Language of document : ECLI:EU:T:2015:1003

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

17 décembre 2015 (*)

« Aides d’État – Aides mises à exécution par la France en faveur de Sernam SCS – Aides à la restructuration et recapitalisation, garanties et abandon de créances par la SNCF envers Sernam – Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché intérieur – Application abusive de l’aide – Récupération – Continuité économique – Critère de l’investisseur privé »

Dans l’affaire T‑242/12,

Société nationale des chemins de fer français (SNCF), établie à Paris (France), représentée par Mes P. Beurier, O. Billard et V. Landes, avocats,

partie requérante,

soutenue par

République française, représentée initialement par MM. D. Colas et J. Gstalter, puis par MM. Colas et J. Rossi et enfin par M. Colas et Mme J. Bousin, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. T. Maxian Rusche et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Mory SA, en liquidation, établie à Pantin (France),

et

Mory Team, en liquidation, établie à Pantin,

représentées par Mes B. Vatier et F. Loubières, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2012/398/UE de la Commission, du 9 mars 2012, concernant l’aide d’État SA. 12522 (C 37/08) – France – Application de la décision « Sernam 2 » (JO L 195, p. 19),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 février 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1.     Sur la requérante et Sernam à l’époque des faits

1        Après avoir été créée en 1938 sous un statut de société anonyme, la Société nationale des chemins de fer (SNCF) (ci-après la « SNCF » ou la « requérante ») est devenue un établissement public industriel commercial (EPIC) avec effet au 1er janvier 1983, en application de la loi 82-1153, du 30 décembre 1982, d’orientation des transports intérieurs. La totalité du capital (constitué d’une dotation de l’État et non d’actions) revient à l’État.

2        Depuis sa création en 1970 par la requérante comme service interne, les activités de l’entreprise Sernam consistent en des activités de messagerie et de transport express de colis et de palettes.

3        En 1993, une réorganisation a conduit à la création de Sernam Domaine et de la filiale Sernam Transport SA. Sernam Domaine est demeurée un service interne de la SNCF tandis que Sernam Transport a été établie comme filiale à 100 % de la SNCF et détenait à son tour 24 filiales par le biais desquelles elle exerçait ses activités de transport routier.

4        Le 1er février 2000, Sernam Domaine a été transformée en une nouvelle société en commandite simple, Sernam SCS, disposant d’une personnalité juridique distincte et filiale à 100 % de la SNCF. Sernam SCS détenait notamment les titres de participation de Sernam Transport, devenue sa filiale à 100 %.

5        En décembre 2001, Sernam SCS est devenue Sernam SA. Sernam comptait en 2005 dix filiales opérationnelles ainsi qu’une société de prestations routières, Sernam Transport Route (anciennement Sernam Transport).

2.     Sur la décision Sernam 1

6        Par sa décision NN 122/00 (ex N 140/00) du 23 mai 2001 (ci-après « décision Sernam 1 »), la Commission des Communautés européennes a considéré que les mesures d’assistance commerciale et de redressement de Sernam SCS mises en place par la requérante et devant être effectuées entre le début de l’année 2001 et la fin de l’année 2004 constituaient des aides d’État compatibles avec le traité CE. Leur montant total s’élevait à 503 millions d’euros. Elle a également « regretté que la [République française] ait mis à exécution l’aide en question, en violation de l’article 88, paragraphe 3, du traité ».

7        L’aide de 503 millions d’euros était autorisée notamment sur la base d’un engagement de la République française sur le fait que l’entreprise fût vendue. En effet, Sernam SCS devait être reprise à hauteur de 60 % de son capital par Geodis SA. Geodis aurait ainsi dû devenir entièrement responsable des dettes de Sernam SCS de manière illimitée et couvrir les frais supplémentaires de la restructuration à hauteur de 67 millions d’euros. Sernam SCS s’engageait de son côté à réduire le nombre de ses sites d’exploitation de 107 à 72 sur la période allant de 1999 à 2004, à réduire son chiffre d’affaires de 18 %, à réduire son personnel et à effectuer la restructuration avec le budget susmentionné et dans le temps imparti.

3.     Sur la décision Sernam 2

8        Par courrier du 17 juin 2002, les autorités françaises ont informé la Commission que les aides approuvées par la décision Sernam 1 avaient été exécutées dans des conditions différentes de celles sur la base desquelles la Commission avait pris sa décision.

9        Par lettre du 30 avril 2003, la Commission a informé la République française de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE à l’encontre de ces aides [décision intitulée « Aides d’État – France – Invitation à présenter des observations en application de l’article 88, paragraphe 2, du traité CE concernant l’aide C 32/03 (ex NN 122/2000) – ‘Sernam 2 : Révision des aides à la restructuration’ », JO C 182, p. 2].

10      La Commission a procédé à une analyse nouvelle de l’ensemble du dossier sur la base d’un plan complet de restructuration actualisé et reflétant les nouvelles circonstances. Elle a analysé les faits nouveaux afin de constater dans quelle mesure ils étaient ou non conformes à la décision Sernam 1 et a vérifié dans quelle mesure l’ensemble de la nouvelle situation de fait au jour de la décision – en comparaison de la décision Sernam 1 – était compatible avec les lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 1999, C 288, p. 2), notamment au regard du principe de l’aide unique.

11      Par sa décision 2006/367/CE, du 20 octobre 2004, concernant l’aide d’État partiellement mise à exécution par la France en faveur de l’entreprise Sernam (JO 2006, L 140, p. 1, ci-après « décision Sernam 2 »), la Commission a conclu au non-respect de la décision Sernam 1, ce qui constituait un abus de l’aide, au sens de l’article 1er, sous g), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO L 83, p. 1), et du paragraphe 43 des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté.

12      Elle a néanmoins constaté que les autorités françaises avaient rempli plusieurs de leurs objectifs en conformité avec la décision Sernam 1 et que l’aide examinée répondait aux critères de modification d’un plan de restructuration prévus au point 3.2.4 des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté. La Commission a donc confirmé que l’aide approuvée par la décision Sernam 1, à hauteur de 503 millions d’euros, était compatible avec le marché commun sous de nouvelles conditions.

13      Elle a également constaté qu’une aide additionnelle d’un montant de 41 millions d’euros, versée par la requérante à Sernam et conséquence directe de l’application abusive de l’aide approuvée par la décision Sernam 1, devait être déclarée incompatible avec le marché commun et récupérée avec les intérêts.

14      Le dispositif final de la décision Sernam 2 se lit comme suit :

« Article premier

1. L’aide d’État en faveur de la société Sernam, approuvée en mai 2001, à hauteur du montant de 503 millions EUR, est compatible avec le marché commun aux conditions prévues aux articles 3 et 4.

2. L’aide d’État mise à exécution par la [République française] en faveur de la société Sernam, pour un montant de 41 millions EUR est incompatible avec le marché commun.

Article 2

1. La [République française] prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer, auprès de son bénéficiaire, l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 2, et déjà illégalement mise à sa disposition.

2. La récupération a lieu sans délai conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision. Les aides à récupérer incluent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire, jusqu’à la date de leur récupération. Les intérêts sont calculés sur la base du taux de référence utilisé pour le calcul de l’équivalent-subvention dans le cadre des aides à finalité régionale.

Article 3

1. Sous réserve du paragraphe 2, les conditions suivantes devront être respectées :

a)      Sernam ne pourra développer que ses activités d’acheminement de messagerie par voie ferroviaire suivant le concept du Train bloc express (« TBE »). À cet égard, la SNCF garantit d’offrir à tout autre opérateur qui en fait la demande les mêmes conditions que celles accordées à Sernam pour le développement de transport ferroviaire de fret « TBE ».

b)      En revanche, Sernam devra, au cours des deux prochaines années à compter de la date de notification de la présente décision, remplacer intégralement ses moyens propres et services de transport routier par des moyens et services de transport routier d’une ou de plusieurs entreprises juridiquement et économiquement indépendantes de la SNCF et choisies selon une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire.

Par moyens propres et services de transport routier de Sernam sont visés l’ensemble des moyens routiers – à savoir, les véhicules de transport routier – de la compagnie Sernam en pleine propriété ou en leasing/location ;

Les entreprises qui reprendront les activités routières de Sernam, devront assurer l’ensemble de la prestation de transport routier avec leurs ressources propres.

2. Dans le cas où Sernam vend ses actifs en bloc, d’ici au 30 juin 2005, au prix du marché, à une société n’ayant pas de lien juridique avec la SNCF, moyennant une procédure transparente et ouverte, les conditions du paragraphe 1 ne s’appliquent pas.

Article 4

Toute vente partielle ou entière de Sernam doit être effectuée au prix du marché et moyennant une procédure transparente et ouverte à tous ses concurrents. Dans ces conditions, le remboursement de l’aide de 41 millions EUR incombera à la société Sernam si celle-ci continue d’exister.

[…] ».

4.     Sur la transmission des actifs en bloc de Sernam à la Financière Sernam et les événements ayant suivi

15      À la suite de la décision Sernam 2, les autorités françaises ont rendu visite à la Commission le 24 novembre 2004 et lui ont écrit officiellement le 21 décembre 2004 pour l’informer du choix de vendre les actifs en bloc de Sernam, conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2.

16      La requérante a organisé, avec l’assistance d’une banque (ci-après la « banque X »), un appel d’offres. Trente-quatre groupes ont été contactés.

17      D’après les autorités françaises, la situation économique de Sernam n’a pas permis d’obtenir des propositions de valorisation positive. Toutes les offres remises dans le cadre de cette procédure auraient conclu à une valeur très lourdement négative :

–        candidat no 1 (offre préliminaire) : - 120 millions d’euros ;

–        candidat no 2 (offre préliminaire) : - 90,4 millions d’euros ;

–        candidat no 3 (offre préliminaire) : - 90,4 millions d’euros ;

–        candidat no 4 (offre non engageante de second tour) : - 65,2 millions d’euros ;

–        candidat no 5 (offre non engageante de second tour) : - 56,4 millions d’euros.

18      Aucune offre ferme n’a été soumise. Cependant, deux soumissionnaires, le candidat no 4 et le candidat no 5, ce dernier étant associé à l’équipe de direction de Sernam, ont montré des marques d’intérêt sérieux à l’issue du second tour. La décision a été prise de poursuivre les discussions uniquement avec le consortium formé par le candidat no 5 associé à l’équipe de direction de Sernam (ci-après le « consortium »).

19      Le candidat no 5 a fait finalement savoir par oral à la requérante, le 15 juin 2005, son incapacité à remettre une offre de reprise, même conditionnelle, avant le 30 juin 2005.

20      L’équipe de direction de Sernam, à travers une société encore à créer et appelée d’abord Bidco puis la Financière Sernam, a alors décidé de faire une offre de reprise autonome, transmise à la requérante le 30 juin 2005 et acceptée en principe par la direction générale de la requérante le même jour.

21      Le protocole d’accord, qui a été conclu entre la requérante, Sernam, la SAS Sernam Xpress (une des 10 filiales à 100 % de Sernam, créée en 2002, ci-après « Sernam Xpress »), et les dirigeants de la future la Financière Sernam, a été signé le 21 juillet 2005 (ci-après le « protocole d’accord du 21 juillet 2005 »).

22      Le processus de cession a eu lieu en quatre étapes :

–        la requérante a recapitalisé Sernam, sa filiale à 100 %, à hauteur de 57 millions d’euros ;

–        Sernam a ensuite effectué au profit de sa filiale à 100 %, Sernam Xpress, un apport partiel d’actifs (ci-après l’« apport »), soumis au régime des scissions visé aux articles L 236-16 à L 236-21 du code de commerce français, en contrepartie duquel Sernam a reçu une part de Sernam Xpress d’une valeur nominale de 100 euros (la rémunération d’un apport partiel d’actifs se faisant sous forme de titres). Cet apport portait sur tous les éléments d’actifs, y compris les 57 millions d’euros de la recapitalisation, et de passifs de Sernam, à l’exception de certains passifs financiers représentant un montant global de 38,5 millions d’euros (ci-après, pris ensemble, les « passifs financiers »), et comprenant :

–        la dette liée au prêt participatif contracté par Sernam auprès du groupe SNCF le 21 décembre 2001 ;

–        les éléments d’actifs et de passifs afférents à la résiliation du contrat « IBM – GPS » ;

–        immédiatement après la réalisation de l’apport, Sernam Xpress a procédé à une augmentation de capital de 2 millions d’euros, qui a été entièrement souscrite par la requérante. À la suite de cette opération, la requérante détenait la majorité des parts de Sernam Xpress ;

–        Sernam et la requérante ont ensuite cédé pour un prix de 2 millions d’euros à la Financière Sernam la totalité de leurs parts dans Sernam Xpress, représentant l’intégralité du capital de cette dernière.

23      En outre, étaient prévus un mécanisme de complément de prix en cas de transfert ultérieur, total ou partiel, à un tiers, du capital ou des actifs de la société cédée et une clause résolutoire en cas de décision négative de la Commission dans les cinq ans suivant la conclusion du protocole d’accord du 21 juillet 2005.

24      Lors de la cession, la requérante a également accordé des garanties.

25      Le traité d’apport partiel d’actifs entre Sernam et Sernam Xpress date du 14 septembre 2005. La Financière Sernam a été immatriculée au registre du commerce le 14 octobre 2005.

26      Les différentes opérations du processus de cession, décrites au point 22 ci-dessus, ont eu lieu le même jour, le 17 octobre 2005, jour dit du « closing ».

27      Sernam a été liquidée judiciairement le 15 décembre 2005. Les 41 millions d’euros remboursables à la requérante au titre de la décision Sernam 2 ont été inscrits au passif de cette liquidation, de même que les 38,5 millions d’euros de passifs financiers exclus de l’apport (voir point 22, deuxième tiret, ci-dessus).

28      Au cours de l’année 2006, un fonds d’investissement est entré à hauteur de 51,8 % dans le capital de Sernam Xpress.

29      En mai 2011, Sernam Xpress a fait apport de la marque Sernam à sa filiale opérationnelle, Sernam Services.

30      Le 30 juin 2011, Sernam Xpress a été dissoute et la Financière Sernam, associée unique, a absorbé le patrimoine de celle-ci (opération dite de « transmission universelle de patrimoine »).

31      Le groupe Sernam, à la date de la décision attaquée, était constitué de la Financière Sernam et des filiales de l’ex-Sernam Xpress : Sernam Services et Aster (anciennement dénommée Sernam Transport Route).

32      Une procédure de redressement judiciaire de la Financière Sernam et de Sernam Services a été lancée le 31 janvier 2012. Le 3 février 2012, la filiale Aster a été placée en liquidation judiciaire avec poursuite temporaire d’activité.

33      Considérant qu’un plan de continuation du groupe Sernam ne paraissait pas crédible, l’administrateur judiciaire désigné a engagé la recherche de candidats à la reprise.

5.     Sur la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée

34      Dès le 24 juin 2005, un premier plaignant (ci-après le « premier plaignant ») a dénoncé la mauvaise application de la décision Sernam 2 à la Commission.

35      Le 22 février 2006, le premier plaignant a introduit un recours en carence contre la Commission.

36      Par lettres du 10 avril 2006 et du 23 avril 2007, la Commission a été saisie d’une autre plainte par une seconde partie intéressée (ci-après le « second plaignant »).

37      Les deux plaignants estimaient en substance que la décision Sernam 2 avait été appliquée abusivement.

38      Par sa décision du 16 juillet 2008, intitulée « Aides d’État ‑ France ‑ Aide d’État C 37/08 ‑ Application de la décision Sernam 2 – Invitation à présenter des observations en application de l’article [108, paragraphe 2, TFUE] » (JO 2009, C 4, p. 5, ci-après la « décision d’ouverture »), la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

39      Le 29 avril 2009, le Tribunal a constaté le non-lieu à statuer sur le recours en carence introduit par le premier plaignant contre la Commission (ordonnance du 29 avril 2009, HALTE/Commission, T‑58/06, EU:T:2009:125).

40      Le 9 mars 2012, la Commission a adopté la décision 2012/398/UE, concernant l’aide d’État SA. 12522 (C 37/08) – France – Application de la décision « Sernam 2 » (JO L 195, p. 19, ci-après la « décision attaquée »). Elle a été transmise aux autorités françaises le 10 mars 2012. Les autorités françaises l’ont transmise à la requérante le 26 mars 2012.

6.     Décision attaquée

41      À titre liminaire, la Commission a indiqué que la procédure avait été ouverte en vertu de l’article 16 du règlement no 659/1999, parce que la Commission avait des indications suivant lesquelles la République française avait appliqué de manière abusive l’aide autorisée sous conditions par la décision Sernam 2, et ce après une application abusive de l’aide autorisée, également sous conditions, par la décision Sernam 1.

 Sur l’application abusive de l’aide d’État autorisée par la décision Sernam 2

42      La Commission a estimé que, les autorités françaises ayant confirmé que les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 1, de la décision Sernam 2 n’avaient pas été respectées, elle pouvait se limiter à vérifier si la République française avait respecté les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2.

43      La Commission a considéré que de nombreuses exigences posées par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 n’avaient pas été respectées.

44      En premier lieu, la Commission a considéré, au point 3.2.1 de la décision attaquée, que la transmission des activités n’avait pas été effectuée le 30 juin 2005.

45      En deuxième lieu, la Commission a estimé, au point 3.2.2 de la décision attaquée, que, étant donné que le prix était négatif, la transmission des activités réalisée ne constituait pas une vente et que, pour cette raison également, l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 n’avait pas été respecté.

46      En troisième lieu, la Commission a considéré, au point 3.2.3 de la décision attaquée, que la transmission des activités ne constituait pas une vente des actifs, mais une transmission de l’intégralité (actifs et passifs) de Sernam, car, d’une part, la transmission consistait en un transfert en bloc des actifs et des passifs au sein d’un groupe, suivi d’une vente des actions (share deal) de la filiale les ayant reçus (considérants 108 à 112 de la décision attaquée), et, d’autre part, la transmission ne s’était pas limitée aux actifs, mais comprenait l’intégralité (actifs et passifs) de Sernam (considérants 113 à 116 de la décision attaquée).

47      En quatrième lieu, la Commission a estimé, au point 3.2.4 de la décision attaquée, que la transmission n’était pas limitée aux actifs que possédait Sernam au moment de la décision Sernam 2, mais que la recapitalisation d’un montant net de 57 millions d’euros constituait un ajout aux actifs qui n’était pas autorisé par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2.

48      En cinquième lieu, la Commission a estimé, au point 3.2.5 de la décision attaquée, que la transmission des activités n’avait pas eu lieu moyennant une procédure transparente et ouverte.

49      En sixième lieu, la Commission a estimé, au point 3.2.6 de la décision attaquée, que la finalité d’une vente des actifs n’avait pas été respectée.

50      En conclusion, la Commission a considéré que l’article 3 de la décision Sernam 2 n’avait pas été respecté et que, par conséquent, l’aide de 503 millions d’euros avait été appliquée de manière abusive.

51      La Commission a considéré que, parce qu’elle avait été utilisée par le bénéficiaire en violation de la décision Sernam 2, l’aide de 503 millions d’euros n’était pas compatible avec le marché intérieur sur la base de la décision Sernam 2. Elle a considéré que, la République française n’ayant invoqué aucun motif de compatibilité, cette aide était incompatible et devait être récupérée avec les intérêts à compter de la date de sa mise à disposition auprès de la Financière Sernam ainsi que de ses filiales, notamment Sernam Services et Aster, qui poursuivaient, selon la Commission, l’activité économique ayant bénéficié de l’aide autrefois exercée par Sernam et ensuite par Sernam Xpress (dont le patrimoine avait été absorbé par la Financière Sernam à la suite d’une transmission universelle de patrimoine le 30 juin 2011).

 Sur la récupération de l’aide de 41 millions d’euros

52      La Commission a vérifié, aux considérants 132 à 151 de la décision attaquée, si la République française avait correctement récupéré l’aide de 41 millions d’euros déclarée incompatible dans la décision Sernam 2 en les inscrivant au passif de la liquidation de Sernam et s’il y avait lieu, au regard de la jurisprudence de l’Union en matière de récupération, d’étendre ladite récupération à la Financière Sernam et à ses filiales, Sernam Services et Aster. La Commission s’est référée en particulier aux arrêts du 8 mai 2003, Italie et SIM 2 Multimedia/Commission (C‑399/00 et C‑328/99, Rec, ci-après l’« arrêt Seleco », EU:C:2003:252), du 29 avril 2004, Allemagne/Commission (C‑277/00, Rec, ci-après l’« arrêt SMI », EU:C:2004:238), et du 19 octobre 2005, CDA Datenträger Albrechts/Commission (T‑324/00, Rec, ci-après l’« arrêt CDA », EU:T:2005:364).

53      En premier lieu, aux considérants 144 à 148 de la décision attaquée, la Commission a estimé que le transfert des activités de Sernam à Sernam Xpress avait eu pour conséquence que Sernam Xpress avait conservé la jouissance effective de l’avantage concurrentiel lié au bénéfice des aides octroyées, car il y avait eu continuité économique entre les deux sociétés et que ce transfert des activités de Sernam à Sernam Xpress correspondait à un contournement de l’ordre de récupération qui pesait sur Sernam.

54      En deuxième lieu, elle a rappelé, au considérant 149 de la décision attaquée, que, selon la jurisprudence, la vente d’actions d’une société bénéficiaire d’une aide illégale par un actionnaire à un tiers n’avait pas d’influence sur l’obligation de récupération auprès de la société bénéficiaire. Par conséquent, en l’espèce, l’obligation de remboursement des 41 millions d’euros incombait toujours à Sernam Xpress, après la vente de ses parts sociales à la Financière Sernam.

55      En troisième lieu, la Commission a estimé, au considérant 150 de la décision attaquée, que la fusion entre Sernam Xpress et la Financière Sernam, le 30 juin 2011, avait eu pour effet le transfert du bénéfice de l’aide de 41 millions d’euros, et donc de l’obligation de récupération, à la Financière Sernam et à ses filiales, notamment Sernam Services et Aster, qui poursuivaient l’activité de Sernam et Sernam Xpress.

 Sur les nouvelles aides octroyées à Sernam Xpress-la Financière Sernam

56      La Commission a considéré que les mesures prévues par le protocole d’accord du 21 juillet 2005 constituaient de nouvelles aides d’État. Ces mesures sont la recapitalisation de 57 millions d’euros nets de Sernam par la requérante, l’abandon de deux créances d’un montant total de 38,5 millions d’euros de la requérante envers Sernam et quatre garanties de la requérante accordées à Sernam Xpress-la Financière Sernam.

57      La Commission a d’abord exposé, aux considérants 154 à 158 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle avait décidé de ne pas appliquer le critère de l’investisseur privé en économie de marché à la qualification de ces mesures au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

58      En premier lieu, elle a considéré, au considérant 154 de la décision attaquée, que, dans une situation de récupération de l’aide, il n’y avait pas lieu d’appliquer le critère de l’investisseur privé.

59      En deuxième lieu, la Commission a estimé, au considérant 155 de la décision attaquée, que, dans l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, la vente d’actifs était un équivalent des mesures compensatoires imposées par l’article 3, paragraphe 1, de ladite décision. Or, d’après le paragraphe 40 des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2, ci-après les « lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration »), la cession d’une activité déficitaire ne pouvait pas être considérée comme une mesure compensatoire. La Commission a indiqué que le prix négatif montrait qu’il s’agissait de la cession d’une activité déficitaire qui ne pouvait pas être l’équivalent d’une mesure compensatoire et que, en l’espèce, le prix négatif correspondait à une aide opérationnelle à l’entreprise, qui était donc par nature inapte à réduire les distorsions de concurrence.

60      S’agissant de la qualification d’aide d’État, la Commission a estimé, au considérant 159 de la décision attaquée, que les mesures avaient été accordées par des ressources d’une entreprise publique, la requérante. La requérante constituant un organisme de droit public, un EPIC, sujet à une surveillance très étroite de l’État, l’octroi de l’avantage était donc aussi imputable à l’État. Sernam Xpress et la Financière Sernam étant actives dans le transport routier, qui était ouvert à la concurrence au sein de l’Union, l’avantage risquait de créer des distorsions de concurrence et affectait les échanges entre les États membres. La Commission a relevé qu’il n’était pas nécessaire de distinguer entre les avantages octroyés à Sernam Xpress et à la Financière Sernam, car les deux avaient fusionné.

61      La République française n’ayant pas invoqué de motifs de compatibilité de ces aides avec le marché intérieur, alors que la charge de la preuve pesait sur elle, la Commission en a conclu que ces aides étaient incompatibles avec le marché intérieur et devaient être récupérées, augmentées des intérêts.

62      Le dispositif de la décision attaquée se lit comme suit :

« Article premier

1. Les aides d’État d’un montant de 503 millions d’euros octroyées par la [République française] à Sernam SCS (devenue [Sernam]) et approuvées par la Commission par la [décision Sernam 2] ont été mises en œuvre de manière abusive. Elles sont incompatibles avec le marché intérieur. Ces aides ont également bénéficié à Sernam Xpress ainsi qu’à la Financière Sernam et à ses filiales, Sernam Services et Aster.

2. L’aide d’État d’un montant de 41 millions d’euros octroyée par la [République française] à Sernam SCS et déclarée incompatible par la décision Sernam 2 a également bénéficié à Sernam Xpress, ainsi qu’à la Financière Sernam et à ses filiales, notamment Sernam Services et Aster.

