Language of document : ECLI:EU:T:2023:830

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

20 décembre 2023 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Liste des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Inscription et maintien du nom du requérant sur les listes – Notion de “femmes et hommes d’affaires influents” – Article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145/PESC – Obligation de motivation – Droits de la défense – Erreur d’appréciation – Proportionnalité – Égalité de traitement – Droit de propriété – Liberté d’entreprise – Droit à la vie privée – Application de restrictions en matière d’admission à un ressortissant d’un État membre – Libre circulation des citoyens de l’Union »

Dans l’affaire T‑313/22,

Roman Arkadyevich Abramovich, demeurant à Nemchinovo (Russie), représenté par Mes T. Bontinck, A. Guillerme, S. Bonifassi, M. Brésart, L. Burguin, J. Goffin, J. Bastien, R. Lööf, avocats, et M. C. Zatschler, SC,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et Mme M.-C. Cadilhac, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. J.-F. Brakeland, C. Giolito, Mmes L. Puccio et M. Carpus Carcea, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

composé de MM. D. Spielmann, président, V. Valančius, R. Mastroianni (rapporteur), Mme M. Brkan et M. I. Gâlea, juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 mai 2022 ;

–        la décision du 16 août 2022 admettant la Commission à intervenir au soutien du Conseil ;

–        les mémoires en adaptation déposés au greffe du Tribunal le 24 novembre 2022, le 23 mars 2023 et le 17 mai 2023 ;

à la suite de l’audience du 12 juillet 2023,

vu, à la suite de la cessation des fonctions de M. le juge Valančius le 26 septembre 2023, l’article 22 et l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours, le requérant, M. Roman Arkadyevich Abramovich, demande, d’une part, sur le fondement de l’article 263 TFUE, l’annulation, premièrement, de la décision (PESC) 2022/429 du Conseil, du 15 mars 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 87 I, p. 44), et du règlement d’exécution (UE) 2022/427 du Conseil, du 15 mars 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 87 I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes initiaux »), deuxièmement, de la décision (PESC) 2022/1530 du Conseil, du 14 septembre 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149), et du règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de septembre 2022 »), troisièmement, de la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 134), et du règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de mars 2023 »), et, quatrièmement, de la décision (PESC) 2023/811 du Conseil, du 13 avril 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 101, p. 67) et du règlement d’exécution (UE) 2023/806 du Conseil, du 13 avril 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 101, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien d’avril 2023 » et, pris conjointement avec les actes de maintien de septembre 2022 et de mars 2023, les « actes de maintien »), dans la mesure où ces actes (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») le concernent, et, d’autre part, sur le fondement de l’article 268 TFUE, la réparation du préjudice qu’il aurait subi à la suite de l’adoption des actes initiaux.

 Antécédents du litige

2        Le requérant est un homme d’affaires de nationalité russe, israélienne et portugaise.

3        Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16). Le même jour, il a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 269/2014, concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).

4        Le 21 février 2022, le président de la Fédération de Russie a signé un décret reconnaissant l’indépendance et la souveraineté de la « République populaire de Donetsk » et de la « République populaire de Lougansk », autoproclamées, et a ordonné le déploiement des forces armées russes dans ces zones.

5        Le 22 février 2022, le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité a publié une déclaration au nom de l’Union européenne condamnant ces actions, dès lors qu’elles constituaient une violation grave du droit international. Il a annoncé que l’Union réagirait à ces dernières violations par la Fédération de Russie en adoptant de toute urgence des mesures restrictives supplémentaires.

6        Le 23 février 2022, le Conseil a adopté une première série de mesures restrictives. Celles-ci concernaient, premièrement, des restrictions applicables aux relations économiques avec les régions non contrôlées par le gouvernement de Donetsk et de Lougansk, deuxièmement, des restrictions à l’accès au marché des capitaux, notamment en interdisant le financement de la Fédération de Russie, de son gouvernement et de sa banque centrale, et, troisièmement, l’ajout de membres du gouvernement, de banques, d’hommes d’affaires, de généraux ainsi que de 336 membres de la Gosudarstvennaya Duma Federal’nogo Sobrania Rossiskoï Federatsii (Douma d’État de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie) sur la liste des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de mesures restrictives.

7        Le 24 février 2022, le président de la Fédération de Russie a annoncé une opération militaire en Ukraine et, le même jour, les forces armées russes ont attaqué l’Ukraine à plusieurs endroits du pays.

8        Le 25 février 2022, le Conseil a adopté une deuxième série de mesures restrictives. Premièrement, il s’agissait de mesures individuelles visant des hommes politiques et des hommes d’affaires impliqués dans l’atteinte à l’intégrité du territoire ukrainien. Deuxièmement, il s’agissait de mesures restrictives applicables dans le domaine de la finance, de la défense, de l’énergie, dans le secteur de l’aviation et de l’industrie spatiale. Troisièmement, il s’agissait de mesures suspendant l’application de certaines dispositions de l’accord prévoyant des mesures visant à faciliter la délivrance de visas à l’égard de certaines catégories de citoyens de la Fédération de Russie demandant un visa de court séjour.

9        À cette même date, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/329, modifiant la décision 2014/145 (JO 2022, L 50, p. 1), et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330, modifiant le règlement no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause. Selon le considérant 11 de la décision 2022/329, le Conseil a estimé qu’il convenait de modifier les critères de désignation de façon à inclure les personnes et entités qui apportaient un soutien au gouvernement russe ou qui tiraient avantage de ce gouvernement ainsi que les personnes et entités qui lui fournissaient une source substantielle de revenus et les personnes physiques ou morales associées aux personnes et aux entités figurant sur la liste.

10      L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329, prévoit ce qui suit :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

[…]

d)      à des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes qui apportent un soutien matériel ou financier aux décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine, ou qui tirent avantage de ces décideurs ;

[…]

g)      à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,

[…]

2.      Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

11      Les modalités de ce gel de fonds sont définies à l’article 2, paragraphes 3 à 6, de la décision 2014/145 telle que modifiée.

12      L’article 1er, paragraphe 1, sous b) et e), de la décision 2014/145 telle que modifiée proscrit l’entrée ou le passage en transit sur le territoire des États membres des personnes physiques répondant à des critères en substance identiques à ceux énoncés à l’article 2, paragraphe 1, sous d) et g), de cette décision.

13      Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330, impose l’adoption des mesures de gel de fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145 telle que modifiée. En effet, l’article 3, paragraphe 1, sous a) à g), de ce règlement tel que modifié reprend pour l’essentiel l’article 2, paragraphe 1, sous a) à g), de ladite décision.

14      Dans ce contexte, par les actes initiaux, le Conseil a ajouté le nom du requérant sur les listes des personnes, des entités et des organismes faisant l’objet de mesures restrictives qui figuraient à l’annexe de la décision 2014/145 telle que modifiée et à l’annexe I du règlement no 269/2014 tel que modifié (ci-après les « listes en cause »).

15      Les motifs de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause sont les suivants :

« [Le requérant] est un oligarque russe qui a des liens étroits et de longue date avec Vladimir Poutine. Il a eu un accès privilégié au président et a entretenu de très bonnes relations avec lui. Ce lien avec le dirigeant russe l’a aidé à maintenir son patrimoine considérable. Il est un actionnaire majeur du groupe sidérurgique Evraz, qui est l’un des plus grands contribuables russes.

Il a donc [tiré avantage] des décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine. Il est également l’un des principaux hommes d’affaires russes impliqués dans les secteurs économiques fournissant une importante source de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

16      Le 16 mars 2022, le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis à l’attention des personnes, entités et organismes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2014/145, telle que modifiée, et par le règlement no 269/2014, mis en œuvre par le règlement d’exécution 2022/427 (JO 2022, C 121 I, p. 1). Cet avis indiquait, notamment, que les personnes concernées pouvaient adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leurs noms avaient été inscrits sur les listes en cause, en y joignant des pièces justificatives.

17      Par une lettre du 13 avril 2022, le Conseil a transmis au requérant les informations figurant dans le dossier de preuves portant la référence WK 3624/2022, daté du 12 mars 2022 (ci-après le « premier dossier WK »), sur lequel il avait fondé sa décision.

18      Le 25 mai 2022, le requérant a introduit une demande de réexamen des actes initiaux.  

 Faits postérieurs à l’introduction du présent recours

19      Le 14 septembre 2022, le Conseil a adopté les actes de maintien de septembre 2022, par lesquels les mesures restrictives prises à l’égard du requérant ont été prorogées jusqu’au 15 mars 2023. Dans ces actes, le Conseil a justifié la prorogation desdites mesures en reprenant l’ensemble des motifs des actes initiaux.

