Language of document : ECLI:EU:T:2018:37

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT
DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

22 janvier 2018 (*)

« Confidentialité – Contestation par les parties intervenantes »

Dans l’affaire T‑135/17,

Scor SE, établie à Paris (France), représentée par Mes N. Baverez, N. Autet, M. Béas et G. Marson, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Stromsky, A. Bouchagiar et Mme K. Blanck-Putz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par MM. D. Colas, B. Fodda, Mmes E. de Moustier et J. Bousin, en qualité d’agents,

et par

Caisse centrale de réassurance (CCR), établie à Paris (France), représentée par Mes J.-P. Gunther, A. Giraud et S. Petit, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision C(2016) 5995 final de la Commission, du 26 septembre 2016, concernant les mesures SA.37649 et SA.45860, relatives à la CCR, mises à exécution par la France,

LE PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Procédure

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 février 2017, la requérante, Scor SE, a demandé au Tribunal d’annuler partiellement la décision C(2016) 5995 final de la Commission, du 26 septembre 2016, concernant les mesures SA.37649 et SA.45860, relatives à la Caisse centrale de Réassurance (CCR), mises à exécution par la France (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle déclare compatible avec le marché intérieur le régime d’aides résultant de la garantie illimitée octroyée à la CCR pour son activité de réassurance des risques de catastrophes naturelles.

2        Par courrier déposé au greffe du Tribunal le 19 juin 2017, la CCR a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission européenne dans la présente affaire. Les parties principales n’ayant pas formulé d’objection à cet égard, cette intervention a été admise par ordonnance du 14 septembre 2017.

3        Par courrier déposé au greffe du Tribunal le 27 juin 2017, la République française a également demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 19 septembre 2017, Scor/Commission (T‑135/17, non publiée, EU:T:2017:660), l’intervention de cet État membre a été admise.

4        Toutefois, par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 juillet 2017, la requérante avait demandé, conformément à l’article 144, paragraphe 7, du règlement de procédure du Tribunal, que l’annexe A 17 de la requête, contenant des données présentant un caractère confidentiel, ne fût pas communiquée aux intervenantes.

5        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er septembre 2017, la requérante avait demandé, sur le fondement de l’article 144, paragraphe 7, du règlement de procédure, qu’un certain nombre de données figurant dans la réplique, énumérées au point I.2 dudit acte, ne fussent pas non plus communiquées aux intervenantes.

6        Elle avait, en conséquence, joint une version non confidentielle de la requête et de la réplique aux demandes de traitement confidentiel mentionnées aux points 4 et 5 ci-dessus (ci-après les « demandes de traitement confidentiel initiales »).

7        Le président de la septième chambre du Tribunal, dans l’ordonnance du 14 septembre 2017, mentionnée au point 2 ci-dessus, et dans l’ordonnance du 19 septembre 2017, Scor/Commission (T‑135/17, non publiée, EU:T:2017:660), mentionnée au point 3 ci-dessus, a provisoirement limité la communication de la requête et de la réplique aux versions non confidentielles produites par la requérante, en attendant les éventuelles observations des intervenantes sur les demandes de traitement confidentiel initiales.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 octobre 2017, la CCR a contesté les demandes de traitement confidentiel initiales.

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 octobre 2017, la République française a également contesté les demandes de traitement confidentiel initiales.

10      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 octobre 2017, la requérante a demandé, sur le fondement de l’article 144, paragraphe 7, du règlement de procédure, que les données figurant au point 20 de la duplique et reprises de la réplique ne fussent pas non plus communiquées aux intervenantes.

11      Elle a, en conséquence, joint le même jour une version non confidentielle de la duplique.

12      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 22 novembre 2017, les intervenantes ont contesté la nouvelle demande de traitement confidentiel (ci-après, prise avec les demandes de traitement confidentiel initiales, les « demandes de traitement confidentiel »).

 Sur les demandes de traitement confidentiel

 Considérations de principe

13      L’article 144, paragraphe 7, du règlement de procédure dispose :

« S’il est fait droit a' la demande d’intervention, l’intervenant reçoit communication de tous les actes de procédure signifiés aux parties principales a' l’exception, le cas échéant, des données confidentielles exclues de cette communication en vertu du paragraphe 5. »

14      Cette disposition pose le principe que tous les actes de procédure signifiés aux parties doivent être communiqués aux parties intervenantes et ne permet qu’à titre dérogatoire d’exclure certaines pièces ou informations secrètes ou confidentielles de cette communication (ordonnances du 21 septembre 2015, Deloitte Consulting/Commission, T‑688/13, non publiée, EU:T:2015:745, point 11 ; du 27 septembre 2017, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, non publiée, EU:T:2017:698, point 12, et du 27 septembre 2017, Changmao Biochemical Engineering/Commission, T‑741/16, non publiée, EU:T:2017:700, point 13).