3. La recapitalisation de 57 millions d’euros de [Sernam] par la SNCF, l’abandon de créances envers [Sernam] par la SNCF sur un montant de 38,5 millions d’euros et les garanties octroyées par la SNCF lors de la transmission des activités de [Sernam] à la Financière Sernam, à l’exception de la garantie accordée aux cheminots, constituent des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur.

Article 2

1. La [République française] est tenue de récupérer les aides visées à l’article premier auprès de la Financière Sernam et de ses filiales, Sernam Services et Aster.

2. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire, jusqu’à leur récupération effective.

3. Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004.

Article 3

1. La récupération de l’aide visée à l’article premier est immédiate et effective.

2. La [République française] veille à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans les quatre mois suivant la date de sa notification.

3. Dans le cadre de cette mise en œuvre, la [République française] peut tenir compte des éventuelles sommes récupérées par la SNCF à la suite de la liquidation de [Sernam] sous les conditions indiquées ci-dessus.

Article 4

1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, la [République française] communique les informations suivantes à la Commission :

a)      la date à laquelle chaque mesure d’aide a été mise à disposition du bénéficiaire, le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès du bénéficiaire pour chacune des mesures d’aide ;

b)      une description détaillée des mesures déjà prises et de celles prévues pour se conformer à la présente décision ;

c)      les documents démontrant que le bénéficiaire a été mis en demeure de rembourser l’aide.

2. La [République française] tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide visée à l’article premier. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et sur celles prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit aussi des informations détaillées concernant les montants de l’aide et les intérêts déjà récupérés auprès du bénéficiaire.

Article 5

La République française est destinataire de la présente décision. »

7.     Sur les faits postérieurs à la décision attaquée

63      À la suite de l’adoption de la décision attaquée, les autorités françaises ont demandé à la Commission, le 23 mars 2012, de confirmer que l’obligation de remboursement des aides d’État qui avait été imposée aux sociétés du groupe Sernam par l’article 2 de la décision attaquée ne serait pas étendue aux sociétés des groupes Geodis (appartenant au groupe de la requérante) et BMV, en cas de reprise par celles-ci d’une partie des actifs des sociétés Sernam dans le cadre de leur redressement judiciaire.

64      Dans sa décision du 4 avril 2012 concernant l’aide d’État SA. 34547 (2012/N) ‑ France – Reprise des actifs du groupe Sernam dans le cadre de son redressement judiciaire (ci-après la « décision Sernam 4 »), la Commission a conclu qu’il n’y avait pas de continuité économique entre le groupe Sernam et les repreneurs d’une partie des actifs de ce dernier, Geodis et BMV, et qu’il n’y avait pas lieu d’étendre la récupération des aides déclarées illégales et incompatibles dans la décision attaquée à Geodis et à BMV.

65      Le 13 avril 2012, la Financière Sernam et Sernam Services ont fait l’objet d’une liquidation judiciaire. Le même jour, Geodis a déposé une offre et a été désignée par le tribunal de commerce de Nanterre (France) comme repreneur d’actifs du groupe Sernam.

 Procédure et conclusions des parties

66      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juin 2012, la requérante a introduit le présent recours.

67      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 18 octobre 2012, la République française a demandé à intervenir au soutien de la requérante. Par ordonnance du 26 novembre 2012, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La République française a déposé son mémoire en intervention le 11 février 2013.

68      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 14 février 2013, la requérante a demandé le versement au dossier d’une nouvelle offre de preuve. Le président de la sixième chambre a versé la nouvelle offre de preuve au dossier le 26 février 2013. La Commission a déposé des observations sur la nouvelle preuve le 14 mars 2013. La République française a fait savoir qu’elle n’avait pas d’observations à formuler.

69      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée le 23 septembre 2013.

70      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 novembre 2013, Mory SA, Mory Team et Superga Invest ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

71      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 janvier 2014, la requérante a demandé le traitement confidentiel de certains éléments et passages des actes de procédure, dans l’hypothèse où la demande des demanderesses en intervention d’accéder à l’ensemble des actes de procédure serait exceptionnellement acceptée. La requérante a produit à cet effet une version non confidentielle des actes de procédure en cause.

72      Par ordonnance en date du 23 mai 2014, le président de la septième chambre du Tribunal a autorisé l’intervention de Mory et de Mory Team sur la base de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 et a rejeté la demande d’intervention de Superga Invest. La décision sur la demande de confidentialité de la requérante a été réservée.

73      Par lettre du 23 octobre 2014, au titre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal a posé par écrit des questions à la requérante, à la Commission et à la République française, en les invitant à y répondre par écrit, et a invité la requérante et la Commission à déposer certains documents. Ces parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

74      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 novembre 2014, la requérante a demandé le versement au dossier d’une seconde nouvelle offre de preuve. Le président de la septième chambre du Tribunal l’a versée au dossier le 21 novembre 2014, en invitant la Commission et la République française à présenter leurs observations s’y rapportant lors de l’audience.

75      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 27 novembre 2014, la requérante a déposé des observations sur les réponses aux questions déposées par la Commission. Par décision du 3 décembre 2014, le président de la septième chambre du Tribunal a décidé de ne pas verser cette lettre au dossier.

76      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 12 février 2015.

77      La requérante, soutenue par la République française, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

78      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable et, subsidiairement, non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

79      Mory et Mory Team concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme irrecevable et, subsidiairement, non fondé.

 En droit

80      À l’appui de sa demande d’annulation, la requérante soulève six moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de ses droits de la défense, en ce que la Commission a formulé une prise de position dans la décision attaquée en ce qui concerne l’inapplicabilité du critère de l’investisseur privé au cas d’espèce qui ne figurait pas dans la décision d’ouverture. À cet égard, la République française fait valoir que ses propres droits de la défense ont également été violés, pour les mêmes motifs. Le deuxième moyen est tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’obligation de respect d’un délai raisonnable et du principe de sécurité juridique. Le quatrième moyen est tiré d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a considéré que la cession des actifs en bloc de Sernam n’avait pas respecté les conditions énoncées par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2. Le cinquième moyen est tiré d’une erreur de droit commise par la Commission en ce qu’elle a considéré que l’obligation de récupération de l’aide d’État de 41 millions d’euros déclarée incompatible par la décision Sernam 2 avait été transférée à la Financière Sernam et à ses filiales. Le sixième moyen est tiré d’une erreur de droit commise par la Commission en ce qu’elle a considéré que les mesures prévues par le protocole d’accord du 21 juillet 2005 constituaient de nouvelles aides d’État en faveur de Sernam Xpress-la Financière Sernam.

81      Le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner d’abord les trois derniers moyens et, ensuite, les trois premiers moyens, relatifs à des violations de principes généraux du droit de l’Union, dans la mesure où de nombreuses questions que ces derniers soulèvent dépendent de l’appréciation des quatrième, cinquième et sixième moyens.

1.     Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a considéré que la cession des actifs en bloc de Sernam n’avait pas respecté les conditions énoncées par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2

82      Le quatrième moyen de la requérante se divise en six branches. La première branche est tirée d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce que, aux considérants 97 et 98 de la décision attaquée, elle a estimé que la cession des actifs en bloc de Sernam n’était pas intervenue le 30 juin 2005. La deuxième branche est tirée d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a estimé, aux considérants 99 à 102 de la décision attaquée, que la cession des actifs en bloc de Sernam à un prix négatif ne constituait pas une vente. La troisième branche est tirée d’erreur de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a estimé, aux considérants 103 à 116 de la décision attaquée, que l’opération constituait une transmission de l’« intégralité » de Sernam. La quatrième branche est tirée d’une erreur de droit commise par la Commission en ce qu’elle a estimé, au considérant 117 de la décision attaquée, que la transmission n’était pas limitée aux actifs de Sernam, mais avait été augmentée de 59 millions d’euros (ou 57 millions d’euros nets). La cinquième branche est tirée d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a estimé, aux considérants 118 et 119 de la décision attaquée, que la vente des actifs en bloc de Sernam n’avait pas eu lieu moyennant une procédure transparente et ouverte. La sixième branche est tirée d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a estimé, aux considérants 121 à 123 de la décision attaquée, que la finalité d’une vente des actifs n’avait pas été respectée.

83      En matière d’application abusive d’aides, il résulte de la lecture combinée de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, de l’article 1er, sous g), du règlement no 659/1999 et de l’article 16 de ce même règlement qu’il incombe, en principe, à la Commission de démontrer que tout ou partie des aides qu’elle a précédemment autorisées en vertu d’une décision antérieure ont été utilisées de façon abusive par le bénéficiaire. En effet, à défaut de cette démonstration, ces aides devraient être considérées comme étant couvertes par sa décision précédente d’approbation (arrêt du 11 mai 2005, Saxonia Edelmetalle et ZEMAG/Commission, T‑111/01 et T‑133/01, Rec, EU:T:2005:166, point 86).

 Sur la première branche, tirée d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce que, aux considérants 97 et 98 de la décision attaquée, elle a considéré que la cession des actifs en bloc de Sernam n’était pas intervenue le 30 juin 2005

84      Premièrement, la requérante reproche à la Commission d’avoir, au considérant 98 de la décision attaquée, déformé le texte de la décision Sernam 2 en affirmant que la « transmission des activités de [Sernam] à la Financière Sernam n’a[vait] pas eu lieu au plus tard le 30 juin 2005, comme le nécessitait pourtant la condition posée par la décision Sernam 2 ». Elle fait valoir que l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 ne mentionnait que la « vente » et non la « transmission » des activités proprement dite. Deuxièmement, la requérante reproche à la Commission d’avoir estimé, au considérant 97 de la décision attaquée, que l’acceptation par le président de la SNCF, le 30 juin 2005, de l’offre ferme de la Financière Sernam n’était pas suffisante, au regard du droit français, pour conclure la vente. Elle fait valoir que, en droit français, l’accord sur la chose et le prix, quelle qu’en soit la forme juridique, entre l’acheteur et le vendeur permet de conclure un acte de vente irrévocable, et ce même si la chose n’a pas encore été livrée ni le prix payé.

85      Aux points 97 et 98 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, le 30 juin 2005, la direction de la requérante avait seulement accepté en principe l’offre ferme de la Financière Sernam. Elle a constaté que le protocole d’accord qui engageait toutes les parties à la transaction n’avait cependant été signé que le 21 juillet 2005 et que les différentes opérations de transmission n’avaient été exécutées que le 17 octobre 2005. La Commission en a conclu que la transmission des activités de Sernam à la Financière Sernam n’avait pas eu lieu au plus tard le 30 juin 2005, comme le nécessitait pourtant la condition posée par la décision Sernam 2, et que cette seule raison suffisait déjà à conclure que la République française avait fait une application abusive de l’aide autorisée de manière conditionnelle par la décision Sernam 2.

86      Conformément à une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, Rec, EU:C:1983:335, point 12, et du 21 février 2013, RVS Levensverzekeringen, C‑243/11, Rec, EU:C:2013:85, point 23).

87      Il ressort également d’une jurisprudence constante que le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption (arrêt du 15 mai 1997, TWD/Commission, C‑355/95 P, Rec, EU:C:1997:241, point 21).

88      Concernant le premier argument de la requérante, selon lequel la Commission aurait déformé le texte de la décision Sernam 2, il y a lieu de relever que l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 concerne le cas où Sernam « vend[rait] ses actifs en bloc, d’ici au 30 juin 2005 ».

89      Le considérant 217 de la décision Sernam 2 précise que, « [e]n revanche, si Sernam devait vendre ses actifs « en bloc », la Commission rappelle que [les deux conditions de l’article 3, paragraphe 1], relatives à la restructuration de la compagnie, ne s’appliquer[aie]nt pas, étant donné que Sernam n’opérer[ait] plus sous sa forme juridique actuelle et aura[it] libéré ses parts de marché au profit de l’acquéreur indépendant (qui pourra[it] de facto poursuivre ses activités avec les actifs de Sernam) ».

90      Par conséquent, ainsi que le souligne la Commission, le moment à prendre en considération pour apprécier si la vente a eu lieu était nécessairement, en l’espèce, celui de la transmission effective des actifs, étant donné que l’objectif visé par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, lu à la lumière de son considérant 217, était d’obliger Sernam à se dessaisir de la totalité de ses actifs et de libérer ses parts de marché. Une interprétation contraire et formaliste de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 en paralyserait les effets, avec le risque de voir la transmission effective des actifs différée longtemps après la conclusion de la « vente » au sens juridique du terme.

91      Il suffit, dès lors, de constater que c’est à bon droit que la Commission a constaté que les différentes opérations de transmission n’avaient été exécutées que le jour dit du « closing », le 17 octobre 2005, et que, par conséquent, la date butoir du 30 juin 2005 fixée par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 n’avait pas été respectée.

92      Partant, il y a lieu de relever que le second argument de la requérante, concernant le moment exact auquel la « vente » a été conclue au regard du droit français, est inopérant.

93      Dès lors, la première branche du quatrième moyen doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a considéré, aux considérants 99 à 102 de la décision attaquée, que la cession des actifs en bloc de Sernam à un prix négatif ne constituait pas une vente

94      La requérante, soutenue par la République française, fait valoir, en substance, que la Commission a commis des erreurs de droit et de fait en estimant, aux considérants 99 à 102 de la décision attaquée, que l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 avait été violé, car le contrat conclu entre elle et la Financière Sernam ne constituait pas une vente, puisque le prix était négatif.

95      Le considérant 124 de la décision attaquée, également critiqué par la requérante, concerne une autre question que celle visée aux considérants 99 à 102 de ladite décision, car il porte sur la décomposition en deux étapes de l’opération (l’apport de Sernam à Sernam Xpress, suivi d’une cession des parts sociales de Sernam Xpress à la Financière Sernam) et le fait que la Commission a, en substance, refusé d’accepter que ces différentes opérations prises dans leur ensemble soient regardées comme équivalentes à une vente des « actifs en bloc ». Étant donné que le considérant 124 soulève des arguments analogues à ceux visant les considérants 108 à 112 de la décision attaquée, le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner ensemble les arguments de la requérante à l’encontre de ces différents considérants, dans le cadre de la troisième branche du présent moyen (voir points 140 à 149 ci-après).

96      Aux considérants 99 et 100 de la décision attaquée, la Commission a considéré qu’une « vente » consistait en un transfert de propriété d’un bien contre le paiement d’un prix, ce prix devant être un prix positif, et qu’une transaction par laquelle la personne qui veut transmettre la propriété d’un ou de plusieurs biens offre de l’argent à la personne qui les reprend ne constitue pas une vente, mais un type de contrat différent. Au considérant 101 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, dans le présent cas, la requérante avait payé 59 millions d’euros, en procédant à la recapitalisation, respectivement, de Sernam pour 57 millions d’euros et de Sernam Xpress pour 2 millions d’euros et avait accordé diverses garanties à la Financière Sernam. Elle a estimé que le paiement de 2 millions d’euros par la Financière Sernam en faveur de la requérante et de Sernam neutralisait la recapitalisation de Sernam Xpress, mais pas les autres éléments de la transaction. La Commission en a conclu, au considérant 102 de la décision attaquée, que le contrat conclu entre la requérante et la Financière Sernam ne constituait pas une vente et que, pour cette raison également, l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 n’avait pas été respecté.

97      À cet égard, la requérante, soutenue par la République française, invoque, en substance, trois arguments.

98      Premièrement, elle fait valoir que l’utilisation du terme générique « vente », dans la décision Sernam 2, était indifférente au type de contrat conclu, dès lors que l’effet de l’opération était celui attendu, à savoir le transfert de la propriété des actifs en bloc de Sernam à un tiers indépendant de la requérante. Deuxièmement, elle explique que ce sont les contraintes du droit français, telles que l’interdiction d’une vente à prix négatif, qui l’ont obligée à structurer l’opération comme elle l’a fait, et à recapitaliser préalablement Sernam, mais que le prix négatif est néanmoins un prix de marché, seule condition exigée par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2. Troisièmement, la requérante et la République française invoquent des précédents illustrant que, dans sa pratique décisionnelle, la Commission a accepté la qualification de « vente » pour une cession d’actifs ou d’actions réalisée à un prix négatif.

99      La Commission conteste ces arguments et, premièrement, considère que la requérante admet implicitement que l’opération n’est pas une vente au sens de l’article 1582 du code civil français, dans la mesure où elle a mis en place des opérations de contournement de l’interdiction en droit français d’une vente à prix négatif. Deuxièmement, elle estime que la transmission d’activités à prix négatif n’a pas le même impact économique qu’une vente d’actifs à prix positif, puisque, dans le premier cas, un opérateur est payé pour faire vivre une activité et une entreprise qui devraient disparaître et dans l’autre cas, un bien qui a une valeur réelle, positive, est cédé afin qu’il soit exploité de manière économiquement rationnelle. Ce point revêtirait une importance essentielle, en particulier au regard des exigences de la discipline des aides et de la finalité de la décision Sernam 2. Troisièmement, la Commission rappelle que, d’après une jurisprudence constante, la pratique décisionnelle de la Commission concernant d’autres affaires ne saurait affecter la validité de la décision contestée, qui ne peut s’apprécier qu’au regard des règles objectives du traité. Elle fait ensuite valoir, en substance, que les décisions invoquées par la République française et la requérante ne sont pas applicables en l’espèce, notamment parce que postérieures à la réalisation de l’opération et parce qu’il s’agissait de ventes d’actions, alors que le scénario choisi en l’espèce était celui d’une vente d’actifs.

100    En premier lieu, il convient d’observer que, sur la base d’une interprétation littérale de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, il était exigé une « vente des actifs en bloc » de Sernam et que la seule exigence relative au prix était celle d’un prix de marché moyennant une procédure transparente et ouverte.

101    Ainsi qu’il ressort du point 86 ci-dessus, il y a lieu, pour l’interprétation de la décision Sernam 2, de tenir compte non seulement de ses termes, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation économique dont elle fait partie.

102    Par conséquent, la Commission ne peut se fonder uniquement sur des notions ou des formes juridiques pour en déduire que des conditions de compatibilité d’une aide à la restructuration imposées dans une de ses décisions n’ont pas été respectées. Au surplus, il y a lieu de relever que la notion juridique de vente est une notion propre au droit de chaque État membre.

103    C’est donc à bon droit que la requérante souligne que le droit des aides d’État ne se préoccupe pas des formes juridiques que peuvent revêtir les transactions, mais de leur réalité économique.

104    Par conséquent, les arguments formalistes de la Commission, tirés du droit français, doivent être rejetés.

105    En deuxième lieu, il y a lieu de constater que la requérante fait valoir d’une manière convaincante qu’une recapitalisation préalable à la vente est un moyen permettant de ne pas être visé par l’interdiction, en droit français, de stipuler un prix négatif dans un contrat de vente.

106    La question de savoir quel est l’impact économique, en l’espèce, de cette vente à prix négatif sera examinée dans le cadre des troisième et sixième branches du présent moyen.

107    En troisième lieu, il y a lieu de souligner que les décisions citées par la requérante et par la République française illustrent la possibilité de vendre des actions d’entreprises à des « prix négatifs », c’est-à-dire moyennant des recapitalisations préalables par le vendeur (voir, notamment, les décisions du 13 juillet 2009 relative à l’aide à la restructuration en faveur de Combus AS, et du 28 août 2009, relative à l’aide d’État C 6/09 (ex N 663/08) concernant les mesures en faveur d’Austrian Airlines).

108    Partant, il y a lieu de constater que le raisonnement suivi par la Commission, aux considérants 99 à 102 de la décision attaquée, selon lequel, le prix de la transmission étant négatif, il n’y a pas eu de vente et, pour cette raison également, l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 n’a pas été respecté, est erroné.

109    Dès lors, il y a lieu d’accueillir la deuxième branche du quatrième moyen.

 Sur la troisième branche, tirée d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a considéré, aux considérants 103 à 116 de la décision attaquée, que l’opération constituait une transmission de l’« intégralité » (actifs et passifs) de Sernam

110    La requérante fait valoir deux griefs à l’appui de la troisième branche. En premier lieu, elle reproche à la Commission d’avoir estimé, aux considérants 103 et 113 à 116 de la décision attaquée, que la transmission qu’elle a réalisée n’était pas limitée aux actifs, mais comprenait l’intégralité (actifs et passifs) de Sernam et que, également pour cette raison, la condition relative à la vente des actifs en bloc de Sernam prévue par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 n’avait pas été respectée. En second lieu, elle lui reproche, en substance, d’avoir, aux considérants 108 à 112 et 124 de la décision attaquée, dissocié artificiellement la vente des actifs en bloc de Sernam en deux opérations distinctes – une première opération constituée par l’apport partiel d’actifs de Sernam à Sernam Xpress et une seconde opération constituée par la vente des actions de Sernam Xpress à la Financière Sernam – alors qu’il s’agirait en réalité d’une opération unique, totalement simultanée et indissociable, réalisée en un « instant de raison », par le même acte, et poursuivant un seul et même objectif, à savoir la vente des actifs en bloc de Sernam à la Financière Sernam.

 Sur le premier grief, tiré du fait que la Commission a estimé à tort, aux considérants 103 et 113 à 116 de la décision attaquée, que la transmission réalisée par la requérante n’était pas limitée aux actifs, mais comprenait l’intégralité (actifs et passifs) de Sernam

111    La requérante avance, en substance, trois arguments. En premier lieu, elle estime que la Commission a fait une lecture erronée de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, en présupposant, au point 103 de la décision attaquée, que la vente des actifs en bloc devait porter uniquement sur les actifs de Sernam et excluait les passifs. En deuxième lieu, elle invoque des contraintes de droit national pour expliquer qu’il a fallu joindre certains passifs, notamment les passifs d’exploitation, et ce dans le seul but de ne pas voir s’exercer le droit d’opposition des créanciers, tel que prévu par la loi française. En troisième lieu, la requérante fait valoir que, contrairement à l’affirmation de la Commission, au considérant 116 de la décision attaquée, la cession ne portait pas sur l’«‘intégralité » (actifs et passifs) de Sernam ce qui serait confirmé par les passages contradictoires de la décision attaquée quant à la délimitation exacte de l’objet de la cession.

–       Sur le premier argument, selon lequel la Commission a fait une lecture erronée de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, en présupposant que la vente des actifs en bloc de Sernam devait porter uniquement sur les actifs de Sernam à l’exclusion des passifs

112    Premièrement, la requérante fait valoir que la notion de vente des actifs en bloc exigeait, par définition, que la vente comporte l’intégralité des actifs de Sernam et que ceux-ci soient vendus « en bloc », c’est-à-dire tous ensemble à un seul et même acquéreur, mais qu’elle n’impliquait pas que ces actifs soient nécessairement vendus seuls.

113    Il ressort du considérant 103 de la décision attaquée que, « [m]ême à considérer que la transmission des activités de [Sernam] à la Financière Sernam constitue une vente, le respect de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 présuppose que cette vente porte uniquement sur les actifs et non sur l’intégralité (actifs et passifs) de [Sernam] » et que « [c]eci résulte du considérant 217 de la décision Sernam 2 ». Au considérant 113 de la décision attaquée, la Commission a également expliqué que « [l]e considérant 217 de la décision Sernam 2 […] établit une distinction claire entre, d’une part, une vente des actifs et, de l’autre, une vente de l’intégralité (actifs et passifs) de [Sernam] ».

114    Conformément à la jurisprudence mentionnée au point 87 ci-dessus, le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption.

115    Les deux paragraphes alternatifs de l’article 3 de la décision Sernam 2 se lisent comme suit :

« 1. Sous réserve du paragraphe 2, les conditions suivantes devront être respectées :

a)      Sernam ne pourra développer que ses activités d’acheminement de messagerie par voie ferroviaire suivant le concept du Train bloc express, («TBE») […]

b)      En revanche, Sernam devra, au cours des deux prochaines années à compter de la date de notification de la présente décision, remplacer intégralement ses moyens propres et services de transport routier par des moyens et services de transport routier d’une ou de plusieurs entreprises juridiquement et économiquement indépendantes de la SNCF et choisies selon une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire […]

2. Dans le cas où Sernam vend ses actifs en bloc, d’ici au 30 juin 2005, au prix du marché, à une société n’ayant pas de lien juridique avec la SNCF, moyennant une procédure transparente et ouverte, les conditions du paragraphe 1 ne s’appliquent pas. »

116    Le considérant 217 de la décision Sernam 2 se lit comme suit :

« La Commission rappelle aussi que, dans le cas de la vente de l’intégralité de Sernam (actifs et passifs) envisagée par les autorités françaises, les conditions de la décision (reprise des activités routières de Sernam par d’autres entreprises et diversification des activités de Sernam vers le fret ferroviaire) doivent en tout état de cause s’appliquer. En revanche, si Sernam devrait vendre ses actifs ‘en bloc’, la Commission rappelle que ces deux conditions susmentionnées, relatives à la restructuration de la compagnie, ne s’appliqueront pas, étant donné que Sernam n’opérera plus sous sa forme juridique actuelle et aura libéré ses parts de marché au profit de l’acquéreur indépendant (qui pourra de facto poursuivre ses activités avec les actifs de Sernam). »

117    Il résulte de cette rédaction que la décision Sernam 2 oppose clairement la « vente de l’intégralité de Sernam (actifs et passifs) » à la « vente des actifs en bloc » de Sernam.

118    Par conséquent, c’est à bon droit que la Commission a considéré que la vente des actifs en bloc, au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, lu à la lumière du considérant 217 de la même décision, devait porter sur les seuls actifs et exclure les passifs.

