l’entité issue de l’opération est le fait que leurs installations de production se situent à une distance considérable de nombreux clients dans la zone de chevauchement et que, dès lors, il n’est pas pertinent de déterminer si ces fournisseurs auraient été probablement invités à faire une offre.

474    De plus, au point 69 de la réplique, les requérantes n’expliquent pas les raisons pour lesquelles l’observation figurant au point 198, sous b), du mémoire en défense selon laquelle « tout au plus, la possibilité accrue de remporter des contrats aurait pu encourager ces fournisseurs à rivaliser moins agressivement avec l’entité issue de l’opération », serait illogique et incompréhensible.

475    Enfin, l’observation des requérantes figurant au même point, selon laquelle une concurrence moins agressive ne signifierait pas automatiquement qu’une hausse de prix consécutive à l’opération serait durable ou serait suffisamment importante pour générer une entrave significative à une concurrence effective, méconnaît le fait que le considérant 419 de la décision attaquée ne constitue qu’un des quatre arguments sur lesquels est basée la conclusion figurant au considérant 410 de cette décision relative à l’incitation insuffisante pour les fournisseurs de réduire leurs prix après l’opération.

476    À cet égard, l’affirmation des requérantes selon laquelle l’analyse des effets maximaux aurait montré que tout effet sur les prix, spécifique à l’opération, aurait été minime, même dans le pire scénario, est une spéculation non étayée, car, ni dans la requête ni dans la réplique, elles ne contestent les conclusions selon lesquelles cette analyse n’a pas fourni d’indication fiable des augmentations de prix auxquelles l’opération aurait probablement donné lieu (considérants 458 à 467) et le fait qu’après l’ajustement de cette analyse par la Commission, les inconvénients moyens liés aux coûts de transport pour le fournisseur géographiquement le plus proche étaient estimés à [confidentiel] % (considérant 468).

477    Cinquièmement, au point 116 de la requête, les requérantes reprochent à la Commission, de ne pas avoir examiné si, après l’opération, les concurrents auraient pu mener des ventes « éclairs », c’est-à-dire augmenter rapidement leur offre en cas d’augmentation des prix et la réduire à nouveau tout aussi rapidement sans supporter de frais de sortie significatifs dès que les prix baissent et que les ventes ne sont plus rentables.

478    Mis à part le fait qu’il s’agisse d’une simple allégation sans qu’aucune explication soit fournie des raisons pour lesquelles les fournisseurs concernés auraient eu une incitation à mener de telles ventes, il y a lieu de relever que, sur ce point, les requérantes se contredisent. En effet, au point 115, premier tiret, de la requête, elles ont reconnu que les clients négociaient avec les fournisseurs avant de conclure un contrat et au point 95 de la requête, elles ont admis que ces contrats pouvaient durer jusqu’à un an.

479    Sixièmement, dans différents passages de leurs écritures et, en particulier, aux points 6, 117, 120, 131 de la requête, aux points 56 et 64 de la réplique, ainsi qu’au point 44 du mémoire en intervention, les requérantes et DDC font valoir que certaines spéculations effectuées par la Commission à différents endroits de la décision attaquée suggéreraient que la véritable préoccupation de cette dernière en l’espèce s’avérerait être le soupçon de l’existence d’une coordination tacite ou d’une position dominante collective en Bosnie-Herzégovine.

480    Le Tribunal estime que cette accusation n’est nullement étayée et est inopérante.

481    Septièmement, au point 119 de la requête, les requérantes font valoir que les considérants 410 à 419 de la décision attaquée relatifs à l’intérêt limité des concurrents à augmenter suffisamment l’offre dans les marchés en cause devraient être écartés, dès lors qu’il s’agirait de nouvelles objections qui ne figuraient pas dans la communication des griefs.

482    Étant donné que l’argument susvisé relève du sixième moyen, il y sera répondu aux points 633 à 640 ci-après.

c)      S’agissant de la théorie des représailles 

483    Les requérantes soutiennent, en substance, que ce qu’elles dénomment la « théorie des représailles », exposée à la section 7.11 de la décision attaquée, serait infondée et que les allégations y afférentes ne seraient pas étayées et seraient entièrement infondées.

484    Les requérantes soulèvent huit arguments à l’appui de ce grief.

1)      Rappel de la décision attaquée

485    Avant d’examiner les arguments avancés par les parties, le Tribunal estime utile de résumer les principales conclusions de la section 7.11 de la décision attaquée, dans laquelle la Commission a conclu, au considérant 435 de la décision attaquée, que l’incitation des fournisseurs concurrents à opérer dans « les marchés en cause » était freinée par la menace des représailles de la part de l’entité issue de l’opération.

486    Au considérant 436 de la décision attaquée, la Commission a relevé que le degré de transparence des marchés en cause permettrait à l’entité issue de l’opération de détecter rapidement de potentielles entrées et augmentations des ventes. Au considérant 437 de la décision attaquée, elle a observé que le comportement antérieur de Cemex Croatia et de DDC suggérait que, dans le cadre de leur stratégie commerciale générale ou en réaction à des comportements spécifiques des concurrents, toutes deux avaient eu recours à des mesures de représailles, actuelles ou potentielles, afin de dissuader la menace d’entrée. Au considérant 438 de la décision attaquée, elle a donné cinq exemples de comportement, adoptés par DDC à l’égard de Cemex, Nexe et W&P pour protéger sa position sur le marché en Bosnie-Herzégovine. Au considérant 439 de la décision attaquée, elle a énuméré trois exemples de comportement adoptés par Cemex contre LafargeHolcim, Titan et DDC pour protéger sa position sur le marché en Croatie. Le considérant 440 de la décision attaquée concerne les actions en justice de Cemex Croatia contre ITC afin de freiner la vente de ciment gris importé par ce dernier et son distributeur Armacom. Au considérant 441 de la décision attaquée, le Commission a donné trois exemples afin de démontrer que les fournisseurs de ciment gris dans les « marchés en cause » prenaient en considération le fait que des ventes dans les bastions traditionnels des concurrents pourraient déboucher sur des mesures de représailles, actuelles ou potentielles. Le considérant 442 de la décision attaquée énonce que la capacité de l’entité issue de l’opération à prendre de telles mesures sera renforcée. Aux considérants 443 à 445 de la décision attaquée, la Commission a rejeté l’allégation de HeidelbergCement selon laquelle le comportement décrit aux considérants 436 à 442 de la décision attaquée, ne serait que le fait d’une concurrence vigoureuse.

2)      Appréciation du Tribunal

487    Premièrement, au point 121 de la requête, les requérantes font valoir que la conclusion du considérant 436 de la décision attaquée, relative au degré de transparence des « marchés en cause », ne serait fondée que sur une seule déclaration d’un client et trois autres facteurs qui constitueraient des normes courantes pour toute société opérant dans un marché concurrentiel.

488    À cet égard, il suffit de constater que les requérantes s’abstiennent de contester, en tant que telle, la conclusion de la Commission relative au degré de transparence du marché et ne produisent aucun élément de preuve de nature à la réfuter. Elles ne contestent pas l’exactitude des faits retenus par la Commission et, notamment, celle de l’observation figurant au considérant 436, sous b), de la décision attaquée, selon laquelle [confidentiel]. En tout état de cause, à supposer même, comme l’affirment les requérantes, que [confidentiel] soit une norme courante pour toute société opérant dans un marché concurrentiel, cette situation n’est pas en mesure de remettre en cause l’appréciation de la Commission relative au degré de transparence du marché.

489    Quant à DDC, elle n’explique pas les raisons pour lesquelles [confidentiel] ne seraient en « aucun cas » exactes, fiables ou disponibles pour chaque client.

490    Deuxièmement, au point 123 de la requête, les requérantes font valoir que, en l’absence d’une théorie des effets coordonnés, les représailles ne constitueraient rien d’autre qu’une saine concurrence et que, dès lors, l’affirmation, figurant au considérant 445 de la décision attaquée, selon laquelle la perspective d’une concurrence vigoureuse limiterait l’intérêt des fournisseurs concurrents à entrer ou à augmenter leurs ventes dans les « marchés en cause », serait insoutenable.

491    Cet argument méconnaît le fait que, dans les documents internes des « parties », auxquels font référence le considérant 444 et la note en bas de page 476 de la décision attaquée, Cemex reconnaît que l’objectif des mesures de représailles n’est pas d’assurer une concurrence vigoureuse, mais plutôt de sauvegarder les niveaux de prix actuels. À supposer, comme l’affirment les requérantes, que les documents cités ne contiennent pas [confidentiel], il y a lieu de relever que les requérantes ne produisent pas les documents en question et n’expliquent pas les raisons pour lesquelles elles seraient dans l’impossibilité de les produire spontanément.

492    En tout état de cause, il importe peu de savoir si le comportement de l’entité issue de l’opération devrait être qualifié de concurrence vigoureuse ou de mesure de représailles. Ce qui compte est le fait que les requérantes restent en défaut de démontrer que la conclusion du considérant 445 de la décision attaquée, au terme de laquelle, « dans tous les cas », l’anticipation d’une concurrence vigoureuse limiterait également l’incitation des fournisseurs concurrents à opérer dans les « marchés en cause », reposerait sur une appréciation manifestement erronée.

493    Troisièmement, aux points 124 et 125 de la requête, les requérantes font valoir qu’aucun des exemples cités aux considérants 437 à 440 de la décision attaquée ne concernerait l’entrée ou des mesures de représailles dans les « marchés en cause » et que les déclarations figurant dans les documents internes, citées par ces considérants, montreraient uniquement que Cemex Croatia et DDC se livreraient à une concurrence vigoureuse. En particulier, aucune preuve n’indiquerait que Cemex Croatia ait jamais pris de mesures de représailles contre DDC.

494    Cet argument doit être rejeté. Il ressort sans ambiguïté des détails repris aux considérants 438 et 439 de la décision attaquée que, par le passé, les actions de DDC et Cemex, indifféremment de leurs qualifications, ont toujours frappé les zones les plus proches des usines des concurrents et n’ont jamais consisté en des baisses de prix dans les zones où ces deux opérateurs étaient attaqués, c’est-à-dire dans les zones les plus proches de l’usine de DDC en Bosnie et de l’usine de Cemex à Split. Il s’ensuit également que l’observation des requérantes au point 70 de la réplique selon laquelle ce comportement n’aurait pas figuré dans la décision attaquée est non fondé.

495    Il y a également lieu de relever que les requérantes admettent elles-mêmes au point 134 de la requête que DDC aurait pu être visée par des mesures de représailles de Cemex, dans la mesure où elles allèguent que DDC tout comme les autres concurrents, aurait été exposée aux représailles de Cemex Croatia.

496    Quatrièmement, au point 126 de la requête, les requérantes font valoir que la Commission n’affirmerait même pas qu’une quelconque mesure prise par Cemex Croatia ou DDC, citée aux considérants 437 à 440 de la décision attaquée, ait effectivement freiné une entrée ou à nouveau exclu les « victimes » du marché.

497    À cet égard, il suffit de renvoyer aux exemples donnés au considérant 441 de la décision attaquée établissant que les fournisseurs de ciment gris dans les marchés en cause prennent en considération le fait que les ventes dans les bastions traditionnels des concurrents pourraient déboucher sur des mesures de représailles, actuelles ou potentielles. La question de savoir si les mesures en question ont eu un quelconque effet est ainsi sans pertinence à cet égard.

498    Cinquièmement, au point 127 de la requête et au point 71 de la réplique, les requérantes font valoir que la Commission n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles les actions et intentions de Cemex Croatia avant l’opération seraient pertinentes aux fins de l’appréciation du comportement de l’entité issue de l’opération et n’aurait fourni aucune preuve suggérant que, après l’opération, DDC agirait de la même façon que Cemex Croatia avant l’opération.

499    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en particulier, dans une situation où il est manifeste que l’intérêt commercial d’une entreprise pèse, d’une manière prépondérante, en faveur d’un comportement donné, tel que l’utilisation d’une possibilité de perturber l’entreprise d’un concurrent, la Commission ne commet pas d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’adoption réelle du comportement prévu par l’entité fusionnée est une probabilité. Dans un tel cas, les simples réalités économiques et commerciales du cas d’espèce peuvent constituer les preuves solides requises par la jurisprudence (arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, EU:T:2005:456, point 297).

500    Ainsi, il ressort notamment des déclarations d’un importateur, citées au considérant 441, sous b), de la décision attaquée, que les fournisseurs de ciment gris potentiels ne voulaient généralement pas soutenir les importations en Croatie par peur de représailles de Cemex. À cet égard, il importe peu de savoir si DDC aurait poursuivi la stratégie de Cemex après l’opération. Il suffit que, après l’opération, l’entité issue de l’opération aurait pu prendre des mesures de représailles à l’encontre de Titan au Monténégro et en Bosnie orientale en utilisant l’usine de DDC en Bosnie-Herzégovine alors que, avant l’opération, il était difficile pour Cemex de prendre de telles mesures.

501    Ainsi, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont pas démontré, qu’au vu des exemples cités, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en n’excluant pas la possibilité que l’entité issue de l’opération puisse prendre des mesures de représailles, afin de sauvegarder les niveaux de prix actuels, comme DDC et Cemex l’ont fait par le passé.

502    Sixièmement, au point 128 de la requête, les requérantes rappellent qu’elles ont déjà contesté, au point 164 de la réponse de HeidelbergCement à la communication des griefs, la fiabilité et le caractère concluant de la déclaration figurant au considérant 441, sous b), de la décision attaquée.

503    Ainsi que l’a indiqué la Commission, sans être contredite par les requérantes, l’explication donnée par HeidelbergCement, à cet égard, est spéculative, ainsi qu’il ressort de l’expression « il se pourrait que » et n’est corroborée par aucun élément de preuve.