15      À cet égard, il incombe à la partie qui présente une demande de confidentialité de préciser les pièces ou les informations visées et de motiver dûment leur caractère confidentiel (ordonnances du 21 septembre 2015, Deloitte Consulting/Commission, T‑688/13, non publiée, EU:T:2015:745, point 12, et du 27 septembre 2017, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, non publiée, EU:T:2017:698, point 13).

16      Lorsqu’une partie présente une demande au titre de l’article 144, paragraphe 2, du règlement de procédure, le président peut limiter son examen de la confidentialité aux pièces et informations pour lesquelles la demande de traitement confidentiel est contestée. Partant, une demande de traitement confidentiel peut être accueillie pour autant qu’elle porte sur des éléments dont la confidentialité n’a pas été contestée par la partie intervenante [ordonnances du 18 avril 2013, Greenwood Houseware (Zhuhai) e.a./Conseil, T‑191/10, non publiée, EU:T:2013:199, point 10, et du 27 septembre 2017, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, non publiée, EU:T:2017:698, point 14].

17      Dans la mesure où une demande présentée au titre de l’article 144, paragraphe 2, du règlement de procédure est contestée, il appartient au président, dans un premier temps, d’examiner si chacune des pièces et informations dont la confidentialité est contestée et à propos desquelles une demande de traitement confidentiel a été présentée, revêt un caractère secret ou confidentiel (ordonnances du 21 septembre 2015, Deloitte Consulting/Commission, T‑688/13, non publiée, EU:T:2015:745, point 15, et du 27 septembre 2017, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, non publiée, EU:T:2017:698, point 15).

18      C’est au regard du caractère secret ou confidentiel de chacune des pièces et informations visées qu’il convient d’apprécier l’exigence de motivation de la demande de confidentialité à laquelle est soumise la partie requérante. En effet, il y a lieu de faire une distinction entre, d’une part, les informations qui sont par nature secrètes, telles que les secrets d’affaires d’ordre commercial, concurrentiel, financier ou comptable, ou confidentielles, telles que les informations purement internes, et, d’autre part, les pièces ou informations susceptibles de revêtir un caractère secret ou confidentiel pour un motif qu’il appartient au demandeur de rapporter (ordonnances du 21 septembre 2015, Deloitte Consulting/Commission, T‑688/13, non publiée, EU:T:2015:745, point 16, et du 27 septembre 2017, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, non publiée, EU:T:2017:698, point 16).

19      Ainsi, le caractère secret ou confidentiel des pièces ou informations, pour lesquelles n’est apportée aucune motivation autre que celle consistant en la description de leur contenu, ne sera admis que pour autant que ces informations puissent être considérées comme secrètes ou confidentielles de par leur nature (ordonnances du 21 septembre 2015, Deloitte Consulting/Commission, T‑688/13, non publiée, EU:T:2015:745, point 17 ; du 27 septembre 2017, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, non publiée, EU:T:2017:698, point 17, et du 27 septembre 2017, Changmao Biochemical Engineering/Commission, T‑741/16, non publiée, EU:T:2017:700, point 19).

20      S’agissant des secrets d’affaires, il convient de considérer que cette notion recouvre, notamment, les informations d’ordre commercial, concurrentiel, financier ou comptable, lorsque celles-ci ne sont pas normalement accessibles aux tiers à l’entreprise et que, en raison de leur ancienneté, elles ne revêtent pas un caractère historique. Des informations peuvent, en effet, perdre leur caractère confidentiel lorsque le grand public ou des milieux spécialisés peuvent y avoir accès. Ont en général un caractère historique, sauf justification d’un intérêt particulier à la protection de leur confidentialité, les données remontant à cinq années ou plus [ordonnances du 18 avril 2013, Greenwood Houseware (Zhuhai) e.a./Conseil, T‑191/10, non publiée, EU:T:2013:199, point 13, et du 27 septembre 2017, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, non publiée, EU:T:2017:698, point 18].

