Language of document : ECLI:EU:T:2019:80

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 février 2019 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents afférents à une procédure de contrôle des aides d’État – Refus d’accès – Litispendance – Exception relative à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Obligation de procéder à un examen concret et individuel – Intérêt public supérieur »

Dans l’affaire T‑134/17,

Hércules Club de Fútbol, SAD, établie à Alicante (Espagne), représentée par Mes S. Rating et Y. Martínez Mata, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Baquero Cruz, G. Luengo et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 736 final de la Commission, du 2 février 2017, refusant à Hércules Club de Fútbol l’accès à des documents afférents à la procédure de contrôle des aides d’État SA.363872,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, J. Schwarcz et L. Calvo‑Sotelo Ibáñez‑Martín, juges,

greffier : M. F. Oller, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 14 septembre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 4 juillet 2016, la Commission européenne a adopté la décision (UE) 2017/365, relative à l’aide d’État SA.36387 (2013/C) (ex 2013/NN) (ex 2013/CP) accordée par l’Espagne au Valencia Club de Fútbol Sociedad Anónima Deportiva, au Hércules Club de Fútbol Sociedad Anónima Deportiva et au Elche Club de Fútbol Sociedad Anónima Deportiva (JO 2017, L 55, p. 12).

2        Dans la décision 2017/365, la Commission a, notamment, constaté que la requérante, Hércules Club de Fútbol, SAD, avait bénéficié d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur sous la forme d’une garantie bancaire octroyée par l’Instituto Valenciano de Finanzas (ci-après l’« IVF »), établissement public financier soumis au contrôle de la Generalitat Valenciana. En vertu de la même décision, la Commission a décidé que le Royaume d’Espagne était tenu de récupérer auprès de la requérante un montant de 6 143 000 euros.

3        Par lettres du 27 octobre 2016, la requérante a demandé, sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), l’accès à certains documents afférents à la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision 2017/365 (ci-après les « documents concernés »).

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 novembre 2016, la requérante a formé un recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑766/16 et tendant à l’annulation de la décision 2017/365.

5        Par décision du 21 novembre 2016, la Commission a refusé l’accès aux documents concernés, en se fondant, d’une part, sur les exceptions relatives à la protection des intérêts commerciaux et des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001 et, d’autre part, sur le risque d’atteinte grave au processus décisionnel d’une institution visé à l’article 4, paragraphe 3, du même règlement.

6        Par lettre du 20 décembre 2016, la requérante a présenté une demande confirmative d’accès au dossier au sens de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

7        Par la décision C(2017) 736 final, du 2 février 2017, la Commission a rejeté la demande confirmative de la requérante, en se fondant sur l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, et paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 (ci-après la « décision attaquée »).

8        En premier lieu, s’agissant de la protection des objectifs des activités d’enquête, la Commission a constaté que, d’une part, les documents concernés lui avaient été fournis par les autorités espagnoles et par l’IVF dans le cadre d’une procédure d’examen des aides d’État et, d’autre part, la requérante avait introduit devant le Tribunal un recours tendant à l’annulation de la décision 2017/365.

9        Tout d’abord, la Commission a rappelé que, dans les procédures de contrôle des aides d’État, l’article 20 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), ne prévoyait aucun droit d’accès au dossier pour les parties intéressées autres que l’État membre concerné. Ensuite, elle a invoqué l’applicabilité de la présomption générale de confidentialité aux documents relevant de la procédure de contrôle des aides d’État, telle qu’établie par l’arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, EU:C:2010:376), et constaté que la requérante n’avait fourni aucun élément susceptible de la renverser. Enfin, la Commission a estimé que l’applicabilité de cette présomption n’était pas remise en cause par la circonstance que la demande d’accès ne portait que sur des documents ou des parties de documents se rapportant à la requérante.

