Language of document : ECLI:EU:T:2019:411

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

13 juin 2019 (*)

« Marchés publics de travaux – Procédure d’appel d’offres – Travaux d’entreprise générale pour les bâtiments du Parlement européen à Bruxelles – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire et attribution du marché à d’autres soumissionnaires – Offre anormalement basse – Recours en annulation – Acte non susceptible de recours – Irrecevabilité – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑299/18,

Strabag Belgium, établie à Anvers (Belgique), représentée initialement par Mes M. Schoups, K. Lemmens et M. Lahbib, puis par Mes Schoups, Lemmens et M. Thomas, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes P. López-Carceller, Z. Nagy et M. D. Simon Balázs, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du Parlement du 19 avril 2018 de maintenir sa décision du 24 novembre 2017 de rejeter l’offre de la requérante et d’attribuer à cinq soumissionnaires le marché relatif à un contrat-cadre de travaux d’entreprise générale pour les bâtiments du Parlement à Bruxelles (appel d’offres 06D 20/2017/M036) et, d’autre part, de l’addendum joint au rapport d’évaluation des offres du Parlement du 26 mars 2018,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le Parlement européen a publié, au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne, le 29 juillet 2017, une invitation à soumissionner pour la conclusion d’un contrat-cadre de travaux d’entreprise générale pour ses bâtiments à Bruxelles (Belgique).

2        Selon l’article 2 du cahier des charges, l’appel d’offres a été lancé « en vue de la signature d’un contrat-cadre [d’une durée de 48 mois] avec opérateurs multiples […] et remise en concurrence afin de réaliser divers travaux d’aménagement ».

3        Selon l’article 3 du cahier des charges, le marché « vise la réalisation de divers travaux d’aménagement relevant d’une entreprise générale de travaux (gros œuvre, second œuvre, parachèvements, etc.), dans les bâtiments du Parlement à Bruxelles ».

4        L’article 12 du cahier des charges, intitulé « Modalités d’exécution des contrats-cadres », dispose ce qui suit :

« Les contrats-cadres seront exécutés à l’aide de contrats spécifiques qui doivent être signés après l’application d’un système de passation de commandes avec remise en concurrence.

La mise en place de ce système comportera la signature, à l’issue de la présente procédure, de 5 contrats-cadres au plus (si le nombre d’offres recevables et conformes le permet) avec les 5 premiers opérateurs économiques classés à l’issue de l’évaluation des offres soumises dans le cadre de la présente procédure […]

Après réception et évaluation des nouvelles offres, le Parlement décidera de l’attribution de la commande qui sera exécutée à compter de la signature du contrat spécifique.

Les critères d’attribution, ainsi que leur pondération, définis par le Parlement pour l’évaluation des offres reçues dans le cadre de la procédure de remise en concurrence sont les suivants :

–        soit uniquement le critère prix ;

–        soit un rapport qualité/prix dans lequel la qualité sera fonction des délais proposés par le contractant.

Dans cette seconde hypothèse, la pondération du critère prix pourra varier de 60 % à 90 % et celle du critère qualité de 40 % à 10 %.

[…] »

5        L’article 15 du cahier des charges, intitulé « Critères d’attribution », dispose ce qui suit :

« Le marché sera attribué aux 5 offres les moins chères, si le nombre d’offres reçues le permet, parmi les offres recevables et conformes au cahier des charges.

La comparaison des offres sera effectuée sur base des coefficients φSAJ et φTOT proposés par le soumissionnaire dans le document “Cahier d’engagement”.

La détermination du prix de l’offre servant à la comparaison se fera par application de la formule suivante :

Poffre = [(70Mio+(7Mio*(1+φSAJ))]*(1+φTOT)

dans laquelle :

–        Poffre est le prix de l’offre servant pour la comparaison ;

–        φTOT est le coefficient fee applicable au montant des travaux ;

Ce coefficient comprend les frais généraux et bénéfices du Contractant, tant au niveau du chantier que du siège de l’entreprise.

–        φSAJ est le coefficient fee applicable aux postes en sommes à justifier.

Ce coefficient comprend les frais de coordination de chantier lors de l’utilisation de sommes à justifier. Il comprend les frais de chantier de gestion de la préparation et des travaux, du suivi, mais pas les Frais généraux et bénéfices du Contractant (voir φTOT). Tous les frais spécifiques relatifs aux travaux sont réputés être compris dans le poste Somme à justifier proprement dit. Par extension, ce taux est utilisé pour le calcul des états modificatifs éventuels.

Ce taux comprend tous les frais d’encadrement (conducteur des travaux, ingénieur de projet, ingénieur méthode, chef de projet, secrétariat, deviseur, comptabilité ...) nécessaires à l’exécution des travaux repris dans le poste Somme à justifier et dans les états modificatifs. Ceci comprend entre autres les frais de préparation de travaux, comme par exemple :

–        la prise de connaissance et les investigations

–        la mise au point de l’exécution

–        les visites avec les corps de métier

–        le travail par le service méthode

–        la planification

–        …

ainsi que tout le suivi des travaux et l’achèvement de ceux-ci (constatations de fin de travaux, collection et compulsion de l’AS BUILT auprès des sous-traitants/fournisseurs…). »

6        Conformément à l’article 5 du cahier d’engagement, le soumissionnaire était censé indiquer les coefficients « φTOT » et « φSAJ », en application desquels il s’engageait à exécuter l’objet de l’offre.

7        Dans son offre du 20 septembre 2017, la requérante, Strabag Belgium, a indiqué 7 % pour le coefficient « φTOT » et 10 % pour le coefficient « φSAJ ».

8        Le 27 septembre 2017, le Parlement a ouvert les offres. Sur la base des dix offres soumises, le Parlement a établi le classement suivant : 


Société

Coefficient « φTOT » en %

Coefficient « φSAJ »

en %

Montant

en millions d’euros

1

[…]

2,3

3,00

78,9858

2

[…]

4,5

4,00

80,7576

3

[…]

5,0

6,50

81,3278

4

[…]

5,0

7,00

81,3645

5

[…]

5,0

10,00

81,5850

6

[la requérante]

7,0

10,00

83,1390

7

[…]

7,10

9,50

83,1792

8

[…]

12,0

17,00

87,5728

9

[…]

17,75

16,75

92,0481

10

[…]

24,00

8,00

96,1744


9        Par sa décision du 24 novembre 2017, communiquée à la requérante par courriel du même jour, le Parlement a rejeté l’offre de la requérante et a attribué à cinq autres soumissionnaires le marché relatif au contrat-cadre en question (ci-après la « décision du 24 novembre 2017 »).