504    Septièmement, au point 129 de la requête, les requérantes font valoir que l’affirmation de la Commission concernant la réticence d’Asamer à accéder aux marchés traditionnels de Cemex Croatia et de DDC dans le sud de la Bosnie-Herzégovine, figurant au considérant 441, sous c), de la décision attaquée, constituerait une pure spéculation. Loin d’être réticente, Asamer aurait, durant la procédure administrative, clairement montré son désir d’accéder au principal marché de Cemex Croatia en Dalmatie en concluant un accord avec le port de Ploče (Croatie) qui aurait permis à Asamer d’accéder à un terminal de ciment en Dalmatie.

505    Force est de constater que le cas d’Asamer ne constitue que l’un des trois exemples auxquels le considérant 441 de la décision attaquée se réfère et que ce considérant n’est qu’un des six arguments mis en avant par la Commission pour étayer sa conclusion figurant au considérant 435 de cette même décision selon laquelle l’incitation des concurrents à entrer ou à s’étendre dans le marché en cause sera limitée par de possibles mesures de représailles de l’entité issue de l’opération. Ainsi, à supposer même que cet exemple cité au considérant 441, sous c), de la décision attaquée soit dénué de pertinence, il ne s’ensuit pas pour autant que la conclusion de la Commission, basée en partie sur le comportement antérieur de Cemex Croatia et de DDC, serait viciée par une erreur manifeste d’appréciation.

506    Huitièmement, au point 130 de la requête, les requérantes contestent le considérant 442 de la décision attaquée, au terme duquel le « potentiel de représailles » de l’entité issue de l’opération serait renforcé. Selon elles, si cette théorie était correcte, DDC aurait déjà été en mesure d’exercer des représailles à l’encontre des ventes de Titan en Dalmatie par le biais de son usine de Kakanj. De même, rien n’indiquerait que la station de broyage d’ITC ait jamais été utilisée pour freiner les importateurs approvisionnant la Croatie à partir de l’Italie et de la Slovénie. La Commission ne préciserait pas non plus quels importateurs pourraient être affectés par de telles mesures et pourquoi HeidelbergCement aurait une telle incitation.

507    Comme l’a observé la Commission et ainsi qu’il ressort du point 494 ci‑dessus, si DDC n’a jamais adopté de mesures de représailles à l’encontre de Titan dans la région de Dalmatie, c’est parce que cette zone n’était pas la plus proche de l’usine de DDC à Kakanj en Bosnie-Herzégovine. À cet égard, les requérantes ne contestent pas le considérant 438 de la décision attaquée relatif aux efforts de DDC pour protéger sa position sur le marché en Bosnie-Herzégovine, qui est la zone la plus proche de son usine, par des actions au Monténégro, en Slavonie, en Dalmatie et en Slovénie.

508    De même, les requérantes effectuent une lecture erronée du considérant 442, sous b), de la décision attaquée, duquel il ne ressort pas que, avant l’opération, la station de broyage d’ITC a été utilisée pour freiner les importateurs approvisionnant la Croatie à partir de l’Italie et de la Slovénie, mais seulement que, après l’opération, l’entité issue de l’opération pourrait utiliser cette station de broyage pour entreprendre de telles actions.

509    Enfin, il n’est pas nécessaire que la décision attaquée précise quels importateurs seraient affectés par des mesures de représailles et les raisons pour lesquelles l’entité issue de l’opération serait incitée à mener de telles actions. En effet, il ressort de cette décision que les comportements antérieurs suggèrent que Cemex et DDC ont eu recours à des mesures de représailles réelles ou potentielles pour dissuader la menace d’entrée (considérants 437 à 439), que les fournisseurs de ciment gris sur les marchés en cause tiennent compte du fait que les ventes dans les fiefs traditionnels des concurrents peuvent avoir pour résultat des actions de rétorsion réelles ou potentielles (considérant 441) et que, après l’opération, la capacité d’exercer de telles actions par l’entité issue de l’opération aurait été encore plus forte (considérant 442).

510    Dans le cadre d’une conclusion provisoire, au point 132 et à la note en bas de page 98 de la requête, les requérantes s’attachent aux documents cités par la Commission à la section 7.12.1 de la décision attaquée, qui auraient été préparés par le « personnel commercial » de DDC aux fins de « vendre » l’opération à la direction générale de HeidelbergCement. Selon elles, la Commission accorderait trop d’importance à moins d’une poignée de documents sur plusieurs milliers de courriels et de documents recueillis au cours de la procédure, en particulier dans la mesure où la Commission ne prendrait pas en considération le statut, l’origine et l’objectif de ces documents. Le fait de savoir si, et dans quelle mesure, une augmentation des prix pouvait se concrétiser après une concentration dépendrait de façon objective de la situation concurrentielle après celle-ci et non des intentions subjectives internes d’individus au sein de l’organisation commerciale de DDC.

511    À cet égard, il y a lieu de relever que la section 7.12.1 de la décision attaquée constitue une des trois sous-sections de la section 7.12 de la décision attaquée, intitulée « Impact de la transaction », au terme de laquelle la Commission a conclu que l’opération conduirait à des augmentations quantifiables de prix pour le ciment gris et le béton prêt à l’emploi. La section 7.12.1 s’attache aux projections internes de DDC. À cet égard, il ressort de cette section que, au considérant 447 de la décision attaquée, la Commission se réfère à des documents préparés par DDC in tempore non suspecto au terme desquels l’opération aurait entraîné une augmentation des prix. Aux considérants 448 à 450, la Commission explique que la conclusion sur les hausses attendues de prix après l’opération n’est pas modifiée par le fait que, dans des documents postérieurs au lancement de l’opération, les revenus tirés de cette augmentation ont été qualifiés d’économies issues d’optimisations logistiques. Aux considérants 451 à 456 de la décision attaquée, la Commission a exposé cinq arguments détaillant les raisons pour lesquelles les « parties » sont restées en défaut de produire des preuves concluantes expliquant les multiples indications d’augmentation de prix dans les documents contemporains préparés par des cadres dirigeants de DDC, visés aux considérants 447 à 449.

512    Force est de constater que les requérantes n’ont pas contesté le contenu de ces documents ni les cinq arguments exposés par la Commission. À supposer même que les projections de ces documents ne constituent pas des analyses économiques, les requérantes ne démontrent pas pourquoi ceux-ci ne sauraient constituer des preuves suffisantes étayant la possibilité d’une augmentation des prix à l’issue de l’opération. L’argument, selon lequel les documents concernés auraient été préparés par le « personnel commercial » aux fins de « vendre » l’opération auprès de la direction générale, est dénué de pertinence, dès lors qu’il ne saurait être raisonnablement supposé que les auteurs de ceux-ci, à supposer même qu’ils s’agissent de « personnel commercial », aient voulu présenter des projections non fondées.

513    Il convient par conséquent de rejeter la quatrième branche du quatrième moyen.

5.      Sur la cinquième branche,  tirée d’erreurs manifestes dans l’appréciation de la pression concurrentielle exercée individuellement par les concurrents 

514    Dans la cinquième branche du quatrième moyen, les requérantes soulèvent deux griefs, tirés, d’une part, d’erreurs manifestes dans l’appréciation des facteurs généraux limitant la pression exercée par les fournisseurs concurrents (section 7.7.1) et, d’autre part, d’erreurs manifestes dans l’appréciation de la pression exercée par des fournisseurs individuels (section 7.7.2).

a)      S’agissant des erreurs manifestes d’appréciation des facteurs généraux limitant la pression exercée par les fournisseurs concurrents

515    Les requérantes critiquent, au point 134 de la requête, la conclusion de la section 7.7.1 de la décision attaquée au terme de laquelle la capacité des importateurs à se livrer à une concurrence « dans la zone de chevauchement entre les usines des parties à Split et à Kakanj » serait limitée par plusieurs facteurs. Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir mentionné que la plupart de ces facteurs devraient s’appliquer également à DDC en tant qu’importateur de ciment dans les « marchés en cause ». Au soutien de ce grief, les requérantes invoquent quatre arguments.

516    Premièrement, les requérantes font valoir que, tout comme les autres concurrents, l’usine de DDC à Kakanj est plus éloignée que Cemex Croatia de la Dalmatie et du reste des parties croates de la « zone de chalandise de l’usine de Split ». Elle supporterait donc des frais de transport plus élevés pour atteindre les clients dans la « zone de chalandise de Split » que Cemex Croatia.

517    Cet argument méconnaît le fait que le considérant 317 de la décision attaquée, contesté par les requérantes, se rapporte spécifiquement à la zone de chevauchement entre les usines de Split et de Kakanj et non aux zones de chalandise autour de l’usine de Cemex à Split. Contrairement à ce que fait valoir la note en bas de page 99 de la requête, cette approche est conforme à la ligne de conduite fixée aux points 309 et 311 ci-dessus.

518    Par ailleurs, comme cela est indiqué au considérant 301 de la décision attaquée, l’usine de DDC à Kakanj est l’usine de ciment géographiquement la plus proche de l’usine de Cemex à Split.

519    Deuxièmement, les requérantes font valoir que, tout comme les autres concurrents, l’usine de DDC à Kakanj aurait dû être affectée par les questions de sécurité et d’approvisionnements, de qualité et de réputation, décrites aux considérants 318 et 320 de la décision attaquée.

520    À cet égard, force est de constater que les requérantes n’ont pas contesté les déclarations des concurrents figurant au considérant 318 de la décision attaquée dont il ressort que, en raison de la localisation géographique de son usine à Kakanj, DDC est moins préoccupée par les facteurs de sécurité de l’approvisionnement touchant les autres fournisseurs terrestres et maritimes.

521    Par ailleurs, les requérantes n’ont pas contesté la constatation de la Commission, aux considérants 320 et 321 de la décision attaquée, selon laquelle, en raison de la « notoriété de la marque sur le marché croate », les importations de DDC ne font pas face aux mêmes problèmes de qualité et de renommé que les importations originaires de fournisseurs établis en Albanie, Serbie ou Turquie.

522    Par conséquent, les considérants 318, 320 et 321 de la décision attaquée en tant qu’ils précisent que, en raison de la localisation géographique de son usine de Kakanj, DDC est moins préoccupée par les facteurs de sécurité des approvisionnements, qualité et réputation que les autres fournisseurs, ne sont pas entachés d’erreur manifeste d’appréciation.

523    Troisièmement, les requérantes font valoir que, tout comme les autres concurrents, l’usine de DDC à Kakanj aurait été exposée aux représailles de Cemex Croatia, mentionnés au considérant 319 de la décision attaquée.

524    À cet égard, il suffit de renvoyer aux points 487 à 513 ci-dessus dont il ressort que les requérantes n’ont pas démontré que la théorie des représailles développée dans la section 7.11 de la décision attaquée serait non fondée.

525    Par ailleurs, les requérantes semblent, à cet égard, se contredire dans la mesure où elles soutiennent, au point 124 de la requête, qu’aucune preuve n’indiquerait que Cemex Croatia n’ait jamais pris de mesures de représailles contre DDC.

526    Quatrièmement, les requérantes font valoir que, tout comme les autres concurrents, l’usine de DDC à Kakanj aurait eu une capacité réduite à faire du troc et à apprécier la solvabilité des clients.

527    À cet égard, il suffit de constater que cet argument n’est pas suffisant pour permettre de conclure que les déclarations des concurrents reprises au considérant 322 de la décision attaquée et la conclusion que la Commission en déduit, seraient manifestement erronées.

528    Il découle de ce qui précède que les requérantes ne démontrent pas que les facteurs limitant les pressions concurrentielles exercées sur l’entité issue de l’opération, par les fournisseurs concurrents de ciment gris, se soient appliqués de la même façon à DDC et restent ainsi en défaut d’établir une erreur manifeste d’appréciation de la Commission. Dès lors, il convient de rejeter ce premier grief.

b)      S’agissant des erreurs manifestes d’appréciation de la pression exercée par des fournisseurs individuels

529    Les requérantes soutiennent, au point 135 de la requête, que l’appréciation de la Commission, effectuée dans la section 7.7.2 de la décision attaquée, des concurrents individuels et de leur capacité à rivaliser de façon effective avec l’entité issue de l’opération, serait erronée et insuffisante pour justifier la conclusion selon laquelle aucun de ces concurrents ne pourrait exercer une pression concurrentielle effective sur cette entité dans les marchés en cause ou en Dalmatie.

1)      En ce qui concerne LafargeHolcim

530    Les requérantes critiquent les considérants 328 à 335 de la section 7.7.2.1 de la décision attaquée qui englobe les considérants 325 à 336.

531    Premièrement, les requérantes font valoir, au point 136 de la requête, que LafargeHolcim rivaliserait avec Cemex Croatia partout dans les marchés en cause. Néanmoins, sans le contester en tant quel tel, elles relèvent que la Commission aurait indiqué, au considérant 327 de la décision attaquée, que LafargeHolcim exercerait uniquement une pression dans le nord du « marché entourant l’usine de Split ». Par ailleurs, le raisonnement des considérants 328 à 335 serait insoutenable et celui figurant aux points 329 et 333 serait insuffisant, dans la mesure où la Commission ne proposerait aucune explication valable concernant les raisons pour lesquelles LafargeHolcim ne serait pas capable et désireuse de modifier l’usage du terminal de Zadar (Croatie) en cas de hausse de prix consécutive à l’opération, par une augmentation des ventes directes de son usine de Koromačno (Croatie), aux clients situés au « nord de la zone de chalandise de Split », augmentant ainsi de façon effective la capacité du terminal de Zadar disponible pour des ventes dans le sud de la Dalmatie.