10      En deuxième lieu, s’agissant de la protection des intérêts commerciaux des tiers, la Commission a indiqué faire application, par analogie, de la jurisprudence déjà rendue dans le domaine des concentrations, au motif que les procédures de contrôle et d’enquête, dans ce domaine ainsi que dans celui des aides d’État, seraient similaires à plusieurs titres. Elle a ajouté que, sans ladite protection, l’efficacité du système de contrôle dans le domaine des aides d’État, qui, comme pour le système de contrôle dans le domaine des concentrations, dépendrait de la coopération des tiers, serait sérieusement affaiblie. La Commission a souligné que l’information fournie dans le cadre de l’enquête en l’espèce aurait une valeur commerciale, dans la mesure où elle se référerait en détail aux stratégies commerciales. En outre, il y aurait une présomption générale de confidentialité des documents échangés avec les parties tierces, sans qu’il y ait lieu de prendre en compte le fait que la demande d’accès aux documents concernerait des procédures closes ou pendantes. Le règlement (UE) no 734/2013 du Conseil, du 22 juillet 2013, modifiant le règlement no 659/1999 (JO 2013, L 204, p. 15), renforcerait la similitude des procédures de contrôle dans le domaine des aides d’État et des autres types d’enquête dans le domaine de la concurrence.

11      En troisième lieu, la Commission a considéré que les documents concernés étaient couverts par l’exception relative au risque d’atteinte grave au processus décisionnel d’une institution prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, dans la mesure où la divulgation de ces documents risquerait de priver la Commission de la possibilité d’adopter, le cas échéant, en toute indépendance et sans pressions extérieures, une nouvelle décision en matière d’aides d’État.

12      En quatrième lieu, la Commission a estimé que, en l’espèce, il n’existait aucun intérêt public supérieur, au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, pouvant justifier la divulgation des documents concernés. À cet égard, tout d’abord, la Commission s’est appuyée sur l’arrêt du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission (C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557), pour écarter l’argument de la requérante selon lequel l’exercice de ses droits de la défense dans le cadre de son recours en annulation contre la décision 2017/365 constituait un tel intérêt. Ensuite, la Commission a relevé que l’intérêt prioritaire consistait à protéger la finalité des procédures d’examen des aides d’État ainsi que les intérêts commerciaux, visés à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001. Enfin, la Commission a estimé, en substance, que cette conclusion était corroborée par la circonstance que les documents concernés se rapportaient à une procédure administrative plutôt qu’à des actes de nature législative, pour lesquels la Cour a reconnu l’existence d’un droit d’accès plus large.

13      En cinquième lieu, la Commission a examiné la possibilité d’accorder à la requérante un accès partiel aux documents concernés. À cet égard, la Commission a conclu qu’une telle possibilité n’était pas envisageable, sous peine de porter atteinte à la finalité de ses procédures d’investigation et à la protection des intérêts commerciaux. En effet, selon elle, les documents concernés étaient manifestement et entièrement couverts par les exceptions invoquées et n’étaient donc soumis ni entièrement ni partiellement à l’obligation de divulgation.

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 mars 2017, la requérante a introduit le présent recours.

15      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal 16 mars 2017, la requérante a introduit une demande en référé au titre de l’article 278 TFUE afin qu’il lui soit donné accès à certains documents afférents à la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision 2017/365. Par ordonnance du 20 mars 2018, Hércules Club de Fútbol/Commission (T‑134/17 R, non publiée, EU:T:2018:161), le président du Tribunal a rejeté cette demande et réservé les dépens.

16      Interrogée, dans la présente affaire, sur la question de savoir si elle avait demandé et obtenu l’autorisation de la Commission pour produire, en annexe A 7 de la requête, le mémoire en défense déposé par la Commission dans le cadre de l’affaire T‑766/16, la requérante a répondu le 16 mars 2017 ne pas avoir obtenu cette autorisation. En réponse à une question posée par le Tribunal, la Commission a indiqué, par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 avril 2017, être opposée, en principe, à l’utilisation du mémoire en défense de l’affaire T‑766/16 dans la présente affaire. Elle a ajouté s’en remettre toutefois à la décision du Tribunal. Par décision du 2 mai 2017, le président de la quatrième chambre du Tribunal a décidé de retirer l’annexe A 7 du dossier.