119    Interpréter de manière contraire cette disposition équivaudrait à nier la différence existant entre les deux conditions alternatives énoncées à l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la décision Sernam 2 (et les deux scénarios de vente envisagés au considérant 217 de ladite décision). En effet, il y a lieu de relever que, dans l’hypothèse où la vente des actifs en bloc devrait être interprétée comme incluant également les passifs, il deviendrait alors illogique et incohérent d’attacher des conditions différentes au paragraphe 1 et au paragraphe 2 de l’article 3 de la décision Sernam 2.

120    Deuxièmement, la requérante fait valoir que, s’il fallait opposer une opération à la vente d’actifs en bloc, ce serait la vente des actifs séparément, et non celle de vente de l’« intégralité » de Sernam (actifs et passifs), ainsi que l’aurait affirmé la Commission elle-même dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts SMI, point 52 supra (EU:C:2004:238, points 68 et 70), et CDA, point 52 supra (EU:T:2005:364, point 73).

121    Il y a lieu de rejeter cet argument dans la mesure où la pratique décisionnelle de la Commission concernant d’autres affaires ne saurait affecter la validité d’une décision contestée, qui ne peut s’apprécier qu’au regard des règles objectives du traité (arrêt du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C., C‑138/09, Rec, EU:C:2010:291, point 21).

122    En l’espèce il s’agit d’interpréter la décision Sernam 2 à l’aune de ses propres motifs et non à l’aune de la position de la Commission concernant d’autres affaires. Or, force est de constater que l’opposition entre vente des actifs en bloc et vente des actifs séparément ne se retrouve pas dans la décision Sernam 2.

123    Troisièmement, la requérante fait valoir que, si telle était sa volonté, la Commission aurait dû préciser expressément dans la décision Sernam 2 que la vente des actifs en bloc excluait les passifs et s’est référée à cet égard, lors de l’audience, aux décisions postérieures prises dans l’affaire dite des « chantiers polonais », qui étaient plus détaillées sur les conditions imposées – elle s’est notamment référée aux considérants 349, 350 et 354 de la décision de la Commission du 6 novembre 2008, concernant l’aide d’État C 19/05 (ex N 203/05) accordée par la Pologne en faveur du chantier naval de Szczecin (JO 2010, L 5, p. 1), et aux considérants 401 à 410 de la décision de la Commission du 6 novembre 2008, concernant l’aide d’État C 17/05 (ex N 194/05 et PL 34/04) accordée par la Pologne au chantier naval de Gdynia (JO 2010, L 33, p. 1).

124    Or, hormis le fait que la décision Sernam 2 est définitive et ne saurait être remise en question dans le cadre du recours, il ressort de son considérant 217 que la décision Sernam 2 était suffisamment claire, en opposant les conditions attachées à la vente de l’intégralité de Sernam (actifs et passifs) à celles attachées à la vente des actifs en bloc de Sernam, sur le fait que la vente des actifs en bloc excluait les passifs. En tout état de cause, la Commission étant tenue de procéder à une analyse individualisée des circonstances propres à chaque affaire, elle n’est pas liée par d’autres décisions, encore moins postérieures.

125    Partant, le premier argument doit être rejeté.

–       Sur le deuxième argument, tiré du fait que ce sont les contraintes du droit national qui ont obligé la requérante à joindre certains passifs aux actifs de Sernam (à l’exception des passifs financiers)

126    La requérante fait valoir qu’elle a été contrainte de joindre les passifs d’exploitation aux actifs de Sernam dans le seul but de ne pas voir s’exercer le droit d’opposition des créanciers prévu par la loi française. Elle soutient que le droit français permet aux créanciers de s’opposer aux opérations d’apport ou de cession et d’obtenir soit le remboursement immédiat de leurs créances, soit la constitution de garanties. De plus, en cas d’ouverture d’une procédure collective ultérieure, les créanciers pouvaient remettre en cause les actes d’appauvrissement du patrimoine de leur débiteur ayant eu lieu 18 mois avant l’ouverture de la procédure collective. Ainsi, selon la requérante, si seuls les actifs de Sernam avaient été vendus, les créanciers de Sernam se seraient retrouvés créanciers d’une société dépourvue de tout actif et très lourdement grevée de dettes, ce qui les aurait privés de toute perspective de remboursement et, par conséquent, ils se seraient très probablement opposés à la cession des seuls actifs en bloc de Sernam, ou, s’ils avaient accepté cette cession des seuls actifs, ils l’auraient très certainement remise en cause dans le cadre de la liquidation subséquente qui serait intervenue. Il en aurait résulté la nécessité, selon la requérante, de joindre les passifs d’exploitation afin de permettre la réalisation de la cession des actifs de Sernam.

127    À cet égard, hormis le fait que la requérante ne démontre pas que la vente des seuls actifs ait privé les créanciers de toute possibilité de remboursement, dans la mesure où cette vente aurait normalement dû générer des revenus pour Sernam, il y a lieu de relever que ce type d’argument, tiré des spécificités du droit national, repose sur la prémisse erronée selon laquelle la Commission aurait imposé le respect des conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, alors qu’il existait une possibilité de choix entre les deux paragraphes de l’article 3 de la même décision.

128    Comme le souligne la Commission dans sa défense, si la requérante et l’État membre rencontraient des difficultés dans la mise en œuvre de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, du fait d’obstacles pratiques ou d’obstacles rencontrés en droit national, plusieurs choix s’offraient à eux, à savoir appliquer les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 1, de la décision Sernam 2, se retourner vers la Commission afin de faire part de ces difficultés et discuter d’une éventuelle modification de cette condition conformément aux lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration, ou encore procéder à la récupération des aides illégales incompatibles, si besoin était en liquidant Sernam.

129    Par conséquent, la requérante ne peut arguer, en l’espèce, des contraintes existant en droit national pour justifier le contournement de la condition qu’elle avait choisie.

130    Partant, le deuxième argument doit être rejeté.

–       Sur le troisième argument, tiré du fait que la transmission ne portait pas, en réalité, sur l’« intégralité » (actifs et passifs) de Sernam

131    En premier lieu, la requérante fait valoir que, contrairement à l’affirmation de la Commission, au considérant 116 de la décision attaquée, la transmission ne portait pas sur l’« intégralité » (actifs et passifs) de Sernam, dans la mesure où les passifs financiers et le montant de l’obligation de remboursement de l’aide de 41 millions d’euros déclarée incompatible par la décision Sernam 2 n’avaient pas été cédés à la Financière Sernam. En deuxième lieu, elle relève des passages contradictoires de la décision attaquée quant à la délimitation exacte de l’objet de la cession, tels que l’« intégralité (actifs et passifs) » au point 3.2.3.2 et au considérant 113 de ladite décision, l’« intégralité des actifs et passifs de [Sernam …] aux exceptions suivantes près » au considérant 114 de la même décision, l’« essentiel des actifs et des passifs » au considérant 115 de la décision attaquée ou encore l’« intégralité (actifs et passifs) de [Sernam] à quelques exceptions près » au considérant 116 de la décision attaquée.

132    La Commission a indiqué, aux considérants 114 et 115 de la décision attaquée, ce qui suit :

« [… L]a Financière Sernam, en acquérant Sernam Xpress, acquiert l’intégralité des actifs et passifs de [Sernam] […], aux exceptions suivantes près : d’une part, les actifs ont été accrus par les injections de 57 millions d’euros en faveur de [Sernam] et de 2 millions d’euros en faveur de Sernam Xpress […] et, d’autre part, les passifs ont été réduits du montant du prêt participatif contracté par la société [Sernam] auprès du groupe SNCF, [du] passif afférent à la résiliation du contrat « IBM – GPS », et du montant de l’obligation de remboursement de l’aide incompatible de 41 millions d’euros.

Or, ces ajustements à la marge ne peuvent pas occulter le fait que l’essentiel des actifs et des passifs de [Sernam] ont bel et bien été transférés d’abord à Sernam Xpress et ensuite à la Financière Sernam. »

133    La Commission en a conclu, au considérant 116 de la décision attaquée, que « [l]a transmission des activités ne constitu[ait] donc pas une vente des actifs, mais une transmission de l’intégralité (actifs et passifs) de Sernam, à quelques exceptions près » et que, « [p]ar conséquent et pour cette raison aussi, les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 n’[avaient] pas été respectées ».

134    Premièrement, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas que, dans le cadre de l’apport, elle a joint à l’ensemble des actifs de Sernam presque tous ses passifs, à l’exception de certains passifs financiers (ceux-ci représentant un montant total de 38,5 millions d’euros) et de l’obligation de rembourser les 41 millions d’euros d’aide d’État déclarée illégale et incompatible par la décision Sernam 2.

135    Cela ressort également de l’ensemble du dossier. Le protocole d’accord du 21 juillet 2005 prévoyait en effet que Sernam devait apporter à Sernam Xpress l’« ensemble des éléments d’actif et de passif de Sernam à l’exclusion [des passifs financiers] ». Il ressort également du traité d’apport partiel d’actifs en date du 14 septembre 2005 qu’ont notamment été joints (en ce qui concerne les passifs les plus importants) un écart d’acquisition négatif (badwill) conséquent (valeur négative du fonds de commerce), des provisions pour pertes intercalaires, des dettes d’exploitation, des dettes diverses ainsi que des dettes rattachées à des participations. L’avis conforme 2005-AC 2, du 22 juillet 2005, de la commission des participations et des transferts relatif au transfert au secteur privé des actifs de Sernam par la requérante évoque également le fait que la requérante a décidé de procéder à la « cession en bloc des actifs et passifs d’exploitation de la société ». En outre, le rapport de la banque X expose clairement que, « [e]n pratique, la [s]ociété [c]édée regroupera la totalité des actifs et passifs d’exploitation de [Sernam] (y compris l’ensemble des filiales et la marque), à l’exclusion des passifs financiers ».

136    Deuxièmement, contrairement à ce qu’allègue la requérante, l’exclusion de l’apport des passifs financiers et de l’obligation de rembourser les 41 millions d’euros d’aide illégale et incompatible n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion selon laquelle l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 n’a pas été respecté, dans la mesure où il ressort du point 118 ci-dessus que le seul fait de ne pas s’être limité à vendre les seuls actifs de Sernam et d’avoir joint la plupart des passifs suffisait à établir une violation de cette disposition. À cet égard, il y a lieu de relever que les quelques variations rédactionnelles de la décision attaquée, soulignées par la requérante, aux considérants 114, 115 ou 116 de ladite décision, restent cohérentes et n’affectent pas la validité de la décision attaquée.

137    La Commission n’a donc fait aucune erreur de droit ou de fait quant à l’objet de la transaction en affirmant, au considérant 116 de la décision attaquée, que la transmission des activités ne constituait pas une vente des actifs, mais une transmission de l’intégralité (actifs et passifs) de Sernam, à quelques exceptions près.

138    Partant, le troisième argument doit être rejeté.

139    Il ressort de ce qui précède que le premier grief de la requérante doit être rejeté.

 Sur le second grief, tiré du fait que la Commission a considéré à tort, aux considérants 108 à 112 et 124 de la décision attaquée, que la transmission consistait en un transfert en bloc des actifs et des passifs au sein d’un groupe, suivi d’une vente des actions (share deal) de la filiale les ayant reçus

140    Par ses nombreux arguments, avancés également dans le cadre de la deuxième branche (voir point 95 ci-dessus), la requérante vise à démontrer, en substance, que la dissociation faite par la Commission de la vente des actifs en bloc de Sernam en deux étapes (l’apport de Sernam à Sernam Xpress, suivi d’une cession des titres de Sernam Xpress à la Financière Sernam) serait artificielle et ne correspondrait pas à la réalité de la transaction unique, totalement simultanée et indissociable, réalisée en un « instant de raison », et poursuivant un seul et même objectif, à savoir le transfert de propriété des actifs en bloc de Sernam à la Financière Sernam. Elle souligne à cet égard qu’un apport partiel d’actifs suivi d’une cession des titres de la société les ayant reçus est qualifié de « vente » en droit français.

141    Il y a lieu de relever que ces arguments sont inopérants dans la mesure où il ressort de l’examen du premier grief que, même en analysant l’opération réalisée, ainsi que le souhaite la requérante, comme une unique opération de vente, le « résultat » final de ces deux étapes ne correspond pas, en tout état de cause, à une vente des seuls actifs et que l’objet de la vente n’a pas été respecté, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre aux considérants 103 et 113 à 116 de la décision attaquée.

142    En tout état de cause, il y a lieu de relever que la Commission n’a pas fait d’erreur dans son analyse, en considérant que ces deux opérations ne remplissaient pas les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, qu’elles soient analysées de façon isolée, aux considérants 108 à 112 de la décision attaquée, ou globalement, aux considérants 113 à 116 de la décision attaquée.

143    Il s’agit d’examiner si l’effet des différentes opérations de transmission était celui attendu, à savoir la transmission effective, au plus tard le 30 juin 2005, des actifs en bloc de Sernam au prix du marché à une société n’ayant pas de lien juridique avec la requérante, moyennant une procédure transparente et ouverte. Or, à la lecture de la décision attaquée, il apparaît que la Commission a correctement apprécié les étapes de la vente au regard de leurs effets, tant individuels que combinés.

144    En effet, il ressort de l’examen du premier grief que la Commission a constaté à juste titre, aux considérants 109 et 110 de la décision attaquée, que l’opération dite « 'd’apport partiel d’actifs' (en réalité d’actifs et de passifs) […] ne saurait être qualifiée de 'vente d’actifs à un tiers' », notamment parce que cette dernière portait « non seulement sur les actifs, mais aussi sur tout le passif, à l’exception de certaines dettes de [Sernam] vis-à-vis de sa société mère, la [requérante, et qu’i]l s’agissait donc d’une transmission de l’intégralité (actifs et passifs) de [Sernam], et non d’une vente des seuls actifs » et que, « cette transmission a[yant] eu lieu [au bénéfice d’]une filiale détenue à 100 %, [Sernam Xpress], […] [c]et apport n’a donc pas été fait à une entreprise tierce et indépendante de la [requérante] ».

145    C’est également à bon droit que la Commission a constaté, aux considérants 108 et 111 de la décision attaquée, que les actions de Sernam Xpress avaient été vendues à la Financière Sernam, ce qui constituait un « share deal » ou vente d’actions.

146    En effet, il s’agissait d’une vente d’actions, ou plus spécifiquement de parts sociales portant sur une société coquille, Sernam Xpress, dans laquelle avaient été préalablement apportés tous les actifs de Sernam ainsi que ses passifs d’exploitation, soit la quasi-intégralité de Sernam.

147    Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur au considérant 111 de la décision attaquée, en estimant que cette vente d’actions ne constituait pas non plus une vente des actifs à un tiers.

148    Partant, la Commission n’a commis aucune erreur de fait ou de droit et a, à juste titre, analysé, dans la décision attaquée, les effets économiques de l’ensemble de l’opération, ainsi que de ses parties constitutives, aux fins de vérifier si les conditions de compatibilité édictées par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 avaient été respectées.

149    Eu égard à ce qui précède, le second grief doit également être rejeté.

150    Dès lors, il y a lieu de rejeter la troisième branche du quatrième moyen.

 Sur la quatrième branche, tirée d’une erreur de droit commise par la Commission en ce qu’elle a estimé, au considérant 117 de la décision attaquée, que la transmission n’était pas limitée aux actifs de Sernam, mais avait été augmentée de 57 millions d’euros nets

151    La requérante reproche à la Commission d’avoir estimé, au considérant 117 de la décision attaquée, que la somme de 57 millions d’euros nets avait été ajoutée aux actifs de Sernam. Premièrement, elle fait valoir que, la Commission ferait là une confusion entre l’objet de la vente (les actifs) et le prix payé pour ceux-ci et que ce prix négatif de 57 millions d’euros nets serait un prix de marché résultant d’une procédure d’appel d’offres ouverte, transparente, inconditionnelle et non discriminatoire, confirmé par plusieurs expertises indépendantes. Deuxièmement, elle fait valoir que, sachant parfaitement que Sernam était déficitaire, la Commission aurait dû spécifier dans sa décision Sernam 2 qu’elle interdisait une cession à prix négatif.

152    Au considérant 117 de la décision attaquée, la Commission a estimé, en substance, que, à travers les recapitalisations de Sernam et de Sernam Xpress, une somme nette de 57 millions d’euros avait été ajoutée aux actifs de Sernam et qu’un tel ajout aux actifs n’était pas autorisé par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2.

153    Premièrement, il suffit de constater que la Commission n’a fait aucune confusion entre l’objet de la vente et le prix de la vente. La somme de 57 millions d’euros nets, par le biais des recapitalisations successives de Sernam puis de Sernam Xpress, est en effet venue s’ajouter aux actifs de Sernam, puis de Sernam Xpress.

154    Deuxièmement, il ressort de l’examen de la troisième branche que c’est à tort que la requérante estime que la Commission aurait dû préciser qu’elle ne souhaitait pas de prix négatif, étant donné la situation déficitaire de Sernam, dans la mesure où le prix négatif résulte du fait que l’obligation de ne vendre que les actifs de Sernam, sans les passifs, n’a pas été respectée.

155    En effet, la requérante, en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, a admis que, lorsqu’un actif est cédé individuellement, il a par définition une valeur qui peut être positive ou nulle, mais qui ne peut pas être négative.

156    À cet égard, la Commission souligne que, au terme du premier tour de l’appel d’offres, avait été demandée aux candidats une évaluation des actifs de Sernam « cash free, debt free », c’est-à-dire sans prendre en compte la trésorerie et les dettes, qui avait conduit à des propositions de prix toutes positives.

157    Cela n’est pas contesté par la requérante, qui réplique cependant que ces offres préliminaires, non engageantes, n’étaient que le reflet d’une simple technique de valorisation et que cela ne signifiait nullement que l’activité serait cédée sans dette et sans trésorerie, mais simplement qu’il était demandé aux candidats de faire ressortir leur appréciation de la valeur d’entreprise, indépendamment des niveaux d’endettement et de trésorerie de la société cible, et ce afin de permettre une comparaison objective des offres remises.

158    Par conséquent, ainsi que le souligne la Commission, ces valorisations « cash free, debt free » (sans prendre en compte la trésorerie et les dettes) positives démontrent que, si la requérante s’était limitée à vendre les actifs sans les passifs, leur prix de vente aurait été positif ou nul, mais pas négatif.

159    Partant, la quatrième branche du quatrième moyen doit être rejetée.

 Sur la cinquième branche, tirée d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a estimé, aux considérants 118 et 119 de la décision attaquée, que la vente des actifs en bloc de Sernam n’avait pas eu lieu moyennant une procédure transparente et ouverte

160    La requérante, soutenue par la République française, fait valoir que la Commission a commis des erreurs aux considérants 118 et 119 de la décision attaquée. La requérante, soutenue par la République française, fait valoir, en substance, quatre griefs et la République française un grief.

161    Avant de traiter ces griefs, il convient de rappeler que les considérants 118 et 119 de la décision attaquée se lisent comme suit :

« Les autorités françaises ont organisé dans un premier temps une procédure transparente et ouverte. Cependant, à l’issue de cette procédure, la [requérante] n’avait reçu aucune offre contraignante.

À la suite de l’échec de la procédure transparente et ouverte, le contrat portant sur les différentes opérations de transmission des activités de [Sernam] a été conclu avec la Financière Sernam. Cette dernière n’ayant pas participé en tant que telle et de manière autonome à la procédure transparente et ouverte, la transmission des activités n’a finalement pas eu lieu moyennant une procédure transparente et ouverte. »

 Sur le premier grief, tiré du fait que l’équipe de direction a participé à l’appel d’offres dès son origine

162    La requérante et la République française font valoir, en substance, que l’offre de l’équipe de direction de Sernam constituait l’aboutissement d’un processus transparent et ouvert, dans la mesure où l’équipe de direction a participé au processus d’appel d’offres dès l’origine au sein du consortium formé avec le candidat no 5 et a déposé seule une offre qui était initialement commune avec le candidat no 5, après que son partenaire avait fait part, le 15 juin 2005, de son incapacité à remettre une offre ferme dans le délai imparti.

163    Premièrement, il y a lieu de constater que c’est le consortium formé du candidat no 5 et de l’équipe de direction qui a initialement participé à l’appel d’offres et soumis une offre préliminaire, mais pas ses membres individuellement.

164    En effet, il convient de souligner que c’est le contenu du projet porté par le consortium mené par le candidat no 5, dans sa globalité, qui avait été initialement sélectionné par rapport à celui du candidat no 4, à l’issue du second tour d’appel d’offres. Les autorités françaises l’ont clairement mis en évidence dans leur réponse du 6 janvier 2012 aux questions de la Commission :

« [S]’agissant de la proposition [du candidat no 5], celle-ci reposait sur plusieurs grands principes, à savoir notamment la prise en charge par la [requérante] des besoins de trésorerie de Sernam, estimés par [le candidat no 5], à [un montant significatif], l’absence de reprise des dettes financières de Sernam ([…] d’euros, lesquels, ajoutés à la prise en charge [du montant significatif] de besoin de trésorerie, aboutissait à un prix négatif de -56,4 millions d’euros) et un partenariat capitalistique avec l’équipe de direction de Sernam. 

Les perspectives de demande de recapitalisation préalable de la part [du candidat no 5] étaient inférieures à celles prévisibles dans une négociation avec [le candidat no 4]. [Le candidat no 4] avait en effet fait référence de manière implicite à la nécessité d’une recapitalisation préalable de Sernam par la [requérante] à hauteur [d’un montant plus significatif que celui du candidat no 5,] ce qui, ajouté à la prise en charge des dettes financières, aboutissait à un prix négatif de -65,2 millions d’euros.

En conséquence, la décision a été prise par la [requérante] de poursuivre les discussions uniquement avec [le candidat no 5] et le management de Sernam. »

165    Deuxièmement, il y a lieu de constater que l’offre ferme de l’équipe de direction était très éloignée de l’offre de second tour faite par le consortium mené par le candidat no 5 et beaucoup plus défavorable au vendeur.

166    Il ressort de la réponse des autorités françaises mentionnée au point 164 ci-dessus, ainsi que des courriers du 29 mars et du 7 avril 2005 du consortium (celui du 7 avril reprenant les principaux termes de son offre du 29 mars en incorporant les modifications discutées depuis sa remise), que l’offre de second tour du consortium estimait à un montant significatif, à ce stade, les besoins de recapitalisation par la requérante, tandis que l’équipe de direction les a finalement estimés à un montant très largement supérieur, c’est-à-dire à 59 millions d’euros (ou 57 millions d’euros nets) dans son offre finale. Ainsi que l’a souligné la Commission lors de l’audience, ce sont ce montant significatif estimé dans l’offre de second tour du consortium mené par le candidat no 5 et le montant bien supérieur de 57 millions d’euros contenue dans l’offre ferme de l’équipe de direction qu’il convient de comparer, car ces deux montants correspondent aux besoins prévisionnels de recapitalisation de la cible par la requérante. À ces besoins de trésorerie venait ensuite s’ajouter l’abandon de créances, estimées à des montants relativement similaires dans l’offre de second tour du consortium et dans l’offre ferme de l’équipe de direction.

167    Par conséquent, l’offre négative de second tour du consortium s’élevait au maximum, en avril 2005 (sans même prendre en compte l’injection de capital significative que le candidat no 5 se proposait de faire par le biais d’une souscription à une augmentation de capital), à environ -56,4 millions d’euros (offre « tout compris », soit la recapitalisation et l’abandon de créances par la requérante), tandis que celle de l’équipe de direction s’élevait à environ -95,5 millions d’euros, à périmètre identique (soit les 57 millions d’euros nets de recapitalisation auxquels viennent s’ajouter les 38,5 millions d’euros d’abandon de créances par la requérante).

168    Il ressort de ce qui précède que c’est à juste titre que la Commission n’a pas considéré comme équivalentes en termes de crédibilité et de solidité l’offre d’un investisseur financier, le candidat no 5, qui, de plus, proposait d’injecter un montant significatif dans le capital de Sernam, et celle de 84 salariés cadres et dirigeants qui finançaient un faible montant, soit les 2 millions d’euros du prix, sur leurs ressources personnelles.

169    Troisièmement, la requérante et la République française soulignent que le caractère transparent et ouvert d’une procédure ne cesse pas une fois que le candidat mieux-disant a été finalement retenu et les autres, par définition, écartés et que les discussions se poursuivent avec la « dernière partie intéressée ».

170    D’une part, la « dernière personne intéressée » de la procédure d’appel d’offres transparente et ouverte était le candidat no 4. En effet, il ressort du point 164 ci-dessus que l’offre ferme de l’équipe de direction, soit celle de -95,5 millions d’euros, était également moins intéressante pour le vendeur que l’offre préliminaire de second tour du candidat no 4, soit un prix négatif de -65,2 millions d’euros, à périmètre identique (c’est-à-dire avec recapitalisation et abandon de créances par la requérante). Or, ainsi que le souligne la Commission dans ses écritures, après le retrait du candidat no 5, il aurait dès lors fallu se tourner vers le candidat no 4, qui faisait partie du processus depuis le début et avait également manifesté son intérêt à l’issue du second tour.

171    D’autre part, l’offre de l’équipe de direction ne saurait être considérée comme celle de la « dernière partie intéressée », dans la mesure où elle n’a pas participé de manière autonome à la procédure transparente et ouverte.

