Language of document : ECLI:EU:T:2023:798

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

13 décembre 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale A’PEAL – Marque nationale verbale antérieure APIRETAL – Motifs relatifs de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Absence de lien entre les marques en cause – Absence d’atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑56/23,

Laboratorios Ern, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Me R. Guerras Mazón, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme L. Lapinskaitė et M. D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Ahlberg-Dollarstore AB, établie à Kista (Suède),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, MM. R. Norkus et W. Valasidis, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Laboratorios Ern, SA, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 15 novembre 2022 (affaire R 911/2022-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 12 novembre 2020, Ahlberg-Dollarstore AB a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal A’PEAL.

3        La marque demandée désignait les produits relevant des classes 3 et 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Produits de toilette ; préparations de nettoyage corporel et de soins de beauté ; savons et gels ; produits cosmétiques pour le bain ; préparations et traitements capillaires ; produits pour le soin de la peau, des yeux et des ongles ; huiles essentielles et extraits aromatiques ; préparations nettoyantes et parfumantes » ;

–        classe 5 : « Préparations et articles d’hygiène ; savons et détergents désinfectants et médicinaux ; désinfectants et antiseptiques ».

4        Le 17 février 2021, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée, notamment, sur la marque espagnole verbale antérieure APIRETAL, déposée le 18 octobre 1979 et enregistrée le 16 février 1981 sous le numéro 921669 pour les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Préparations pharmaceutiques et vétérinaires ; substances diététiques à usage médical ; matériel pour pansements ; désinfectants, insecticides et pesticides ».

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 8 avril 2022, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

8        Le 24 mai 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. En ce qui concerne le motif relatif de refus prévu à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a considéré que, en dépit de l’identité ou de la similitude des produits désignés par les marques en conflit, et du caractère distinctif accru de la marque antérieure, les signes en cause étaient similaires à un degré si faible que tout risque de confusion aux yeux du public pertinent serait exclu. En ce qui concerne le motif relatif de refus d’enregistrement prévu à l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement, la chambre de recours a estimé que, bien que la marque antérieure jouisse d’une renommée en ce qui concerne les médicaments antipyrétiques, les signes en conflit étaient similaires à un degré si faible que le public pertinent n’établirait pas de lien entre les deux marques, si bien que l’atteinte à la renommée de la marque antérieure n’était pas établie.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter la demande d’enregistrement ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

 En droit

12      La requérante invoque en substance deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, le second, de celle de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

13      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement 2017/1001, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

14      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent, le territoire pertinent et la comparaison des produits

15      En l’espèce, la chambre de recours a relevé dans la décision attaquée que le risque de confusion devait être apprécié au regard du public le moins attentif, c’est-à-dire le grand public, dont le niveau d’attention peut varier de moyen, s’agissant de certains produits relevant de la classe 3, susceptibles d’être utilisés quotidiennement, à supérieur à la moyenne, s’agissant de certains produits relevant de la classe 5, susceptibles d’avoir une incidence directe sur la santé humaine.

16      La chambre de recours a également relevé que, la marque antérieure étant une marque espagnole, il y avait lieu de considérer que le territoire pertinent pour l’appréciation du risque de confusion était l’Espagne. S’agissant de la comparaison des produits, la chambre de recours a fait siennes, dans la décision attaquée, les appréciations de la division d’opposition selon lesquelles les produits désignés par les marques en conflit étaient identiques, similaires, ou, à tout le moins, faiblement similaires.

17      Il n’y a pas lieu de remettre en cause ces appréciations, au demeurant non contestées par la requérante.

 Sur la comparaison des signes

18      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

19      Sur le plan visuel, la chambre de recours a estimé que les signes en conflit, bien qu’ils coïncident par leur première lettre, « a », et leurs deux dernières, « a » et « l », présentaient un très faible degré de similitude sur le plan visuel.

20      La requérante fait valoir que les signes en conflit commencent tous deux par la lettre « a », suivie de la lettre « p », et se terminent tous deux par la lettre « l ». Les signes en conflit présenteraient ainsi un degré élevé de similitude sur le plan visuel.