10      Par courriel du 28 novembre 2017, la requérante a contesté la décision du 24 novembre 2017. À cet égard, elle a fait valoir que l’offre classée au premier rang était anormalement basse et aurait dû être rejetée pour ce motif. Ainsi, son offre aurait dû être accueillie comme étant parmi les cinq offres les moins chères.

11      Le 4 décembre 2017, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 24 novembre 2017, enregistré sous le numéro T‑784/17, assorti d’une demande en référé, tendant, en substance, au sursis à l’exécution de cette décision.

12      Par ordonnance du 18 janvier 2018, Strabag Belgium/Parlement (T‑784/17 R, non publiée, EU:T:2018:17), le président du Tribunal a sursis à l’exécution de la décision du 24 novembre 2017, a rejeté la demande pour le surplus et a réservé les dépens.

13      À ces fins, le président du Tribunal a constaté l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux en ce que le Parlement n’aurait pas constaté que l’offre classée au premier rang dans la décision du 24 novembre 2017 apparaissait anormalement basse et qu’il n’aurait pas procédé à la vérification prévue à l’article 151 du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union (JO 2012, L 362, p. 1, ci-après le « règlement d’application »).

14      À la suite de l’ordonnance du 18 janvier 2018, Strabag Belgium/Parlement (T‑784/17 R, non publiée, EU:T:2018:17), le Parlement a procédé, par les soins de son comité d’évaluation, à la vérification de l’existence d’offres anormalement basses pour ce qui concerne les offres classées aux premier et deuxième rangs. À cet égard, il s’est adressé, le 7 février 2018, aux soumissionnaires dont les offres avaient été classées aux premier et deuxième rangs, afin d’obtenir des renseignements complémentaires pour l’appréciation de leurs offres.

15      Le 16 février 2018, le Parlement a obtenu de ces deux soumissionnaires les informations demandées, sur la base desquelles il a procédé à des vérifications. En particulier, le soumissionnaire ayant déposé l’offre classée au premier rang (ci-après le « soumissionnaire X ») a présenté une décomposition des deux coefficients proposés dans son offre. Ainsi, dans le cadre du coefficient « φTOT », il a prévu 1,8 % pour les frais généraux et 0,5 % pour les bénéfices. En ce qui concerne le coefficient « φSAJ », il a prévu 0,5 % pour la préparation des travaux, 2,0 % pour le suivi des travaux et 0,5 % pour l’achèvement des travaux. Par ailleurs, le soumissionnaire X a fait valoir que son carnet de commandes lui permettait d’optimiser le coefficient « φTOT », s’est prévalu de ses expériences de travaux et de contrats similaires pour démontrer que les coefficients qu’il avait proposés étaient réalistes et s’est engagé à respecter l’ensemble des spécifications techniques du marché ainsi que toutes ses obligations légales en matière de droit environnemental, social et du travail.

16      Ces vérifications ont abouti le 26 mars 2018 à l’établissement d’un « addendum » joint au rapport d’évaluation des offres du comité d’évaluation (ci-après l’« addendum »).

17      Dans l’addendum, le comité d’évaluation a conclu qu’« aucun élément fourni soit dans les offres soumises, soit dans les explications complémentaires, ne permet[tait] d’affirmer que les offres [étaient] anormalement basses au regard de la réglementation applicable ». Il a, dès lors, recommandé « de maintenir [la décision du 24 novembre 2017] et d’attribuer le marché aux sociétés » auxquelles il avait déjà été attribué par ladite décision.

18      Par acte du 19 avril 2018 (ci-après la « décision attaquée »), le Parlement a « décidé de maintenir en tous ses termes » la décision du 24 novembre 2017. L’addendum a été placé en annexe de cette décision.

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 mai 2018, le Parlement a introduit une demande de modification de l’ordonnance du 18 janvier 2018, Strabag Belgium/Parlement (T‑784/17 R, non publiée, EU:T:2018:17), fondée sur l’article 159 du règlement de procédure du Tribunal, dans laquelle il a demandé, en substance, que cette ordonnance fût rapportée en ce qu’elle accordait le sursis à l’exécution de la décision du 24 novembre 2017.

20      Le 26 juin 2018, le président du Tribunal a rejeté la demande de modification du 7 mai 2018 du Parlement par l’ordonnance Strabag Belgium/Parlement (T‑784/17 R II, non publiée, EU:T:2018:388).

21      Les cinq contrats-cadres ont été signés le 20 juillet 2018.

22      Le 30 janvier 2019, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé de rejeter la demande de jonction de la présente affaire à l’affaire T‑784/17, présentée par le Parlement dans le cadre de ladite affaire.

23      Par ordonnance du 12 mars 2019, Strabag Belgium/Parlement (T‑784/17, non publiée, EU:T:2019:162), le Tribunal (neuvième chambre) a considéré qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur la demande tendant à l’annulation de la décision du 24 novembre 2017 et a condamné le Parlement aux dépens, y compris à ceux afférents aux procédures de référé.

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 mai 2018, la requérante a formé le présent recours.

25      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, notamment, au sursis à l’exécution de la décision attaquée.

26      Le 26 juin 2018, le président du Tribunal a rejeté la demande en référé par l’ordonnance Strabag Belgium/Parlement (T‑299/18 R, non publiée, EU:T:2018:389).

27      Le 9 juillet 2018, par ordonnance Strabag Belgium/Parlement (T‑299/18 R‑REC, non publiée, EU:T:2018:420), le président du Tribunal a ordonné la rectification d’une erreur de plume constatée au point 46 de l’ordonnance du 26 juin 2018, Strabag Belgium/Parlement (T‑299/18 R, non publiée, EU:T:2018:389).

28      Les parties n’ont pas déposé de demande visant à être entendues lors d’une audience de plaidoiries, au titre de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure, dans le délai imparti.

29      Le Tribunal (neuvième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

30      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler l’addendum ;

–        condamner le Parlement aux dépens, « y compris à une indemnité de procédure s’élevant à 5 000 euros ».

31      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés au cours de la procédure de référé.

 En droit

 Sur le second chef de conclusions

32      Dans le cadre de son second chef de conclusions, la requérante demande l’annulation de l’addendum.

33      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, ne constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation au sens de l’article 263 TFUE que les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9 ; du 5 octobre 1999, Pays-Bas/Commission, C‑308/95, EU:C:1999:477, point 26, et du 29 janvier 2002, Van Parys et Pacific Fruit Company/Commission, T‑160/98, EU:T:2002:18, point 60).

34      Pour déterminer si un acte attaqué produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9 ; voir, également, arrêt du 18 octobre 2018, ArcelorMittal Tubular Products Ostrava e.a./Commission, T‑364/16, EU:T:2018:696, point 22 et jurisprudence citée).

35      Plus particulièrement, lorsqu’il s’agit d’actes dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, il résulte de cette même jurisprudence que, en principe, ne constituent un acte attaquable que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion de mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 10, et du 14 décembre 2006, Allemagne/Commission, T‑314/04 et T‑414/04, non publié, EU:T:2006:399, point 38).

36      Comme exposé au point 17 ci-dessus, dans le cadre de l’addendum, le comité d’évaluation des offres du Parlement se borne à « recommander » à l’ordonnateur compétent de maintenir la décision du 24 novembre 2017.

37      Partant, l’addendum, pris isolément, ne produit pas d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la requérante, puisqu’il se limite à formuler une recommandation.

38      Il y a donc lieu de rejeter le second chef de conclusions comme irrecevable.

 Sur le premier chef de conclusions

39      Par son moyen unique soulevé au soutien du recours, la requérante invoque une violation de l’article 151 du règlement d’application en ce que le Parlement aurait dû exclure l’offre classée au premier rang comme anormalement basse.

40      Dans ce cadre, elle soulève, en substance, quatre griefs, tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation, le deuxième, d’une violation du principe de bonne administration, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation et, le quatrième, d’une violation des principes de transparence, d’égalité de traitement, de proportionnalité et de non-discrimination.

41      Il convient d’examiner d’abord le troisième grief, tiré d’une violation de l’obligation de motivation.

 Sur le troisième grief, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

42      Dans le cadre du troisième grief, la requérante reproche au Parlement d’avoir désigné l’offre du soumissionnaire X comme étant l’offre régulière la plus basse, « sans motivation adéquate ».

43      Le Parlement conteste cette argumentation.

44      S’agissant de la violation alléguée de l’obligation de motivation, il résulte du point 68 de l’arrêt du 15 octobre 2013, European Dynamics Belgium e.a./EMA (T‑638/11, non publié, EU:T:2013:530), que le pouvoir adjudicateur doit, afin de motiver sa décision de ne pas écarter une offre comme anormalement basse, exposer le raisonnement au terme duquel, d’une part, il a conclu que, par ses caractéristiques principalement financières, une telle offre respectait notamment la législation du pays dans lequel les services devraient être exécutés, en matière de rémunération du personnel, de contribution au régime de sécurité sociale et de respect des normes de sécurité et de santé au travail et, d’autre part, il a vérifié que le prix proposé intégrait tous les coûts induits par les aspects techniques de l’offre retenue.

45      Toutefois, il est constant que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, et notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 26 janvier 2017, TV1/Commission, T‑700/14, non publié, EU:T:2017:35, point 80 et jurisprudence citée).

46      À cet égard, il convient de relever, comme l’a d’ailleurs mentionné le président du Tribunal au point 55 de l’ordonnance du 26 juin 2018, Strabag Belgium/Parlement (T‑299/18 R, non publiée, EU:T:2018:389), que le marché en cause est caractérisé par la particularité que les travaux faisant l’objet du marché ne sont décrits que de manière très sommaire. En effet, comme évoqué au point 3 ci-dessus, l’article 3 du cahier des charges indique seulement que le marché « vise la réalisation de divers travaux d’aménagement relevant d’une entreprise générale de travaux (gros œuvre, second œuvre, parachèvements, etc.), dans les bâtiments du Parlement à Bruxelles ». Notamment, les soumissionnaires n’ont pas été invités à faire une offre en fonction de certains travaux de type standard relevant de la description de l’objet du marché. En effet, les seuls éléments variables que les soumissionnaires ont dû indiquer dans leurs offres, conformément à l’article 5 du cahier d’engagement, étaient les chiffres relatifs aux coefficients « φTOT » et « φSAJ ».

47      En l’absence d’un grief de la requérante remettant en cause le descriptif des travaux et les critères d’attribution du contrat-cadre, l’appréciation portée sur le respect de l’obligation de motivation doit tenir compte des spécificités indiquées au point 46 ci-dessus.

48      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, à permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité (voir arrêt du 26 janvier 2017, TV1/Commission, T‑700/14, non publié, EU:T:2017:35, point 79 et jurisprudence citée).

49      Or, en l’espèce, comme l’a relevé le président du Tribunal au point 58 de l’ordonnance du 26 juin 2018, Strabag Belgium/Parlement (T‑299/18 R, non publiée, EU:T:2018:389), la motivation de la décision attaquée fait apparaître, de manière claire et non équivoque, les éléments sur lesquels le Parlement a fondé sa décision. En particulier, il convient d’observer que ces explications figurent dans l’addendum annexé à la décision attaquée.

50      Ainsi, premièrement, le Parlement fait référence au fait que le soumissionnaire X a pris en compte, dans le calcul aboutissant aux coefficients qu’il a proposés, l’intégralité des aspects du marché, et notamment les frais relatifs à la préparation des travaux, au suivi des travaux et à l’achèvement des travaux, les frais généraux et les bénéfices.

51      En particulier, le Parlement explique, dans l’addendum, que la décomposition du coefficient « φTOT » est telle que la part relative aux frais généraux est de 1,8 % et que la part relative aux bénéfices est de 0,5 %. Il mentionne également que la décomposition du coefficient « φSAJ » est telle que la part relative à la préparation des travaux s’élève à 0,5 %, que la part relative au suivi des travaux s’élève à 2,0 % et que la part relative à l’achèvement des travaux s’élève à 0,5 %. De plus, il est précisé que la détermination de ces coefficients résulte de la prise en compte, par le soumissionnaire X, de l’ensemble des conditions définies dans les documents d’appels d’offres, et notamment des caractéristiques du marché telles que le volume des travaux d’une valeur totale maximale évaluée à 80 000 000 euros et la durée du contrat-cadre s’élevant à 48 mois.

52      Deuxièmement, le Parlement fait référence, dans l’addendum, au fait que les coefficients proposés ainsi que leur décomposition découlent d’éléments tels que l’organisation interne, le carnet de commandes, la politique commerciale des soumissionnaires ainsi que des retours d’expérience de contrats similaires.

53      Troisièmement, le Parlement mentionne, dans l’addendum, que le soumissionnaire X s’est engagé à respecter l’ensemble des spécificités techniques du marché ainsi que toutes ses obligations légales en matière de respect du droit de l’environnement, fiscal, social et du travail.

54      Quatrièmement, le Parlement expose que des taux similaires à ceux proposés par le soumissionnaire X ont été proposés dans le cadre de précédents marchés, de nature et d’étendue comparables à celles du marché en cause, sans que l’exécution des contrats conclus à l’issue de ces marchés en ait été affectée.

55      Sur la base de ces éléments, le Parlement a clairement indiqué dans l’addendum qu’aucun élément fourni soit dans les offres soumises, soit dans les explications complémentaires, ne permettait d’affirmer que l’offre du soumissionnaire X était anormalement basse au regard de la réglementation applicable et que, partant, il y avait lieu de maintenir la décision du 24 novembre 2017.

56      Il résulte de ce qui précède qu’aucune insuffisance de motivation ne saurait être constatée en l’espèce. Le troisième grief doit, partant, être écarté comme non fondé.

 Sur le premier grief, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

57      Dans le cadre de son premier grief, la requérante soutient, en substance, à titre principal, que le Parlement a commis une erreur manifeste d’appréciation en s’abstenant de rejeter comme anormalement basse l’offre classée au premier rang du marché en cause.

58      Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.

59      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 151 du règlement d’application, intitulé « Offres anormalement basses », prévoit ce qui suit :

« 1. Si, pour un marché donné, le prix ou le coût proposé dans l’offre apparaît anormalement bas, le pouvoir adjudicateur demande, par écrit, les précisions qu’il juge opportunes sur la composition du prix ou du coût et donne au soumissionnaire la possibilité de présenter ses observations.

Le pouvoir adjudicateur peut notamment prendre en considération des observations concernant :

a)       l’économie du procédé de fabrication, de la prestation de services ou du procédé de construction ;

b)       les solutions techniques adoptées ou les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnaire ;

c)       l’originalité de l’offre du soumissionnaire ;

d)       le respect, par le soumissionnaire, des obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, social et du travail ;

e)       le respect, par les sous-traitants, des obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, social et du travail ;

f)       l’obtention éventuelle d’une aide d’État par le soumissionnaire, conformément aux règles applicables.

2. Le pouvoir adjudicateur ne peut rejeter l’offre que si les éléments de preuve fournis n’expliquent pas de manière satisfaisante le bas niveau du prix ou des coûts proposés.

Le pouvoir adjudicateur rejette l’offre s’il établit que celle-ci est anormalement basse parce qu’elle contrevient aux obligations applicables dans les domaines du droit environnemental, social et du travail.

[…] »

60      Premièrement, il convient de relever que la notion d’« offre anormalement basse » n’est définie ni dans les dispositions du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier »), ni dans celles du règlement d’application. Il a cependant été jugé que le caractère anormalement bas d’une offre devait être apprécié par rapport à la composition de l’offre et à la prestation en cause (arrêt du 28 janvier 2016, Agriconsulting Europe/Commission, T‑570/13, EU:T:2016:40, point 55).

61      Deuxièmement, il apparaît que l’appréciation, par le pouvoir adjudicateur, de l’existence d’offres anormalement basses s’opère en deux temps.

62      Dans un premier temps, le pouvoir adjudicateur doit apprécier si les offres soumises « apparaissent » anormalement basses (voir article 151, paragraphe 1, du règlement d’application). L’usage du verbe « apparaître » dans le règlement d’application implique que le pouvoir adjudicateur procède à une appréciation prima facie du caractère anormalement bas d’une offre. Le règlement d’application n’impose dès lors pas au pouvoir adjudicateur de procéder d’office à une analyse détaillée de la composition de chaque offre afin d’établir qu’elle ne constitue pas une offre anormalement basse. Ainsi, le pouvoir adjudicateur doit uniquement déterminer si les offres soumises contiennent un indice de nature à éveiller le soupçon qu’elles pourraient être anormalement basses. Tel est notamment le cas lorsque le prix proposé dans une offre soumise est considérablement inférieur à celui des autres offres soumises ou au prix habituel du marché. Si les offres soumises ne contiennent pas un tel indice et n’apparaissent donc pas anormalement basses, le pouvoir adjudicateur peut continuer l’évaluation de cette offre et la procédure d’attribution du marché (arrêt du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 88).

63      En revanche, s’il existe des indices de nature à éveiller le soupçon qu’une offre pourrait être anormalement basse, le pouvoir adjudicateur doit procéder, dans un second temps, à la vérification de la composition de l’offre afin de s’assurer que celle-ci n’est pas anormalement basse. Lorsqu’il procède à cette vérification, le pouvoir adjudicateur a l’obligation de donner au soumissionnaire de ladite offre la possibilité d’exposer pour quelles raisons il estime que son offre n’est pas anormalement basse. Le pouvoir adjudicateur doit ensuite apprécier les explications fournies et déterminer si l’offre en question présente un caractère anormalement bas, auquel cas il est dans l’obligation de la rejeter (arrêt du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 89).

64      Le pouvoir adjudicateur, à l’issue de la vérification des prix proposés, ne peut rejeter une telle offre que dans les deux cas prévus à l’article 151, paragraphe 2, du règlement d’application.

