Language of document : ECLI:EU:T:2010:494

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

2 décembre 2010 (*)

« Procédure – Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑270/06 DEP,

Lego Juris A/S, établie à Billund (Danemark), représentée par Mes V. von Bomhard, A. Renck et T. Dolde, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Mega Brands, Inc., établie à Montréal (Canada), représentée initialement par Mes  P. Cappuyns et C. De Meyer, puis par Me  P. Cappuyns, avocats,

ayant pour objet une demande de taxation des dépens à rembourser par la partie requérante à la partie intervenante à la suite de l’arrêt du Tribunal du 12 novembre 2008, Lego Juris/OHMI–Mega Brands (brique de Lego) (T‑270/06, Rec. p. II‑3117),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas (rapporteur), président, V. Vadapalas et K. O’Higgins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2006, la requérante, Lego Juris A/S, a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision rendue par la grande chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 10 juillet 2006 dans l’affaire R 856/2004-G, relative à une demande de nullité introduite par Mega Brands Inc. à l’encontre de l’enregistrement d’un signe tridimensionnel de couleur rouge, en tant que marque communautaire (ci-après « la décision »).

2        Par arrêt du 12 novembre 2008, Lego Juris/OHMI – Mega Brands (brique de Lego), (T‑270/06, Rec. p. II-3117), le Tribunal a rejeté le recours et a condamné la requérante aux dépens, en vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal (ci-après  « l’arrêt du Tribunal »).

3        Par requête déposée au greffe de la Cour le 2 février 2009, la requérante a introduit un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal enregistré sous le numéro d’affaire C‑48/09 P.

4        Par lettre du 2 décembre 2009, l’intervenante, Mega Brands Inc., a demandé à la requérante de lui régler le montant de ses dépens, estimés à 282 000 euros. Cette somme incluait les frais de représentation des avocats de l’intervenante, de deux conseils externes, des frais d’expert et des frais de déplacement encourus par un employé de l’intervenante dans le cadre de la procédure devant l’OHMI.

5        Par lettre du 10 décembre 2009, la requérante, afin d’éviter qu’une procédure de taxation des dépens ne devienne nécessaire, a proposé à l’intervenante de lui régler une somme de 20 550 euros. À la suite du rejet par l’intervenante de son offre, la requérante a, par lettre du 18 décembre 2009, proposé de lui régler un montant de 25 550 euros.

6        Par lettre du 18 janvier 2010, l’intervenante a décliné la deuxième offre présentée par la requérante et a indiqué que, faute d’accord entre les parties, elle envisageait de saisir le Tribunal d’une demande de taxation des dépens.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 février 2010, l’intervenante a formé, au titre de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, une demande de taxation des dépens par laquelle elle a invité le Tribunal à fixer le montant des dépens récupérables, dont le remboursement incombait à la requérante, à 293 885,31 euros. Cette somme correspondrait aux dépens afférents à la procédure devant la grande chambre de recours de l’OHMI, évalués à 99 890,57 euros, à la procédure devant le Tribunal, évalués à 173 994,74 euros et, enfin, à la présente procédure de taxation des dépens, estimés à 20 000 euros.

8        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 26 mars 2010, la requérante a présenté ses observations sur cette demande. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de fixer le montant des dépens récupérables à un montant s’élevant entre 6 000 et 13 000 euros.

9        Par décision de la huitième chambre du 25 juin 2010 les parties ont été interrogées sur une éventuelle suspension de la procédure au titre de l’article 77, sous d), du règlement de procédure, en vue du prononcé de l’arrêt de la Cour dans l’affaire C‑48/09 P. Elles ont présenté leurs observations dans le délai imparti.

10      Par arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris / OHMI (C-48/09 P, non encore publié au Recueil), la Cour a rejeté le pourvoi introduit contre l’arrêt du Tribunal.

11      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la cinquième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

 En droit

 Arguments des parties

12      L’intervenante fait valoir que le montant des dépens réclamé est justifié en raison de l’objet du litige, de l’importance de la procédure sous l’angle du droit communautaire, des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail effectué par ses représentants et des intérêts économiques que le litige représenterait pour les parties.