21      Lorsque son examen le conduit à conclure que certaines des pièces et informations dont la confidentialité est contestée sont secrètes ou confidentielles, le président procède, dans un second temps, à l’appréciation et à la mise en balance des intérêts en présence, pour chacune de celles-ci (ordonnances du 21 septembre 2015, Deloitte Consulting/Commission, T‑688/13, non publiée, EU:T:2015:745, point 18 ; du 27 septembre 2017, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, non publiée, EU:T:2017:698, point 19, et du 27 septembre 2017, Changmao Biochemical Engineering/Commission, T‑741/16, non publiée, EU:T:2017:700, point 20).

22      Ainsi, lorsque le traitement confidentiel est demandé dans l’intérêt de la partie requérante, le président met en balance, pour chaque pièce ou information visée, le souci légitime de la partie requérante d’éviter que ne soit portée une atteinte sérieuse à ses intérêts et le souci tout aussi légitime des parties intervenantes de disposer des informations nécessaires à l’exercice de leurs droits procéduraux (ordonnances du 21 septembre 2015, Deloitte Consulting/Commission, T‑688/13, non publiée, EU:T:2015:745, point 19, et du 27 septembre 2017, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, non publiée, EU:T:2017:698, point 20).

23      En toute hypothèse, la partie requérante doit envisager, eu égard au caractère contradictoire et public du débat judiciaire, la possibilité que certaines des pièces ou informations secrètes ou confidentielles qu’elle a entendu verser au dossier apparaissent comme étant nécessaires à l’exercice des droits procéduraux des parties intervenantes et, en conséquence, doivent être communiquées à ces dernières (ordonnances du 21 septembre 2015, Deloitte Consulting/Commission, T‑688/13, non publiée, EU:T:2015:745, point 20 ; du 27 septembre 2017, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, non publiée, EU:T:2017:698, point 21, et du 27 septembre 2017, Changmao Biochemical Engineering/Commission, T‑741/16, non publiée, EU:T:2017:700, point 22).

24      C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner le bien-fondé des demandes de traitement confidentiel.

 Sur le bien-fondé des demandes de traitement confidentiel

25      Il y a lieu de constater, à titre liminaire, que les intervenantes soulèvent des objections à l’encontre des demandes de traitement confidentiel dans leur intégralité.

26      Il convient de rappeler que la requérante demande, s’agissant de la requête, le traitement confidentiel de l’intégralité de l’annexe A 17 de cette dernière, dans la mesure où les extraits de traités qui y figurent démontreraient qu’elle est un concurrent direct de la CCR sur le marché français de la réassurance de catastrophes naturelles et seraient couverts par le secret des affaires, notamment concernant le nom de ses cocontractants, c’est-à-dire de ses clients.

27      La requérante demande également le traitement confidentiel des informations suivantes qui figurent dans la réplique, au motif qu’il s’agirait d’informations couvertes par le secret des affaires :

–        ses parts de marché sur le marché de la réassurance non-vie en général, mentionnées aux points 18 et 19 de la réplique ;

–        ses parts de marché en matière de réassurance des risques « tempête, grêle et neige » en France, mentionnées au point 20 de la réplique ;

–        les volumes de primes souscrites se rapportant à ces marchés tels que déclarés par la requérante à l’Association des professionnels de la réassurance en France (APREF), mentionnés en notes en bas de page nos 13 à 15, se rapportant aux points 18 à 20 de la réplique ;

–        les déclarations correspondantes de la requérante à l’APREF, produites en annexe à la réplique sous les références C 2 à C 4.

28      La requérante demande aussi le traitement confidentiel du point 20 de la duplique dans la mesure où y sont reprises des données de la réplique pour lesquelles le traitement confidentiel avait été demandé, à savoir des parts de marché sur le marché de la réassurance non-vie et en matière de réassurance des risques « tempête, grêle et neige » en France.

29      Il convient d’examiner successivement chacune de ces demandes.

 Sur la demande de traitement confidentiel de l’annexe A 17 de la requête

30      La demande de traitement confidentiel de l’annexe A 17 de la requête, motivée comme indiqué au point 26 ci-dessus, se heurte, selon les intervenantes, aux considérations suivantes.

31      La CCR fait valoir que cette demande de traitement confidentiel contrevient aux prescriptions du paragraphe 221 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure, selon lequel une demande de traitement confidentiel doit indiquer avec précision les éléments ou passages concernés et comporter une motivation du caractère confidentiel de chacun d’eux. Elle ajoute que le paragraphe 220 des dispositions pratiques d’exécution énonce que la demande de confidentialité ne peut avoir que seulement exceptionnellement pour objet la totalité d’une annexe.