17      Le 5 juillet 2017, la Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal.

18      La requérante a déposé la réplique le 26 août 2017 et la Commission la duplique le 10 octobre 2017.

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

21      La Commission invoque une possible irrecevabilité de la requête pour cause de litispendance. Elle soutient que, dans l’affaire T‑766/16, la requérante a déjà demandé que, à titre de mesure d’organisation de la procédure, il lui soit donné accès aux informations que les autorités espagnoles avaient fournies à la Commission dans le cadre de la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision 2017/365. Or, l’accès public à ces informations sollicité dans le cadre de la présente affaire comprendrait l’accès individuel sollicité dans le cadre de l’affaire T‑766/16. La requérante ferait une application impropre du règlement no 1049/2001, celui-ci visant à assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel et à garantir une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens, et non à permettre d’obtenir des documents afin de les produire dans une procédure juridictionnelle pendante devant le Tribunal.

22      La requérante conteste l’argumentation de la Commission.

23      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’un recours introduit postérieurement à un autre, qui oppose les mêmes parties, qui est fondé sur les mêmes moyens et qui tend à l’annulation du même acte juridique, doit être rejeté comme étant irrecevable pour cause de litispendance, sans qu’il soit besoin que cette exception soit prévue par une règle explicite de droit (arrêt du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI, T‑618/11 P, EU:T:2013:479, point 98 ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 septembre 1988, France/Parlement, 358/85 et 51/86, EU:C:1988:431, point 12). Ces conditions sont cumulatives.

24      Or le présent recours a pour objet l’annulation de la décision attaquée, alors que le recours introduit dans l’affaire T‑766/16 a pour objet l’annulation de la décision 2017/365. Interrogé à cet égard à l’audience, la Commission n’a d’ailleurs pas contesté que les deux recours ne tendaient pas à l’annulation du même acte juridique. Il s’ensuit que l’une des trois conditions de la litispendance n’est pas satisfaite et que le recours doit être déclaré recevable (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑465/09 P à C‑470/09 P, non publié, EU:C:2011:372, points 59 et 60).

 Sur le fond

25      À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, relatif à la protection, d’une part, des objectifs des enquêtes et, d’autre part, des intérêts commerciaux des tiers, le deuxième, de la violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, relatif à la protection du processus décisionnel d’une institution, le troisième, de la violation de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1049/2001 ainsi que de l’article 47 et de l’article 48, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en ce que la notion d’« intérêt public supérieur » aurait été mal interprétée, et, le quatrième, de la violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, relatif au droit à un accès partiel aux documents concernés.

26      Pour les besoins du présent arrêt, il convient de traiter, d’abord, les premier et troisième moyens ensemble, puis, le deuxième moyen et, enfin, le quatrième moyen.

 Sur les premier et troisième moyens

27      La requérante articule le premier moyen en deux branches, la première étant relative à la violation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 et la seconde à la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du même règlement.

28      Dans un premier temps, la première branche du premier moyen et le troisième moyen seront analysés ensemble et, à cet égard, il sera répondu à la question de savoir si, par la décision attaquée, la Commission a refusé à bon droit l’accès aux documents concernés aux motifs que leur divulgation porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête et qu’il n’y aurait aucun intérêt public supérieur permettant la divulgation desdits documents.

29      En premier lieu, la requérante soutient que sa demande aurait dû être acceptée, dans la mesure où elle porte uniquement sur les documents qui la concerneraient directement et individuellement. En cela, cette demande se distinguerait de celles qui auraient déjà fait l’objet de recours devant le Tribunal, celles-ci visant à obtenir l’accès soit à l’ensemble du dossier administratif, soit aux documents produits par la partie plaignante ainsi qu’à la correspondance échangée entre cette dernière et la Commission. La requérante aurait indiqué en détail quels étaient les documents concernés et les raisons pour lesquelles un intérêt supérieur existerait.