13      S’agissant, premièrement, de l’objet du litige, elle indique que sa position visant à obtenir l’annulation sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (CE) n° 207/2009], de l’enregistrement de la marque tridimensionnelle communautaire obtenu par la requérante pour des « jeux de construction » relevant de la classe 28, a été confirmée tant par la division d’annulation, par la grande chambre de recours de l’OHMI et par le Tribunal, que par les conclusions de l’avocat général P. Mengozzi dans l’affaire C‑48/09 P.

14      S’agissant, deuxièmement, de l’importance de l’affaire pour le droit communautaire, elle fait valoir que cette dernière constitue un important précédent pour toutes les demandes et enregistrements de marques tridimensionnelles. De plus, elle soutient que l’arrêt de la Cour dans l’affaire C-48/09 P revêtirait une importance majeure pour la jurisprudence communautaire, au même titre que l’arrêt de la Cour du 18 juin 2002, Philips, (C‑299/99, Rec. p. I‑5475) (ci-après  « l’arrêt Philips »). L’arrêt du Tribunal serait, par ailleurs, actuellement enseigné dans de nombreuses universités européennes et intéresserait la presse.

15      S’agissant, troisièmement, de l’ampleur du travail relatif à cet affaire, elle relève que, bien qu’il ne soit, selon la jurisprudence du Tribunal, pas nécessaire de statuer sur les dépens supportés dans le cadre d’une procédure devant l’OHMI puisque ceux-ci ont déjà été fixés par la décision de la chambre de recours, le montant qui lui aurait été accordé au titre des tarifs préétablis de l’OHMI ne compenserait pas correctement les frais réellement exposés, eu égard au fait qu’une grande partie de l’analyse des faits et de l’analyse technique relatives au présent litige aurait été réalisée dans le cadre de cette procédure.

16      Par ailleurs, l’intervenante estime que le travail effectué par ses avocats aurait largement influencé la procédure et la décision de la grande chambre, ainsi que l’arrêt du Tribunal. Elle fait valoir à cet égard que la grande chambre de recours de l’OHMI aurait pris en compte, dans sa décision, l’argumentation développée par les avocats de l’intervenante dans le cadre d’observations déposées le 15 juin 2008 sur la pertinence des brevets détenus antérieurement par la partie requérante, que la grande chambre de recours de l’OHMI aurait fondé sa décision sur un témoignage d’un expert de l’intervenante et qu’elle se serait référée aux décisions nationales rendues dans le cadre du contentieux opposant les parties. De même, le Tribunal se serait référé aux brevets antérieurs, au rapport d’expertise, aux décisions nationales ainsi qu’aux arguments avancés par l’intervenante au sujet de l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement n° 40/94 et au rôle du consommateur dans le cadre de l’analyse de la fonctionnalité.

17      S’agissant, quatrièmement, des intérêts économiques que représenterait le litige pour l’intervenante, celle-ci soutient que la procédure en cause est cruciale pour le développement commercial de la brique de construction au sein de l’Union européenne et qu’elle réaliserait un chiffre d’affaires annuel dans le secteur des briques de construction d’au moins 50 millions d’euros.

18      La requérante fait valoir que compte tenu de l’objet du recours, et au regard des critères de la juste appréciation des dépens récupérables dégagés par la jurisprudence et invoqués par la requérante, le montant des dépens réclamé par l’intervenante est excessif et disproportionné. Elle propose que le montant des dépens récupérables soit fixé conformément à la jurisprudence constante relative aux dépens récupérables en matière de marques communautaires, à une somme s’élevant entre 6 000 et 13 000 euros.

19      En ce qui concerne, premièrement, les frais exposés dans le cadre de la procédure devant l’OHMI, la requérante fait valoir que leur montant ayant déjà été fixé par la décision de la grande chambre, conformément à la règle 94, paragraphe 7, sous d), du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire, tel que modifié (JO L 303, p. 1), il n’y a pas lieu, pour le Tribunal, de statuer sur leur montant. Elle réfute, par ailleurs, l’argument de l’intervenante selon lequel le montant de ces dépens devrait être augmenté eu égard au fait que l’analyse factuelle et technique effectuée lors de la procédure devant l’OHMI aurait été utilisée dans le cadre de la procédure devant le Tribunal. À cet égard, la requérante relève que, compte tenu de l’impossibilité de présenter de nouveaux éléments de preuve devant le Tribunal, l’analyse effectuée dans le cadre de la procédure administrative serait toujours utilisée devant le Tribunal, sans pour autant que cela ne justifie d’ajouter des frais afférents à la procédure administrative aux dépens indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal

20      Deuxièmement, la requérante indique que la procédure au principal ne présentait, quant à son objet et sa nature, aucune complexité particulière mais qu’elle relevait du contentieux habituel du droit des marques.