20      Par une lettre du 22 décembre 2022, à laquelle était joint le dossier de preuves portant la référence WK 17693/2022, daté du 15 décembre 2022 (ci-après le « second dossier WK »), le Conseil a indiqué au requérant qu’il envisageait de proroger les mesures restrictives à son égard et l’a invité à présenter ses observations.

21      Par un courrier du 19 janvier 2023, le requérant a présenté ses observations sur les nouveaux éléments de preuve.

22      Par les actes de maintien de mars 2023, les mesures restrictives prises à l’égard du requérant ont été prolongées jusqu’au 15 septembre 2023. Par un courrier du 14 mars 2023, le Conseil a informé le requérant de sa décision.

23      Par les actes de maintien d’avril 2023, une modification a été apportée dans certaines versions linguistiques de l’exposé des motifs concernant le requérant ainsi que dans la rubrique intitulée « informations d’identification » le concernant.

24      Les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été modifiés dans les actes de maintien d’avril 2023 comme suit :

« [Le requérant] est un oligarque russe qui entretient des liens étroits et de longue date avec Vladimir Poutine. Il a bénéficié d’un accès privilégié au président et conserve de très bonnes relations avec lui. Ce lien avec le dirigeant russe l’a aidé à maintenir une richesse qui est considérable. Il est un des principaux actionnaires du groupe sidérurgique Evraz, qui est l’un des plus grands contribuables de la Russie.

Il tire donc avantage de décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine. Il fait également partie des hommes d’affaires russes influents intervenant dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. »

25      Par un courrier du 11 mai 2023, le Conseil a indiqué au requérant, en réponse à une lettre de celui-ci du 4 mai 2023, les raisons de ladite modification.

 Conclusions des parties

26      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués en ce qu’ils le concernent ;

–        condamner le Conseil au paiement de la somme de 1 million d’euros, à titre provisionnel, en faveur de la fondation caritative qui est en cours d’établissement dans le cadre de la vente de Chelsea FC au bénéfice des victimes de conflits, en réparation du préjudice moral subi ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

27      Le Conseil, soutenu par la Commission européenne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

28      À l’appui du recours, le requérant soulève, au soutien de sa demande en annulation, quatre moyens, tirés formellement, le premier, d’une « violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation », le deuxième, d’une « erreur manifeste d’appréciation », le troisième, d’une « violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité » et, le quatrième, d’une « violation des droits fondamentaux ». Il fait par ailleurs valoir que l’illégalité du comportement du Conseil lui a causé un préjudice qu’il convient d’indemniser. Dans le cadre de ses deux premiers mémoires en adaptation, le requérant soulève également des arguments pris d’une « violation des droits de la défense » et de la « méconnaissance par le Conseil de son obligation de réexamen dans le cadre de l’adoption des actes de maintien de septembre 2022 et de mars 2023 », lesquels se rattachent, en substance, au premier moyen, de sorte qu’ils seront analysés comme une branche de celui-ci.

 Sur la demande en annulation

 Sur le premier moyen

29      Le premier moyen peut être subdivisé, en substance, en deux branches, dont la première porte sur la « violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation » et dont la seconde est constituée d’arguments soulevés par le requérant dans le cadre des deux premiers mémoires en adaptation, spécifiquement dirigés contre les actes de maintien de septembre 2022 et de mars 2023.

–       Sur la première branche, portant sur la « violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation »

30      Le requérant fait valoir que les informations fournies par le Conseil ne lui permettent pas de se défendre correctement. En particulier, il reproche au Conseil de ne pas avoir précisé la nature et la portée des « liens » ou des « relations » entretenues avec le président Poutine.

31      Selon le requérant, le Conseil ne lui a pas communiqué d’informations fiables et crédibles lui permettant de vérifier les motifs de l’inscription et du maintien de son nom sur les listes en cause, ainsi que les raisons individuelles, spécifiques et concrètes pour lesquelles il a considéré que les actes attaqués étaient justifiés.

32      À cet égard, le requérant souligne que les éléments de preuve qui figurent dans le dossier, composés uniquement d’articles de presse ou d’extraits et de captures d’écran à partir de sites Internet, ne permettent pas d’identifier un quelconque acte de soutien ou avantage reçu de la part du président Poutine.

33      En outre, le requérant reproche au Conseil de ne pas avoir identifié les décideurs russes dont il aurait tiré bénéfice.

34      Par ailleurs, le requérant affirme que les allégations du Conseil le placent dans l’obligation de fournir des preuves négatives, en renversant ainsi la charge de la preuve.

35      Dans la réplique, le requérant met en avant l’absence d’une base factuelle contemporaine à l’adoption des mesures restrictives en cause. En outre, il reproche au Conseil l’absence de considération du contexte et des circonstances de l’espèce, dans la mesure où celui-ci ne ferait pas état d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir un lien suffisant entre lui et les « situations combattues », à savoir les actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

36      Dans les mémoires en adaptation, le requérant fait valoir qu’aucun élément ne permet de conclure que, en ce qui concerne le groupe sidérurgique Evraz (ci-après « Evraz »), son statut d’actionnaire de la société mère lui permet d’exercer une influence sur les situations combattues par les mesures restrictives. À cet égard, il souligne que le Conseil ne se fonde plus sur les éléments de preuve annexés au courrier du 22 décembre 2022, qui se réfèrent de façon générale aux relations commerciales d’Evraz et, en particulier, aux contrats que des filiales de celui-ci auraient conclus avec la Garde nationale de la Fédération de Russie. En outre, les éléments de preuve contenus dans le second dossier WK, bien que, pour une large partie, antérieurs aux actes de maintien de septembre 2022, n’auraient pas été invoqués lors de leur adoption.

37      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

38      Selon une jurisprudence constante, le droit à une protection juridictionnelle effective, énoncé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite à sa demande (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée).

39      L’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, qui constitue un corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, points 49 et 50, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 47 et jurisprudence citée).

40      La motivation exigée par l’article 296 TFUE et par l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de cet acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par ledit acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est notamment pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, ni qu’elle réponde de manière détaillée aux considérations formulées par l’intéressé lors de sa consultation avant l’adoption du même acte, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêts du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 53 et jurisprudence citée, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 48 et jurisprudence citée).

41      Ainsi, d’une part, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. D’autre part, le degré de précision de la motivation d’un acte doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles celui-ci doit intervenir (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 104 et jurisprudence citée).

42      En outre, la jurisprudence a précisé que la motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure restrictive ne devait pas seulement identifier la base juridique de cette mesure, mais également les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles le Conseil considérait, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé devait faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 105 et jurisprudence citée).

43      Enfin, il convient de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une forme substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cet acte. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond dudit acte, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 96 et jurisprudence citée). Il en est de même pour ce qui est de la distinction entre la question de la motivation et celle de la preuve du comportement allégué, qui relève elle aussi de la légalité au fond de l’acte en cause et implique de vérifier la réalité des faits mentionnés dans cet acte ainsi que la qualification de ces faits comme constituant des éléments justifiant l’application des mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, Chyzh e.a./Conseil, T‑276/12, non publié, EU:T:2015:748, point 111 et jurisprudence citée).

44      À titre liminaire, ainsi que l’a reconnu le requérant lors de l’audience, force est de constater que ses arguments relatifs à l’exactitude, au caractère non contemporain des allégations figurant dans les motifs d’inscription et au contenu du second dossier WK relèvent du bien-fondé des actes attaqués et ne portent pas sur l’existence ou le caractère suffisant de leur motivation. Il en est de même s’agissant de son argument ayant trait à la prétendue inversion de la charge de la preuve, qui porte sur la question du bien-fondé des motifs.

45      En l’espèce, en premier lieu, il doit être relevé que le contexte général ayant conduit le Conseil à adopter les mesures restrictives en cause est clairement exposé dans les considérants des actes attaqués, qui font, notamment, référence à l’agression militaire non provoquée et injustifiée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. De même, les fondements juridiques sur la base desquels lesdits actes ont été adoptés, à savoir l’article 29 TUE et l’article 215 TFUE, sont clairement indiqués. La motivation des actes attaqués est celle exposée aux points 14 et 24 ci-dessus. Ainsi, le contexte et les circonstances ayant entouré l’adoption desdits actes étaient bien connus par le requérant.

46      En deuxième lieu, il résulte de manière suffisamment claire de la lecture de la motivation des actes attaqués que le Conseil a inscrit le nom du requérant sur les listes en cause en se fondant sur deux critères, qui sont explicitement mentionnés dans les motifs d’inscription, soit ceux visés à l’article 2, paragraphe 1, sous d) et g), de la décision 2014/145 telle que modifiée [ci-après, respectivement, le « critère d) » et le « critère g) »] (voir point 10 ci-dessus), ce que, d’ailleurs, le requérant ne conteste pas.