65      Troisièmement, il convient de rappeler que les institutions, organes et organismes de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres et le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur grave et manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 23 novembre 1978, Agence européenne d’intérims/Commission, 56/77, EU:C:1978:208, point 20 ; du 17 décembre 1998, Embassy Limousines & Services/Parlement, T‑203/96, EU:T:1998:302, point 56, et du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/OEDT, T‑63/06, non publié, EU:T:2010:368, point 73).

66      En particulier, afin d’établir que, dans l’appréciation des faits, le pouvoir adjudicateur a commis une erreur à ce point manifeste qu’elle est de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues dans la décision en cause. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme vraie ou valable (voir arrêt du 7 juin 2017, Blaž Jamnik et Blaž/Parlement, T‑726/15, EU:T:2017:376, point 38 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 juin 2018, Lubrizol France/Conseil, C‑223/17 P, non publié, EU:C:2018:442, point 39).

67      C’est sur la base de ces considérations qu’il convient d’examiner si le Parlement a commis une erreur manifeste d’appréciation en s’abstenant de rejeter l’offre classée au premier rang.

68      En particulier, il convient d’examiner, en application notamment de la jurisprudence citée au point 66 ci-dessus, si les arguments ou les éléments de preuve soulevés par la requérante privent de plausibilité l’appréciation du Parlement selon laquelle l’offre classée au premier rang n’était pas anormalement basse.

69      À l’appui de son grief, la requérante soulève six arguments, tirés, le premier, du fait que le soumissionnaire X travaillerait « à perte » ou « gratuitement », le deuxième, du fait que, en proposant des coefficients « φTOT » et « φSAJ » bas, le soumissionnaire X n’aurait pas respecté les salaires minimaux obligatoires et les mesures de sécurité en vigueur, le troisième, du fait que le soumissionnaire X exercerait une concurrence déloyale à l’égard des autres soumissionnaires, le quatrième, de la comparaison des coefficients proposés par le soumissionnaire X avec ceux des autres soumissionnaires, le cinquième, du fait que le niveau de coefficient proposé par le soumissionnaire X s’agissant des frais généraux serait beaucoup plus bas que celui communément appliqué en Belgique et, le sixième, du fait que le niveau du coefficient « φTOT » proposé par le soumissionnaire X serait significativement plus bas que ceux figurant dans le barème CMK-2003.

–       Sur le premier argument, tiré du fait que le soumissionnaire X travaillerait « à perte » ou « gratuitement »

70      La requérante fait valoir que les vérifications conduites par le Parlement montrent que le soumissionnaire X travaillerait « à perte » ou « gratuitement » concernant le marché en question, ce qui serait illégal, notamment à la lumière du droit belge.

71      Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.

72      À cet égard, il apparaît que, dans le cadre de son offre, le soumissionnaire X a prévu une marge de bénéfice s’élevant à 0,5 %, comme exposé au point 15 ci-dessus.

73      Force est de constater que, bien que ce taux apparaisse très faible, le soumissionnaire n’entend donc pas travailler « gratuitement » ou « à perte », comme le prétend la requérante, puisqu’il n’entend pas dégager une marge de bénéfice nulle ou négative.

74      De plus, il apparaît que, comme l’a au demeurant mentionné le président du Tribunal au point 48 de l’ordonnance du 26 juin 2018, Strabag Belgium/Parlement (T‑299/18 R, non publiée, EU:T:2018:389), un tel niveau de marge de bénéfice se retrouve également dans l’offre qui a été classée au deuxième rang.

75      En outre, s’agissant de la circonstance, soulignée par la requérante dans la réplique, selon laquelle la marge de bénéfice proposée serait significativement plus basse que celle figurant dans les comptes annuels du soumissionnaire X, au niveau mondial, pour les années 2016 et 2017, il suffit de répondre qu’aucune norme de droit ne s’oppose à ce qu’un soumissionnaire propose, dans le cadre de son offre, un taux de marge différent de celui qu’il pourrait proposer pour d’autres marchés.

76      L’argument de la requérante ne prive donc pas de plausibilité l’appréciation du Parlement selon laquelle l’offre classée au premier rang n’était pas anormalement basse. Il doit, partant, être écarté.

–       Sur le deuxième argument, tiré du fait que, en proposant des coefficients « φTOT » et « φSAJ » bas, le soumissionnaire X n’aurait pas respecté les salaires minimaux obligatoires et les mesures de sécurité en vigueur

77      La requérante mentionne qu’elle a des « doutes » quant au fait que, en proposant des coefficients très bas, le soumissionnaire X violerait la législation sociale applicable en matière de salaire minimal et de mesures de sécurité applicables.

78      À cet égard, il suffit de relever que la requérante se borne à faire état de « doutes », sans apporter aucun élément de preuve au soutien de ses allégations. Au demeurant, ainsi que l’a relevé le Parlement dans l’addendum, le soumissionnaire X a indiqué ne pas se retrouver dans l’un des cas d’exclusion prévus par le règlement financier, tels que les cas de non-respect des obligations sociales, et s’est engagé à respecter toutes ses obligations légales en matière de respect du droit de l’environnement, social et du travail. L’argument doit, partant, être écarté.

–       Sur le troisième argument, tiré du fait que le soumissionnaire X exercerait une concurrence déloyale à l’égard des autres soumissionnaires

79      La requérante invoque le fait que le soumissionnaire X exerce une concurrence déloyale à l’égard des autres soumissionnaires. En particulier, la requérante mentionne que ledit soumissionnaire sera en mesure de compenser le niveau anormalement bas du coefficient « φTOT » dans le cadre du marché en question par des prix artificiellement élevés dans le cadre des marchés subséquents qui seront attribués, ce qui constituerait une distorsion illégale de la concurrence.

80      Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.

81      À titre liminaire, s’il est vrai que, comme le rappelle la requérante dans la réplique, selon l’article 102, paragraphe 3, du règlement financier, les pouvoirs adjudicateurs n’ont pas recours aux contrats-cadres de façon abusive ou de telle sorte que ceux-ci aient pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence, force est de constater que la requérante ne conteste pas dans son recours la légalité des critères d’attribution dudit contrat-cadre. Or, il n’appartient pas au Tribunal d’examiner d’office la légalité du recours en l’espèce à un contrat-cadre, non plus que la légalité des critères d’attribution retenus dans le cadre de ce contrat-cadre.

