Language of document : ECLI:EU:T:2023:805

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

13 décembre 2023 (*)

« Fonction publique – Personnel du SEAE – Recrutement – Avis de vacance – Exercice de rotation – Rejet de candidature – Article 98, paragraphe 1, du statut – Article 2, sous e), du RAA – Erreur manifeste d’appréciation – Confiance légitime – Égalité de traitement – Détournement de pouvoir – Responsabilité – Préjudices matériel et moral »

Dans l’affaire T‑621/22,

SB, représentée par Mes L. Burguin, T. Bontinck et A. Guillerme, avocats,

partie requérante,

contre

Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par Mmes S. Falek, A. Ireland et M. R. Coesme, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. L. Truchot (rapporteur), président, H. Kanninen et Mme T. Perišin, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 13 septembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, la requérante, SB, demande réparation des préjudices matériel et moral qu’elle aurait subis en raison, d’une part, des décisions de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) du 10 novembre 2021 par lesquelles celle-ci a rejeté sa candidature aux postes de [confidentiel], telles que confirmées et complétées par le courrier de l’AHCC du 1er février 2022 (ci-après les « décisions litigieuses ») et, d’autre part, du comportement prétendument fautif du SEAE lié à ces décisions.

 Antécédents du litige

2        La requérante a été recrutée par la Commission européenne le 1er juin 2006 en qualité d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous c), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »).

3        Dans le cadre de l’exercice de rotation pour l’année 2019 organisé par le SEAE conformément aux dispositions de l’article 6, paragraphe 10, de la décision 2010/427/UE du Conseil, du 26 juillet 2010, fixant l’organisation et le fonctionnement du SEAE (JO 2010, L 201, p. 30) (ci-après l’« exercice de rotation 2019 »), la requérante a présenté sa candidature au poste de [confidentiel].

4        Le 9 juillet 2019, la requérante a été nommée au poste de [confidentiel]. Son contrat d’engagement, conclu pour une durée de trois ans, précisait qu’elle était recrutée en tant qu’agent temporaire sur le fondement de l’article 2, sous e), du RAA.

5        Dans le cadre de l’exercice de rotation pour l’année 2022 organisé par le SEAE (ci-après l’« exercice de rotation 2022 »), la requérante a présenté sa candidature aux postes de [confidentiel] (ci-après les « postes litigieux »).

6        Les lignes directrices applicables à cet exercice de rotation, établies par le SEAE, détaillaient la procédure ainsi que les critères d’admissibilité applicables aux postes litigieux (ci-après les « lignes directrices »).

7        S’agissant des critères d’admissibilité généraux, les lignes directrices précisaient que les candidats devaient « être des fonctionnaires de grade AD des institutions de l’Union européenne […] ou des agents temporaires de grade AD auxquels s’appliqu[ait] l’article 2, sous e), du RAA (agents temporaires travaillant actuellement au SEAE), ou du personnel des services diplomatiques des États membres ».

8        Figuraient également, au sein des lignes directrices, des critères d’admissibilité spécifiques applicables, d’une part, aux candidats qui étaient des agents temporaires auxquels s’appliquait l’article 2, sous e), du RAA et, d’autre part, aux candidats membres des services diplomatiques nationaux des États membres.

9        D’une part, en ce qui concerne les critères d’admissibilité spécifiques applicables aux candidats agents temporaires auxquels s’appliquait l’article 2, sous e), du RAA, il était prévu ce qui suit :

« 4. Les agents temporaires actuels 2(e) doivent disposer du soutien renouvelé de l’administration de leur État membre (par exemple, le ministère des Affaires étrangères) pour le(s) poste(s) au(x)quel(s) ils candidatent (voir ci-dessous la partie relative à la procédure de candidature), ainsi que de la garantie de réintégration. »

10      Dans la partie relative à la procédure de candidature, le point 6 des lignes directrices ajoutait ce qui suit :

« 6)      Les agents temporaires travaillant actuellement au sein du SEAE doivent transmettre une déclaration confirmant i) le soutien renouvelé de l’administration de leur État membre (par exemple, le ministère des Affaires étrangères) pour le(s) poste(s) au(x)quel(s) ils candidatent ainsi que ii) leur service actif au sein de l’administration de leur État membre […] »

11      D’autre part, s’agissant des critères d’admissibilité spécifiques applicables aux candidats membres des services diplomatiques nationaux, il était indiqué ce qui suit :

« 4. [Les candidats] fournissent une déclaration émise par leur ministère des Affaires étrangères, laquelle contient au moins les éléments suivants :

–        le(s) poste(s) au(x)quel(s) le candidat postule ;

–        le fait que le candidat est, au moment de sa candidature, un membre du service diplomatique national en activité, soit en tant que fonctionnaire, soit au titre d’une relation de travail permanente ;

–        le fait que le ministère des Affaires étrangères soutient [sa] candidature pour le poste ;

–        une garantie de réintégration immédiate au sein du ministère des Affaires étrangères à l’issue du contrat avec le SEAE.

Si les candidats ne sont pas en mesure de fournir un tel document de leur ministère des Affaires étrangères, leur candidature sera réputée irrecevable. »

12      Le 10 novembre 2021, l’AHCC a adopté les décisions de rejet de la candidature de la requérante aux postes litigieux, au motif qu’elle ne remplissait pas les critères d’admissibilité requis.

13      Par un courrier du 17 janvier 2022, la requérante a sollicité des clarifications de la part de l’AHCC sur les motifs fondant ces décisions.