32      La CCR indique que, si le nom des clients peut revêtir un caractère confidentiel, cela ne justifie pas de rendre confidentielle la totalité d’une annexe de 52 pages, d’autant que la requérante se fonde, dans la requête, sur cette seule pièce pour établir sa présence sur le marché de la réassurance des catastrophes naturelles français et, partant, sa qualité de concurrent direct de la CCR. Or, il serait nécessaire que la CCR prît connaissance de ces pièces pour vérifier si elles traitent véritablement de « catastrophes naturelles » au sens du régime d’indemnisation légal français ainsi que pour déterminer le champ et les modalités de la couverture qui serait proposée à ce titre, afin de déterminer le rapport de concurrence susceptible d’exister entre elle et la requérante.

33      La CCR allègue, en outre, que l’annexe A 17 est décrite comme composée d’extraits de traités entre la requérante et ses cocontractants. Or, comme ces extraits auraient été sélectionnés par la requérante au sein de traités intégraux eux-mêmes choisis par elle, la pertinence de ces choix devrait pouvoir être contradictoirement discutée.

34      La République française rappelle également les dispositions des paragraphes 220 et 221 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure et estime que celles-ci ne sont pas respectées par la demande de traitement confidentiel de l’annexe A 17 de la requête. Selon elle, une demande portant sur 52 pages d’extraits de traités de réassurance ne saurait être considérée comme strictement nécessaire pour préserver le secret des affaires, d’autant qu’il serait parfaitement possible de ne masquer que l’identité des cocontractants ainsi que certaines informations financières.

35      La République française fait valoir, de plus, que la requérante n’a invoqué qu’en termes très généraux le secret des affaires.

36      Selon la République française, l’assertion de la requérante selon laquelle elle est un concurrent direct de la CCR n’est pas exacte. L’indemnisation des victimes des catastrophes naturelles renverrait, en droit français, à une liste de risques liés à des phénomènes naturels exceptionnels, que ne couvriraient pas, ou de façon marginale, les compagnies d’assurance privées, de sorte que, n’étant pas un concurrent de la CCR sur ce marché, la requérante ne saurait être substantiellement affectée par la décision attaquée, ce qui emporterait l’irrecevabilité des trois premiers moyens du recours. Par conséquent, seul le refus de traitement confidentiel de cette annexe permettrait de s’assurer que la garantie illimitée octroyée à la CCR ne porte pas atteinte à la position concurrentielle de la requérante.

37      Tout d’abord, il convient de relever que, parmi les extraits de traités de réassurance composant l’annexe A 17 de la requête, certains passages (p. 178, 215, 220 et 225) ont déjà été occultés par la requérante elle-même lors de la production de ladite annexe, ce qui traduit la volonté de ne pas livrer des informations qu’elle estimait particulièrement confidentielles. Ces passages ne font pas l’objet de la présente ordonnance, puisqu’ils ont été celés ab initio, mais laissent supposer que le reste de l’annexe A 17 de la requête présente un caractère moins confidentiel.

38      Ensuite, comme le soulignent à bon droit les intervenantes, il découle du libellé même du paragraphe 221 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure que ce n’est qu’exceptionnellement qu’une annexe peut intégralement faire l’objet d’un traitement confidentiel. En l’espèce, la nature contractuelle des documents fournis dans l’annexe A 17 de la requête conduit à considérer que, si ceux-ci relèvent de la pratique des affaires, ils ne constituent pas en eux-mêmes et dans leur intégralité des secrets d’affaires, non plus que leurs clauses. Ces documents ne peuvent donc faire l’objet d’un traitement confidentiel dans leur totalité.

39      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande de traitement confidentiel en tant qu’elle porte sur la totalité de l’annexe A 17 de la requête.

40      En revanche, certains des éléments que contiennent les extraits de traités en cause, tels que le nom des clients de la requérante et tout ce qui pourrait les identifier (signatures, paraphes, sigles, logos, cachets, en-tête et éléments de bas de page) doivent être considérés comme sensibles d’un point de vue commercial et il convient, dès lors, de les traiter de manière confidentielle [voir, en ce sens, ordonnance du 18 avril 2013, Greenwood Houseware (Zhuhai) e.a./Conseil, T‑191/10, non publiée, EU:T:2013:199, point 27]. Présentent également un caractère confidentiel en tant qu’elles sont couvertes par le secret des affaires les données chiffrées (montants de réassurance en matière de catastrophes naturelles et événements climatiques, parts souscrites, parts signées, etc.) figurant dans les traités en question.

