Language of document : ECLI:EU:C:2020:352

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERARD HOGAN

présentées le 7 mai 2020 (1)

Affaire C594/18 P

République d’Autriche

contre

Commission européenne

« Pourvoi – Aides d’État – Aide envisagée par le Royaume‑Uni en faveur de l’unité C de la centrale nucléaire de Hinkley Point – Contrat d’écart compensatoire, accord et garantie de crédit du secrétaire d’État – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Objet d’intérêt public – Aide à l’investissement – Aide au fonctionnement – Article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE – Article 194, paragraphe 2, TFUE – Article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom – Promotion de l’énergie nucléaire – Communication sur les garanties »






I.      Introduction

1.        La présente affaire peut être décrite comme la partie juridique d’un litige entre les États membres favorables à l’énergie nucléaire et ceux qui y sont opposés. Les deux camps affirment agir pour protéger l’environnement (2). Au cœur du problème, on trouve la question fondamentale de savoir si la construction d’une centrale nucléaire peut faire l’objet d’une aide d’État approuvée par la Commission européenne au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Il s’agit peut-être de la seule question majeure soulevée dans le cadre du présent pourvoi contre l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2018, Autriche/Commission (3) (ci‑après l’« arrêt attaqué »).

2.        Dans cet arrêt, le Tribunal a rejeté un recours en annulation introduit par la République d’Autriche et mettant en cause la validité de la décision (UE) 2015/658 de la Commission, du 8 octobre 2014 (4) (ci‑après la « décision litigieuse »). Cela concerne la fourniture d’un soutien financier du Royaume‑Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord à la construction de la centrale nucléaire de Hinkley Point C, située sur la côte sud-ouest de l’Angleterre. Comme on pouvait s’y attendre, les détails de la décision litigieuse et de l’arrêt attaqué sont complexes : le fait même que cet arrêt comporte 736 points parle de lui‑même.

3.        Or, comme je l’ai déjà indiqué, la thèse de la République d’Autriche, résolument opposée (à l’instar, dans ce domaine, de plusieurs autres États membres) à la construction de centrales nucléaires, selon laquelle les différents traités régissant l’Union européenne (dont le traité Euratom) excluent expressément ou implicitement l’octroi d’aides à de tels projets par d’autres États membres soutenant l’énergie nucléaire, est au cœur même du présent pourvoi de la République d’Autriche. Pour sa part, le Royaume‑Uni, qui est intervenu au soutien de la décision litigieuse, a fait valoir qu’il était en droit de choisir sa propre politique énergétique, y compris de choisir « entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique », comme le reconnaît l’article 194, paragraphe 2, TFUE.

4.        La Cour n’a que rarement eu l’occasion de se prononcer sur l’application correcte de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, une disposition sur laquelle le Tribunal a développé sa jurisprudence au fil des années. Parmi les questions posées dans le cadre du présent pourvoi, la Cour est appelée à se prononcer sur la question de savoir si les aides d’État doivent répondre à des objectifs spécifiques pour être compatibles avec le marché commun conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et, dans l’affirmative, quels sont ces objectifs. Elle aura également l’occasion d’examiner si, dans le cadre de l’appréciation d’aides d’État liées à une activité relevant du traité Euratom, d’autres objectifs de l’Union tels que précisés dans les traités UE et FUE – en l’espèce, la protection de l’environnement – doivent ou non être pris en compte.

II.    Le cadre juridique

5.        L’article 107, paragraphe 3, sous c), l’article 192, paragraphe 2, sous c), et l’article 194, paragraphe 2, TFUE ainsi que l’article 1er, l’article 2, l’article 106 bis, paragraphe 3, et l’article 192, premier alinéa, du traité Euratom sont les dispositions du droit primaire qui constituent le cadre juridique du présent pourvoi.

6.        L’article 1er, sous c), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (5), contient la définition suivante :

« “aide nouvelle” : toute aide, c’est‑à‑dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante ».

7.        L’article 4 du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (6) se lit comme suit :

« 1.      Aux fins de l’article 1er, point c), du règlement [no 659/1999], on entend par modification d’une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché commun. Toutefois, une augmentation du budget initial d’un régime d’aides existant n’excédant pas 20 % n’est pas considérée comme une modification de l’aide existante.

2.      Les modifications suivantes apportées à des aides existantes sont notifiées au moyen du formulaire de notification simplifiée figurant à l’annexe II :

a)      augmentations de plus de 20 % du budget d’un régime d’aides autorisé ;

b)      prolongation d’un régime d’aides existant autorisé de six ans au maximum, avec ou sans augmentation budgétaire ;

c)      renforcement des critères d’application d’un régime d’aides autorisé, réduction de l’intensité d’aide ou réduction des dépenses admissibles.

[...]

3.      La procédure de notification simplifiée n’est pas utilisée pour notifier des modifications apportées à des régimes d’aides au sujet desquels les États membres n’ont pas soumis de rapports annuels [...] »

8.        Le point 3.2 de la communication de la Commission sur l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État sous forme de garanties (7) (ci‑après la « communication sur les garanties ») est libellé comme suit :

« Dans le cas d’une garantie publique individuelle, la Commission considère que les conditions énoncées aux points a) à d) seront suffisantes pour exclure la présence d’une aide d’État.

a)      L’emprunteur n’est pas en difficulté financière.

[...]

b)      La portée de la garantie peut être mesurée de façon adéquate lors de son octroi. En d’autres termes, la garantie doit être attachée à une opération financière précise, porter sur un montant maximum déterminé et être limitée dans le temps.

c)      La garantie ne couvre pas plus de 80 % du solde restant dû du prêt ou autre obligation financière ; cette limite n’est pas applicable aux garanties couvrant des titres de créance.

[...]

d)      La garantie donne lieu au paiement d’une prime conforme au prix du marché.

[...] »

9.        Les points 5.1 et 5.2 de la communication sur les garanties disposent :

« 5.1.            Généralités

Les garanties de l’État relevant de l’article 87, paragraphe 1, [CE (maintenant l’article 107, paragraphe 1, TFUE)] doivent être examinées par la Commission afin qu’elle détermine si elles sont compatibles ou non avec le marché commun. Elle doit à cet effet connaître le bénéficiaire de l’aide.

5.2.      Appréciation

La Commission examinera si cette aide est compatible avec le marché commun selon les règles qui sont appliquées à d’autres formes d’aide [...] »

III. Les antécédents du litige

10.      Le 22 octobre 2013, le Royaume‑Uni a notifié des mesures de soutien à l’unité C de la centrale nucléaire de Hinkley Point, à proximité de deux centrales nucléaires existantes, dénommées « Hinkley Point A » et « Hinkley Point B » (ci‑après « Hinkley Point C »). Le bénéficiaire des mesures notifiées est la société NNB Generation Company Limited (ci‑après « NNBG »), une filiale d’EDF Energy plc (ci‑après « EDF »).

11.      Les mesures notifiées et décrites en détail à la section 2 de la décision litigieuse sont les suivantes :

–        Un contrat d’écart compensatoire, visant à garantir une stabilité des prix pour les ventes d’électricité produite à Hinkley Point C. Le concept de base de ce contrat est le suivant : NNBG recevra ou devra payer la différence entre un prix d’exercice prédéterminé, calculé sur la base des coûts prévisionnels de construction et d’exploitation de NNBG, y compris un bénéfice raisonnable (8), et un prix de référence fixé par le Royaume‑Uni pour tous les opérateurs fournissant de l’énergie dans un même segment (9) qui seront soutenus par une telle mesure (ci‑après le « contrat d’écart compensatoire »). Le contrat contient en outre un mécanisme de « partage des gains ». Il est conclu entre NNBG et Low Carbon Contracts Company Ltd, entité financée par l’imposition d’une obligation légale à tous les fournisseurs d’électricité agréés.

–        En outre, NNBG sera protégée et récupérera les coûts induits par certaines modifications législatives, et NNBG et ses investisseurs recevront une indemnisation en cas de fermeture anticipée pour des raisons politiques (10) ou pour des raisons liées à l’indisponibilité de l’assurance de responsabilité civile nucléaire. Dans ces cas, NNBG peut être transférée au gouvernement du Royaume‑Uni.

–        Le droit susmentionné des investisseurs de NNBG d’être indemnisés en cas de fermeture pour raisons politiques est accompagné d’un accord de garantie devant être conclu entre le Secretary of State for Energy and Climate Change (secrétaire d’État à l’énergie et au changement climatique) et les investisseurs de NNBG, en vertu duquel le secrétaire d’État paiera l’indemnité convenue en cas de défaillance de Low Carbon Contracts Company.