47      En troisième lieu, les motifs d’inscription visés aux points 15 et 24 ci-dessus ont permis au requérant de comprendre que son nom a été inscrit et maintenu sur les listes en cause en raison, notamment, du fait qu’il a entretenu des liens étroits et de longue durée avec le président Poutine qui, indépendamment de leur nature, l’ont aidé à maintenir une richesse considérable, si bien qu’il aurait tiré avantage de décideurs russes responsables de l’annexion de la Crimée ou de la déstabilisation de l’Ukraine. En outre, le requérant est identifié comme étant l’un des principaux actionnaires de la société mère d’Evraz, qui figure parmi les contribuables les plus importants de la Russie, si bien qu’il est identifié comme étant un homme d’affaires influent intervenant dans un secteur économique qui fournit ou constitue une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.

48      À cet égard, s’agissant, plus particulièrement, du caractère prétendument vague et générique de la référence à des décideurs russes, il y a lieu de relever, à l’instar du Conseil, que, en se référant au « dirigeant russe » au singulier, ce qui permet d’identifier aisément le président Poutine comme le décideur russe dont le requérant a tiré avantage, l’exposé des motifs résulte suffisamment précis.

49      Enfin, en l’absence de changement des motifs d’inscription et de maintien du nom du requérant sur les listes en cause, le requérant ne saurait reprocher au Conseil de ne pas avoir fait référence, dans l’exposé des motifs des actes de maintien, aux éléments de preuve qu’il lui avait transmis par la lettre du 22 décembre 2022.

50      À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les actes attaqués énoncent à suffisance de droit les éléments de droit et de fait qui en constituent, d’après le Conseil, le fondement.

51      Il convient donc de rejeter la présente branche.

–       Sur la seconde branche, tirée de la « violation des droits de la défense » et de la « méconnaissance par le Conseil de son obligation de réexamen dans le cadre de l’adoption des actes de maintien de septembre 2022 et de mars 2023 »

52      Le requérant reproche, en substance, au Conseil de ne pas lui avoir donné la possibilité d’être entendu avant l’adoption des actes de maintien de septembre 2022 et de mars 2023 et de ne pas avoir donné une réponse substantielle à un certain nombre d’éléments et d’arguments qu’il a apportés.

53      En outre, le requérant reproche au Conseil de ne pas avoir réévalué la nécessité de maintenir les mesures restrictives en cause à son égard, d’avoir fait référence à des éléments non contemporains et d’avoir ignoré les changements de circonstances intervenus depuis l’inscription de son nom sur les listes en cause, en ce qui concerne, notamment, le rôle qu’il aurait joué dans divers efforts humanitaires et dans la médiation entre les parties ainsi que ses relations avec le président Poutine.

54      Le requérant estime que les actes de maintien de septembre 2022 et de mars 2023 n’auraient donc pas été adoptés si le Conseil avait réexaminé sa situation et l’avait entendu.

55      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

56      Le droit d’être entendu dans toute procédure, prévu à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative et avant qu’une décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts ne soit prise à son égard (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 75 et jurisprudence citée).

57      Dans le cadre d’une procédure portant sur l’adoption de la décision, notamment, de maintenir le nom d’une personne sur une liste figurant à l’annexe d’un acte portant mesures restrictives, le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective exige que l’autorité compétente de l’Union communique à la personne concernée les éléments dont elle dispose à l’encontre de celle-ci pour fonder sa décision, afin que cette personne puisse défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union. Lors de cette communication, l’autorité compétente de l’Union doit permettre à cette personne de faire connaître utilement son point de vue à l’égard des motifs retenus à son égard (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 111 et 112, et du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, EU:T:2006:384, point 93).

58      L’existence d’une violation des droits de la défense doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

59      Le droit d’être entendu préalablement à l’adoption d’actes maintenant le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives s’impose lorsque le Conseil a retenu, dans la décision portant maintien de l’inscription de son nom sur cette liste, de nouveaux éléments contre cette personne, à savoir des éléments qui n’étaient pas pris en compte dans la décision initiale d’inscription de son nom sur cette même liste (voir arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 54 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, Central Bank of Iran/Conseil, C‑266/15 P, EU:C:2016:208, point 33).

60      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que ni la réglementation en cause ni le principe général du respect des droits de la défense ne confèrent aux intéressés le droit à une audition, la possibilité de présenter leurs observations par écrit étant suffisante (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 93, et du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 105).

61      Ainsi, lorsque des observations sont formulées par la personne concernée au sujet de l’exposé des motifs, l’autorité compétente de l’Union a l’obligation d’examiner, avec soin et impartialité, le bien-fondé des motifs allégués, à la lumière de ces observations et des éventuels éléments à décharge joints à celles-ci (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 114).

62      En l’espèce, s’agissant des actes de maintien de septembre 2022, le Conseil a publié un avis, le 16 mars 2022 (voir point 16 ci-dessus), à l’attention des personnes et des entités concernées, par lequel elles ont été informées de la possibilité de présenter une demande de réexamen avant le 1er juin 2022. Ainsi, le requérant a pu présenter sa première demande de réexamen en date du 25 mai 2022, de sorte qu’il a eu la possibilité de faire connaître son point de vue avant l’adoption desdits actes de maintien.

63      S’agissant de l’évaluation de la nécessité du maintien des mesures à l’encontre du requérant, dans sa lettre du 15 septembre 2022, le Conseil non seulement a rappelé les arguments avancés dans le mémoire en défense, dès lors que les observations contenues dans la demande de réexamen du requérant étaient similaires aux moyens invoqués dans la requête, mais a également apporté quelques précisions supplémentaires relatives aux liens entretenus par le requérant avec le président Poutine ainsi qu’à sa qualité d’actionnaire majeur d’Evraz, qui justifiaient le maintien des mesures restrictives en cause à son égard. En outre, le Conseil a pu relever l’absence de changement de circonstances, ce qui est, notamment, témoigné par l’adoption des actes de maintien de septembre 2022 sur la base des mêmes éléments de preuve des actes initiaux. À ce titre, l’implication du requérant dans des activités caritatives, des efforts humanitaires et de médiation ne saurait être considérée comme un changement des circonstances, eu égard à ce qui précède.

64      Ainsi, le Conseil n’a pas violé l’obligation de réexaminer la situation du requérant avant l’adoption des actes de maintien de septembre 2022.

65      S’agissant des actes de maintien de mars 2023, il convient de relever que le Conseil a informé le requérant, par une lettre du 22 décembre 2022, qu’il envisageait de maintenir le nom de celui-ci sur les listes en cause, en se fondant sur la même motivation, et l’a invité à présenter des observations, ce que celui-ci a fait par une lettre du 19 janvier 2023.

66      Ainsi, le requérant a pu présenter ses observations relatives aux nouveaux éléments de preuve que le Conseil lui avait transmis par lettre du 22 décembre 2022, accompagnée du second dossier WK.

67      Il s’ensuit que le Conseil a transmis au requérant les nouveaux éléments avant l’adoption des actes de maintien de mars 2023 et que ce dernier a pu faire entendre son point de vue sur ceux-ci avant le maintien des mesures restrictives en cause à son égard.

68      En outre, il y a lieu de relever que, bien que le Conseil ait rejeté la seconde demande de réexamen et qu’il ait décidé de maintenir lesdites mesures en cause à l’encontre du requérant, cela n’est pas susceptible de démontrer qu’il a méconnu son obligation de réexamen. En effet, d’une part, aucun changement des circonstances n’est intervenu au regard de l’adoption des actes initiaux et, d’autre part, rien n’empêchait le requérant d’apporter des nouveaux éléments de preuve lors de la seconde demande de réexamen au soutien de l’argument relatif aux changements de circonstances prétendument intervenus depuis l’inscription de son nom sur les listes en cause. En outre, dans la lettre du 14 mars 2023, le Conseil a précisé les raisons justifiant le maintien du nom du requérant sur lesdites listes, à savoir, d’une part, son activité d’homme d’affaires influent et, d’autre part, ses liens avec le président Poutine.  

69      S’agissant de la prétendue absence de réponse substantielle à certains arguments du requérant, il doit être relevé que, si le respect des droits de la défense et du droit d’être entendu exige que les institutions de l’Union permettent à la personne visée par un acte faisant grief de faire connaître utilement son point de vue, il ne peut leur imposer d’adhérer à celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 7 juillet 2017, Arbuzov/Conseil, T‑221/15, non publié, EU:T:2017:478, point 84, et du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, point 330).