41      Il échet dès lors de procéder, pour ces éléments confidentiels, à la mise en balance des intérêts en présence. S’agissant des informations nominatives telles que définies au point 40 ci-dessus, rien ne justifie leur divulgation et, dans leurs écritures, les intervenantes semblent admettre une telle limitation potentielle à leurs objections. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de traitement confidentiel desdits éléments. S’agissant des données chiffrées mentionnées au même point, il convient de relever qu’elles datent de moins de cinq ans, ce qui exclut une communication au titre de la jurisprudence rappelée au point 20 ci-dessus. En revanche, afin d’établir la réalité du rapport de concurrence entre la requérante et la CCR et, partant, de permettre aux intervenantes de se prononcer utilement sur l’impact de ce rapport de concurrence sur la recevabilité de certains moyens du recours (voir les arguments de la République française résumés au point 36 ci-dessus), le Tribunal estime que les informations chiffrées visées dans les documents en cause, dont le caractère confidentiel est admis, apparaissent nécessaires à l’exercice des droits procéduraux des intervenantes, mais qu’il n’est pas indispensable qu’elles soient communiquées ne varietur. La requérante est, dès lors, invitée à remplacer les valeurs exactes par des fourchettes pertinentes qui s’en écartent tout au plus de 10 %.

42      Il résulte de ce qui précède que le traitement confidentiel de l’annexe A 17 de la requête présentée par la requérante n’est accordé qu’en ce qui concerne les éléments nominatifs y figurant, tels que définis au point 40 ci-dessus, c’est-à-dire l’ensemble des mentions de ces documents permettant d’identifier les cocontractants de la requérante.

43      En ce qui concerne les données chiffrées que contient ladite annexe, les valeurs exactes devront être remplacées par des fourchettes qui s’en écartent tout au plus de 10 % (voir, en ce sens, ordonnance du 27 septembre 2017, Changmao Biochemical Engineering/Commission, T‑741/16, non publiée, EU:T:2017:700, points 33, 54 et 76).

 Sur la demande de traitement confidentiel de certaines données figurant aux points 18 à 20 de la réplique, y compris dans les notes en bas de page s’y rapportant, et des annexes C 2 à C 4 de la réplique

44      La requérante a également présenté une demande de traitement confidentiel, résumée au point 27 ci-dessus, portant sur certaines données figurant aux points 18 à 20 de la réplique, y compris dans les notes en bas de page s’y rapportant, et des annexes C 2 à C 4 de la réplique.

45      La CCR fait observer que les parts de marché de la requérante sur le marché de la réassurance des catastrophes naturelles, occultées par celle-ci dans le tableau figurant au point 18 de la version non confidentielle de la réplique, d’une part, n’étaient pas visées par la demande de traitement confidentiel afférente à la réplique et, d’autre part, ont été communiquées par la requérante elle-même dans le tableau figurant au point 15, ii), de celle-ci. Elle en déduit que ces données ne doivent pas être traitées de façon confidentielle, non plus que les déclarations de primes portant sur les catastrophes naturelles figurant aux annexes C 2 à C 4.

46      En ce qui concerne les autres données, la CCR relève que, pour les années 2010 à 2012, ces données ne présentent plus de caractère confidentiel en raison de leur ancienneté, comme l’établirait la jurisprudence pour les documents datant de cinq ans ou plus. Elle estime que, même pour l’année 2013, le caractère ancien des données justifierait leur communication, la requérante n’apportant, selon elle, aucune justification à sa demande de traitement confidentiel eu égard à la date des chiffres produits.

47      Concernant les déclarations produites en annexe à la réplique (annexes C 2 à C 4), la CCR soutient qu’il est nécessaire qu’elle prenne connaissance du détail des postes des déclarations à l’APREF, dans la mesure où elle doit pouvoir vérifier l’allocation des primes entre les différents postes.

48      La République française objecte à cette demande de traitement confidentiel que la requérante n’a fourni qu’une motivation très générale, relative au secret des affaires.

