Language of document : ECLI:EU:C:2023:612

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

27 juillet 2023 (*)

« Référé – Article 278 TFUE – Pourvoi – Demande de sursis à exécution et d’autres mesures provisoires – Exclusion de la participation aux procédures de passation de marchés publics et d’octroi de subventions – Article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour »

Dans l’affaire C‑456/23 P(R)–R,

ayant pour objet une demande de sursis à exécution au titre de l’article 278 TFUE, introduite le 20 juillet 2023,

VC, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes S. Centeno Huerta et J.M. Rodríguez Cárcamo, abogados,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU-OSHA),

partie défenderesse en première instance,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,


l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande en référé, VC demande à la Cour, en application de l’article 278 TFUE et de l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour :

–        d’ordonner le sursis à exécution, d’une part, du point 2 du dispositif de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 14 juillet 2023, VC/EU-OSHA (T‑126/23 R, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2023:405), par laquelle le président du Tribunal a partiellement rejeté sa demande visant à obtenir le sursis à exécution de la décision 2023/01 du directeur exécutif provisoire de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU–OSHA), du 13 janvier 2023, relative à l’exclusion de la requérante de la participation aux procédures de passation de marchés publics et à celles relatives aux subventions, aux prix, aux attributions et aux instruments financiers régies par le budget général de l’Union européenne ainsi qu’aux procédures d’attribution relatives au Fonds européen de développement régies par le règlement (UE) 2018/1877 du Conseil (ci–après la « décision litigieuse »), ainsi que, d’autre part, des articles 1 à 3 et 5 de cette décision, jusqu’à l’adoption de l’ordonnance qui interviendra le plus tôt entre celle mettant fin à la présente procédure en référé et celle se prononçant sur le pourvoi dans l’affaire C‑456/23 P(R), et

–        de condamner l’EU-OSHA aux dépens.

2        Cette demande a été présentée parallèlement à l’introduction, le 20 juillet 2023, par VC, d’un pourvoi, au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, tendant à l’annulation de l’ordonnance attaquée.

3        Conformément à l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en application de l’article 190, paragraphe 1, de celui-ci, le juge des référés peut faire droit à la demande en référé avant même que l’autre partie ait présenté ses observations et cette mesure peut être ultérieurement modifiée ou rapportée, même d’office.

4        Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour autorise le juge connaissant d’une demande de mesures provisoires à arrêter de telles mesures, à titre conservatoire, soit jusqu’au prononcé de l’ordonnance mettant fin à l’instance en référé, soit jusqu’à la clôture de la procédure principale, si celle-ci a lieu plus tôt, lorsque le prononcé de ces mesures est dans l’intérêt de la bonne administration de la justice, en particulier en vue de garantir l’effectivité de la procédure en référé [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 18 avril 2007, Commission/Pologne, C‑193/07 R, EU:C:2007:218, point 14, et ordonnances du vice-président de la Cour du 27 juillet 2017, Commission/Pologne, C‑441/17 R, EU:C:2017:622, point 25, ainsi que du 4 octobre 2017, Wall Street Systems UK/BCE, C‑576/17 P(R)-R, EU:C:2017:735, point 4].

5        Lorsqu’il examine la nécessité de rendre une telle ordonnance, ce juge doit examiner les circonstances du cas d’espèce [ordonnances du vice–président de la Cour du 4 octobre 2017, Wall Street Systems UK/BCE, C‑576/17 P(R)–R, EU:C:2017:735, point 5, et du 22 juillet 2022, Telefónica de España/Commission, C‑478/22 P(R)–R, EU:C:2022:598, point 5].

6        En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que, à la suite de l’adoption, le 11 mai 2021, d’une décision nationale constatant que VC avait commis une infraction au droit de la concurrence en participant à un réseau de répartition d’appels d’offres publics, l’EU-OSHA a adopté la décision litigieuse.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 mars 2023, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse. Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, elle a introduit une demande en référé tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de cette décision.

8        Par l’ordonnance du 13 mars 2023, VC/EU-OSHA (T‑126/23 R), adoptée sur le fondement de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, le président du Tribunal a ordonné le sursis à exécution de la décision litigieuse jusqu’à l’adoption de l’ordonnance mettant fin à la procédure en référé devant le Tribunal. Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a rapporté cette ordonnance du 13 mars 2023, a sursis à l’exécution de la décision litigieuse, dans la mesure où cette décision prévoit, à son article 4, la publication sur le site Internet de la Commission européenne de certaines informations qui ont trait à l’exclusion de la participation de VC à certaines procédures, et a rejeté, pour le surplus, la demande en référé introduite par VC.