–        Le Royaume‑Uni garantira les obligations à émettre par NNBG afin de financer l’investissement. La garantie couvre le paiement en temps utile du principal et des intérêts de la dette éligible et pourrait atteindre 17 milliards de livres sterling (GBP) (ci‑après la « garantie de crédit »).

12.      Par sa décision du 18 décembre 2013 (11), la Commission a décidé d’ouvrir une procédure formelle d’examen des mesures notifiées.

13.      Cette procédure a conduit à l’adoption de la décision litigieuse par la Commission le 8 octobre 2014. Dans cette décision, la Commission a indiqué que les mesures notifiées constituaient des aides d’État, mais qu’elles étaient également compatibles avec le marché intérieur conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

14.      Le dispositif de la décision litigieuse se lit comme suit :

« Article premier 

L’aide octroyée en faveur de [Hinkley Point C] sous la forme d’un contrat d’écart compensatoire, de l’accord du secrétaire d’État et d’une garantie de crédit, ainsi que tous les éléments qui s’y rapportent, que le Royaume‑Uni prévoit de mettre en œuvre, est compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, [sous] c), [TFUE].

L’exécution de cette aide est dès lors autorisée [...] »

IV.    La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

15.      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juillet 2015, la République d’Autriche a introduit un recours en annulation de la décision litigieuse. Par décision du président de chambre du 18 décembre 2015, le Grand-Duché de Luxembourg a été admis à intervenir à la procédure au soutien des conclusions de la République d’Autriche. Par décisions du président de chambre du 9 décembre 2015, du 6 janvier 2016 et du 11 janvier 2016, la République tchèque, la République française, la Hongrie, la République de Pologne, la Roumanie, la République slovaque et le Royaume‑Uni ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

16.      À l’appui de son recours devant le Tribunal, la République d’Autriche a soulevé dix moyens.

17.      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité. La République d’Autriche a été condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux de la Commission. Les parties intervenantes ont été condamnées à supporter leurs propres dépens.

V.      Le pourvoi

A.      Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

18.      La République d’Autriche conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        annuler intégralement l’arrêt attaqué ;

–        faire droit, dans son intégralité, à la demande d’annulation de la décision litigieuse présentée en première instance ; et

–        condamner la Commission aux dépens.

19.      Le Grand-Duché de Luxembourg soutient les conclusions de la République d’Autriche.

20.      La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour :

–        rejeter le pourvoi ;

–        condamner la République d’Autriche aux dépens.

21.      La République tchèque et la République slovaque soutiennent pleinement les conclusions de la Commission. La République française, la Hongrie, la République de Pologne et le Royaume‑Uni soutiennent la demande de rejet de la Commission.

22.      Des observations écrites sur le pourvoi ont été présentées par l’ensemble des parties intervenant en première instance, à l’exception de la Roumanie. La République tchèque, la République française, la Hongrie, la République d’Autriche et le Royaume‑Uni ainsi que la Commission ont été entendus en leurs plaidoiries devant la Cour lors de l’audience qui s’est tenue le 28 janvier 2020.

B.      Incidence de la sortie du RoyaumeUni de l’Union et de l’Euratom

23.      Le Royaume‑Uni a quitté l’Union européenne le 31 janvier 2020 à minuit (HNEC). Étant donné que la procédure dans la présente affaire n’a pas été dirigée contre le Royaume‑Uni, ce retrait n’a, en tant que tel, aucune incidence directe sur la procédure. Il peut toutefois être relevé que, en vertu de l’article 89 de l’accord sur le retrait du Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7) (12), l’arrêt de la Cour continuera à avoir force obligatoire dans tous ses éléments à l’égard du Royaume‑Uni et sur son territoire, s’il est rendu avant la fin de la période transitoire.

24.      En tout état de cause, la République d’Autriche est manifestement recevable à demander l’annulation de l’arrêt attaqué.

C.      Analyse du pourvoi

25.      Le présent pourvoi devant la Cour s’articule en cinq moyens distincts, mais ceux‑ci reprennent en grande partie les différents moyens présentés devant le Tribunal. Toutefois, force est de constater que certains moyens dirigés contre la décision litigieuse et qui ont été avancés par la République d’Autriche devant le Tribunal ne sont pas repris.

26.      Par son premier moyen, la République d’Autriche fait valoir que la construction d’une nouvelle centrale nucléaire ne constitue pas un objectif légitime dans l’intérêt de l’Union, susceptible d’être poursuivi par des aides d’État. À cette fin, elle conteste les points 79 et suivants, ainsi que les points 97 et 517 de l’arrêt attaqué. Par son deuxième moyen, la République d’Autriche fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a considéré, aux points 105, 139, 140, 144, 151 et 240 de l’arrêt attaqué, que les mesures en cause sont compatibles avec l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, car l’activité économique concernée n’avait pas été définie correctement et qu’il n’a pas reconnu qu’une défaillance du marché est une condition de la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur. Par son troisième moyen, la République d’Autriche conteste l’appréciation du Tribunal figurant aux points 405, 413, 470, 499, 506, 507, 515 et suivants de l’arrêt attaqué dans la mesure où le Tribunal a considéré que les mesures d’aide étaient proportionnées. Par son quatrième moyen, la République d’Autriche fait valoir que l’aide constitue une aide au fonctionnement contraire aux règles de l’Union en matière d’aides d’État, contestant ainsi les points 612 et 613 de l’arrêt attaqué. Par son cinquième moyen, la République d’Autriche considère, d’une part, que la décision litigieuse n’a pas suffisamment déterminé les éléments d’aide pour permettre l’application du critère de proportionnalité et, d’autre part, que la décision litigieuse viole la communication sur les garanties. À cet égard, elle critique les points 251 et suivants, ainsi que les points 279 et 361 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal a rejeté l’application des lignes directrices et des réglementations qui ne sont pas directement applicables selon les principes d’égalité de traitement et de non‑discrimination ainsi que des points 309 et 338 de l’arrêt attaqué en ce qui concerne l’application de la communication sur les garanties.

27.      Je propose à présent d’examiner successivement les différents moyens.

1.      Sur le premier moyen,  tiré de ce que la construction d’une centrale nucléaire ne constitue pas un objectif légitime dans l’intérêt de l’Union

a)      Synthèse des arguments de la République d’Autriche

28.      Le premier moyen se divise en trois branches. Dans la première branche, la République d’Autriche fait valoir que, aux points 79 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal a présumé à tort que, pour la question de savoir si le soutien à l’énergie nucléaire est un intérêt susceptible d’être poursuivi par des aides d’État, le critère pertinent est celui de savoir si l’intérêt poursuivi constitue un « intérêt public » plutôt que celui de savoir s’il constitue un « intérêt commun ». Sur la base de cette appréciation, le Tribunal a commis une erreur de droit lorsqu’il a considéré que l’aide était compatible avec le marché intérieur du seul fait qu’elle sert un intérêt public.

29.      Dans le cadre de cette appréciation, la République d’Autriche fait valoir que le Tribunal s’est écarté de la pratique de la Commission ainsi que d’une jurisprudence constante selon laquelle toute aide d’État doit poursuivre un « intérêt commun » de l’Union. La République d’Autriche soutient en outre qu’un intérêt commun de l’Union est un intérêt commun à tous les États membres.

30.      Par la deuxième branche de son premier moyen, la République d’Autriche fait valoir que le Tribunal a commis une erreur lorsqu’il a considéré, au point 97 de l’arrêt attaqué, que l’article 2, sous c), du traité Euratom peut être invoqué pour justifier les aides d’État aux investissements dans le domaine de l’énergie nucléaire. En effet, le libellé de cette disposition vise non pas la création de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire, mais seulement celle de « faciliter les investissements et assurer [...] la réalisation des installations fondamentales nécessaires au développement de l’énergie nucléaire dans la Communauté ». Le chapitre 4 du traité Euratom (« Les investissements ») ne mentionne pas non plus l’aide d’État en tant que mesure envisagée pour atteindre cet objectif.