49      Elle ajoute que la plupart des données en cause concernent les années 2010 à 2013. Or, il ressortirait de la jurisprudence qu’un traitement confidentiel ne peut qu’exceptionnellement être accordé pour des faits datant de cinq ans ou plus, lorsque, nonobstant leur caractère historique, ils constituent toujours, en l’espèce, des éléments essentiels de la position commerciale de l’entreprise intéressée. La requérante n’aurait pas allégué l’existence de telles circonstances. La République française est d’avis que la même solution doit prévaloir pour les données afférentes à l’année 2013.

50      La République française fait également observer que la requérante n’a pas demandé le traitement confidentiel des données figurant au point 15, ii), de la réplique, alors qu’elles concernent notamment ses parts de marché sur le marché de la réassurance des catastrophes naturelles français pour les années 2010 à 2013. Ces données ayant été communiquées aux intervenantes dans la version non confidentielle de la réplique, il serait surprenant d’en demander le traitement confidentiel lorsqu’elles sont reprises dans d’autres points ou annexes de la réplique.

51      En outre, reprenant l’argument exposé au point 36 ci-dessus, la République française soutient que seule la levée de la confidentialité de ces données lui permettra d’analyser le raisonnement économique de la requérante, afin de contester l’atteinte substantielle qui serait portée par la décision attaquée à la position concurrentielle de la requérante.

52      Premièrement, il convient de relever, à l’instar des intervenantes, que les données figurant à la troisième ligne du tableau reproduit au point 18 de la réplique (parts de marché de la requérante sur le marché de la réassurance des catastrophes naturelles français pour les années 2010 à 2013) et reprises en fin de point 19 de la réplique sont identiques à celles communiquées auxdites parties dans la cinquième colonne du tableau reproduit au point 15, ii), de la réplique. Partant, même à supposer, comme le soutient la CCR, que ces données n’aient pas été incluses dans la demande de traitement confidentiel des « parts de marché sur le marché de la réassurance non-vie, mentionnées aux points 18 et 19 de la réplique », force est de constater que, étant donné que la requérante a ainsi elle-même révélé ces parts de marché aux intervenantes, elles ont perdu leur caractère confidentiel à l’égard de ces dernières et ne méritent plus de protection spécifique de la part du Tribunal (voir ordonnance du 21 septembre 2015, Deloitte Consulting/Commission, T‑688/13, non publiée, EU:T:2015:745, point 26 et jurisprudence citée).

53      Deuxièmement, en ce qui concerne les données figurant au point 18 de la réplique, à la deuxième ligne du tableau qui y est inséré (parts de marché de la requérante sur le marché de l’assurance non-vie français hors catastrophes naturelles), au point 19 de la réplique, en note en bas de page no 13 et à l’annexe C 2 de la réplique, il convient d’observer que nombre d’entre elles se rapportent aux années 2010 et 2011. Or, il résulte d’une jurisprudence constante (voir point 20 ci-dessus) qu’ont en général un caractère historique, sauf justification d’un intérêt particulier à la protection de leur confidentialité, les données remontant à cinq années ou plus. En l’espèce, la requérante n’a pas établi, ni même allégué, l’existence d’un tel intérêt particulier. Il s’ensuit que, en l’absence d’une motivation particulière tendant à démontrer que la divulgation des données en cause aux intervenantes, nonobstant leur caractère historique, serait de nature à porter atteinte aux intérêts commerciaux de la requérante, il n’y a pas lieu d’accorder un traitement confidentiel à l’ensemble des données se rapportant aux années 2010 et 2011 et mentionnées aux passages sus-énumérés de la réplique et de l’annexe C 2 de cette dernière (voir, en ce sens, ordonnances du 28 janvier 2014, Novartis Europharm/Commission, T‑67/13, non publiée, EU:T:2014:75, point 53 et jurisprudence citée ; du 3 octobre 2014, SNCM/Commission, T‑454/13, non publiée, EU:T:2014:898, point 25, et du 15 septembre 2016, Deutsche Telekom, T‑827/14, non publiée, EU:T:2016:545, point 67).

54      Troisièmement, contrairement à ce que font valoir les intervenantes, les données afférentes à l’année 2012 n’entrent pas encore dans le champ de l’hypothèse examinée au point 53 ci-dessus, dès lors qu’elles ont trait à l’année calendaire, échue le 31 décembre 2012 et datant, par conséquent, de moins de cinq ans à la date de la présente ordonnance.