70      Ainsi, le seul fait que le Conseil n’a pas conclu à l’absence de bien-fondé de la prorogation des mesures restrictives, ni même jugé utile de procéder à des vérifications au vu des observations présentées par le requérant, ne saurait impliquer qu’il n’a pas pris connaissance de telles observations (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2018, Ezz e.a./Conseil, T‑288/15, EU:T:2018:619, points 330 et 331).

71      Enfin, s’agissant de l’argument du requérant relatif au caractère non contemporain des nouveaux éléments de preuve, il y a lieu de considérer que, dans la mesure où il vise une erreur d’appréciation, il ne saurait être utilement avancé à l’appui de la présente branche.

72      À la lumière des considérations qui précèdent, il convient de conclure que le Conseil s’est acquitté de ses obligations en ce qui concernait le respect du droit du requérant d’être entendu au cours de la procédure qui a abouti à l’adoption des actes de maintien de septembre 2022 et de mars 2023. Partant, il convient de rejeter la présente branche et, par conséquent, le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une « erreur manifeste d’appréciation »

73      Le requérant fait valoir, en substance, que le Conseil n’apporte pas d’éléments concrets, précis et concordants permettant de constituer une base factuelle suffisamment solide afin d’étayer l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause en application des critères d) et g).

74      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

–       Considérations liminaires

75      À titre liminaire, il importe de relever que le deuxième moyen doit être considéré comme tiré d’une erreur d’appréciation et non d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, s’il est vrai que le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer, au cas par cas, si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont remplis, il n’en reste pas moins que les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union (voir arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 61 et jurisprudence citée).

76      L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige, notamment, que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur le point de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119, et du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 128).

77      Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la personne ou l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, points 63 et 66).

78      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. À cette fin, il n’est pas requis que le Conseil produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne ou l’entité concernée (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 121 et 122, et du 28 novembre 2013, Conseil/Fulmen et Mahmoudian, C‑280/12 P, EU:C:2013:775, point 67 ; voir, également, arrêt du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 73 et jurisprudence citée).

79      Dans cette hypothèse, il incombe au juge de l’Union de vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et d’apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

80      S’agissant, plus particulièrement, du contrôle de légalité exercé sur les actes de maintien du nom de la personne concernée sur les listes en cause, il convient de rappeler que les mesures restrictives ont une nature conservatoire et, par définition, provisoire, dont la validité est toujours subordonnée à la perpétuation des circonstances de fait et de droit ayant présidé à leur adoption ainsi qu’à la nécessité de leur maintien en vue de la réalisation de l’objectif qui leur est associé. C’est ainsi qu’il incombe au Conseil, lors du réexamen périodique de ces mesures, de procéder à une appréciation actualisée de la situation et d’établir un bilan de l’impact de telles mesures, en vue de déterminer si elles ont permis d’atteindre les objectifs visés par l’inscription initiale des noms des personnes et des entités concernées sur la liste litigieuse ou s’il est toujours possible de tirer la même conclusion concernant lesdites personnes et entités (voir arrêt du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 55 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 67).

81      Il en résulte que, pour justifier le maintien du nom d’une personne sur une liste des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la partie requérante sur ladite liste, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 99). À ce titre, l’évolution du contexte inclut la prise en considération, d’une part, de la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi ainsi que de la situation particulière de la personne concernée (arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 78 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 101), et, d’autre part, de l’ensemble des circonstances pertinentes et, notamment, la réalisation des objectifs visés par les mesures restrictives (arrêt du 27 avril 2022, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑108/21, EU:T:2022:253, point 56 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, points 82 à 84 et jurisprudence citée).

82      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient de vérifier si le Conseil a commis une erreur d’appréciation en décidant d’inscrire puis de maintenir le nom du requérant sur les listes en cause, en commençant par l’examen de l’application à celui-ci du critère g).

–       Sur l’application au requérant du critère g)

83      Le requérant conteste, en général, que le fait qu’il soit actionnaire majeur d’Evraz puisse impliquer soit une contribution significative aux recettes fiscales de la Fédération de Russie en relation avec l’annexion de la Crimée et la déstabilisation de l’Ukraine, soit des liens étroits avec le gouvernement russe.

84      En premier lieu, le requérant précise qu’Evraz ne constitue pas une source importante de revenus pour la Fédération de Russie en raison de l’affectation des impôts payés par celui-ci au budget régional, qui serait indépendant du budget fédéral.

85      En deuxième lieu, le requérant met en avant les effets négatifs que les actions du gouvernement russe en Ukraine ont entraînés sur Evraz.

86      En troisième lieu, le requérant relève qu’il ne détient que 28,64 % du capital social de la société mère d’Evraz, ce qui ne lui confèrerait pas la qualité d’actionnaire majoritaire ni la possibilité de déterminer les opérations de celle-ci.

87      En quatrième lieu, le requérant soutient que les activités d’Evraz ne se limitent pas à la Russie, mais sont également exercées aux États‑Unis et au Canada, ainsi qu’en République Tchèque et au Kazakhstan.

88      En cinquième lieu, le requérant fait observer que ses contributions fiscales personnelles en Russie ne sont pas significatives et que, par conséquent, il ne peut pas être considéré comme un contribuable important pour la Fédération de Russie. À cet égard, il conteste l’application du critère du « secteur d’activité », qui serait discriminatoire afin de déterminer la source substantielle de revenus. Il ajoute que le fait qu’Evraz soit le fournisseur d’acier de la compagnie nationale des chemins de fer ne saurait être déterminant dans la démonstration de l’apport d’une source substantielle de revenus au gouvernement russe.

89      En sixième et dernier lieu, le requérant conteste sa qualification d’« homme d’affaires de premier plan » en Russie et rappelle que son patrimoine a été investi en grande partie en dehors dudit pays, à savoir, notamment, en Israël, au Royaume‑Uni, aux États-Unis et au Canada et que, par ailleurs, il s’est distingué comme un philanthrope reconnu dont les actions caritatives s’étendraient à travers tous les pays dans lesquels il opère.

90      Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

91      En l’espèce, le motif retenu à l’égard du requérant qui se rattache au critère g) a trait au fait que, étant donné qu’il est un actionnaire majeur ou un des principaux actionnaires d’Evraz, qui serait l’un des plus grands contribuables de Russie, il est un homme d’affaires influent intervenant dans des secteurs économiques qui fournissent ou constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

92      Le critère g) emploie la notion de « femmes ou hommes d’affaires influents » en corrélation avec l’exercice d’une « activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement [russe] », sans autre condition concernant un lien, direct ou indirect, avec ledit gouvernement. La finalité poursuivie par ce critère est en effet d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine ainsi qu’à l’agression militaire de ce pays.

93      À cet égard, il existe un lien logique entre le fait de cibler les femmes et les hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques fournissant des revenus substantiels au gouvernement russe, d’une part, et l’objectif des mesures restrictives en cause, qui est, notamment, d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que d’accroître le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine, d’autre part (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Rosneft e.a./Conseil, T‑715/14, non publié, EU:T:2018:544, point 157 et jurisprudence citée).

94      Toutefois, rien dans les considérants ou les dispositions de la décision 2014/145 telle que modifiée et du règlement no 269/2014 tel que modifié ne permet de conclure qu’il incomberait au Conseil de démontrer l’existence de liens étroits ou d’une relation d’interdépendance entre la personne dont le nom est inscrit sur les listes en cause et le gouvernement russe ou ses actions compromettant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

95      Une telle interprétation se heurterait non seulement au libellé du critère g), mais également à l’objectif visé.

96      En effet, d’une part, eu égard au libellé du critère g), il y a lieu de considérer que les personnes visées doivent être considérées comme influentes du fait de leur importance dans le secteur économique dans lequel elles exercent leur activité et de l’importance que revêt ce secteur pour l’économie russe (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Rosneft e.a./Conseil, T‑715/14, non publié, EU:T:2018:544, point 157 et jurisprudence citée). Ainsi, la notion de « femmes et hommes d’affaires influents » doit être comprise comme visant l’importance de ces derniers au regard, selon le cas, de leurs statuts professionnels, de l’importance de leurs activités économiques, de l’ampleur de leurs possessions capitalistiques ou de leurs fonctions au sein d’une ou de plusieurs entreprises dans lesquelles ils exercent ces activités.

97      D’autre part, l’objectif des mesures restrictives en cause n’est pas de sanctionner certaines personnes ou certaines entités en raison de leurs liens avec la situation en Ukraine ou de leurs liens avec le gouvernement russe, mais, comme cela est rappelé au point 93 ci-dessus, d’exercer une pression maximale sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine, ainsi que celui d’accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir la fin de la crise (voir, en ce sens, arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 163 et jurisprudence citée).

