Language of document : ECLI:EU:C:2023:814

ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

26 octobre 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Litige au principal devenu sans objet – Non‑lieu à statuer »

Dans l’affaire C‑610/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Pistoia (tribunal de Pistoia, Italie), par décision du 27 août 2022, parvenue à la Cour le 23 septembre 2022, dans la procédure

QX

contre

Agos Ducato SpA,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. N. Wahl, faisant fonction de président de chambre, M. J. Passer et Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), juges,

avocat général : M. A. M. Collins,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour QX, par Me M. C. Mereu, avvocata,

–        pour Agos Ducato SpA, par Mes A. Cogoni, M. Malavasi, M. Pappalardo, R. Perrone et A. Rescigno, avvocati,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. M. Cherubini, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par Mmes G. Goddin et D. Recchia, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 14, paragraphe 2, de la directive 87/102/CEE du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (JO 1987, L 42, p. 48), telle que modifiée par la directive 98/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998 (JO 1998, L 101, p. 17) (ci-après la « directive 87/102 »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant QX, un consommateur, à Agos Ducato SpA au sujet d’une demande visant à faire constater la nullité des clauses d’un contrat de crédit relatives aux frais à la charge du consommateur, en raison du caractère erroné de l’indication, dans ce contrat, du taux annuel effectif global (TAEG).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les neuvième et vingt-cinquième considérants de la directive 87/102 énonçaient :

« considérant que le consommateur devrait recevoir des informations adéquates sur les conditions et le coût du crédit, ainsi que sur ses obligations ; que ces informations devraient comporter, notamment, le [TAEG] afférent au crédit ou, à défaut, le montant total que le consommateur est tenu de payer au titre du crédit ; que, en attendant une décision sur la ou les méthode(s) communautaire(s) de calcul du taux annuel effectif global, les États membres devraient être en mesure de continuer d’appliquer les méthodes ou pratiques existantes pour le calcul de ce taux, ou, à défaut, devraient fixer des dispositions pour indiquer le coût total du crédit à la consommation ;

[...]

considérant que si la présente directive prévoit un certain rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives au crédit à la consommation ainsi qu’un certain niveau de protection du consommateur, elle ne doit pas empêcher les États membres de maintenir ou d’adopter des mesures plus strictes pour la protection des consommateurs dans le respect des obligations qui leur incombent au titre du traité ».

4        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

d)      “coût total du crédit au consommateur” : tous les coûts, y compris les intérêts et les autres frais, que le consommateur est tenu de payer pour le crédit ;

e)      “[TAEG]” : le coût total du crédit au consommateur exprimé en pourcentage annuel du montant du crédit consenti, et calculé conformément à l’article 1er bis. »

5        L’article 1er bis de ladite directive prévoyait :

« 1.      a      Le [TAEG], qui rend égales, sur une base annuelle, les valeurs actuelles de l’ensemble des engagements (prêts, remboursements et charges) existants ou futurs, pris par [le] prêteur et par le consommateur, est calculé selon la formule mathématique exposée à l’annexe II.

[...]

2.      Afin de calculer le [TAEG], on détermine le coût total du crédit au consommateur, tel que défini à l’article 1er paragraphe 2 point d), à l’exception des frais suivants :

[...]

4.      a.      Le [TAEG] est calculé au moment de la conclusion du contrat de crédit, sans préjudice des dispositions de l’article 3 relatives aux annonces et offres publicitaires.

[...]

[...] »

6        L’article 3 de la même directive disposait :

« Sans préjudice de la directive 84/450/CEE du Conseil du 10 septembre 1984 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de publicité trompeuse [(JO 1984, L 250, p. 17), telle que modifiée par la directive 97/55/CE du Parlement et du Conseil, du 6 octobre 1997 (JO 1997, L 290, p. 18)], ainsi que des règles et principes applicables à la publicité déloyale, toute publicité, ou toute offre affichée dans des locaux commerciaux, par laquelle une personne se déclare prête à octroyer un crédit ou à servir d’intermédiaire pour la conclusion de contrats de crédit et qui indique le taux d’intérêt ou tout autre chiffre portant sur le coût du crédit, doit également indiquer le [TAEG], au moyen d’un exemple représentatif s’il n’est pas possible d’utiliser d’autres méthodes. »

7        L’article 4 de la directive 87/102 énonçait :

« 1.      Les contrats de crédit sont établis par écrit. Le consommateur reçoit un exemplaire du contrat écrit.