9        Selon la requérante, il conviendrait que la Cour fasse droit à la présente demande en référé afin de lui assurer une protection juridictionnelle effective et d’éviter la survenance d’un préjudice grave et, le cas échéant, irréparable.

10      En effet, l’application de la décision litigieuse avant qu’il ne soit statué sur le pourvoi introduit contre l’ordonnance attaquée risquerait de conduire, d’une part, à l’attribution de contrats à d’autres opérateurs dans le cadre de quatre appels d’offres auxquels VC a participé et, d’autre part, à la révision voire à la résiliation de plusieurs contrats-cadres liant actuellement VC à des institutions, des organes et des agences de l’Union.

11      Par ailleurs, toujours selon la requérante, dans l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a méconnu son obligation de motivation et a commis des erreurs de droit dans l’application du critère de l’urgence.

12      À cet égard, il importe de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour que, compte tenu des impératifs découlant de la protection juridictionnelle effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, il y a lieu de considérer que, lorsque le soumissionnaire évincé parvient à démontrer l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux, il ne saurait être exigé de sa part qu’il établisse que le rejet de sa demande en référé risquerait de lui causer un préjudice irréparable, sous peine qu’il soit porté une atteinte excessive et injustifiée à la protection juridictionnelle effective dont il bénéficie au titre de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ordonnance du vice-président de la Cour du 1er décembre 2021, Inivos et Inivos/Commission, C‑471/21 P(R), EU:C:2021:984, point 65 ainsi que jurisprudence citée].

13      Dès lors que, par le pourvoi introduit contre l’ordonnance attaquée, la requérante soutient notamment que le président du Tribunal aurait dû appliquer en l’espèce cet assouplissement des conditions pour apprécier l’existence de l’urgence, il ne saurait, avant que la Cour ne se prononce sur ce pourvoi, être exclu qu’il suffise à la requérante, pour démontrer l’existence d’une urgence de nature à justifier l’adoption de mesures provisoires, d’établir que l’application de la décision litigieuse lui causerait un préjudice grave. De surcroît, la requérante fait valoir que le président du Tribunal a considéré à tort que le dommage financier dont elle fait état ne présenterait pas un caractère irréparable.

14      Dans ce contexte, il convient certes de relever que, dans la mesure où la décision litigieuse produit potentiellement ses effets dans de nombreuses procédures de passation de marchés publics et d’octroi de subventions, le prononcé du sursis à exécution de cette décision pourrait, en tout état de cause, encore présenter un intérêt pour la requérante à la date à laquelle la Cour adoptera soit l’ordonnance mettant fin à la présente procédure en référé, soit celle se prononçant sur le pourvoi dans l’affaire C‑456/23 P(R), même s’il n’était pas sursis, à titre conservatoire, à l’exécution de ladite décision avant cette date.

15      Pour autant, il ne saurait être exclu, au vu des éléments mentionnés au point 10 de la présente ordonnance, que VC subisse un préjudice grave et, le cas échéant, irréparable avant ladite date.

16      En particulier, il ressort des éléments du dossier que des contrats pourraient être signés par d’autres opérateurs dans le cadre de procédures d’appel d’offres auxquelles VC a participé, circonstance qui a déjà été considérée comme justifiant, à elle seule, le prononcé de mesures provisoires au titre de l’article 160, paragraphe 7, du règlement de procédure de la Cour [voir, en ce sens, ordonnances du vice–président de la Cour du 4 octobre 2017, Wall Street Systems UK/BCE, C‑576/17 P(R)–R, EU:C:2017:735, point 11, ainsi que du 14 mars 2023, Telefónica de España/Commission, C‑141/23 P(R)–R, EU:C:2023:292, points 18 et 19].

17      En conséquence, il est dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’ordonner le sursis à exécution des articles 1 à 3 et 5 de la décision litigieuse jusqu’à l’adoption de l’ordonnance qui interviendra le plus tôt entre celle mettant fin à la présente procédure en référé et celle se prononçant sur le pourvoi dans l’affaire C‑456/23 P(R).

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

1)      Il est sursis à l’exécution des articles 1 à 3 et 5 de la décision 2023/01 du directeur exécutif provisoire de l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail (EU–OSHA), du 13 janvier 2023, relative à l’exclusion de VC de la participation aux procédures de passation de marchés publics et à celles relatives aux subventions, aux prix, aux attributions et aux instruments financiers régies par le budget général de l’Union européenne ainsi qu’aux procédures d’attribution relatives au Fonds européen de développement régies par le règlement (UE) 2018/1877 du Conseil, jusqu’à l’adoption de l’ordonnance qui interviendra le plus tôt entre celle mettant fin à la présente procédure en référé et celle se prononçant sur le pourvoi dans l’affaire C456/23 P(R).

2)      Les dépens sont réservés.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.