30      En second lieu, la requérante indique que l’accès aux documents concernés serait essentiel pour lui permettre de dénoncer les erreurs de fait manifestes commises dans la décision 2017/365. À cet égard, seul l’accès aux observations présentées au sujet de son prêt lui permettrait de dénoncer lesdites erreurs. La Commission aurait dû préciser en quoi la mise à disposition des documents concernés serait susceptible de porter atteinte aux objectifs de l’enquête. Si la requérante reconnaît le principe de la présomption générale de confidentialité, elle en conteste la légitimité en l’espèce, compte tenu du caractère limité à certains documents et aux affirmations factuelles inexactes de la Commission de sa demande.

31      La Commission conteste les arguments de la requérante développés au titre de la première branche du premier moyen.

32      À cet égard, il importe de rappeler que, adopté sur le fondement de l’article 255, paragraphe 2, CE, le règlement no 1049/2001 vise, comme l’indiquent le considérant 4 et l’article 1er de ce règlement, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible. Il ressort également dudit règlement, notamment de son considérant 11 et de son article 4, qui prévoit un régime d’exceptions à cet égard, que ce droit d’accès n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 51, et du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 61).

33      La Cour a déjà jugé que, pour justifier le refus d’accès à un document dont la divulgation avait été demandée, il ne suffisait pas, en principe, que ce document relève d’une activité mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. L’institution concernée devait également expliquer comment l’accès audit document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à cet article (voir arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 53 et jurisprudence citée ; arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 64).

34      Toutefois, la Cour a déjà reconnu qu’il était loisible à l’institution de l’Union européenne concernée de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (voir arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 54 et jurisprudence citée ; arrêt du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 65).

35      Il importe de rappeler que, en ce qui concerne les procédures de contrôle des aides d’État, il a déjà été jugé que les intéressés, à l’exception de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide, ne disposaient pas, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, du droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission. Il y a lieu de tenir compte de cette circonstance aux fins de l’interprétation de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001. En effet, si ces intéressés étaient en mesure d’obtenir l’accès, sur le fondement du règlement no 1049/2001, aux documents du dossier administratif de la Commission, le régime de contrôle des aides d’État serait mis en cause (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 58).

36      La Cour a souligné, à cet égard, que le droit de consulter le dossier administratif dans le cadre d’une procédure de contrôle ouverte conformément à l’article 108 TFUE et le droit d’accès aux documents, en vertu du règlement no 1049/2001, se distinguent juridiquement, mais il n’en demeure pas moins qu’ils conduisent à une situation comparable d’un point de vue fonctionnel. En effet, indépendamment de la base juridique sur laquelle il est accordé, l’accès au dossier permet aux intéressés d’obtenir l’ensemble des observations et des documents présentés à la Commission et, le cas échéant, de prendre position sur ces éléments dans leurs propres observations, ce qui est susceptible de modifier la nature d’une telle procédure (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 59).

37      À la différence des cas où les institutions de l’Union agissent en qualité de législateur, dans lesquels un accès plus large aux documents devrait être autorisé en application du considérant 6 du règlement no 1049/2001, les documents afférents aux procédures de contrôle des aides d’État s’inscrivent en principe dans le cadre des fonctions administratives spécifiquement attribuées auxdites institutions par l’article 108 TFUE (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 60).

38      Il a déjà été jugé qu’il convient de reconnaître l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation des documents du dossier administratif de la Commission dans les procédures de contrôle des aides d’État porterait, en principe, atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête (arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 61 ; du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 37, et du 27 avril 2017, Germanwings/Commission, T‑375/15, non publié, EU:T:2017:289, point 122).

39      En l’espèce, il est constant que les documents concernés, dont la liste est dressée au point 1 de la décision attaquée, visent tous des documents produits dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision 2017/365. Ces documents sont donc, de ce fait, couverts par la présomption générale de confidentialité telle que rappelée au point 38 ci-dessus.

40      La requérante n’a d’ailleurs pas contesté qu’une telle présomption générale couvrait les documents concernés.

41      Pour démontrer que les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 devraient toutefois être, en l’espèce, renversées et pour permettre ainsi la divulgation des documents concernés, la requérante se fonde principalement sur le fait que ceux-ci la concernent et qu’ils sont entachés d’erreurs.