14      Dans sa réponse, transmise par un courrier du 1er février 2022, l’AHCC a fourni à la requérante des explications complémentaires sur l’inadmissibilité de sa candidature aux postes litigieux. En particulier, elle a indiqué que le contrat d’engagement visé au point 4 ci-dessus avait été conclu en violation des dispositions de l’article 98, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et de l’article 2, sous e), du RAA. En effet, selon l’AHCC, l’examen de la candidature déposée par la requérante lors de l’exercice de rotation 2019 ne permettait pas de démontrer qu’elle appartenait, lors de cet exercice, au service diplomatique national d’un État membre. En outre, l’AHCC a relevé que cette appartenance n’était toujours pas établie lors de l’exercice de rotation 2022.

15      Par un courrier électronique du 10 février 2022, la requérante a introduit une réclamation sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, par laquelle elle demandait l’annulation des décisions litigieuses.

16      Par une décision du 24 juin 2022, l’AHCC a rejeté la réclamation de la requérante.

17      Le 31 août 2022, le contrat d’engagement de la requérante est arrivé à son terme.

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la responsabilité du SEAE est engagée ;

–        condamner le SEAE à lui verser la somme de 80 000 euros au titre du préjudice moral et de 720 000 euros au titre du préjudice matériel ;

–        condamner le SEAE aux dépens.

19      Le SEAE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

20      Dans son mémoire en défense, le SEAE invoque deux fins de non-recevoir, tirées, la première, du caractère déclaratoire du premier chef de conclusions et, la seconde, du non-respect de la procédure précontentieuse s’agissant des conclusions indemnitaires qui ne sont pas liées aux décisions litigieuses.

 Sur la première fin de non-recevoir, tirée du caractère déclaratoire du premier chef de conclusions

21      Le SEAE conclut à l’irrecevabilité du premier chef de conclusions, au motif que la requérante viserait, par celui-ci, à obtenir une constatation de nature déclaratoire de la part du Tribunal.

22      La requérante conteste les arguments du SEAE.

23      Il convient de rappeler que le contentieux de l’Union européenne ne connaît pas de voie de droit permettant au juge de prendre position, par le biais d’une déclaration générale, sur une question dont l’objet dépasse le cadre du litige (voir ordonnance du 12 juillet 2011, Polak/Autriche et Oberösterreichische Rechtsanwaltskammer, T‑172/11, non publiée, EU:T:2011:352, point 9 et jurisprudence citée). En outre, il est de jurisprudence constante que le principe selon lequel le Tribunal n’est pas compétent pour prononcer des arrêts déclaratoires s’applique aux recours formés au titre de l’article 270 TFUE (voir arrêts du 29 novembre 2018, WL/ERCEA, T‑493/17, non publié, EU:T:2018:852, point 25 et jurisprudence citée, et du 25 juin 2020, MU/Parlement, T‑40/16, non publié, EU:T:2020:292, point 30 et jurisprudence citée).

24      En l’occurrence, il y a lieu de constater que l’objectif poursuivi par la requérante, au titre du présent recours fondé sur l’article 270 TFUE, est d’obtenir la réparation des préjudices qu’elle a prétendument subis en raison notamment des décisions litigieuses.

25      Dans le cadre d’un tel recours, il incombe donc au Tribunal d’examiner, de manière préalable, si les conditions d’engagement de la responsabilité du SEAE sont réunies avant de le condamner, le cas échéant, à réparer le préjudice occasionné à la requérante.

26      Il s’en déduit que le premier chef de conclusions ne constitue pas une demande autonome, mais doit se lire à la lumière du deuxième chef de conclusions, dont il constitue la condition préalable.

27      Dès lors, il convient de rejeter la première fin de non-recevoir soulevée par le SEAE.

 Sur la seconde fin de non-recevoir, tirée du non-respect de la procédure précontentieuse s’agissant des conclusions indemnitaires qui ne sont pas liées aux décisions litigieuses

28      Le SEAE fait valoir que certains des préjudices moraux dont la réparation est demandée au titre du présent recours ne présentent aucun lien avec les décisions litigieuses, de sorte que les conclusions indemnitaires liées à de tels préjudices sont irrecevables. Il en irait notamment ainsi du préjudice moral qui résulterait des comportements tenus et des décisions adoptées par l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) et par l’AHCC dans le cadre des procédures administrative et disciplinaire ouvertes à l’encontre de la requérante ainsi que du rejet de la demande d’assistance introduite par celle-ci sur le fondement de l’article 24 du statut.

29      La requérante conteste cette argumentation. Lors de l’audience, elle a notamment insisté sur le contexte dans lequel avaient été adoptées les décisions litigieuses, qui était concomitant au déroulement des procédures visées au point 28 ci-dessus. Il existerait donc un lien direct entre, d’une part, les préjudices moraux subis par la requérante et, d’autre part, les comportements et décisions adoptés dans le cadre de ces procédures.

30      En vertu d’une jurisprudence constante, la recevabilité d’un recours indemnitaire introduit devant le Tribunal, au titre de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut, est subordonnée au déroulement régulier de la procédure précontentieuse et au respect des délais qu’elle prévoit (voir arrêt du 10 septembre 2019, DK/SEAE, T‑217/18, non publié, EU:T:2019:571, point 171 et jurisprudence citée).

31      Cette procédure diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte décisionnel faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir l’AHCC, dans les délais impartis, d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause, les conclusions indemnitaires pouvant être présentées soit dans cette réclamation, soit pour la première fois dans la requête, tandis que, dans le second cas, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (voir arrêt du 12 mars 2019, TK/Parlement, T‑446/17, non publié, EU:T:2019:151, point 90 et jurisprudence citée).

32      En outre, tout recours contre un acte faisant grief qui émane d’une AHCC doit, en règle générale, être impérativement précédé d’une réclamation précontentieuse ayant fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet. Il s’ensuit qu’un recours introduit avant que cette procédure précontentieuse ne soit terminée est, en raison de son caractère prématuré, irrecevable en vertu de l’article 91, paragraphe 2, du statut (voir ordonnance du 2 décembre 2021, FC/EASO, T‑303/21, non publiée, EU:T:2021:887, point 38 et jurisprudence citée).

33      En l’espèce, la requérante sollicite, en substance, la réparation d’un préjudice moral qui trouve sa cause non seulement dans les décisions litigieuses, mais également dans un ensemble de comportements prétendument fautifs du SEAE et de l’IDOC. Sont notamment visés les comportements adoptés par ces services dans le cadre des procédures administrative et disciplinaire ouvertes à l’encontre de la requérante ainsi que dans le traitement de sa demande d’assistance. Outre ces comportements, la requérante conteste également, d’une part, la décision du 31 mai 2022 de l’AHCC clôturant sans suite la procédure disciplinaire et, d’autre part, son rapport d’évaluation pour l’année 2021.

34      À cet égard, en premier lieu, il importe de souligner que les comportements visés au point 33 ci-dessus et la décision du 31 mai 2022 de l’AHCC ont fait respectivement l’objet d’une demande indemnitaire et d’une réclamation introduites par la requérante sur le fondement de l’article 90, paragraphes 1 et 2, du statut.

35      Or, il suffit de constater que, à la date de l’introduction du présent recours, l’AHCC n’avait pas encore statué sur ces deux procédures précontentieuses. De surcroît, la requérante admet, dans ses écritures, que lesdites procédures ne constituent pas l’objet du présent litige.

36      Il s’ensuit que les conclusions indemnitaires dirigées contre les comportements visés au point 33 ci-dessus ainsi que contre la décision du 31 mai 2022 de l’AHCC sont prématurées et doivent donc être déclarées irrecevables au sens de la jurisprudence rappelée au point 32 ci-dessus.

37      En second lieu, quant au rapport d’évaluation pour l’année 2021, la requérante se borne à faire état, d’une part, du rejet de son appel introduit à l’encontre de ce rapport et, d’autre part, de son intention de former un recours précontentieux à l’encontre dudit rapport.

38      Il convient donc, conformément à la jurisprudence visée au point 32 ci-dessus, de déclarer irrecevables les conclusions indemnitaires dirigées contre ledit rapport d’évaluation.

39      Par conséquent, il y a lieu d’accueillir la seconde fin de non-recevoir invoquée par le SEAE et, par suite, de procéder à l’examen, ainsi délimité, du présent recours indemnitaire.

 Sur le fond

40      Il découle d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’une demande indemnitaire formulée par un fonctionnaire ou par un agent, la responsabilité de l’Union suppose la réunion d’un ensemble de conditions cumulatives, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement illégal et le préjudice invoqué (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2022, SU/AEAPP, T‑296/21, EU:T:2022:808, point 72 et jurisprudence citée). Dans la mesure où ces trois conditions doivent être cumulativement remplies, le défaut de l’une d’entre elles suffit pour rejeter le recours en indemnité dans son ensemble (voir arrêt du 6 mai 2019, Mauritsch/INEA, T‑271/18, non publié, EU:T:2019:286, point 39 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2022, OC/SEAE, T‑681/20, non publié, EU:T:2022:422, point 64 et jurisprudence citée).

41      C’est au regard de ces principes qu’il convient de déterminer si les conditions d’engagement de la responsabilité du SEAE sont remplies, en débutant par celle relative à l’illégalité qui lui est reprochée.

42      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation doit également être prise en considération pour l’examen de la légalité de l’acte initial faisant grief, à savoir les décisions litigieuses (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2022, Bowden et Young/Europol, T‑72/21, non publié, EU:T:2022:720, point 25 et jurisprudence citée) dont l’adoption aurait, en l’espèce, causé un préjudice à la requérante.

43      Au soutien de son recours, la requérante invoque quatre illégalités, tirées, la première, d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 98, paragraphe 1, du statut, la deuxième, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, la troisième, d’une violation du principe d’égalité de traitement et, la quatrième, d’un détournement de pouvoir.

 Sur la première illégalité, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 98, paragraphe 1, du statut

44      La requérante soutient que le SEAE a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant qu’elle ne remplissait pas les conditions prévues par l’article 98, paragraphe 1, du statut pour participer à l’exercice de rotation 2022.

45      Tout d’abord, la requérante fait valoir qu’elle a été recrutée, au titre de l’exercice de rotation 2019, en tant qu’« agent temporaire auquel s’appliqu[ait] l’article 2, sous e), du [RAA] », ainsi qu’il ressort de l’article 1er de son contrat d’engagement. Dès lors, le SEAE ne pouvait pas remettre en cause un tel statut, lequel avait été acquis contractuellement.

46      Ensuite, la requérante estime que la nature du lien d’appartenance à un service diplomatique national relève de la seule appréciation des États membres. Ainsi, la République portugaise pouvait légitimement considérer que l’expérience acquise dans le domaine diplomatique auprès d’organisations européennes et internationales était assimilable à l’expérience au sein d’un service diplomatique national au sens de l’article 2, sous e), du RAA. C’est d’ailleurs pour cette raison, d’une part, que le ministère des Affaires étrangères portugais a soutenu les candidatures de la requérante lors des exercices de rotation 2019 et 2022 et, d’autre part, qu’il a garanti sa réintégration immédiate au sein de l’administration nationale au terme de sa période d’activité au SEAE. Selon la requérante, une telle garantie lui a conféré le statut de membre actif du service diplomatique national de la République portugaise.

47      Enfin, la requérante soutient que, à supposer même qu’elle ne puisse bénéficier du statut d’agent temporaire au titre de l’article 2, sous e), du RAA, elle devait être considérée, lors de l’exercice de rotation 2022, comme étant un membre du service diplomatique national d’un État membre au sens de l’article 98, paragraphe 1, du statut.

48      Le SEAE conteste cette argumentation.

49      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que l’exercice du pouvoir d’appréciation dont dispose l’administration en matière de nomination ou d’engagement suppose qu’elle examine avec soin et impartialité tous les éléments pertinents de chaque candidature et qu’elle observe consciencieusement les exigences énoncées dans l’avis de vacance correspondant, de sorte qu’elle est tenue d’écarter tout candidat qui ne répond pas à ces exigences. L’avis de vacance constitue, en effet, un cadre légal que l’administration s’impose à elle-même et qu’elle doit respecter rigoureusement (voir arrêt du 18 septembre 2003, Pappas/Comité des régions, T‑73/01, EU:T:2003:237, point 54 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 1er février 2023, TJ/SEAE, T‑365/21, non publié, EU:T:2023:25, point 34 et jurisprudence citée).

50      À cet égard, la fonction de l’avis de vacance est, d’une part, d’informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible sur la nature des conditions requises pour occuper le poste à pourvoir afin de les mettre en mesure d’apprécier s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature et, d’autre part, de fixer le cadre légal au regard duquel l’institution entend procéder à l’examen comparatif des mérites des candidats. Dans ce contexte, tant les conditions générales indiquées dans le sommaire des avis de vacance que les conditions spécifiques indiquées en ce qui concerne le poste concerné constituent les conditions requises au titre de l’avis de vacance (voir arrêt du 1er février 2023, TJ/SEAE, T‑365/21, non publié, EU:T:2023:25, point 35 et jurisprudence citée).

51      De telles considérations sont transposables aux lignes directrices établies par le SEAE, telles que celles visées au point 6 ci-dessus, dont l’objectif est de préciser la procédure et les critères d’admissibilité applicables à un ensemble de postes vacants lors d’un exercice de rotation déterminé (voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2004, Montalto/Conseil, T‑116/03, EU:T:2004:325, point 64 et jurisprudence citée).

52      Compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont dispose l’administration en la matière, le contrôle du Tribunal doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux éléments sur lesquels elle s’est fondée pour formuler son appréciation, l’AHCC s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2019, Duym/Conseil, T‑549/17, non publié, EU:T:2019:72, point 58 et jurisprudence citée).

53      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si, comme le soutient la requérante, les décisions litigieuses sont entachées d’une erreur manifeste d’appréciation.

54      L’article 98, paragraphe 1, premier alinéa, du statut dispose ce qui suit :

« 1. Aux fins de l’article 29, paragraphe 1, [sous] a), lors du pourvoi d’une vacance au SEAE, l’autorité investie du pouvoir de nomination examine les candidatures des fonctionnaires du secrétariat général du Conseil, de la Commission et du SEAE, des agents temporaires auxquels s’applique l’article 2, [sous] e), du régime applicable aux autres agents [de l’Union européenne], et des membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres sans accorder la priorité à l’une ou l’autre de ces catégories […] »

55      Ainsi, l’article 98, paragraphe 1, premier alinéa, du statut identifie trois sources de candidatures pour le personnel du SEAE, lesquelles ont été reprises dans les lignes directrices.

56      En effet, ainsi qu’il a été indiqué au point 7 ci-dessus, il ressort des lignes directrices que les candidats devaient être soit des fonctionnaires des institutions de l’Union, soit des agents temporaires auxquels s’appliquait l’article 2, sous e), du RAA, soit des membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres.

57      Selon la requérante, elle bénéficiait, au stade de l’exercice de rotation 2022, du statut d’agent temporaire auquel s’appliquait l’article 2, sous e), du RAA (ci-après le « premier critère d’admissibilité ») et, en tout état de cause, de celui de membre du service diplomatique national de la République portugaise (ci-après le « second critère d’admissibilité »).

58      Partant, il convient d’examiner si ces critères étaient remplis en l’espèce.

–       S’agissant du premier critère d’admissibilité

59      À titre liminaire, il importe de rappeler que l’AHCC est tenue, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, de respecter toutes les réglementations pertinentes, c’est-à-dire les conditions prévues dans l’avis de vacance, les éventuelles règles de procédure dont cette autorité se serait dotée pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2018, FV/Conseil, T‑639/16 P, EU:T:2018:22, point 46 et jurisprudence citée), mais également l’ensemble des dispositions applicables (voir, en ce sens, arrêt du 6 février 2019, TN/ENISA, T‑461/17, non publié, EU:T:2019:63, point 84 et jurisprudence citée). L’ensemble de ces éléments constitue, ainsi, le cadre légal que l’AHCC doit respecter scrupuleusement (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2018, FV/Conseil, T‑639/16 P, EU:T:2018:22, point 46 et jurisprudence citée).

60      En l’espèce, l’AHCC était donc tenue d’examiner la candidature de la requérante au regard des critères prévus dans les lignes directrices ainsi que, plus généralement, de l’ensemble des dispositions applicables.

61      À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que l’article 27, paragraphe 3, du traité UE dispose ce qui suit :

« [Le SEAE] travaille en collaboration avec les services diplomatiques des États membres et est composé de fonctionnaires des services compétents du secrétariat général du Conseil et de la Commission ainsi que de personnel détaché des services diplomatiques nationaux. L’organisation et le fonctionnement du service européen pour l’action extérieure sont fixés par une décision du Conseil […] »

62      De même, l’article 6, paragraphe 2, de la décision 2010/427 précise que le SEAE est composé de fonctionnaires et d’autres agents de l’Union, y compris des membres du personnel des services diplomatiques des États membres nommés en tant qu’agents temporaires.

63      En outre, l’article 2, sous e), du RAA est libellé comme suit :

« Est considéré comme agent temporaire, au sens du [RAA] :

[…]

e)      le personnel détaché des services diplomatiques nationaux des États membres engagé pour occuper temporairement un poste permanent au SEAE ;

[…] »

64      Il convient, par ailleurs, de souligner que le titre II, chapitre 10, du RAA prévoit des « [d]ispositions spéciales pour les agents temporaires visés à l’article 2, [sous] e), [du RAA] ».

65      Figure, au titre de ces dispositions, l’article 50 ter, paragraphe 1, du RAA, aux termes duquel les membres du personnel des services diplomatiques nationaux des États membres qui ont été sélectionnés dans le cadre de la procédure prévue à l’article 98, paragraphe 1, du statut et qui sont détachés par leurs services diplomatiques nationaux sont engagés en qualité d’agents temporaires en vertu de l’article 2, sous e), du RAA.

66      Enfin, l’article 50 ter, paragraphe 2, du RAA indique que chaque État membre offre à ses fonctionnaires nommés comme agents temporaires au sein du SEAE une garantie de réintégration immédiate au terme de leur période d’activité au SEAE, conformément aux dispositions applicables de sa législation nationale. L’exigence d’une telle garantie, qui doit être fournie par les États membres à leurs fonctionnaires détachés, est rappelée par l’article 6, paragraphe 11, de la décision 2010/427.

67      Il résulte de l’ensemble des dispositions précitées que les agents temporaires engagés sur le fondement de l’article 2, sous e), du RAA sont nécessairement détachés par les services diplomatiques nationaux de leur État membre, ce qui implique l’existence d’un lien d’appartenance à ces services au niveau national.

68      Or, ainsi que le souligne le SEAE, ce lien d’appartenance doit non seulement être préalable au détachement du membre d’un service diplomatique national au sein du SEAE, mais il doit également perdurer durant toute la durée de ce détachement.

69      Il s’ensuit que le défaut de détachement et, partant, d’appartenance au service diplomatique national constituait, au sens de la jurisprudence visée au point 49 ci-dessus, un élément pertinent qui pouvait être pris en considération par l’AHCC dans le cadre de l’examen de la candidature de la requérante.

70      Une telle conclusion est, au demeurant, confirmée par les lignes directrices, dont les critères d’admissibilité faisaient intégralement partie du cadre de légalité s’imposant à l’AHCC.

71      En effet, il ressort des lignes directrices que les candidats qui étaient des agents temporaires auxquels s’appliquait l’article 2, sous e), du RAA devaient, au titre de l’exercice de rotation 2022, remplir un certain nombre de critères d’admissibilité spécifiques.

72      En particulier, il ressort du point 4 desdits critères, lu à la lumière du point 6 de la partie des lignes directrices intitulée « Procédure de candidature », que ces candidats devaient transmettre une attestation confirmant, premièrement, le soutien renouvelé de l’administration de leur État membre pour le poste à pourvoir, deuxièmement, la garantie de réintégration au terme de leur période d’activité au SEAE et, troisièmement, leur service actif au sein de l’administration de leur État membre (voir points 9 et 10 ci-dessus).

73      S’agissant plus particulièrement de cette dernière exigence, relative au « service actif » du candidat au sein de son administration nationale, le SEAE a confirmé, en réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, qu’une telle exigence permettait de s’assurer de l’appartenance continue de ce candidat au service diplomatique national au jour du dépôt de sa candidature.

74      Une telle lecture est confirmée par l’économie générale des lignes directrices, lues à la lumière des dispositions rappelées aux points 61 à 66 ci-dessus, en vertu desquelles les agents temporaires engagés sur le fondement de l’article 2, sous e), du RAA doivent être détachés de leur service diplomatique national.

75      Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que la déclaration du ministère des Affaires étrangères portugais produite par la requérante lors de l’exercice de rotation 2022 n’attestait aucunement qu’elle appartenait au service diplomatique national de cet État membre et qu’elle était donc, lors du dépôt de sa candidature, détachée par ce service.

76      En effet, cette déclaration faisait seulement état, d’une part, du soutien de sa candidature par ce ministère et, d’autre part, de la garantie de réintégration accordée au titre de l’article 6, paragraphe 11, de la décision 2010/427.

77      Par ailleurs, la requérante n’a fourni aucun autre élément qui serait de nature à confirmer qu’elle se trouvait, lors du dépôt de sa candidature, dans une situation de détachement, pourtant requise par l’article 2, sous e), du RAA.