21      Troisièmement, elle fait valoir que, contrairement aux affirmations de l’intervenante dans le cadre de sa demande de taxation, l’affaire est dénuée d’importance particulière sous l’angle du droit communautaire. Elle relève que, au demeurant, dans le cadre de la procédure devant l’OHMI, l’intervenante avait soutenu que l’affaire en question ne présentait pas une complexité justifiant son renvoi à la grande chambre et que les questions juridiques soulevées par celle-ci avaient été clarifiées par l’arrêt Philips.

22      Quatrièmement, la requérante indique que même si la présente affaire présente un intérêt économique pour les parties, il ne saurait être considéré comme inhabituel.

23      Quant à l’ampleur du travail effectué par les représentants de l’intervenante, la requérante soutient, d’une part, qu’elle serait moindre par rapport à celle d’une partie principale compte tenu du fait qu’elle est facilitée par les conclusions de la partie soutenue et, d’autre part, qu’elle serait modérée en raison du fait que les représentants de l’intervenante disposent d’une connaissance étendue de l’affaire pour l’avoir représentée dans la procédure administrative devant l’OHMI. Elle affirme, par ailleurs, que le nombre de 456,75 heures facturé par les représentants de l’intervenante est exagéré et que le nombre de six avocats et deux conseils adjoints n’est pas justifié. Ce nombre d’heures consacrées à la préparation du recours devant le Tribunal paraît résulter du fait que l’intervenante réclame le remboursement de dépens indirectement liés aux fins de la procédure devant le Tribunal, tels que ceux résultant de recherches relatives à la procédure devant le Tribunal, de réunions internes, d’échanges de correspondance électronique, de conférences téléphoniques et de recherches concernant l’étendue du contrôle du Tribunal, lesquels ne sont pas indispensables à ces fins.

24      Enfin, la requérante estime qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les dépens liés à la présente procédure conformément à la jurisprudence constante et qu’en tout état de cause, le nombre d’heures consacrées et le montant réclamé à ce titre seraient excessifs.

 Appréciation du Tribunal

25      Aux termes de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, s’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue en ses observations.

26      Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins (voir ordonnance du Tribunal du 25 janvier 2007, The Royal County of Berkshire Polo Club/OHMI–Polo/Laurent (ROYAL COUNTY OF BERKSHIRE POLO CLUB), T‑214/04 DEP, non publiée au Recueil, point 13, et la jurisprudence citée).

27      En ce qui concerne le contentieux relatif aux droits de propriété intellectuelle, l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure précise que sont également considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours ainsi que les frais exposés aux fins de la production, prévue par l’article 131, paragraphe 4, deuxième alinéa, des traductions des mémoires ou écrits dans la langue de procédure ».

28      Par ailleurs, il convient de rappeler que le juge communautaire n’est pas habilité à taxer les honoraires dus par les parties à leurs propres avocats, mais à déterminer le montant à concurrence duquel ces rémunérations peuvent être récupérées auprès de la partie condamnée aux dépens. En statuant sur la demande de taxation des dépens, le Tribunal n’a pas à prendre en considération un tarif national fixant les honoraires des avocats ni un éventuel accord conclu à cet égard entre la partie intéressée et ses agents ou conseils (voir ordonnance du Tribunal du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec. p. II-1785, point 17, et la jurisprudence citée).

29      Il est également de jurisprudence constante que, à défaut de dispositions communautaires de nature tarifaire, le juge communautaire doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit communautaire ainsi que des difficultés de la cause, de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus et des intérêts économiques que le litige a représenté pour les parties (ordonnances du Tribunal Airtours/Commission, précitée, point 18 et du 17 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI‑PUCCI (EMILIO PUCCI), T‑8/03 DEP, non publiée au Recueil, point 15).