42      Certes, il a déjà été jugé que la présomption générale de confidentialité n’excluait pas le droit pour les intéressés, autres que l’État membre concerné dans les procédures de contrôle des aides d’État, de démontrer qu’un document donné dont la divulgation était demandée n’était pas couvert par ladite présomption ou qu’il existait un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 39).

43      Toutefois, il revient à celui qui demande la divulgation d’un document d’apporter les éléments susceptibles d’établir soit que la présomption générale de confidentialité des documents afférents aux procédures de contrôle des aides d’État ne couvre pas ledit document, soit qu’il existe un tel intérêt supérieur justifiant pareille divulgation (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 40).

44      En l’espèce, il convient de souligner que le fait que la demande d’accès formulée par la requérante porte uniquement sur les documents qui la concerneraient directement et individuellement n’est pas suffisant pour renverser la présomption générale de confidentialité des documents concernés, ceux-ci portant sur la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision 2017/365.

45      Ainsi qu’il a déjà été jugé, la présomption générale de confidentialité n’a pas vocation à s’appliquer uniquement lorsque la demande d’accès porte sur l’ensemble du dossier (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 41).

46      De plus, comme le fait à juste titre valoir la Commission, l’argument tiré de ce que l’accès aux documents concernés serait essentiel pour permettre à la requérante de dénoncer les erreurs de fait commises dans la décision 2017/365 et ainsi d’exercer ses droits de la défense relève de la question de savoir si les documents concernés sont nécessaires pour juger de la validité de ladite décision. Cette dernière question entre manifestement dans le cadre de la contestation de la légalité de la décision 2017/365, laquelle relève de l’affaire T‑766/16.

47      Il n’appartient pas au Tribunal de s’interroger, dans le cadre de la présente affaire, sur le rôle exact des documents en cause dans l’adoption de la décision 2017/365 par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2017, AlzChem/Commission, T‑451/15, non publié, sous pourvoi, EU:T:2017:588, point 46). L’argument de la requérante ne saurait donc être de nature à renverser la présomption générale de confidentialité en l’espèce.

48      La requérante soutient, dans le cadre du troisième moyen, qui tend à démontrer l’existence d’un intérêt public supérieur, que la Commission a commis une erreur de droit en considérant que la garantie de l’exercice adéquat de ses droits de la défense dans l’affaire T‑766/16 ne constituait pas un tel intérêt, justifiant la divulgation des documents concernés.

49      La requérante invoque les droits fondamentaux que sont le droit à un recours effectif, selon l’article 47 de la Charte, et les droits de la défense, selon l’article 48, paragraphe 2, de la Charte, pour justifier de l’intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Si elle indique avoir connaissance de la jurisprudence selon laquelle l’exercice des droits de la défense du bénéficiaire d’une aide d’État ne constitue pas un intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, elle estime que sa portée ne saurait être étendue au point d’exclure toute possibilité d’invoquer le droit à un recours effectif et les droits de la défense en tant qu’intérêts publics dignes de protection juridictionnelle. La jurisprudence invoquée par la Commission ne permettrait pas de conclure à l’absence d’intérêt public en l’espèce pour les droits de la défense d’une entreprise qui, sans être destinataire de la décision 2017/365, est la seule personne touchée financièrement par ladite décision. Il conviendrait d’interpréter strictement les exceptions tendant à déroger au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents des institutions de l’Union.

50      Au soutien de son argumentation, la requérante invoque l’arrêt de la Cour EDH du 18 mars 2014, Beraru c. Roumanie (CE :ECHR :2014 :0318JUD 004010704), duquel il ressortirait que le droit d’accès aux documents pertinents pour la défense constitue une garantie fondamentale du droit à un procès équitable et du respect du principe d’égalité des armes. Elle invoque aussi l’arrêt du 11 janvier 2000, Pays-Bas et van der Wal/Commission (C‑174/98 P et C‑189/98 P, EU:C:2000:1), selon lequel le caractère secret des procédures judiciaires nationales ne permettrait pas de refuser de manière automatique l’accès aux documents.