31.      Dans le cadre du premier moyen pris dans sa troisième branche, la République d’Autriche fait grief au Tribunal de s’être fondé sur l’article 106 bis du traité Euratom lorsqu’il a appliqué l’article 107 TFUE en considérant que le traité Euratom ne contient aucune réglementation en matière d’aides d’État. Étant donné que le Tribunal a appliqué l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE à une situation régie par le traité Euratom, il aurait dû également prendre en considération d’autres dispositions du droit de l’Union en dehors du traité Euratom. Il s’agit de celles relatives à la protection de l’environnement, dont relève la protection de la santé, à savoir l’article 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et l’article 11 TFUE et, plus particulièrement, « [d]ans le cadre de l’établissement ou du fonctionnement du marché intérieur et en tenant compte de l’exigence de préserver et d’améliorer l’environnement [...] [la promotion de] l’efficacité énergétique et des économies d’énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables » spécifiquement identifiés comme objectifs de la politique de l’Union en matière d’énergie à l’article 194, paragraphe 1, sous c), TFUE (c’est moi qui souligne). La République d’Autriche souligne également le fait que le Tribunal n’a pas tenu compte de ces objectifs, ce qui irait à l’encontre des principes de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité. À cet égard, elle conteste le point 516 de l’arrêt attaqué.

b)      Analyse

32.      Il peut être utile d’examiner tout d’abord le point préliminaire de l’articulation générale entre le traité Euratom et le traité FUE, qui contient les dispositions relatives aux aides d’État en cause ici, ce point étant pertinent pour plusieurs des arguments soulevés par la République d’Autriche. Ce faisant, j’aborderai également en partie la troisième branche du premier moyen.

1)      Sur l’articulation entre le traité Euratom et les dispositions des traités UE et FUE

33.      Comme je propose de l’illustrer à présent, si la République d’Autriche soutient que l’installation de nouvelles centrales nucléaires ne relève pas de l’article 2, sous c), du traité Euratom, elle ne semble pas suggérer que, en tant que tel, le traité Euratom ne joue aucun rôle en l’espèce. Elle soutient plutôt que, dès lors que le traité Euratom ne traite pas des aides d’État dans le secteur de l’énergie nucléaire, ce secteur ne devrait pas – et il serait peut-être même plus exact de dire qu’il ne peut pas – être soutenu par des aides d’État. Cela invite à examiner plus en détail l’articulation entre le traité Euratom et le traité UE ainsi que le traité FUE et, en particulier, le champ d’application et la portée de l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom et de l’article 194, paragraphe 2, second alinéa, TFUE.

34.      Le libellé de l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom indique clairement que ce traité est sur un pied d’égalité avec les traités UE et FUE, en tant que droit primaire (13). Il précise que les dispositions des traités UE et FUE ne peuvent pas être appliquées dans le domaine du traité Euratom dans la mesure où ces dispositions dérogent aux dispositions du traité Euratom (14). Ainsi que l’a souligné le Tribunal, « [p]artant, les dispositions du traité Euratom constituent des règles spéciales par rapport aux dispositions du traité FUE et dérogent donc à ces dernières en cas de conflit » (15).

35.      Cela signifie que, si une question déterminée a fait l’objet d’une disposition spécifique du traité Euratom, il n’y a alors pas de place pour l’application des traités UE ou FUE, dans la mesure où ils prévoient le contraire.

36.      La question de savoir ce qui se passe si une question n’est pas abordée dans le traité Euratom n’est peut-être pas aussi évidente. Ainsi que l’a relevé l’avocat général Szpunar dans ses conclusions dans l’affaire Kernkraftwerke Lippe-Ems (16), il y a deux manières d’aborder l’articulation entre ces traités. L’une part du principe que le traité Euratom traite de manière exhaustive de toutes les questions relevant du domaine de l’énergie nucléaire, en ne laissant aucune place à l’application des traités UE et FUE. L’autre approche consiste à considérer que les traités FUE et Euratom s’appliquent dans tous les domaines couverts par le droit de l’Union qui ne font pas l’objet du traité Euratom.

37.      Étant donné que le traité Euratom n’est qu’un traité sectoriel visant à promouvoir la recherche, le développement et les investissements dans l’industrie nucléaire (17), alors que les traités UE et FUE ont des finalités beaucoup plus larges, et compte tenu des compétences étendues de l’Union dans un large éventail de domaines et de secteurs, il paraît approprié d’appliquer les règles du traité FUE lorsque le traité Euratom ne contient pas de règles plus spécifiques. Il serait singulier, par exemple, que les dispositions de l’article 157, paragraphe 1, TFUE relatives à l’égalité des rémunérations ne s’appliquent pas aux salariés travaillant dans le secteur de l’énergie nucléaire. Il s’agit là, en tout état de cause, de l’approche qui résulte également de la jurisprudence de la Cour (18).

38.      Il s’ensuit, à mon avis, que les dispositions du traité Euratom doivent être considérées comme des leges speciales au regard des dispositions du traité FUE qui ne font pas obstacle à l’application des dispositions du traité FUE si le traité Euratom ne comporte pas de règles particulières ou spécifiques en la matière. Toute autre conclusion reviendrait à considérer que la production d’énergie nucléaire n’est régie par aucune des règles générales régissant le marché intérieur. En l’espèce, force est de constater que le traité Euratom ne contient pas de règles particulières en matière d’aides d’État. Il s’ensuit, dès lors, que les dispositions des articles 107, 108 et 109 TFUE s’appliquent aux aides accordées par les États membres dans le domaine de l’énergie nucléaire.

39.      La République d’Autriche semble le reconnaître. Elle soutient toutefois que, si l’on admet que les règles relatives aux aides d’État, qui poursuivent l’objectif du traité FUE d’atteindre ou de maintenir une concurrence non faussée, peuvent s’appliquer dans le domaine de l’énergie nucléaire, d’autres objectifs du traité, tels que la protection de l’environnement, le principe du pollueur-payeur et l’article 37 de la Charte (relatif à la protection de l’environnement) doivent également être pris en compte.

40.      Pour ma part, je ne peux toutefois souscrire à cet argument. Il revient, essentiellement, à dire que l’énergie nucléaire est en soi incompatible avec les objectifs environnementaux du traité FUE et que, dès lors, aucune aide d’État, quelle qu’en soit la forme, au soutien de la construction ou de l’exploitation de telles installations ne devrait être tolérée.

41.      Bien entendu, il est vrai que, sur le plan politique, les avantages (ou, le cas échéant, les inconvénients) de l’énergie nucléaire sont très largement débattus dans de nombreux États membres et il s’agit d’une question sur laquelle il n’existe pas, à l’heure actuelle, de véritable consensus. Certains peuvent penser que l’ombre de Three Mile Island, de Fukushima et surtout de Tchernobyl plane sur la construction et le développement de toute centrale nucléaire, et que cette expérience suffit à caractériser l’existence d’un risque environnemental grave, dont l’élimination est tout simplement impossible. D’autres peuvent penser que, dès lors que l’énergie nucléaire fournit une source d’énergie durable et à faible teneur en carbone, elle doit ainsi faire partie d’un bouquet d’approvisionnement énergétique s’il y a lieu d’abandonner les combustibles fossiles et d’atteindre les objectifs de changement climatique.

42.      La Cour n’a manifestement ni la compétence ni, de manière tout aussi importante, la légitimité démocratique pour statuer sur ces questions. Il me semble plutôt suffisant de dire que, si le développement de l’énergie nucléaire est, ainsi que cela ressort du traité Euratom, un objectif clairement défini du droit primaire de l’Union, cet objectif ne saurait juridiquement être subordonné à d’autres objectifs (à première vue potentiellement contradictoires) du traité FUE. En outre, les termes clairs de l’article 194, paragraphe 2, second alinéa, TFUE reconnaissent manifestement le droit de chaque État membre de choisir « entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique », et ce droit doit s’étendre, au cas où un État membre y est favorable, au droit de développer l’énergie nucléaire et des centrales nucléaires au titre de ses sources d’approvisionnement énergétique.

43.      Toute autre conclusion aurait pour conséquence d’occulter l’effet utile de l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom et de l’article 194, paragraphe 2, second alinéa, TFUE et de le vider de sa substance.

2)      Sur le bienfondé du premier moyen

44.      Il convient ensuite de répondre à l’argument de la Commission selon lequel le premier moyen est inopérant. À l’appui de cet argument, la Commission invoque le point 85 de l’arrêt attaqué et le fait que cette partie de l’arrêt n’a pas été attaquée par la République d’Autriche (19). La Commission fait valoir que la question de savoir si une mesure d’aide doit répondre à un « intérêt commun » ou à un « intérêt public » est sans importance parce que le Tribunal a déclaré dans ce point qu’il était nécessaire pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE d’établir une distinction entre l’objectif poursuivi par un État membre et la condition selon laquelle les aides d’État ne doivent pas affecter les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. En s’appuyant sur ce point, la Commission fait valoir que le Tribunal n’a pas considéré que l’aide, pour être autorisée conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, devait poursuivre un intérêt public. Ainsi, dans la mesure où la République d’Autriche prétend que le critère correct aurait dû être celui de l’« intérêt commun » plutôt que l’« intérêt public », la Commission estime que le Tribunal n’a appliqué aucun de ces critères dans son arrêt.

45.      Pour ma part, je ne partage pas cette appréciation. Au point 87 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué qu’« il ne peut pas en être déduit que les objectifs d’intérêt public pouvant être poursuivis par un État membre se limitent à ceux qui sont communs à l’ensemble ou à la majorité des États membres » (20). Cela signifie donc qu’il examine l’objet d’une mesure d’aide qui, selon lui, doit être de poursuivre un intérêt public. Le Tribunal n’aurait pas dû non plus « requalifier » le terme « intérêt commun » utilisé dans son arrêt Mediaset/Commission (21) au sens d’« intérêt public », par opposition à « intérêt privé » (22), s’il considérait ce critère comme non pertinent (23).

46.      Je ne peux pas souscrire non plus à l’affirmation de la Commission selon laquelle le Tribunal ne s’est pas fondé sur un critère distinct selon lequel l’aide en cause doit servir un « intérêt public » parce que la facilitation du développement de « certaines activités économiques » – l’exigence qui figure directement dans le libellé de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE – constitue en soi cet « intérêt public » ou, d’ailleurs, que les notions d’« intérêt commun » et d’« intérêt public » sont synonymes. Pour ne donner que trois exemples : premièrement, au point 48 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que, « afin de pouvoir être déclarée compatible avec le marché intérieur en application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, une aide doit viser le développement d’une activité qui constitue un objectif d’intérêt public » (24). Deuxièmement, au point suivant, la Cour a considéré qu’il convenait d’examiner d’abord l’objectif d’intérêt public invoqué par le Royaume‑Uni.

47.      Troisièmement, dans son renvoi à l’arrêt Mediaset/Commission (25), le Tribunal a indiqué clairement qu’il se fondait sur cette exigence, ne serait-ce que pour exclure les « intérêts privés » (26). Aux points 79 à 128 de l’arrêt attaqué intitulé « Sur les arguments visant à remettre en cause la conclusion de la Commission, selon laquelle la promotion de l’énergie nucléaire constitue un objectif d’intérêt “commun” », l’expression « objectif d’intérêt public » a été utilisée seize fois – de manière intéressante même lorsqu’elle se réfère à la décision litigieuse dans laquelle la Commission se réfère à « un objectif d’intérêt public » (27). Dans ces références, le Tribunal a examiné la question de savoir si la promotion de l’énergie nucléaire poursuit un objectif d’intérêt public au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et non pas s’il peut s’agir d’un intérêt privé plutôt que public. Alors que la Commission a peut-être raison quand elle affirme que l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ne prévoit pas qu’une aide doive servir un intérêt public pour être compatible avec le marché intérieur, cette thèse n’a pas été explicitement confirmée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué.

48.      Il s’ensuit que le premier moyen ne me paraît pas inopérant pour ce motif. Il s’agit plutôt d’un moyen qu’il appartient à la Cour d’examiner correctement.

3)      Sur la notion d’« intérêt public » ou d’« intérêt commun » en tant qu’exigence de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE

49.      La République d’Autriche fait essentiellement valoir que, pour que l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE s’applique, une mesure d’aide doit poursuivre un « intérêt commun » et qu’on ne peut considérer que c’est le cas que si tous les États membres soutiennent cet intérêt. Le Tribunal a exprimé l’avis contraire aux points 79 et suivants de l’arrêt attaqué. Cette question comporte deux aspects. En premier lieu, la question de savoir si l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE comporte une exigence supplémentaire qui ne figure pas dans son libellé, à savoir que l’aide poursuive un « intérêt commun » et, dans l’affirmative, celle de savoir ce qui constitue un tel « intérêt commun ». En second lieu, si l’existence d’une telle exigence supplémentaire peut être établie, il convient encore de savoir si cet « intérêt commun » doit être examiné du point de vue de l’ensemble des États membres.

50.      Dans le cadre de l’appréciation de ces questions, il convient de garder à l’esprit que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la Commission jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour procéder, au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, à un examen de la compatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur. Un tel exercice implique des appréciations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire (28). Partant, le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (29).

51.      S’agissant de ce large pouvoir d’appréciation, je souhaiterais d’abord examiner l’argument de la République d’Autriche selon lequel le Tribunal, en exigeant seulement que la mesure soutenue par une aide d’État contribue à un « intérêt public » plutôt qu’à un « intérêt commun », s’est écarté de la pratique de la Commission ainsi que de la jurisprudence dominante. À l’appui du premier moyen, la République d’Autriche cite un certain nombre d’instruments non contraignants (soft law), dont aucun n’est toutefois applicable au cas d’espèce (30). Elle se réfère en outre à la décision litigieuse, qui traite effectivement de la question de savoir si l’aide sert un « intérêt commun », dans son chapitre 9.2 (31). À l’appui du deuxième moyen, elle cite les arrêts Philip Morris Holland/Commission (32), Deufil/Commission (33) et Espagne/Commission (34).

52.      La Commission n’ayant aucune compétence pour légiférer dans le domaine des aides d’État, il en résulte à l’évidence que d’éventuelles communications, lignes directrices ou encadrements ne sauraient être contraignants en eux‑mêmes. Si les communications et lignes directrices auxquelles la République d’Autriche se réfère étaient applicables à l’ensemble des circonstances de l’espèce, elles pourraient en effet imposer une limite à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission (35). Cependant, même dans ce cas, la Commission n’est liée que dans la mesure où ces textes ne dérogent pas à la bonne application des règles du traité FUE, étant donné que les lignes directrices et les avis émanant de la Commission ne peuvent évidemment pas déroger à ces dispositions de ce traité (36).

53.      Cela signifie que même une position cohérente de la Commission sur la question de ce qui constitue un objectif d’« intérêt commun » ne saurait empêcher le Tribunal (ou, le cas échéant, la Cour) de juger qu’il ne s’agit pas là d’une exigence nécessaire à l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Quant à la jurisprudence citée par la République d’Autriche, je propose d’examiner la question de savoir si l’exigence que l’aide serve un objectif d’« intérêt commun » constitue un revirement par rapport à la jurisprudence antérieure conjointement avec la question de savoir si, pour qu’un intérêt puisse être qualifié d’« intérêt commun », tous les États membres doivent s’accorder à tout moment sur cet intérêt (37).

54.      En ce qui concerne l’application correcte de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, cette disposition énonce qu’une aide d’État peut être compatible avec le marché commun à condition, d’une part, qu’elle facilite certaines activités économiques et, d’autre part, que cette aide n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. Le libellé de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE lui‑même ne donne aucune indication quant aux exigences supplémentaires que ces « activités économiques » doivent respecter. Cette disposition contraste manifestement avec l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE en ce que cette dernière disposition prévoit clairement que l’aide doit « promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun » (38).

55.      Le Tribunal a néanmoins jugé dans plusieurs affaires, sur lesquelles la République d’Autriche s’appuie, que « [p]our être compatible avec le marché commun au sens de l’article [107, paragraphe 3, sous c), TFUE], une aide doit poursuivre un objectif d’intérêt commun et être nécessaire et proportionnée à cette fin » (39). Quant à la Commission, dans sa décision concernant l’ouverture de la procédure formelle d’examen, elle a consacré 31 points à l’examen de la question de savoir si l’aide poursuivait un objectif commun et, dans la décision litigieuse, la section 9.2 a traité de cette question et s’est terminée par la constatation selon laquelle « les mesures d’aide visant à promouvoir l’énergie nucléaire poursuivent un objectif d’intérêt commun » (40).

56.      L’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE se trouve dans le titre VII, chapitre 1, du traité, intitulé « Les règles de concurrence ». Dans le cadre du chapitre relatif à la concurrence, le but de cette disposition est d’éviter les distorsions de concurrence et les effets négatifs sur les échanges. Sa position dans le traité ne tend pas vers l’objectif d’attribuer à la Commission des compétences supplémentaires au moyen, par exemple, d’un pouvoir de quasi-audit afin de garantir que les États membres consacrent des fonds publics d’une manière efficace et rentable.

57.      Il s’ensuit, dès lors, qu’il n’est pas exigé que l’aide remplisse des objectifs allant au-delà de ceux spécifiquement prévus à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Selon son libellé et la place de la disposition dans le traité FUE, une aide de ce type, pour être compatible avec le traité, ne doit poursuivre ni un « objectif d’intérêt commun » ni un « objectif d’intérêt général ». Il doit seulement « faciliter le développement de certaines activités [...] économiques » et ne pas « [altérer] les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ». En tant que tel, l’argument de la République d’Autriche selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit lorsqu’il a jugé que l’aide doit seulement servir un intérêt « public » et non un intérêt « commun » ne saurait prospérer dès lors que, à mon avis et contrairement à ce qu’a estimé le Tribunal dans l’arrêt attaqué, aucun de ces deux critères ne doit être rempli.

58.      Il convient peut-être seulement d’ajouter ici que les affirmations du Tribunal dans une ligne jurisprudentielle issue d’affaires telles que celle ayant donné lieu à l’arrêt Mediaset/Commission (41), selon lesquelles toute aide approuvée au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE doit servir un objectif d’« intérêt commun », sont incorrectes en droit. Comme je viens de l’indiquer, le texte même de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ne prévoit pas une telle exigence, même si c’est le cas de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (« aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun »).

59.      En revanche, l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE exige seulement que les aides « facilit[ent] le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques ». Il est vrai que le terme « intérêt commun » figure également à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Cette disposition contient un critère négatif, à savoir celui que les aides en cause « n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ». Là, le terme « intérêt commun » est utilisé dans un contexte différent. Ce critère négatif sert à introduire des exigences telles que la proportionnalité et la nécessité dans le régime d’approbation des aides : il ressort clairement du libellé et de la structure de l’ensemble du paragraphe que cela ne signifie pas que, aux fins de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, l’objectif est que l’aide ellemême doive servir un intérêt commun. Si cela avait été envisagé, les rédacteurs de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE auraient facilement pu l’indiquer, comme ils l’ont fait dans le cas de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE.

60.      Dans l’hypothèse où la Cour ne partagerait pas la conclusion selon laquelle l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ne prévoit pas une telle exigence supplémentaire, je pense qu’il est clair, en tout état de cause, que l’éventuelle condition selon laquelle l’aide relative au projet de Hinkley Point C doit effectivement servir un objectif d’« intérêt commun » a de fait été respectée. Il en est ainsi, indépendamment de la question de savoir si ce critère est interprété en ce sens qu’il doit s’agir d’un objectif poursuivi par tous les États membres ou non.

61.      À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que tous les États membres de l’Union ont également accepté les dispositions du traité Euratom et sont liés par celles‑ci. Même si les États membres ne peuvent à l’heure actuelle s’accorder sur le sujet de l’énergie nucléaire et que, pour cette raison précise, il peut s’être révélé impossible d’intégrer l’Euratom dans l’Union (42), il n’en demeure pas moins que le traité Euratom est demeuré quasiment inchangé depuis son entrée en vigueur alors que les traités régissant la Communauté européenne et l’Union ont, bien entendu, subi des modifications fondamentales.

62.      Comme je l’ai déjà indiqué dans les présentes conclusions (43), le développement des centrales nucléaires – tant à l’heure actuelle qu’à l’époque où le traité Euratom a été promulgué – constitue bien un objectif central de ce traité qui, bien entendu, reste un élément du droit primaire de l’Union. Il en résulte qu’un objectif clairement indiqué dans le traité, quel que soit le traité fondateur concerné, doit, presque par définition, être susceptible de constituer un objectif d’intérêt commun aux fins de l’application des règles relatives aux aides d’État.

63.      En disant cela, je n’ignore pas l’affirmation de la République d’Autriche selon laquelle, si elle avait compris que le développement actuel des centrales nucléaires pouvait faire l’objet d’une aide d’État, elle n’aurait jamais accepté le traité Euratom. Pourtant, cet argument est tout à fait irréaliste, car, en tout état de cause, il est difficile d’interpréter différemment l’article 1er ou l’article 2, sous c), du traité Euratom (des dispositions que j’examinerai plus en détail) lus en combinaison avec l’article 106 bis, paragraphe 3, de ce traité.

64.      Certes, chaque État membre n’est tenu ni de permettre l’exploitation des centrales nucléaires ni d’apporter un soutien financier à celles qui existent déjà sur son propre territoire. Néanmoins, ce n’est pas tout à fait la question. Si un État membre intervient en faveur de « la formation et [de] la croissance [...] des industries nucléaires » (44) en construisant des centrales nucléaires, il agit conformément à une disposition expresse du droit primaire de l’Union (article 1er combiné à l’article 192 du traité Euratom) qui, encore une fois presque par définition, constitue nécessairement une question d’« intérêt commun » au sens des règles relatives aux aides d’État. La République d’Autriche fait toutefois valoir que la jurisprudence relative à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE repose sur un intérêt commun et collectif respectif des États membres ou de l’Union qui, selon elle, ferait nécessairement défaut en raison de sa propre opposition au développement actuel de l’énergie nucléaire. À cet effet, elle invoque trois arrêts de la Cour qui, selon elle, conforteraient cette position. La République d’Autriche s’appuyant sur les mêmes passages des mêmes arrêts pour affirmer que cela constituerait un revirement par rapport à la jurisprudence antérieure si la Cour n’appliquait pas le critère de l’intérêt commun de l’aide, j’aborderai cette question en même temps.

65.      En ce qui concerne le premier de ces arrêts, l’arrêt Philip Morris Holland/Commission (45), la République d’Autriche invoque le passage suivant (points 24 à 26 de cet arrêt) :

« Il y a lieu de rappeler que la Commission jouit d’un pouvoir discrétionnaire dont l’exercice implique des appréciations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire.

[...]

[...] L’appréciation de la Commission est fondée en grande partie sur la constatation que l’accroissement de la production de cigarettes prévu serait exporté vers les autres États membres, [...] ce qui ne permettait pas de considérer que les conditions des échanges ne seraient pas altérées dans une mesure contraire à l’intérêt commun par une telle aide [...] »

66.      Ce passage concerne l’application du critère négatif prévu à l’article 92, paragraphe 3, sous c), CEE [devenu article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE]. La question ici posée est celle de savoir si l’aide litigieuse porte atteinte aux échanges dans une mesure inacceptable et, dans ce contexte, l’impact sur le marché unique dans son ensemble doit naturellement être examiné. La question que la Cour est appelée à examiner en l’espèce, à savoir si l’aide doit servir un objectif d’intérêt commun, précède toutefois naturellement cette question spécifique. Même si l’on supposait différemment, rien dans l’arrêt cité n’indique qu’il faille s’interroger sur les objectifs politiques individuels de chaque État membre pour déterminer la question de l’intérêt commun.

67.      Il en va de même pour le deuxième arrêt invoqué à cet effet, l’arrêt Deufil/Commission (46). Dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la Commission avait rejeté une proposition d’aide régionale pour développer un secteur économique particulier en Allemagne. La Cour a d’abord rappelé (au point 18 dudit arrêt) l’affirmation faite au point 24 de l’arrêt Philip Morris Holland/Commission.(47) La Cour poursuit en indiquant que, « [e]n estimant que l’octroi d’une aide à un investissement qui augmente les capacités de production dans un secteur déjà largement excédentaire est contraire à l’intérêt commun [...], la Commission n’a d’aucune manière dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation » (48).

68.      Ces passages sont toutefois totalement inopposables dans la mesure où la réitération de la formule tirée de l’arrêt Philip Morris Holland/Commission (49) concerne à nouveau l’application du critère négatif prévu à l’article 92, paragraphe 3, sous c), CEE [devenu article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE], à distinguer de la question différente de l’« intérêt commun », qui est un critère positif relatif à la question de savoir si l’aide sert un objectif d’intérêt commun. S’il est vrai que la Cour a affirmé que l’aide « est contraire à l’intérêt commun », cela doit toutefois être replacé dans le contexte spécifique d’un autre critère explicite figurant à l’article 92, paragraphe 3, sous c), CEE [devenu article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE]. En d’autres termes, le projet d’aide d’État en cause n’aurait déjà pas satisfait au critère pertinent, car on ne saurait dire que les aides à un secteur dans lequel il existe déjà une surproduction « facilitent le développement d’une certaine région économique ». En tout état de cause, rien dans ce passage ne permet de considérer qu’un intérêt commun doit être partagé par l’ensemble des autres États membres.