30      En outre, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de tenir principalement compte du nombre total d’heures de travail pouvant apparaître comme objectivement indispensables aux fins de la procédure devant le Tribunal, indépendamment du nombre d’avocats entre lesquels les prestations effectuées ont pu être réparties. À cet égard, la possibilité pour le juge communautaire d’apprécier la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations fournies (voir ordonnance Airtours/Commission, précitée, point 30, et la jurisprudence citée).

31      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’évaluer le montant des dépens récupérables en l’espèce.

32      Il ressort de la ventilation détaillée des dépens exposés par l’intervenante produite en annexe n° 1 à sa demande de taxation sous forme de tableau, que ceux-ci comprennent : les honoraires de trois avocats pour la procédure devant l’OHMI et de cinq avocats pour la procédure devant le Tribunal auxquels s’ajoutent les honoraires de deux conseils extérieurs, Me C. du cabinet d’avocats Bennett Jones, établi au Canada et Me N. du cabinet d’avocats Boehmert & Boehmert, établi en Allemagne, les frais d’un expert, intervenu dans le cadre de la procédure devant l’OHMI, les frais de déplacement d’un employé de l’intervenante dans le cadre de la procédure devant l’OHMI, ainsi que les dépens afférents à la présente procédure de taxation des dépens. L’intervenante a également produit 44 factures et notes d’honoraires en annexe au tableau susvisé, datées du 16 septembre 2004 au 31 janvier 2009.

 Sur les frais concernant la procédure devant la grande chambre de recours de l’OHMI

33      S’agissant de la demande de l’intervenante visant à la condamnation de la requérante aux dépens qu’elle a exposés devant la grande chambre de recours, il y a lieu de constater que la chambre de recours a fixé, au point 2 du dispositif de sa décision, le montant desdits dépens. Elle a ainsi condamné la requérante à supporter les frais de représentation de l’intervenante dans le cadre de la procédure de recours à hauteur de 550 euros et a fixé à 1 100 euros le montant que devait supporter la requérante au titre des taxes et frais de la procédure de nullité.

34      À la suite du rejet par le Tribunal du recours introduit par la requérante, lequel a été confirmé par la Cour, la décision est devenue définitive.

35      Or, il résulte des termes de l’article 86 du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1) que « [t]oute décision définitive de l’Office qui fixe le montant des frais forme titre exécutoire ».

36      Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les dépens devant l’OHMI dans la mesure où ils ont déjà été fixés dans la décision, laquelle forme titre exécutoire et que l’intervenante pourra donc faire exécuter à l’encontre de la requérante (ordonnance du Tribunal du 9 novembre 2009, Boston Scientific/OHMI–Terumo (CAPIO), T‑325/06 DEP, non publiée au Recueil, points 21 à 24).

 Sur les frais concernant la procédure devant le Tribunal

37      Quant aux dépens afférents à la procédure devant le Tribunal, il y a lieu de relever que les avocats principalement impliqués sont au nombre de deux associés assistés par trois collaborateurs dont les tâches incluraient l’étude et la rédaction de mémoires, la rédaction de courriers au nom de l’intervenante, la communication avec le greffe du Tribunal, le client et en interne, des recherches factuelles et juridiques ainsi que la préparation et la participation à l’audience de plaidoiries. Les dépens ont été ainsi estimés à 148 149 euros.

38      Il y a lieu d’examiner si, au regard de l’objet et la nature du litige, son importance sous l’angle du droit communautaire, la complexité et les difficultés de la cause, l’intérêt économique qu’il représente, ainsi que l’ampleur du travail effectué, l’évaluation des dépens réclamés est justifiée.

39      En premier lieu, s’agissant de l’objet et de la nature du litige au principal, il convient de rappeler que ledit litige concernait l’enregistrement d’une marque tridimensionnelle et, en particulier, l’interprétation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (CE) n° 40/94 relatif aux motifs absolus de refus d’enregistrement de signes constitués exclusivement par la forme d’un produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique.