532    Il y a lieu de constater que les requérantes procèdent à une lecture partielle et erronée du considérant 327 de la décision attaquée. En effet, ce considérant ne se rapporte pas à la pression générale exercée par LafargeHolcim sur l’entité issue de l’opération, mais à la pression spécifique exercée par son usine de Koromačno, située au nord des zones de chalandise de l’usine de Cemex à Split.

533    En outre, force est de constater que les requérantes n’ont pas étayé leur allégation selon laquelle la Commission ne proposerait « aucune explication valable » des raisons pour lesquelles LafargeHolcim n’aurait pas eu la capacité de compléter les ventes provenant de son terminal de Zadar par une hausse des ventes provenant directement de son usine de Koromačno et n’aurait pas été incitée à le faire. En effet, cette simple affirmation ne répond en rien à l’explication détaillée et chiffrée fournie, en particulier, aux considérants 329, 333 et 334 de la décision attaquée. Il ressort desdits considérants que la Commission a exposé de façon suffisamment détaillée l’ensemble des considérations qui l’ont conduite à adopter cette position. D’ailleurs, cette motivation a été suffisante pour permettre à la requérante de connaître ses justifications afin de défendre ses droits et apparaît suffisante pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle et il incombe aux requérantes de démontrer que celle-ci est manifestement erronée. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

534    Deuxièmement, les requérantes font valoir, au point 137 de la requête, que l’affirmation contenue au considérant 329 de la décision attaquée au terme duquel LafargeHolcim n’augmenterait pas efficacement la capacité disponible du terminal de Zadar en « réaffectant » et servant directement ses clients depuis l’usine de Koromačno, dès lors que cela « aurait un impact négatif sur la position de celui-ci autour du terminal de Zadar en termes de rentabilité », ne serait ni crédible ni concluante. En particulier, le raisonnement de LafargeHolcim concernant la rentabilité d’une réaffectation des ventes ne tiendrait pas compte des coûts supportés par LafargeHolcim pour approvisionner le terminal de Zadar en ciment à partir de l’usine de Koromačno, alors que dans son appréciation des mesures correctives proposées, la Commission tiendrait compte de ces coûts. La Commission n’expliquerait pas la différence de traitement entre son appréciation des coûts et de la rentabilité des ventes à partir du terminal de LafargeHolcim et celle des coûts et de la rentabilité des ventes d’un nouveau locataire potentiel du terminal de manutention de ciment de Metković (Croatie) (ci-après le « terminal de Metković »). Ensuite, au point 73 de la réplique, elles affirment qu’elles ne seraient pas en mesure de vérifier l’affirmation de la Commission selon laquelle cette dernière aurait tenu compte des coûts de transport entre l’usine de Koromačno et le terminal de Zadar, dans le cadre de l’appréciation d’une éventuelle « réaffectation » des clients de LafargeHolcim après l’opération. Enfin, au point 139 de la requête, elles reprochent à la Commission d’avoir pris pour « argent comptant » les déclarations de LafargeHolcim.

535    Tout d’abord, comme l’a observé la Commission, l’allégation des requérantes est en réalité une hypothèse. Si LafargeHolcim avait été en mesure de réduire les coûts en vendant du ciment gris directement depuis son usine de Koromačno, elle réaliserait déjà de telles ventes directes et ne vendrait pas de ciment gris depuis son terminal de Zadar, dans la mesure où cela implique pour elle des coûts supplémentaires liés au transport depuis son usine de Koromačno ou d’une autre usine au terminal de Zadar.

536    Ensuite, ainsi qu’il ressort de l’annexe D3 à la duplique, reprise partiellement par la Commission au considérant 329, LafargeHolcim a déclaré que le transfert des ventes et la libération de capacités au terminal de Zadar « d’un point de vue commercial […] n’[était] pas une alternative possible », car « cela réduirait effectivement les marges [d’un montant important] (du fait de l’augmentation des coûts liés au transport et à la logistique) et allongerait le temps de réponse (depuis la commande jusqu’à la livraison) pour les clients plus proches de Zadar ». Comme le fait remarquer la Commission, cette déclaration ne fait sens que si, lors de l’appréciation de la rentabilité d’une éventuelle « réaffectation » de ses clients après l’opération, LafargeHolcim a tenu compte des coûts liés au fait qu’elle vendrait à partir du terminal de Zadar du ciment gris acheminé au terminal depuis l’usine de Koromačno. Sans cela, la comparaison des marges de LafargeHolcim et la conclusion qu’elle en a tirée (à savoir « d’un point de vue commercial, ce n’est donc pas une alternative possible ») seraient incorrectes.

537    Enfin, en ce qui concerne le fait que la Commission a tenu compte des déclarations de LafargeHolcim, notamment au considérant 329 de la décision attaquée, il y a lieu de relever que l’affirmation des requérantes selon laquelle ces déclarations relatives à la politique commerciale seraient guidées par un « intérêt stratégique » ne suffit pas à établir que la Commission aurait commis une erreur manifeste en les prenant en considération. Le fait que ces déclarations n’ont pas été préparées par LafargeHolcim directement, mais par des avocats spécialisés en droit de la concurrence, n’est pas de nature à remettre en cause leur fiabilité, d’autant que, comme cela a été observée par la Commission, ces déclarations ont été fournies en réponse à des demandes de renseignements, au titre de l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, passibles, conformément à l’article 14, paragraphe 1, sous b), du même règlement, d’une amende en cas de fourniture de renseignement inexact ou dénaturé.

538    Troisièmement, les requérantes font valoir que, en tout état de cause, tant que des marges sur coûts variables positives peuvent être atteintes, il devrait y avoir un intérêt à augmenter les ventes dans cette zone.

539    Cet argument est dénué de pertinence si LafargeHolcim vend du ciment gris directement depuis Koromačno. À cet égard, ainsi qu’il ressort des points 444 à 451 et 454 à 482 ci-dessus, LafargeHolcim n’aurait pas été incitée à réaliser de telles ventes supplémentaires en cas d’augmentation des prix de la part de l’entité issue de l’opération, dans la mesure où il est probable que LafargeHolcim aurait préféré augmenter les prix existants pour bénéficier à son tour de volumes plus importants vendus à des prix plus élevés.

2)      En ce qui concerne Nexe

540    Les requérantes critiquent les considérants 339, 341, 343 à 344 et 354 de la section 7.7.2.2 de la décision attaquée qui englobe les considérants 337 à 354.

541    Premièrement, au point 140 de la requête, les requérantes font valoir que la Commission n’aurait fourni aucune preuve pour étayer l’« insinuation » contenue au considérant 339 de la décision attaquée selon laquelle les coûts de transport pour les ventes de Nexe dans l’ouest de la Croatie et la Dalmatie entraîneraient des prix non compétitifs ou rendrait une augmentation des ventes en Dalmatie non rentable.

542    À cet égard, il suffit de relever que le considérant 339 de la décision attaquée est étayé par la note en bas de page 313 qui fait référence à trois documents distincts contenant les réponses de Nexe à différentes questions posées par la Commission.

543    Deuxièmement, aux points 141 à 143 de la requête, les requérantes font valoir, en substance, qu’il serait possible pour Nexe de transporter du ciment depuis la Slavonie dans le nord de la Croatie, par la Bosnie-Herzégovine, jusqu’à la Dalmatie, dans la mesure où, en premier lieu, un transit par la Bosnie-Herzégovine serait possible et ne créerait pas d’obstacle significatif, en deuxième lieu, un changement de conducteur à la frontière bosniaque serait possible et économiquement viable, en troisième lieu, les coûts supplémentaires liés à l’importation de ciment en Bosnie-Herzégovine pour l’exporter en Croatie seraient économiquement viables et, en quatrième lieu, les coûts de transport pour des distances d’approvisionnement de plus de 350 km ne seraient pas prohibitifs.

544    À cet égard, il y a lieu d’observer que les requérantes n’ont pas contredit les explications détaillées et parfois chiffrées données dans la décision attaquée sur le temps d’attente à la frontière bosniaque au considérant 342, la législation croate sur le cabotage au considérant 343, les obstacles pour éviter les restrictions au cabotage au considérant 344, les raisons additionnelles pour lesquelles le transit par la Bosnie‑Herzégovine ne serait pas réalisable aux considérants 345 à 347 et les autres explications figurant aux considérants 348 à 354.

545    Il s’ensuit que les requérantes ne démontrent pas, par leurs affirmations générales, que les raisons pour lesquelles, selon la Commission, Nexe n’aurait eu ni la capacité ni l’intention d’augmenter ses ventes reposeraient sur une appréciation manifestement erronée.

3)      En ce qui concerne Titan

546    Les requérantes critiquent les considérants 358, 363 et 364 de la section 7.7.2.3 de la décision attaquée qui englobe les considérants 335 à 365.

547    Premièrement, au point 145 de la requête, les requérantes font valoir que l’affirmation selon laquelle Titan doit utiliser un transport bidirectionnel « lorsque cela est possible » « pour garantir des coûts de transport concurrentiels » ne saurant être déduite de la citation figurant au considérant 358 de la décision attaquée. Les raisons pour lesquelles un transport bidirectionnel accroîtrait la complexité logistique ne seraient également pas claires, ni étayées par des preuves, dans la mesure où le transport directionnel serait très courant dans le secteur du ciment.

548    Ces allégations doivent être écartées, dès lors que les observations de la Commission peuvent être déduites des éléments de preuve cités. En effet, il ressort de la note en bas de page 338 de la décision attaquée que ces derniers reposent sur une demande de renseignements, fondée sur l’article 11, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, passible, conformément à l’article 14, paragraphe 1, sous b), du même règlement, d’une amende en cas de fourniture de renseignement inexact ou dénaturé.

549    Par ailleurs, il est logique et évident de considérer qu’un transport bidirectionnel soit logistiquement plus difficile à affréter qu’un transport unidirectionnel effectuant un retour à vide.

550    En tout état de cause, les requérantes n’apportent aucun élément de preuve au soutien de leur affirmation selon laquelle le transport bidirectionnel serait très courant dans le secteur du ciment.

551    Deuxièmement, au point 146 de la requête, les requérantes font valoir que l’affirmation du considérant 363 de la décision attaquée selon laquelle Titan ne possèderait pas d’image de marque serait infondée.

552    À supposer que l’allégation des requérantes puisse être correcte, il y a lieu de relever qu’elles ne contestent pas les considérants 357, 359 à 362 et 365 de la section 7.7.2.3 de la décision attaquée qui se rapportent également à Titan et fondent également l’appréciation de la Commission quant à la contrainte exercée par Titan.

553    Troisièmement, au point 147 de la requête, les requérantes font valoir que la conclusion du considérant 364 de la décision attaquée, au terme de laquelle Titan ne verrait actuellement pas de possibilité d’augmenter ses importations en Croatie, ne serait pas étayée par les preuves citées, dans la mesure où Titan pourrait tout au moins se livrer à une concurrence « éclair ».

554    Il s’agit une nouvelle fois d’une simple allégation des requérantes sans qu’aucune explication soit fournie des raisons pour lesquelles Titan aurait eu une incitation à mener une concurrence « éclair ». Il ne ressort pas des propos tenus par Titan, repris au considérant 358 de la décision attaquée, que cette entité aurait eu une telle incitation.

555    En tout état de cause, il y a lieu de relever, ainsi qu’il ressort du point 478 ci-dessus, que, sur ce point, les requérantes se contredisent à nouveau, dans la mesure où Titan aurait été dans l’incapacité de le faire. En effet, au point 115, premier tiret, de la requête, elles ont reconnu que les clients négociaient avec les fournisseurs avant de conclure un contrat et, au terme du point 95 de cet acte de procédure, que ces contrats pouvaient durer jusqu’à un an.

4)      En ce qui concerne Asamer

556    Les requérantes contestent l’intégralité de la section 7.7.2.4 de la décision attaquée qui comprend les considérants 366 à 376.

557    Selon elles, l’analyse de la Commission de la potentielle pression concurrentielle exercée par Asamer ne tiendrait pas compte d’un fait décisif, communiqué à la Commission en mars 2017, à savoir la signature par Asamer d’un contrat de location de cinq ans avec le port de Ploče pour un terminal de ciment à Metković en Dalmatie ayant une connexion routière et ferroviaire avec son usine en Bosnie-Herzégovine. En même temps, Cemex Croatia et le port de Ploče avaient mis fin à leur contrat de location antérieur pour ce même terminal. Ces deux accords étaient subordonnés à l’autorisation de l’opération par la Commission. Les requérantes estiment que ces développements ont rendu l’analyse de la Commission effectuée aux considérants 368 et suivants de la décision attaquée incomplète, insoutenable, manifestement erronée et caduque.

558    Premièrement, au point 75 de la réplique et à la note en bas de page 104 de la requête, les requérantes font valoir que les preuves montreraient qu’Asamer se livrerait à une concurrence agressive dans toutes les zones où elle est présente.

559    Toutefois, les requérantes n’ont aucunement étayé cette allégation, qui est également en contradiction avec les explications détaillées fournies aux considérants 370 et 371 de la décision attaquée et avec la conclusion qu’en a déduit la Commission, selon laquelle DDC ainsi que Cemex ne considéraient pas Asamer comme un concurrent agressif.

560    À cet égard, il ne ressort pas des considérants 370 et 371 de la décision attaquée que la Commission aurait mal interprété les éléments de preuve qui y sont invoqués. Il ressort de ces éléments que, entre mars 2013 et décembre 2015 au moins, Asamer a concentré ses ventes sur la zone la plus proche de son usine dans le nord de la Bosnie. En outre, les passages soulignés par les requérantes dans les éléments de preuve produits le 28 février 2017 se rapportent uniquement à l’incitation d’Asamer à faire concurrence dans les zones proches de son usine, dans le nord et à l’est de la Bosnie.