78      Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que l’AHCC a considéré que, nonobstant la conclusion d’un contrat d’engagement sur le fondement de l’article 2, sous e), du RAA, il ne ressortait pas des éléments transmis par la requérante que celle-ci disposait, lors de l’exercice de rotation 2022, d’un lien d’appartenance au service diplomatique de la République portugaise.

79      En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, la conclusion d’un tel contrat n’était pas de nature à pallier l’absence d’un statut de droit national, à savoir celui de membre du service diplomatique d’un État membre. Elle ne pouvait donc tirer argument de la seule conclusion de ce contrat pour se prévaloir de l’admissibilité de sa candidature au titre de l’exercice de rotation 2022.

80      Ainsi, en adoptant les décisions litigieuses, l’AHCC s’est conformée au cadre de légalité applicable, en vertu duquel elle était tenue d’écarter tout candidat qui ne répondait pas aux critères définis pour pourvoir aux postes litigieux (voir point 49 ci-dessus).

81      Il découle de tout ce qui précède que les décisions litigieuses, en ce qu’elles ont constaté que la requérante ne remplissait pas le premier critère d’admissibilité, ne sont entachées d’aucune erreur manifeste d’appréciation.

–       S’agissant du second critère d’admissibilité

82      La requérante soutient que, à supposer même qu’elle ne bénéficie pas du statut d’agent temporaire auquel l’article 2, sous e), du RAA s’appliquait, elle pouvait néanmoins se prévaloir, au titre de l’exercice de rotation 2022, de la qualité de membre du personnel du service diplomatique de la République portugaise.

83      À cet égard, il suffit de rappeler que les candidats membres des services diplomatiques nationaux des États membres devaient, en vertu des critères d’admissibilité spécifiques visés au point 11 ci-dessus, joindre à leur candidature une déclaration délivrée par leur ministère des Affaires étrangères confirmant, notamment, leur appartenance à un service diplomatique national.

84      Or, ainsi qu’il a été souligné aux points 75 et 76 ci-dessus, le contenu de la déclaration délivrée le 9 septembre 2021 par le ministère des Affaires étrangères portugais ne faisait aucunement état de l’appartenance de la requérante au service diplomatique de cet État.

85      Partant, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que l’AHCC a considéré que la candidature de la requérante ne remplissait pas le second critère d’admissibilité, dans la mesure où son appartenance au service diplomatique national de la République portugaise n’avait pas été établie.

86      Une telle conclusion n’est pas, contrairement à ce que prétend la requérante, susceptible d’être remise en cause par les deux arguments suivants.

87      En premier lieu, la requérante soutient que la garantie de réintégration délivrée par le ministère des Affaires étrangères portugais conformément à l’article 6, paragraphe 11, de la décision 2010/427 lui conférait un statut de membre actif du service diplomatique national de cet État.

88      Cependant, il y a lieu de souligner que l’attestation d’appartenance à un service diplomatique national et la garantie de réintégration constituent deux critères d’admissibilité distincts au titre des lignes directrices (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2023, TJ/SEAE, T‑365/21, non publié, EU:T:2023:25, point 47).

89      Dès lors, l’appartenance de la requérante au service diplomatique de la République portugaise ne saurait être inférée de la seule garantie de réintégration. Le premier argument doit donc être écarté.

90      En second lieu, la requérante fait valoir que les fonctions diplomatiques qu’elle a précédemment exercées au sein d’organisations européennes et internationales devaient être assimilées à l’expérience acquise au sein du service diplomatique national d’un État membre. Lors de l’audience, elle s’est plus particulièrement fondée sur le point 45 de l’arrêt du 1er février 2023, TJ/SEAE (T‑365/21, non publié, EU:T:2023:25), pour soutenir que son appartenance au service diplomatique national portugais pouvait, en pratique, être déduite de l’exercice de telles fonctions.

91      À cet égard, premièrement, il y a lieu de rappeler que, s’agissant d’une argumentation tirée de ce que l’AHCC a commis une erreur manifeste d’appréciation en négligeant l’expérience spécifique de la requérante au regard du poste à pourvoir, lorsqu’une telle expérience spécifique ne constitue pas une condition de l’avis de vacance, celle-ci ne saurait jouer un rôle dans l’existence ou non d’une erreur manifeste d’appréciation dans les décisions litigieuses (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2012, da Silva Tenreiro/Commission, F‑120/11, EU:F:2012:153, point 35 et jurisprudence citée).

92      En outre, il convient de souligner que les dispositions du statut et du RAA, qui ont pour seule finalité de réglementer les relations juridiques entre les institutions et leurs fonctionnaires et agents, en établissant des droits et des obligations réciproques, comportent une terminologie précise dont l’extension par analogie à des cas non visés de façon explicite est exclue (voir, en ce sens, ordonnance du 12 novembre 2008, Dominguez González/Commission, F‑88/07, EU:F:2008:141, point 72 et jurisprudence citée, et arrêt du 21 juillet 2016, Pinto Ferreira/Commission, F‑127/15, EU:F:2016:168, point 28 et jurisprudence citée).

93      Or, il y a lieu d’observer que tant l’article 98, paragraphe 1, du statut que l’article 2, sous e), du RAA font référence aux services diplomatiques « nationaux » des États membres. De surcroît, l’article 27, paragraphe 3, du traité UE indique que le SEAE est notamment composé de personnel détaché des « services diplomatiques nationaux » et le considérant 11 de la décision 2010/427 se réfère également au personnel « provenant des services diplomatiques des États membres ».