40      À cet égard, il y a lieu de relever que la Cour a été amenée à interpréter, dans le cadre de l’arrêt Philips, l’article 3, paragraphe 1, sous e), deuxième tiret, de la première directive 89/104/CEE, du 21 décembre 1988, du Conseil rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 40, p.1), dont le contenu normatif est identique à celui de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (CE) n° 40/94. L’interprétation donnée à l’article 3, paragraphe 1, sous e), deuxième tiret, de la première directive 89/104/CEE par l’arrêt Philips a pu donc être appliquée, par analogie, en l’espèce, tant par la grande chambre de recours de l’OHMI que par le Tribunal, lesquels se sont appuyés sur les critères énoncés par cet arrêt afin de résoudre les questions techniques et juridiques soulevées par le présent litige.

41      Il résulte par conséquent que l’importance sous l’angle du droit communautaire, de même que les difficultés rencontrées dans le cadre de cette affaire, invoquées par l’intervenante doivent être relativisées.

42      Il convient d’observer à cet égard que l’intervenante n’invoque aucun argument précis sur la complexité de l’affaire. Elle insiste essentiellement sur l’importance de celle-ci en tant que précédent en matière de demandes d’enregistrement de marques tridimensionnelles et indique que l’arrêt du Tribunal est enseigné dans plusieurs universités européennes. Une telle circonstance ne saurait suffire pour accorder le montant réclamé, compte tenu des considérations exposées aux points 40 et 41 ci-dessus.

43      En deuxième lieu, s’agissant de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu engendrer pour les représentants de l’intervenante, il appartient au juge communautaire de prendre en considération le travail objectivement indispensable à l’ensemble de la procédure judiciaire (voir ordonnance Airtours/Commission, précitée, point 30, et la jurisprudence citée).

44      En l’espèce, il convient de relever que les notes de frais et d’honoraires produites en tant qu’annexes 1.21 à 1.40 à la demande de taxation, dans lesquelles les avocats de l’intervenante ont évalué leurs propres frais et honoraires, ne constituent pas à elles seules un élément déterminant pour le calcul des dépens récupérables (voir, en ce sens, ordonnance EMILIO PUCCI, précitée, point 20).

45      Par ailleurs, il importe de constater que les représentants de l’intervenante disposaient déjà d’une connaissance étendue de l’affaire pour l’avoir représentée lors de la procédure administrative. Cette considération est de nature à avoir, en partie, facilité le travail desdits représentants et réduit le temps consacré à la préparation de la requête (voir, en ce sens, ordonnance Airtours/Commission, précitée, point 29, et la jurisprudence citée).

46      En effet, il découle de la jurisprudence que le travail effectué dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours réduit l’ampleur de travail qui doit être effectué devant le Tribunal et, par conséquent, les montants pouvant être récupérés à ce titre (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 19 avril 2004, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T-321/01 DEP, non publiée au Recueil, point 29 et ROYAL COUNTY BERKSHIRE POLO CLUB, précitée, point 20).

47      En revanche, l’argument invoqué par la requérante selon lequel la charge de travail de l’intervenante serait moins lourde que celle d’une partie principale n’est pas pertinent, dès lors qu’il est constant, en matière d’affaires relevant du contentieux des marques communautaires, que les intervenants n’ont pas simplement conclu au soutien des conclusions de l’OHMI, mais ont pleinement participé à la procédure en produisant divers mémoires et en assistant à l’audience (ordonnance du Tribunal du 28 septembre 2009, El Corte Inglés/OHMI‑Abril Sánchez et Ricote Saugar (BOOMERANG), T‑420/03 DEP, non publiée au Recueil, point 20).

48      En l’occurrence, l’intervenante a déposé au greffe du Tribunal, dans le cadre de la procédure au principal, le 7 novembre 2006, des observations sur la langue de procédure, le 29 janvier 2007, un mémoire en réponse de 48 pages et, le 11 juin 2007, une ordonnance rendue par le Tribunal fédéral des marques allemand ainsi que sa traduction en langue de procédure. Elle a également été invitée à déposer des observations sur l’ordonnance de la Cour régionale de Budapest du 12 juillet 2007 produite par la requérante. Enfin, elle a participé à l’audience devant le Tribunal.