21      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

22      La requérante est, certes, fondée à soutenir que, contrairement à l’appréciation figurant au point 30 de la décision attaquée, les lettres « a », « p », « e », « a », et « l » sont présentes dans le même ordre dans les deux signes en conflit. Cependant, cette seule circonstance ne saurait suffire pour considérer que le degré de similitude visuelle entre les signes en conflit est élevé.

23      En effet, comme l’a constaté la chambre de recours, les signes en conflit sont composés, l’un, de cinq lettres et, l’autre, de huit lettres. Ainsi, les lettres « a », « p », « e », « a » et « l », dont la suite compose le signe A’PEAL, est interrompue, dans le signe APIRETAL, par la présence des lettres « i » et « r » entre les lettres « p » et « e » et par celle de la lettre « t » entre les lettres « e » et « a ». Dans le signe A’PEAL, de plus, les lettres « a » et « p » sont séparées par une apostrophe, si bien que la requérante n’est pas fondée à soutenir que les deux premiers caractères de chacun des signes sont identiques. De plus, en raison de la plus grande longueur du signe APIRETAL, mise à part la première lettre commune « a », leslettres communes aux deux signes n’occupent pas la même position. En outre, l’apostrophe, dont il n’est pas contesté qu’il s’agit d’un signe rare en espagnol, sera vraisemblablement remarquée par le public pertinent. Sa présence décomposera visuellement le signe A’PEAL en deux parties (« a » et « peal »), alors que le signe APIRETAL sera, quant à lui, perçu comme un seul mot. Dès lors, ainsi que la chambre de recours l’a relevé à juste titre, les signes en conflit présentent, sur le plan visuel, un très faible niveau de similitude.

24      À cet égard, la requérante ne saurait utilement faire valoir les conclusions de la division d’opposition de l’EUIPO dans la décision du 10 février 2020, AMISAN/AMINOSAN (affaire B 2 926 916) lesquelles concernent l’appréciation portée sur la similitude visuelle entre deux marques dans le cadre d’une situation factuelle bien distincte, les signes comparés dans cette affaire ne différant que par l’adjonction d’une syllabe médiane.

25      Sur le plan phonétique, la chambre de recours a considéré que, même en retenant la prononciation du signe A’PEAL la plus favorable à la requérante, à savoir « a-pil », celle-ci différerait de la prononciation du signe APIRETAL par le nombre de syllabes, le rythme et l’intonation, si bien que les deux signes présenteraient un très faible degré de similitude.

26      Selon la requérante, au contraire, les signes en conflit présentent un degré de similitude élevé sur le plan phonétique. Elle fait valoir que la prononciation des deux premières syllabes, « a » et « pi », et de la fin de la dernière syllabe, « al », dans les deux signes, est identique. En outre, les consommateurs auraient généralement tendance à se concentrer sur le début des signes lorsqu’ils perçoivent une marque.

27      Cependant, la requérante n’avance aucun élément de nature à remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le nombre de syllabes, le rythme et l’intonation diffèrent dans la prononciation des signes en conflit. Au demeurant, à supposer même que, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, il soit vraisemblable que le public espagnol prononce le signe A’PEAL en trois syllabes, « a », « pe » et « al », les différences relevées par la chambre de recours seraient encore accrues, puisque seule la première syllabe des deux signes serait alors identique. Il convient donc de considérer que les signes en conflit présentent un très faible degré de similitude sur le plan phonétique.

28      Enfin, la requérante ne conteste pas la constatation de la chambre de recours selon laquelle, les signes en conflit étant dépourvus de toute signification spécifique pour le public espagnol, leur comparaison sur le plan conceptuel n’est pas possible [voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 2017, Novartis/EUIPO – Meda (Zymara), T‑214/15, non publié, EU:T:2017:637, point 149, et du 5 octobre 2017, Forest Pharma/EUIPO – Ipsen Pharma (COLINEB), T‑36/17, non publié, EU:T:2017:690, point 96].