82      Premièrement, il convient de relever que la requérante se borne à alléguer un comportement futur et hypothétique du soumissionnaire X, sans apporter aucun élément concret de nature à établir que ce soumissionnaire proposera effectivement ou risquera de proposer, dans le cadre des marchés subséquents, des prix « artificiellement hauts ».

83      Deuxièmement, il importe de rappeler que les marchés subséquents feront l’objet de nouvelles mises en concurrence auxquelles participeront, en toute hypothèse, les quatre autres soumissionnaires retenus à l’issue du marché en cause. Ainsi, comme le rappelle le Parlement, si le soumissionnaire X décide d’augmenter ses prix à un niveau artificiellement élevé lors desdites mises en concurrence, il s’expose au risque qu’un autre soumissionnaire dépose une offre plus basse et se voit ainsi attribuer le marché en question.

84      L’argument de la requérante ne prive donc pas de plausibilité l’appréciation du Parlement selon laquelle l’offre classée au premier rang n’était pas anormalement basse. Il doit, partant, être écarté.

–        Sur le quatrième argument, tiré de la comparaison des coefficients proposés par le soumissionnaire X avec ceux des autres soumissionnaires

85      Aux fins de démontrer que les coefficients proposés par le soumissionnaire X sont anormalement bas, la requérante présente un certain nombre de calculs arithmétiques pour comparer les différents coefficients proposés avec ceux des autres soumissionnaires.

86      Plus précisément, la requérante expose des calculs reposant sur une comparaison entre le coefficient « φTOT » proposé par le soumissionnaire X et la moyenne, ou une moyenne corrigée, des coefficients « φTOT » de toutes les offres.

87      Suivant ces calculs, que la requérante n’effectue que pour l’offre classée en premier rang, celle-ci présenterait des écarts en pourcentage très élevés par rapport à l’offre suivante et par rapport à la moyenne de toutes les offres, ce qui ferait d’elle une offre anormalement basse.

88      Le Parlement conteste cette argumentation.

89      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le fait que le prix proposé par l’adjudicataire soit substantiellement plus bas que celui proposé par la requérante n’est pas en soi la preuve que l’offre de l’adjudicataire devait être considérée comme étant anormalement basse (voir, en ce sens, arrêt du 8 octobre 2015, Secolux/Commission, T‑90/14, non publié, EU:T:2015:772, point 64).

90      En effet, les coûts des différents opérateurs économiques peuvent fortement varier, pour un même service ou pour un même travail, en fonction de circonstances qui leur sont propres (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2017, Solelec e.a./Parlement, T‑281/16, non publié, EU:T:2017:711, point 135).

91      Ainsi, comme le rappelle à juste titre le Parlement, les coefficients proposés dans le cadre de l’appel d’offres en question ne contiennent pas le prix des travaux, qui seront déterminés dans le cadre des appels d’offres subséquents, mais uniquement les frais généraux et les bénéfices (coefficient « φTOT ») ou, pour les travaux sous postes en sommes à justifier, les frais de coordination de chantier (coefficient « φSAJ »). Or, ces frais dépendent, dans une très large mesure, de facteurs tels que la surface technique et financière du soumissionnaire, son organisation interne, sa faculté individuelle à réaliser des économies d’échelle, sa marge bénéficiaire ou sa politique commerciale.

92      Par conséquent, les frais généraux, les bénéfices et les frais de coordination de chantier sont intrinsèquement liés à chaque soumissionnaire. Il n’est donc pas anormal que les taux proposés diffèrent en fonction des soumissionnaires. Partant, des écarts importants éventuellement constatés entre ces taux ne sont pas nécessairement de nature à démontrer l’existence d’offres anormalement basses.

93      En outre, en tout état de cause, il apparaît que, s’il est vrai que les taux proposés par le soumissionnaire X sont plus bas que les taux proposés par les autres soumissionnaires, force est de constater qu’il n’existe qu’un écart de 5 % entre l’offre proposée par le soumissionnaire X (78,9858 millions d’euros) et l’offre de la requérante (83,1390 millions d’euros) telles qu’elles résultent de l’application, aux coefficients proposés, de la formule mathématique mentionnée au point 5 ci-dessus. Le Tribunal constate donc que les offres de la requérante et du soumissionnaire X étaient, de ce point de vue, assez proches.

94      L’argument de la requérante ne prive donc pas de plausibilité l’appréciation du Parlement selon laquelle l’offre classée au premier rang n’était pas anormalement basse. Il doit, partant, être écarté.

–       Sur le cinquième argument, tiré du fait que le niveau de coefficient proposé par le soumissionnaire X s’agissant des frais généraux serait beaucoup plus bas que celui communément appliqué en Belgique

95      La requérante fait valoir que, en Belgique, selon certaines publications, les coefficients communément appliqués pour les frais généraux s’élèveraient à des niveaux variant entre 15 et 19 % et seraient donc beaucoup plus élevés que le taux s’élevant à 1,8 % qui serait proposé par le soumissionnaire X.

96      Le Parlement conteste cette argumentation.

97      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante reconnaît dans la requête que lesdites publications, et donc les taux évoqués dans celles-ci, ne sont pas directement applicables au marché en cause.

98      À cet égard, pour justifier le taux de 15 ou de 19 % qui constituerait, selon elle, un taux en dessous duquel un taux de frais généraux devrait être considéré comme anormalement bas, la requérante se réfère à une publication dans laquelle les auteurs mentionnent que « de pratique personnelle, nous constatons fréquemment que les taux généraux fixes (dit également “frais généraux de siège”) varient d’une entreprise à l’autre dans une fourchette habituelle de 15 à 19 % ». Il convient, à cet égard, de relever que cette analyse est une analyse fondée sur la pratique personnelle des auteurs. Or, il ne peut être exclu que cette pratique personnelle ne soit pas représentative des marchés publics belges en général et du marché en cause en particulier. En l’absence d’indications sur les marchés concernés par l’analyse (date, localisation, nature des travaux conduits en particulier), il y a lieu de constater que la requérante n’apporte pas d’éléments suffisants permettant de prouver qu’un taux de 15 ou de 19 % constituerait un taux plancher en dessous duquel un taux de frais généraux devrait être considéré comme anormalement bas.