98      En définitive, le critère g) doit être interprété en ce sens, d’une part, qu’il a vocation à s’appliquer à des « femmes et hommes d’affaires influents » dans le sens décrit au point 96 ci-dessus et, d’autre part, que ce sont les secteurs économiques dans lesquels interviennent ces personnes qui doivent fournir une source substantielle de revenus pour le gouvernement russe.

99      C’est donc à l’aune de cette interprétation du critère g) qu’il convient d’apprécier le bien-fondé des motifs retenus dans les actes attaqués.

100    En l’espèce, ces motifs d’inscription et de maintien du nom du requérant sur les listes en cause étant restés inchangés, il n’y a pas lieu d’opérer une distinction entre, d’une part, les actes initiaux et, d’autre part, les actes de maintien, dès lors que la vérification des informations alléguées dans l’exposé des motifs ainsi que dans les éléments de preuve, qui figurent dans les premier et second dossiers WK, porte, en substance, sur les mêmes circonstances factuelles.

101    Les motifs retenus à l’égard du requérant, s’agissant du critère g), ont trait au fait qu’il était, au moment de l’adoption tant des actes initiaux que des actes de maintien, un actionnaire majeur ou un des principaux actionnaires d’Evraz, qui figure parmi les plus grands contribuables russes et opère, notamment, dans un secteur économique qui fournit ou constitue une source substantielle de revenus au gouvernement russe.

102    Or, il ressort des éléments du dossier de l’affaire que le requérant détient directement 28,64 % du capital social de la société mère d’Evraz et que seulement trois autres actionnaires de celle-ci détiennent une participation supérieure à 5 %.

103    Bien que le requérant conteste sa qualité d’actionnaire majeur d’Evraz ainsi que son pouvoir de déterminer les opérations dudit groupe ou de contrôle de celui-ci, il est constant non seulement qu’il est l’un des actionnaires les plus importants de la société mère d’Evraz, mais aussi, d’après le prospectus de celle-ci versé au dossier de l’affaire par le requérant, qu’il en est le principal actionnaire.

104    En effet, au sein de la société mère d’Evraz, le requérant détient le pourcentage le plus élevé des droits de vote parmi les quatre actionnaires principaux, y compris lui-même, qui, pris ensemble, détiennent 63,35 % de ces droits, le reste du capital social étant flottant, et ont la capacité d’exercer un contrôle sur l’élection des administrateurs, la déclaration des dividendes, la nomination de la direction et d’autres décisions politiques de ladite société mère. À cet égard, ainsi que le souligne le Conseil, il convient de relever que le conseil d’administration de cette société mère se compose de onze membres, dont six administrateurs non exécutifs indépendants, et que le requérant a le droit de nommer, à lui seul, jusqu’à trois administrateurs. En tout état de cause, il y a lieu de relever que, même si la participation du requérant dans la société mère en cause, en tant que simple investisseur, constitue une participation minoritaire ne lui permettant d’exercer aucune forme de contrôle sur celle-ci, elle n’en demeure pas moins significative, compte tenu, notamment, du fait qu’Evraz est l’un des principaux groupes russes dans le domaine de la sidérurgie et des mines. Il s’ensuit que, en tant qu’actionnaire principal de la société mère en question pendant plusieurs années, le requérant peut être qualifié d’homme d’affaires influent au titre du critère g).

105    S’agissant, plus particulièrement, du caractère « influent » du requérant, il y a lieu de préciser que, afin de rentrer dans la catégorie de « femmes et hommes d’affaires influents », ainsi qu’il a été indiqué aux points 96 et 97 ci-dessus, le critère g) ne requiert pas l’existence de liens étroits ou d’une relation d’interdépendance avec le gouvernement russe ou avec le président de la Fédération de Russie. Il ne dépend pas davantage d’une sorte d’imputabilité au requérant de la décision de poursuite de l’invasion de l’Ukraine ou d’un lien direct ou indirect avec l’annexion de la Crimée ou la déstabilisation de l’Ukraine, si bien que l’argument du requérant relatif à l’absence de bénéfice des activités du gouvernement russe en Ukraine doit être rejeté comme étant non fondé.

106    Il s’ensuit que c’est à bon droit que le Conseil a considéré que le requérant était un homme d’affaires influent en raison, notamment, de son statut professionnel, de l’importance de ses activités économiques, de l’ampleur de ses possessions capitalistiques au sein d’Evraz et, plus particulièrement, de sa qualité d’actionnaire principal de la société mère dudit groupe de sociétés (voir point 96 ci-dessus).

107    En outre, le requérant conteste, en substance, exercer une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe au sens du critère g).

108    À cet égard, il convient de relever, à l’instar du Conseil, que, contrairement à ce que prétend le requérant, l’expression « qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie » figurant au critère g) se réfère, au vu du libellé de celui-ci, aux revenus provenant des secteurs économiques importants de la Fédération de Russie et non uniquement aux impôts payés par les femmes et hommes d’affaires influents. En effet, bien que le libellé du considérant 11 de la décision 2022/329 indique que les critères de désignation doivent être modifiés de façon à inclure « les personnes et entités qui […] fournissent [au gouvernement de la Fédération de Russie] une source substantielle de revenus », il n’en reste pas moins qu’il ne saurait justifier une interprétation dudit critère dans un sens contraire à son libellé, qui est très clair. Par ailleurs, force est de relever que l’interprétation soutenue par le requérant se heurterait à la finalité poursuivie par les mesures restrictives en cause qui est celle d’affaiblir la capacité de la Fédération de Russie à mener sa guerre d’agression contre l’Ukraine.

109    En outre, s’il est vrai que ni la décision 2014/145 telle que modifiée ni le règlement no 269/2014 tel que modifié ne définissent la notion de « source substantielle de revenus », il n’en demeure pas moins que l’emploi de l’adjectif qualificatif « substantielle », qui se rapporte au mot « source », implique que cette source doit être significative et donc non négligeable.

110    De plus, si la propre contribution d’Evraz au budget de la Fédération de Russie peut être utile pour déterminer l’importance économique de celle-ci, notamment, afin d’établir le caractère influent de l’homme d’affaires qui est le principal actionnaire de sa société mère, elle n’est pas déterminante aux fins de répondre à la question de savoir si le secteur économique dans lequel le requérant est actif fournit une source substantielle de revenus au gouvernement russe.

111    En l’espèce, s’agissant de la question de savoir si le secteur économique dans lequel intervient le requérant par l’intermédiaire d’Evraz fournit une source substantielle de revenus au gouvernement russe, il ne saurait valablement être soutenu que tel n’est pas le cas du secteur sidérurgique et des mines.

112    En effet, une telle source substantielle de revenus fournie par le secteur sidérurgique et des mines au gouvernement russe peut être déduite du contexte ainsi que de la pièce no 2 du premier dossier WK indiquant que ce secteur représentait, en 2016, le troisième secteur économique en termes de recettes fiscales en Russie et que, parmi les 50 premiers contribuables russes, il y en avait 10, dont faisait partie Evraz, relevant dudit secteur. Il ressort également de ladite pièce que, alors que la charge fiscale globale pesant sur l’économie russe a diminué en 2016, elle a augmenté de 12,4 % à 12,9 % pour ces contribuables.

113    En outre, il ressort de la pièce no 10 du premier dossier WK ainsi que de l’historique d’Evraz, versé au dossier par le requérant, que la société mère de ce groupe de sociétés constitue une des plus grandes entreprises sidérurgiques et minières verticalement intégrées au monde, comportant plusieurs filiales.

114    Cela est également corroboré par le rapport annuel de la société mère d’Evraz pour l’année 2021, versé au dossier par le requérant, qui indique les revenus par secteur d’activité. Il ressort, en particulier, de ce rapport que les activités sidérurgiques ont rapporté 12,5 milliards de dollars des États-Unis (USD), en prenant aussi en compte les revenus de ce secteur dans la région de l’Amérique du Nord (correspondant à 2,3 milliards d’USD). Plus précisément, bien que ladite société mère exerce ses activités dans plusieurs secteurs de l’économie russe, les revenus, pour la seule sidérurgie, qui en Russie ont augmenté de 48,3 % entre 2020 et 2021, représentent 66,3 % de ses revenus totaux. Selon ledit rapport, cette société mère est un « leader sur les marchés de la construction et des produits ferroviaires en Russie ». En effet, elle détient 28 % des parts du marché russe des roues de chemin de fer ainsi que 97 % de celui des trains.