 Sur le risque de confusion

29      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

30      Ainsi qu’il découle du considérant 11 du règlement 2017/1001, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 20).

31      En l’espèce, la chambre de recours a estimé, dans la décision attaquée, que le très faible niveau de similitude visuelle et phonétique entre les signes excluait tout risque de confusion ou d’association, et ce en dépit de l’identité ou de la similitude des produits. Pour parvenir à cette appréciation, la chambre de recours a tenu compte du caractère distinctif accru de la marque antérieure, mais elle a néanmoins considéré que celui-ci ne l’emportait pas sur les différences frappantes entre les signes.

32      La requérante fait valoir qu’elle approuve les appréciations relatives à l’identité ou à la similitude des produits désignés par les marques en conflit retenues par la chambre de recours dans la décision attaquée. Dès lors, et compte tenu de la similitude des signes et du fait que le consommateur ne retient qu’une image imparfaite des marques, celui-ci serait conduit à penser que ces produits ont la même origine commerciale, contrairement à ce qu’aurait estimé la chambre de recours.

33      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

34      Compte tenu des appréciations du Tribunal qui précèdent, eu égard au degré d’attention du public pertinent, malgré l’identité ou la similitude des produits désignés par les marques en conflit et en dépit de l’appréciation non contestée de la chambre de recours relative au caractère distinctif accru de la marque antérieure pour les produits antipyrétiques, qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause, il découle du très faible degré de similitude entre les signes sur les plans visuel et phonétique que la chambre de recours a pu estimer, sans commettre d’erreur d’appréciation, qu’il n’existait pas de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

35      À cet égard, il y a également lieu de relever, à l’instar de l’EUIPO, que l’identité a été constatée entre les produits visés par la marque demandée relevant de la classe 5 et les désinfectants couverts par la marque antérieure, pour lesquels l’existence d’une renommée ou le caractère distinctif accru par l’usage n’a pas été établi. Quant aux produits visés par la marque demandée relevant de la classe 3, ceux-ci n’ont, à juste titre, été qualifiés que de similaires, voire faiblement similaires, aux produits couverts par la marque antérieure.

36      Il s’ensuit que le premier moyen invoqué par la requérante doit être écarté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001

37      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union européenne ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

38      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêt du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, points 34 et 35 ; voir, également, arrêt du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 29 et jurisprudence citée].

39      L’existence d’un lien entre les marques en conflit doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Parmi ces facteurs peuvent être cités : le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public (voir arrêt du 26 juillet 2017, Staatliche Porzellan-Manufaktur Meissen/EUIPO, C‑471/16 P, non publié, EU:C:2017:602, point 52 et jurisprudence citée).

40      Dans la décision attaquée, dans un premier temps, la chambre de recours a estimé que la renommée de la marque antérieure pour les « produits pharmaceutiques antithermiques », à savoir ceux destinés à prévenir ou à lutter contre la fièvre, ne pouvait être niée. Cette seule circonstance, néanmoins, a été considérée comme insuffisante pour permettre au public pertinent d’établir un lien entre les marques en conflit.

41      La requérante fait valoir que la marque antérieure jouit d’une grande renommée et se réfère notamment à un rapport d’une société d’étude de marchés et à une déclaration sur l’honneur de son directeur général en date du 1er juin 2021, qu’elle a joints en annexe à la requête.

42      Il convient de constater que la chambre de recours, en se fondant sur les preuves produites par la requérante, a considéré que la division d’opposition avait estimé à tort que la marque antérieure ne bénéficiait pas d’une certaine renommée pour les produits antipyrétiques. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation.

43      De plus, il convient de constater que, si elle soutient que la marque antérieure a acquis une « grande renommée » pour les produits antipyrétiques, la requérante, en revanche, ne conteste pas expressément l’appréciation de la chambre de recours relative à la renommée de la marque antérieure et ne critique aucun des points de la décision attaquée relatifs à cette appréciation.