94      Deuxièmement, en ce qui concerne la référence au point 45 de l’arrêt du 1er février 2023, TJ/SEAE (T‑365/21, non publié, EU:T:2023:25), il suffit de relever que l’argument de la requérante procède d’une lecture partielle et erronée de ce point.

95      En effet, le Tribunal s’est borné à appliquer la réglementation nationale en cause dans ce litige, selon laquelle un membre de la gendarmerie détaché auprès d’une délégation de l’Union européenne ou d’une autre organisation internationale est considéré, lors de sa nomination, comme faisant partie du service national des Affaires étrangères (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2023, TJ/SEAE, T‑365/21, non publié, EU:T:2023:25, points 44 et 45). Aucune conclusion générale ne saurait donc en être déduite s’agissant de la présente affaire et, notamment, de l’organisation du service diplomatique national portugais.

96      Partant, le second argument de la requérante, tiré de l’absence de prise en compte, par l’AHCC, de son expérience diplomatique acquise en dehors d’un service diplomatique national d’un État membre, doit être écarté.

97      Par conséquent, l’AHCC n’a pas outrepassé les limites de son pouvoir d’appréciation en estimant que la requérante ne remplissait pas le second critère d’admissibilité.

98      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’AHCC, en adoptant les décisions litigieuses, n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation dans l’application de l’article 98, paragraphe 1, du statut. Il convient donc d’écarter la première illégalité invoquée par la requérante.

 Sur la deuxième illégalité, tirée d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

99      La requérante soutient qu’elle a fondé des espérances légitimes quant à la nature de la relation contractuelle qu’elle entretenait avec le SEAE depuis le 1er septembre 2019. En particulier, elle estime que les caractéristiques de la procédure de nomination, l’importance du poste de [confidentiel] et la signature d’un contrat d’engagement avec le SEAE constituaient autant d’éléments confortant la légitimité desdites espérances. Elle se réfère également à la pratique constante du SEAE, selon laquelle il appartenait aux seuls États membres d’interpréter la notion de personnel détaché des services diplomatiques nationaux des États membres. Or, en adoptant les décisions litigieuses, le SEAE aurait retiré rétroactivement les effets de son contrat d’engagement et, partant, fait obstacle à toute éventualité de renouvellement dudit contrat.

100    Par ailleurs, la requérante estime qu’elle aurait pu être recrutée sur le fondement de l’article 98, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, lequel permet, dans des cas exceptionnels, de recruter du personnel d’appui technique de niveau « Administrateur » (AD) nécessaire au bon fonctionnement du SEAE.

101    Le SEAE conteste les arguments de la requérante.

102    Il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence bien établie, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 16 mars 2022, Kühne/Parlement, T‑468/20, non publié, EU:T:2022:137, point 153 et jurisprudence citée) et, s’agissant d’un rapport d’emploi avec une institution, aux dispositions du statut ou du RAA [voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 1990, Chomel/Commission, T‑123/89, EU:T:1990:24, points 28 et 30 et jurisprudence citée, et du 15 décembre 2021, HG/Commission, T‑693/16 P RENV‑RX, EU:T:2021:895, point 268 (non publié) et jurisprudence citée]. Ces conditions étant cumulatives, le non‑respect de l’une d’entre elles suffit pour faire obstacle au droit à la protection de la confiance légitime (ordonnance du 30 juin 2016, Kaufmann/Commission, F‑69/15, EU:F:2016:140, point 53).

103    En l’espèce, ainsi qu’il ressort de l’analyse figurant aux points 59 à 98 ci-dessus, il suffit de relever que, à supposer même que des assurances précises, inconditionnelles et concordantes aient été fournies à la requérante, de telles assurances n’auraient pas été conformes aux normes applicables et, en particulier, au cadre légal qui s’imposait en l’espèce à l’AHCC (voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2016, Montagut Viladot/Commission, T‑696/14 P, EU:T:2016:30, point 45 ; voir également, par analogie, ordonnance du 3 mai 2007, Bracke/Commission, F‑123/05, EU:F:2007:76, point 74).

104    Par ailleurs, quant à l’argument de la requérante tiré, d’une part, de l’existence d’une pratique constante du SEAE (voir point 99 ci-dessus), il importe de rappeler qu’une pratique contraire aux dispositions du statut ne peut créer une confiance légitime dont la requérante pourrait se prévaloir (voir, en ce sens, arrêt du 28 octobre 1999, Cotrim/Cedefop, T‑180/98, EU:T:1999:274, point 34 et jurisprudence citée).

105    D’autre part, concernant la possibilité de recourir à l’article 98, paragraphe 1, deuxième alinéa, du statut, il suffit de relever que, ainsi que le souligne le SEAE, le recours à cette disposition n’est prévu que dans des cas exceptionnels et sous réserve d’avoir épuisé les possibilités de recrutement visées à l’article 98, paragraphe 1, premier alinéa, du statut.

106    Par conséquent, en adoptant les décisions litigieuses, l’AHCC n’a pas violé le principe de protection de la confiance légitime. La deuxième illégalité invoquée par la requérante doit donc être écartée.