172    Quatrièmement, la requérante fait valoir qu’il n’est pas pertinent de comparer l’offre ferme de l’équipe de direction à l’offre non engageante du consortium dont elle faisait partie, car seule l’offre ferme est valable, même si elle n’est pas la mieux-disante.

173    Cet argument doit être rejeté dans la mesure où la question posée ici est de savoir si l’offre ferme de l’équipe de direction était issue du processus d’appel d’offres, ce qui implique nécessairement d’examiner les offres non engageantes déposées pendant le processus d’appel d’offres.

174    Partant, l’argument visant à démontrer que l’équipe de direction a participé depuis le début à l’appel d’offres doit être rejeté, dans la mesure où elle n’y a pas participé de manière autonome et n’a pas soumis seule l’offre qu’elle avait soumise initialement avec le candidat no 5. Son offre ne peut donc être considérée comme résultant d’une procédure transparente et ouverte.

175    Partant, le premier grief doit être rejeté.

 Sur le deuxième grief, tiré de la validité de l’offre de la Financière Sernam, bien que cette dernière ne fût pas encore constituée au moment de la soumission de l’offre de l’équipe de direction

176    La requérante précise, d’une part, que la constitution d’une société après l’acceptation de l’offre correspondrait à une pratique usuelle en matière d’appels d’offres et, d’autre part, que les personnes physiques constituant l’équipe de direction avaient quant à elles une existence juridique propre, suffisante pour soumettre une offre.

177    Il y a lieu de relever que ces arguments sont inopérants, dans la mesure où il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission ait reproché à la Financière Sernam son absence de personnalité juridique lors de la procédure d’appel d’offres, mais le fait que l’offre de l’équipe de direction, et donc de la Financière Sernam, ne résultait pas d’une procédure d’appel d’offres transparente et ouverte.

178    Partant, le deuxième grief doit être rejeté.

 Sur le troisième grief, tiré du fait que tous les candidats ont eu l’occasion de présenter une offre, ont été traités également et ont disposé de possibilités d’information et de conditions de délai identiques

179    La requérante, soutenue par la République française, fait valoir qu’il résulte de la pratique décisionnelle de la Commission et de la jurisprudence que le caractère ouvert et transparent d’un appel d’offres suppose que toutes les parties susceptibles d’être intéressées aient eu l’occasion de présenter une offre et aient disposé, pour ce faire, de possibilités d’information et de conditions de délai identiques, ce qui aurait été le cas en l’espèce.

180    Cet argument, tiré de l’égalité de traitement des participants, doit être rejeté, dans la mesure où l’offre de l’équipe de direction ne faisait pas partie de cette procédure d’appel d’offres.

181    Partant, le troisième grief doit être rejeté.

 Sur le quatrième grief, tiré du fait que, d’après la jurisprudence, le fait, comme en l’espèce, qu’une vente d’actifs ait été précédée de tentatives infructueuses avec une autre société constituerait un « indic[e] de nature à établir que la procédure suivie était suffisamment ouverte et transparente »

182    La requérante fait valoir que, dans les arrêts SMI, point 52 supra (EU:C:2004:238), et CDA, point 52 supra (EU:T:2005:364), le fait qu’une vente d’actifs ait été précédée de tentatives infructueuses avec une autre société constituait un « indic[e] de nature à établir que la procédure suivie était suffisamment ouverte et transparente » (arrêts SMI, point 52 supra, EU:C:2004:238, point 95, et CDA, point 52 supra, EU:T:2005:364, point 110). Elle estime que ce serait également le cas en l’espèce, puisque la vente à l’équipe de direction a été précédée de tentatives infructueuses avec le consortium formé avec le candidat no 5.

183    Il convient de relever que, si, dans certains cas d’espèce, de telles circonstances peuvent constituer un indice que la procédure suivie était suffisamment ouverte et transparente, cela ne constitue pas une preuve concluante. Dans le cas d’espèce, la Commission ne pouvait se satisfaire de l’existence éventuelle d’un tel indice pour vérifier si la condition d’une procédure transparente et ouverte imposée explicitement par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 était satisfaite. Or, il résulte de l’analyse du premier grief, aux points 162 à 175 ci-dessus, que cette condition n’était pas remplie.

184    Partant, le quatrième grief doit être rejeté.

 Sur le grief de la République française, tiré du fait que le prix négatif de 57 millions d’euros aurait été validé comme un prix de marché par les expertises soumises

185    La République française fait valoir que le prix négatif de 57 millions d’euros aurait été confirmé par les expertises soumises, dont la jurisprudence reconnaîtrait la valeur pour déterminer si une vente a été effectuée dans des conditions normales de marché.

186     Il convient de rejeter ce grief comme étant inopérant, dans la mesure où il s’agit ici de vérifier le respect de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, en ce que celui-ci exigeait une procédure transparente et ouverte, et non une vérification du prix par une expertise.

187    Eu égard à ce qui précède, la cinquième branche du quatrième moyen doit être rejetée.

 Sur la sixième branche, tirée d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a estimé, aux considérants 121 à 123 de la décision attaquée, que la finalité d’une vente des actifs n’avait pas été respectée

188    La requérante fait valoir, en substance, deux griefs. Par son premier grief, la requérante fait valoir que la finalité de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 a été respectée, car l’activité de Sernam a été interrompue. Par son second grief, elle considère que la notion de vente des actifs en bloc permettait en réalité une poursuite de l’activité.

 Sur le premier grief, tiré du fait que la finalité de la vente des actifs en bloc a été respectée, car l’activité économique de Sernam a été interrompue

189    Il ressort des considérants 121 et 122 de la décision attaquée que la Commission a considéré que la finalité d’une vente des actifs, telle que prévue au considérant 217 de la décision Sernam 2, était de libérer les parts de marché et les actifs de Sernam, ainsi que de permettre à un tiers d’utiliser ces actifs, et que, par conséquent, la vente des actifs visait à interrompre l’activité économique de Sernam. Au considérant 123 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, en l’espèce, Sernam avait été acquise dans son intégralité par son encadrement, regroupé dans la future Financière Sernam, et que la continuité économique était totale. De plus, elle a estimé que l’entreprise se trouvait libérée d’une partie importante de sa dette et avait reçu du capital frais à hauteur de 59 millions d’euros, dont 57 millions restaient économiquement à la charge de la requérante. La Commission en a conclu que, dès lors, outre le fait que l’opération mise en place ne respectait pas les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, elle ne permettait pas non plus d’atteindre les objectifs poursuivis par cette décision et conduisait au contraire l’entité économique à un renforcement susceptible d’aggraver les distorsions de concurrence que les mesures imposées par la décision Sernam 2 visaient précisément à atténuer.

190    Avant d’examiner, aux points 196 à 211 ci-après, les différents arguments de la requérante, le Tribunal considère qu’il y a lieu d’apprécier la finalité de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, lu à la lumière de ses motifs.

191    Il ressort notamment des considérants 200 et 208 à 211 de la décision Sernam 2, qui s’insèrent dans une partie intitulée « Prévention de distorsions de concurrence – contreparties spécifiques », que la Commission a considéré, d’abord, que des mesures devaient être prises pour atténuer, autant que possible, les conséquences défavorables, pour les concurrents, de l’aide de 503 millions d’euros octroyée à Sernam, que la limitation ou la réduction forcée de la présence sur le ou les marchés en cause sur lesquels l’entreprise opère représentait une contrepartie pour les concurrents et que les contreparties pourraient prendre des formes différentes selon que l’entreprise opère ou non dans un marché surcapacitaire. En outre, compte tenu de l’application abusive de l’aide constatée dans la même décision, et de l’augmentation de la durée du plan de restructuration, la Commission a estimé que Sernam devait fournir une contrepartie particulière en se retirant durablement des segments de marché essentiellement surcapacitaires, en l’espèce ceux du groupage et de la messagerie traditionnelle acheminée par voie routière, afin que l’approbation d’une partie de l’aide à la restructuration puisse se justifier. La Commission a souligné que l’octroi d’aides d’État dans des marchés en situation de surcapacité structurelle, voire en déclin, aurait comme conséquence immédiate de permettre à une entreprise, qui aurait dû cesser ses activités à la suite de ses difficultés déclarées, d’occuper artificiellement des parts de marchés extrêmement sollicitées au détriment d’entreprises concurrentes et financièrement saines.

192    Ces motifs justifient les conditions imposées à l’article 3, paragraphe 1, de la décision Sernam 2, à savoir la reprise des activités routières de Sernam par d’autres entreprises et la diversification des activités de Sernam vers le fret ferroviaire, dont le but était de supprimer la présence de Sernam sur le marché surcapacitaire aux fins de prévenir toute distorsion de concurrence liée à l’octroi de l’aide à la restructuration de 503 millions d’euros.

193    Il ressort du considérant 217 de la décision Sernam 2, qui s’inscrit dans la même partie dédiée aux préventions de distorsions de concurrence que les considérants 200, 208 à 211 susmentionnés, que, si Sernam devrait vendre ses actifs « en bloc », les deux conditions susmentionnées, relatives à la restructuration de la compagnie, « ne s’appliquera[ient] pas, étant donné que Sernam n’opérera[it] plus sous sa forme juridique actuelle et aura[it] libéré ses parts de marché au profit de l’acquéreur indépendant (qui pourra[it] de facto poursuivre ses activités avec les actifs de Sernam) ».

194    Ainsi que la Commission l’a rappelé à l’audience, les deux paragraphes de l’article 3 de la décision Sernam 2, qui sont expressément alternatifs, conditionnaient l’aide à la restructuration de 503 millions d’euros et visaient le même objectif de prévention des distorsions de concurrence entraînées par cette aide. Le fait que, en cas de vente des actifs en bloc, il n’était plus nécessaire d’imposer le retrait du secteur routier surcapacitaire ne peut s’expliquer que par le fait que, en cas de vente des actifs en bloc de Sernam, au prix du marché, à une société n’ayant pas de lien juridique avec la requérante, moyennant une procédure transparente et ouverte, Sernam disparaissait économiquement du marché et, avec elle, la distorsion de concurrence liée à l’octroi de l’aide à la restructuration de Sernam. Par conséquent, la « libération de parts de marché au profit de l’acquéreur indépendant » telle que mentionnée au considérant 217 de la décision Sernam 2, doit s’analyser comme mettant fin à la distorsion de concurrence, c’est-à-dire à l’activité subventionnée de Sernam.

195    Il ressort de ce qui précède que c’est à juste titre que la Commission a considéré, au point 122 de la décision attaquée, que la finalité de la vente des actifs en bloc de Sernam visait à interrompre l’activité économique de Sernam.

196    En premier lieu, la requérante, soutenue par la République française, fait valoir que l’activité de Sernam a été interrompue, puisque ses actifs ont été cédés tous ensemble à un même acquéreur, au même moment, et que Sernam n’a pas été acquise dans son intégralité, ainsi qu’elle l’a démontré dans le cadre de la troisième branche.

197    Il ressort toutefois de l’examen de la troisième branche du quatrième moyen (voir points 134 à 137 ci-dessus) que la requérante ne s’est pas contentée de transférer tous ses actifs ensemble à un même acquéreur, mais a cédé également la quasi-intégralité de ses passifs, en contravention avec l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2. Quant à l’argument selon lequel elle n’aurait toutefois pas cédé exactement l’intégralité de Sernam, celui-ci a déjà été rejeté aux points 136 à 137 ci-dessus.

198    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que Sernam n’a plus opéré sous sa forme juridique antérieure à la cession, puisque c’est la Financière Sernam qui poursuivait les activités de Sernam grâce aux actifs cédés.

199    Il ressort toutefois de la finalité de la vente des actifs en bloc imposée par la décision Sernam 2, qui visait à faire disparaître économiquement une société déficitaire du marché, que le seul changement de dénomination juridique de Sernam ne saurait suffire pour constater l’interruption effective de son activité économique.

200    En troisième lieu, la requérante souligne qu’elle n’avait aucun lien juridique avec l’équipe de direction, et donc la Financière Sernam, et que, par conséquent, la reprise de Sernam par son encadrement n’est pas un signe de continuité économique.

201    Dans la mesure où cet élément n’est mentionné, au considérant 123 de la décision attaquée, qu’à titre surabondant par rapport au fait que l’intégralité de Sernam a été acquise, de tels arguments sont inopérants.

202    En tout état de cause, il convient de relever que, le 30 juin 2005, les dirigeants de Sernam ayant porté l’offre n’avaient pas encore démissionné de leurs fonctions de président-directeur général et de directeur général délégué de Sernam (l’article 4 du protocole d’accord du 21 juillet 2005 précisait qu’ils démissionneraient à la date de réalisation de l’opération) et faisaient donc encore partie du groupe de la requérante.

203    En quatrième lieu, la requérante fait valoir que les parts de marché de Sernam ont été libérées au profit de la Financière Sernam, qui pouvait poursuivre l’activité avec les actifs de Sernam.

204    Toutefois, il ressort du dossier que la finalité de la transaction mise en place par la requérante était de céder Sernam dans son intégralité afin de la maintenir en vie et de la redresser, à l’opposé de l’objectif d’interrompre son activité économique, et de libérer ses parts de marché au profit de l’acquéreur de ses actifs.

205    Premièrement, il y a lieu de relever que le communiqué d’appel d’offres de la requérante du 29 novembre 2004 indiquait que la requérante avait entamé le processus de sélection d’un acquéreur capable « d’assurer la pérennité des activités du Sernam » et que la requérante serait particulièrement attentive « à la pérennité des activités du Sernam [et] à la sauvegarde de l’emploi ». De même, le rapport de la banque X à la commission des participations et des transferts, du 21 juillet 2005, indiquait que « [l]’opération envisagée [était] la reprise de la société », et « du groupe Sernam ».

206    Deuxièmement, l’avis conforme 2005-AC 2, du 22 juillet 2005, de la commission des participations et des transferts susmentionné mettait en évidence que « les fonds mis à disposition de la nouvelle société [étaient] destinés à lui permettre de financer les besoins liés à sa restructuration pour permettre le retour à une exploitation équilibrée » et que « le nouveau Sernam disposera[it] tout juste des moyens qui devraient permettre à l’entreprise, totalement indépendante de la [requérante], de franchir les premiers exercices qui demeur[ai]ent difficiles, pour retrouver, seul ou avec l’aide d’investisseurs, une situation d’exploitation normale ».

207    Troisièmement, il ressort de l’ensemble du dossier, et notamment du rapport de la banque X et de l’offre ferme de reprise déposée par l’équipe de direction, que deux éléments clés pour dimensionner l’offre de reprise étaient le besoin en trésorerie de Sernam afin de financer son plan de redressement et la recapitalisation nécessaire eu égard aux pertes estimées sur la période à venir allant de 2005 à 2008 et que le prix négatif de 59 millions d’euros résultait à hauteur d’un montant extrêmement significatif des besoins de financement liés à la restructuration de Sernam et à hauteur d’un montant modéré des besoins de financement des coûts de mise en œuvre des réductions d’effectifs prévues par le plan d’affaires excédant les montants devant être versés à ce titre en application de la loi et de la convention collective applicable. Le rapport de la banque X précise, à cet égard, que « la proposition de l’équipe de direction […] s’accompagne, en l’espèce, d’une recapitalisation jugée indispensable par l’équipe de direction pour mettre en œuvre son plan de redressement et lui donner la confiance nécessaire à la formulation de son offre ferme de reprise, soit 59 [millions d’euros] ».

208    Quatrièmement, il ressort de l’examen des troisième et quatrième branches ci-dessus que c’est à bon droit que la Commission a affirmé, au considérant 123 de la décision attaquée, que, de plus, l’entreprise se trouvait libérée d’une partie de sa dette (en effet les dettes financières n’ont pas été jointes à l’apport) et avait reçu du capital frais à hauteur de 59 millions d’euros, dont 57 millions restaient à la charge de la requérante.

209    Cinquièmement, il y a également lieu de relever que la décision Sernam 2 prévoyait que, en cas de maintien de Sernam sur le marché, soit à l’intérieur du groupe de la requérante, soit à travers la vente de l’intégralité de Sernam (actifs et passifs), les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 1, devaient s’appliquer et que, dans ce cas, Sernam aurait dû se retirer du marché surcapacitaire du transport routier. Or, il y a lieu de constater que la requérante ne fait pas valoir que les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 1, ont été mises en œuvre, bien qu’elle ait vendu la quasi-intégralité de Sernam.

210    Il ressort de ce qui précède que c’est à tort que la requérante fait valoir que l’activité économique de Sernam a été interrompue, puisque c’est en réalité la quasi-intégralité de Sernam (actifs et passifs) qui a été transmise et maintenue en activité sur le marché, avec un fort besoin de recapitalisation afin de financer un nouveau plan de redressement, et que l’opération mise en œuvre ne permettait pas d’atteindre les objectifs poursuivis par la décision Sernam 2, à savoir prévenir les distorsions de concurrence liées à l’octroi de l’aide à la restructuration approuvée par la décision Sernam 2, mais conduisait au contraire à aggraver ces distorsions, en renforçant l’entité économique bénéficiaire de ladite aide, en particulier sur les marchés surcapacitaires.

211    Partant, il y a lieu de rejeter le premier grief.

 Sur le second grief, tiré du fait que la notion de vente des actifs en bloc permettait en réalité la poursuite de l’activité de Sernam

212    La requérante considère en substance que, si la volonté de la Commission lors de la décision Sernam 2 était de démanteler Sernam, cette dernière aurait dû prévoir une autre opération qu’une vente d’actifs en bloc, qui serait en réalité consubstantielle, tant d’un point de vue juridique que d’un point de vue économique, à la poursuite de l’activité de Sernam. Par conséquent, la Commission ne pourrait désormais faire le reproche d’une certaine forme de continuité de l’activité économique entre Sernam et la Financière Sernam.

213    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans l’hypothèse où la requérante tente, par cette argumentation, de remettre en cause la rédaction et la pertinence de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, ses arguments doivent être rejetés, dans la mesure où, la décision Sernam 2 n’ayant pas été attaquée, elle est devenue définitive. Il n’est donc pas possible d’en examiner la légalité dans le cadre du présent recours. Les allégations d’erreurs dans la rédaction de la décision Sernam 2 sont par conséquent irrecevables.

214    Dans la mesure où ces arguments visent à démontrer que la décision Sernam 2 autorisait la requérante à structurer l’opération de vente des actifs en bloc comme elle l’a fait, au motif que la cession d’actifs en bloc serait en réalité consubstantielle à la poursuite de l’activité, il convient de relever qu’ils viennent directement à l’encontre des arguments précédents de la requérante selon lesquels l’activité économique de Sernam a bien été interrompue par l’opération.

215    En premier lieu, la requérante fait valoir qu’il ressort des points 68 à 70 de l’arrêt SMI, point 52 supra (EU:C:2004:238), et du point 73 de l’arrêt CDA, point 52 supra (EU:T:2005:364), que la cession d’actifs en bloc est en réalité consubstantielle, tant d’un point de vue juridique que d’un point de vue économique, à la poursuite de l’activité, par opposition à la notion de cession des actifs séparément, qui, elle, impliquerait une cessation de tout ou partie de l’activité.

216    Premièrement, il y a lieu de constater que cet argument est inopérant, car il ressort de l’examen de la troisième branche que, en réalité, c’est l’intégralité de Sernam qui a été cédée, et non ses seuls actifs.

217    Deuxièmement, les points mis en avant par la requérante concernent les arguments soulevés par la Commission devant les juridictions de l’Union dans des affaires spécifiques, et non une appréciation générale des juridictions de l’Union sur la notion de vente des actifs en bloc. Or, la décision attaquée doit être examinée au regard du traité et de la décision Sernam 2, et non au regard d’arguments développés par la Commission dans des contentieux concernant d’autres affaires.

218    À cet égard, il a déjà été constaté au point 122 ci-dessus qu’il n’existait pas d’opposition entre « vente des actifs en bloc » et « vente des actifs séparément » dans la décision Sernam 2 et que la décision Sernam 2 était suffisamment claire sur le fait que les passifs ne devaient pas être vendus dans le cas où le scénario de la vente des actifs en bloc serait suivi. Par ailleurs, d’après le considérant 217 de la décision Sernam 2 in fine, l’acquéreur des actifs en bloc de Sernam pourrait de facto poursuivre ses activités propres avec les actifs de Sernam. Si cela peut donner l’apparence d’une poursuite de l’activité économique de l’entreprise bénéficiaire des aides à la restructuration déclarées compatibles par la décision Sernam 2, il convient toutefois de relever qu’il devait s’agir de l’activité d’un tout autre acteur que Sernam, c’est-à-dire de l’acquéreur, intégrant les actifs de Sernam dans sa propre stratégie commerciale, sans quoi les parts de marché de la bénéficiaire ne sauraient être considérées comme « libérées ».

219    Troisièmement, il ressort des points auxquels se réfère la requérante (arrêts SMI, point 52 supra, EU:C:2004:238, points 68 à 70, et CDA, point 52 supra, EU:T:2005:364, point 73), relatifs à des questions de contournement de l’obligation de récupération d’aides d’État, que, si la Commission y soulignait que « [d]es problèmes majeurs surgiraient en revanche dans le cas où les actifs [auraie]nt été vendus 'en bloc', de manière à permettre à l’acquéreur de poursuivre l’activité de la société bénéficiaire [et que, d]ans cette hypothèse, le fait de poursuivre l’activité subventionnée pourrait pérenniser la distorsion de concurrence, de sorte qu’une vigilance particulière serait nécessaire pour éviter que la cession des biens de la société bénéficiaire permette de contourner l’obligation de restitution en mettant 'à l’abri' lesdits actifs », elle y rappelait que, dans un tel cas de figure, « le contournement n’est exclu que lorsque la cession 'en bloc' des biens de la société bénéficiaire, outre qu’elle est intervenue au prix du marché, est opérée dans le cadre d’une procédure inconditionnelle et ouverte à tous les concurrents de cette dernière [et que, ainsi], ce ne serait que dans ce cas que les acquéreurs ne seraient pas tenus au remboursement des aides » (arrêts SMI, point 52 supra, EU:C:2004:238, point 70, et CDA, point 52 supra, EU:T:2005:364, point 73).

220    Or, l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 prévoyait justement un prix de marché moyennant une procédure transparente et ouverte. Toutefois, il ressort de l’examen de la cinquième branche que cette exigence n’a pas non plus été respectée en l’espèce.

221    En deuxième lieu, la requérante considère que, si son objectif avait été d’interrompre l’activité de Sernam, la Commission aurait dû spécifier qu’elle voulait une cession des seuls actifs corporels, à l’exception du fonds de commerce, qui permet la continuité de l’activité économique.

222    Premièrement, force est de constater que, d’une part, le considérant 217 de la décision Sernam 2 ne fait aucune distinction entre actifs corporels et incorporels et que, d’autre part, la décision attaquée ne reproche pas à la requérante d’avoir joint les actifs incorporels, dont le fonds de commerce, mais les passifs.

223    Deuxièmement, si, par l’argument évoqué au point 221 ci-dessus, la requérante fait allusion à l’écart d’acquisition négatif ou « badwill » relatif à la valeur négative du fonds de commerce, il ressort des points 139 et 140 des observations des autorités françaises sur la décision d’ouverture que ce « badwill » est défini comme l’écart qui peut exister entre le prix d’acquisition payé en numéraire ou en titres et la valeur des actifs et passifs exigibles acquis pris individuellement. Les autorités françaises insistent sur le fait que le « badwill » n’a pas été déterminé de manière autonome, qu’il n’est en fait que la conséquence, transcrite comptablement, de la valeur de marché négative de 57 millions d’euros nets ressortant de la procédure d’appel d’offres et que son montant est apparu a posteriori eu égard au prix donné par le marché pour les « actifs » de Sernam, ce prix étant lui-même déterminé par l’unique offre ferme reçue. Toujours selon les autorités françaises, le « badwill » « constitue donc le reflet de l’anticipation, par l’acquéreur, des pertes à venir et des coûts de restructuration, ce que le rapport de la [banque X] précise d’ailleurs lorsqu’il indique que deux éléments clés pour dimensionner correctement une offre de reprise sont le besoin en trésorerie de la société afin de financer son plan de redressement et la recapitalisation nécessaire eu égard aux pertes estimées sur la période [allant de] 2005 à 2008 (page 47 du rapport) ».

224    Par conséquent, il ressort du dossier que ce que la requérante dénomme « fonds de commerce » ne fait pas allusion à un actif incorporel, mais correspond en réalité à une traduction comptable des demandes de recapitalisation de l’équipe de direction, dues en grande partie au fait qu’a été cédée l’intégralité d’une entreprise qui perdait de l’argent, avec ses passifs.

225    En troisième lieu, la requérante estime que, en réalité, la Commission aurait entendu limiter la cession des actifs en bloc de Sernam à des repreneurs industriels, ce qui n’était pourtant pas indiqué dans la décision Sernam 2.

226    Toutefois, il ne ressort pas de la décision attaquée que le fait que le repreneur ne soit pas un industriel du secteur ait été la raison du constat de non-respect de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, ce constat découlant principalement du fait que c’est l’intégralité de Sernam qui a été cédée, sans pour autant que les conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 1, de la décision Sernam 2, dont notamment celle du retrait du secteur surcapacitaire, aient été respectées.

227    Partant, le second grief doit également être rejeté.

228    Eu égard à ce qui précède, la sixième branche du quatrième moyen doit être rejetée.

 Conclusions sur le quatrième moyen

229    La requérante estime qu’une seule erreur dans le raisonnement de la Commission relatif à la violation de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 ne peut qu’entraîner l’annulation de la décision attaquée.