561    Deuxièmement, au point 72 de la réplique, les requérantes font valoir que, contrairement à ce qui est indiqué au point 208 du mémoire en défense, lors de la consultation des acteurs du marché au sujet des engagements, Asamer n’aurait pas déclaré que son expansion dépendrait de l’autorisation de l’opération. Elles ajoutent, au point 77, de la réplique, que le fait que le contrat de bail, conclu entre Asamer et le port de Ploče, concernant le terminal de Metković, dépende de l’autorisation de l’opération par la Commission ne signifierait pas que la volonté d’Asamer de s’étendre en Dalmatie ou de conclure ce contrat dépende également de cette autorisation. La conditionnalité du contrat de bail serait uniquement nécessaire pour protéger le port de Ploče.

562    À cet égard, il y a lieu d’observer tout d’abord que les requérantes n’ont fourni aucune preuve de leurs allégations. Au contraire, il ressort de l’article 16 du contrat de bail, conclu entre Asamer et le port de Ploče, que l’autorisation de l’opération par la Commission constituait une condition suspensive de celui-ci. Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient reprocher à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que la volonté d’Asamer d’étendre ses activités en Dalmatie dépendait de l’autorisation de l’opération. Il ressort également des considérants 3 et 24 du procès-verbal de la conférence téléphonique du 15 février 2017 entre la Commission et Asamer, qui s’inscrit dans le cadre de la consultation des acteurs du marché au sujet des engagements, que la conclusion de ce contrat de bail est la seule option permettant l’extension des activités d’Asamer en Croatie.

563    Comme la Commission l’a observé et les requérantes l’ont reconnu, la disposition de Cemex à résilier son bail lié au terminal de Metković et la disposition d’Asamer à conclure un bail pour cinq ans pour ce même terminal étant toutes deux subordonnées à l’autorisation de l’opération, ces circonstances ont été appréciées par la Commission dans le cadre de la question de savoir si les engagements étaient suffisants pour rendre l’opération compatible avec le marché intérieur et non dans le cadre de l’appréciation de l’opération sous l’angle de la concurrence.

564    Les requérantes ont contesté cette façon d’apprécier ces circonstances en faisant référence au considérant 30 du règlement no 139/2004.

565    Ce considérant est libellé comme suit :

« Lorsque les entreprises concernées modifient une concentration notifiée, notamment en présentant des engagements afin de la rendre compatible avec le marché [intérieur], la Commission devrait pouvoir déclarer cette concentration, telle qu’elle est modifiée, compatible avec le marché [intérieur]. »

566    Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si la location du terminal de Metković par Asamer peut être considérée comme une modification de la concentration, force est de constater que ce considérant n’oblige pas la Commission à en tenir compte lors de son appréciation de la situation concurrentielle. En tout état de cause, cette disposition ne justifie pas la conclusion des requérantes selon laquelle le fait que la Commission ait tenu compte de cette location lors de son appréciation des engagements, serait manifestement erronée.

567    Troisièmement, aux points 58 à 59 et 77 de la réplique, les requérantes critiquent le point 229 du mémoire en défense selon lequel le bail conditionnel ne pouvait être considéré comme faisant partie de l’appréciation concurrentielle, car il n’était pas raisonnablement prévisible, en l’absence de l’opération, au sens du paragraphe 9 des lignes directrices sur les concentrations horizontales, les documents internes de DDC semblant indiquer que Cemex aurait prorogé son bail dans cette dernière hypothèse. Selon les requérantes, l’appréciation concurrentielle ne saurait être uniquement effectuée sur la base de la situation factuelle et juridique, existant au moment de la notification. L’allégation de la Commission, selon laquelle cette approche s’appliquerait uniquement à l’évolution raisonnablement prévisible au moment de la concentration, serait insoutenable et ne serait pas étayée par le paragraphe 9.

568    Le paragraphe 9 des lignes directrices sur les concentrations horizontales est libellé comme suit :

« Dans le cadre de son appréciation des effets anticoncurrentiels d’une concentration, la Commission compare les conditions de concurrence telles qu’elles résulteraient de l’opération notifiée avec celles que connaîtrait le marché si la concentration n’avait pas lieu. Dans la plupart des cas, le point de comparaison le plus approprié pour évaluer les effets d’une opération est la situation de la concurrence existant à la date de l’opération. Cependant, dans certaines circonstances, la Commission peut être amenée à tenir compte de l’évolution future du marché […] raisonnablement prévisible. Elle peut en particulier, lorsqu’elle recherche quels sont les meilleurs termes de la comparaison, tenir compte des probabilités d’entrée sur le marché ou de sortie de celui-ci si l’opération n’avait pas lieu. »

569    Il ressort de la deuxième phrase dudit point que le moment de l’évaluation le plus approprié, pour apprécier les effets anticoncurrentiels d’une concentration, est la date de l’opération. C’est n’est qu’à partir de ce moment que, selon la troisième phrase du paragraphe 9 des lignes directrices sur les concentrations horizontales, la Commission peut être amenée à tenir compte de l’évolution future du marché qui est raisonnablement prévisible. Il s’ensuit que l’argument des requérantes n’est pas fondé.

570    Quatrièmement, il résulte des points 559 et 569 ci-dessus que l’allégation des requérantes, selon laquelle la location du terminal de Metković montrerait que Asamer ne serait pas réticente à entrer dans les marchés traditionnels de Cemex Croatia, doit être rejetée, dans la mesure où cet intérêt est lié à la conclusion dudit bail, lui-même conditionné par l’autorisation de l’opération. Ainsi, le fait que les concurrents réévalueraient leur stratégie à la lumière de l’opération ne saurait être un facteur dont il conviendrait de tenir compte dans le cadre de l’appréciation des effets anticoncurrentiels dans la mesure où cette réévaluation est conditionnée en l’espèce par la réalisation de l’opération.

571    Cinquièmement, quant à l’observation des requérantes au point 78 de la réplique selon laquelle, « [m]ême s’il est vrai que la conclusion par Asamer du contrat de bail n’aurait pu être considérée comme faisant partie de la situation contrefactuelle […], elle aurait néanmoins dû être considérée comme faisant partie de l’évolution probable du marché après la réalisation de l’opération », il convient de constater que celle-ci est contradictoire.

572    Au final, le Tribunal constate que les arguments des requérantes concernant LafargeHolcim, Nexe et Titan ne sont pas fondés et que l’analyse de la Commission portant sur Wietersdorfer & Peggauer, Cementizillo, Grigolin, mais également sur les pressions concurrentielles exercées par d’autres importateurs terrestres potentiels (considérants 392 à 394) et fournisseurs maritimes (considérants 395 à 403) n’a pas été contestée. Ainsi, à supposer même que l’accès d’Asamer au terminal de Metković aurait pu améliorer la compétitivité de celle-ci après l’opération, les requérantes n’ont pas démontré que, dans cette hypothèse, les conclusions de la Commission fondées sur l’analyse de la pression exercée par des fournisseurs individuels et leurs capacités à rivaliser de façon effective avec l’entité issue de l’opération, reposeraient sur une erreur manifeste d’appréciation. Les requérantes n’ont également pas contesté l’appréciation selon laquelle, même les grands clients, n’auraient pas eu une puissance d’achat compensatrice suffisante pour exercer une telle pression (considérants 431 à 434 de la décision attaquée).

573    Il convient par conséquent de rejeter la cinquième branche du quatrième moyen et, partant, le quatrième moyen dans son ensemble.

F.      Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs manifestes dans l’appréciation de la mesure corrective proposée

574    Dans leur cinquième moyen, les requérantes font valoir que l’appréciation et le rejet par la Commission de la mesure corrective proposée sont entachés de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation.

1.      Rappel de la décision attaquée

575    Aux considérants 500 à 508 de la décision attaquée, la Commission a présenté les engagements proposés par les requérantes et, aux considérants 509 à 611, son appréciation négative desdits engagements, dans la mesure où :

–        les engagements étaient entachés de plusieurs vices structurels (considérants 511 à 526) ;

–        il était peu probable de trouver un preneur adéquat pour le terminal de Metković appartenant au port de Ploče et actuellement loué par Cemex Croatia (considérants 527 à 578) ;

–        la capacité du terminal de Metković aurait été insuffisante pour qu’un tel preneur adéquat devienne une force concurrentielle viable en mesure de concurrencer efficacement et durablement l’entité issue de l’opération (considérants 579 à 606) ;

–        les engagements étaient entachés de plusieurs vices quant aux modalités de leur exécution (considérants 607 à 611).

2.      Appréciation du Tribunal 

576    Le cinquième moyen se décompose en deux branches.

a)      Sur la première branche, relative au fait que l’appréciation des engagements effectuée par la Commission est fondée sur une norme erronée et excessivement restrictive

577    Les requérantes soutiennent, en substance, aux points 161 à 166 de la requête, que l’appréciation des engagements, effectuée par la Commission, reposerait sur une interprétation erronée du considérant 30 du règlement no 139/2004 et du paragraphe 63 de la communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement no 139/2004 et au règlement (CE) no 802/2004 de la Commission (JO 2008, C 267, p. 1, ci-après la « communication sur les mesures correctives »).

578    Selon elles, la Commission soutiendrait essentiellement qu’une mesure corrective adaptée doit consister en la cession d’une entreprise viable comprenant une usine de production, des marques, des relations clients et un personnel, devrait éliminer l’intégralité ou réduire substantiellement le chevauchement entre les parties à la concentration et devrait reproduire la pression concurrentielle exercée par l’une des parties à la concentration sur l’autre avant l’opération. En outre, la Commission supposerait que le bénéficiaire des engagements devrait être aussi concurrentiel en matière de coûts que l’une au moins des parties à l’opération. Toutefois, ces exigences ne seraient pas conformes au principe de proportionnalité, visé au considérant 30 du règlement no 139/2004, duquel il résulte qu’une mesure corrective devrait être proportionnelle au problème de concurrence identifié.

579    Elles ajoutent qu’il résulterait du paragraphe 63 de la communication sur les mesures correctives que, dans l’hypothèse d’une mesure corrective autorisant l’accès, le fait de savoir si une entreprise viable est cédée ou si les parties affaiblissent leur propre position de marché ne serait pas pertinent. Il ne serait pas non plus requis que l’ensemble des engagements soit lui-même comparable à la cession d’une entreprise autonome existante. Ce qui importerait est que l’effet d’un engagement autorisant l’accès sur le marché soit comparable à l’effet d’une cession. En l’espèce, la mesure corrective proposée aurait assuré l’entrée d’Asamer en Dalmatie, la seule région potentiellement problématique affectée par l’opération et aurait permis de remplacer pleinement les ventes de DDC dans cette région à très brève échéance.

580    Aux termes du paragraphe 63 de la communication sur les mesures correctives :

« Des engagements autorisant l’accès aux infrastructures et aux réseaux peuvent être proposés afin de faciliter l’entrée des concurrents sur le marché. Ils peuvent être acceptés par la Commission en présence d’une indication suffisamment claire montrant qu’il y aura réellement une entrée de nouveaux concurrents susceptible d’éliminer toute entrave significative à l’exercice d’une concurrence effective. Parmi les autres exemples d’engagements de ce type figurent les engagements accordant l’accès aux plateformes de télévision payante et à l’énergie par des programmes de cession de gaz. Il arrive fréquemment que des mesures individuelles ne permettent pas de réduire suffisamment les barrières à l’entrée mais qu’il faille recourir à un ensemble de mesures combinant des cessions et des engagements d’accès ou à un paquet d’engagements visant à faciliter globalement la pénétration de concurrents par toute une série de mesures différentes. Si ces engagements permettent effectivement l’entrée d’un nombre suffisant de nouveaux concurrents en temps voulu et selon toute probabilité, ils peuvent être considérés comme ayant un effet semblable à une cession sur la concurrence sur le marché. S’il ne peut pas être conclu que l’abaissement des barrières à l’entrée grâce aux engagements proposés contribuera vraisemblablement à la pénétration de nouveaux concurrents sur le marché, la Commission rejettera cet ensemble de mesures correctives. »

581    La présentation faite par les requérantes, à partir des considérants 513 à 515, 517 à 522, 531, 594, 597 et de la note en bas de page 632 de la décision attaquée, de la position de la Commission selon laquelle, en substance, une mesure corrective adaptée devrait, par principe, consister en la cession d’une entreprise viable comprenant notamment une usine de production, éliminer l’intégralité ou réduire substantiellement le chevauchement entre les parties à la concentration et faire en sorte que « l’ensemble d’engagements lui-même » soit comparable à la cession d’une entreprise autonome existante, est incorrecte.

582    Il ressort de ces considérants, dont les requérantes n’ont pas élaboré la substance de leur critique, que la Commission ne défend pas une telle interprétation de la notion d’engagement ou de l’exigence de proportionnalité exprimée au considérant 30 du règlement no 139/2004, mais qu’elle a estimé, en l’espèce, que les engagements proposés n’auraient pas eu un effet comparable à la cession d’une entreprise autonome existante sur les marchés en cause et que, dès lors ceux-ci ne pouvaient pas être acceptés.

583    En effet, elle s’est contentée de conclure, au considérant 522 de la décision attaquée, que les engagements offraient une simple possibilité commerciale, incertaine, à un nouveau preneur, de commencer à vendre du ciment gris, ou d’augmenter ses ventes de ce produit, sur les marchés en cause, « ce qui n’[était] pas comparable » à la cession d’une entreprise autonome existante.