99      Par ailleurs, il convient de relever, ainsi que cela ressort du point 8 ci-dessus, que huit des dix soumissionnaires ayant participé à l’appel d’offres, et notamment la requérante, ont proposé, dans le cadre de leur offre, un coefficient « φTOT » sensiblement inférieur, voire très inférieur, au taux de 15 à 19 % mentionné dans les publications invoquées par la requérante.

100    L’argument de la requérante ne prive donc pas de plausibilité l’appréciation du Parlement selon laquelle l’offre classée au premier rang n’était pas anormalement basse. Il doit, partant, être écarté.

–       Sur le sixième argument, tiré du fait que le niveau du coefficient « φTOT » proposé par le soumissionnaire X serait significativement plus bas que ceux figurant dans le barème CMK-2003

101    La requérante fait référence à la circulaire n412-06-02, du 26 mars 2007, du secrétaire général du ministère de l’Équipement et des Transports de la Région wallonne (Belgique) (ci-après la « circulaire ») dans laquelle figure le barème CMK-2003 « servant à calculer la juste tarification des coûts de matériel ». Selon ce barème, il y aurait lieu d’appliquer un taux de 17 % « au total des coûts des salaires ouvriers, des matériaux et du matériel » et un taux de 10 % aux coûts de sous-traitance, afin de tenir compte des frais généraux et du bénéfice de l’entrepreneur principal. Ces taux seraient, selon la requérante, significativement plus élevés que le coefficient « φTOT » proposé par le soumissionnaire X dans son offre.

102    Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.

103    À titre liminaire, il convient de relever que la requérante reconnaît dans la requête que la circulaire n’est pas directement applicable au marché en cause.

104    À cet égard, force est de constater que la requérante n’apporte pas d’éléments suffisants permettant de prouver que le taux de 10 ou de 17 % cité dans le barème CMK-2003 constituerait un taux en dessous duquel le coefficient « φTOT » devrait être considéré comme anormalement bas. Ainsi, il convient de relever que le barème CMK-2003 « ne peut être appliqué que s’il est impossible d’établir le prix sur une autre base » selon l’article 0, intitulé « Champ d’application », de la circulaire. Il découle de ce qui précède que la circulaire n’est pas d’application générale, mais qu’elle ne concerne que certains marchés publics particuliers en Région wallonne. Or, la requérante n’apporte aucune explication permettant de déduire que le marché en cause peut être assimilé à ces marchés publics particuliers. De même, cette circulaire est datée du 26 mars 2007. Or, la requérante n’apporte aucune explication permettant de déduire que les taux de 17 et de 10 % mentionnés dans la circulaire continueraient d’être en vigueur dix ans plus tard, soit à la date de la passation du marché en cause.

105    Par ailleurs, il convient de relever, à l’instar du point 99 ci-dessus, que le coefficient « φTOT » proposé par les sept premiers soumissionnaires, et notamment par la requérante, est sensiblement inférieur, voire très inférieur, aux taux de 17 et de 10 % mentionnés dans le barème CMK-2003.

106    L’argument de la requérante ne prive donc pas de plausibilité l’appréciation du Parlement selon laquelle l’offre classée au premier rang n’était pas anormalement basse. Il doit, partant, être écarté.

107    Dans ces conditions, eu égard aux explications apportées par le soumissionnaire X et au vu de l’ensemble des considérations mentionnées aux points 70 à 106 ci-dessus, il n’apparaît pas que, en considérant qu’il n’était pas établi que l’offre du soumissionnaire X était anormalement basse et en refusant de l’écarter pour ce motif, le Parlement ait commis une erreur manifeste d’appréciation.

108    Il y a donc lieu d’écarter dans sa totalité le premier grief, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation.

 Sur le deuxième grief, tiré d’une violation du principe de bonne administration et de l’article 151 du règlement d’application

109    La requérante invoque d’abord une violation du principe de bonne administration, en ce que le Parlement n’aurait pas procédé à un examen sérieux de l’existence d’une offre anormalement basse.

110    En particulier, la requérante reproche au Parlement d’avoir repris les explications fournies par les deux soumissionnaires dont les offres ont été classées au premier et au deuxième rang, sans exiger desdits soumissionnaires des documents justificatifs des coefficients proposés, comme des attestations de réviseurs d’entreprises ou des bilans et comptes de résultat portant sur les dernières années comptables.

111    Ensuite, la requérante fait valoir que les éléments avancés par le soumissionnaire X ne correspondent pas aux justifications qui peuvent être prises en considération par un pouvoir adjudicateur sur la base des dispositions de l’article 151, paragraphe 1, second alinéa, sous a) à f), du règlement d’application, citées au point 59 ci-dessus.

112    Le Parlement conteste cette argumentation.

113    S’agissant du principe de bonne administration, il convient, tout d’abord, de rappeler que, en vertu de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union. À cet égard, la jurisprudence a précisé qu’il appartenait à l’administration, en vertu dudit principe, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents d’une affaire et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle mettait en œuvre (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2012, Brookfield New Zealand et Elaris/OCVV et Schniga, C‑534/10 P, EU:C:2012:813, point 51).

114    Il résulte de la jurisprudence que, lors de la phase de l’examen qui porte sur la question de savoir si l’offre est effectivement anormalement basse, le pouvoir adjudicateur doit effectuer un examen plus approfondi en procédant à la vérification de la composition de l’offre afin de s’assurer que celle-ci n’est pas anormalement basse et en appréciant les explications fournies par le soumissionnaire concerné (arrêt du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 89).