115    Par ailleurs, il ressort du prospectus relatif à Evraz que, en 2018, celle-ci était le quatrième producteur d’acier brut en Russie et le plus grand fabricant par volume de produits longs pour la construction et les industries ferroviaires dans ce pays et dans la Communauté des États Indépendants (CEI). Le rapport annuel de la société mère d’Evraz pour l’année 2021 indique également que 94,8 % des 71 210 salariés d’Evraz sont employés en Russie et dans la CEI.

116    L’ensemble de tous ces éléments permet ainsi d’établir que le secteur économique en cause, à savoir le secteur sidérurgique et des mines, dans lequel opère, notamment, Evraz, fournit une source substantielle de revenus au gouvernement russe.

117    La circonstance, à la supposer avérée, que les recettes fiscales provenant du secteur sidérurgique et des mines seraient principalement affectées aux budgets des entités fédérées locales est dénuée de pertinence. En effet, eu égard à l’objectif des mesures restrictives en cause, rappelé au point 93 ci-dessus, la notion de « revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie » ne saurait recevoir une interprétation restrictive, qui se limiterait à viser les recettes fiscales affectées au budget fédéral de cet État. Par ailleurs et en tout état de cause, même si cette source de revenus n’est pas destinée au budget fédéral, ni directement utilisée par ledit gouvernement pour soutenir ses dépenses militaires, il n’en demeure pas moins qu’elle permet à ce gouvernement, dans sa globalité, sans distinguer selon que ces revenus émanent du budget fédéral ou des budgets régionaux, de mobiliser davantage de ressources pour ses actions visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

118    En outre, les arguments du requérant fondés sur des éléments de contexte plus personnels, à savoir ses activités humanitaires et son rôle dans les négociations de paix, doivent être écartés comme inopérants. En effet, de tels éléments ne sont pas pertinents pour apprécier si les conditions du critère g), tel que précisé aux points 92 à 97 ci-dessus, sont remplies en l’espèce.

119    Enfin, le grief soulevé par le requérant dans le cadre du deuxième mémoire en adaptation, selon lequel, en s’appuyant sur les éléments de preuve contenus dans le second dossier WK, le Conseil a commis, lors de l’adoption des actes de maintien, des erreurs concernant l’appréciation des contrats entre des filiales d’Evraz et la Garde nationale de la Fédération de Russie et l’existence d’un projet de loi sur l’économie de guerre qui obligerait les entreprises comme Evraz à fournir des matériaux et des services à l’armée ne saurait prospérer. En effet, force est de constater que ce n’est qu’à titre surabondant que le Conseil a fait référence à ces éléments et que, dans la mesure où il ne les a pas utilisés pour étayer les actes de maintien, en ce qu’ils ne sont pas directement liés au critère g), ledit grief doit être rejeté comme étant inopérant.

120    Il y a donc lieu de conclure que le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles de mettre en évidence le fait que le secteur économique dans lequel le requérant a une activité fournit une source substantielle de revenus au gouvernement russe.

121    Au vu de tout ce qui précède, il convient de considérer que le motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, fondé sur le statut d’homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe, correspondant au critère g), est suffisamment étayé, de sorte que, au regard de celui-ci, le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation en décidant d’inscrire puis de maintenir le nom du requérant sur les listes en cause.

122    Or, selon la jurisprudence, s’agissant du contrôle de la légalité d’une décision adoptant des mesures restrictives, et eu égard à leur nature préventive, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée).

123    Dès lors, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé des autres griefs soulevés par le requérant visant à remettre en cause l’appréciation du Conseil au regard du critère d), de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité

124    Le troisième moyen se subdivise en deux branches, tirées, d’une part, de la violation des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement et, d’autre part, de la violation du principe de proportionnalité.

–       Sur la première branche, tirée de la violation des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement

125    Le requérant fait valoir, en substance, que les mesures restrictives en cause sont discriminatoires. Selon lui, premièrement, l’interprétation du critère g) par le Conseil est trop large, car elle permet de sanctionner tous les hommes d’affaires, quelle que soit leur origine, qui exercent ou ont exercé une activité économique significative en Russie et respectent leurs obligations fiscales, sur cette seule base. Deuxièmement, l’application de ce critère par le Conseil serait discriminatoire en ce que ledit critère viserait les hommes d’affaires et les entreprises de nationalité russe en ignorant les entreprises étrangères, alors que ces dernières opèrent également sur le territoire russe et versent des sommes à titre d’impôts et de taxes au budget de la Fédération de Russie. Troisièmement, le requérant estime qu’il est sanctionné en raison d’éléments sur lesquels il n’a aucun contrôle, que ce soit les montants des impôts à payer, l’affectation des recettes fiscales entre les régions et le gouvernement fédéral ou l’utilisation du budget alloué à celui-ci. N’ayant aucun instrument pour influencer la politique fiscale russe et l’allocation du produit des activités d’Evraz, aucune mesure restrictive le concernant ne pourrait changer les obligations de celle-ci en tant que contribuable russe.

126    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

127    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe fondamental de droit, interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (voir arrêts du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 152 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2018, Vnesheconombank/Conseil, T‑737/14, non publié, EU:T:2018:543, point 161 et jurisprudence citée).

128    En l’espèce, en premier lieu, s’agissant de l’argument du requérant tiré du fait que l’interprétation du critère g) par le Conseil est trop large, car elle permet, en substance, de sanctionner tous les hommes d’affaires quelle que soit leur origine, qui exercent ou ont exercé une activité économique significative en Russie et respectent leurs obligations fiscales, sur cette seule base, il convient de relever que le requérant ne précise pas en quoi ou par rapport à quelles personnes cette interprétation prétendument trop large dudit critère serait discriminatoire. Contrairement à ce que soutient le requérant, tous les hommes d’affaires exerçant une activité économique significative en Russie et payant ou ayant payé des impôts dans ce pays sur cette base ne sont pas visés, puisque seuls ceux actifs dans un secteur économique fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement russe sont susceptibles d’être visés par ce critère. En tout état de cause, les motifs sur lesquels le Conseil s’est fondé lors de l’adoption des actes attaqués reposent sur la constatation selon laquelle le requérant est l’actionnaire majeur d’Evraz, un des plus gros contribuables de la Fédération de Russie. Ainsi, contrairement à ce qu’il prétend, le requérant a fait l’objet des mesures restrictives en cause à la suite d’une évaluation individuelle, fondée sur des éléments de preuve concrets le concernant.

129    Par ailleurs, dans le cadre du critère g), c’est le secteur économique, et non les femmes ou les hommes d’affaires en tant que tels ni les sociétés dont ils sont actionnaires, qui est identifié comme fournissant une source substantielle de revenus au gouvernement russe (voir point 98 ci-dessus). Ainsi, le paiement d’impôts par le requérant ou par la société mère d’Evraz ou ses filiales n’est pas visé en soi. Ledit critère se réfère à l’ensemble des revenus générés par le secteur économique dans lequel la femme ou l’homme d’affaires visé intervient, et inclut donc, notamment mais pas uniquement les rentrées fiscales générés par ce secteur.

130    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel l’application du critère g) par le Conseil est discriminatoire en ce que ledit critère vise les hommes d’affaires et les entreprises de nationalité russe en ignorant les entreprises étrangères, il suffit de constater, à l’instar du Conseil, que ce critère ne vise pas la nationalité des personnes désignées, mais toute personne physique ayant la qualité de femme ou d’homme d’affaires influent au sens dudit critère. Par conséquent, les personnes visées par les mesures restrictives en cause peuvent être de toute nationalité si elles remplissent le critère en question.

131    Dans ces circonstances, à supposer même que le Conseil n’ait pas adopté de mesures de gel des fonds à l’égard de certaines personnes répondant au critère g), et examiné, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents relatifs à ces personnes, une telle circonstance ne pourrait être valablement invoquée par le requérant, dès lors que le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination doivent se concilier avec le principe de légalité (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2016, Post Bank Iran/Conseil, T‑68/14, non publié, EU:T:2016:263, point 135 et jurisprudence citée). En tout état de cause, il y a lieu de relever qu’il ressort de l’examen du deuxième moyen que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a, dans le cadre du pouvoir d’appréciation dont il dispose afin d’établir si les critères de désignation sont satisfaits, décidé d’inscrire et de maintenir le nom du requérant sur les listes en cause.

132    En troisième lieu, il convient de relever que le requérant n’explique pas les raisons pour lesquelles sa prétendue absence d’influence sur l’affectation des recettes fiscales russes et sur l’allocation du produit des activités d’Evraz serait susceptible de constituer une atteinte au principe d’égalité de traitement, de sorte que cet argument doit être écarté comme étant non étayé.

133    Partant, il convient de rejeter la présente branche.

–       Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité

134    Le requérant prétend que les mesures restrictives en cause prises à son égard sont inappropriées et disproportionnées, en ce qu’elles n’exercent aucune pression sur les autorités russes et ne peuvent pas non plus avoir un effet utile, dès lors qu’il ne prend part à aucune action liée à l’annexion de la Crimée ou à la déstabilisation de l’Ukraine.

135    À cet égard, le requérant estime, d’une part, que les mesures en cause prises à son égard ne sont pas nécessaires pour atteindre les objectifs poursuivis, étant donné qu’il n’a pas été impliqué ni consulté dans aucune décision relative à l’annexion de la Crimée ou à la déstabilisation de l’Ukraine.  De surcroît, il soutient que lesdites mesures sont éloignées de leur prétendu objectif d’affecter la politique de la Fédération de Russie en Ukraine,  compte tenu de la contribution non substantielle au budget fédéral, et risquent d’avoir des conséquences négatives sur ses activités en dehors de la Russie.  En outre, il avance que ces mesures ont été prises en raison de son statut d’actionnaire de la société mère d’Evraz, laquelle ne fait l’objet d’aucune mesure similaire. Enfin, il fait valoir que les mesures en question sont disproportionnées, dès lors qu’elles l’empêchent d’intervenir efficacement en tant que vecteur de communication dans le cadre des négociations de paix.

136    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

137    Le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union et qui est repris à l’article 5, paragraphe 4, TUE, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient de nature à permettre que soient atteints les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre lesdits objectifs (arrêts du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 122, et du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 133).

138    Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 178 et jurisprudence citée).

139    S’agissant du contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité, il convient de reconnaître un large pouvoir d’appréciation au législateur de l’Union dans des domaines qui impliquent de la part de ce dernier des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lesquels celui-ci est appelé à effectuer des appréciations complexes. Il s’ensuit que seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure adoptée dans ces domaines, au regard de l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 179 et jurisprudence citée).

140    En l’espèce, il y a lieu de relever que, au regard de l’importance primordiale des objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause, à savoir la protection de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance de l’Ukraine ainsi que la promotion d’un règlement pacifique de la crise dans ce pays, qui s’inscrivent dans l’objectif plus large du maintien de la paix, de prévention des conflits et de renforcement de la sécurité internationale, conformément aux objectifs de l’action extérieure de l’Union énoncés à l’article 21, paragraphe 2, sous c), TUE, les conséquences négatives résultant de leur application au requérant ne sont pas manifestement disproportionnées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 150).

141    Il convient également de relever que, aux considérants 2 à 10 de la décision 2022/329, le Conseil a fait état d’une dégradation continue de la situation en Ukraine ayant abouti, le 24 février 2022, à l’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie en violation flagrante de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance de cet État. Ainsi, c’est en raison de l’aggravation de la situation en Ukraine, caractérisée par le déclenchement de la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie, que le Conseil a estimé devoir élargir le cercle des personnes et des entités visées par les mesures restrictives en cause, afin d’atteindre les objectifs poursuivis. Or, il résulte d’une telle démarche fondée sur la progressivité de l’atteinte aux droits en fonction de l’effectivité des mesures que leur proportionnalité est également établie (voir, par analogie, arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 126, et du 25 janvier 2017, Almaz-Antey Air and Space Defence/Conseil, T‑255/15, non publié, EU:T:2017:25, point 104).

142    Compte tenu de l’évolution de la situation en Ukraine, en visant également les femmes et les hommes d’affaires qui exercent des activités dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe, le Conseil pouvait légitimement espérer que de telles actions cessent ou qu’elles deviennent plus coûteuses pour ceux qui les entreprennent, afin de promouvoir une cessation de la violation flagrante de l’intégrité territoriale, de la souveraineté et de l’indépendance de l’Ukraine (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2018, Rosneft e.a./Conseil, T‑715/14, non publié, EU:T:2018:544, point 157).

143    En l’espèce, dans le cadre du deuxième moyen, il a été établi que les mesures restrictives à l’égard du requérant étaient justifiées au motif que sa situation permettait de considérer qu’il remplissait les conditions pour l’application du critère g). En effet, la désignation du requérant, en sa qualité d’actionnaire principal de la société mère d’Evraz, prend en considération le secteur d’activité dans lequel cette société opère, indépendamment de la question de savoir si elle est également visée par des sanctions individuelles en tant que personne morale et quelle est la contribution fiscale dont bénéficierait le gouvernement russe.

144    D’ailleurs, le fait que le requérant ne soit impliqué dans aucune décision relative à l’annexion de la Crimée ou à la déstabilisation de l’Ukraine est sans pertinence, puisqu’il ne s’est pas vu imposer des mesures restrictives pour cette raison, mais en raison du fait, notamment, qu’il est un homme d’affaires influent intervenant dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe, responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’importance des objectifs poursuivis par un acte de l’Union établissant un régime de mesures restrictives est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs, y compris pour ceux qui n’ont aucune responsabilité quant à la situation ayant conduit à l’adoption des mesures concernées (voir, par analogie, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 361, et du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 150).

145    S’agissant du caractère approprié des mesures restrictives adoptées à l’égard du requérant, il convient de relever que, au regard d’objectifs d’intérêt général aussi fondamentaux pour la communauté internationale que ceux mentionnés au point 140 ci-dessus, lesdites mesures ne sauraient, en tant que telles, passer pour inadéquates (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 2 décembre 2020, Kalai/Conseil, T‑178/19, non publié, EU:T:2020:580, point 171 et jurisprudence citée).

146    En ce qui concerne le caractère nécessaire des mesures restrictives en cause, il convient de constater que d’autres mesures moins contraignantes ne permettent pas d’atteindre aussi efficacement les objectifs poursuivis, à savoir l’exercice d’une pression sur les décideurs russes responsables de la situation en Ukraine, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 182 et jurisprudence citée). Au demeurant, le requérant est resté en défaut de démontrer que le Conseil pouvait envisager d’adopter des mesures moins contraignantes, mais tout autant appropriées que celles prévues.

147    Quant à l’argument du requérant relatif aux répercussions sur sa participation aux négociations de paix, il doit être rappelé que l’article 2, paragraphes 3 et 4, de la décision 2014/145 telle que modifiée ainsi que l’article 4, paragraphe 1, l’article 5, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 tel que modifié prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques. Conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de ladite décision, l’autorité compétente d’un État membre peut également autoriser l’entrée des personnes visées sur son territoire, notamment pour des raisons humanitaires urgentes ou lorsque la personne se déplace pour assister à des réunions intergouvernementales et à des réunions dont l’initiative a été prise par l’Union ou qu’elle accueille, ou à des réunions accueillies par un État membre assurant alors la présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), lorsqu’il y est mené un dialogue politique visant directement à promouvoir les objectifs stratégiques des mesures restrictives, y compris le soutien à l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine.

148    Au demeurant, ainsi que le souligne à juste titre le Conseil, la participation aux négociations de paix et, plus généralement, la fourniture d’aide humanitaire ne sauraient affecter l’appréciation du Conseil sur la nécessité d’adopter des mesures restrictives à l’égard du requérant ou d’autres hommes d’affaires influents russes pour accroître la pression sur le président Poutine et son gouvernement.

149    Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que les mesures restrictives en cause ne sont ni discriminatoires ni disproportionnées.

150    Il convient donc de rejeter la présente branche ainsi que le troisième moyen dans son intégralité.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des droits fondamentaux

151    Selon le requérant, l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause constituent une limitation injustifiée et disproportionnée de ses droits fondamentaux, au rang desquels figurent, notamment, le droit de propriété, le droit au respect de la vie privée et la liberté d’entreprise, ainsi que le droit à la libre circulation sur le territoire des États membres. Il estime que l’adoption des mesures restrictives en cause a entraîné également une violation de son droit à la présomption d’innocence et lui a causé un préjudice moral du fait de l’atteinte à sa réputation.  

152    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

153    Tout d’abord, il convient de relever que le droit au respect de la vie privée, le droit à la liberté d’entreprise, le droit de propriété et le droit de circulation et de séjour font partie des principes généraux de droit de l’Union et se trouvent consacrés, respectivement, aux articles 7, 16, 17 et 45 de la Charte.

154    Certes, les mesures restrictives que comportent les actes attaqués, en dépit de leur nature conservatoire, entraînent des limitations dans l’exercice par le requérant des droits fondamentaux visés au point 153 ci-dessus.

155    Toutefois, les droits fondamentaux dont se prévaut le requérant ne constituent pas des prérogatives absolues et leur exercice peut faire l’objet de limitations, dans les conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, aux termes duquel, d’une part, « [t]oute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par [C]harte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés » et, d’autre part, « [d]ans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ».

156    Ainsi, pour être conforme au droit de l’Union, une limitation de l’exercice des droits et libertés fondamentaux doit répondre à quatre conditions. Premièrement, elle doit être « prévue par la loi », en ce sens que l’institution de l’Union adoptant des mesures susceptibles de restreindre les droits fondamentaux d’une personne, physique ou morale, doit disposer d’une base légale à cette fin. Deuxièmement, elle doit respecter le contenu essentiel de ces droits. Troisièmement, elle doit viser un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union. Quatrièmement, elle doit être proportionnée (voir arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, points 145 et 222 et jurisprudence citée).

157    Or, force est de constater que ces quatre conditions sont remplies en l’espèce.

158    En premier lieu, les limitations en cause sont « prévues par la loi », puisqu’elles sont énoncées dans des actes ayant notamment une portée générale et disposant d’une base juridique claire en droit de l’Union ainsi que d’une prévisibilité suffisante, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par le requérant.

159    En deuxième lieu, en ce qui concerne la question de savoir si les limitations en cause respectent le « contenu essentiel » des droits fondamentaux invoqués par le requérant, force est de relever que les mesures restrictives en cause sont limitées dans le temps et réversibles. En effet, d’une part, elles s’appliquent pour six mois et font l’objet d’un suivi constant, tel que prévu à l’article 6, troisième alinéa, de la décision 2014/145 telle que modifiée, et, d’autre part, il est possible d’accorder des dérogations aux mesures restrictives appliquées, en ce qui concerne tant le gel de fonds que les restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres (voir point 147 ci-dessus).

160    En troisième lieu, les limitations en cause répondent à un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union. En effet, elles visent, notamment, à faire pression, directement et indirectement, sur les décideurs et le gouvernement russe responsables de l’invasion de l’Ukraine, afin de diminuer la capacité de ces derniers à poursuivre leurs actions compromettant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et d’y mettre fin en vue de la préservation de la stabilité européenne et mondiale. Or, il s’agit là d’un objectif qui relève de ceux poursuivis dans le cadre de la PESC et visés à l’article 21, paragraphe 2, sous b) et c), TUE, tels que, notamment, la préservation de la paix, la prévention des conflits, le renforcement de la sécurité internationale et de la protection des populations civiles (voir, en ce sens, arrêt du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 226).

161    En quatrième lieu, s’agissant du caractère proportionné des limitations en cause, il convient de relever que, au regard d’objectifs d’intérêt général aussi fondamentaux pour la communauté internationale que ceux mentionnés au point 140 ci-dessus, les mesures de gel de fonds ne sauraient, en tant que telles, être considérées comme étant inadéquates. En ce qui concerne le caractère nécessaire des mesures restrictives en cause, il convient de constater que d’autres mesures moins contraignantes ne permettraient pas d’atteindre aussi efficacement les objectifs poursuivis, à savoir l’exercice d’une pression sur les décideurs russes responsables de la situation en Ukraine, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 182 et jurisprudence citée).

162    Ensuite, il doit être rappelé que l’article 2, paragraphes 3 et 4, de la décision 2014/145 telle que modifiée ainsi que l’article 4, paragraphe 1, l’article 5, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 tel que modifié prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques.

163    En ce qui concerne, plus particulièrement, la prétendue violation, par l’article 1er de la décision 2014/145 telle que modifiée, du droit du requérant, en tant que citoyen portugais et donc de l’Union, de circuler librement sur le territoire de celle-ci, consacré à l’article 21 TFUE ainsi qu’à l’article 45, paragraphe 1, de la Charte, il convient de relever que le requérant ne conteste pas que l’adoption d’actes dans le domaine de la PESC, prévue par les traités, peut limiter le droit à la libre circulation des citoyens de l’Union. En effet, le requérant se borne à soutenir que la restriction à sa liberté de circuler serait disproportionnée.

164    Force est toutefois de constater que le requérant n’explique pas en quoi une telle restriction serait disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi. En effet, dans ses écritures, il se contente d’effectuer un renvoi général à son argumentation sous le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité, sans exposer les raisons pour lesquelles les arguments développés dans le cadre dudit moyen seraient pertinents pour étayer une atteinte disproportionnée à sa liberté de circuler au sein de l’Union. Dès lors, il y a lieu d’écarter l’argumentation du requérant tirée d’une atteinte disproportionnée à la libre circulation des citoyens de l’Union comme étant non étayée.

165    Quant à l’allégation par laquelle le requérant s’interroge sur la possibilité pour le Conseil d’adopter une restriction à la libre circulation sur le fondement de l’article 215 TFUE, à supposer qu’une telle allégation constitue une argumentation autonome, force est de constater que celle-ci n’est pas non plus étayée et doit dès lors être écartée. En tout état de cause, il convient de relever que les restrictions à la liberté de circulation sont uniquement prévues à l’article 1er de la décision 2014/145 telle que modifiée et qu’elles ne figurent pas dans le règlement no 269/2014 tel que modifié. Or, ainsi que cela ressort de visas de ladite décision, celle-ci n’a pas été adoptée sur le fondement de l’article 215 TFUE, mais sur le fondement de l’article 29 TUE.

166    Par ailleurs, il convient également de relever que le requérant n’étaye aucunement en quoi les mesures restrictives adoptées à son égard porteraient une atteinte au droit au respect de sa vie privée.

167    Enfin, s’agissant de la prétendue violation du droit du requérant à la présomption d’innocence, qu’il mentionne dans ses écritures sans toutefois l’étayer par des arguments spécifiques, il convient de relever que, en ce que les mesures restrictives adoptées à son égard n’ont pas pour effet de confisquer les biens du requérant, mais plus simplement de les geler à titre conservatoire, il y a lieu de considérer que de telles mesures ne revêtent aucun caractère pénal et n’ont donc pas pour effet de porter atteinte au droit à la présomption d’innocence, reconnu à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte, lequel exige que toute personne accusée d’une infraction soit présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. S’agissant du prétendu préjudice moral en raison de l’atteinte à sa réputation, également mentionné dans le cadre de ce grief, il ne saurait utilement être invoqué pour établir une violation du droit du requérant à la présomption d’innocence.

168    Il convient de conclure que les limitations en cause, qui découlent des mesures restrictives adoptées à l’égard du requérant dans les actes attaqués, ne sont pas disproportionnées et ne sauraient entacher lesdits actes d’illégalité.

169    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le quatrième moyen et, partant, la demande en annulation dans son intégralité. 

 Sur la demande indemnitaire

170    Le requérant sollicite l’indemnisation du préjudice causé à sa réputation, qui est estimé à 1 million d’euros à titre provisionnel.

171    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments du requérant.

172    Il ressort de la jurisprudence que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses institutions ou de ses organes, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par la personne lésée (voir arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 32 et jurisprudence citée).

173    Les conditions pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, que le juge de l’Union n’est pas tenu d’examiner dans un ordre déterminé, sont cumulatives, si bien qu’il suffit que l’une d’entre elles fasse défaut pour rejeter le recours dans son ensemble (arrêt du 1er février 2023, Klymenko/Conseil, T‑470/21, non publié, EU:T:2023:26, point 62 ; voir également, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Union européenne/Kendrion, C‑150/17 P, EU:C:2018:1014, point 118 et jurisprudence citée).

174    Or, il ressort de tout ce qui précède que les arguments que le requérant a fait valoir afin de démontrer l’illégalité des actes attaqués par lesquels son nom a été inscrit sur les listes en cause doivent être rejetés, si bien que la condition relative à l’illégalité du comportement reproché au Conseil n’est pas remplie en l’espèce. Ainsi, l’une des conditions rappelées au point 172 ci-dessus faisant défaut, la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée.

175    Dès lors, la demande indemnitaire doit être rejetée comme étant non fondée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce dernier et la violation de l’obligation en cause. Partant, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

176    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

177    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Roman Arkadyevich Abramovich supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Spielmann

Mastroianni

Brkan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 décembre 2023.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


Table des matières


Antécédents du litige

Faits postérieurs à l’introduction du présent recours

Conclusions des parties

En droit

Sur la demande en annulation

Sur le premier moyen

– Sur la première branche, portant sur la « violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation »

– Sur la seconde branche, tirée de la « violation des droits de la défense » et de la « méconnaissance par le Conseil de son obligation de réexamen dans le cadre de l’adoption des actes de maintien de septembre 2022 et de mars 2023 »

Sur le deuxième moyen, tiré d’une « erreur manifeste d’appréciation »

– Considérations liminaires

– Sur l’application au requérant du critère g)

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité

– Sur la première branche, tirée de la violation des principes de non-discrimination et d’égalité de traitement

– Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe de proportionnalité

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des droits fondamentaux

Sur la demande indemnitaire

Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.