55      Quatrièmement, il importe de souligner que les données concernant les années 2012 et 2013 visées par la demande de traitement confidentiel résumée au point 27 ci-dessus et non communiquées par ailleurs se rapportent :

–        aux parts de marché de la requérante sur le marché de l’assurance non-vie français hors catastrophes naturelles (quatrième et cinquième colonnes de la deuxième ligne du tableau figurant au point 18 de la réplique, premier pourcentage mentionné au point 19 de la réplique, deux premiers points de la conclusion de la note en bas de page no 13) ;

–        aux parts de marché de la requérante en matière de réassurance des risques « tempête, grêle et neige » en France et aux montants de primes correspondants (point 20 de la réplique et notes en bas de page nos 14 et 15) ;

–        aux montants des primes souscrites par la requérante [deux premiers points, sous i), de la note en bas de page no 13] ;

–        aux déclarations à l’APREF comprises dans les documents joints dans les annexes C 2 à C 4, à partir desquelles la requérante a établi les montants des primes évoqués au troisième tiret du présent point.

56      Il échet de considérer que l’ensemble de ces données et déclarations est couvert par le secret des affaires et présente donc un caractère confidentiel pour la requérante.

57      Il y a donc lieu, conformément à la jurisprudence, de procéder à l’appréciation et à la mise en balance des intérêts en présence, pour chacun des éléments confidentiels énumérés au point 55 ci-dessus (voir, en ce sens, ordonnances du 22 février 2005, Hynix Semiconductor/Conseil, T‑383/03, EU:T:2005:57, point 42 ; du 14 octobre 2009, vwd Vereinigte Wirtschaftsdienste/Commission, T‑353/08, non publiée, EU:T:2009:402, point 24, et du 15 septembre 2016, Deutsche Telekom, T‑827/14, non publiée, EU:T:2016:545, point 42).

58      S’agissant des parts de marché et des montants mentionnés aux trois premiers tirets du point 55 ci-dessus, il convient de considérer, pour des motifs identiques à ceux exposés au point 41 ci-dessus, que la mise en balance des intérêts en présence conduit à estimer que ces informations apparaissent nécessaires à l’exercice des droits procéduraux des intervenantes, tout en invitant la requérante à remplacer les valeurs exactes par des fourchettes pertinentes qui s’en écartent tout au plus de 10 %, à l’instar de ce qui a été jugé au point 43 ci-dessus. En effet, seule l’appréciation de l’exactitude des prétentions de la requérante quant à son activité sur le marché de la réassurance français, y compris s’agissant de phénomènes dont la requérante admet qu’ils s’apparentent à des catastrophes naturelles, sans toutefois relever de la définition qu’en donne la loi française, est de nature à permettre une réponse utile des intervenantes à cet égard.

59      S’agissant des déclarations comprises dans les annexes C 2 à C 4 de la réplique, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, qu’elles ne constituent qu’une partie desdites annexes, dont la requérante a déjà communiqué les autres composantes, de sorte que sa demande ne méconnaît pas les prescriptions du paragraphe 220 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure. Ensuite, il convient de rappeler également que les déclarations relatives aux années 2010 et 2011 seront communiquées aux intervenantes, comme étant des documents présentant un caractère historique (voir point 53 ci-dessus), ce qui permettra à celles-ci, conformément à l’argument exprimé par la CCR, de prendre connaissance du détail des postes des déclarations à l’APREF et, notamment, de vérifier l’allocation des primes entre les différents postes. Enfin, les montants correspondant aux déclarations afférentes aux années 2012 et 2013 leur seront communiqués sous forme de fourchettes, comme indiqué au point 58 ci-dessus. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la communication des déclarations relatives aux années 2012 et 2013 n’est pas nécessaire à l’exercice des droits procéduraux des intervenantes.

60      En conséquence, il y a lieu d’accueillir la demande de traitement confidentiel en ce qui concerne les déclarations à l’APREF relatives aux années 2012 et 2013 contenues dans les annexes C 2 à C 4 de la réplique, d’inviter la requérante à remplacer les valeurs exactes des parts de marché et montants correspondant aux années 2012 et 2013, tels que mentionnés aux trois premiers tirets du point 55 ci-dessus, par des fourchettes pertinentes qui s’en écartent tout au plus de 10 % et de rejeter pour le surplus la demande de traitement confidentiel concernant la réplique et les documents qui y sont annexés.

 Sur la demande de traitement confidentiel du point 20 de la duplique

61      Au point 20 de la duplique, la Commission mentionne deux éléments chiffrés ayant trait, pour le premier, à la part de marché mentionnée à la quatrième colonne de la deuxième ligne du tableau figurant au point 18 de la réplique et correspondant au premier pourcentage mentionné au point 19 de la réplique et, pour le second, à une valeur arrondie de la part de marché mentionnée au second tiret du point 20 de la réplique.

62      Par conséquent, pour les mêmes motifs que ceux, déjà examinés, sous-tendant la demande de traitement confidentiel afférente à ces points de la réplique, la requérante demande le traitement confidentiel de ces données du point de la duplique.

63      Les intervenantes réitèrent, en substance, leurs précédentes observations. La CCR précise que, la Commission ayant eu recours aux termes « de l’ordre de », elle a recouru à un ordre de grandeur, qui, contrairement à des valeurs exactes, ne présente pas de caractère confidentiel. Elle soutient que, dans l’établissement de la version non confidentielle de la duplique, la requérante aurait dû recourir à l’utilisation de fourchettes.

64      Le point 20 de la duplique reprend, pour le premier élément chiffré y figurant, de façon exacte et, pour le second, de façon arrondie, ceux qui figuraient, pour le premier, à la quatrième colonne de la deuxième ligne du tableau figurant au point 18 de la réplique et au point 19 de la réplique et, pour le second, au second tiret du point 20 de la réplique. Or, il résulte des points 58 et 60 ci-dessus que la requérante a été invitée à substituer à ces valeurs exactes des fourchettes pertinentes qui s’en écartent tout au plus de 10 %. Il y a lieu, dès lors, de procéder de même s’agissant des parts de marché mentionnées au point 20 de la duplique.

65      Partant, la requérante est invitée à remplacer les éléments chiffrés figurant au point 20 de la duplique par des fourchettes qui s’écartent tout au plus de 10 % des chiffres exacts.


Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA SEPTIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      Il est fait droit aux demandes de traitement confidentiel en ce qui concerne les données contenues dans l’annexe A 17 de la requête concernant le nom des clients de Scor SE et tout ce qui pourrait les identifier (signatures, paraphes, sigles, logos, cachets, en-tête et éléments de bas de page) et en ce qui concerne les déclarations faites par Scor à l’Association des professionnels de la réassurance en France (APREF) pour les années 2012 et 2013, figurant aux annexes C 2 à C 4 de la réplique.

2)      Les éléments chiffrés contenus dans les extraits de traités compris dans l’annexe A 17 de la requête doivent être remplacés par des fourchettes qui s’en écartent tout au plus de 10 %.

3)      Les éléments chiffrés relatifs aux années 2012 et 2013, non communiqués par Scor à la République française et à la Caisse centrale de réassurance (CCR) dans le tableau figurant au point 15, sous ii), de la réplique et détaillés ci-après, doivent être remplacés par des fourchettes qui s’écartent tout au plus de 10 % des chiffres exacts :

–        les parts de marché de Scor sur le marché de l’assurance non-vie français hors catastrophes naturelles (quatrième et cinquième colonnes de la deuxième ligne du tableau figurant au point 18 de la réplique, premier pourcentage mentionné au point 19 de la réplique, deux premiers points de la conclusion de la note en bas de page no 13) ;

–        les parts de marché de Scor en matière de réassurance des risques « tempête, grêle et neige » en France et les montants de primes correspondants (point 20 de la réplique et notes en bas de page nos 14 et 15) ;

–        les montants des primes souscrites par Scor [deux premiers points, sous i), de la note en bas de page no 13].

4)      Les éléments chiffrés figurant au point 20 de la duplique doivent être remplacés par des fourchettes qui s’écartent tout au plus de 10 % des chiffres exacts.

5)      La demande de confidentialité est rejetée pour le surplus.

6)      Le greffier fixera un délai à Scor pour la présentation d’une version non confidentielle de la requête, de la réplique, de la duplique ainsi que des annexes A 17 de la requête et des annexes C 2 à C 4 de la réplique, conforme aux points 1 à 5 du présent dispositif.

7)      Le greffier signifiera la version non confidentielle de la requête, de la réplique, de la duplique ainsi que des annexes A 17 de la requête et des annexes C 2 à C 4 de la réplique, conformément aux points 1 à 6 du présent dispositif, à la République française et à la CCR et fixera un délai à ces dernières pour présenter d’éventuelles observations complémentaires à leur mémoire en intervention respectif.

8)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 22 janvier 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

V. Tomljenović


*      Langue de procédure : le français.