230    Il ressort de la jurisprudence que, dans la mesure où certains motifs d’une décision sont, à eux seuls, de nature à justifier à suffisance de droit celle-ci, les vices dont pourraient être entachés d’autres motifs de l’acte sont, en tout état de cause, sans influence sur son dispositif. En outre, dès lors que le dispositif d’une décision de la Commission repose sur plusieurs piliers de raisonnement dont chacun suffirait à lui seul à fonder ce dispositif, il n’y a lieu d’annuler cet acte, en principe, que si chacun de ces piliers est entaché d’illégalité. Dans cette hypothèse, une erreur ou une autre illégalité qui n’affecterait qu’un seul des piliers du raisonnement ne saurait suffire à justifier l’annulation de la décision litigieuse, dès lors que cette erreur n’a pu avoir une influence déterminante quant au dispositif retenu par l’institution auteur de cette décision (voir arrêt du 20 octobre 2011, Eridania Sadam/Commission, T‑579/08, EU:T:2011:608, points 56 et 57 et jurisprudence citée).

231    En l’espèce, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, dans la mesure où le constat de non-respect de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 et, par conséquent, de l’incompatibilité des aides d’État d’un montant de 503 millions d’euros reposait, dans la décision attaquée, sur plusieurs éléments dont chacun suffisait à lui seul à fonder ce dispositif, il convient de constater que le fait qu’un de ces éléments soit erroné, en l’espèce, celui relatif à la qualification de vente, ainsi qu’indiqué au point 108 ci-dessus, ne suffit pas à lui seul pour annuler la décision attaquée en ce qui concerne le constat de mise en œuvre abusive de l’aide d’État d’un montant de 503 millions d’euros approuvée sous conditions par la Commission dans la décision Sernam 2.

232    Dès lors, le quatrième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

2.     Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit commise par la Commission en ce qu’elle a considéré que l’obligation de récupération de l’aide d’État de 41 millions d’euros, déclarée incompatible par la décision Sernam 2, avait été transférée à la Financière Sernam et à ses filiales

233    La requérante fait valoir, en substance, que, conformément à une jurisprudence constante, l’inscription au passif de liquidation de Sernam de l’aide d’État de 41 millions d’euros déclarée incompatible par la décision Sernam 2 suffisait pour assurer l’élimination de la distorsion de concurrence résultant de cette aide et, à cet égard, elle conteste que l’obligation de remboursement de ladite aide ait été transférée à la Financière Sernam et à ses filiales. En premier lieu, elle soutient qu’aucun des critères de continuité économique au sens de l’arrêt Seleco, point 52 supra (EU:C:2003:252), n’est satisfait en l’espèce, contrairement à ce qu’affirme la Commission aux considérants 144 à 148 de la décision attaquée. En second lieu, elle fait valoir que l’inscription des 41 millions d’euros au passif de liquidation de Sernam était conforme à l’article 4 de la décision Sernam 2.

234    À titre liminaire, ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, l’inscription au tableau des créances de celle relative à la restitution des aides concernées ne permet de satisfaire à l’obligation de récupération que si, dans le cas où les autorités étatiques ne pourraient récupérer l’intégralité du montant des aides, la procédure de faillite aboutit à la liquidation de l’entreprise bénéficiaire des aides illégales, c’est-à-dire à la cessation définitive de son activité. Il importe de rappeler, à cet égard, que la récupération des aides déclarées incompatibles avec le marché intérieur vise à éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel dont le bénéficiaire de ces aides a profité sur le marché par rapport à ses concurrents, rétablissant ainsi la situation antérieure au versement desdites aides. Or, dès lors que l’entreprise bénéficiaire des aides illégales est en faillite et qu’une société a été créée afin de poursuivre une partie des activités de cette entreprise en faillite, la poursuite de cette activité, sans que les aides concernées aient été intégralement récupérées, est susceptible de faire perdurer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel dont cette société a profité sur le marché par rapport à ses concurrents. Ainsi, une telle société nouvellement créée peut, si cet avantage persiste à son profit, être tenue au remboursement des aides en cause. Tel est notamment le cas lorsqu’il est établi que cette société conserve la jouissance effective de l’avantage concurrentiel lié au bénéfice de ces aides, en particulier, lorsque celle-ci procède à l’acquisition des actifs de la société en liquidation sans verser en contrepartie un prix conforme aux conditions du marché ou lorsqu’il est établi que la création d’une telle société a eu pour effet de contourner l’obligation de restitution desdites aides. Cela vaut, en particulier, lorsque le versement d’un prix conforme aux conditions du marché ne suffirait pas pour neutraliser l’avantage concurrentiel lié au bénéfice des aides illégales. Dans un tel cas, l’enregistrement de la créance relative aux aides déclarées illégales et incompatibles avec le marché intérieur dans le tableau des créances ne suffit pas, à lui seul, pour faire disparaître la distorsion de concurrence ainsi créée (voir arrêts du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, Rec, EU:C:2012:781, points 104 à 107 et jurisprudence citée, et du 24 janvier 2013, Commission/Espagne, C‑529/09, Rec, EU:C:2013:31, points 107 et 109 et jurisprudence citée).

235    Conformément à la jurisprudence en matière de vente d’actifs, pour apprécier si l’obligation de récupération de l’aide versée à une société en difficulté peut être étendue à une nouvelle société à laquelle cette ancienne société a transféré certains actifs, lorsque ce transfert permet de constater une continuité économique entre les deux sociétés, les éléments suivants peuvent être pris en considération : l’objet du transfert (actifs et passifs, maintien de la force de travail, actifs groupés), le prix du transfert, l’identité des actionnaires ou des propriétaires de l’entreprise repreneuse et de l’entreprise de départ, le moment où le transfert a lieu (après le début de l’enquête, l’ouverture de la procédure ou la décision finale) ou encore la logique économique de l’opération (voir, en ce sens, arrêts Seleco, point 52 supra, EU:C:2003:252, points 78 ; du 13 septembre 2010, Grèce e.a./Commission, T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, Rec, EU:T:2010:386, point 135, et du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, Rec, EU:T:2012:164, point 155). La Commission n’a toutefois pas l’obligation de prendre en compte l’ensemble de ces éléments (voir, en ce sens, arrêt Ryanair/Commission, précité, EU:T:2012:164, point 156).

236    Il y a lieu de relever que les parties ne contestent pas cette grille d’analyse de la continuité économique, mais son application au cas d’espèce par la Commission.

 Sur le premier grief, tiré de ce qu’aucun des critères de continuité économique n’est satisfait en l’espèce

237    La requérante fait valoir qu’aucun des critères de continuité économique au sens de l’arrêt Seleco, point 52 supra (EU:C:2003:252), à savoir, l’objet du transfert, le prix du transfert, l’identité des actionnaires ou des propriétaires de l’entreprise repreneuse et de l’entreprise de départ, le moment où le transfert a lieu, ou encore la logique économique de l’opération, n’est satisfait en l’espèce, contrairement à l’analyse de la Commission faite aux considérants 144 à 148 de la décision attaquée.

238    Le considérant 144 de la décision attaquée se lit comme suit :

« En ce qui concerne d’abord le transfert de l’ensemble des actifs et des passifs, à l’exception de trois passifs financiers […] de [Sernam] à Sernam Xpress, la Commission observe que ce transfert couvrait l’intégralité de l’entreprise (voir la section 3.2.3.). Il y a donc une continuité économique entre [Sernam] et Sernam Xpress […] De plus, le transfert a eu lieu au sein d’un groupe. Il a eu lieu après une décision finale de la Commission ordonnant la récupération de l’aide et sa seule logique économique est de permettre la poursuite des activités de [Sernam], sans devoir respecter les conditions imposées par l’article 3 de la décision Sernam 2. Tous les critères pour démontrer la continuité économique au sens de la décision et de l’arrêt Seleco sont donc présents. »

 Sur l’objet du transfert

239    La requérante fait valoir que ce n’est pas l’intégralité de Sernam qui a été vendue à la Financière Sernam.

240    Il ressort toutefois de l’examen de la troisième branche du quatrième moyen, et notamment des points 134 à 137 ci-dessus, que c’est à bon droit que, au considérant 144 de la décision attaquée, la Commission a estimé que l’intégralité de l’entreprise avait été cédée, en violation de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2.

 Sur l’identité des actionnaires ou des propriétaires de l’entreprise repreneuse et de l’entreprise de départ

241    La requérante fait valoir que le transfert de l’ensemble des actifs et des passifs de Sernam n’a pas eu lieu au sein d’un groupe, contrairement à ce qu’a affirmé la Commission au point 144 de la décision attaquée, dans la mesure où l’identité des actionnaires de la Financière Sernam et celle de l’actionnaire de Sernam sont différentes, les actionnaires de la Financière Sernam étant l’ancienne équipe de direction de Sernam, tandis que l’actionnaire de Sernam était la requérante elle-même. À cet égard, la requérante souligne que c’est la Financière Sernam qui, in fine, détient la propriété et exploite les actifs de Sernam, logés dans Sernam Xpress. Dans ces conditions, elle estime que le critère relatif à l’identité des actionnaires ou des propriétaires de l’entreprise repreneuse et de l’entreprise de départ, au sens de l’arrêt Seleco, point 52 supra, n’est pas satisfait.

242    Il y a lieu de rejeter cet argument, dans la mesure où il s’agit, à ce stade du raisonnement de la Commission, d’apprécier la continuité économique entre Sernam et Sernam Xpress. En effet, ce n’est qu’après avoir établi une continuité économique entre Sernam et Sernam Xpress (aux considérants 144 à 148 de la décision attaquée) que la Commission a conclu que la jouissance de l’aide incompatible avait in fine été transmise à la Financière Sernam, au considérant 150 de la décision attaquée, en raison de sa fusion avec Sernam Xpress.

243    Par conséquent, la Commission a rappelé à juste titre, au considérant 144 de la décision attaquée, que l’apport de Sernam à Sernam Xpress avait eu lieu au sein du groupe de la requérante.

 Sur le moment du transfert

244    Concernant le moment du transfert des actifs en bloc, la requérante fait valoir que, dans les arrêts Seleco, point 52 supra (EU:C:2003:252), SMI, point 52 supra (EU:C:2004:238), et CDA, point 52 supra (EU:T:2005:364), les opérations de « contournement » alléguées par la Commission avaient été effectuées soit au cours de la procédure d’enquête formelle, soit à un moment où les autorités nationales compétentes s’attendaient à ce que la Commission ouvre une procédure d’enquête. Or, dans le cas d’espèce, la cession des actifs en bloc de Sernam aurait eu lieu après l’adoption de la décision Sernam 2, dans le délai imposé par son article 3, paragraphe 2, et selon les modalités prévues par cette disposition, ce qui exclurait qu’elle ait été faite dans le but d’échapper à la récupération de l’aide.

245    Il ressort du considérant 144 de la décision attaquée que la Commission a relevé que le transfert de l’ensemble des actifs et passifs avait eu lieu après la décision finale Sernam 2, dont il y a lieu de rappeler que l’article 2 imposait la récupération de l’aide de 41 millions d’euros.

246    Il y a lieu de constater que le moment de la mise en œuvre d’une décision impliquant la possibilité d’une vente d’actifs en bloc du bénéficiaire de l’aide, ainsi qu’une obligation de récupération d’une aide illégale et incompatible, apparaît comme au moins aussi propice au contournement de l’obligation de récupération que la phase de procédure formelle d’examen. En effet, si l’ouverture d’une procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE résulte de doutes quant à l’existence et à la compatibilité d’une aide d’État, l’adoption d’une décision ordonnant la récupération d’une aide d’État enlève tout doute à cet égard.

247    Par ailleurs, il ressort de l’examen des première, troisième, quatrième et cinquième branches du quatrième moyen que l’opération qui a été réalisée ne respectait ni le délai (voir points 84 à 93 ci-dessus) ni les modalités (voir points 110 à 187 ci-dessus) énoncées à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2.

 Sur la logique économique de l’opération

248    Concernant la logique économique de l’opération, premièrement, la requérante, soutenue par la République française, fait valoir, qu’elle était tenue de se désengager d’une entreprise déficitaire dans le respect des exigences fixées par la décision Sernam 2.

249    Deuxièmement, elle souligne que le recours à la société « coquille » Sernam Xpress ne résultait pas d’une volonté de contournement de l’obligation de restitution des aides, mais visait uniquement à permettre l’acquisition des actifs en bloc de Sernam par la Financière Sernam, compte tenu de la nécessité d’assurer, conformément à la décision Sernam 2, que l’acquéreur des actifs n’aurait aucun lien avec la requérante. À cet égard, elle s’appuie sur une consultation en droit français, rédigée par un professeur de droit français, afin de démontrer que l’apport dit « partiels d’actifs » était la seule opération permettant de joindre les passifs d’exploitation aux actifs sans avoir à solliciter l’accord individuel des créanciers (afin de bénéficier de l’effet de transmission universelle du patrimoine de cette opération). Or, l’exigence d’indépendance de l’acquéreur vis-à-vis de la requérante interdisait de procéder à un apport partiel d’actifs directement à la Financière Sernam, sans quoi la requérante serait devenue, en rémunération de son apport (rémunération sous forme de titres), actionnaire de la Financière Sernam. Cela expliquerait pourquoi il avait d’abord fallu effectuer l’apport partiel d’actifs à Sernam Xpress, puis céder les parts de cette dernière à la Financière Sernam.

250    Aux considérants 144 et 147 de la décision attaquée, la Commission a estimé que la seule logique économique était de permettre la poursuite des activités de Sernam sans devoir respecter les conditions imposées par l’article 3 de la décision Sernam 2.

251    Premièrement, il a déjà été constaté au point 247 ci-dessus qu’il ressortait de l’examen des première, troisième, quatrième et cinquième branches du quatrième moyen que les conditions énoncées à l’article 3 de la décision Sernam 2 n’avaient pas été respectées. De même, il ressort de l’examen de la sixième branche du quatrième moyen (voir notamment points 189 à 211 ci-dessus) que, l’activité économique de Sernam n’ayant pas été interrompue, la finalité de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 n’a pas été respectée.

252    Deuxièmement, il ressort des points 127 à 129 ci-dessus que la requérante ne peut arguer des contraintes en droit national pour justifier le contournement des conditions posées par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2. En particulier, il y a lieu de relever que son argumentation, au point 249 ci-dessus, est fondée sur la prétendue nécessité de joindre les passifs aux actifs de Sernam. Or, il ressort des points 113 à 119 ci-dessus que les passifs ne devaient pas être joints à la vente des actifs en bloc au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2.

 Sur le prix du transfert

253    Concernant le prix du transfert, premièrement, la requérante, soutenue par la République française, fait valoir que le prix négatif payé pour les actifs en bloc de Sernam par la Financière Sernam était un prix de marché, résultat d’un appel d’offres transparent et ouvert, contrairement à ce qu’a affirmé la Commission aux considérants 145 et 146 de la décision attaquée. Pour les mêmes motifs, la requérante considère que la référence, au considérant 145 de la décision attaquée, à un équilibre contractuel entre elle et la Financière Sernam est dénuée de pertinence. La requérante et la République française estiment que, dès lors, aucune restitution ne saurait être imposée ni au récipiendaire des actifs en cause, c’est à dire Sernam Xpress, ni à son acquéreur, en l’occurrence la Financière Sernam, et font valoir que c’était auprès du vendeur, soit Sernam, qu’il fallait exiger le remboursement.

254    Le considérant 145 de la décision attaquée se lit comme suit :

« La Commission observe au demeurant que le transfert à Sernam Xpress ne correspond pas aux conditions de marché. Le transfert à Sernam Xpress a eu lieu à un prix négatif et n’est pas le résultat d’une procédure transparente et ouverte (voir la section 3.2.5. [de la décision attaquée]). Au prix négatif de 57 millions d’euros, qui est conçu comme une aide opérationnelle permettant de couvrir les pertes de Sernam Xpress pour les années 2005 à 2008, s’ajoute l’abandon de créance de la [requérante] envers [Sernam] pour un montant de 38,5 millions d’euros (voir le considérant 27 [de la décision attaquée]) […] Par l’injection de capital de 57 millions d’euros, la [requérante] a permis à Sernam Xpress, au moins pour la période 2005 à 2008, d’honorer ces créances dans leur entièreté. Si, en revanche, la requérante avait vendu uniquement les actifs à un prix positif, les dettes de [Sernam] vis-à-vis des tiers n’auraient été honorées qu’à hauteur des revenus de la vente. Ceci est un indice supplémentaire [de ce] que l’équilibre contractuel entre la [requérante] et la Financière Sernam ne correspond pas aux conditions de marché. »

255    L’argument selon lequel le prix négatif payé en l’espèce était un prix de marché résultant d’un appel d’offres transparent et ouvert doit être rejeté, dans la mesure où il ressort de l’examen de la cinquième branche du quatrième moyen que l’offre de l’équipe de direction ne peut pas être considérée comme le résultat d’une procédure transparente et ouverte. La critique, pour les mêmes motifs, de la référence à l’équilibre contractuel entre la requérante et la Financière Sernam doit donc également être rejetée.

256    Il ressort également du point 207 ci-dessus que l’offre de reprise de l’équipe de direction avait été dimensionnée afin de financer un nouveau plan de redressement de Sernam, ainsi que la recapitalisation nécessaire pour faire face aux pertes estimées pour la période à venir allant de 2005 à 2008. Dès lors, c’est également à juste titre que la Commission a souligné, au considérant 145 de la décision attaquée, que le prix négatif de 57 millions d’euros avait été conçu comme une aide opérationnelle permettant de couvrir les pertes de Sernam Xpress pour les années 2005 à 2008, auquel s’ajoute l’abandon de créance de la requérante envers Sernam pour un montant de 38,5 millions d’euros.

257    Deuxièmement, la requérante invoque dans plusieurs branches et moyens de sa requête le fait que le prix négatif de 57 millions d’euros nets aurait été confirmé par plusieurs expertises indépendantes et se réfère à cet égard au rapport du 21 juillet 2005 réalisé par la branche audit de la banque X, sa banque conseil ayant organisé l’appel d’offres, au rapport d’un cabinet d’audit (ci-après le « cabinet d’audit Y ») du 3 juin 2005 (mis à jour en 2008), commandités par elle, au rapport du 18 juillet 2005 d’une autre banque, la banque Z, commandité par la commission des participations et transferts, ainsi qu’à l’avis 2005-AC 2 de la commission des participations et transferts, du 22 juillet 2005, qui, au vu de la concordance des expertises, a conclu que le projet de cession apparaissait comme « la solution qui, tout en assurant des chances non déraisonnables de succès au nouveau Sernam, coût[ait] le moins cher à la requérante ».

258    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la vente des actifs en bloc, conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, devait se faire à un prix de marché « moyennant une procédure transparente et ouverte ». De même, l’article 4 de la décision Sernam 2 précisait que « [t]oute vente partielle ou entière de Sernam d[eva]it être effectuée au prix du marché et moyennant une procédure transparente et ouverte à tous ses concurrents ». Partant, la Commission avait exigé dans la décision Sernam 2 que le prix de marché résulte d’un appel d’offres transparent et ouvert, ce qui n’a pas été respecté en l’espèce (voir points 160 à 187 ci-dessus).

259    En tout état de cause, deux des rapports en question, le rapport du cabinet d’audit Y et le rapport de la banque Z, concernent seulement la question de l’application du critère de l’investisseur privé, c’est-à-dire la comparaison entre les coûts de la cession envisagée et les coûts d’une éventuelle liquidation de Sernam, et ne sont donc pas pertinents au regard de la question de savoir si le prix payé pour les actifs et les passifs de Sernam était un prix de marché. De même, le passage invoqué de l’avis de la commission des participations et transferts est relatif à la comparaison entre coûts de cession et coûts de liquidation de Sernam. Par ailleurs, concernant les conclusions de la branche audit de la banque X du 21 juillet 2005, il y a lieu de constater qu’il s’agit d’une expertise réalisée après le dépôt de l’offre de l’équipe de direction et sur la base de cette offre (ainsi que du plan d’affaires 2005-2008 établi par l’équipe de direction).

260    Dès lors, c’est à tort que la requérante fait valoir que les expertises fournies confirmeraient l’idée que le prix de cession était un prix de marché.

261    Troisièmement, la requérante reproche à la Commission d’avoir constaté, dans les deux dernières phrases du point 145 de la décision attaquée, que, si elle avait vendu uniquement les actifs à un prix positif, les dettes de Sernam à l’égard des tiers n’auraient été honorées qu’à hauteur des revenus de la vente. Elle fait valoir que, la vente des actifs en bloc exigeant, en droit national, le transfert non seulement des dettes, mais également des salariés au titre de l’article L 1224-1 du code du travail, aucun repreneur n’était susceptible de proposer un prix positif pour l’acquisition de ces actifs en bloc.

262    L’argument de la requérante dirigé contre les deux dernières phrases du considérant 145 de la décision attaquée doit être rejeté comme inopérant. En effet, l’affirmation critiquée par la requérante a été présentée par la Commission à titre surabondant par rapport aux autres constatations contenues au début du même considérant comme un « indice supplémentaire » de ce que l’équilibre contractuel entre la requérante et la Financière Sernam ne correspondait pas aux conditions de marché. Dans la mesure où il a été constaté que la Commission avait établi à juste titre, au début du considérant 145 de la décision attaquée, que le prix négatif du transfert à Sernam Xpress ne résultait pas d’une procédure transparente et ouverte, les arguments visant les deux dernières phrases de ce considérant ne sont pas de nature à permettre l’annulation de la décision attaquée.

263    Quatrièmement, la requérante reproche à la Commission d’avoir constaté, au considérant 146 de la décision attaquée, que le prix négatif de 57 millions d’euros était plus élevé que la meilleure offre reçue lors de l’appel d’offre infructueux, qui avait été un prix négatif de 56,4 millions d’euros (offre de second tour du candidat no 5), et fait valoir à cet égard que cette offre de second tour n’était pas une offre engageante et ne doit donc pas être prise en compte.

264    Il ressort du point 167 ci-dessus que c’est à bon droit que la Commission a affirmé, au considérant 146 de la décision attaquée, que l’offre négative de 57 millions d’euros était moins intéressante que l’offre négative de second tour de 56,4 millions d’euros déposée par le consortium mené par le candidat no 5. À cet égard, les arguments de la requérante selon lesquels la manifestation d’intérêt du consortium formé avec le candidat no 5 ne doit pas être prise en compte à titre de comparaison, car elle était non engageante, contrairement à l’offre de l’équipe de direction, sont inopérants, dans la mesure où il ressort de l’examen de la cinquième branche du quatrième moyen que l’offre de l’équipe de direction ne peut pas non plus être prise en compte, car elle n’est pas issue d’une procédure d’appel d’offres transparente et ouverte.

265    Il ressort de ce qui précède (voir les points 237 à 264 ci-dessus) que c’est à bon droit que la Commission est arrivée à la conclusion, au considérant 148 de la décision attaquée, que le transfert des activités de Sernam à Sernam Xpress avait eu pour conséquence que Sernam Xpress avait conservé la jouissance effective de l’avantage concurrentiel lié au bénéfice des aides octroyées, car il y avait eu continuité économique entre les deux sociétés.

266    Par ailleurs, la République française invoque la jurisprudence en matière de vente d’actions, selon laquelle, lorsqu’une entreprise ayant bénéficié d’une aide d’État est rachetée au prix du marché, c’est-à-dire au prix le plus élevé qu’un investisseur privé agissant dans des conditions normales de concurrence était prêt à payer pour cette société dans la situation où elle se trouvait, notamment après avoir bénéficié d’aides d’État, l’élément d’aide est considéré comme ayant été évalué au prix du marché et inclus dans le prix d’achat. Dans de telles conditions, l’acheteur ne saurait être considéré comme ayant bénéficié d’un avantage par rapport aux autres opérateurs sur le marché. Néanmoins, en principe, lorsqu’une société bénéficiaire d’une aide a été vendue au prix du marché, le prix de vente reflète les conséquences de l’aide antérieure et c’est le vendeur de ladite société qui conserve le bénéfice de l’aide. Dans ce cas, le rétablissement de la situation antérieure doit, en premier lieu, être assuré par le remboursement de l’aide par le vendeur (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2001, Banks, C‑390/98, Rec, EU:C:2001:456, points 77 et 78). La République française considère qu’imposer à l’entreprise vendue, soit Sernam Xpress, de rembourser l’aide illégale et incompatible reviendrait in fine à pénaliser l’acquéreur de cette entreprise, soit la Financière Sernam, qui, en payant cette entreprise au prix du marché, aurait déjà payé l’aide illégale et incompatible. Cela équivaudrait, selon la République française, à faire payer deux fois ladite aide illégale et incompatible à l’acquéreur des actions de l’entreprise vendue.