51      La requérante fait aussi valoir que sa demande présente un caractère limité et que les préjudices invoqués par la Commission revêtent un caractère général et hypothétique. À cet égard, elle souligne que, dans la mesure où la Commission a un intérêt à défendre la légalité de la décision 2017/365, ses décisions relatives à l’accès aux documents ne peuvent être impartiales ni offrir toutes les garanties nécessaires. Sa demande d’accès porterait exclusivement sur des documents ou des extraits de documents la concernant et ayant été fournis à la Commission par le Royaume d’Espagne ou par l’IVF. À l’inverse, les demandes d’accès au sujet desquelles le juge de l’Union se serait précédemment prononcé auraient uniquement porté soit sur l’ensemble du dossier administratif, soit sur les documents fournis par des tiers.

52      Or, tout d’abord, pour autant que la requérante a demandé l’accès aux documents concernés afin d’être en mesure d’exercer ses droits de la défense dans le cadre de l’affaire T‑766/16 à l’encontre de la décision 2017/365, cette circonstance ne démontre pas l’existence d’un « intérêt public supérieur » au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, dès lors qu’un tel intérêt ne saurait être qualifié de « public » (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 97).

53      En effet, un intérêt représenté par un préjudice subi par une entreprise privée dans le cadre d’une opération de contrôle des aides d’État, telle que celle en cause dans l’affaire T‑766/16, ne saurait constituer un intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, point 98 et jurisprudence citée).

54      Il a déjà été jugé que l’intérêt particulier que peut faire valoir un demandeur à l’accès à un document le concernant personnellement ne saurait être pris en compte en tant qu’intérêt public supérieur au sens des dispositions de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, que cet intérêt soit constitué par les droits de la défense du demandeur ou par la garantie d’une bonne administration de la justice. Dès lors, l’institution qui refuse l’accès à certains documents sur le fondement d’une exception visée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 ne commet pas d’erreur de droit en considérant que l’intérêt particulier invoqué par un demandeur ne constituait pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés (voir arrêt du 21 octobre 2010, Umbach/Commission, T‑474/08, non publié, EU:T:2010:443, point 59 et jurisprudence citée).

55      Ensuite, il est utile d’ajouter que la divulgation des documents concernés est susceptible de porter atteinte à la protection des activités d’enquête relative à une procédure d’application de l’article 108 TFUE, même close, lorsqu’un recours juridictionnel dirigé contre la décision au fond est pendant (voir arrêt du 7 septembre 2017, AlzChem/Commission, T‑451/15, non publié, sous pourvoi, EU:T:2017:588, point 41 et jurisprudence citée).

56      Une telle solution s’explique par la prise en considération de la possibilité pour la Commission, en fonction de l’issue de la procédure juridictionnelle, de reprendre ses activités aux fins de l’adoption éventuelle d’une nouvelle décision (voir arrêt du 7 septembre 2017, AlzChem/Commission, T‑451/15, non publié, sous pourvoi, EU:T:2017:588, point 42 et jurisprudence citée).

57      Or, en l’espèce, si la procédure d’enquête en cause a certes été close par l’adoption de la décision 2017/365, il n’en demeure pas moins qu’un recours est actuellement pendant devant le Tribunal contre ladite décision (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2017, AlzChem/Commission, T‑451/15, non publié, sous pourvoi, EU:T:2017:588, point 43).

58      Enfin, la jurisprudence que la requérante invoque au soutien de son troisième moyen, et qui est rappelée au point 50 ci-dessus, vise des hypothèses qui diffèrent de celle du cas d’espèce.

59      D’une part, l’arrêt de la Cour EDH du 18 mars 2014, Beraru c. Roumanie (CE :ECHR :2014 :0318JUD 004010704), portait sur l’accès au dossier par une personne accusée d’une infraction dans le cadre d’une procédure pénale diligentée contre elle. À l’inverse, la présente procédure porte sur la demande formulée par la requérante d’accès à des documents afférents à une procédure de contrôle des aides d’État, dont le juge de l’Union a jugé à maintes reprises qu’elle était dirigée contre l’État membre concerné seul et ne revêtait pas un caractère pénal.