2.      Le contrat écrit contient :

a)      une indication du [TAEG] ;

b)      une indication des conditions dans lesquelles le [TAEG] peut être modifié ;

[...]

d)      un relevé des éléments de coût visés à l’article 1er bis paragraphe 2, à l’exception des frais liés au non-respect des obligations contractuelles, qui ne sont pas compris dans le calcul du [TAEG] mais qui incombent au consommateur dans certaines conditions, ainsi qu’une liste précisant ces conditions. Si le montant exact de ces composantes est connu, il est indiqué ; sinon, soit une méthode de calcul, soit une estimation la plus réaliste possible doit être fournie, lorsque cela est possible.

[...] »

8        L’article 14 de cette directive était libellé comme suit :

« 1.      Les États membres veillent à ce que les contrats de crédit ne dérogent pas, au détriment du consommateur, aux dispositions de droit national qui mettent en application la présente directive ou qui lui correspondent.

2.      Les États membres veillent ou outre à ce que les dispositions qu’ils adoptent pour la mise en application de la présente directive ne puissent être tournées par des formes particulières données aux contrats, notamment par une répartition du montant du crédit sur plusieurs contrats. »

9        L’article 15 de ladite directive prévoyait :

« La présente directive n’empêche pas les États membres de maintenir ou d’adopter des dispositions plus strictes pour la protection des consommateurs, compte tenu des obligations qui leur incombent au titre du traité. »

10      Conformément à l’article 29 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO 2008, L 133, p. 66, et rectificatif JO 2009, L 207, p. 14), la directive 87/102 a été abrogée avec effet au 11 juin 2010.

11      Aux termes de l’article 27, paragraphe 1, de la directive 2008/48 :

« Les États membres adoptent et publient avant le 11 juin 2010 les dispositions nécessaires pour se conformer à la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission [européenne].

Ils appliquent ces dispositions à partir du 11 juin 2010.

[...] »

12      L’article 30, paragraphe 1, de cette directive dispose :

« La présente directive ne s’applique pas aux contrats de crédit en cours à la date d’entrée en vigueur des mesures nationales de transposition. »

 Le droit italien

13      Aux termes de l’article 124 du decreto legislativo n. 385 – Testo unico delle leggi in materia bancaria e creditizia (décret législatif no 385, portant texte unique des lois en matière bancaire et de crédit), du 1er septembre 1993 (GURI nº 230, du 30 septembre 1992, supplément ordinaire à la GURI nº 92), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « décret législatif nº 385/1993 ») :

« [...]

2.      Les contrats de crédit à la consommation indiquent :

[...]

c)      le TAEG ;

[...]

5.      En cas d’absence ou de nullité de clauses contractuelles, ces dernières sont remplacées de droit selon les critères suivants :

a)      le TAEG équivaut au taux nominal minimal des bons du Trésor à intérêts annuels ou d’autres titres similaires désignés le cas échéant par le ministre de l’Économie et des Finances, émis dans les douze mois précédant la conclusion du contrat ;

[...] »

14      Le decreto legislativo n. 141 – Attuazione della direttiva 2008/48/CE relativa ai contratti di credito ai consumatori, nonché modifiche del titolo VI del testo unico bancario (decreto legislativo n. 385 del 1993) in merito alla disciplina dei soggetti operanti nel settore finanziario, degli agenti in attività finanziaria e dei mediatori creditizi [décret législatif no 141, portant mise en œuvre de la directive 2008/48/CE concernant les contrats de crédit aux consommateurs et modifications du titre VI du texte unique bancaire (décret législatif nº 385 de 1993) concernant le régime des opérateurs du secteur financier, des acteurs financiers et des médiateurs de crédits], du 13 août 2010 (GURI no 207, du 4 septembre 2010, supplément ordinaire à la GURI no 212, ci-après le « décret législatif no 141/2010 »), est entré en vigueur le 1er juin 2011 et a introduit un article 125 bis dans le décret législatif no 385/1993.

15      Cet article 125 bis prévoit :

« [...]

6.      Sont nulles les clauses du contrat relatives à des frais à la charge du consommateur qui, en violation de l’article 121, paragraphe 1, sous e), n’ont pas été inclus ou ont été inclus de manière incorrecte dans le TAEG publié dans les documents établis conformément à l’article 124.

La nullité de la clause n’emporte pas nullité du contrat.

7.      En cas d’absence ou de nullité des clauses relatives aux éléments suivant du contrat :

a)      le TAEG équivaut au taux nominal minimal des bons du Trésor à intérêts annuels ou d’autres titres similaires désignés le cas échéant par le ministre de l’Économie et des Finances, émis dans les douze mois précédant la conclusion du contrat. Aucune autre somme n’est due par le consommateur au titre de taux d’intérêts, de commissions ou d’autres frais ;

[...] »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

16      Le 7 mars 2011, QX a conclu avec la société Agos Ducato un contrat de crédit portant sur un montant de 35 054,28 euros, comprenant les intérêts et les frais accessoires, remboursable en 36 mensualités de 973,73 euros chacune (ci-après le « contrat en cause »). Ce contrat mentionnait un TAEG de 8,94 %.