 Sur la troisième illégalité, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement

107    La requérante fait valoir que certaines pratiques en vigueur au SEAE méconnaissent le principe d’égalité de traitement. En substance, elle lui reproche de ne pas avoir remis en cause le statut d’autres agents qui se trouvaient, pourtant, dans une situation identique à la sienne. Au soutien d’une telle allégation, elle cite plus précisément la situation d’un agent déterminé du SEAE.

108    Le SEAE conteste cette argumentation.

109    Il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 16 octobre 2019, Palo/Commission, T‑432/18, EU:T:2019:749, point 37 et jurisprudence citée).

110    Cependant, il découle d’une jurisprudence constante que le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le respect de la légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui. En effet, une telle approche équivaudrait à consacrer le principe de « l’égalité de traitement dans l’illégalité » (voir arrêt du 16 octobre 2019, Palo/Commission, T‑432/18, EU:T:2019:749, point 38 et jurisprudence citée). Or, il ne saurait y avoir d’égalité dans l’illégalité, dès lors que le principe de non-discrimination ne saurait fonder aucun droit à l’application non discriminatoire d’un traitement illégal (voir arrêt du 1er juillet 2010, Časta/Commission, F‑40/09, EU:F:2010:74, point 89 et jurisprudence citée).

111    Il en résulte que la requérante ne saurait tirer argument d’un acte illégal qui favoriserait un autre agent du SEAE afin d’obtenir un bénéfice identique à son profit (voir, en ce sens, arrêt du 1er décembre 2021, HC/Commission, T‑804/19, non publié, EU:T:2021:849, point 118 et jurisprudence citée).

112    Ainsi, à supposer même qu’une illégalité ait été commise par le SEAE à l’égard d’un autre agent, il découle de la jurisprudence citée au point 110 ci-dessus que la requérante n’est pas fondée à invoquer, à son profit, une telle illégalité.

113    Il résulte de ce qui précède que l’AHCC n’a pas violé le principe d’égalité de traitement en adoptant les décisions litigieuses. La troisième illégalité doit donc être écartée.

 Sur la quatrième illégalité, tirée d’un détournement de pouvoir

114    La requérante fait valoir, en substance, que les décisions litigieuses ont été adoptées dans le but de mettre un terme à son contrat d’engagement, afin de s’affranchir du respect de ses droits. En particulier, lesdites décisions auraient été adoptées en raison de l’issue incertaine de la procédure disciplinaire ouverte à son égard, qui ne permettait pas de garantir son exclusion du SEAE.

115    Le SEAE conteste cette argumentation.

116    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir a une portée bien précise qui se réfère à l’usage par une autorité administrative de ses pouvoirs dans un but autre que celui dans lequel ils lui ont été conférés. Ainsi, un détournement de pouvoir n’est réputé exister et affecter la présomption de légalité dont bénéficie l’acte d’une AHCC que s’il est prouvé que, en adoptant l’acte litigieux, cette dernière a poursuivi un but autre que celui visé par la réglementation en cause ou s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, que l’acte en question a été pris pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir, en ce sens, arrêts du 20 octobre 2021, ZU/Commission, T‑671/18 et T‑140/19, non publié, EU:T:2021:715, point 295 et jurisprudence citée, et du 14 décembre 2022, TM/BCE, T‑440/21, non publié, EU:T:2022:800, point 82 et jurisprudence citée).

117    À cet égard, il ne suffit pas d’invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions, il convient encore de fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance, à défaut de quoi l’exactitude matérielle des affirmations de l’institution en cause ne saurait être remise en cause (voir arrêt du 20 octobre 2021, ZU/Commission, T‑671/18 et T‑140/19, non publié, EU:T:2021:715, point 295 et jurisprudence citée).

118    Ainsi, l’appréciation globale des indices de détournement de pouvoir ne saurait reposer sur de simples allégations ou sur des indices insuffisamment précis ou qui ne sont ni objectifs ni pertinents (voir arrêt du 14 décembre 2022, TM/BCE, T‑440/21, non publié, EU:T:2022:800, point 84 et jurisprudence citée).

119    En l’espèce, il suffit de relever que les arguments de la requérante consistent en des allégations qui ne sont étayées par aucun élément susceptible de prouver que, en adoptant les décisions litigieuses, l’AHCC aurait utilisé ses pouvoirs pour atteindre un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Il en va d’autant plus ainsi au vu des considérations exposées aux points 49 à 98 ci-dessus, dont il découle que lesdites décisions ne sont entachées d’aucune erreur manifeste d’appréciation.

120    En particulier, la requérante n’explique pas en quoi la procédure disciplinaire ouverte à son égard aurait pu influencer le sens des décisions litigieuses. Elle se borne, notamment, à indiquer que l’AHCC a adopté ces décisions après avoir « sans doute » réalisé que cette procédure ne permettait « probablement pas d’arriver à ses fins », à savoir son exclusion du SEAE.

121    Par conséquent, la requérante ne fournit, au sens de la jurisprudence citée au point 117 ci-dessus, aucun indice suffisamment précis, objectif et concordant permettant de conclure à l’existence d’un détournement de pouvoir qui aurait été commis par l’AHCC en adoptant les décisions litigieuses. La quatrième illégalité doit donc être écartée.

122    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’aucune des illégalités invoquées par la requérante ne saurait être retenue à l’égard du SEAE.

123    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande indemnitaire, sans qu’il soit par ailleurs nécessaire d’examiner les deux autres conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union, à savoir la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité.

124    Il convient, par conséquent, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

125    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

126    En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du SEAE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      SB est condamnée aux dépens.

Truchot

Kanninen

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.