44      À supposer toutefois que, par la production devant le Tribunal d’une déclaration sous serment de son directeur général en date du 1er juin 2021 ainsi que d’un certificat de la chambre officielle de commerce, d’industrie et de transport maritime de Barcelone (Espagne) du 10 juin 2021, la requérante cherche à établir que la chambre de recours a sous-estimé l’intensité de la renommée de la marque antérieure, force est de constater, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, qu’elle n’a pas présenté ces éléments de preuve devant la chambre de recours. Or, les preuves produites pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarées irrecevables, sans qu’il soit nécessaire de les examiner [voir arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée].

45      Dans un deuxième temps, la chambre de recours a rappelé que, afin de satisfaire à la condition tenant à l’existence d’une similitude entre les marques au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, il suffisait que le degré de similitude entre la marque renommée antérieure et la marque demandée soit suffisant pour que le public pertinent établisse un lien entre elles, même sans les confondre. À cet égard, la chambre de recours a repris les éléments de la comparaison entre les signes effectuée dans le cadre de l’application de l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement.

46      Ainsi qu’il résulte de l’examen du premier moyen, c’est à juste titre que la chambre de recours a exclu tout risque de confusion en l’espèce. Pour autant, ainsi que l’a indiqué également à juste titre la chambre de recours, il n’en résulte pas que le public pertinent, même sans confondre les marques en cause, soit incapable d’établir un lien entre les marques au sens de la jurisprudence citée.

47      Ainsi, dans un troisième temps, la chambre de recours a considéré que, malgré l’identité ou la similitude des produits et la renommée de la marque antérieure, le niveau de similitude entre les signes était si faible que l’éventualité d’un lien établi par le public pertinent entre les marques en conflit présenterait un caractère exclusivement spéculatif.

48      Il convient, à cet égard, de rappeler, ainsi qu’il a été relevé aux points 34 et 35 ci-dessus, que les produits désignés par la marque demandée relevant de la classe 5 ont été considérés comme identiques aux désinfectants, pour lesquels la marque antérieure ne jouit d’aucune renommée particulière. En outre, ils présentent tout au plus un lien ténu avec les produits pharmaceutiques antipyrétiques, seuls produits pour lesquels la renommée de la marque antérieure a été établie. Quant aux produits désignés par la marque demandée relevant de la classe 3, ils ont été considérés non comme identiques, mais comme similaires ou faiblement similaires aux produits pharmaceutiques et vétérinaires couverts par la marque antérieure, notion plus générale que celle de produits pharmaceutiques antipyrétiques, et pour laquelle la renommée de la marque antérieure n’a pas été établie. Par ailleurs, il résulte de l’examen du premier moyen que les signes en cause présentent entre eux un très faible degré de similitude. Partant, en dépit de la renommée de la marque antérieure en ce qui concerne les produits pharmaceutiques antipyrétiques, la requérante n’est pas fondée à soutenir que le public pertinent établira un lien entre les marques en conflit, au sens de la jurisprudence rappelée au point 39 ci-dessus.

49      Enfin, dans un quatrième temps, la chambre de recours a considéré que, dès lors que le public pertinent n’établirait pas de lien entre les marques en conflit, l’usage de la marque demandée ne serait pas susceptible de permettre à son titulaire de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porter préjudice.

50      À cet égard, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, que, en l’absence de tout lien établi par le public pertinent entre les marques en conflit au sens de la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus, la condition relative au profit indûment tiré de l’usage de la marque demandée ne pouvait être remplie. En outre, force est de constater que la requérante n’a, à aucun moment de la procédure devant l’EUIPO, fourni de précisions ni de commencements de preuve de nature à établir que les atteintes alléguées au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure présentent un caractère autre que purement hypothétique et non circonstancié.

51      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, et, par voie de conséquence, de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par l’EUIPO à l’égard du chef de conclusions de la requête visant au rejet de la demande d’enregistrement.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas de convocation à une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Laboratorios Ern, SA et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supporteront leurs propres dépens.

Marcoulli

Norkus

Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais