Language of document : ECLI:EU:T:2019:289

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

7 mai 2019 (*)(1)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par l’Allemagne – Correction financière forfaitaire appliquée au titre de la fréquence insuffisante des contrôles clés – Obligation de calcul et de comptabilisation annuelle des intérêts – Articles 31 et 32 du règlement (CE) no 1290/2005 – Article 6, sous h), du règlement (CE) no 885/2006 – Obligation de motivation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑239/17,

République fédérale d’Allemagne, représentée initialement par MM. D. Klebs et T. Henze, puis par M. Klebs, en qualité d’agent,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou et M. Zalewski, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision d’exécution (UE) 2017/264 de la Commission, du 14 février 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2017, L 39, p. 12), en ce qu’elle concerne la République fédérale d’Allemagne,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteur) et M. G. De Baere, juges,

greffier : Mme N. Schall, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 novembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Du 9 au 11 novembre 2009, la Commission des Communautés européennes a effectué, dans le cadre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (ci-après les « Fonds »), une mission de vérification (IR/2009/002/DE) relative à l’application des articles 31 et 32 du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO 2005, L 209, p. 1), dans les locaux du Hauptzollamt Hamburg-Jonas [bureau principal des douanes de Hambourg-Jonas (Allemagne)] (ci-après l’« organisme payeur »), ayant pour objet l’évaluation des procédures allemandes de récupération des paiements indus engagées à la suite d’irrégularités. En particulier, il s’agissait pour la Commission de contrôler, d’une part, la conformité de la gestion des créances par l’organisme payeur avec le droit de l’Union européenne et, d’autre part, l’établissement des tableaux prévus par l’annexe III du règlement (CE) no 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement no 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90), dans sa version applicable aux faits de l’espèce.

2        Le 29 avril 2010, la Commission a adressé à la République fédérale d’Allemagne, en application de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006, une communication (ci-après la « communication de 2010 »), dans laquelle elle a relevé certaines irrégularités commises par l’organisme payeur. Plus précisément, d’une part, la Commission a constaté que ledit organisme avait comptabilisé les créances principales, les intérêts et les sanctions résultant de la même irrégularité sur des lignes distinctes du tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006, au lieu de les comptabiliser sur une ligne commune, ce qui, selon la Commission, violait les dispositions en matière de récupération des paiements indûment reçus. D’autre part, la Commission a exigé des autorités allemandes de recalculer et de mettre à jour les intérêts qui seraient mis à la charge de la République fédérale d’Allemagne conformément au principe de la répartition, à parts égales entre l’État membre concerné et le budget de l’Union, de la responsabilité financière (ci-après la « règle des 50/50 »), non pas sur une base trisannuelle, comme elles l’avaient fait, mais sur une base annuelle.

3        Par lettre du 2 novembre 2010, la République fédérale d’Allemagne, en réponse à la communication de 2010, a fait connaître son désaccord avec les conclusions exprimées par la Commission dans ladite communication.

4        Par lettre du 11 mars 2011, la Commission a maintenu sa position. La République fédérale d’Allemagne lui a répondu par lettre du 31 mars 2011.

5        Par lettre du 12 février 2013, la Commission a convoqué une réunion bilatérale, conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006. Une telle réunion s’est tenue le 22 février 2013.

6        Le 26 septembre 2013, la Commission a adressé à la République fédérale d’Allemagne le procès-verbal de la réunion bilatérale, dans lequel il est précisé que les deux parties ne sont pas parvenues à un accord. Cette conclusion a été confirmée par les autorités allemandes dans un courriel du 2 décembre 2013.

7        Par courriel du 18 août 2014, la République fédérale d’Allemagne a demandé à la Commission de l’informer de l’état d’avancement de la procédure d’audit ainsi que des perspectives des services de la Commission pour la poursuite de l’affaire. Le 18 novembre 2014, lors de la treizième réunion du comité des Fonds agricoles, la Commission a déclaré, d’une part, que « la procédure contradictoire [prenait] du temps et [soulevait] des problèmes complexes et inhabituels » et, d’autre part, que « tous les efforts [avaient] été faits pour avancer ».

8        Par courriel du 7 mai 2015, la Commission a posé des questions supplémentaires à la République fédérale d’Allemagne. Dans un courriel du 12 juin 2015, la République fédérale d’Allemagne a répondu que l’organisme payeur avait modifié la procédure relative à la présentation et au calcul des intérêts dans le tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006, à compter de l’exercice financier de 2011.

9        Le 15 décembre 2015, la Commission a adressé une communication formelle à la République fédérale d’Allemagne (ci-après la « communication de 2015 »), conformément à l’article 11, paragraphe 2, troisième alinéa, et à l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 885/2006 ainsi qu’à l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, et à l’article 40, paragraphe 1, du règlement d’exécution (UE) no 908/2014 de la Commission, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement (UE) n o 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59).

10      Dans la communication de 2015, la Commission a indiqué aux autorités allemandes qu’elle envisageait d’appliquer une correction financière de 5 % sur le solde final des créances du FEAGA pour l’exercice financier de 2010, ce qui équivalait à un montant de 1 964 861,71 euros, aux motifs que les déficiences établies dans le fonctionnement des contrôles clés avaient créé un risque de pertes financières pour le FEAGA. À cet égard, la Commission a réitéré le manquement invoqué dans la communication de 2010, à savoir le calcul et la mise à jour trisannuels des intérêts. En particulier, elle a reproché aux autorités allemandes, premièrement, de ne pas avoir identifié et présenté en temps voulu les montants qui devaient être imputés au moyen de la règle des 50/50, deuxièmement, le caractère incomplet des données inscrites dans le tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006 et, troisièmement, de ne pas avoir calculé les conséquences financières de leur système de gestion des créances sur le FEAGA.

11      Par lettre du 28 janvier 2016, la République fédérale d’Allemagne a présenté une demande de conciliation (no 16/DE/728) auprès de l’organe de conciliation, en application de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 885/2006 ainsi que de l’article 40, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 908/2014.

12      Le 24 mai 2016, l’organe de conciliation a tenu une audience de conciliation et, le 1er juin 2016, a adopté son rapport final. Il y a conclu qu’il lui était impossible de concilier les points de vue des parties. En effet, étant donné que les divergences d’opinions entre les parties relevaient de l’interprétation du droit de l’Union pour laquelle l’organe de conciliation n’est pas compétent, ce dernier ne pouvait leur fournir aucune recommandation. En outre, d’une part, il a exprimé des doutes quant au montant de l’imputation forfaitaire de 5 % et, d’autre part, il a suggéré à la Commission de réévaluer le risque financier pour le FEAGA ainsi que le montant de la correction financière.

13      Par lettre du 29 novembre 2016, la Commission a exprimé sa position finale, à la suite des conclusions de l’organe de conciliation, par laquelle elle a maintenu sa position défendue dans la communication de 2015.

14      Le 24 janvier 2017, la Commission a présenté un projet de rapport de synthèse, qui a été remplacé par une version remaniée du 1er février 2017, quant aux résultats des enquêtes effectuées entre les 9 et 11 novembre 2009 dans le cadre de l’apurement de conformité conformément à l’article 31 du règlement no 1290/2005 et à l’article 52 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549).

15      Par la décision d’exécution (UE) 2017/264, du 14 février 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEAGA et du Feader (JO 2017, L 39, p. 12, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a appliqué, aux dépenses déclarées par la République fédérale d’Allemagne, notamment une correction de 1 964 861,71 euros.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 avril 2017, la République fédérale d’Allemagne a introduit le présent recours.

17      Le 10 juillet 2018, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre), au titre d’une mesure d’organisation de la procédure, prévue à l’article 89 de son règlement de procédure, a invité les parties à répondre à certaines questions, auxquelles elles ont répondu dans le délai imparti.

18      La République fédérale d’Allemagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er et l’annexe de la décision attaquée en tant qu’ils ont écarté du financement de l’Union certaines dépenses effectuées par elle au titre du FEAGA, à savoir la somme de 1 964 861,71 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

 En droit

20      À l’appui de son recours, la République fédérale d’Allemagne invoque cinq moyens, tirés, en premier lieu, de l’absence de caractère erroné du calcul et de la présentation des intérêts, en deuxième lieu, du défaut de motivation de la décision attaquée, en troisième lieu, de l’écoulement du délai prévu par l’article 31, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005 et par l’article 52, paragraphe 4, du règlement no 1306/2013, en quatrième lieu, d’une durée excessivement longue de la procédure et, en cinquième lieu, de la violation du principe de proportionnalité.

 Considérations liminaires

21      Aux fins du présent litige, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, s’agissant des obligations incombant aux États membres dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles, il ressort de l’article 3 du règlement no 1290/2005 que ne peuvent être prises en charge par le FEAGA que les opérations effectuées en conformité avec les règles de l’Union (voir arrêt du 6 juillet 2015, Italie/Commission, T‑44/11, non publié, EU:T:2015:469, point 139 et jurisprudence citée).

22      Il y a lieu également de rappeler que, s’il appartient à la Commission de justifier une décision constatant l’absence ou les défaillances des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné, lorsque la Commission refuse de mettre à la charge du FEAGA certaines dépenses au motif qu’elles ont été provoquées par des infractions à la réglementation de l’Union imputables à un État membre, il appartient à ce dernier de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission (arrêt du 4 juillet 1996, Grèce/Commission, C‑50/94, EU:C:1996:266, point 27). Cette jurisprudence est également applicable lorsque la Commission considère que l’État membre ne s’est pas acquitté de l’obligation de vérifier correctement les différentes opérations et de procéder à la récupération des restitutions et des aides indûment perçues par les bénéficiaires (arrêt du 5 octobre 1999, Espagne/Commission, C‑240/97, EU:C:1999:479, point 38).

23      En d’autres termes, l’État membre concerné ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (arrêts du 28 octobre 1999, Italie/Commission, C‑253/97, EU:C:1999:527, point 7, et du 6 juillet 2015, Italie/Commission, T‑44/11, non publié, EU:T:2015:469, point 28).

24      Cet allègement de l’exigence de la preuve à la charge de la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEAGA et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et la plus complète des contrôles effectués, de la réalité de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des calculs de la Commission (arrêts du 20 septembre 2001, Belgique/Commission, C‑263/98, EU:C:2001:455, point 37, et du 6 juillet 2015, Italie/Commission, T‑44/11, non publié, EU:T:2015:469, point 29).

25      En effet, la gestion du financement des Fonds repose principalement sur les administrations nationales chargées de veiller à la stricte observation des règles de l’Union et est fondée sur la confiance entre les autorités nationales et les autorités de l’Union. Seul l’État membre est en mesure de connaître et de déterminer avec précision les données nécessaires à l’élaboration des comptes des Fonds, la Commission ne jouissant pas de la proximité nécessaire pour obtenir les renseignements dont elle a besoin auprès des agents économiques (voir, en ce sens, arrêts du 7 octobre 2004, Espagne/Commission, C‑153/01, EU:C:2004:589, point 133 et jurisprudence citée, et du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑503/12, EU:T:2015:597, point 54).

26      En outre, il résulte de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1290/2005 que les États membres doivent prendre toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales ainsi que toute mesure nécessaire pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEAGA, pour prévenir et poursuivre les irrégularités et pour récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.

27      Or, si les autorités nationales restent libres de choisir les mesures et les voies de recours qu’elles jugent appropriées pour la protection des intérêts financiers de l’Union et, notamment, pour le recouvrement des créances de l’Union, cette liberté ne saurait aucunement affecter la rapidité, la bonne organisation et le caractère complet des contrôles et des enquêtes requis à cette fin (arrêt du 6 juillet 2015, Italie/Commission, T‑44/11, non publié, EU:T:2015:469, point 141 ; voir également, en ce sens, arrêt du 21 janvier 1999, Allemagne/Commission, C‑54/95, EU:C:1999:11, point 96).

28      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens soulevés par la République fédérale d’Allemagne à l’encontre de la correction financière en cause relative au système de gestion des créances de l’organisme payeur.

 Sur le premier moyen, tiré de l’absence de caractère erroné du calcul et de la présentation des intérêts

29      La République fédérale d’Allemagne soutient que la décision attaquée viole les dispositions combinées de l’article 31, paragraphe 1, et de l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005 ainsi que de l’article 6, sous h), et de l’annexe III du règlement no 885/2006. À cet égard, elle fait valoir que ni l’article 32 du règlement no 1290/2005, ni la jurisprudence du Tribunal, ni les dispositions sectorielles de la législation relative aux restitutions à l’exportation, ni le document de travail AGRI-2007-62817-03-00, ni le document d’orientation no 1 sur la présentation à la Commission des tableaux de l’annexe III et de l’annexe III bis du règlement no 885/2006 jusqu’au 1er février 2009 (ci-après le « document d’orientation no 1 ») n’imposent une obligation relative au calcul et à la comptabilisation annuels des intérêts en vue de leur imputation au moyen de la règle des 50/50. Dès lors, en l’absence de violation, par les autorités allemandes, des dispositions du droit de l’Union relatives au calcul et à la présentation des intérêts, la correction financière de 5 % appliquée par la Commission dans la décision attaquée ne saurait être justifiée.

30      En particulier, la République fédérale d’Allemagne fait valoir, à titre principal, que l’article 32 du règlement no 1290/2005 se borne à fixer, de manière générale, une répartition des pertes selon la règle des 50/50, de sorte que les intérêts et les sanctions soient également partagés par moitié entre l’Union et les États membres et qu’ils ne soient pas réputés réglés par ces derniers du seul fait du partage de la créance principale. Elle estime ainsi que la seule exigence du législateur de l’Union consiste à indiquer séparément les différents montants devant être recouvrés afin de permettre, le cas échéant, une ventilation distincte des sommes individuelles non encore récupérées.

31      À titre subsidiaire, la République fédérale d’Allemagne soutient, d’une part, que la comptabilisation annuelle des intérêts n’est prévue de manière juridiquement contraignante que depuis l’entrée en vigueur du règlement no 1306/2013 ainsi que du règlement d’exécution no 908/2014, qui seraient inapplicables en l’espèce. D’autre part, elle fait valoir que la Commission a méconnu le document d’orientation no 1 en exigeant une mise à jour des intérêts à la fin de chaque exercice budgétaire.

32      La Commission conteste l’ensemble de ces arguments, en relevant que le premier moyen repose sur une interprétation erronée de l’article 31, paragraphe 1, et de l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, lu en combinaison avec l’article 6, sous h), du règlement no 885/2006. En substance, elle fait valoir que, si aucune disposition du droit de l’Union ne régit l’obligation de comptabilisation des intérêts en particulier, il n’en demeure pas moins que le tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006 fait clairement référence aux exigences de l’article 6, sous h), dudit règlement, en vertu duquel les informations relatives aux montants indiqués dans ce tableau doivent être communiquées annuellement à la Commission. Selon cette dernière, il ressort de ladite disposition, lue en combinaison avec l’article 32 du règlement no 1290/2005, qu’il existe une obligation de comptabilisation annuelle des montants déclarés dans le tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006.

33      À titre liminaire, il convient d’observer que, dans le cadre de son premier moyen, la République fédérale d’Allemagne cherche à démontrer que la décision attaquée doit être annulée, en fonction de son premier chef de conclusions, en ce que la Commission aurait méconnu l’article 31 et l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, lus en combinaison avec l’article 6, sous h), et l’annexe III du règlement no 885/2006, en appliquant une correction financière au titre d’une déficience des contrôles clés résultant de la violation de l’obligation de comptabilisation et de calcul annuels des intérêts qui pèsent sur la République fédérale d’Allemagne.

34      Il convient donc de déterminer, dans le cadre de l’examen du premier moyen, s’il existait une obligation de calcul et de présentation annuels des intérêts à la charge de la République fédérale d’Allemagne, afin d’établir une éventuelle violation du droit de l’Union. En ce qui concerne la question de savoir si, d’une part, l’application d’une correction financière était justifiée en l’espèce et, d’autre part, si ladite correction était proportionnée, elle sera traitée dans le cadre du cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité.

35      Il importe de rappeler, en outre, que le tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006 est un instrument pour calculer les montants qui sont imputés aux États membres dans le cadre de l’application de la règle des 50/50. Il s’ensuit que l’obligation de calculer les intérêts sur une base annuelle suppose nécessairement d’adopter, au préalable, une comptabilisation d’exercice, établie conformément au modèle de l’annexe III du règlement no 885/2006, de sorte que l’obligation de calcul et de comptabilisation des intérêts sur une base annuelle constitue logiquement une seule et même obligation.

36      Par ailleurs, l’article 32 du règlement no 1290/2005, relatif aux obligations des États membres, s’agissant de la récupération des sommes auprès de bénéficiaires ayant commis des irrégularités ou ayant fait preuve de négligence, vise, dans son paragraphe 5, les situations particulières dans lesquelles l’État membre n’a pas récupéré les sommes, soit dans un délai de quatre ans après la date du premier acte de constat administratif ou judiciaire, soit dans un délai de huit ans si le recouvrement fait l’objet d’une action devant les juridictions nationales. Dans de telles situations, il est alors précisé que « [l]’État membre concerné indique séparément dans l’état récapitulatif visé au paragraphe 3, premier alinéa, les montants pour lesquels le recouvrement n’a pas été effectué dans les délais prévus au premier alinéa du présent paragraphe ».

37      Selon la jurisprudence, la répartition à parts égales entre l’État membre concerné et le budget de l’Union de la responsabilité financière, telle que prévue à l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, s’applique à toutes les incidences de nature financière liées à l’absence de récupération des sommes irrégulièrement versées, au titre desquelles figurent, notamment, les sommes principales ainsi que les intérêts qui s’y rapportent et qui auraient dû être versés au titre de l’article 32, paragraphe 1, du même règlement (arrêt du 24 novembre 2015, Pays-Bas/Commission, T‑126/14, EU:T:2015:875, point 76 ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 avril 2010, Italie/Commission, T‑274/08 et T‑275/08, EU:T:2010:154, points 39, 41 et 44).

38      À cet égard, il y a lieu de relever que les « montants non récupérés », au sens de l’article 32, paragraphes 3 et 5, du règlement no 1290/2005, comprennent le principal, les intérêts et les sanctions.

39      Par ailleurs, l’article 6 du règlement no 885/2006 prévoit que les comptes annuels, visés à l’article 8, paragraphe 1, sous c), iii), du règlement no 1290/2005 et qui doivent être communiqués à la Commission, comprennent, notamment, le tableau des paiements indus à récupérer à la fin de l’exercice, résultant d’irrégularités au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) no 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO 1995, L 312, p. 1), « sanctions et intérêts y afférents inclus », établi conformément au modèle prévu à l’annexe III du règlement no 885/2006.

40      En vertu d’une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la règlementation dont elle fait partie (voir arrêts du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, EU:C:2005:362, point 41 et jurisprudence citée, et du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, EU:T:2005:349, point 47 et jurisprudence citée).

41      C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner si l’article 6, sous h), du règlement no 885/2006 doit être compris comme obligeant les États membres à calculer et à comptabiliser les « paiements indus à récupérer », dans le tableau prévu à l’annexe III dudit règlement, sur une base annuelle.

42      Il importe de relever, d’emblée, que l’article 6 du règlement no 885/2006 s’inscrit dans le chapitre 2 intitulé « Apurement des comptes », au même titre que l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005 figure dans le titre IV intitulé « Apurement des comptes et surveillance par la Commission ».

43      En premier lieu, il apparaît que la réponse à la question du calcul et de la comptabilisation annuels des intérêts peut être déduite d’une interprétation littérale de l’article 6, sous h), du règlement no 885/2006. En effet, il convient de relever, premièrement, que l’expression « paiements indus à récupérer à la fin de l’exercice » signifie que, dans le cadre de la transmission des comptes annuels à la Commission, doivent lui être communiqués tous les montants qui n’ont pas encore été récupérés à la fin d’un exercice financier, autrement dit à la fin d’une année. Deuxièmement, il ressort clairement des termes « sanctions et intérêts y afférents inclus » que lesdits montants comprennent non seulement les paiements indus, mais également les intérêts. Troisièmement, comme lesdits montants sont contenus dans les comptes annuels, ils sont, nécessairement, comptabilisés annuellement.

44      En deuxième lieu, cette interprétation littérale est fidèle à l’économie générale de la procédure d’apurement des comptes qui, ainsi que l’a souligné la Commission dans ses écritures, est une opération annuelle. En effet, il convient de lire l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005 et l’article 6, sous h), du règlement no 885/2006 à la lumière du considérant 23 du règlement no 1290/2005, selon lequel il convient que « la Commission procède annuellement à l’apurement des comptes » des organismes payeurs agréés et que « la décision d’apurement des comptes concerne l’intégralité, l’exactitude et la véracité des comptes transmis ». Il en ressort que la Commission, lors de la procédure d’apurement, doit s’assurer qu’aucun des montants établis dans les comptes annuels n’échappe à l’apurement. À cette fin, les renseignements concernant le solde des créances et des recouvrements dans les États membres, communiqués dans les tableaux de l’annexe III du règlement no 885/2006 et joints aux comptes annuels des organismes payeurs, doivent nécessairement être actualisés annuellement, afin que les comptes desdits organismes soient exacts et mis à jour à la fin de l’exercice financier, en vue de l’apurement.

45      En troisième lieu, il ressort du préambule du règlement no 1290/2005, et notamment des considérants 25 et 26 de celui-ci, que le système de coresponsabilité financière, instauré par l’article 32, paragraphe 5, dudit règlement, vise à protéger les intérêts financiers du budget de l’Union en imputant à l’État membre concerné une partie des sommes dues en raison d’irrégularités et qui n’ont pas été récupérées dans un délai raisonnable. Comme le souligne à juste titre la Commission, en conséquence de l’absence de calcul et de mise à jour annuels des intérêts de retard, dans le tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006 destiné à calculer les montants imputables aux États membres selon la règle des 50/50, il n’était pas possible de connaître le montant exact des intérêts de retard qu’il convenait d’imputer à la République fédérale d’Allemagne. Partant, l’inexactitude des données déclarées au titre du tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006 serait incompatible avec la protection des intérêts financiers du budget de l’Union, ce dernier étant alors exposé au risque de supporter des intérêts de retard qui auraient dû être imputés à l’État membre en cause conformément à la règle des 50/50.

46      Par ailleurs, il convient de relever que, si, comme le soutient la République fédérale d’Allemagne, le modèle de tableau figurant à l’annexe III du règlement no 885/2006 n’impose prima facie aucune obligation explicite de comptabilisation des intérêts dans la colonne destinée à la correction de la créance principale, il ressort de la jurisprudence que, lorsque les intérêts sont dus sur les créances principales, à la fin d’un exercice financier, en vertu d’une réglementation sectorielle de l’Union, de telles créances d’intérêts doivent être considérées comme résultant de la même irrégularité, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 2988/95, que celle entraînant le recouvrement des montants indûment reçus, constitutifs des créances principales (arrêt du 2 mars 2017, Glencore Céréales France, C‑584/15, EU:C:2017:160, point 42). Dès lors que le montant de la créance initiale doit être adapté chaque année selon le recouvrement partiel ou total des intérêts dus sur ladite créance, il convient de mettre à jour les intérêts à la fin de chaque exercice sous la forme d’un montant corrigé et, de ce fait, de les inscrire avec la créance principale dans le tableau concernant les irrégularités. Il en résulte nécessairement que les intérêts doivent être comptabilisés dans la colonne du tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006 destinée à la correction de la créance principale.

47      Enfin, en ce qui concerne l’argument formulé par la République fédérale d’Allemagne selon lequel le point 2 E de l’annexe I du règlement no 885/2006 et l’article 5 du règlement (CE) no 883/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, en ce qui concerne la tenue des comptes des organismes payeurs, les déclarations de dépenses et de recettes et les conditions de remboursement des dépenses dans le cadre du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 1), invoqués par la Commission dans la communication de 2015, ne contiennent aucune exigence en ce qui concerne la présentation des données dans l’annexe III du règlement no 885/2006, il convient de relever, d’une part, que ledit point, concernant les procédures relatives aux créances, dispose que « [t]outes les exigences posées aux points 2 A à 2 D s’appliquent, mutatis mutandis, aux prélèvements, aux garanties restées acquises, aux paiements remboursés, aux recettes affectées, etc., que l’organisme payeur est tenu de percevoir pour le compte du FEAGA et du Feader ». Or, sous le point 2 C de l’annexe I du règlement no 885/2006, il est prévu que l’organisme payeur adopte des procédures conçues de telle sorte que « les déclarations mensuelles, trimestrielles (dans le cas du Feader) et annuelles soient complètes, exactes et établies en temps opportun, et que toute erreur ou omission soit décelée et corrigée, au travers notamment de vérifications et de recoupements périodiques ». Par conséquent, le point 2 E de l’annexe I du règlement no 885/2006 prévoit que les procédures relatives aux créances doivent être conçues conformément aux exigences formulées au point 2 C. Force est donc de constater que ladite annexe contient une exigence concernant la présentation des données dans le cadre de l’apurement des comptes du FEAGA, bien qu’elle ne vise pas expressément l’annexe III.

48      D’autre part, il convient de constater, à l’instar de la République fédérale d’Allemagne, que l’article 5 du règlement no 883/2006, qui prévoit les règles générales applicables à la déclaration de dépenses et aux recettes affectées, ne contient effectivement aucune exigence relative à la présentation des données dans l’annexe III du règlement no 885/2006. Toutefois, dans la mesure où l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, lu en combinaison avec l’article 6, sous h), et l’annexe III du règlement no 885/2006, impose une obligation de comptabilisation et de calcul annuels des intérêts, l’argument tiré de ce que l’article 5 du règlement no 883/2006 ne contient aucune exigence quant à la présentation des données dans le tableau de l’annexe III n’est pas pertinent.

49      Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu de conclure que c’est à tort que la République fédérale d’Allemagne soutient que la Commission a retenu une interprétation erronée de l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, lu en combinaison avec l’article 6, sous h), et l’annexe III du règlement no 885/2006.

50      La conclusion établie au point 49 ci-dessus ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la République fédérale d’Allemagne.

51      Premièrement, quant à l’argument tiré de ce que la Commission a méconnu le document d’orientation no 1 en exigeant un calcul des intérêts sur une base annuelle, il repose sur une interprétation erronée dudit document par la République fédérale d’Allemagne. En effet, il ressort du document d’orientation no 1 que, parmi les données inscrites au tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006, figurent tous les montants correspondant aux paiements indus, y compris les intérêts et les pénalités qui y sont afférents et qui doivent être mis à jour à la fin de l’année en cours, afin de déterminer les montants dus pour l’exercice suivant.

52      Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel l’introduction explicite d’une obligation de calcul et de comptabilisation annuels des intérêts, par le règlement no 1306/2013 et le règlement d’exécution no 908/2014, démontrerait que, avant l’entrée en vigueur desdits règlements, la Commission n’estimait pas nécessaire de procéder à un calcul et une présentation des intérêts sur une base annuelle, il doit également être rejeté. En effet, le règlement no 1306/2013 et le règlement d’exécution no 908/2014 n’ont pas modifié, de façon substantielle, la situation juridique en matière de déclaration des intérêts restant à récupérer, dès lors que l’obligation de calcul et de présentation annuels des intérêts existait conformément au règlement no 1290/2005 et au règlement no 885/2006.

53      En particulier, il y a lieu de relever que les dispositions pertinentes du règlement no 1290/2005 et du règlement no 885/2006 n’ont pas été modifiées de façon significative par l’entrée en vigueur du règlement no 1306/2013 et du règlement d’exécution no 908/2014. L’article 6, sous h), du règlement no 885/2006 et l’article 29, sous f), du règlement d’exécution no 908/2014 imposent, en substance, la même obligation de communication, à la Commission, de tous les montants non encore récupérés à la fin d’un exercice financier, au titre de l’annexe III en ce qui concerne le règlement no 885/2006 et de l’annexe II en ce qui concerne le règlement d’exécution no 908/2014. Le seul ajout dans cette dernière annexe de la colonne « Z » destinée à la déclaration annuelle des montants d’intérêts restant à récupérer pour les irrégularités constatées à partir du 16 octobre 2014 est sans incidence sur cette constatation.

54      En outre, contrairement à ce que fait valoir la République fédérale d’Allemagne, la distinction opérée par le document d’orientation no 5 sur la communication à la Commission des tableaux prévus par l’annexe II et l’annexe III du règlement d’exécution no 908/2014 pour l’exercice budgétaire N entre les « anciens » cas d’irrégularités et les « nouveaux » cas dans le modèle de tableau visé à l’article 29, sous f), du règlement d’exécution no 908/2014 ne permet pas non plus de conclure à une modification substantielle de la situation juridique en matière de déclaration des intérêts non recouvrés. En effet, il convient de relever, à l’instar de la Commission, qu’une telle distinction n’est opérée que dans le cadre de l’application de la disposition transitoire de l’article 41, paragraphe 5, du règlement délégué (UE) no 907/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les garanties et l’utilisation de l’euro (JO 2014, L 255, p. 18), étant donné que ladite disposition distingue, d’une part, les cas dans lesquels un premier acte de constat administratif ou judiciaire a été effectué avant le 16 octobre 2014, à savoir les cas anciens, et, d’autre part, ceux dans lesquels un tel acte est intervenu après le 16 octobre 2014, à savoir les cas nouveaux.

55      Par ailleurs, la République fédérale d’Allemagne ne saurait soutenir que la Commission a adopté une argumentation contradictoire dans sa lettre du 29 novembre 2016 contenant sa position définitive dans la mesure où, si l’exigence relative au calcul et à la comptabilisation annuels des intérêts ne figure explicitement ni à l’article 6, sous h), du règlement no 885/2006, ni à l’article 29, sous f), du règlement d’exécution no 908/2014, il n’en demeure pas moins qu’une telle exigence résulte du libellé de l’article 6, sous h), du règlement no 885/2006, lu à la lumière de l’économie générale de la procédure d’apurement des comptes et des objectifs poursuivis par la règlementation et qui, en substance, prévoit la même obligation que l’article 29, sous f), du règlement d’exécution no 908/2014.

56      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas méconnu l’article 31 et l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, lus en combinaison avec l’article 6, sous h), et l’annexe III du règlement no 885/2006, et qu’elle a dès lors considéré, à bon droit, qu’il existait une obligation de calcul et de comptabilisation annuels des intérêts, afférents aux sommes non récupérées à la suite d’irrégularités ou de négligence, dans le tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006, en vue de l’application de la règle des 50/50.

57      Le premier moyen doit donc être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré du défaut de motivation de la décision attaquée

58      La République fédérale d’Allemagne allègue que la Commission a violé l’article 296 TFUE au motif que la correction financière qui lui a été appliquée n’a pas été suffisamment motivée. À cet égard, elle reproche à la Commission, premièrement, d’avoir modifié son argumentation au cours de la procédure, puisque ce n’est que dans la communication de 2015 que la réalisation des contrôles clés, par les autorités allemandes, a été contestée, deuxièmement, d’avoir omis d’indiquer, dans la communication de 2010, le fondement juridique de l’obligation de calcul et de présentation des intérêts sur une base annuelle et, troisièmement, de ne pas avoir suffisamment justifié la réduction forfaitaire de 5 % au regard d’un éventuel risque de pertes pour le budget de l’Union et de la déficience des contrôles clés.

59      La Commission conteste ces arguments.

60      Aux termes de l’article 296 TFUE, « les actes juridiques [de l’Union] sont motivés ».

61      Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver une décision individuelle, posée par l’article 296 TFUE, a pour but de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour déterminer si la décision est bien fondée ou si elle est, éventuellement, entachée d’un vice permettant d’en contester la validité et de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision contrôlée (arrêts du 18 septembre 1995, Tiercé Ladbroke/Commission, T‑471/93, EU:T:1995:167, point 29 ; du 27 septembre 2012, J/Parlement, T‑160/10, non publié, EU:T:2012:503, point 20, et du 19 avril 2016, Costantini e.a./Commission, T‑44/14, EU:T:2016:223, point 68).

62      En outre, selon une jurisprudence également constante, la mesure de l’obligation de motivation consacrée par l’article 296 TFUE dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (arrêts du 22 juin 1993, Allemagne/Commission, C‑54/91, EU:C:1993:258, point 10, et du 14 avril 2005, Portugal/Commission, C‑335/03, EU:C:2005:231, point 83).

63      Par ailleurs, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63).

64      L’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêt du 15 septembre 2016, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑698/14, non publié, EU:T:2016:476, point 30). En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments tendant à mettre en cause le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen visant la violation de l’article 296 TFUE (arrêts du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37, et du 3 mai 2017, Gfi PSF/Commission, T‑200/16, non publié, EU:T:2017:294, point 34).

65      S’agissant des décisions de la Commission en matière d’apurement des comptes du FEAGA, elles sont prises sur le fondement d’un rapport de synthèse ainsi que d’une correspondance entre la Commission et l’État membre concerné (arrêt du 14 mars 2002, Pays-Bas/Commission, C‑132/99, EU:C:2002:168, point 39). Dans ces conditions, la motivation de telles décisions doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration desdites décisions et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEAGA la somme litigieuse (arrêts du 21 mars 2002, Espagne/Commission, C‑130/99, EU:C:2002:192, point 126, et du 10 octobre 2012, Grèce/Commission, T‑158/09, non publié, EU:T:2012:530, point 57).

66      En l’espèce, il convient de relever que la décision attaquée se borne à indiquer, d’une part, les fondements juridiques de la correction financière et, d’autre part, le motif général de l’imputation à la République fédérale d’Allemagne des sommes en cause, à savoir les « faiblesses dans le système [allemand] de gestion des créances », sans expliciter quelles étaient concrètement ces faiblesses.

67      En revanche, conformément à la jurisprudence citée au point 65 ci-dessus, il ressort des éléments du dossier que la République fédérale d’Allemagne a été étroitement associée au processus d’élaboration de la décision attaquée. Les doutes que la Commission éprouvait quant à l’action des autorités allemandes aux fins du recouvrement des versements indus ont fait l’objet de nombreux échanges et l’organe de conciliation a été saisi.

68      À cet égard, premièrement, la position de la Commission concernant la correction forfaitaire ressort du point 19.4.5 du rapport de synthèse du 24 janvier 2017, lequel indiquait ce qui suit :

« Toutefois, au cours des exercices budgétaires 2006 à 2010, il existait un risque financier pour le Fonds, étant donné que le contrôle des procédures a fait apparaître qu’au cours de cette période, les intérêts de retard n’avaient pas été systématiquement calculés ni actualisés chaque année ; par conséquent, les chiffres correspondants qui figuraient dans les comptes annuels (tableau de l’annexe III – actuellement annexe II – et tableau de la règle des 50/50) n’étaient pas corrects. C’est pourquoi la DG AGRI est d’avis que les contrôles clés de l’organisme payeur dans le domaine de la gestion des créances présentent des défaillances systémiques et ne respectent pas le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisées par les règlements applicables. »

69      Deuxièmement, il ressort, en outre, du point 2 de l’avis de l’organe de conciliation du 1er juin 2016 ce qui suit :

« Les principaux montants résultant des irrégularités ont été inclus dans l’annexe, or, les intérêts afférents à ces montants ne l’étaient pas toujours, de sorte qu’il existe un risque que ces intérêts n’aient pas toujours été sujets à l’application de la règle des 50/50. Un contrôle clé a été effectué, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur exigés pour l’exercice financier de 2010 et les exercices antérieurs. »

70      Force est donc de constater que la République fédérale d’Allemagne connaissait les éléments ayant motivé la correction en cause, étant donné que la défaillance des contrôles clés et l’existence du risque de perte financière pour le FEAGA ont été évoquées aux différentes étapes de la procédure administrative, ainsi qu’il ressort de l’avis de l’organe de conciliation et du rapport de synthèse.

71      En outre, il convient de rejeter l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel la Commission a modifié son argumentation au cours de la procédure dans la mesure où, dans le cadre de la procédure d’audit jusqu’à la discussion bilatérale, cette dernière a reproché aux autorités allemandes des lacunes dans le système allemand de gestion des dettes, du fait d’une présentation erronée des intérêts non encore récupérés, dans le tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006 destiné au contrôle administratif des montants à récupérer jusqu’à la fin de l’exercice, bien que la qualification de telles lacunes comme étant des déficiences des contrôles clés ne figure que dans la communication de 2015.

72      En effet, il y a lieu de relever que, d’abord, dans la communication de 2010, la Commission avait déjà constaté que, d’une part, « une correction financière [était] envisagée » eu égard au fait que « les montants déclarés dans le tableau de l’annexe III étaient trop faibles dans la mesure où les intérêts n’avaient pas été calculés et actualisés tous les ans » et, d’autre part, les intérêts non déclarés « auraient dû être imputés à l’Allemagne selon la règle des 50/50 pour les exercices 2006, 2007 et 2008, s’ils avaient été reportés correctement dans le tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006 ».

73      Ensuite, il est précisé dans le compte rendu de la discussion bilatérale, d’une part, que « les services de la DG AGRI ont expliqué que […] la déclaration sur plusieurs lignes non seulement aboutit à une réduction de la transparence et à des problèmes dans le cadre de l’établissement interne des rapports, mais peut également, si le premier acte de constat administratif ou judiciaire n’intervient pas au même moment, avoir des conséquences financières, étant donné que, dans de telles situations, l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005 peut être appliqué de manière tardive, voire ne pas être appliqué du tout », et, d’autre part, que « la DG AGRI a défendu la conception selon laquelle les intérêts doivent […] être calculés, actualisés et additionnés au capital chaque année » et que « [c]ela sert à la protection des intérêts financiers de l’Union européenne dans le cadre de la division des charges financières résultant des créances non recouvrées par le biais de l’application de l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005 ».

74      Il convient de rejeter également, conformément à la jurisprudence citée au point 65 ci-dessus, les arguments de la République fédérale d’Allemagne selon lesquels la Commission n’a indiqué, dans la communication de 2015, ni les contrôles que les autorités allemandes auraient omis, ni la nature et l’étendue de la violation de l’obligation de réaliser les contrôles clés, ni les règlements pertinents et les critères applicables au nombre, à la fréquence ou à la rigueur des contrôles clés.

75      À cet égard, il y a lieu de relever que, d’abord, la Commission n’a jamais reproché aux autorités allemandes d’avoir omis d’effectuer de tels contrôles, mais de ne pas les avoir appliqués avec une régularité suffisante, tel que cela ressort de la communication de 2015. Ensuite, la nature et l’objet du contrôle dont la violation est reprochée ressortent clairement de la position finale de la Commission, dans laquelle elle a considéré que, « en conséquence du fait que les intérêts de retard [n’étaient] pas systématiquement calculés et actualisés au moins sur une base annuelle, les données chiffrées afférentes à ces intérêts et déclarées dans les comptes annuels (tableau de l’annexe III et tableau des 50/50) étaient inexactes » et que, « [p]ar conséquent, la DG AGRI consid[é]r[ait] qu’il y a[vait] une défaillance systémique des contrôles clés appliqués par l’organisme payeur dans le système de gestion des dettes ». Enfin, elle a précisé, tant au point 19.4.5 du rapport de synthèse qu’au point 1, intitulé « Les raisons de l’exclusion », de la communication de 2015, quels étaient les règlements pertinents et les critères applicables au nombre, à la fréquence ou à la rigueur des contrôles clés.

76      De surcroît, il convient de relever que, contrairement à ce que fait valoir la République fédérale d’Allemagne, la Commission a expressément indiqué dans la communication de 2010 la base légale de l’obligation de calcul et de présentation des intérêts, soit l’article 6, sous h), du règlement no 885/2006.

77      Il s’ensuit que la Commission a indiqué, aux différentes étapes de la procédure administrative, puis dans son rapport de synthèse, les motifs de l’imputation à la République fédérale d’Allemagne des sommes en cause.

78      Il résulte des constatations qui précèdent que la décision attaquée est motivée conformément à l’article 296 TFUE.

79      Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’écoulement du délai prévu par l’article 31, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005 et par l’article 52, paragraphe 4, du règlement no 1306/2013

80      La République fédérale d’Allemagne soutient que la Commission ne pouvait exclure des dépenses effectuées plus de 24 mois avant la communication formelle, définie par l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 885/2006. Premièrement, la République fédérale d’Allemagne estime que la communication de 2010 ne saurait constituer une « communication formelle » valable au sens de la disposition susmentionnée, dans la mesure où elle ne l’a pas informée avec suffisamment de précision au sujet des irrégularités constatées. Deuxièmement, étant donné que la Commission a invoqué, pour la première fois, dans la communication de 2015, la déficience des contrôles clés, sur le fondement de laquelle certaines dépenses de l’exercice budgétaire de 2010 ont été écartées du financement, la République fédérale d’Allemagne soutient que la Commission a violé l’article 31, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005 et l’article 52, paragraphe 4, du règlement no 1306/2013, en appliquant une correction financière à des dépenses effectuées plus de 24 mois avant la réception de ladite communication.

81      La Commission conteste ces arguments.

82      Selon la jurisprudence, l’article 31, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005, qui comporte une interdiction de refus de financement pour des dépenses réalisées plus de 24 mois avant la communication officielle des résultats des vérifications effectuées par cette institution, ne s’applique pas, aux termes du paragraphe 5 de cette disposition, « aux conséquences financières […] des irrégularités visées [à l’article 32] », c’est-à-dire aux conséquences financières résultant d’irrégularités ou de négligences des États membres dans le recouvrement des sommes indûment versées (arrêt du 10 octobre 2012, Grèce/Commission, T‑158/09, non publié, EU:T:2012:530, point 192).

83      En l’espèce, il convient de relever que les restitutions à l’exportation, indûment perçues par les entreprises concernées en ce qu’elles ont commis des irrégularités ou qu’elles ont fait preuve de négligence, constituent des irrégularités, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, du règlement no 2988/95. Par conséquent, la République fédérale d’Allemagne était tenue au recouvrement de ces sommes conformément à l’article 32, paragraphe 1, du règlement no 1290/2005 (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2010, Italie/Commission, T‑274/08 et T‑275/08, EU:T:2010:154, point 35).

84      Or, il a déjà été jugé, au point 56 ci-dessus, que la Commission n’avait pas commis d’erreur en constatant la violation, par les autorités allemandes, de l’obligation de calcul et de comptabilisation annuels des intérêts en vue de leur imputation au moyen de la règle des 50/50.

85      Dès lors, en présence d’irrégularités de la part de la République fédérale d’Allemagne dans le recouvrement de sommes indûment versées, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir mis à sa charge des sommes dont le versement aux entreprises concernées serait bien antérieur à la période de 24 mois prévue à l’article 31, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005 et à l’article 52, paragraphe 4, du règlement no 1306/2013.

86      Il résulte des considérations qui précèdent que le délai de communication des résultats des vérifications, prévu à l’article 31, paragraphe 4, du règlement no 1290/2005 et à l’article 52, paragraphe 4, du règlement no 1306/2013, n’était pas applicable en l’espèce.

87      Le troisième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une durée excessivement longue de la procédure

88      La République fédérale d’Allemagne fait valoir que la décision attaquée est entachée d’un vice de forme substantiel, eu égard à la durée excessivement longue qui s’est écoulée, soit sept ans, entre la communication de 2010 et l’adoption de ladite décision. D’abord, si la République fédérale d’Allemagne reconnaît que les dispositions régissant la procédure d’apurement de conformité n’imposent aucun délai déterminé, elle estime, en substance, que la Commission n’a pas justifié, conformément à la jurisprudence, les multiples interruptions entre les différentes étapes de la procédure. Ensuite, la République fédérale d’Allemagne allègue que, en tout état de cause, la durée excessivement longue de la procédure a porté atteinte à ses droits de la défense étant donné que d’éventuelles preuves à décharge, quant aux reproches formulés à son égard, ne pourront plus être recueillies ou ne le seront qu’avec difficulté.

89      La Commission conteste ces arguments.

90      Il convient de rappeler, pour autant que la République fédérale d’Allemagne se prévaudrait plus généralement de la violation du délai raisonnable, que, en vertu d’un principe général du droit de l’Union, la Commission est tenue de respecter, dans le cadre de ses procédures administratives, un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 179, et du 10 octobre 2012, Grèce/Commission, T‑158/09, non publié, EU:T:2012:530, point 194).

91      L’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge de l’Union assure le respect et qui est, d’ailleurs, repris comme une composante du droit à une bonne administration, par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (arrêts du 7 juin 2013, Italie/Commission, T‑267/07, EU:T:2013:305, point 61, et du 6 juillet 2015, Italie/Commission, T‑44/11, non publié, EU:T:2015:469, point 183).

92      À cet égard, il est de jurisprudence constante que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure administrative s’apprécie en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte dans lequel elle s’inscrit, des différentes étapes procédurales qui ont été suivies, de la complexité de l’affaire ainsi que de son enjeu pour les différentes parties intéressées (arrêts du 15 juillet 2004, Espagne/Commission, C‑501/00, EU:C:2004:438, point 53, et du 10 octobre 2012, Grèce/Commission, T‑158/09, non publié, EU:T:2012:530, point 195).

93      En l’espèce, il convient de constater que la procédure administrative ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée s’est étendue, depuis l’engagement de l’opération de vérification par la Commission, sur sept ans et trois mois. Cette durée doit être appréciée en fonction du contexte de l’affaire en cause.

94      À cet égard, il convient de constater que la procédure administrative, menée dans le cadre procédural de l’article 31, paragraphe 3, du règlement no 1290/2005, a comporté de nombreux échanges entre les parties. En particulier, il y a lieu de relever que la Commission, d’une part, a demandé, lors des différentes étapes de la procédure administrative, que la République fédérale d’Allemagne produise une estimation des pertes subies par le FEAGA pour les exercices 2006 à 2008. Cela ressort notamment du point 4 de la communication de 2010, mais également du point 1, intitulé « Les intérêts ainsi que les montants des sanctions et du capital doivent être inscrits sur la même ligne du tableau de l’annexe III », du procès-verbal de la discussion bilatérale du 26 septembre 2013. Tel est également le cas du point 1, paragraphe 1, de la communication de 2015.

95      D’autre part, la Commission a indiqué, lors de la treizième réunion du comité des Fonds agricoles, puis dans un courrier adressé à la République fédérale d’Allemagne, que la procédure soulevait des questions de droit complexes.

96      En outre, les parties ont tenté de parvenir à un accord par la voie de réunions bilatérales et, sur demande des autorités allemandes du 28 janvier 2016, elles ont saisi l’organe de conciliation.

97      Or, il ressort d’une jurisprudence constante que la nécessité de procéder à une évaluation de l’impact financier des dépenses indûment mises à la charge du FEAGA découle du fait que la gestion de ce fonds est une gestion décentralisée dans laquelle la responsabilité du contrôle de ses dépenses incombe, au premier chef, aux États membres, alors que la Commission, responsable de l’exécution du budget de l’Union, doit vérifier les conditions dans lesquelles les paiements et les contrôles ont été effectués (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2010, Italie/Commission, T‑95/08, non publié, EU:T:2010:464, point 16 et jurisprudence citée).