584    L’allégation des requérantes, au point 164 et à la note en bas de page 112 de la requête, selon laquelle, d’une part, le fait de savoir si une entreprise viable est cédée ou si les parties notifiantes affaiblissent leur propre position de marché ne serait pas pertinente et, d’autre part, les déficiences structurelles identifiées aux considérants 511, 513 et suivants de la décision attaquée « [seraient] par conséquent dénuées de pertinence », est irrecevable au regard des dispositions de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, faute d’avoir été suffisamment développée.

585    Contrairement à ce que laissent entendre les requérantes dans cette même note en bas de page, il est indifférent que le considérant 515 de la décision attaquée ne contienne pas de comparaison de la situation avec et sans les engagements. Il résulte de ce considérant que la mise en œuvre des engagements aurait eu un effet limité sur les niveaux de concentration de capacité dans les zones de chalandise circulaire et modifiée autour de l’usine de Cemex à Split. La figure 27 de la décision attaquée montre que les parts de capacité combinées de l’entité issue de l’opération seraient restées élevées et la figure 28 montre que les augmentations de parts de capacité seraient restées importantes.

586    Partant, la première branche du cinquième moyen doit être rejetée.

b)      Sur la seconde branche, relative aux erreurs manifestes d’appréciation des engagements présentés

587    Dans la seconde branche, les requérantes font valoir que la Commission aurait méconnu plusieurs caractéristiques des engagements proposés et n’aurait pas examiné toutes les informations pertinentes aux fins de l’appréciation de ceux-ci et de l’évaluation d’Asamer en tant que preneur adéquat.

588    Cette branche se décompose en onze arguments.

589    Premièrement, au point 168 de la requête, les requérantes font valoir que le considérant 519 de la décision attaquée selon lequel les engagements n’incluent pas d’accès aux livraisons de ciment gris provenant d’autres sources serait manifestement erroné dès lors que les engagements comprennent explicitement une installation d’appoint à l’usine de Split.

590    À cet égard, il suffit de constater que les requérantes n’ont pas contesté l’explication de la Commission au terme de laquelle l’installation en question appartenait à Cemex et le fait que, en tout état de cause, cette installation ne pourrait pas régler les problèmes concernant la capacité insuffisante du terminal de Metković.

591    Deuxièmement, au point 169 de la requête, les requérantes font valoir que la Commission aurait commis une erreur manifeste en retenant aux considérants 526 et 537 de la décision attaquée qu’il existait des incertitudes quant à l’interprétation de certaines clauses du contrat de location entre Cemex et le port de Ploče. Il en irait de même aux considérants 569 et suivants de la décision attaquée concernant les prétendues incertitudes relatives aux investissements dans la connexion ferroviaire du terminal. Elles demandent à ce titre au Tribunal d’ordonner à la Commission, en vertu de l’article 91, sous b), du règlement de procédure, de produire le contrat conclu entre Asamer et le port de Ploče, dans la mesure où elles ne connaîtraient pas les détails de ce contrat.

592    Il ressort du considérant 526 de la décision attaquée ce qui suit :

« [T]andis que le nouveau locataire devrait signer un contrat avec le port de Ploče, en substance, aux mêmes conditions que le contrat existant entre Cemex et le port de Ploče, cela créerait une incertitude pour tout nouveau locataire en raison du manque de clarté concernant l’interprétation de certaines clauses du contrat existant, y compris la clause relative aux coûts variables de la manutention de volumes supérieurs à [confidentiel] kt de ciment gris. Alors que le port de Ploče considère qu’au-dessus de [confidentiel] kt, ces coûts variables sont de [confidentiel] EUR par tonne, Cemex estime que de tels coûts variables devraient, comme ceux en-dessous de [confidentiel] kt de ciment gris, rester à [confidentiel] EUR par tonne, même pour des volumes de ciment gris supérieurs à [confidentiel] kt. »

593    Ainsi, il ressort clairement de ce considérant que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, les incertitudes existantes n’ont pas été levées, dans la mesure où un nouveau preneur n’aurait pas eu la certitude de pouvoir conclure un contrat dans lequel la question des coûts variables liés à la manutention des volumes de ciment gris de plus de [confidentiel] kt aurait été éclaircie. À supposer même, comme l’affirment les requérantes, que le contrat conclu entre Asamer et le port de Ploče clarifie ces incertitudes, la Commission n’aurait pas eu la certitude que cette question aurait été réglée de la même façon pour un autre preneur si Asamer avait résolu le contrat de bail conclu par consentement mutuel avec le port de Ploče. L’argument des requérantes, au point 82 de la réplique, selon lequel cette « allégation » ne figurait pas dans la décision attaquée, est contredit par le contenu même dudit considérant.

594    Il s’ensuit également qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la production demandée par les requérantes, en vertu de l’article 91, sous b), du règlement de procédure, du contrat conclu entre Asamer et le port de Ploče.

595    Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du considérant 570 de la décision attaquée, non contesté par les requérantes, même si Asamer et le port de Ploče s’étaient engagés à réaliser les investissements nécessaires pour rendre opérationnelle la liaison ferroviaire reliant le terminal de Metković au réseau ferroviaire public, il n’y aurait aucune certitude que ceux-ci auraient eu lieu. En outre, à tout moment, ces deux parties auraient pu décider d’un commun accord de renoncer à un tel investissement dans l’avenir.

596    Troisièmement, au point 170 de la requête, les requérantes contestent les observations figurant aux considérants 607 et 611 de la décision attaquée relatives aux « lacunes » concernant la mise en œuvre des modalités des engagements proposés. Elles font valoir que ces « lacunes » seraient inexistantes ou dénuées de pertinence et auraient aisément pu être traitées si la Commission avait demandé aux requérantes de le faire.

597    À cet égard, il y a lieu de relever que les requérantes n’ont pas contredit l’explication donnée par la Commission aux points 246 à 249 du mémoire en défense. Il ressort de cette explication, tout d’abord, que les lacunes concernant les modalités d’exécution des engagements auraient pu produire leurs effets à tout moment si Asamer et le port de Ploče avaient décidé de résilier le contrat de bail par consentement mutuel. Ensuite, la Commission a discuté avec les requérantes des lacunes lors de la réunion-bilan du 23 février 2017 et les requérantes ont choisi de ne pas corriger les modalités d’exécution des engagements, alors qu’elles affirment désormais qu’elles auraient pu les corriger facilement. Enfin, et en tout état de cause, il appartenait aux requérantes de proposer des engagements non affectés par de telles lacunes, et la Commission ne saurait être tenue de demander aux requérantes de corriger lesdites lacunes.

598    Quatrièmement, au point 171 de la requête, les requérantes font valoir que la Commission se serait fondée, aux considérants 572 à 574 de la décision attaquée, sur une information obsolète concernant le statut du système ferroviaire bosniaque, en dépit de la présentation par les parties de conclusions supplémentaires contenant des déclarations récentes de l’opérateur ferroviaire bosniaque.

599    À cet égard, il y a lieu de relever que les requérantes n’ont pas contredit l’explication donnée par la Commission au point 250 du mémoire en défense. Au terme de cette explication, elle a tenu compte des informations de l’exploitant ferroviaire de Bosnie-Herzégovine, communiquées par les requérantes le 27 mars 2017, et rien dans ces informations n’aurait permis à la Commission de conclure avec certitude que le réseau ferroviaire en Bosnie-Herzégovine n’était pas globalement en mauvais état et qu’un nombre suffisant de wagons aurait été régulièrement disponible pour le transport ferroviaire de ciment gris vers le terminal de Metković (considérants 572 et 573 de la décision attaquée). Cela ressort également des déclarations de l’opérateur ferroviaire bosniaque, visées à la note en bas de page 612 de la décision attaquée et versées au dossier en tant qu’annexe A26 de la requête et, en particulier, des propos tenus dans le courriel du 22 mars 2017.

600    Cinquièmement, au point 172 de la requête, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir affirmé à plusieurs reprises dans la décision attaquée que certains aspects des engagements ou de l’adéquation d’Asamer en tant que nouveau preneur étaient incertains, alors qu’elle aurait largement eu le temps de lever ces prétendues incertitudes en approfondissant les questions pertinentes durant la procédure.

601    À cet égard, il suffit de constater, comme le relève la Commission, sans être contredite par les requérantes, que, en premier lieu, une incertitude subsistait en ce qui concerne les niveaux de ventes qu’un nouveau preneur aurait pu réaliser (considérant 513). En deuxième lieu, les requérantes et Asamer n’ont pas fourni d’explication quant à la manière dont Asamer aurait surmonté les incertitudes décrites aux considérants 560 à 574, et 606, sous e) et f), de la décision attaquée (considérants 577 et 578 de la décision attaquée). En troisième lieu, les requérantes n’ont fourni aucune information quant à la capacité réelle du terminal de Metković en cas de réapprovisionnement par rail ni quant aux goulets d’étranglement affectant la capacité de ce terminal en cas de réapprovisionnement par rail [considérants 580, 582 et 606, sous h), de la décision attaquée]. En quatrième lieu, les requérantes n’ont fourni aucune information quant au calendrier et aux modalités d’exécution des investissements nécessaires pour rendre opérationnelle la liaison ferroviaire reliant le terminal de Metković au réseau ferroviaire public en Croatie, ni quant à l’acquisition du matériel nécessaire au déchargement du ciment acheminé par les trains dans ce terminal [considérants 569, 584 et 606, sous c), de la décision attaquée]. En cinquième lieu, les requérantes ont fourni des informations non concordantes quant au niveau exact de ces investissements (considérant 585 et note en bas de page 622 de la décision attaquée).

602    Sixièmement, au point 173 de la requête, les requérantes font valoir que la Commission aurait méconnu le fait que la mesure corrective proposée aurait placé Asamer dans une position bien plus favorable que DDC pour se livrer à une concurrence en Dalmatie et dans le sud de la Croatie, dans la mesure où Asamer aurait disposé d’une base de ravitaillement au cœur même de la Dalmatie alors que DDC opère actuellement uniquement au moyen d’importations par camion sans aucun terminal ou autre base de ravitaillement en Dalmatie.

603    À cet égard, il y a lieu de relever, comme le fait valoir la Commission, qu’Asamer n’aurait pas été en mesure de garantir le même niveau de sécurité de l’approvisionnement depuis le terminal de Metković que DDC depuis son usine en Bosnie-Herzégovine et que Cemex depuis son usine de Split. Les requérantes n’expliquent pas les raisons pour lesquelles la sécurité de l’approvisionnement serait tributaire de la distance de livraison, sans qu’il y ait lieu de tenir compte, à l’instar du considérant 553 de la décision attaquée, du fait que les livraisons sont effectuées à une clientèle établie ou nouvelle, par des itinéraires logistiques établis ou nouveaux, en provenance d’usines ou de terminaux fonctionnant avec des taux d’utilisation et une capacité de stockage faibles ou élevés, pour lesquelles le terminal de Metković a un désavantage face aux usines de DDC et de Cemex.

604    Septièmement, au point 174 de la requête, les requérantes font valoir, en substance, que la Commission aurait dû tenir compte des importantes capacités excédentaires de l’usine d’Asamer à Lukavac (Bosnie-Herzégovine).

605    Tout d’abord, il y a lieu de relever que les requérantes n’ont pas contredit les trois explications données par la Commission aux points 262 à 264 du mémoire en défense.

606    En premier lieu, Asamer n’aurait probablement pas eu recours aux capacités inutilisées de l’usine de Lukavac pour « compléter les ventes à partir du terminal » en Dalmatie, dans la mesure où elle n’aurait pas été en mesure d’offrir à sa clientèle le niveau requis de sécurité de l’approvisionnement [considérants 374, 547, sous b), et considérant 596 de la décision attaquée].

607    En deuxième lieu, Asamer n’aurait probablement pas eu recours aux capacités inutilisées de l’usine de Lukavac pour « fournir directement des clients au Monténégro et en Bosnie[-Herzégovine] ». En effet, d’une part, le terminal de Metković étant situé à proximité de la Bosnie-Herzégovine et du Monténégro, Asamer n’aurait probablement pas vendu la capacité totale du terminal à des clients situés dans le sud de la Croatie. Elle aurait plutôt réparti les ventes du terminal de Metković entre les régions voisines (considérant 592 de la décision attaquée). Cela est confirmé par le point 6 du procès-verbal de la conférence téléphonique du 15 février 2017 entre Asamer et la Commission duquel il ressort que, à travers ce terminal, Asamer deviendrait un fournisseur fiable pour la « zone autour de Metković c’est-à-dire en Dalmatie, dans le sud de la Bosnie[-Herzégovine] et au Monténégro ». D’autre part, à supposer même qu’Asamer ait pu compléter les ventes, dans la partie de la zone de chalandise du terminal de Metković située en Bosnie-Herzégovine par des livraisons directes provenant de Lukavac, les facteurs liés à la sécurité de l’approvisionnement auraient limité le volume de ces ventes [considérant 547, sous b), et considérant 596 de la décision attaquée].

608    En troisième lieu, c’est à juste titre que la Commission a fondé ses calculs de capacité sur une capacité maximale de [confidentiel] kt en cas de réapprovisionnement par rail du terminal de Metković. Ainsi, si les requérantes ont affirmé, pour la première fois, le 20 février 2017, que la capacité du terminal de Metković en cas de réapprovisionnement par rail pourrait passer à [confidentiel] kt moyennant des investissements pour l’achat d’un [confidentiel], elles n’ont produit aucun élément de preuve à l’appui de leur allégation (considérant 583 de la décision attaquée). Par ailleurs, une incertitude subsistait en ce qui concerne l’éventualité, le calendrier et le niveau exact des investissements susmentionnés (considérants 584 et 585 de la décision attaquée). Enfin, contrairement à ce qu’ont affirmé les requérantes au cours de la procédure administrative, Asamer avait estimé que, même si elle avait investi dans des compresseurs, la capacité maximale du terminal de Metković n’aurait atteint « au maximum [que] 150 kt » et non [confidentiel] kt (considérant 586 de la décision attaquée).