60      D’autre part, dans l’arrêt du 11 janvier 2000, Pays-Bas et van der Wal/Commission, (C‑174/98 P et C‑189/98 P, EU:C:2000:1), invoqué par la requérante, la Cour s’est prononcée sur l’accès aux documents fournis par la Commission aux juridictions nationales dans le cadre de la coopération pour l’application des articles 101 et 102 TFUE, ce qui est différent de la présente affaire, où la requérante demande l’accès aux documents concernés pour pouvoir, selon elle, exercer ses droits de la défense dans le cadre de l’affaire T‑766/16, qui concerne la procédure qu’elle a engagée devant le Tribunal à l’encontre de la décision 2017/365, adoptée à l’issue d’une procédure de contrôle d’aides d’État.

61      La Commission a donc pu valablement rejeter la demande d’accès aux documents concernés en se fondant sur l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 et c’est aussi à juste titre qu’elle a considéré qu’il n’y avait aucun motif justifiant de l’existence d’un intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

62      Il convient en conséquence de rejeter la première branche du premier moyen et le troisième moyen en ce qu’ils tendent à démontrer une violation de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 et il n’est pas nécessaire de se prononcer sur le bien-fondé de la seconde branche du premier moyen. En effet, il n’est pas nécessaire de se demander si la Commission pouvait refuser l’accès aux documents sur le fondement de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, dès lors que les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 ne sont pas cumulatives et qu’il suffit que les documents demandés tombent sous le coup d’une de ces exceptions, comme c’est le cas des documents concernés, pour que la Commission puisse à bon droit refuser leur divulgation.

 Sur le deuxième moyen

63      Par le deuxième moyen, la requérante invoque la violation de l’article 4, paragraphe 3, première phrase, du règlement no 1049/2001.

64      À cet égard, dans la mesure où il n’a pas été constaté de violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, la Commission ayant pu à bon droit rejeter la demande d’accès aux documents en se fondant sur l’une des exceptions prévues audit article, il n’est pas nécessaire de répondre à la question de savoir si la décision attaquée viole l’article 4, paragraphe 3, première phrase, du même règlement, concernant la protection du processus décisionnel d’une institution (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑851/16, EU:T:2018:69, point 125), et donc d’examiner le bien-fondé du deuxième moyen.

 Sur le quatrième moyen

65      Par le quatrième moyen, la requérante avance que, quand bien même la Commission aurait été fondée à lui refuser l’accès à la totalité des documents concernés, elle aurait méconnu son obligation de lui accorder, dans la mesure du possible, un accès partiel à ces documents au titre de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001. À cet égard, la requérante rappelle ne s’intéresser qu’aux documents ou aux parties de documents du dossier administratif qui la concernent expressément. Or, la Commission pourrait aisément identifier les extraits de documents pertinents, qui devraient, par suite, faire l’objet d’un droit d’accès partiel. La jurisprudence invoquée par la Commission ne serait pas pertinente.

66      La Commission conteste les arguments de la requérante.

67      À supposer que la requérante demande un accès partiel aux documents concernés, il suffit de relever qu’il résulte de ce qui précède que les documents concernés sont couverts par la présomption générale de confidentialité relative à l’exception visant à protéger les enquêtes réalisées par les institutions de l’Union et que la requérante n’a pas été en mesure de démontrer l’existence d’un quelconque intérêt public supérieur. La divulgation desdits documents échappe donc à l’obligation de divulgation, qu’elle soit intégrale ou partielle, de leur contenu. C’est donc à juste titre que la Commission a rejeté la demande d’accès partiel aux documents concernés.

68      Il convient donc de rejeter le quatrième moyen.

69      Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

71      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Hércules Club de Fútbol, SAD est condamnée aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Kanninen

Schwarcz

Calvo-Sotelo Ibáñez-Martín

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 février 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.