267    Or, d’une part, ainsi qu’il ressort des considérants 138 et 149 et de la note en bas de page no 32 de la décision attaquée, la jurisprudence fait une distinction entre l’acquéreur des actions et la société bénéficiaire d’une aide illégale, dont les actions sont vendues. Il ressort en effet d’une jurisprudence constante que la vente d’actions d’une société bénéficiaire d’une aide illégale par un actionnaire à un tiers n’a pas d’influence sur l’obligation de récupération (voir, en ce sens, arrêt Seleco, point 52 supra, EU:C:2003:252, point 83) et que, si l’entreprise à laquelle des aides d’État illégales ont été octroyées conserve sa personnalité juridique et continue à effectuer, pour elle-même, les activités subventionnées par les aides d’État, c’est normalement cette entreprise qui conserve l’avantage concurrentiel lié auxdites aides et c’est donc celle-ci qui doit être obligée de rembourser un montant égal à celui de ces aides. Il ne peut donc être demandé à l’acheteur de rembourser de telles aides (voir, en ce sens, arrêt SMI, point 52 supra, EU:C:2004:238, point 81).

268    Par conséquent, c’est à bon droit que la Commission a, au considérant 149 de la décision attaquée, déduit de cette jurisprudence que la vente des parts sociales de Sernam Xpress à la Financière Sernam n’avait pas eu pour conséquence de libérer Sernam Xpress de l’obligation de rembourser l’aide de 41 millions d’euros.

269    Les critiques de la République française et de la requérante relatives au fait qu’un tel raisonnement équivaudrait à faire payer deux fois à l’acquéreur des actions le prix d’une aide illégale et incompatible doivent être rejetées. En effet, ainsi que le souligne la Commission, cette distinction entre l’acquéreur des actions et la société vendue peut avoir des conséquences pratiques, puisque, dans ce cas, l’acquéreur des actions n’est pas, sauf circonstances particulières, redevable de l’aide octroyée à l’entreprise achetée tant qu’il détient l’entreprise achetée sous la forme d’une société à responsabilité limitée.

270    D’autre part, contrairement à ce que suggère l’argumentation de la République française, la Financière Sernam ne s’est pas vu transférer l’obligation de remboursement de l’aide illégale et incompatible de 41 millions d’euros en tant qu’acquéreur des parts sociales de Sernam Xpress, mais en tant que son successeur juridique en raison de la fusion du 30 juin 2011 avec Sernam Xpress, du fait de l’effet de transmission universelle de patrimoine attachée à cette opération (voir considérant 150 de la décision attaquée). Une continuité économique entre Sernam et Sernam Xpress ayant été démontrée à suffisance de droit par la Commission (voir points 237 à 265 ci-dessus), et la requérante ne contestant pas la fusion entre Sernam Xpress et la Financière Sernam, ce raisonnement doit être confirmé.

271    Enfin, la République française fait valoir que le critère de l’investisseur privé serait satisfait en l’espèce, car, ainsi qu’elle l’aurait exposé dans ses lettres du 8 octobre 2008 et du 5 mai 2009, le coût de la vente des actifs en bloc de Sernam à la Financière Sernam aurait été inférieur aux coûts qu’aurait supportés la requérante en cas de liquidation judiciaire de Sernam.

272    Il y a toutefois lieu de relever que ces arguments de la République française relatifs au critère de l’investisseur privé n’ont pas de lien avec l’obligation de récupération des 41 millions d’euros, mais concernent la qualification des aides dites « nouvelles » dans la décision attaquée, au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ces arguments sont donc inopérants dans le cadre du présent moyen.

273    Par conséquent, conformément à la jurisprudence rappelée dans l’arrêt Commission/Espagne, point 234 supra (EU:C:2012:781), la Commission a considéré à juste titre que, en l’espèce, la simple inscription de l’aide déclarée illégale et incompatible par la décision Sernam 2 au passif de liquidation n’était pas suffisante pour éliminer la distorsion de concurrence causée par ladite aide.

274    Dès lors, il y a lieu de rejeter le premier grief de la requérante.

 Sur le second grief, tiré du fait que l’inscription de la somme de 41 millions d’euros au passif de liquidation de Sernam était conforme à l’article 4 de la décision Sernam 2

275    La requérante fait valoir que l’inscription au passif de liquidation de Sernam du montant de l’aide déclarée illégale et incompatible par la décision Sernam 2 était conforme à l’article 4 de la décision Sernam 2, qui prévoyait que, en cas de vente partielle ou entière de Sernam au prix du marché et moyennant une procédure transparente et ouverte à tous ses concurrents, le remboursement de l’aide de 41 millions d’euros incomberait à la « société Sernam si celle-ci continu[ait] d’exister ». La requérante soutient que l’article 4 de la décision Sernam 2 ne fait aucune référence à l’interruption de l’activité économique de Sernam et se limite à distinguer selon que la société Sernam continue ou non d’exister.

276    Au considérant 135 de la décision attaquée, la Commission affirme que « [l]’article 4 [de la décision Sernam 2] distingue selon qu’il y a eu ou non interruption de l’activité économique de Sernam [et que, d]ans l’hypothèse d’une disparition de cette activité, il n’y a pas lieu de récupérer [le montant de l’aide] auprès de ceux qui ont acquis les actifs au prix de marché dans le cadre d’une procédure transparente et ouverte ».

277    Conformément à la jurisprudence rappelée dans l’arrêt Commission/Espagne, point 234 supra (EU:C:2012:781), l’aide doit être récupérée auprès de la société qui poursuit l’activité économique de l’entreprise ayant initialement bénéficié de l’avantage lié à l’octroi d’aides d’État et qui, partant, en conserve la jouissance effective.

278    Dans un contexte de récupération d’aides d’État, l’allusion faite à la continuation de l’existence de Sernam, à l’article 4 de la décision Sernam 2, ne pouvait que faire allusion au maintien de l’activité économique de Sernam.

279    Partant, c’est à tort que la requérante fait valoir que l’inscription au passif de liquidation de Sernam des 41 millions d’euros était conforme à l’article 4 de la décision Sernam 2, dans la mesure où il ressort de l’examen du premier grief que Sernam continuait d’exister économiquement au sein de Sernam Xpress, puis de la Financière Sernam.

280    Dès lors, il y a lieu de rejeter le second grief.

281    Il s’ensuit que le cinquième moyen dans son ensemble doit être rejeté.

3.     Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur de droit commise par la Commission en ce qu’elle a considéré que les mesures prévues par le protocole d’accord du 21 juillet 2005 relatif à la cession des actifs en bloc de Sernam constituaient de nouvelles aides d’État en faveur de Sernam Xpress-la Financière Sernam

282    En substance, le sixième moyen se divise en deux branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante reproche à la Commission d’avoir déclaré, aux considérants 154 à 158 de la décision attaquée, que le critère de l’investisseur privé dans une situation de vente à prix négatif était inapplicable au titre de la qualification d’aide d’État des mesures du protocole d’accord du 21 juillet 2005, soit la recapitalisation de 57 millions d’euros nets, l’abandon de créances de 38,5 millions d’euros et les garanties (ci-après les « mesures litigieuses »). Dans le cadre de la seconde branche, la requérante reproche à la Commission d’avoir estimé, aux considérants 159 à 171 de la décision attaquée, que les mesures litigieuses conféraient un avantage à Sernam Xpress-la Financière Sernam.

 Sur la première branche, tirée du fait que la Commission aurait commis une erreur de droit en déclarant le critère de l’investisseur privé inapplicable au cas d’espèce

283    La requérante, soutenue par la République française, considère, en substance, que le critère de l’investisseur privé était applicable aux mesures litigieuses, dans la mesure où il ressort de la jurisprudence que, en vue de déterminer si la privatisation d’une entreprise pour un prix de vente négatif comporte des éléments d’aide d’État, il y a lieu d’apprécier si, dans des circonstances similaires, un investisseur privé d’une taille qui puisse être comparée à celle des organismes gérant le secteur public aurait pu être amené à procéder à des apports de capitaux de cette importance dans le cadre de la vente de ladite entreprise ou aurait opté pour la liquidation de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2003, Allemagne/Commission, C‑334/99, Rec, EU:C:2003:55, point 133 et jurisprudence citée) (ci-après le « critère de l’investisseur privé de type 'Gröditzer' »).

284    La requérante et la République française estiment que, en l’espèce, aucune aide d’État n’a été octroyée dans le cadre de la cession réalisée, puisque son coût global était inférieur aux coûts prévisibles d’une liquidation de Sernam, ainsi qu’elles l’auraient démontré à travers les éléments fournis à la Commission lors de la procédure administrative.

285    Les arguments de la requérante, soutenue par la République française, sont dirigés, en substance, contre les deux motifs invoqués par la Commission aux considérants 154 et 155 de la décision attaquée, pour écarter l’applicabilité du critère de l’investisseur privé de type « Gröditzer », tel que décrit au point 283 ci-dessus.

286    Le premier motif de non-application du critère de l’investisseur privé est exposé au considérant 154 de la décision attaquée. La Commission y a considéré que, dans une situation de récupération de l’aide, il n’y avait pas lieu d’appliquer le principe de l’investisseur privé, l’État agissant lors de la récupération d’une aide au titre des obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union et non en tant qu’État actionnaire.

287    Le deuxième motif de non-application du critère de l’investisseur privé est exposé au considérant 155 de la décision attaquée. La Commission y a considéré, en substance, que, dans l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, la vente d’actifs était un équivalent des mesures compensatoires imposées par l’article 3, paragraphe 1, et que, d’après le paragraphe 40 des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration, la cession d’une activité déficitaire ne pouvait pas être considérée comme une mesure compensatoire. La Commission a relevé que le prix négatif agréé entre la requérante et la Financière Sernam montrait qu’il s’agissait de la cession d’une activité déficitaire, qui ne pouvait pas être l’équivalent d’une mesure compensatoire. Elle en a conclu que, en l’espèce, le prix négatif correspondait à une aide opérationnelle à l’entreprise, qui était donc par nature inapte à réduire les distorsions de concurrence.

288    Il ressort du considérant 155 de la décision attaquée que la Commission se prévaut, afin de ne pas appliquer le critère de l’investisseur privé, du contexte particulier de l’espèce, relatif à la mise en œuvre incorrecte, par la requérante, d’une mesure compensatoire conditionnant la compatibilité de l’aide à la restructuration de 503 millions d’euros. Le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner d’abord les arguments de la requérante relatifs à ce deuxième motif de non-application du critère de l’investisseur privé.

289    En ce qui concerne le deuxième motif de non-application du critère de l’investisseur privé, au considérant 155 de la décision attaquée, la requérante fait valoir, en substance, deux griefs. Elle considère, en premier lieu, que la vente des actifs en bloc ne constituait pas une alternative aux mesures compensatoires de l’article 3, paragraphe 1, de la décision Sernam 2 et, en second lieu, que la mise en œuvre d’une mesure compensatoire conditionnant la compatibilité d’une aide ne fait pas obstacle à l’applicabilité du critère de l’investisseur privé, dans la mesure où ce n’est jamais l’État en tant que puissance publique qui est tenu de mettre en œuvre une mesure compensatoire.

290    Selon la jurisprudence de la Cour, la notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans le traité, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge de l’Union doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec, EU:C:2008:757, point 111 et jurisprudence citée).

291    Selon la jurisprudence, il résulte du principe d’égalité de traitement entre les entreprises publiques et privées que les capitaux qui sont mis à la disposition d’une entreprise, directement ou indirectement, par l’État, dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché, ne sauraient être qualifiés d’aides d’État (arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, Rec, EU:C:2002:294, point 69 et jurisprudence citée). Cette appréciation s’effectue, pour les entreprises publiques, par application, en principe, du critère de l’investisseur privé (arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, Rec, EU:C:2012:318, point 78 et jurisprudence citée).

292    La Cour a jugé que l’applicabilité du critère de l’investisseur privé dépend, en définitive, de ce que l’État membre concerné accorde en sa qualité d’actionnaire, et non en sa qualité de puissance publique, un avantage économique à une entreprise lui appartenant (arrêts Commission/EDF, point 291 supra, EU:C:2012:318, point 81, et du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep, C‑224/12 P, Rec, EU:C:2014:213, point 31). En effet, les interventions de l’État qui visent à honorer les obligations lui incombant en tant que puissance publique ne sauraient être comparées à celles d’un investisseur privé en économie de marché (arrêt du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T‑156/04, Rec, EU:T:2009:505, point 228). En particulier, peuvent être pertinents à cet égard la nature et l’objet de cette mesure, le contexte dans lequel elle s’inscrit, ainsi que l’objectif poursuivi et les règles auxquelles ladite mesure est soumise (voir, en ce sens, arrêt Commission/EDF, précité, EU:C:2012:318, point 86).

 Sur le premier grief dirigé contre le considérant 155 de la décision attaquée, tiré du fait que la vente des actifs en bloc ne constituait pas une alternative aux mesures compensatoires de l’article 3, paragraphe 1, de la décision Sernam 2

293    La requérante fait valoir trois arguments à l’appui de ce grief.

294    Premièrement, la requérante considère que la vente de l’ensemble des actifs de Sernam ne peut pas être considérée comme un équivalent des mesures compensatoires de l’article 3, paragraphe 1, de la décision Sernam 2, à savoir un recentrage sur l’activité de « Train bloc express » (ci-après le « TBE ») et un désengagement des activités de transport routier.

295    À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 correspond à la mise en œuvre d’une des deux conditions alternatives de compatibilité de l’aide à la restructuration imposées à l’article 3 de la décision Sernam 2, au titre des mesures de prévention des distorsions de concurrence créées par l’aide à la restructuration et afin d’offrir des contreparties spécifiques aux concurrents. Cela ressort notamment du titre du point consacré à la motivation des conditions de l’article 3 de la décision Sernam 2, qui est le point 6.3.7, intitulé « Prévention de distorsions de concurrence – contreparties spécifiques », dans laquelle figurent les considérants 200 à 217 de la décision Sernam 2, déjà mentionnés au point 191 et 193 ci-dessus.

296    L’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 est une alternative équivalente aux conditions du paragraphe 1 du même article, puisque ces dernières s’appliquent « [s]ous réserve du paragraphe 2 ». Ainsi qu’il ressort du point 194 ci-dessus, aux termes du considérant 217 de la décision Sernam 2, la libération des parts de marché de Sernam au profit de l’acquéreur indépendant, à travers la vente des actifs en bloc de Sernam à un prix de marché moyennant une procédure transparente et ouverte, vise le même objectif compensatoire des distorsions de concurrence que le retrait du marché surcapacitaire routier. En effet, dans cette hypothèse, il aura été mis fin complètement à l’activité subventionnée de Sernam.

297    Partant, c’est à tort que la requérante fait valoir que, en l’espèce, la vente de l’ensemble des actifs de Sernam en bloc à un même acquéreur ne peut pas être considérée comme un équivalent des mesures de recentrage sur l’activité de TBE et de désengagement des activités de transport routier.

298    Deuxièmement, la requérante fait valoir que, d’après le considérant 217 de la décision Sernam 2, ce serait la continuation de Sernam sous sa forme juridique antérieure à la cession qui justifierait le respect des mesures compensatoires de l’article 3, paragraphe 1, de la décision Sernam 2.

299    Il ressort toutefois des points 191 et 192 ci-dessus que cet argument doit être rejeté, car c’est le maintien de l’activité économique du bénéficiaire de l’aide à la restructuration sur le marché qui justifie le respect des conditions énoncées à l’article 3, paragraphe 1, de la décision Sernam 2 et non le seul fait que sa personnalité juridique soit maintenue.

300    Troisièmement, la requérante considère que, si la Commission avait conçu la vente des actifs en bloc de Sernam comme un équivalent des mesures compensatoires imposées par l’article 3, paragraphe 1, de la décision Sernam 2, elle aurait dû préciser dans ladite décision qu’une cession à prix négatif n’était pas envisageable, dans la mesure où elle avait une parfaite connaissance de la situation financière de Sernam et aurait dû s’attendre à une telle éventualité.

301    Cet argument doit également être rejeté. Dans la mesure où la condition relative à la vente des actifs en bloc excluait les passifs, l’éventualité d’obtenir un prix négatif en l’espèce était exclue par définition, ainsi que cela ressort des points 154 à 158 ci-dessus.

302    Partant, le premier grief dirigé contre le considérant 155 de la décision attaquée (voir point 287 ci-dessus) doit être rejeté.

 Sur le second grief dirigé contre le considérant 155 de la décision attaquée, tiré du fait que la mise en œuvre d’une mesure compensatoire incomberait au bénéficiaire de l’aide, ou encore à l’État actionnaire, mais pas à l’État puissance publique

303    La requérante fait valoir que, en tout état de cause, dans le cas de la mise en œuvre d’une mesure compensatoire ordonnée par une décision de la Commission, c’est l’entreprise qui a bénéficié de l’aide à la restructuration qui supporte le coût d’une mesure compensatoire, et non l’État en tant que puissance publique.

304    La requérante et la République française soutiennent également que, lorsqu’une entreprise publique décide de vendre l’une de ses filiales ou tout ou partie de ses actifs en application d’une décision de la Commission, cette entreprise publique, et le cas échéant, à travers elle, l’État, agit en sa qualité d’actionnaire. Par conséquent, compte tenu de leur nature, de leur objet et de leur objectif, les mesures litigieuses constitueraient un investissement comparable à celui d’un investisseur privé.

305    En l’espèce, force est de constater que, contrairement à ce qu’avancent la requérante et la République française, la vente des actifs en bloc de Sernam en application de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 n’était pas une décision qu’un investisseur privé aurait été amené à prendre dans des conditions « normales » de marché, avec une perspective de maximisation de profit ou de minimisation des pertes conforme à la rationalité économique.

306    En effet, la logique sous-jacente des mesures compensatoires édictées à l’article 3 de la décision Sernam 2 visait à prévenir toute distorsion excessive de concurrence induite par l’octroi de l’aide à la restructuration déclarée compatible sous conditions par la décision Sernam 2.

307    Ces mesures compensatoires pouvaient, dès lors, contraindre tant le bénéficiaire de l’aide que son actionnaire à une solution non optimale d’un point de vue de pure rentabilité financière, ce qu’un investisseur privé dans une situation dite « normale » de marché n’envisagerait pas.

308    La vente des actifs en bloc de Sernam à titre de mesures compensatoires supposait, en l’espèce, que soient vendus des actifs ayant une valeur positive, que le bénéficiaire n’aurait pas nécessairement été amené à céder en fonction de considérations liées à la rationalité économique.

309    Partant, la logique compensatoire de la vente des actifs en bloc de Sernam, rappelée au considérant 155 de la décision attaquée, était différente de la logique d’un opérateur privé cherchant à maximiser ses profits ou, en l’occurrence, à minimiser ses pertes.

310    Par ailleurs, il ressort de l’examen des troisième, quatrième et sixième branches du quatrième moyen ci-dessus qu’il ne s’agissait pas, aux termes de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, de vendre une société entière et déficitaire, mais uniquement des actifs ayant une valeur économique positive. Dans le cas d’espèce, l’offre de l’équipe de direction incluait des exigences de recapitalisation, d’abandon de créances ainsi que de garanties de la part du vendeur parce que l’intégralité de Sernam avait été vendue, avec un besoin de financement. Les mesures litigieuses résultent donc directement de la violation de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 et n’ont donc aucun rapport avec l’application du critère de l’investisseur privé.

311    Partant, le second grief dirigé contre le considérant 155 de la décision attaquée doit être rejeté.

312    Dans ces conditions, il n’y a plus lieu d’examiner les autres arguments relatifs au premier motif avancé par la Commission pour justifier la non-applicabilité du critère de l’investisseur privé, tiré du contexte dit « de récupération » des aides d’État.

313    Eu égard à ce qui précède, la première branche du sixième moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche, tirée du fait qu’aucune des mesures litigieuses n’est constitutive d’un avantage en faveur de Sernam Xpress-la Financière Sernam

314    La requérante conteste, en substance, que la recapitalisation et l’abandon de créances aient conféré des avantages à Sernam Xpress-la Financière Sernam. Concernant les garanties, d’abord, elle invoque un défaut de motivation en ce que la décision attaquée est muette sur le point de savoir si ces dernières dérogent aux conditions normales de cession par un vendeur privé. Ensuite, elle fait valoir, à titre subsidiaire, que chaque garantie aurait été accordée par un vendeur privé. Enfin, elle fait valoir, en substance, que ces garanties n’ont pas procuré d’avantages en faveur de Sernam Xpress-la Financière Sernam, car elles étaient d’un faible montant et n’ont pas été mises en œuvre.

315    Premièrement, la requérante estime que la recapitalisation de Sernam aux fins de la cession de ses actifs en bloc n’a conféré aucun avantage à la Financière Sernam, ou à l’une quelconque des entreprises, puisque cette cession a été réalisée à un prix de marché.

316    Il y a lieu de constater que Commission ne s’est pas prononcée, dans la décision attaquée, sur la question d’un avantage à la Financière Sernam en tant qu’acquéreur des parts de Sernam Xpress, mais en tant que successeur de Sernam Xpress, à la suite de leur fusion.

317    À cet égard, la Commission a en effet précisé, au considérant 159 de la décision attaquée, que, Sernam Xpress et la Financière Sernam « ayant fusionné par la suite, il n’[était] pas nécessaire de distinguer entre les avantages octroyés à l’une ou à l’autre ». Elle a appliqué ce raisonnement à toutes les mesures litigieuses, dont la recapitalisation.

318    En outre, le considérant 172 de la décision attaquée se lit comme suit :

« Au considérant 164 de la décision d’ouverture, la Commission s’était aussi interrogée sur le point de savoir si le prix négatif ‘payé’ par la Financière Sernam correspondait bien à la valeur de marché. À cet égard, la Commission observe qu’entretemps il y a eu fusion entre Sernam Xpress et la Financière Sernam, et qu’une possible aide à la Financière Sernam consistant en un prix négatif trop élevé ne dépasserait pas les 57 millions d’euros d’aide que Sernam Xpress a reçus comme nouvelle aide. Dès lors, il n’est plus nécessaire de se prononcer sur la question d’une possible aide à l’acheteur. »

319    En ce qui concerne Sernam, sa recapitalisation représente un avantage financier incontestable par rapport à ses concurrents. Par ailleurs, il ressort de l’examen de la première branche du sixième moyen que, dans le cas spécifique de l’espèce, c’est à bon droit que la Commission n’a pas comparé le comportement de l’État à celui d’un investisseur privé dans des conditions normales de marché. Partant, l’avantage financier représenté par cette recapitalisation doit être considéré comme une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

320    Il ressort par ailleurs du cinquième moyen qu’il existe une continuité économique entre Sernam et Sernam Xpress et que, par conséquent, l’avantage lié à la recapitalisation a été transféré à Sernam Xpress. En tout état de cause, à supposer même que le prix de vente ait été un prix de marché, cela ne fait pas obstacle à ce que Sernam Xpress, dont il a été démontré ci-dessus qu’elle continuait d’exercer les activités de Sernam concernées par les aides d’État octroyées, conserve le bénéfice de l’avantage résultant de l’ensemble des aides d’État en cause, dont la recapitalisation de 57 millions d’euros nets (voir, en ce sens, arrêt SMI, point 52 supra, EU:C:2004:238, points 80 et 81).

321    Il y a donc lieu de constater que c’est à bon droit que la Commission a estimé, au considérant 160 de la décision attaquée, que, « [p]ar la recapitalisation de 57 millions d’euros de [Sernam effectuée] par la [requérante], [Sernam] a reçu un avantage financier considérable, dont ne dispos[ai]ent pas ses concurrents » et que « [c]et avantage a ensuite été transféré avec les autres actifs et passifs à Sernam Xpress ».

322    Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur de droit, ainsi qu’une erreur de fait, en affirmant, au considérant 162 de la décision attaquée, que l’abandon de créances d’un montant de 38,5 millions d’euros de la requérante envers Sernam conférait un avantage à Sernam Xpress ou à la Financière Sernam, au motif qu’elle a inscrit la dette au passif de liquidation de Sernam et qu’elle n’était pas créancière de Sernam Xpress ou de la Financière Sernam.

323    Cet argument doit être rejeté, dans la mesure où la requérante était créancière de Sernam et où il ressort de l’examen du cinquième moyen qu’il y a une continuité économique entre Sernam et Sernam Xpress, puis, à la suite de leur fusion, entre Sernam Xpress et la Financière Sernam. Dans de telles circonstances, inscrire ces créances au passif de liquidation de Sernam équivaut à octroyer un avantage à Sernam Xpress, puis à la Financière Sernam.

324    Troisièmement, la requérante soutient que la Commission n’a pas motivé son raisonnement, aux considérants 163 à 171 de la décision attaquée, à propos des garanties octroyées par la requérante lors de la cession dite des « actifs en bloc » de Sernam, car la décision attaquée est muette sur le point de savoir si ces garanties dérogent aux conditions normales de cession par un opérateur privé. À cet égard, la requérante précise que les cessions (qu’il s’agisse de cessions d’actifs ou d’entreprises) sont systématiquement assorties de garanties et que la question qui se pose lors de l’appréciation de ces garanties au titre des aides d’État est de savoir si celles-ci relèvent du comportement d’un opérateur privé en économie de marché (en l’occurrence « un vendeur privé » en économie de marché). La requérante considère que des garanties de passif ne peuvent constituer une aide d’État que si elles sont offertes à des conditions qui ne seraient pas acceptables pour un vendeur privé en économie de marché.

325    Conformément à la communication de la Commission sur l’application des articles [107 TFUE] et [108 TFUE] aux aides d’État sous forme de garanties (JO 2000, C 71, p. 14), à l’instar d’autres formes d’aides potentielles, les garanties accordées directement par l’État, ainsi que les garanties données par des entreprises placées sous l’influence dominante des autorités publiques, peuvent constituer une aide d’État.

326    D’abord, il y a lieu de constater que la Commission a motivé son rejet de l’application du critère de l’investisseur privé, aux points 152 à 158 de la décision attaquée, de manière globale, pour toutes les mesures litigieuses. Il n’était dès lors pas nécessaire que la Commission ajoute une motivation spécifique concernant les garanties. Dès lors, il n’y pas lieu de constater un défaut de motivation à cet égard. De plus, l’avantage représenté par chacune de ces garanties en faveur de Sernam Xpress (et, par effet de la fusion, en faveur de la Financière Sernam) est dûment motivé aux considérants 164 à 171 de la décision attaquée.

327    Ensuite, il ressort des points 293 à 313 ci-dessus que c’est à juste titre que la Commission n’a pas appliqué le critère de l’investisseur privé aux mesures litigieuses, dont font partie les garanties. Par conséquent, les arguments de la requérante formulés à titre subsidiaire, visant à démontrer que chaque garantie aurait été accordée par un vendeur privé, ne sauraient prospérer.

328    Enfin, les autres arguments de la requérante visant à contester le fait que chacune des garanties ait pu procurer un avantage en faveur de Sernam Xpress-la Financière Sernam, doivent être rejetés, pour les raisons suivantes.

 S’agissant de la garantie relative à l’aménagement du site de Valenton et de la garantie relative à l’augmentation des loyers de nouveaux sites d’exploitation

329    La requérante souligne que la garantie relative à l’aménagement du site de Valenton, nécessaire à l’exploitation du TBE, sous peine d’une amende de 1 million d’euros en cas de retard dans la réalisation des travaux, et la garantie relative à l’augmentation des loyers de nouveaux sites d’exploitation, pour un différentiel maximal de 3 millions d’euros et sur une durée limitée de trois ans, étaient d’un montant limité et n’ont pas été mises en œuvre.

330    D’abord, la Commission a considéré à bon droit, au considérant 164 de la décision attaquée, que ces garanties conféraient un avantage, car, en leur absence, Sernam Xpress-la Financière Sernam auraient dû supporter les coûts en question elles-mêmes.

331    Ensuite, s’agissant de l’argumentation de la requérante fondée sur le montant modéré des aides litigieuses, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, l’importance relativement faible d’une aide ou la taille relativement modeste de l’entreprise bénéficiaire n’excluent pas a priori l’éventualité que les échanges entre États membres soient affectés (voir arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, Rec, EU:C:2003:415, point 81 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 avril 2001, Regione Autonoma Friuli-Venezia Giulia/Commission, T‑288/97, Rec, EU:T:2001:115, point 44 et jurisprudence citée).

332    Enfin, il y a également lieu de relever que, conformément au point 2.1.2 de la communication sur les aides d’État sous forme de garanties visée au point 325 ci-dessus, le fait que ces garanties n’aient pas été versées est sans pertinence sur la qualification d’avantage, étant donné que l’aide est accordée au moment où la garantie est offerte, et non au moment où elle est mobilisée ou à celui où elle entraîne des paiements.

333    Au surplus, l’argument de la requérante selon lequel la garantie relative à l’aménagement du site de Valenton découlait de sa volonté de récupérer un autre site doit être rejeté, dans la mesure où la requérante pouvait exiger le déménagement vers Valenton (France) sans pour autant accorder une garantie sur l’exécution des travaux d’aménagement de ce site.

 S’agissant de la garantie de pérennité du TBE et de son accès

334    S’agissant de la garantie de pérennité du TBE et de son accès, la requérante fait valoir qu’elle n’avait aucun caractère exclusif et ne conférait donc aucun avantage à Sernam Xpress par rapport à ses concurrents.

335    Il y a toutefois lieu de relever que la Commission a considéré à bon droit, au considérant 165 de la décision attaquée, que cette garantie diminuait de manière significative le risque de Sernam Xpress-la Financière Sernam, ce qui constitue un avantage. À cet égard, il convient de relever que la requérante ne fait pas valoir que d’autres entreprises utilisent le TBE en pratique. Par ailleurs, il ressort du considérant 163 de la décision attaquée que cette garantie a donné lieu à un versement effectif de 3 millions d’euros de la requérante à Sernam Xpress, ce qui n’est pas contesté. Dès lors, l’existence d’un avantage en faveur de Sernam Xpress par rapport à ses concurrents ne fait pas de doute.

 S’agissant de la prolongation pour trois ans de la garantie de reclassement des employés au sein du groupe de la requérante

336    La requérante considère que le considérant 169 de la décision attaquée, selon lequel la prolongation pour trois ans de la garantie de reclassement des employés au sein de son groupe rendrait plus attractif le fait de rester employé chez Sernam Xpress, est une pétition de principe dénuée de motivation.

337    Force est cependant de constater que la Commission a motivé à suffisance de droit, aux considérants 169 et 171 de la décision attaquée, l’existence d’un avantage pour Sernam Xpress résidant dans le fait que cette garantie rendait plus attractif le fait de rester employé chez Sernam Xpress pendant cette période et qu’elle permettait à Sernam Xpress de conserver des employés sans avoir à supporter de coûts additionnels. L’avantage ne consistait donc pas dans l’intégralité des salaires payés, mais dans le différentiel correspondant à l’augmentation de salaires qu’aurait dû accorder Sernam Xpress pour conserver ces employés, en l’absence de cette garantie.

338    Il s’ensuit que la seconde branche du sixième moyen doit être rejetée.

339    Il ressort de ce qui précède que le sixième moyen dans son ensemble doit être rejeté.

4.     Sur le premier moyen de la requérante et sur le moyen de la République française, tirés d’une violation de leurs droits de la défense respectifs

340    Par son premier moyen, la requérante reproche à la Commission, en substance, d’avoir pris, dans la décision attaquée, une position qui ne figurait pas dans la décision d’ouverture et sur laquelle il ne lui a pas été possible de présenter utilement ses observations. Elle fait référence aux considérants 154 à 158 de la décision attaquée, selon lesquels il n’y a pas lieu d’appliquer le principe de l’investisseur privé au cas d’espèce.

341    La République française fait valoir, dans un moyen autonome, que cette divergence entre la décision d’ouverture et la décision attaquée constitue également une violation de ses propres droits de la défense.

342    La Commission conteste les arguments de la requérante et considère que le moyen soulevé par la République française est manifestement irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

343    Lorsqu’il apparaît qu’un moyen soulevé par l’intervenante, dont le rattachement à l’objet du litige est discutable, doit en tout état de cause être rejeté comme irrecevable pour un autre motif ou comme dépourvu de fondement, il est loisible au juge de rejeter ce moyen sans statuer sur la question de savoir si l’intervenant est sorti de son rôle de soutien des conclusions d’une des parties principales (voir arrêt du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, Rec, EU:T:2005:219, point 155 et jurisprudence citée).

344    En l’espèce, dans un souci d’économie de procédure, le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner le moyen soulevé par la République française tiré de la violation de ses droits de la défense, sans statuer préalablement sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission concernant la recevabilité de ce moyen, ces arguments ne permettant pas, au demeurant, et pour les motifs exposés ci-après, de démontrer que la Commission a, dans la décision attaquée, violé les droits de la défense de l’État membre. Sera ensuite examiné le premier moyen de la requérante, qui critique la même divergence entre la décision d’ouverture et la décision attaquée.

 Sur le moyen de la République française, tiré de la violation de ses droits de la défense

345    La République française critique, en substance, le fait que, lors de la décision d’ouverture, mais aussi tout au long de la procédure administrative, jusqu’au dernier stade de celle-ci, la Commission n’a jamais considéré ni même laissé entendre que le critère de l’investisseur privé était par principe inapplicable en l’espèce. Les autorités françaises n’auraient pas été en mesure de fournir des observations sur la question de l’applicabilité du critère de l’investisseur privé tel qu’énoncé dans l’arrêt Allemagne/Commission, point 283 supra (EU:C:2003:55) au cas d’espèce et auraient au contraire été interrogées principalement sur les conditions d’application de la comparaison entre les coûts de cession des actifs de Sernam et les coûts de sa liquidation. Or, dans la décision attaquée, la Commission soutiendrait de manière soudaine et inattendue que cette comparaison serait en l’espèce dépourvue de pertinence, puisque le critère de l’investisseur privé n’était pas applicable aux circonstances particulières de l’espèce. En ne communiquant pas à la République française la modification radicale de son appréciation en cours de procédure, la Commission n’aurait pas mis la République française en mesure de contredire, lors de la procédure formelle d’examen, la position de l’institution au sujet de la qualification d’aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE des mesures du protocole d’accord du 21 juillet 2005 relatives à la vente des actifs en bloc de Sernam.

346    La requérante a indiqué, dans ses observations sur le mémoire en intervention de la République française, qu’elle soutenait le moyen de cette dernière, tiré de la violation de ses droits de la défense en tant qu’État membre.

347    Il ressort de la jurisprudence que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré même en l’absence d’une réglementation spécifique (voir arrêt du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, Rec, EU:C:1990:125, point 46 et jurisprudence citée). La Cour a déjà jugé que ce principe exige que l’État membre en cause soit mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments sur lesquels la Commission a fondé son appréciation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Belgique/Commission, précité, EU:C:1990:125, point 47).

348    Conformément à l’article 6 du règlement no 659/1999, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la décision d’ouverture peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une évaluation provisoire de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur (arrêts du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Guipúzcoa e.a./Commission, T‑269/99, T‑271/99 et T‑272/99, Rec, EU:T:2002:258, point 104, et du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission, T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, Rec, EU:T:2008:457, point 138).

349    Il y a lieu de relever que la procédure formelle d’examen permet d’approfondir et d’éclaircir les questions soulevées dans la décision d’ouverture (arrêt du 4 mars 2009, Italie/Commission, T‑424/05, EU:T:2009:49, point 69).

350    Il résulte de l’article 7 du règlement no 659/1999 que, à l’issue de la procédure formelle d’examen, l’analyse de la Commission peut avoir évolué, puisqu’elle peut décider finalement que la mesure ne constitue pas une aide ou que les doutes sur son incompatibilité ont été levés. Il s’ensuit que la décision finale peut présenter certaines divergences avec la décision d’ouverture, sans que celles-ci vicient pour autant la décision finale (arrêts Italie/Commission, point 349 supra, EU:T:2009:49, point 69, et du 16 décembre 2010, Pays-Bas et NOS/Commission, T‑231/06 et T‑237/06, Rec, EU:T:2010:525, point 50).

351    En l’espèce, il y a lieu de constater que, dans la décision d’ouverture, la Commission a indiqué, notamment aux points 131 à 133 et 166 de ladite décision, que, en vue de déterminer si la recapitalisation et l’abandon de créances constituaient des aides d’État, elle pensait appliquer le critère de l’investisseur privé de type « Gröditzer » en procédant à la comparaison des coûts de l’opération mise en œuvre au titre de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 avec ceux qu’aurait entraînés une liquidation de Sernam pour la requérante.

352    Toutefois, en premier lieu, il y a lieu de relever que les points 141 et 142 de la décision d’ouverture mettaient clairement en lumière le caractère préliminaire de ce raisonnement quant à la qualification d’aide nouvelle, comme l’illustre l’utilisation du terme « à ce stade ». Le fait que d’autres passages étaient plus affirmatifs n’est pas de nature à infirmer cette conclusion, surtout au regard de la finalité de la décision d’ouverture et du caractère préliminaire de l’analyse qui y est faite.

353    Ainsi, si la Commission a estimé nécessaire de recueillir des informations relatives aux coûts de liquidation de Sernam, la conclusion, au point 140 de la décision d’ouverture, selon laquelle il devra être déterminé si le coût total de recapitalisation était plus ou moins élevé que le coût hypothétique de liquidation de Sernam doit être replacée dans le contexte de la procédure formelle d’examen et de ses objectifs, à savoir permettre aux parties intéressées de se faire entendre et à la Commission d’être complètement éclairée sur l’ensemble des données de l’affaire avant de prendre sa décision. La procédure formelle d’examen ne peut avoir d’autre portée que celle décrite ci-dessus et notamment pas celle de statuer définitivement, dès avant l’adoption de la décision finale sur certains éléments du dossier (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, ThyssenKrupp Acciai Speciali Terni/Commission, T‑62/08, Rec, EU:T:2010:268, points 174 et 175 et jurisprudence citée)

354    En deuxième lieu, la question du critère de l’investisseur privé étant évoquée dans la décision d’ouverture, afin d’apprécier si la recapitalisation et l’abandon de créances constituaient un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, l’État membre a pu, dès lors, avancer tous les arguments expliquant pourquoi le critère devait être appliqué, surtout au regard du contexte spécifique de l’espèce. La Commission souligne à cet égard qu’il n’existait pas de précédents d’application du critère de l’investisseur privé dans un contexte de mise en œuvre d’une décision de compatibilité conditionnelle.

355    Il convient également de relever que, au point 161 de la décision d’ouverture, la Commission a mentionné que d’autres ressources supplémentaires à la disposition de Sernam Xpress, notamment sous forme d’avantage financier, pourraient découler des garanties en provenance de la SNCF.

356    Par conséquent, au vu de la décision d’ouverture, la République française a été en mesure de connaître le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la recapitalisation, l’abandon de créances et les garanties pouvaient constituer des aides nouvelles incompatibles et de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments sur lesquels la Commission a fondé son appréciation.

357    En troisième lieu, il ne ressort d’aucune disposition relative aux aides d’État ni de la jurisprudence que la Commission serait tenue d’entendre le bénéficiaire de ressources étatiques sur l’appréciation juridique qu’elle porte sur la mesure en cause ou serait tenue d’informer l’État membre concerné – et, a fortiori, le bénéficiaire de l’aide – de sa position avant d’adopter sa décision, dès lors que les intéressés et l’État membre ont été mis en demeure de présenter leurs observations (arrêt du 1er juillet 2010, Italie/Commission, T‑53/08, Rec, EU:T:2010:267, point 123).

358    En quatrième lieu, au regard de la motivation de l’inapplicabilité du critère de l’investisseur privé au cas d’espèce, c’est-à-dire le contexte de récupération d’aides d’État, au considérant 154 de la décision attaquée, et le fait que l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 était une mesure équivalente aux mesures compensatoires du paragraphe 1 qui n’a pas été respectée, au considérant 155 de la décision attaquée, il y a lieu de constater que, au stade de la décision d’ouverture, la Commission devait encore vérifier si l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 ainsi que la récupération de l’aide illégale et incompatible de 41 millions d’euros avaient été correctement appliqués. Partant, au moment de la décision d’ouverture, la Commission n’était pas encore en mesure de déterminer que le critère de l’investisseur privé serait inapplicable au cas d’espèce.

359    Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation des droits de la défense de la République française doit être rejeté.

 Sur le premier moyen de la requérante, tiré de la violation de ses droits de la défense

360    La requérante, soutenue par la République française, fait valoir en substance deux griefs. Par son premier grief, la requérante fait valoir que la divergence entre la décision d’ouverture et la décision attaquée, dont il est question au point 345 ci-dessus, constitue une violation de ses droits de la défense. Par son second grief, elle fait valoir que ladite divergence constitue une violation de son droit de présenter des observations en tant que partie intéressée, sur un élément essentiel qui a permis de conclure que les modalités de cession constituaient des aides d’État.

361    Concernant les droits procéduraux de la requérante, il y a lieu de rappeler qu’ils sont, en tout état de cause, moins étendus que ceux de la République française en tant qu’État membre concerné dans la procédure formelle d’examen, conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. À cet égard, il résulte de la jurisprudence de la Cour que les intéressés, comme en l’occurrence la requérante, autres que l’État membre concerné ont, dans la procédure de contrôle des aides d’État, uniquement la faculté d’adresser à la Commission toute information destinée à éclairer celle-ci dans son action future et qu’ils ne sauraient prétendre eux-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission tel que celui ouvert au profit dudit État membre (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, Rec, EU:C:2011:732, points 180 et 181 et jurisprudence citée). Le droit à l’information des intéressés n’excède pas celui d’être entendu par la Commission. En particulier, il ne saurait s’étendre au droit général de s’exprimer sur tous les points potentiellement capitaux soulevés lors de la procédure formelle d’examen (voir arrêt du 30 novembre 2009, France/Commission, T‑427/04 et T‑17/05, Rec, EU:T:2009:474, point 149 et jurisprudence citée).

362    Compte tenu de ces principes, il convient donc de constater que la requérante, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, dispose du seul droit d’être associée à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (arrêts du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, Rec, EU:T:1998:140, point 60, et du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec, EU:T:2003:57, point 125).

363    Partant, le grief de la requérante tiré de la violation de ses droits de la défense doit être rejeté.

364    Concernant le grief de la requérante tiré de la violation de ses droits en tant que partie intéressée, il y a lieu de relever que cette dernière a eu la faculté d’adresser des commentaires à la Commission sur la décision d’ouverture, laquelle identifiait précisément les mesures litigieuses comme constituant des aides d’État incompatibles potentielles, faculté dont elle a fait usage. Par conséquent, la requérante a été suffisamment informée de l’existence d’une procédure d’examen et mise en mesure de présenter toutes les observations qu’elle estimait utiles en tant que partie intéressée.

365    Dans la mesure où la divergence observée entre la décision d’ouverture et la décision attaquée ne constitue pas une violation des droits de la défense de la République française et où la requérante fait valoir, en substance, les mêmes arguments que ceux de la République française, il y a lieu de constater que ladite divergence entre la décision d’ouverture et la décision attaquée ne constitue pas non plus une violation de ses droits procéduraux en tant que partie intéressée à la procédure.

366    Partant, le grief tiré d’une violation du droit de la requérante de présenter des observations utiles en tant que partie intéressée doit être rejeté.

367    Eu égard à ce qui précède, le premier moyen de la requérante doit être rejeté.

5.     Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

368    La requérante fait valoir, en substance, trois griefs. Par son premier grief, la requérante fait valoir que l’article 3, paragraphe 2, et l’article 4 de la décision Sernam 2, ont fait naître des espérances fondées à son égard sur le fait qu’elle était autorisée à procéder comme elle l’a fait lors de la cession des actifs et lors de la récupération des 41 millions d’euros de l’aide déclarée incompatible par la décision Sernam 2. Par son deuxième grief, la requérante fait valoir que la demande d’information de la Commission portant sur le détail des coûts de liquidation de Sernam, en date du 14 mars 2006, l’a confortée dans le fait que le critère de l’investisseur privé allait être appliqué à la cession des actifs en bloc de Sernam et que, par conséquent, cette dernière était exempte d’aides d’État. Par son troisième grief, la requérante conteste en substance les considérants 126 et 177 à 182 de la décision attaquée.

 Sur le premier grief, tiré du fait que l’article 3, paragraphe 2, et l’article 4 de la décision Sernam 2 ont fait naître des espérances fondées à l’égard de la requérante sur le fait qu’elle était autorisée à procéder comme elle l’a fait lors de la cession des actifs et lors de la récupération des 41 millions d’euros

369    La requérante fait valoir que l’article 3, paragraphe 2, et l’article 4 de la décision Sernam 2 constituaient des « principes sans la moindre équivoque » et des « positions arrêtées » fondant sa confiance légitime dans le fait qu’elle était autorisée à les mettre en œuvre comme elle l’a fait.

370    Selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées [arrêt du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products (Lopik)/CEE, 265/85, EU:C:1987:121, point 44]. Il suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 30 juin 2005, Branco/Commission, T‑347/03, Rec, EU:T:2005:265, point 102 et jurisprudence citée ; arrêts du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T‑282/02, Rec, EU:T:2006:64, point 77, et du 30 juin 2009, CPEM/Commission, T‑444/07, Rec, EU:T:2009:227, point 126).

371    Il y a lieu de relever que l’article 1er de la décision Sernam 2 (voir point 14 ci-dessus) dispose explicitement que l’aide d’État en faveur de Sernam, approuvée en mai 2001 à hauteur de 503 millions d’euros, est compatible avec le marché commun aux conditions prévues aux articles 3 et 4 de la même décision.

372    Il ressort des points 118, 278 et 279 ci-dessus que l’article 3, paragraphe 2, et l’article 4 de la décision Sernam 2 étaient suffisamment compréhensibles quant au fait que la vente des actifs en bloc de Sernam n’autorisait pas à céder les passifs de celle-ci et que, si Sernam ou une autre entité continuant économiquement Sernam continuait d’exister sur le marché, le remboursement des 41 millions d’euros lui incomberait, même dans l’hypothèse d’un prix de marché moyennant une procédure transparente et ouverte à tous ses concurrents. Par ailleurs, il ressort de l’examen des quatrième et cinquième moyens que la requérante a mal appliqué ces deux dispositions de la décision Sernam 2.

373    Par conséquent, l’article 3, paragraphe 2, et l’article 4 de la décision Sernam 2 n’étaient pas susceptibles de fonder une quelconque confiance légitime à l’égard de la requérante sur le fait qu’elle pouvait joindre les passifs de Sernam aux actifs et se contenter d’inscrire au passif de liquidation de Sernam les 41 millions d’euros alors qu’il existait une continuité économique entre Sernam et Sernam Xpress.

374    En outre, l’article 3, paragraphe 2, et l’article 4 de la décision Sernam 2 édictaient des conditions et n’étaient pas susceptibles, dès lors, de donner des assurances précises et inconditionnelles quant au fait que ces conditions seraient considérées comme respectées. Ainsi que le fait remarquer à juste titre la Commission, ce grief ne relève pas de la confiance légitime en tant que telle, mais plutôt de la vérification du respect des conditions de compatibilité posées dans la décision Sernam 2.

375    Il s’ensuit que le premier grief doit être rejeté.

 Sur le deuxième grief, tiré du contenu de la demande d’information portant sur le détail des coûts de liquidation de Sernam, en date du 14 mars 2006

376    La requérante fait valoir que la demande d’information de la Commission portant sur le détail des coûts de liquidation de Sernam, en date du 14 mars 2006, l’a confortée dans le fait que le critère de l’investisseur privé de type « Gröditzer », en matière de ventes à prix négatif allait être appliqué par la Commission et que, par conséquent, la cession des actifs en bloc de Sernam était exempte d’aides d’État.

377    Premièrement, il y a lieu de relever que la lettre du 14 mars 2006 s’inscrit dans une démarche de vérification du respect des conditions de la décision Sernam 2 et est postérieure à l’opération organisée par la requérante pour mettre en œuvre l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2. Par conséquent, cette lettre n’était pas susceptible de fonder une confiance légitime à l’égard de la requérante dans le fait que son opération, antérieure à ladite lettre, ne comportait pas de nouvelles aides d’État.

378    Deuxièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, une telle indication, dans la lettre du 14 mars 2006, n’était en aucun cas de nature à lui donner des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, selon lesquelles, d’une part, le critère de l’investisseur privé allait effectivement être appliqué dans la décision finale de la Commission et, d’autre part, il serait considéré comme satisfait en l’espèce. Il s’agissait en effet d’une simple demande d’informations de la Commission s’inscrivant dans une démarche de vérification, et non d’une analyse aboutie et définitive des mesures en cause.

379    Il s’ensuit que le deuxième grief doit être rejeté.

 Sur le troisième grief, tiré du fait que la Commission a commis une erreur aux considérants 126 et 177 à 182 de la décision attaquée

380    La requérante fait valoir en substance que la Commission a commis une erreur aux considérants 177 à 182 de la décision attaquée, en réfutant le fait qu’une confiance légitime sur la conformité de la transaction avec la décision Sernam 2 soit née à l’égard de la République française ou des bénéficiaires de l’aide, du fait des démarches des autorités françaises envers la Commission.

381    Le Tribunal considère qu’il y a lieu d’examiner également dans le cadre du présent grief certains arguments soulevés dans le cadre de la sixième branche du quatrième moyen, à l’encontre du considérant 126 de la décision attaquée, qui recoupent en grande partie ceux soulevés dans le cadre du présent grief.

382    La requérante avance en substance trois arguments à l’appui de son troisième grief.

383    Il ressort des considérants 126, et 177 à 182 de la décision attaquée que la Commission a, en substance, réfuté le fait qu’une confiance légitime dans la conformité de l’opération réalisée avec la décision Sernam 2 et le droit de l’Union soit née des démarches des autorités françaises, telles que leur visite à la Commission le 24 novembre 2004, leur courrier du 21 décembre 2004, ainsi que d’autres contacts avec elle. Elle a estimé, aux considérants 178 à 181, que les informations communiquées par la République française se limitaient à l’informer du choix de vendre les actifs en bloc sans décrire les éléments essentiels de l’opération de transfert des actifs de Sernam et que, en tout état de cause, les autorités françaises ne pouvaient prétendre bénéficier d’une confiance légitime sans l’avoir spontanément informée, le 21 décembre 2004 ou plus tard, de ces éléments substantiels. La Commission a ajouté, aux considérants 126 et 182 de la décision attaquée, que, si les autorités françaises éprouvaient des difficultés à exécuter la décision Sernam 2, elles auraient dû reprendre contact avec elle afin de parvenir, en accord avec elle, à une solution portant sur un autre schéma en vertu du principe de coopération loyale prévu par l’article 4, paragraphe 3, TUE, et de la section 3.2.3 des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration, selon laquelle un État membre ne peut pas dévier du plan de restructuration sans notification et approbation préalable par la Commission.

384    En premier lieu, la requérante fait valoir des contacts avec la Commission qui auraient fondé sa confiance légitime dans le fait que l’opération réalisée était conforme à la décision Sernam 2.

385    S’agissant du contact téléphonique du 8 novembre 2004 entre le directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE) et le directeur général de la direction générale (DG) de l’énergie et des transports, force est de constater que la requérante ne se prévaut d’aucun compte rendu de cet échange et qu’il n’existe pas non plus, dans le dossier, de compte rendu officiel de cet échange. Les mêmes constatations s’imposent concernant la réunion entre le directeur des affaires générales de la DG de l’énergie et des transports et la délégation APE-SNCF du 24 novembre 2004 ainsi que le contact téléphonique de juillet 2005 entre le président de la SNCF et le directeur de la DG de l’énergie et des transports. Les quelques brèves allusions à ces contacts contenues dans le dossier ne permettent ni d’avoir une vision claire et exhaustive des échanges qui ont eu lieu, ni de conclure qu’une autorisation avait été donnée aux autorités françaises sur les éléments litigieux de l’opération.

386    En deuxième lieu, la requérante fait valoir le courrier des autorités française à la Commission du 21 décembre 2004. Or, il ressort de la lecture de ce document que c’est à bon droit que la Commission a considéré, au considérant 179 de la décision attaquée, qu’il ne lui permettait pas de prévoir la manière exacte dont les autorités françaises allaient mettre en œuvre la décision Sernam 2, car les éléments essentiels et litigieux de la transaction n’y figuraient pas, à savoir le fait que la cession reposait sur un transfert intragroupe des actifs et des passifs au sein d’une autre entité juridique (Sernam Xpress), suivie d’une cession de cette autre entité (share deal) ; que la plupart des passifs seraient transférés avec les actifs et que seul l’ordre de récupération relatif à l’aide de 41 millions d’euros et les créances de la SNCF pour un montant de 38,5 millions d’euros resteraient au passif de liquidation de Sernam ou, encore, que la République française était disposée à recapitaliser Sernam et Sernam Xpress en cas d’offre de reprise à un prix négatif.

387    En effet, aucun de ces éléments ne figure explicitement dans ce courrier. Ainsi que le souligne la Commission, « au contraire, la note du 21 décembre 2004 laisse entendre que la cession serait réalisée sans distinction entre les passifs et à un prix positif, puisqu’elle indique que, ‘[d]ès que la cession sera réalisée, les produits qui en résulteront seront utilisés pour le remboursement des passifs de la personne morale Sernam, dont l’aide incompatible, dans le cadre des procédures nationales habituelles’ ».

388    En troisième lieu, la requérante critique les considérants 126 et 182 de la décision attaquée au motif que la décision Sernam 2 aurait correctement été appliquée et qu’il n’y aurait eu aucune modification du plan de restructuration. Cette argumentation doit être rejetée dans la mesure où il ressort de l’examen du quatrième moyen que l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2 n’a en réalité pas été respecté. Or cette condition de compatibilité de l’aide faisait partie intégrante du plan de restructuration approuvé par la décision Sernam 2. Partant, les autorités françaises auraient dû, conformément au paragraphe 52 des lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration, demander à la Commission d’accepter des modifications du plan de restructuration.

389    Il s’ensuit que le troisième grief doit être rejeté.

390    Au vu de ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

6.     Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de respect d’un délai raisonnable et du principe de sécurité juridique

391    La requérante fait valoir, en substance, que, en adoptant la décision attaquée plus de sept ans après la réalisation de l’opération dite « de vente des actifs en bloc », la Commission a violé l’obligation de respecter un délai raisonnable, l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lu en combinaison avec son article 52, paragraphe 3, et le principe de sécurité juridique. Ses arguments peuvent être divisés, en substance, en trois griefs.

392    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit de l’Union dont la juridiction de l’Union assure le respect et qui est repris, comme une composante du droit à une bonne administration, par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (arrêt du 13 janvier 2004, JCB Service/Commission, T‑67/01, Rec, EU:T:2004:3, point 36).

393    Toutefois, la violation du principe du délai raisonnable ne justifie l’annulation d’une décision prise à l’issue d’une procédure administrative en matière de concurrence qu’en tant qu’elle emporterait également une violation des droits de la défense de l’entreprise concernée. En effet, lorsqu’il n’est pas établi que l’écoulement excessif du temps a affecté la capacité des entreprises concernées de se défendre effectivement, le non-respect du principe du délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative et ne peut donc être analysé que comme une cause de préjudice susceptible d’être invoquée devant le juge de l’Union. En tout état de cause, il convient également de rappeler que, lors de la phase d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, les intéressés, comme la requérante en l’espèce, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt Eridania Sadam/Commission, point 230 supra, EU:T:2011:608, points 80 et 81 et jurisprudence citée).

 Sur le premier grief, tiré du délai de trois ans qui s’est écoulé après la vente des actifs en bloc de Sernam jusqu’à l’ouverture de la procédure formelle d’examen, le 16 juillet 2008

394    La requérante reproche en substance à la Commission le délai excessif de trois ans qui s’est écoulé après la vente des actifs en bloc de Sernam jusqu’à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen, le 16 juillet 2008. La requérante invoque plusieurs éléments afin de démontrer l’information rapide de la Commission sur les modalités de la cession des actifs de Sernam qu’elle a mise en œuvre, tels que la plainte déposée par le premier plaignant dès le mois de juin 2005, l’interview donnée par le président de la SNCF dans Les Echos le 26 juillet 2005, l’information par téléphone du directeur de la DG de l’énergie et des transports sur les modalités de cession dès le mois de juillet 2005. Par ailleurs, elle fait valoir qu’un recours en carence a été déposé contre la Commission le 22 février 2006 et que, dès le 11 avril 2006, la Commission aurait été en possession de toutes les informations et pièces nécessaires à son analyse.

395    Ainsi qu’il a déjà été rappelé, le respect par la Commission d’un délai raisonnable lors de l’adoption de décisions à l’issue des procédures administratives en matière de politique de concurrence constitue un principe de bonne administration (voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 2003, Regione Siciliana/Commission, T‑190/00, Rec, EU:T:2003:316, point 136 et jurisprudence citée, et JCB Service/Commission, point 392 supra, EU:T:2004:3, point 36).

396    Selon la jurisprudence, le fait que la phase d’examen préliminaire ait été déclenchée par une plainte et non par une notification ne saurait conduire à permettre à la Commission de prolonger de manière discrétionnaire la phase préliminaire d’examen. Ainsi a-t-il été jugé que, dans la mesure où elle possède une compétence exclusive pour apprécier la compatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur, la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité relatives aux aides d’État, de procéder à un examen diligent et impartial d’une plainte dénonçant l’existence d’une aide incompatible avec le marché intérieur et qu’elle ne saurait donc prolonger indéfiniment l’examen préliminaire de mesures étatiques ayant fait l’objet d’une plainte relative à une aide d’État. Selon une jurisprudence constante, le caractère raisonnable de la durée d’une telle procédure administrative doit s’apprécier en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, des différentes étapes procédurales que la Commission doit suivre, de la complexité de l’affaire ainsi que de son enjeu pour les différentes parties intéressées (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission, T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08, Rec, EU:T:2011:493, points 98 et 99 et jurisprudence citée).

397    En l’espèce, il ressort du dossier que la Commission a examiné sans délai les informations en sa possession concernant les plaintes relatives à l’application abusive de l’aide, conformément à l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, applicable mutatis mutandis aux aides abusives, conformément à l’article 16 dudit règlement, et n’est pas restée inactive pendant la période de trois ans précédant la décision d’ouverture.

398    Les principales étapes ont été les suivantes :

–        questions de la Commission aux autorités françaises par lettres du 30 septembre 2005 et réponse des autorités françaises le 2 novembre 2005 ;

–        questions de la Commission aux autorités françaises par lettre du 14 mars 2006 et réponse des autorités françaises le 11 avril 2006 ;

–        par lettres du 10 avril 2006 et du 23 avril 2007, une seconde partie intéressée a également porté plainte devant la Commission ;

–        questions de la Commission aux autorités françaises par lettre du 8 septembre 2006 et réponses des autorités françaises le 10 octobre 2006 ;

–        réunion entre les autorités françaises et la Commission le 14 mai 2007 ; les autorités françaises ont répondu aux questions de la Commission par courrier du 25 juillet 2007 ;

–        réunion entre la Commission et les autorités françaises le 18 avril 2008 et, dans le prolongement de cette réunion, mémorandum des autorités françaises du 6 mai 2008 apportant des réponses aux questions exprimées lors de cette réunion.

399    Contrairement à ce qu’avance la requérante, la Commission n’avait pas une connaissance complète du dossier au 11 avril 2006, puisqu’elle a estimé, dans ses nouvelles questions du 8 septembre 2006, que les deux réponses reçues des autorités françaises ainsi que de nouveaux éléments qui lui avaient été rapportés soulevaient des questions additionnelles.

400    Par ailleurs, ce délai n’apparaît pas déraisonnable au regard de la complexité factuelle et juridique de l’affaire.

401    Partant, le premier grief doit être rejeté.

 Sur le deuxième grief, tiré du délai de plus de trois ans qui s’est écoulé entre l’ouverture de la procédure formelle d’examen, le 16 juillet 2008, et la demande de renseignements du 29 novembre 2011

402    La requérante reproche à la Commission, en substance, le délai de plus de trois ans qui s’est écoulé entre l’ouverture de la procédure formelle d’examen, le 16 juillet 2008, et la demande de renseignements du 29 novembre 2011. Premièrement, la requérante fait valoir que les derniers commentaires des autorités françaises sur les observations du premier plaignant relatives à la décision d’ouverture de la procédure avaient été transmis le 7 mai 2009, soit deux ans et demi avant l’adoption de la décision attaquée. Deuxièmement, en ce qui concerne la demande de renseignement du 29 novembre 2011, la requérante s’étonne que les questions posées aient porté uniquement sur les coûts de liquidation de Sernam, problématique qui sera abandonnée trois mois plus tard lors de l’adoption de la décision attaquée, ainsi que du délai de six ans qu’il a fallu à la Commission avant de demander une copie des propositions de reprise des actifs en bloc de Sernam reçues pendant la procédure d’appel d’offres.

403    En premier lieu, il convient de relever que, à la suite de l’ouverture de la procédure formelle, le 16 juillet 2008, les principales étapes de la procédure ont été les suivantes :

–        les 8 octobre 2008, 13 novembre 2008, 6 et 9 février 2009, les autorités françaises, le premier plaignant, la requérante et le fonds d’investissement entré au capital de Sernam Xpress, successivement, ont présenté des observations sur la décision d’ouverture ; la Commission a transmis les observations reçues à la République française le 25 mars 2009 ;

–        le 5 mai 2009, les autorités françaises ont soumis leurs observations sur les observations du premier plaignant (reçues le 7 mai 2009 par la Commission) ;

–        le 25 novembre 2009, la Commission a transmis une nouvelle demande de renseignements aux autorités françaises, qui y ont répondu le 14 janvier 2010 ;

–        le 15 mars 2011, le second plaignant a mis en demeure la Commission de mettre en œuvre des actes d’instructions aux fins de vérifier les conditions d’application de la décision Sernam 2 ; la Commission y a répondu le 18 mai 2011 ;

–        le 29 novembre 2011 et le 13 janvier 2012, la Commission a de nouveau posé des questions aux autorités françaises, qui y ont répondu, respectivement, les 6 et 25 janvier 2012 ;

–        le 9 mars 2012, la décision attaquée a été prise.

404    Il y a lieu de relever que le délai de plus de trois ans qui s’est écoulé entre l’ouverture de la procédure formelle d’examen et la demande de renseignement de novembre 2011, critiqué par la requérante, a cependant été interrompu par les diverses observations reçues sur la décision d’ouverture et par la demande de renseignements du 25 novembre 2009.

405    Ainsi, la Commission a dû exploiter et analyser les observations reçues sur la décision d’ouverture, dont notamment certains documents joints en annexe des observations de la République française du 8 octobre 2008, tels que le rapport du cabinet d’audit Y mis à jour ainsi que le rapport rédigé par un professeur de droit français, relatif au droit national.

406    Étant donné la complexité factuelle et juridique de l’affaire, ce délai d’analyse n’apparaît pas déraisonnable. En effet, le contexte de l’espèce était particulier, en ce que la Commission avait déjà dû par deux fois examiner des aides octroyées de manière illégale et avait déjà constaté l’application abusive des aides déclarées compatibles dans la décision Sernam 1. De plus, les opérations de cession à analyser étaient complexes et la Commission a été amenée à examiner non seulement la mise en œuvre des conditions de compatibilité de la décision Sernam 2, la question de la récupération des 41 millions d’euros d’aide déclarée incompatible par la décision Sernam 2 et de la continuité économique entre plusieurs entités, mais aussi la question des aides nouvelles contenues dans le protocole d’accord du 21 juillet 2005.

407    Par ailleurs, ni la requérante ni la République française ne font valoir qu’elles se seraient plaintes pendant la procédure de la longueur de la procédure administrative.

408    En second lieu, premièrement, il y a lieu de relever que la Commission a pu à bon droit attendre avant de demander une copie des offres reçues lors de l’appel d’offres. En effet, elle a pu considérer comme suffisantes, initialement, les explications des autorités françaises relatives à ces offres qui avaient été transmises auparavant, notamment dans les courriers du 11 avril 2006 et du 6 mai 2008, leurs observations sur la décision d’ouverture du 8 octobre 2008 et leurs observations du 5 mai 2009. Deuxièmement, le fait que les questions posées dans la demande d’information du 29 novembre 2011 aient porté notamment, mais pas seulement, sur les coûts de liquidation de Sernam, problématique qui sera abandonnée trois mois plus tard lors de l’adoption de la décision attaquée, ne suffit pas à établir une violation du principe du délai raisonnable, dans la mesure où la Commission n’est pas restée inactive et a pu à bon droit vouloir affiner sa réflexion sur la question.

409    Il s’ensuit que le deuxième grief doit être rejeté et que, dès lors, il n’y a pas lieu de constater la violation d’un droit à voir traiter ses affaires dans un délai raisonnable.

 Sur le troisième grief, tiré de la violation du principe de sécurité juridique, qui impose à la Commission de procéder avec diligence, et de la violation de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux

410    Premièrement, la requérante fait valoir que la durée excessive de la procédure viole l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux. À cet égard, elle souligne, dans la réplique, que cette disposition, lue en combinaison avec l’article 52, paragraphe 3, de ladite charte, impose que des remèdes effectifs soient garantis en cas de violation d’un droit fondamental, tel que celui d’être jugé dans un délai raisonnable. Or, la renonciation à toute sanction et l’arrêt des poursuites constitueraient l’une des modalités possibles de l’effacement des conséquences de la violation du principe du délai raisonnable au sens de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux.

411    Il ressort du point 409 ci-dessus qu’il n’y a pas lieu en l’espèce de constater une violation d’un droit à voir traiter ses affaires dans un délai raisonnable. Dès lors, le grief tiré de la violation de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, lu en combinaison avec l’article 52, paragraphe 3, de la même charte, doit également être rejeté.

412    Deuxièmement, la requérante fait valoir que la durée excessive de la procédure a porté atteinte au principe de sécurité juridique, qui impose à la Commission de procéder avec diligence.

413    Selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique exige que les règles du droit de l’Union soient claires et précises, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (voir arrêt du 30 avril 2014, Tisza Erőmű/Commission, T‑468/08, EU:T:2014:235, point 221 et jurisprudence citée).

414    La requérante se contentant d’arguer que la durée de la procédure a porté atteinte au principe de sécurité juridique sans faire valoir d’argument précis, il ressort du point 409 ci-dessus que ce grief doit être rejeté, dans la mesure où il ne ressort pas du dossier que la Commission ait violé son obligation de respecter un délai raisonnable.

415    À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante avait l’assurance, depuis la décision d’ouverture du 16 juillet 2008, qu’une décision finale allait être prise par la Commission sur les questions du respect des conditions de la décision Sernam 2, du remboursement de l’aide de 41 millions d’euros déclarée incompatible par la décision Sernam 2 ainsi que des nouvelles aides d’État. Elle ne peut donc alléguer que les règles du droit de l’Union à cet égard n’auraient pas été claires et précises.

416    Dans l’hypothèse éventuelle où, en s’étonnant de ce que les questions posées dans la demande d’information du 29 novembre 2011 aient porté uniquement sur les coûts de liquidation de Sernam, problématique qui sera abandonnée ensuite, la requérante souhaiterait par là faire valoir une violation du principe de sécurité juridique, il suffira de relever qu’une telle demande d’information, comme celle en date du 14 mars 2006, ne viole pas le principe de sécurité juridique, pas plus que celui de confiance légitime, ainsi qu’il ressort des points 376 à 379 ci-dessus, puisqu’elle s’inscrivait dans le cadre de la procédure formelle d’examen et que, si la requérante avait l’assurance qu’une décision allait être prise concernant notamment la qualification des mesures du protocole d’accord du 21 juillet 2005 au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, elle ne pouvait demander à connaître à l’avance l’appréciation juridique que la Commission allait finalement porter sur lesdites mesures.

417    Partant, le troisième grief doit être rejeté.

418    Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

419    Il ressort de ce qui précède que l’ensemble du recours doit être rejeté sans que, dans un souci d’économie de la procédure, il soit nécessaire de se prononcer préalablement sur sa recevabilité (arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec, EU:C:2002:118, points 51 et 52, et Regione autonoma della Sardegna/Commission, point 343 supra, EU:T:2005:219, point 155).

 Sur les dépens

420    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

421    La République française supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

422    Mory et Mory Team supporteront leurs propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) est rejeté.

2)      La SNCF supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La République française supportera ses propres dépens.

4)      Mory et Mory Team supporteront leurs propres dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 2015.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

1.  Sur la requérante et Sernam à l’époque des faits

2.  Sur la décision Sernam 1

3.  Sur la décision Sernam 2

4.  Sur la transmission des actifs en bloc de Sernam à la Financière Sernam et les événements ayant suivi

5.  Sur la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée

6.  Décision attaquée

Sur l’application abusive de l’aide d’État autorisée par la décision Sernam 2

Sur la récupération de l’aide de 41 millions d’euros

Sur les nouvelles aides octroyées à Sernam Xpress-la Financière Sernam

7.  Sur les faits postérieurs à la décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a considéré que la cession des actifs en bloc de Sernam n’avait pas respecté les conditions énoncées par l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2

Sur la première branche, tirée d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce que, aux considérants 97 et 98 de la décision attaquée, elle a considéré que la cession des actifs en bloc de Sernam n’était pas intervenue le 30 juin 2005

Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a considéré, aux considérants 99 à 102 de la décision attaquée, que la cession des actifs en bloc de Sernam à un prix négatif ne constituait pas une vente

Sur la troisième branche, tirée d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a considéré, aux considérants 103 à 116 de la décision attaquée, que l’opération constituait une transmission de l’« intégralité » (actifs et passifs) de Sernam

Sur le premier grief, tiré du fait que la Commission a estimé à tort, aux considérants 103 et 113 à 116 de la décision attaquée, que la transmission réalisée par la requérante n’était pas limitée aux actifs, mais comprenait l’intégralité (actifs et passifs) de Sernam

–  Sur le premier argument, selon lequel la Commission a fait une lecture erronée de l’article 3, paragraphe 2, de la décision Sernam 2, en présupposant que la vente des actifs en bloc de Sernam devait porter uniquement sur les actifs de Sernam à l’exclusion des passifs

–  Sur le deuxième argument, tiré du fait que ce sont les contraintes du droit national qui ont obligé la requérante à joindre certains passifs aux actifs de Sernam (à l’exception des passifs financiers)

–  Sur le troisième argument, tiré du fait que la transmission ne portait pas, en réalité, sur l’« intégralité » (actifs et passifs) de Sernam

Sur le second grief, tiré du fait que la Commission a considéré à tort, aux considérants 108 à 112 et 124 de la décision attaquée, que la transmission consistait en un transfert en bloc des actifs et des passifs au sein d’un groupe, suivi d’une vente des actions (share deal) de la filiale les ayant reçus

Sur la quatrième branche, tirée d’une erreur de droit commise par la Commission en ce qu’elle a estimé, au considérant 117 de la décision attaquée, que la transmission n’était pas limitée aux actifs de Sernam, mais avait été augmentée de 57 millions d’euros nets

Sur la cinquième branche, tirée d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a estimé, aux considérants 118 et 119 de la décision attaquée, que la vente des actifs en bloc de Sernam n’avait pas eu lieu moyennant une procédure transparente et ouverte

Sur le premier grief, tiré du fait que l’équipe de direction a participé à l’appel d’offres dès son origine

Sur le deuxième grief, tiré de la validité de l’offre de la Financière Sernam, bien que cette dernière ne fût pas encore constituée au moment de la soumission de l’offre de l’équipe de direction

Sur le troisième grief, tiré du fait que tous les candidats ont eu l’occasion de présenter une offre, ont été traités également et ont disposé de possibilités d’information et de conditions de délai identiques

Sur le quatrième grief, tiré du fait que, d’après la jurisprudence, le fait, comme en l’espèce, qu’une vente d’actifs ait été précédée de tentatives infructueuses avec une autre société constituerait un « indic[e] de nature à établir que la procédure suivie était suffisamment ouverte et transparente »

Sur le grief de la République française, tiré du fait que le prix négatif de 57 millions d’euros aurait été validé comme un prix de marché par les expertises soumises

Sur la sixième branche, tirée d’erreurs de droit et de fait commises par la Commission en ce qu’elle a estimé, aux considérants 121 à 123 de la décision attaquée, que la finalité d’une vente des actifs n’avait pas été respectée

Sur le premier grief, tiré du fait que la finalité de la vente des actifs en bloc a été respectée, car l’activité économique de Sernam a été interrompue

Sur le second grief, tiré du fait que la notion de vente des actifs en bloc permettait en réalité la poursuite de l’activité de Sernam

Conclusions sur le quatrième moyen

2.  Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit commise par la Commission en ce qu’elle a considéré que l’obligation de récupération de l’aide d’État de 41 millions d’euros, déclarée incompatible par la décision Sernam 2, avait été transférée à la Financière Sernam et à ses filiales

Sur le premier grief, tiré de ce qu’aucun des critères de continuité économique n’est satisfait en l’espèce

Sur l’objet du transfert

Sur l’identité des actionnaires ou des propriétaires de l’entreprise repreneuse et de l’entreprise de départ

Sur le moment du transfert

Sur la logique économique de l’opération

Sur le prix du transfert

Sur le second grief, tiré du fait que l’inscription de la somme de 41 millions d’euros au passif de liquidation de Sernam était conforme à l’article 4 de la décision Sernam 2

3.  Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur de droit commise par la Commission en ce qu’elle a considéré que les mesures prévues par le protocole d’accord du 21 juillet 2005 relatif à la cession des actifs en bloc de Sernam constituaient de nouvelles aides d’État en faveur de Sernam Xpress-la Financière Sernam

Sur la première branche, tirée du fait que la Commission aurait commis une erreur de droit en déclarant le critère de l’investisseur privé inapplicable au cas d’espèce

Sur le premier grief dirigé contre le considérant 155 de la décision attaquée, tiré du fait que la vente des actifs en bloc ne constituait pas une alternative aux mesures compensatoires de l’article 3, paragraphe 1, de la décision Sernam 2

Sur le second grief dirigé contre le considérant 155 de la décision attaquée, tiré du fait que la mise en œuvre d’une mesure compensatoire incomberait au bénéficiaire de l’aide, ou encore à l’État actionnaire, mais pas à l’État puissance publique

Sur la seconde branche, tirée du fait qu’aucune des mesures litigieuses n’est constitutive d’un avantage en faveur de Sernam Xpress-la Financière Sernam

S’agissant de la garantie relative à l’aménagement du site de Valenton et de la garantie relative à l’augmentation des loyers de nouveaux sites d’exploitation

S’agissant de la garantie de pérennité du TBE et de son accès

S’agissant de la prolongation pour trois ans de la garantie de reclassement des employés au sein du groupe de la requérante

4.  Sur le premier moyen de la requérante et sur le moyen de la République française, tirés d’une violation de leurs droits de la défense respectifs

Sur le moyen de la République française, tiré de la violation de ses droits de la défense

Sur le premier moyen de la requérante, tiré de la violation de ses droits de la défense

5.  Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

Sur le premier grief, tiré du fait que l’article 3, paragraphe 2, et l’article 4 de la décision Sernam 2 ont fait naître des espérances fondées à l’égard de la requérante sur le fait qu’elle était autorisée à procéder comme elle l’a fait lors de la cession des actifs et lors de la récupération des 41 millions d’euros

Sur le deuxième grief, tiré du contenu de la demande d’information portant sur le détail des coûts de liquidation de Sernam, en date du 14 mars 2006

Sur le troisième grief, tiré du fait que la Commission a commis une erreur aux considérants 126 et 177 à 182 de la décision attaquée

6.  Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de respect d’un délai raisonnable et du principe de sécurité juridique

Sur le premier grief, tiré du délai de trois ans qui s’est écoulé après la vente des actifs en bloc de Sernam jusqu’à l’ouverture de la procédure formelle d’examen, le 16 juillet 2008

Sur le deuxième grief, tiré du délai de plus de trois ans qui s’est écoulé entre l’ouverture de la procédure formelle d’examen, le 16 juillet 2008, et la demande de renseignements du 29 novembre 2011

Sur le troisième grief, tiré de la violation du principe de sécurité juridique, qui impose à la Commission de procéder avec diligence, et de la violation de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.