49      Dans ce contexte, les représentants de l’intervenante ont, notamment, effectué des recherches relatives à la procédure et à l’étendue du contrôle du Tribunal, tenu des conférences téléphoniques et des réunions internes et ont eu des échanges de correspondance électronique, tant avec leur client qu’entre eux-mêmes et les conseils extérieurs de l’intervenante. À cet égard, il y a lieu de constater que les activités susvisées portaient essentiellement sur la rédaction du mémoire en réponse et l’identification de la jurisprudence pertinente en matière de marques tridimensionnelles. Ainsi, l’argument de la requérante selon lequel les frais y afférents ne seraient pas indispensables, eu égard au fait qu’ils seraient sans rapport direct avec la procédure devant le Tribunal, ne saurait prospérer. En effet, de tels frais peuvent être considérés comme indispensables à la préparation des mémoires et de l’audience devant le Tribunal, à condition d’avoir un rapport clair avec la procédure (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 12 décembre 2008, Endesa/Commission, T‑417/05 DEP, non publiée au Recueil, point 48).

50      Il convient de relever, par ailleurs, que si les taux horaires facturés par les avocats de l’intervenante paraissent plutôt raisonnables, le nombre d’heures y consacré semble disproportionné. En effet, la prise en compte d’un taux horaire d’un niveau élevé n’apparaît approprié que pour rémunérer les services de professionnels capables de travailler de façon efficace et rapide et doit, par voie de conséquence, avoir pour contrepartie une évaluation stricte du nombre total d’heures de travail indispensables aux fins de la procédure contentieuse (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal du 17 octobre 2008, Infront WM/Commission, T-33/01 DEP, non publiée au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée et du 22 mars 2010, Mülhens/OHMI–Spa Monopole (MINERAL SPA), T‑93/06, non publiée au Recueil, point 22).

51      En l’espèce, et ainsi que le relève la requérante, le nombre d’heures consacré à la procédure devant le Tribunal, à savoir, 456,75 heures, dont, notamment, 211,75 heures pour la rédaction des actes de procédure soumis par l’intervenante et 129,75 heures pour la préparation de l’audience, est presque le double de celui consacré à la procédure devant l’OHMI, à savoir 237 heures, ce qui ne saurait être justifié par le fait de devoir répondre à la requête, qui ne soulève qu’un seul moyen. De plus, même si les pièces annexées à la requête étaient particulièrement volumineuses, elles comportaient, en majeure partie, des observations soumises par la requérante dans le cadre de la procédure de nullité devant l’OHMI, que l’intervenante a pu consulter dans le cadre de ladite procédure. Enfin, il convient de relever que dans son mémoire en réponse qui est, certes, volumineux, l’intervenante réitère les arguments présentés dans le cadre de la procédure devant l’OHMI.

52      Force est de constater que s’agissant d’une affaire relevant du contentieux de la propriété intellectuelle, n’impliquant qu’un seul tour de mémoires, un tel décompte semble manifestement excessif. Même s’il ne saurait être exclu que l’interprétation de la disposition litigieuse à la lumière de l’arrêt Philips impliquait une certaine difficulté juridique, il n’en demeure pas moins, ainsi qu’il a été relevé au point 45 ci-dessus, que le travail des représentants de l’intervenante dans le cadre de la procédure devant le Tribunal a été facilité par celui accompli dans le cadre de la procédure devant l’OHMI.

53      S’agissant, ensuite, de la question de savoir si l’utilisation de plusieurs avocats et conseils peut être justifiée, il y a lieu de relever qu’en principe, la rémunération d’un seul avocat est recouvrable à moins que, suivant les caractéristiques propres à l’affaire, au premier rang desquelles figure sa complexité, l’intervention de plusieurs avocats ne s’avère indispensable (ordonnances du 6 janvier 2004, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 DEP, Rec. p. I-1, point 62 et la jurisprudence citée et du 9 janvier 2008, Pucci/El Corte Inglés, C‑104/05 P-DEP, non publiée au Recueil, point 18).