69.      Le troisième arrêt, l’arrêt Espagne/Commission (50), concernait un régime d’aides espagnol en faveur des agriculteurs de la communauté autonome d’Estrémadure. La République d’Autriche s’appuie notamment sur le point 67 de cet arrêt, qui reprend une nouvelle fois le point 24 de l’arrêt Philip Morris Holland/Commission (51). Le passage pertinent de l’arrêt Espagne/Commission (52) est rédigé dans les termes suivants :

« Pour autant, la différence de formulation entre les points a) et c) de l’article 87, paragraphe 3, CE ne saurait conduire à considérer que, lorsqu’elle fait application de la première de ces deux dispositions, la Commission ne doit tenir aucun compte de l’intérêt communautaire, mais doit se borner à vérifier la spécificité régionale des mesures examinées sans évaluer leur incidence sur le ou les marchés pertinents dans l’ensemble de la Communauté. En effet, en pareil cas, la Commission est tenue non seulement de vérifier que ces mesures sont de nature à contribuer effectivement au développement économique des régions concernées, mais également d’évaluer l’impact de ces aides sur les échanges entre les États membres, et notamment d’apprécier les répercussions sectorielles qu’elles sont susceptibles de provoquer au niveau communautaire. Ainsi que la Cour l’a déjà relevé, l’article 87, paragraphe 3, CE confère à la Commission un pouvoir discrétionnaire dont l’exercice implique des appréciations d’ordre économique et social qui doivent être effectuées dans un contexte communautaire [...] »

70.      Néanmoins, il est clair que ce passage porte une nouvelle fois sur la question, tout à fait distincte, qui se pose au titre du critère négatif prévu à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE [ancien article 87, paragraphe 3, sous c), CE], à savoir qu’il ne doit pas y avoir d’incidence de l’aide en question sur le ou les marchés concernés dans la Communauté (désormais l’Union) dans son ensemble a un niveau qui est contraire à l’intérêt commun. Cela n’a toutefois aucune incidence sur la question distincte de savoir si l’aide doit répondre à un objectif d’intérêt commun ou être soutenue par tous les États membres avant que l’on ne puisse considérer qu’elle a un objet d’intérêt commun.

71.      Il s’ensuit qu’aucun de ces trois arrêts ne permet à la République d’Autriche d’affirmer qu`il est nécessaire, aux fins de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, que l’aide poursuive un objectif d’intérêt commun. Ils ne précisent pas non plus qu’un intérêt commun serait un intérêt partagé par l’ensemble des États membres.

72.      Il convient également de rappeler que tous les États membres ont signé et ratifié le traité Euratom et y ont adhéré. Il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer que, au regard du droit, tous les États membres ont autorisé, de manière générale, le développement de nouvelles centrales nucléaires. Il est vrai qu’il existe des États membres qui, à l’instar de la République d’Autriche, ont décidé qu’ils ne faciliteront ni même ne permettront le développement de nouvelles centrales nucléaires sur leur propre territoire. Toutefois, en acceptant les objectifs du traité Euratom, ils ont ainsi reconnu sans réserve, en principe du moins, le droit des autres États membres de développer des centrales nucléaires sur leurs territoires respectifs s’ils le souhaitent.

73.      Il s’ensuit donc, en tout état de cause, que le développement de centrales nucléaires constitue un objectif d’intérêt commun aux fins de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, auquel, en réalité, tous les États membres ont consenti, ne serait-ce qu’en raison de leur acceptation du traité Euratom. Ainsi, à supposer même que, contrairement à la position que je défends, l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ne puisse être appliqué que si une aide d’État poursuit un objectif d’intérêt commun, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit. J’ajouterai encore – ne serait-ce qu’à titre surabondant – que le développement des centrales nucléaires constitue également un objectif d’intérêt public, par opposition à un objectif d’intérêt privé.

c)      La construction de centrales nucléaires n’est pas une promotion de l’énergie nucléaire visée par le traité Euratom

74.      En outre, la République d’Autriche conteste la constatation du Tribunal, au point 97 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, eu égard à l’article 1er, second alinéa, et à l’article 2, sous c), du traité Euratom, le Royaume‑Uni était en droit de prévoir des incitations à la création de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire. La République d’Autriche fait valoir au contraire, en se fondant sur le libellé de l’article 2, sous c), du traité Euratom, que celui‑ci ne couvre pas la promotion de la construction de nouvelles centrales nucléaires ou le remplacement des centrales nucléaires existantes par des technologies plus modernes, déjà développées. Dans ce contexte, on peut d’abord constater que l’article 1er du traité Euratom prévoit que l’objet clé du traité est d’établir « des conditions nécessaires à la formation et à la croissance rapides des industries nucléaires ». L’article 2, sous c), dudit traité dispose que pour « l’accomplissement de sa mission », Euratom doit « faciliter les investissements et assurer, notamment en encourageant les initiatives des entreprises, la réalisation des installations fondamentales nécessaires au développement de l’énergie nucléaire dans la Communauté ». En outre, les articles 40 et 41 du traité Euratom, lus en combinaison avec le point no 11 de l’annexe II dudit traité soulignent également le fait que les investissements dans les réacteurs nucléaires sont prévus par le traité. Enfin, selon l’article 192 du traité Euratom, les États membres facilitent l’accomplissement de la mission de la Communauté.

75.      En premier lieu, on peut dire de ces dispositions générales qu’elles présupposent nécessairement l’existence de centrales nucléaires dans au moins certains des États membres, puisque, à défaut de centrales nucléaires, il ne peut y avoir d’énergie nucléaire. Et, en l’absence d’énergie nucléaire, il serait peu utile de disposer soit de l’Euratom, soit, à cet effet, du traité Euratom.

76.      En deuxième lieu, les États membres envisageaient manifestement que le traité Euratom soit un document « vivant », capable d’une évolution organique et d’adaptation aux circonstances contemporaines, bien entendu par rapport à la portée des dispositions, telle que définie par le traité. Cela est, en soi, suffisant pour écarter l’argument de la République d’Autriche selon lequel ces dispositions du traité Euratom ne couvriraient ni la construction de nouvelles centrales nucléaires ni le remplacement et la modernisation des centrales vieillissantes par des technologies plus modernes, déjà développées.

77.      Si cet argument était exact, cela signifierait que le traité Euratom n’aurait été applicable que durant la première phase de construction des centrales nucléaires au cours des années 60 et 70. Il en résulterait également que le traité Euratom ne serait pas applicable à des circonstances modernes, puisque les centrales nucléaires de cette première série seraient progressivement démantelées, modernisées et remplacées. Or, les rédacteurs du traité Euratom entendaient manifestement que le traité ait une durée d’application indéterminée. Rien n’indique, en effet, qu’il était censé avoir uniquement une durée d’application déterminée et limitée, en substance, à la première série de centrales nucléaires construites.

78.      En troisième lieu, cet argument de la République d’Autriche n’est, en tout état de cause, pas étayé par les termes mêmes du traité Euratom. En effet, l’article 1er de ce traité indique que l’un des objectifs du traité est d’instaurer les conditions nécessaires « à la formation et à la croissance rapides des industries nucléaires ». Dans le même esprit, l’article 2, sous c), dudit traité dispose que l’une des missions d’Euratom est de « faciliter les investissements et assurer, notamment en encourageant les initiatives des entreprises, la réalisation des installations fondamentales nécessaires au développement de l’énergie nucléaire dans la Communauté ». Ces dispositions envisagent de toute évidence la croissance et le développement de l’industrie nucléaire, y compris la participation d’entreprises privées à cette fin, comme l’indique clairement l’article 2, sous c). L’argument contraire avancé par la République d’Autriche lors de l’audience du 28 janvier 2020, selon lequel l’article 2, sous c), du traité Euratom n’a pas du tout cette signification, mais visait au contraire le développement éventuel de nouvelles technologies, est tout à fait irréaliste.

79.      Enfin, il y a encore lieu de rappeler, dans ce contexte, l’article 194, paragraphe 2, TFUE. Cette disposition doit, bien entendu, être lue conjointement avec le traité Euratom. Comme je l’ai déjà indiqué, l’article 194, paragraphe 2, second alinéa, TFUE prévoit que la compétence générale de l’Union dans le domaine de l’énergie est sans préjudice du droit d’un État membre « de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique ».

80.      Il ressort sans ambiguïté de cette disposition que le droit de principe de chaque État membre de choisir son propre bouquet énergétique – qu’il s’agisse de combustibles fossiles, d’énergies renouvelables comme l’énergie solaire et l’énergie éolienne ou, comme en l’espèce, d’énergie nucléaire – est, à toutes fins utiles, intangible. Ainsi que l’a fait valoir le Royaume‑Uni dans ses observations, il a choisi de soutenir l’énergie nucléaire en tant qu’« élément fiable et à faible teneur en carbone dans son bouquet énergétique plus large ».

81.      Tout cela conforte la conclusion selon laquelle l’objet et les compétences du traité Euratom peuvent être interprétés équitablement comme s’étendant à la construction de centrales nucléaires modernes par les États membres, et non pas uniquement à celles qui étaient envisagées ou projetées à l’époque où le traité Euratom a été promulgué. La teneur générale de l’arrêt attaqué et l’approche du Tribunal concordent parfaitement avec cette interprétation de ces dispositions.

d)      Le Tribunal aurait dû tenir compte également d’autres objectifs du traité FUE lorsqu’il a apprécié la question de savoir si des mesures d’aide visent à promouvoir un objectif d’intérêt commun

82.      Au point 517 de l’arrêt attaqué, contesté par la République d’Autriche, le Tribunal a constaté que, indépendamment de la question de savoir si ces principes doivent être pris en compte par la Commission, il serait contraire à l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom d’interpréter les principes de protection de l’environnement, de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité de manière à exclure l’octroi d’une aide d’État pour la construction ou l’exploitation d’une centrale nucléaire.