609    Ensuite, contrairement à ce qui est énoncé dans la note en bas de page 123 de la requête, la capacité de [confidentiel] kt disponible pour Asamer en cas de réapprovisionnement par rail du terminal de Metković ne pourrait pas être augmentée au moyen de livraisons par camion.

610    Ainsi, comme le fait valoir la Commission, Asamer aurait subi, par rapport à DDC, pour les livraisons par camion, un inconvénient lié au coût de commercialisation variable de [confidentiel] à [confidentiel] % pour les quantités de ciment gris en dessous de [confidentiel] kt et de [confidentiel] à [confidentiel] % pour les quantités de ciment gris au-dessus de [confidentiel] kt (considérants 543 à 547 de la décision attaquée). Asamer aurait également rencontré des problèmes logistiques pour le réapprovisionnement régulier du terminal par camion [considérant 318, sous c), et considérants 374, 567 et 605 de la décision attaquée]. Par ailleurs, les conditions climatiques défavorables en hiver et le mauvais état des routes auraient empêché Asamer de vendre du ciment dans le sud de la Croatie (considérant 568 de la décision attaquée).

611    Dans ce cadre, comme le relève la Commission, les requérantes n’expliquent pas en quoi la décision attaquée n’étaye pas la conclusion selon laquelle la capacité de [confidentiel] kt disponible pour Asamer en cas de réapprovisionnement par rail du terminal de Metković ne pourrait pas être augmentée au moyen de livraisons par camion.

612    Enfin, comme le relève la Commission, l’allégation des requérantes de la note en bas de page 122 de la requête, selon laquelle, dans la mesure où Cemex disposerait d’un site de production et d’autres terminaux « à proximité » du terminal de Metković, la zone de chalandise actuelle du terminal de Metković pour Cemex ne serait pas un indicateur valable pour la zone de chalandise du terminal de Metković pour Asamer, n’apparaît nullement étayée.

613    Huitièmement, au point 176 de la requête, les requérantes font valoir que les différences de coût d’accès au marché entre les nouveaux locataires potentiels et DDC, exprimées en pourcentage, dans les tableaux 11 à 14 de la décision attaquée, seraient incorrectes et entraîneraient une surestimation de ces coûts.

614    À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a admis dans ses écrits avoir surestimé, dans la décision attaquée, les inconvénients liés aux coûts pour les concurrents. Comme l’explique cette dernière, cette surestimation résulte du fait que la Commission a arrondi le coût de commercialisation de DDC à [confidentiel] euros/t au lieu d’utiliser la valeur de [confidentiel] euros/t indiquée au considérant 534 de la décision attaquée. Cet arrondi à la baisse entraîne ainsi une surestimation des inconvénients liés aux coûts pour les concurrents. Toutefois, cette erreur de calcul liée à la probabilité de trouver un preneur adéquat pour le terminal de Metković est inopérante, dès lors qu’elle ne saurait remettre en cause les autres insuffisances relevées dans la décision attaquée sur les engagements proposés, à savoir leurs lacunes structurelles, leur taille insuffisante (liée à la capacité du terminal de Metković) et les lacunes relatives à leurs modalités de mise en œuvre.

615    Neuvièmement, au point 177 de la requête, les requérantes font valoir que les coûts de transport pour atteindre les clients de DDC dans le sud de la Croatie depuis Metković seraient erronés.

616    À cet égard, il y a lieu de relever que les requérantes n’ont pas contredit l’explication donnée par la Commission, au terme de laquelle la Commission a admis avoir commis une erreur de plume à la note en bas de page 573 de la décision attaquée. Ainsi, les coûts de transport estimatifs par km de route étaient de [confidentiel] euros/km et non de [confidentiel] euros/km. Toutefois, cette erreur n’a pas eu d’incidence sur les conclusions de la décision, étant donné que le coût moyen en résultant de [confidentiel] euros/t pour atteindre les clients de DDC dans le sud de la Croatie depuis le terminal de Metković a été calculé sur la base de la valeur correcte de [confidentiel] euros/km. En outre, les requérantes ne contestent pas la valeur de [confidentiel] euros/t. Cette dernière est obtenue en multipliant le coût de [confidentiel] euros/km par 119 km, la distance moyenne entre le terminal de Metković et les clients de DDC dans le sud de la Croatie et non pas 12 km comme mis en avant par les requérantes.

617    Au terme de la jurisprudence citée au point 313 ci-dessus, cette simple erreur de plume étant sans incidence sur le contenu de la décision attaquée, il y a lieu de considérer qu’elle n’en affecte pas sa validité (arrêt du 2 octobre 2003, Aristrain/Commission, C‑196/99 P, EU:C:2003:529, point 115).

618    Dixièmement, au point 178 de la requête, les requérantes font valoir que les « calculs de saisonnalité » seraient gravement erronés.

619    À cet égard, il y a lieu de relever que les requérantes n’ont pas contredit l’explication donnée par la Commission aux points 270 à 273 de son mémoire en défense.

620    En premier lieu, la conclusion du considérant 589 de la décision attaquée selon laquelle le terminal de Metković ferait face à une demande annuelle égale à sa capacité maximale de [confidentiel] kt en cas d’approvisionnement, par voie maritime, n’est pas, comme l’affirment les requérantes, une « hypothèse […] hautement irréaliste », mais elle est fondée, ainsi qu’il ressort de la note en bas de page 625 de cette décision, sur les informations communiquées par les requérantes au cours de la procédure administrative.

621    En deuxième lieu, les requérantes n’expliquent pas quelle « hypothèse plus réaliste concernant la demande annuelle totale » la Commission aurait dû formuler dans la décision attaquée.

622    En troisième lieu, ainsi qu’il ressort du point 612 ci-dessus, les requérantes n’ont pas étayé leur allégation selon laquelle la zone de chalandise actuelle du terminal de Metković pour Cemex n’était pas un indicateur valable pour la zone de chalandise du terminal de Metković pour Asamer. Au contraire, ainsi qu’il ressort des considérants 592 à 596 de la décision attaquée et du point 607 ci-dessus, le terminal de Metković étant situé à proximité de la Bosnie-Herzégovine et du Monténégro, Asamer n’aurait probablement pas vendu la capacité totale du terminal à des clients situés dans le sud de la Croatie. Elle aurait plutôt réparti les ventes du terminal de Metković entre les régions voisines.

623    En quatrième lieu, ainsi qu’il ressort du point 607 ci-dessus, Asamer n’aurait probablement pas eu recours aux capacités inutilisées de l’usine de Lukavac pour approvisionner directement des clients en Bosnie-Herzégovine.

624    Onzièmement, au point 179 de la requête, les requérantes font valoir, en tout état de cause, que les considérations figurant dans les sections 9.5.2.1 et 9.5.3 de la décision attaquée ne sauraient être utilisées contre elles, dès lors que les calculs qui les sous-tendent ne leur ont pas été communiqués durant la procédure. Elles affirment également, à la note en bas de page 112 de la requête, que les chiffres mentionnés au considérant 515 de la décision attaquée n’ont jamais été accessibles.

625    Étant donné que l’argument susvisé relève du sixième moyen, il y sera répondu aux points 641 à 646 ci-après.

626    Il résulte de ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

G.      Sur le sixième moyen, tiré d’une violation d’exigences procédurales essentielles et des droits fondamentaux des requérantes

627    Par leur sixième moyen, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir violé des exigences procédurales essentielles ainsi que leurs droits fondamentaux.

628    Ce moyen se décompose, en substance, en cinq branches.

1.      Sur la première branche, tirée du refus d’une seconde audition

629    Dans la première branche du sixième moyen, les requérantes soutiennent, que, en leur refusant une seconde audition, la Commission aurait violé l’article 14 du règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 139/2004 (JO 2004, L 133, p. 1), et leurs droits de la défense.

630    Selon les requérantes, afin de donner leur plein effet aux droits de la défense, les parties notifiantes devraient être en mesure de présenter leurs points de vue et leurs arguments devant une audience plus large, composée non seulement de l’équipe chargée de l’affaire et de plusieurs membres de la hiérarchie de la DG « Concurrence », mais aussi du cabinet du membre de la Commission responsable, d’autorités de concurrences nationales, du service juridique de la Commission et d’autres services impliqués dans le processus décisionnel, en pleine connaissance de toutes les objections de la Commission et de toutes les preuves sur lesquelles cette dernière entend se fonder. En conséquence, une seconde audition serait nécessaire à chaque fois que la Commission entend poursuivre sa démarche vers une décision d’interdiction après l’audition, mais entend faire reposer cette interdiction sur des objections ou des preuves différentes ou supplémentaires à celles contenues dans la communication des griefs.

631    En tout état de cause, selon les requérantes, l’exposé des faits relatif à l’affaire aurait compris, non seulement des faits et des preuves supplémentaires, mais aussi de nouvelles objections qui n’auraient pas été contenues dans la communication des griefs, portant sur l’intérêt limité des fournisseurs concurrents à augmenter leurs ventes dans les marchés en cause et l’allégation implicite de coordination en Bosnie-Herzégovine. Ainsi, au point 280 de cette communication, la Commission aurait fait valoir l’existence de « capacités excédentaires insuffisantes dans la zone géographique plus étendue […] pour permettre l’exercice d’une pression concurrentielle suffisante sur l’entité issue de l’opération ». Toutefois, dans l’exposé des faits, la Commission ne contesterait plus la disponibilité de ces capacités, mais soutiendrait que les concurrents n’auraient pas eu d’incitation à utiliser celle-ci, sans que ce point ait été mentionné dans la communication des griefs. Un changement de raisonnement qui passerait d’un « défaut de capacité » à un « défaut d’incitation » constituerait une nouvelle objection et le refus d’une seconde audition aurait privées les requérantes de leur droit de se défendre correctement.

632    Ces arguments doivent être rejetés.

633    Premièrement, en ce qui concerne l’opportunité de présenter leurs observations devant une audience plus large, il y a lieu de relever que les requérantes restent en défaut de démontrer que la législation pertinente, le respect du droit d’être entendu et des droits de la défense exigent qu’elles puissent s’exprimer oralement sur l’exposé des faits.

634    En effet, le droit d’être entendu ne signifie pas que la personne intéressée soit mise en mesure de s’exprimer oralement. Ainsi, la mise en œuvre du droit d’être entendu n’implique pas nécessairement une audition de la personne concernée, la possibilité de présenter des observations par écrit permettant également de satisfaire audit droit (voir arrêt du 29 novembre 2017, Bilde/Parlement, T‑633/16, non publié, EU:T:2017:849, points 100 et 101 et jurisprudence citée).

635    En outre, il est constant que les réponses à l’exposé des faits des requérantes, de DDC ainsi que celles de Cemex ont été transmises officiellement, le 2 février 2017, au cabinet du membre de la Commission responsable, à la hiérarchie de la DG « Concurrence », aux autres services de la Commission et aux autorités compétentes des États membres, que les requérantes ont envoyé une lettre, le 16 mars 2017, à plusieurs autorités compétentes des États membres en vue de la réunion du comité consultatif pour le contrôle des concentrations d’entreprises du 21 mars 2017 et que, le 30 mars 2017, des représentants de HeidelbergCement et DDC ont rencontré un membre croate du Parlement européen et des membres du cabinet du membre de la Commission chargé de la concurrence.

636    Deuxièmement, en ce qui concerne l’allégation, selon laquelle l’envoi d’un exposé des faits ne saurait être utilisé par la Commission afin d’améliorer son raisonnement ou de pallier une insuffisance de preuves des objections contenues dans la communication des griefs, après l’audition, il y a lieu d’observer que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission ne pouvait pas utiliser l’exposé des faits pour les informer de l’existence des preuves complémentaires qui étaient déjà disponibles au moment de la communication des griefs, mais qui n’avaient pas été incluses dans cette dernière. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’un document n’a pas été mentionné dans la communication des griefs, celui-ci peut constituer néanmoins une preuve admissible sous la condition que celui-ci a été communiqué en temps utile pour que le destinataire puisse formuler ses observations avant l’adoption de la décision litigieuse (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 1983, AEG-Telefunken/Commission, 107/82, EU:C:1983:293, point 29).

637    Troisièmement, en ce qui concerne les prétendues nouvelles objections contenues dans l’exposé des faits, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, dans la section 7.9 de la communication des griefs, la Commission a apprécié spécifiquement l’incitation des fournisseurs concurrents à commencer à fournir du ciment gris en Croatie.

638    Ensuite, il ressort sans aucun doute possible de la réponse de HeidelbergCement et de DDC à ladite communication que les requérantes ont compris cet aspect des griefs soulevés contre elles. À cet égard, il suffit de renvoyer aux points 91, 95, 106, 115, 122 et 132 de cette réponse dans lesquels HeidelbergCement et DDC se réfèrent au fait qu’« aucun autre fournisseur de ciment n’a actuellement d’incitation à “commencer à fournir du ciment gris en Croatie” » et à « l’incitation » de LafargeHolcim, Nexe, Titan, Asamer et d’autres « fournisseurs internationaux potentiels » à augmenter leurs ventes et à exercer une pression suffisante sur l’entité issue de l’opération. Il s’ensuit que l’observation des requérantes, selon laquelle ces réponses ne démontrent pas qu’elles avaient connaissance d’une allégation correspondante de la Commission ou qu’elles y ont répondu, est dénuée de fondement.