17      Considérant que le taux annuel effectivement appliqué au crédit faisant l’objet dudit contrat s’élevait à 11,017 %, QX a saisi le Tribunale di Pistoia (tribunal de Pistoia, Italie), la juridiction de renvoi, d’une demande visant, d’une part, à faire constater que Agos Ducato avait appliqué un taux d’intérêt réel supérieur à celui indiqué dans le même contrat, en violation de la réglementation nationale applicable, et, d’autre part, à faire condamner cette société à lui rembourser les sommes payées au titre des intérêts contractuels ordinaires, d’un montant de 11 218,36 euros, déduction faite des intérêts dus au taux de rendement des bons du Trésor, en plus des intérêts légaux depuis chaque paiement jusqu’au règlement effectif du solde avec capitalisation des périodes année par année.

18      La demande de QX est fondée sur l’article 125 bis du décret législatif no 385/1993, tel que modifié par le décret législatif no 141/2010, prévoyant la nullité des clauses d’un contrat de crédit relatives à des frais à la charge du consommateur qui n’ont pas été inclus ou ont été inclus de manière incorrecte dans le TAEG indiqué.

19      Dans le cadre de sa défense, Agos Ducato soutient que cet article, qui fait partie de la réglementation visant à transposer la directive 2008/48 dans l’ordre juridique italien, n’est pas applicable au litige au principal, car il est entré en vigueur après la conclusion du contrat en cause.

20      En réponse à cette allégation, QX fait valoir que sa demande est également fondée sur l’article 124 du décret législatif nº 385/1993, adopté dans le cadre de la transposition des dispositions de la directive 87/102 dans cet ordre juridique.

21      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi s’interroge sur l’interprétation des articles 3, 4 et 14 de la directive 87/102.

22      Dans ces conditions, le Tribunale di Pistoia (tribunal de Pistoia) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’obligation, pour les États membres, de veiller “à ce que les dispositions qu’ils adoptent pour la mise en application de la [directive 87/102] ne puissent être tournées par des formes particulières données aux contrats”, figurant à l’article 14, paragraphe 2, de [cette directive] concerne-t-elle seulement l’absence d’indication du TAEG dans le contrat ou concerne-t-elle aussi l’indication erronée du TAEG dans le contrat ? »

 Sur le non-lieu à statuer

23      Par dépôt e-Curia du 31 juillet 2023, le Tribunale di Pistoia (tribunal de Pistoia) a transmis à la Cour une ordonnance du 20 juillet 2023, par laquelle cette juridiction, d’une part, a pris acte du désistement de QX et de l’acceptation de ce désistement par Agos Ducato et, d’autre part, a clôturé le litige au principal. Dans le même temps, ladite juridiction a indiqué qu’elle avait un « intérêt général » à ce que la Cour réponde à la question posée.

24      À cet égard, il convient de rappeler que la procédure instituée à l’article 267 TFUE constitue un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher (arrêt du 24 novembre 2022, Banco Cetelem, C‑302/21, EU:C:2022:919, point 27 et jurisprudence citée).

25      En outre, conformément à l’article 100, paragraphe 2, de son règlement de procédure, la Cour peut, à tout moment, constater que les conditions de sa compétence ne sont plus remplies.

26      En l’occurrence, il ressort de l’ordonnance du 20 juillet 2023, visée au point 23 du présent arrêt, que le litige au principal a été clôturé par la juridiction de renvoi et que, partant, il n’est plus pendant devant elle.

27      Certes, cette juridiction a indiqué qu’elle avait un « intérêt général » à ce que la Cour réponde à la question posée.

28      Il est toutefois de jurisprudence constante que la justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige. Partant, s’il apparaît que les questions posées ne sont manifestement plus pertinentes pour la solution de ce litige, la Cour doit constater le non-lieu à statuer (arrêt du 24 novembre 2022, Banco Cetelem, C‑302/21, EU:C:2022:919, point 31 et jurisprudence citée).

29      En particulier, dès lors qu’il ressort à la fois des termes et de l’économie de l’article 267 TFUE que la procédure préjudicielle présuppose qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt préjudiciel, la Cour doit conclure au non-lieu à statuer si le litige au principal est devenu sans objet (arrêt du 24 novembre 2022, Banco Cetelem, C‑302/21, EU:C:2022:919, point 32 et jurisprudence citée).

30      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de décision préjudicielle.

 Sur les dépens

31      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :

Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de décision préjudicielle présentée par le Tribunale di Pistoia (tribunal de Pistoia, Italie), par décision du 27 août 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.