83.      En revanche, la République d’Autriche fait valoir que, si – malgré l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom – on applique l’article 107 TFUE à l’énergie nucléaire, il y a également lieu d’appliquer d’autres principes du droit de l’Union, tels que les exigences en matière de protection de l’environnement, qui englobent la protection de la santé, visée à l’article 37 de la Charte et à l’article 11 TFUE. Par ailleurs, la République d’Autriche fait valoir que l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom ne devrait pas être invoqué pour justifier une aide d’État, parce que cette disposition traite principalement des différends relatifs à la base juridique d’une action législative et qu’il n’existe aucun différend de ce type en l’espèce. Ces arguments appellent la réponse suivante.

84.      Premièrement, contrairement à ce qui est le cas dans le domaine des aides d’État, le traité Euratom traite des questions environnementales au chapitre 3 du titre II, intitulé « La protection sanitaire » (53). Ces dispositions prévalent conformément à l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom et ne laissent aucune place à l’application d’autres principes du droit de l’Union dans ce domaine (54).

85.      Deuxièmement, la circonstance qu’une disposition aurait pu être principalement conçue pour régler des différends relatifs à la base juridique des mesures n’exclut pas son application à d’autres questions, a fortiori parce que ni le libellé de l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom, ni le contexte dans lequel elle s’insère – elle a été déplacée de la partie VI du traité CE, consacrée aux dispositions générales et finales, au chapitre du traité Euratom intitulé « Application de certaines dispositions du traité sur l’Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » – ne corroborent une telle limitation dans son application.

86.      Troisièmement, l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom n’est pas la seule disposition à prendre en compte s’agissant de l’approvisionnement énergétique des États membres. Si l’on accordait à la Commission une compétence plus étendue pour apprécier les décisions prises par les États membres en matière d’aides d’État selon d’autres principes que ceux énoncés à l’article 107 TFUE, cela limiterait clairement l’autonomie des États membres en la matière. La question est alors de savoir si les traités le permettent effectivement. Le domaine de l’« Énergie » fait l’objet du titre XXI du traité FUE. Selon l’article 4, paragraphe 2, sous i), TFUE, il s’agit d’un domaine de compétence partagée entre l’Union et les États membres. L’article 194, paragraphe 1, et l’article 194, paragraphe 2, premier alinéa, TFUE obligent le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne à arrêter les mesures nécessaires pour atteindre certains objectifs liés au secteur de l’énergie « [d]ans le cadre de l’établissement ou du fonctionnement du marché intérieur et en tenant compte de l’exigence de préserver et d’améliorer l’environnement ». Comme je l’ai déjà souligné, l’article 194, paragraphe 2, TFUE dispose également clairement que « [ces mesures] n’affectent pas le droit d’un État membre de déterminer [...] son choix entre différentes sources d’énergie » (55).

87.      Il en ressort que la marge de manœuvre des États membres, en ce qui concerne leur approvisionnement énergétique, doit être préservée et reconnue. Dans cette mesure, l’article 194, paragraphe 2, TFUE représente un rééquilibrage important du rôle des États membres par rapport à l’Union dans le domaine de la politique de l’énergie. Dès lors, pour ces seules raisons, il n’apparaît pas approprié de permettre à la Commission de prendre en compte les objectifs de l’Union au-delà de la protection du marché commun spécifiquement visée à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE dans le cadre de son examen d’une aide d’État dans le secteur énergétique (56).

88.      La jurisprudence de la Cour et du Tribunal, même dans des domaines qui ne relèvent pas du secteur de l’énergie, ne le lui impose pas ou ne l’autorise pas non plus à le faire.

89.      Les principes spécifiques invoqués par la République d’Autriche, qui, selon elle, auraient déjà dû être pris en compte lors de l’appréciation de la poursuite d’un objectif d’intérêt commun par la mesure d’aide, sont la protection de l’environnement ainsi que les principes de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité. Toutefois, ainsi que le Tribunal l’a relevé à juste titre au point 515 de l’arrêt attaqué, la Commission n’aurait dû tenir compte de ces principes que s’ils avaient été effectivement mis en œuvre par le Royaume‑Uni avec sa mesure d’aide (57). Dans le cas présent, ils auraient pu être examinés par la Commission pour déterminer si les mesures étaient appropriées pour atteindre cet objectif (58). En l’occurrence, l’objectif poursuivi était toutefois de faciliter la production d’énergie nucléaire, et la Commission, conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, était uniquement tenue d’évaluer si la mesure d’aide affectait les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun (59).

90.      La jurisprudence suivante ne modifie pas non plus cette conclusion : la Cour a jugé que, lorsque la Commission applique la procédure d’aide d’État, elle est tenue, conformément à l’économie générale du traité, de veiller à ce que les dispositions régissant les aides d’État soient appliquées de manière cohérente avec les dispositions spécifiques autres que celles relatives aux aides d’État et, partant, d’apprécier la compatibilité de l’aide en cause avec ces dispositions spécifiques, lorsque les modalités d’une aide peuvent être à ce point indissolublement liées à l’objet de l’aide qu’il ne serait pas possible de les apprécier isolément (60). En l’espèce, comme le relève la Commission, l’existence d’un tel lien inextricable n’a pas été soulevée par la République d’Autriche et ce lien n’existe pas non plus. Les principes soulevés par la République d’Autriche, à savoir la protection de l’environnement, le principe de précaution, le principe du pollueur-payeur et le principe de durabilité peuvent être évalués séparément et, si cela se révèle nécessaire, dans d’autres procédures (61). Il convient de noter que, selon le point 150 du mémoire en réponse de la Commission, la République d’Autriche n’a pas attaqué la nouvelle décision relative à la méthodologie de tarification des contrats de déchets nucléaires qui étaient également considérés comme des aides d’État et déclarés compatibles avec le marché intérieur conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE (62).

91.      Le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’il ne devait pas tenir compte d’autres objectifs des traités pour déterminer si les mesures d’aide poursuivent un objectif d’intérêt commun.

2.      Sur le second moyen, tiré de l’application incorrecte de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE parce que le secteur concerné de l’économie n’a pas été défini correctement et que l’exigence d’une défaillance du marché n’a pas été appliquée

a)      Synthèse des arguments de la République d’Autriche

92.      Aux points 105, 139, 140 et 144 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la promotion de l’énergie nucléaire constituait l’activité économique pertinente aux fins de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et que le développement de Hinkley Point C constitue une telle promotion de l’énergie nucléaire. Aux points 151 et 240 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que l’existence d’une défaillance du marché peut constituer un élément pertinent pour déclarer une aide d’État compatible avec le marché intérieur, mais que l’absence d’une telle défaillance ne signifie pas nécessairement que les conditions prévues à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ne sont pas remplies et que, même en l’absence d’une défaillance du marché, l’intervention du Royaume‑Uni était effectivement nécessaire pour parvenir au développement de Hinkley Point C.

93.      Par son deuxième moyen, la République d’Autriche fait valoir que le Tribunal a commis trois erreurs de droit : en premier lieu, il aurait méconnu que la décision litigieuse n’identifie pas, aux fins de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, l’activité économique en question. À cet égard, la République d’Autriche fait également valoir que le Tribunal n’a pas rempli ses obligations de motivation conformément à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, de manière suffisante, en fait et en droit, en ce qui concerne l’activité économique que poursuit l’aide en faveur de Hinkley Point C. En deuxième lieu, le Tribunal n’aurait pas identifié correctement l’activité économique pertinente, cette activité étant la production d’énergie et non la production d’énergie nucléaire. En troisième lieu, elle fait valoir que le Tribunal n’a pas reconnu que la défaillance du marché est une condition juridique préalable à toute constatation de nécessité en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

b)      Analyse

94.      En ce qui concerne l’absence d’identification de l’activité économique devant être poursuivie par l’aide, le Tribunal a non seulement rejeté l’argument tiré d’une insuffisance de motivation (63), mais l’ensemble de la décision litigieuse part du principe que ce qui est en cause, c’est la production d’électricité par l’utilisation de l’énergie nucléaire, et la décision regorge de références de ce genre. De nombreux exemples pourraient être cités à cet effet, mais il suffit probablement de rappeler le considérant 358 de la décision litigieuse qui énonce : « La Commission conclut donc que le [contrat d’écart compensatoire] de [Hinkley Point C] fixe les conditions d’exercice de l’activité de production d’électricité par le biais de technologies nucléaires [...] »

95.      Selon moi, le Tribunal n’a donc commis aucune erreur de droit en déclarant au point 139 de l’arrêt attaqué que « l’argument de la République d’Autriche tiré de ce que la Commission n’a pas précisé quelle activité économique au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE était censée être promue par les mesures en cause doit être rejeté ». Dans ce point, le Tribunal s’est fondé sur le considérant 392 de la décision litigieuse, qui constitue un autre exemple de cas dans lequel l’activité économique a été clairement identifiée. Dans la mesure où la République d’Autriche soulève cet argument en vue d’un réexamen de la décision de la Commission, cela n’est évidemment pas recevable (64).