639    Enfin, en tout état de cause, comme le fait valoir la Commission, les requérantes n’ont ni expliqué quelles preuves qualitatives supplémentaires ou analyses économiques supplémentaires elles auraient pu présenter au cours de la procédure administrative, ni joint pareille preuve supplémentaire à la requête ou à la réplique. Qui plus est, les requérantes n’ont jamais demandé à pouvoir à nouveau accéder à la salle des données au cours de la procédure administrative.

640    Il s’ensuit que la première branche du sixième moyen doit être rejetée.

2.      Sur la deuxième branche, tirée de l’impossibilité de présenter des observations concernant l’ensemble des faits et des analyses économiques pertinents utilisés dans la décision attaquée

641    Dans le cadre de la deuxième branche du sixième moyen, les requérantes font valoir qu’elles n’ont pas eu la possibilité de présenter des observations sur l’ensemble des faits et des analyses économiques pertinents utilisés dans la décision attaquée, en particulier en ce qui concerne les calculs figurant aux sections 9.5.2.1 et 9.5.3. La communication de ces informations en temps utile aurait permis de les réfuter, d’entraîner une réévaluation des observations de la Commission figurant dans ces sections et de lever les inquiétudes qui y sont évoquées.

642    À cet égard, comme le souligne la Commission, sans être contredite par les requérantes, il ressort des annexes B8 à B11, reprises respectivement sous les numéros ID 3077, ID 3847, ID 3543 et ID 3566 dans la décision attaquée, que, les 20 et 28 février ainsi que le 22 mars 2017, la Commission a communiqué aux requérantes les informations permettant les calculs des inconvénients liés aux coûts pour les preneurs potentiels. Ainsi, les requérantes ont reçu communication des données non confidentielles de Cimko, W&P, Titan et Asamer, reprises dans les tableaux 11 à 14 de la section 9.5.2.1 de la décision attaquée.

643    Par ailleurs, lors de la conversation téléphonique du 17 février 2017 et de la réunion-bilan du 23 février 2017, la Commission affirme avoir fourni des explications détaillées sur la méthode appliquée pour comparer les coûts de commercialisation des preneurs potentiels avec ceux de DDC et sur la méthode appliquée pour calculer la capacité effective du terminal de Metković, la disponibilité de cette capacité et les capacités inutilisées requises. Lors de cette réunion, la Commission affirme également avoir informé les requérantes des conclusions qu’elle entendait tirer de ces différents calculs. Ces affirmations n’ont pas été contredites par les requérantes.

644    Il résulte de ce qui précède que les requérantes ont eu la possibilité de faire connaître leur point de vue sur ces conclusions.

645    La critique des requérantes, aux points 90 et 91 de la réplique, selon laquelle ces informations auraient dû être fournies par écrit ne sauraient changer cette conclusion, d’autant que les requérantes n’ont jamais effectuée une demande en ce sens au cours de la procédure administrative.

646    Il s’ensuit que la deuxième branche du sixième moyen doit être rejetée

3.      Sur la troisième branche, tirée de l’obstacle à l’exercice effectif des droits de la défense du fait de la rédaction de procès-verbaux de réunions et d’appels téléphoniques dans d’autres langues que la langue de l’affaire

647    Dans le cadre de la troisième branche du sixième moyen, les requérantes soutiennent que la Commission aurait violé leurs droits de la défense du fait de la rédaction de certains procès-verbaux de réunions et d’appels téléphoniques en italien et en croate et non dans la langue de l’affaire. À cet égard, les requérantes renvoient, à la note en bas de page 131 de la requête, à six documents cités dans différentes notes en bas de page de la décision attaquée. Compte tenu des délais très courts pour répondre à la communication des griefs, imposer aux requérantes la charge de traduire les procès-verbaux du croate vers la langue de l’affaire aurait rendu l’exercice de leurs droits de la défense plus difficile.

648    Il y a lieu, à titre liminaire, de délimiter le contenu de cette allégation. Étant donné que la Commission a déclaré au point 289 de son mémoire en défense, sans être contredite par les requérantes, qu’elle n’avait jamais organisé de réunion avec des clients et des concurrents, l’argument des requérantes ne porte que sur les procès-verbaux des appels téléphoniques de la Commission avec des clients et des concurrents.

649    Pour étayer leurs propos, les requérantes invoquent quatre arguments spécifiques.

650    Premièrement, au point 92 de la réplique, les requérantes font valoir que les procès-verbaux des entretiens téléphoniques de la Commission avec des clients ou des concurrents ne sont pas des pièces à conviction, mais des textes qui émanent de la Commission, au sens de l’article 3 du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385).

651    Cet argument doit être rejeté.

652    En effet, il y a lieu de rappeler qu’il n’existe aucune obligation générale, pour la Commission, d’établir des comptes rendus des discussions qu’elle a eues avec des clients ou des concurrents, au cours de réunions ou d’entretiens téléphoniques avec ceux-ci, dans le cadre de l’application des règles sur le contrôle des concentrations. L’absence d’une telle obligation n’est toutefois pas de nature à soustraire la Commission aux obligations qui lui incombent en matière d’accès au dossier. Il ne saurait, en effet, être admis que le recours à la pratique des relations verbales avec les tiers porte atteinte aux droits de la défense. Ainsi, si la Commission entend utiliser, dans sa décision, un élément à charge transmis de manière verbale par des clients ou des concurrents, elle doit le rendre accessible à l’entreprise concernée, afin que celle-ci puisse se prononcer utilement sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue sur la base de cet élément. Le cas échéant, elle doit créer à cette fin un document écrit destiné à figurer dans son dossier (voir arrêt du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, EU:T:2005:367, points 66 et 67 et jurisprudence citée).

653    En outre, il est constant que les documents auxquels se réfèrent les requérantes ont été cités dans la décision attaquée par la Commission à l’appui de ses conclusions. Les informations que contiennent ces documents n’émanent pas de la Commission, mais comme les requérantes le reconnaissent elles-mêmes, de concurrents et de clients. Ces documents constituent donc des pièces à conviction et doivent être portées à la connaissance des destinataires de la communication des griefs, telles qu’elles sont, de façon à ce que les destinataires, puissent connaître l’interprétation que la Commission en a faite (voir, en ce sens, arrêt du 6 avril 1995, Trefilunion/Commission, T‑148/89, EU:T:1995:68, point 21). La traduction que la Commission ferait de tels documents ne pourrait jamais être considérée comme une version authentique faisant foi (arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 633).

654    Deuxièmement, aux points 93 et 94 de la réplique, les requérantes font valoir que les procès-verbaux des entretiens téléphoniques peuvent uniquement être considérés comme ayant une valeur probante dans la mesure où ils ont été approuvés par les personnes entendues.

655    À cet égard, il suffit de constater que la Commission a déclaré que les procès-verbaux des entretiens téléphoniques ont toujours été approuvés par les personnes entendues.

656    En tout état de cause, l’argument selon lequel la valeur probante des procès-verbaux découlerait de leur approbation par les personnes entendues doit être écarté comme étant inopérant, dès lors qu’il est sans influence sur le constat d’une éventuelle violation par la Commission des droits de la défense des requérantes du fait de la rédaction de ses procès-verbaux dans une langue autre que celle de l’affaire.

657    Troisièmement, au point 95 de la réplique, les requérantes font valoir que, même s’il est vrai qu’elles-mêmes ont fourni un certain nombre de documents en italien et en croate, ceux-ci constituaient des éléments de preuve, contrairement aux procès-verbaux des entretiens téléphoniques de la Commission.

658    Cet argument doit être rejeté, dans la mesure où il repose sur un postulat erroné. Ainsi qu’il découle du point 653 ci-dessus, les informations contenues dans les procès-verbaux des entretiens téléphoniques de la Commission n’émanent pas de cette dernière et constituent des pièces à conviction.

659    Par ailleurs, le fait que les requérantes aient fourni elles-mêmes des documents en italien et en croate contribue encore davantage à ôter tout fondement à l’allégation selon laquelle les requérantes n’auraient pas été en mesure de prendre utilement connaissance du contenu des procès‑verbaux en italien et en croate de la Commission (voir, par analogie, arrêts du 16 septembre 2013, PROAS/Commission, T‑495/07, non publié, EU:T:2013:452, point 105, et du 16 septembre 2013, CEPSA/Commission, T‑497/07, non publié, EU:T:2013:438, point 114).

660    Quatrièmement, au point 96 de la réplique, les requérantes font valoir que le fait que HeidelbergCement ait été en mesure d’engager un avocat croate afin de pouvoir faire un usage effectif de l’accès limité à la salle des données serait sans pertinence, dans la mesure où il pourrait être espéré de l’équipe chargée de l’affaire au sein de la Commission qu’elle documente ses propres conversations téléphoniques dans la langue de l’affaire.

661    Ainsi qu’il découle des points 652 et 653 ci-dessus, le respect des droits de la défense exige que les destinataires de la communication des griefs puissent accéder au cours de la procédure administrative à l’ensemble des documents à charge dans leurs versions originales. Ce principe n’impose toutefois pas à la Commission l’obligation de traduire dans la langue de l’affaire des documents cités dans la communication des griefs ou utilisés à l’appui de celle-ci. Il s’ensuit que l’argument des requérantes doit être rejeté (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, EU:T:2000:77, point 635).

662    Par ailleurs, le fait que les requérantes aient été en mesure d’engager un avocat croate confirme qu’elles ont pu prendre utilement connaissance du contenu des documents de langue croate.

663    Enfin, comme le fait valoir la Commission, si les requérantes avaient eu besoin de plus de temps pour présenter leurs observations lors de la procédure administrative en raison de la nécessité de traduire le compte rendu de certains entretiens téléphoniques, il leur appartenait d’exercer leur droit à demander une prolongation de délai à l’équipe chargée de l’affaire et ensuite au conseiller-auditeur, conformément à l’article 9, paragraphe 1, lu conjointement avec le considérant 17, de la décision 2011/695/UE du président de la Commission européenne, du 13 octobre 2011, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans certaines procédures de concurrence (JO 2011, L 275, p. 29). Toutefois, elles n’ont jamais introduit de demande en ce sens.

664    Il s’ensuit que la troisième branche du sixième moyen doit être rejetée.

4.      Sur la quatrième branche, tirée de ce que la Commission aurait fait  obstacle à l’exercice par Schwenk de ses droits de la défense en ne l’impliquant pas dans les réunions relatives à l’état de la situation et dans d’autres discussions avec HeidelbergCement avant l’ouverture de la procédure formelle d’examen

665    Dans la quatrième branche du sixième moyen, les requérantes font valoir que la Commission aurait violé les droits de la défense de Schwenk et son droit de participer à toutes les étapes importantes de la procédure en ne l’impliquant dans aucune discussion ou réunion relative à l’état de la situation avant l’ouverture de l’enquête approfondie.

666    Le respect des droits de la défense exige que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, des circonstances alléguées ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de sa position. L’article 18, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 reflète ce principe, dans la mesure où il prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure pour permettre aux destinataires de faire valoir utilement leur défense avant que celle-ci n’adopte une décision définitive (voir, par analogie, arrêt du 24 mai 2012, MasterCard e.a./Commission, T‑111/08, EU:T:2012:260, point 266 et jurisprudence citée).

667    Ainsi, ce n’est qu’au début de la phase contradictoire administrative que l’entreprise concernée est informée, moyennant la communication des griefs, de tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure et que cette entreprise dispose d’un droit d’accès au dossier afin de garantir l’exercice effectif de ses droits de la défense. Par conséquent, c’est seulement après l’envoi de la communication des griefs que l’entreprise concernée peut pleinement se prévaloir de ses droits de la défense (voir, par analogie, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 115).

668    Par conséquent, les requérantes n’ont pas démontré que la Commission était dans l’obligation d’associer Schwenk à la procédure avant l’adoption de la décision au titre de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 139/2004.

669    Il s’ensuit que la quatrième branche du sixième moyen doit être rejetée.

5.      Sur la cinquième branche, tirée de la violation du principe de bonne administration et de l’obligation de diligence

670    Dans le cadre de la cinquième branche du sixième moyen, les requérantes soutiennent que la Commission a violé le principe de bonne administration et l’obligation de diligence.

671    Pour étayer leurs propos, les requérantes invoquent quatre arguments spécifiques.

672    Premièrement, au point 203 de la requête, les requérantes font valoir que la Commission n’aurait pas dûment analysé et pesé le retour de l’information des clients et des concurrents affectés par l’opération. La décision attaquée ne consacre que deux points à l’appréciation concurrentielle de cette information et cite uniquement des commentaires négatifs qui ne se référeraient pas aux marchés en cause, mais se concentreraient sur la Dalmatie.

673    À cet égard, il suffit d’observer que le fait que, au terme de sa propre analyse du marché, la Commission se soit ralliée ou non au point de vue des clients et des concurrents ne prouve pas qu’elle n’ait pas tenu compte de cette information. En toute hypothèse, bien que l’opinion des clients et autres tiers puisse constituer une importante source d’information sur l’impact prévisible d’une opération de concentration sur le marché, elle ne saurait lier la Commission dans son appréciation autonome de l’impact de la concentration sur ce marché (arrêt du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, EU:T:1999:65, points 290 et 291).

674    Deuxièmement, au point 204 et aux notes en bas de page 139 et 140 de la requête, les requérantes font valoir que la Commission aurait déformé ou méconnu complètement une grande partie des déclarations et des arguments factuels et juridiques contenus dans leur réponse à la décision adoptée au titre de l’article 6, paragraphe 1, sous c), à la communication des griefs et à l’exposé des faits.