115    À cet égard, il convient de constater que le Parlement a correctement opéré un certain nombre de vérifications en demandant au soumissionnaire X, en particulier, d’une part, la décomposition du coefficient « φTOT » afin de mettre en évidence le taux de bénéfice et le taux de frais généraux et, d’autre part, la décomposition du coefficient « φSAJ » afin de mettre en évidence la part relative à la préparation des travaux, la part relative au suivi des travaux et la part relative à l’achèvement des travaux. De plus, il apparaît que le Parlement a demandé au soumissionnaire X de fournir les justifications pertinentes quant aux moyens dont il disposait lui permettant de proposer les niveaux de coefficients proposés tout en garantissant le respect de ses obligations notamment dans les domaines du droit environnemental, social et du travail ainsi que de ses obligations fiscales.

116    De même, sur la base des réponses fournies par le soumissionnaire X, il apparaît que le Parlement a correctement analysé le fait que ledit soumissionnaire avait pris en compte l’intégralité des aspects du marché et que le montant de l’offre découlait d’éléments tels que son organisation, son carnet de commandes, sa politique commerciale et ses retours d’expérience concernant des marchés de nature et d’importance similaires. Par ailleurs, le Parlement a correctement pris en compte le fait que le soumissionnaire X s’engageait à respecter l’ensemble des spécifications techniques du marché ainsi que toutes ses obligations en matière de droit environnemental, fiscal, social et du travail, et que, s’agissant de marchés similaires, le soumissionnaire respectait ses obligations légales dans ces mêmes domaines.

117    Enfin, le Parlement s’est efforcé de comparer le niveau de ces coefficients à ceux proposés dans le cadre de marchés similaires et a analysé le fait que de tels niveaux de coefficients n’avaient pas affecté l’exécution desdits contrats.

118    Certes, il est vrai que le Parlement n’a été en mesure de déterminer avec exactitude ni les frais du personnel administratif nécessaire à l’exécution du marché, ni les frais découlant des obligations des soumissionnaires dans les domaines du droit environnemental, social et du travail lié à l’exécution du marché. Toutefois, il convient de souligner que, comme expliqué au point 46 ci-dessus, le marché en cause est caractérisé par la particularité que les travaux faisant l’objet du marché ne sont décrits que de manière très sommaire. Ainsi, en l’absence d’informations sur les heures de travail nécessaires pour l’exécution du marché, le Parlement n’était pas en mesure d’opérer des vérifications plus approfondies que celles décrites ci-dessus.

119    Dans ces conditions et en l’absence d’un grief de la requérante remettant en cause cette particularité de la procédure de passation du marché en cause, nulle violation du principe de bonne administration ne saurait être reprochée au Parlement.

120    Pareille conclusion n’est pas contredite par l’argument de la requérante selon lequel le Parlement n’aurait pas exigé des soumissionnaires des documents justificatifs des coefficients proposés, comme des attestations de réviseurs d’entreprises ou des bilans et comptes de résultat portant sur les dernières années comptables.

121    En effet, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le Parlement estime qu’il n’appartient pas à un réviseur d’évaluer la quantité de travail que l’exécution d’un marché spécifique exige pour ainsi déterminer le taux de frais généraux applicable à ce marché, ni de se prononcer sur la question de savoir si un taux de bénéfice serait « tenable », comme la requérante le suggère. En effet, la tâche d’un réviseur est de vérifier si les documents comptables sont conformes à la réalité et aux normes de comptabilité. De telles conclusions ne pourraient pas, non plus, être tirées de l’analyse de bilans comptables ou de comptes de résultat passés, comme le mentionne, à juste titre, le Parlement, dans la mesure où ces documents ne sont pas directement utiles pour déterminer si les coefficients proposés étaient anormalement bas.

122    Enfin, s’agissant de l’argument tiré du fait que le Parlement n’était pas fondé à prendre en compte les éléments de réponse fournis par le soumissionnaire X, puisqu’ils ne figuraient pas dans la liste figurant à l’article 151, paragraphe 1, second alinéa, du règlement d’application, il ressort de la jurisprudence que le pouvoir adjudicateur peut, en vertu de son large pouvoir d’appréciation, prendre en considération les éléments qu’il estime raisonnablement pertinents pour conduire l’examen préliminaire des offres au regard de leur éventuel caractère anormalement bas (arrêt du 15 septembre 2016, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑698/14, non publié, EU:T:2016:476, point 65).

123    En effet, la liste des éléments qui peuvent être pris en compte par le pouvoir adjudicateur concernant les explications fournies n’est pas limitée, étant donné que l’article 151, paragraphe 1, second alinéa, du règlement d’application prévoit que « le pouvoir adjudicateur peut notamment prendre en considération » certains éléments. Les dispositions de cet article ne s’opposaient donc pas à ce que le Parlement prît en compte les explications du soumissionnaire X portant, notamment, sur l’optimisation de ses frais généraux en fonction de son carnet de commandes ou bien ses retours d’expérience de travaux et de contrats similaires.

124    Il découle de ce qui précède qu’aucune violation du principe de bonne administration et de l’article 151 du règlement d’application ne saurait être constatée en l’espèce.

125    Le deuxième grief doit donc être écarté.

 Sur le quatrième grief, tiré d’une violation des principes de transparence, d’égalité de traitement, de proportionnalité et de non-discrimination

126    La requérante affirme que la décision attaquée a été prise sans respecter les principes de transparence, d’égalité de traitement, de proportionnalité et de non-discrimination inscrits à l’article 101, paragraphe 1, du règlement financier.

127    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Il ressort de la jurisprudence que cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (voir arrêt du 14 février 2012, Italie/Commission, T‑267/06, non publié, EU:T:2012:69, point 35 et jurisprudence citée).

128    En l’espèce, la requérante se borne à rappeler ses arguments liés à la violation du principe de bonne administration, évoqués aux points 109 à 110 ci-dessus, sans étayer de manière concrète dans quelle mesure la décision attaquée violerait les principes de transparence, d’égalité de traitement, de proportionnalité et de non-discrimination. À cet égard, le Parlement n’y a d’ailleurs apporté aucune réponse dans le mémoire en défense.

129    Ainsi, ces allusions à de prétendues violations ne sauraient suffire à remplir les conditions de clarté et de précision des moyens soulevés, telles que prévues par l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

130    Le quatrième grief doit donc être rejeté et, partant, le recours dans sa totalité.

 Sur les dépens

131    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Strabag Belgium est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juin 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Gervasoni


*      Langue de procédure : le français.