54      En l’occurrence, la complexité de l’affaire ne justifie pas le recours à cinq représentants, assistés par deux conseils externes. De plus, le fait d’avoir impliqué deux associés investis de tâches identiques, dans l’accomplissement desquelles ils étaient assistés par trois collaborateurs, a engendré non seulement des frais excessifs, eu égard au taux d’honoraires supérieur facturé par les associés, mais a également conduit à une duplication des tâches et du travail effectué (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 25 novembre 2009, Hynix Semiconductor/Conseil, T-383/03 DEP, non publiée au Recueil, point 49 et la jurisprudence citée).

55      De la même manière, n’est pas justifié le recours aux deux conseils externes, étant donné qu’ils semblent avoir simplement assisté les représentants de l’intervenante dans l’accomplissement de leurs tâches. De plus, si les notes d’honoraires établies par ces avocats comportent une indication des actes rédigés et des démarches accomplies, elles n’indiquent pas le temps de travail ou le taux horaire pour chaque poste visé et ne permettent pas d’apprécier utilement l’ampleur du travail effectivement réalisé. Or, l’absence d’informations plus précises sur ce point rend particulièrement difficile la vérification des dépens exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et ceux qui ont été indispensables à ces fins et place le Tribunal dans une situation d’appréciation nécessairement stricte des honoraires récupérables en l’espèce (voir ordonnance du Tribunal du 19 mars 2009, House of Donuts/OHMI–Panrico (House of donuts), T‑333/04 et T‑334/04, non publiée au Recueil, point 20, et la jurisprudence citée).

56      En tout état de cause, compte tenu de la nature et de l’absence de difficultés soulevées par cette affaire au stade de la procédure devant le Tribunal, les dépens réclamés au titre des frais de représentation, ainsi que des divers frais et débours engagés par les conseils externes de l’intervenante ne peuvent en aucun cas être considérés comme étant indispensables aux fins de la dite procédure.

57      Doit également être refusée la récupération auprès de la requérante des dépens se rapportant à la période postérieure à la procédure orale. Il convient en effet de souligner qu’aucun acte de procédure n’a été pris après le 11 juin 2008, date de l’audience, l’affaire ayant été prise en délibéré. Dans ces conditions, les dépens exposés par l’intervenante postérieurement à cette date n’apparaissent pas directement liés à son intervention devant le Tribunal et ne sauraient, par conséquent, être considérés comme des frais indispensables aux fins de la procédure, au sens de l’article 91 du règlement de procédure (voir, en ce sens, ordonnance Endesa/Commission, précitée, point 38).

58      Enfin, les frais et débours des représentants de l’intervenante comprennent les frais de photocopies et de reproduction, les appels téléphoniques, l’envoi de lettres et de colis au greffe du Tribunal et au client, ainsi que les frais de déplacement à Luxembourg et s’élèvent à 4 631,50 euros. Eu égard au fait que la plupart de ces frais sont afférents à des photocopies et la reproduction en couleur de plusieurs documents dont la nature n’est pas spécifiée, il y a lieu de considérer que leur montant est manifestement excessif. Par conséquent, il y a lieu de réduire ces frais à 1 000 euros.

59      En troisième lieu, il convient de relever que, si l’affaire présente un certain intérêt économique pour l’intervenante, en l’absence d’éléments concrets apportés par cette dernière, cet intérêt économique ne saurait être considéré comme étant d’une importance inhabituelle (voir ordonnance CAPIO, précitée, point 14).

60      Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des honoraires récupérables par les représentants de l’intervenante au titre des frais de représentation en fixant leur montant à 30 000 euros.

61      Il convient d’ajouter à ce montant ceux des divers frais et débours des avocats de l’intervenante fixés à 1 000 euros.

62      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent et sans qu’il n’y ait lieu de statuer sur les frais exposés aux fins de la présente procédure (voir, en ce sens, ordonnances Mulder e.a./Conseil et Commission, précitée, point 87 et Endesa/Commission, précitée, point 54), le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des dépens récupérables par l’intervenante au titre de la procédure devant le Tribunal en fixant leur montant à 31 000 euros, lequel montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire, jusqu’au moment de l’adoption de la présente ordonnance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

Ordonne :

1)      Le montant total à rembourser par Lego Juris A/S à Mega Brands Inc. est fixé à 31 000 euros.

Fait à Luxembourg, le 2 décembre 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       S. Papasavvas


* Langue de procédure : l'anglais.