675    En ce qui concerne la note en bas de page 139 de la requête, il y a lieu de relever que les requérantes se contentent de renvoyer, à titre d’exemple, à deux considérants de la décision attaquée, en affirmant que la Commission se serait écartée des propos qu’elles auraient réellement tenus. Toutefois, les requérantes n’indiquent pas à quelle occasion ou dans quel document elles auraient tenu de tels propos. Dès lors, cette allégation qui a été formulée en note en bas de page de la requête et n’a nullement été développée par les requérantes, ne satisfait pas aux conditions de l’article 76, sous d), du règlement de procédure et est, partant, irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2011, General Technic-Otis e.a./Commission, T‑141/07, T‑142/07, T‑145/07 et T‑146/07, EU:T:2011:363, point 338).

676    En ce qui concerne la note en bas de page 140 de la requête, il y a lieu de relever que les requérantes se bornent à renvoyer, à titre d’exemple, à des séries de points dans différentes annexes, en reprochant à la Commission de ne pas avoir pris en compte les éléments et les informations qu’elles auraient fournis à cette occasion, sans spécifier précisément quels éléments ou informations pertinents du cas d’espèce celle-ci aurait omis d’analyser avec le soin et l’impartialité nécessaire. Dès lors, cette allégation qui a été formulée en note en bas de page de la requête et n’a nullement été développée par les requérantes, ne satisfait pas aux conditions de l’article 76, sous d), du règlement de procédure et est, partant, irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2011, General Technic-Otis e.a./Commission, T‑141/07, T‑142/07, T‑145/07 et T‑146/07, EU:T:2011:363, point 338).

677    Troisièmement, au point 205 de la requête, les requérantes font valoir que la Commission aurait rejeté, à de nombreuses occasions, dans la décision attaquée, des déclarations factuelles comme étant infondées, insuffisamment détaillées ou non étayées par des preuves. Selon elles, il est inacceptable et contraire à l’esprit de confiance et de coopération mutuelle qui devrait caractériser la procédure de contrôle des concentrations que la Commission rejette des déclarations pour défaut de fondement ou de preuve si elle n’a jamais demandé de justification ou de preuve. À titre d’exemple, les requérantes se réfèrent aux considérants 112, 115, 455, 501, 503, 562, 563, 578, 582 et 583 de la décision attaquée.

678    À le supposer même recevable, l’argument invoqué par les requérantes doit être rejeté sur le fond pour les motifs exposés ci-après.

679    À cet égard, il suffit de constater que, sans être contredite par les requérantes, la Commission a repris, aux points 303 à 306 de son mémoire en défense, les éléments figurant dans la décision attaquée qui lui ont permis de rejeter les allégations des requérantes aux considérants 112, 115, 455, 501, 503, 562, 563, 578, 582 et 583 de la décision attaquée, sans demander d’éléments complémentaires d’information, les allégations des requérantes étant clairement contredites par des éléments de preuve, insuffisantes ou tardives.

680    Quatrièmement, au point 206 de la requête, les requérantes font valoir que la Commission se serait fondée sur plusieurs documents qui sont des simples projets ou qui sont obsolètes, sans fournir d’explication des raisons pour lesquelles ces documents seraient fiables ou toujours pertinents.

681    Cet argument doit être rejeté, dans la mesure où les requérantes n’ont aucunement démontré comment le contenu ou la date de ces documents aurait pu porter atteinte à la valeur probante de ceux-ci.

682    Il s’ensuit que la cinquième branche du sixième moyen doit être rejetée et, partant, le sixième moyen dans son ensemble.

H.      Sur le septième moyen, tiré d’un défaut de compétence de la Commission pour interdire la partie de l’opération relative à l’acquisition de Cemex Hungary

683    Par leur septième moyen, les requérantes soutiennent que, en raison de la décision de renvoi partiel, la Commission aurait été dépourvue de compétence pour interdire l’acquisition de Cemex Hungary.

684    Il y a lieu de rappeler que par l’adoption d’une décision de renvoi, la Commission met fin à la procédure d’application du règlement no 139/2004, en ce qui concerne les aspects de la concentration faisant l’objet du renvoi, et transfère la compétence exclusive pour l’examen de ceux-ci aux autorités nationales de la concurrence statuant sur la base de leur droit national. Elle est, par le fait même, dépourvue de toute compétence pour traiter desdits aspects (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 avril 2003, Royal Philips Electronics/Commission, T‑119/02, EU:T:2003:101, point 372).

685    À cet égard, les requérantes ne sauraient tirer aucun argument utile du fait que l’arrêt du 3 avril 2003, Royal Philips Electronics/Commission (T‑119/02, EU:T:2003:101), aurait concerné des faits différents de ceux de l’espèce. Ces circonstances ne suffisent pas à exclure la pertinence de la solution juridique dégagée au point 372 dudit arrêt et qui se rapporte aux effets du renvoi de l’examen d’une opération de concentration aux autorités compétentes d’un État membre par la Commission.

686    En l’espèce, aux termes du considérant 48 de la décision de renvoi partiel, adoptée au titre de l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 139/2004, la Commission a renvoyé « l’évaluation des effets de l’opération sur les marchés en cause en Hongrie » aux autorités compétentes nationales.

687    Il ressort également des considérants 15 et 16 de cette même décision que l’acquisition des sociétés cibles par DDC doit être considérée comme une concentration unique au sens du règlement no 139/2004, dans la mesure où l’acquisition de ces sociétés a été poursuivie conjointement et est liée au travers des conventions d’achat d’actions conclues entre Rohrdorfer et DDC.

688    À cet égard, il ressort du libellé du considérant 48 de la décision de renvoi partiel, que la Commission n’a pas renvoyé « l’affaire », la « concentration » ou la « transaction », mais seulement l’appréciation de ses effets, aux autorités compétentes hongroises. Par ailleurs, l’acquisition de Cemex Hungary auprès de Rohrdorfer apparaît économiquement indissociable de celle de Cemex Croatia auprès de Cemex, dans la mesure où l’acquisition de l’une des sociétés cibles n’aurait pas été conclue sans l’autre.

689    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’était pas compétente pour évaluer les effets de l’opération sur les marchés en cause en Hongrie, mais demeurait compétente pour se prononcer sur l’acquisition de Cemex Hungary.

690    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments des requérantes et de DDC.

691    Premièrement, le fait que Cemex Hungary ait été uniquement active en Hongrie est indifférent. En tout état de cause, Cemex Hungary n’était pas uniquement active en Hongrie, dans la mesure où il ressort d’une annexe au formulaire RS qu’elle a réalisé en 2015 un chiffre d’affaires en Autriche.

692    Deuxièmement, concernant l’allégation des requérantes, au point 99 de la réplique, selon laquelle, en tout état de cause, la Commission n’aurait jamais examiné les effets de l’acquisition de Cemex Hungary par DDC en Croatie ou dans aucun autre pays, il suffit de constater qu’il découle du point 689 ci-dessus que la Commission n’était pas compétente pour évaluer les effets de l’opération sur les marchés en cause en Hongrie.

693    Troisièmement, contrairement à ce que soutiennent les requérantes au point 100 de la réplique, la Commission n’était pas tenue de vérifier avec elles ou avec DDC, avant d’interdire l’opération, si l’acquisition de Cemex Hungary par DDC continuerait de se poursuivre sur une base individuelle en cas d’interdiction de l’acquisition de Cemex Croatia. En effet, le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais non à la position finale que l’administration entend adopter (voir arrêt du 9 mars 2015, Deutsche Börse/Commission, T‑175/12, non publié, EU:T:2015:148, point 344 et jurisprudence citée).

694    Quatrièmement, aux points 29 et 30 de son mémoire en intervention, DDC fait valoir que l’approche formaliste de la Commission et l’obstruction de celle-ci au déroulement de la procédure hongroise de contrôle des opérations de concentration en cours seraient incompatibles avec le principe de bonne administration.

695    La Commission soutient que cette allégation est irrecevable.

696    Force est de constater que l’argumentation tirée de la violation du principe de bonne administration dans le cadre de la problématique du renvoi de l’opération aux autorités compétentes de la Hongrie, n’a pas été soulevée par les requérantes et ne se rattache pas à l’objet du litige ainsi défini par celles-ci. Elle doit donc être déclarée irrecevable, conformément à la jurisprudence rappelée au point 81 ci-dessus.

697    Il résulte de ce qui précède que le septième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

698    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours est rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

699    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé en leurs conclusions et la Commission, ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner les requérantes à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission.

700    En outre, selon l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supportera ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que DDC, qui est intervenue au soutien des conclusions des requérantes, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      HeidelbergCement AG et Schwenk Zement KG sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que les dépens exposés par la Commission européenne.

3)      Duna-Dráva Cement Kft. supportera ses propres dépens afférents à la demande d’intervention.

Collins

Barents

Passer

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2020.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Entités en cause

B. Faits antérieurs à la procédure administrative

C. Procédure administrative

D. Décision attaquée

1. Sur la dimension communautaire

2. Sur les marchés en cause

a) Sur le marché de produits

b) Sur le marché géographique

3. Sur les effets de la concentration sur la concurrence

4. Sur les engagements

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Considérations liminaires

1. Sur les demandes de confidentialité

2. Sur un argument liminaire de DDC

B. Sur le premier moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la définition de la dimension communautaire de la concentration

1. Sur la recevabilité

a) Sur la recevabilité du premier moyen

b) Sur la recevabilité des points 15 à 32 de la réplique

c) Sur la recevabilité des points 23 et 25 du mémoire en intervention

2. Sur le fond

a) Sur la première branche, relative à la notion d’entreprises concernées

1) Sur la prise en considération de la réalité économique aux fins de la détermination des entreprises concernées

2) Sur le principe de sécurité juridique

3) Sur l’extension des compétences de la Commission

4) Sur l’intention des sociétés mères

5) Sur les objectifs et la structure du règlement no 139/2004

b) Sur la deuxième branche, relative aux éléments de preuve

1) Sur le premier argument

2) Sur le deuxième argument

3) Sur le troisième argument

4) Sur le quatrième argument

5) Sur le cinquième argument

6) Sur le sixième argument

7) Sur le septième argument

8) Sur le huitième argument

9) Sur le neuvième argument

10) Sur le dixième argument

11) Sur le onzième argument

12) Sur le douzième argument

13) Sur le treizième argument

14) Sur le quatorzième argument

15) Sur le quinzième argument

16) Sur la participation de Schwenk à l’opération

17) Sur les mesures d’organisation de la procédure proposées par les requérantes et DDC

c) Sur la troisième branche, relative au défaut de pertinence des considérations développées et des preuves recueillies après l’ouverture de la phase d’examen approfondi

C. Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la définition du marché géographique en cause

1. Rappel de la décision attaquée

2. Considérations liminaires

3. Appréciation du Tribunal

D. Sur le troisième moyen, tiré de l’absence d’entrave à la concurrence dans une partie substantielle du marché intérieur

E. Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’appréciation des effets concurrentiels de l’opération

1. Sur la première branche, tirée du fait que l’enquête et l’appréciation concurrentielle ne concernent pas « les marchés en cause »

2. Sur la deuxième branche, tirée du fait que les parts de marché ne sont pas des indicateurs valables du problème de concurrence en l’espèce

a) Rappel de la décision attaquée

b) Appréciation du Tribunal

3. Sur la troisième branche, tirée de l’insuffisance des « autres considérations » relatives aux « marchés correspondant à la zone de chalandise de Split » dans la décision attaquée

4. Sur la quatrième branche, tirée du fait que les pressions conjointes des concurrents dans la « région en cause et autour de cette région » devraient suffire pour exclure toute entrave significative à une concurrence effective

a) S’agissant de la pression résultant des capacités excédentaires

b) S’agissant de l’intérêt des fournisseurs concurrents à augmenter leurs ventes

c) S’agissant de la théorie des représailles

1) Rappel de la décision attaquée

2) Appréciation du Tribunal

5. Sur la cinquième branche, tirée d’erreurs manifestes dans l’appréciation de la pression concurrentielle exercée individuellement par les concurrents

a) S’agissant des erreurs manifestes d’appréciation des facteurs généraux limitant la pression exercée par les fournisseurs concurrents

b) S’agissant des erreurs manifestes d’appréciation de la pression exercée par des fournisseurs individuels

1) En ce qui concerne LafargeHolcim

2) En ce qui concerne Nexe

3) En ce qui concerne Titan

4) En ce qui concerne Asamer

F. Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs manifestes dans l’appréciation de la mesure corrective proposée

1. Rappel de la décision attaquée

2. Appréciation du Tribunal

a) Sur la première branche, relative au fait que l’appréciation des engagements effectuée par la Commission est fondée sur une norme erronée et excessivement restrictive

b) Sur la seconde branche, relative aux erreurs manifestes d’appréciation des engagements présentés

G. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation d’exigences procédurales essentielles et des droits fondamentaux des requérantes

1. Sur la première branche, tirée du refus d’une seconde audition

2. Sur la deuxième branche, tirée de l’impossibilité de présenter des observations concernant l’ensemble des faits et des analyses économiques pertinents utilisés dans la décision attaquée

3. Sur la troisième branche, tirée de l’obstacle à l’exercice effectif des droits de la défense du fait de la rédaction de procès-verbaux de réunions et d’appels téléphoniques dans d’autres langues que la langue de l’affaire

4. Sur la quatrième branche, tirée de ce que la Commission aurait fait obstacle à l’exercice par Schwenk de ses droits de la défense en ne l’impliquant pas dans les réunions relatives à l’état de la situation et dans d’autres discussions avec HeidelbergCement avant l’ouverture de la procédure formelle d’examen

5. Sur la cinquième branche, tirée de la violation du principe de bonne administration et de l’obligation de diligence

H. Sur le septième moyen, tiré d’un défaut de compétence de la Commission pour interdire la partie de l’opération relative à l’acquisition de Cemex Hungary

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2 Données confidentielles occultées