98      Dans ce contexte, il incombe également à l’autorité nationale d’assurer le déroulement régulier et rapide de la procédure d’apurement des comptes. Si un retard a été pris par la Commission, force est de constater que la République fédérale d’Allemagne a également été impliquée dans ce retard.

99      Eu égard à ce qui précède et eu égard à l’ensemble des circonstances, notamment la complexité des questions de droit de l’Union soulevées en l’espèce, la durée de la procédure administrative ne saurait être considérée comme déraisonnable.

100    En tout état de cause, il y a lieu de relever que la violation du principe du respect d’un délai raisonnable ne justifie pas, en règle générale, l’annulation de la décision prise à l’issue d’une procédure administrative. En effet, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation d’une décision de la Commission que dès lors qu’il a été établi qu’il a porté atteinte aux garanties requises par l’État membre pour présenter son point de vue (arrêt du 11 juin 2009, Grèce/Commission, T‑33/07, non publié, EU:T:2009:195, point 240) ou lorsque l’écoulement excessif du temps est susceptible d’avoir une incidence sur le contenu même de la décision adoptée à l’issue de la procédure administrative (arrêt du 7 juin 2013, Italie/Commission, T‑267/07, EU:T:2013:305, point 80).

101    Or, la République fédérale d’Allemagne n’a pas établi qu’elle aurait été privée de la possibilité de faire valoir son point de vue en raison de la durée des procédures administratives en l’espèce, ni que l’écoulement excessif du temps qu’elle fait valoir aurait été susceptible d’avoir une incidence sur le contenu même de la décision attaquée dans la mesure où, comme le fait observer la Commission, il ressort de la procédure contradictoire que ce sont uniquement des questions de droit qui sont sujet à litige entre les parties, ce qui, au demeurant, n’est pas contesté par la République fédérale d’Allemagne.

102    Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allègue la République fédérale d’Allemagne, la Commission n’a pas violé le principe du délai raisonnable.

103    Le quatrième moyen doit dès lors être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

104    La République fédérale d’Allemagne soutient que, à supposer avéré le manquement constaté par la Commission dans le système allemand de gestion des créances, la correction financière de 5 % sur le solde annuel de 2010 est, en tout état de cause, disproportionnée. À cet égard, la République fédérale d’Allemagne estime qu’il n’existait aucun risque financier pour le budget de l’Union et que, au contraire, la pratique de l’organisme payeur a eu des répercussions financières positives, à savoir un montant de 335 662,76 euros en faveur dudit budget, en ce sens que le délai de prescription des dépenses, au sens de l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, commençait à courir plus tardivement s’agissant précisément des intérêts. À titre subsidiaire, d’une part, la République fédérale d’Allemagne fait valoir sa culpabilité minime, dans l’hypothèse où l’existence d’une obligation de calcul et de présentation des intérêts sur une base annuelle dans le tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006 serait reconnue par le Tribunal. D’autre part, elle estime qu’il n’existe aucun lien intrinsèque entre la correction du solde annuel de 2010 et le manquement reproché qui concerne les exercices budgétaires de 2006 à 2008.

105    La Commission conteste ces arguments.

106    Il convient, à titre liminaire, de rappeler que le principe de proportionnalité, énoncé à l’article 5, paragraphe 4, TUE, fait partie des principes généraux du droit de l’Union. Ce principe exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêts du 8 juin 2010, Vodafone e.a., C‑58/08, EU:C:2010:321, point 51, et du 17 mai 2013, Grèce/Commission, T‑294/11, non publié, EU:T:2013:261, point 174).

107    En ce qui concerne les corrections financières en matière de FEAGA, l’article 31, paragraphe 2, du règlement no 1290/2005 dispose que la Commission évalue les montants à écarter au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature et de la gravité de l’infraction ainsi que du préjudice financier causé à l’Union [arrêts du 26 février 2015, Lituanie/Commission, T‑365/13, EU:T:2015:113, point 52, et du 3 avril 2017, Allemagne/Commission, T‑28/16, EU:T:2017:242, point 125].

108    Selon une jurisprudence constante, une correction arrêtée par la Commission conformément aux orientations qu’elle a adoptées en la matière tend à éviter la mise à la charge du FEAGA de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue pas une sanction (voir arrêt du 31 mars 2011, Grèce/Commission, T‑214/07, non publié, EU:T:2011:130, point 136 et jurisprudence citée). La jurisprudence a ainsi reconnu que les taux forfaitaires retenus dans les orientations de la Commission permettaient à la fois le respect du droit de l’Union et la bonne gestion des ressources de l’Union ainsi que d’éviter que la Commission n’exerçât son pouvoir discrétionnaire en imposant aux États membres des corrections démesurées et disproportionnées (arrêt du 10 septembre 2008, Italie/Commission, T‑181/06, non publié, EU:T:2008:331, point 234).

109    En ce qui concerne le type de correction appliqué en l’espèce, il y a lieu de rappeler que, au regard du document VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après le « document VI/5330/97 »), lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément le montant exact des sommes qui n’ont pas encore été recouvrées et, par voie de conséquence, les pertes subies par l’Union, une correction financière forfaitaire peut être envisagée et, le cas échéant, appliquée, par la Commission, aux conséquences financières des irrégularités au titre de l’article 32 du règlement no 1290/2005 (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2003, Royaume-Uni/Commission, C‑346/00, EU:C:2003:474, point 53).

110    À cet égard, il importe de rappeler, à la lumière du document VI/5330/97, que, lorsqu’un État membre a effectué tous les contrôles clés, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, il convient d’appliquer une correction à hauteur de 5 % (arrêt du 24 février 2005, Pays-Bas/Commission, C‑318/02, non publié, EU:C:2005:104, point 38), car il peut raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de pertes pour les Fonds était significatif (arrêt du 4 septembre 2015, Royaume-Uni/Commission, T‑503/12, EU:T:2015:597, point 56).

111    Il ressort également du document VI/5330/97 que, pour déterminer le degré de risque de perte pour les Fonds, la Commission classe les contrôles en deux catégories. Les contrôles clés sont les vérifications physiques et administratives requises pour contrôler les éléments quant au fond, en particulier la réalité de l’objet de la demande, la quantité et les conditions qualitatives, y compris le respect des délais, les exigences de récolte, etc. Ils sont effectués sur le terrain par recoupement avec des informations indépendantes, telles que les registres cadastraux. Les contrôles secondaires sont les opérations administratives nécessaires pour traiter correctement les demandes, telles que la vérification du respect des délais de soumission, l’identification de demandes de doublon pour un même objet, l’analyse du risque, l’application de sanctions et la supervision adéquate des procédures (arrêt du 26 février 2015, Lituanie/Commission, T‑365/13, EU:T:2015:113, point 54).

112    En l’occurrence, il y a lieu de relever que les enquêtes de la Commission avaient constaté des défaillances dans le système allemand de contrôle et de gestion des recouvrements relatifs aux dépenses résultant d’irrégularités.

113    En particulier, au point 19.4.5 du rapport de synthèse, intitulé « Position définitive de la DG AGRI », la Commission a considéré qu’il y avait lieu de faire application d’une correction forfaitaire de 5 % après avoir constaté que les erreurs commises par les autorités allemandes, dans le calcul et la présentation des intérêts à récupérer, avaient conduit à une application lacunaire de la règle des 50/50, de sorte que les contrôles de l’organisme payeur dans le domaine de la gestion des créances présentaient, à cet égard, une défaillance systémique.

114    Ainsi que le fait valoir la Commission, les intérêts dus sur les créances principales, à la fin d’un exercice financier, n’ont pas été contrôlés à l’égard des débiteurs avec une régularité suffisante en ce sens qu’un tel contrôle aurait dû être effectué chaque année, conformément à l’article 31 et à l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, lus en combinaison avec l’article 6, sous h), et l’annexe III du règlement no 885/2006, ainsi que cela a été démontré à l’occasion de l’examen du premier moyen, de sorte que les autorités allemandes ont méconnu une des obligations leur incombant en vertu desdites dispositions.

115    Ce manquement constaté doit être considéré comme la défaillance d’un contrôle clé.

116    En ce qui concerne le caractère forfaitaire de la correction appliquée, il convient de constater que, premièrement, la Commission n’était pas en mesure de déterminer avec précision les montants non recouvrés, car la République fédérale d’Allemagne n’avait pas complété correctement les tableaux de l’annexe III du règlement no 885/2006 du fait de sa méthode erronée de calcul et de présentation des intérêts et, deuxièmement, la Commission a demandé, à plusieurs reprises, aux autorités allemandes de produire une estimation des pertes subies par le FEAGA pour les exercices de 2006 à 2008, en vue de déterminer l’importance de la non-conformité constatée avec la législation de l’Union, sur la base du préjudice financier causé à l’Union.

117    À cet égard, il y a lieu de souligner que, en vertu d’une jurisprudence constante, s’il appartient à la Commission de prouver l’existence d’une violation des règles de l’Union, une fois cette violation établie, il revient à l’État membre de démontrer, le cas échéant, que la Commission a commis une erreur quant aux conséquences financières à en tirer (arrêts du 7 juillet 2005, Grèce/Commission, C‑5/03, EU:C:2005:426, point 38, et du 6 juillet 2015, Italie/Commission, T‑44/11, non publié, EU:T:2015:469, point 88). Contrairement à ce qu’avance la République fédérale d’Allemagne, il appartenait donc aux autorités allemandes de calculer les intérêts qui auraient dû être imputés à la République fédérale d’Allemagne en application de la règle des 50/50 si les déclarations avaient été faites correctement dans le tableau de l’annexe III du règlement no 885/2006, afin de déterminer, en l’espèce, le montant effectif des intérêts concernés, et donc le montant des pertes financières subies par le budget de l’Union.

118    Dès lors, dans la mesure où il n’était pas possible d’évaluer précisément le montant exact des sommes qui n’avaient pas encore été recouvrées, il était nécessaire, conformément à la jurisprudence citée au point 109 ci-dessus, d’appliquer une correction forfaitaire correspondante conformément aux orientations établies dans le document VI/5330/97.

119    Enfin, il convient de relever que les déficiences constatées concernaient des contrôles clés destinés à garantir que les montants indûment versés fussent, en temps voulu, identifiés, recouvrés et remboursés au FEAGA, ce qui autorisait, contrairement à ce qui est soutenu par la République fédérale d’Allemagne, l’application d’une correction forfaitaire de 5 %, au titre de la fréquence insuffisante des contrôles clés, conformément aux orientations du document VI/5330/97. Dans ces conditions, la correction financière au taux forfaitaire de 5 % ne saurait être considérée comme disproportionnée.

120    Pour exclure l’existence d’un risque de pertes pour le budget de l’Union, la République fédérale d’Allemagne estime qu’un calcul non annuel des intérêts n’a aucune répercussion négative sur le budget de l’Union dès lors que le décompte de ces intérêts, sur la base de la règle des 50/50, intervient au terme de quatre ans ou huit ans après le premier acte de constat administratif ou judiciaire.

121    Toutefois, le Tribunal constate, à l’instar de la Commission, que, lorsque la comptabilisation d’une créance d’intérêts s’effectuait, conformément à la méthode de calcul et de comptabilisation trisannuelle appliquée par l’organisme payeur, à une date située avant la fin du délai de quatre ans ou de huit ans visé à l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1290/2005, un montant correspondant à six mois d’intérêts, pour les créances d’intérêts faisant l’objet d’une procédure administrative, était perdu pour le budget de l’Union dans le cadre de la répartition des charges de la règle des 50/50, découlant de l’imputation de 50 % des intérêts à la République fédérale d’Allemagne sur une période de trois ans au lieu de quatre ans. En ce qui concerne les créances d’intérêts qui faisaient l’objet d’une procédure juridictionnelle, le montant de cette perte s’élevait à une année entière d’intérêts, découlant de l’imputation de 50 % des intérêts à la République fédérale d’Allemagne sur une période de six ans au lieu de huit ans.

122    De plus, lorsque, en raison de l’application de la méthode de calcul et de comptabilisation trisannuelle appliquée par l’organisme payeur, une créance d’intérêts était soustraite à l’imputation conformément à la règle 50/50 et lorsque, après la répartition de la charge financière entre la République fédérale d’Allemagne et le budget de l’Union, intervenait un événement tel que l’insolvabilité constatée et admise du débiteur, qui, conformément à l’article 32, paragraphe 6, du règlement no 1290/2005, permettait à la République fédérale d’Allemagne de ne pas poursuivre le recouvrement, la perte d’intérêts lors de l’imputation conformément à la règle des 50/50 était même de 100 % à la charge du budget de l’Union, alors que les intérêts auraient été imputés à 50 % à la République fédérale d’Allemagne si la méthode normale de calcul et de comptabilisation sur un an avait été appliquée.

123    Par conséquent, il résulte de ces considérations que, contrairement à ce qu’affirme la République fédérale d’Allemagne, la défaillance des contrôles clés, résultant de la pratique des autorités allemandes quant au calcul et à la comptabilisation des intérêts, faisait peser un risque de pertes sur le FEAGA.

124    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’affirmation de la République fédérale d’Allemagne relative aux répercussions positives de la pratique de l’organisme payeur sur le budget de l’Union. En effet, la pratique de l’organisme payeur consistant à calculer systématiquement les intérêts tous les trois ans et à les communiquer au débiteur, par un avis de perception distinct et juridiquement autonome par rapport à l’avis de perception de la créance initiale, afin d’éviter la prescription, est, en tout état de cause, contraire au droit de l’Union, tel qu’interprété par la jurisprudence. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que le principe selon lequel les intérêts sont les accessoires du montant principal et en suivent le régime comptable a une valeur générale dans le cadre de la règlementation relative au budget de l’Union (arrêt du 22 avril 2010, Italie/Commission, T‑274/08 et T‑275/08, EU:T:2010:154, point 45 ; voir également, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, Pfeifer & Langen, C‑564/10, EU:C:2012:190, point 48).

125    Quant à l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel le calcul des intérêts, auquel les autorités allemandes ont procédé, aurait conduit à un avantage financier au profit du budget de l’Union, force est de constater, à l’instar de la Commission, que le montant de 335 662,76 euros en faveur du budget de l’Union résulte d’une erreur dans la méthode de calcul et de comptabilisation des intérêts pratiquée par les autorités allemandes, tel que cela ressort des observations du ministère fédéral des Finances. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir procédé au remboursement de ladite somme au profit de la République fédérale d’Allemagne.

126    Enfin, il convient également de rejeter l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel il n’existait aucun lien intrinsèque entre le comportement reproché par la Commission pour les années 2006 à 2008 et la correction forfaitaire appliquée à l’exercice 2010. En effet, conformément à l’article 11, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement no 885/2006, les lacunes dans le système allemand de gestion des créances ont été identifiées à partir de l’exercice financier de 2006 et elles ont perduré jusqu’en 2011, date à partir de laquelle les autorités allemandes ont adopté le mode de calcul et de comptabilisation des intérêts sur une base annuelle. Dès lors, étant donné que le risque financier pour le FEAGA a existé pendant les exercices financiers de 2006 à 2010, il existait un lien avec la correction du solde des créances de la clôture de l’exercice de 2010. À cet égard, la Commission a appliqué, à bon droit, une correction financière se rapportant aux exercices 2006 à 2010.

127    Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

128    Aucun des moyens invoqués par la République fédérale d’Allemagne n’étant fondé, il convient de rejeter le présent recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

129    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République fédérale d’Allemagne ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.


2)      La République fédérale d’Allemagne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

Collins

Kancheva

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 mai 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.