96.      L’arrêt du Tribunal n’était pas non plus entaché d’une insuffisance de motivation. À titre liminaire, il convient de relever que le recours par la requérante à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE est erroné. Selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation, qui incombe au Tribunal conformément à l’article 53 lu en combinaison avec l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 117, sous m), du règlement de procédure du Tribunal, n’impose pas à ce dernier de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation du Tribunal peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (65).

97.      Aux points 155 et 156 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé les raisons pour lesquelles la Commission a fondé son appréciation et qui démontrent la spécificité de la production de l’énergie nucléaire en tant qu’activité économique. Le Tribunal a donc manifestement répondu au critère exposé précédemment.

98.      Par son second point, la République d’Autriche soutient que le Tribunal aurait dû vérifier que l’activité économique pertinente était la production d’électricité et non la production d’énergie nucléaire. Selon elle, aux fins de l’application des règles en matière d’aides d’État, c’est le produit final – à savoir l’électricité – qui importe.

99.      Je ne peux souscrire à cette affirmation. L’ensemble de l’exercice impliqué dans l’application des règles relatives aux aides d’État consiste à définir l’activité économique pertinente en vue d’apprécier si l’aide en cause est nécessaire pour contribuer au développement économique. Il y a donc lieu de se demander si l’aide d’État contribuera au développement de l’énergie nucléaire, de manière distincte par rapport à la production d’électricité en général. La Commission disposait de nombreux éléments de preuve – comme l’a constaté le Tribunal (66) – selon lesquels le marché n’était pas disposé à financer le projet de Hinkley Point C – ou était même incapable de le financer – en l’absence des garanties et des autres formes d’aides fournies par le Royaume‑Uni. Il est sans pertinence pour la présente affaire qu’il ne puisse y avoir une défaillance de marché en ce qui concerne d’autres formes de production d’électricité. Encore faut-il rappeler, là encore, le droit pour chaque État membre de choisir son propre bouquet énergétique en vertu de l’article 194, paragraphe 2, TFUE.

100. Dans la mesure où la République d’Autriche invoque les points 54 et suivants de l’ordonnance du Tribunal dans l’affaire Greenpeace Energy e.a./Commission (67), il convient de relever que, dans cette affaire, le Tribunal s’est penché sur le droit des parties de former un recours au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, qui doit être examiné conformément aux critères énoncés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Plaumann/Commission (68). À cette fin, le Tribunal s’est penché sur la question de savoir s’il existait une situation de marché concurrentiel entre les bénéficiaires de l’aide et les requérants. Cette appréciation vise à déterminer si les requérantes ont été affectées par l’aide. Il s’agit toutefois d’une question légèrement différente de celle de la détermination de ce qui constitue une « activité économique » aux fins de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. On détermine l’activité économique afin d’établir le point de référence d’un critère de proportionnalité, dans lequel on vérifie la nécessité de l’aide à la facilitation de l’activité économique et, si l’aide se révèle nécessaire, si elle a un effet incitatif à cette fin. En revanche, la situation concurrentielle sur le marché ne devient pertinente qu’au regard du critère supplémentaire, prévu à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, de l’altération par l’aide des conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun (69). À cette fin, le Tribunal s’est effectivement fondé sur l’ensemble du marché de l’électricité plutôt que sur la simple « activité économique » constituée par la production d’électricité au moyen de l’énergie nucléaire (70).

101. Pour ces raisons, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a considéré que la production d’énergie nucléaire était l’activité économique pertinente aux fins du critère positif prévu à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, c’est-à-dire si l’aide facilite le développement de certaines activités économiques.

102. Le troisième argument figurant sous cette rubrique est que le Tribunal aurait dû considérer la défaillance de marché comme un critère pertinent pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal dans son arrêt, la République d’Autriche fait valoir que la Commission aurait identifié une défaillance du marché, alors que, selon cette première partie, cette constatation serait erronée en raison d’une définition incorrecte du marché.

103. Une fois encore, je ne saurais souscrire à cet argument. Tout d’abord, la Commission a constaté une défaillance du marché parce qu’elle s’est fondée sur la prémisse que les marchés de capitaux ordinaires ne financeront pas la construction de nouvelles centrales nucléaires compte tenu des délais extrêmement longs en jeu et la perception du risque politique associé à un tel projet (71).

104. Il convient de rappeler ensuite que le Tribunal a, jusqu’à présent et à juste titre selon moi, rejeté la suggestion selon laquelle l’identification d’une défaillance de marché est un élément essentiel de l’évaluation effectuée en vertu de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE (72). Je ne voudrais pas qu’il y ait ici de malentendu sur ce point : il est exact que l’existence d’une défaillance du marché peut souvent constituer la preuve la plus convaincante de la nécessité d’une aide au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Toutefois, cette analyse ne requiert pas l’existence d’une défaillance du marché en tant que telle (73), mais de savoir si l’aide d’État en cause faciliterait certaines activités économiques (74).

3.      Sur le troisième moyen, tiré du caractère erroné du contrôle par le Tribunal de l’application du critère de proportionnalité

a)      Synthèse des arguments de la République d’Autriche

105. Aux points 405 et 413 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a apprécié les effets de la mesure d’aide, à savoir que Hinkley Point C peut être construite, ainsi que les implications de celle‑ci sur l’approvisionnement en électricité de base du Royaume‑Uni. Il a également constaté que la capacité nécessaire ne pouvait pas, de manière réaliste, être fournie par l’énergie éolienne. Au point 507 dudit arrêt, il a constaté que le Royaume‑Uni était en droit de maintenir l’énergie nucléaire dans son bouquet énergétique. Au point 506, le Tribunal n’a pas trouvé de raison de remettre en cause la constatation de la Commission selon laquelle les risques de distorsion de concurrence étaient limités. Aux points 470 et 499 de l’arrêt attaqué, il a précisé que les mesures d’aide ne comportent pas de discrimination excessive par rapport aux autres technologies. Enfin, aux points 515 et suivants, le Tribunal a considéré que la Commission n’était pas tenue de prendre en compte les principes mentionnés au point 82 des présentes conclusions. Ces constatations sont contestées par la République d’Autriche.

106. En outre, la République d’Autriche soutient que le Tribunal a commis une erreur d’appréciation de la proportionnalité de la mesure. Plus particulièrement, elle fait valoir, en premier lieu, que le Tribunal aurait dû apprécier la proportionnalité de cette mesure au regard de l’ensemble du marché de l’électricité. En deuxième lieu, le Tribunal aurait dû reconnaître qu’il s’agissait, en substance, d’une affaire pilote concernant la proportionnalité de nouveaux projets nucléaires en général. C’est donc à la lumière de cette considération qu’une éventuelle distorsion de concurrence aurait dû être appréciée. En troisième lieu, l’arrêt du Tribunal aura pour conséquence de procurer aux producteurs d’énergie nucléaire un avantage continu au détriment des autres producteurs d’énergie. En quatrième lieu, le Tribunal n’aurait pas mis en balance les inconvénients de l’énergie nucléaire (y compris les coûts à long terme liés à l’élimination des déchets) et ses éventuels bénéfices.

b)      Analyse

107. Ce moyen vise le critère de proportionnalité qui est le critère négatif prévu à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, selon lequel une mesure d’aide doit non seulement être nécessaire pour faciliter le développement d’une activité économique, mais également ne pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

108. S’agissant de l’argument de proportionnalité relatif à l’ensemble du marché de l’électricité, il apparaît, en réalité, comme une variante de la deuxième branche du deuxième moyen, à savoir que le marché pertinent est le marché plus large de l’électricité, distinct du marché de la production d’énergie nucléaire. Dans ce contexte, il est toutefois sans importance que l’électricité ait pu être produite par d’autres moyens.

109. On revient ici au point fondamental selon lequel, en vertu de l’article 194, paragraphe 2, TFUE, le Royaume‑Uni avait le droit de choisir ses différentes sources d’énergie et qu’il a choisi de disposer de l’énergie nucléaire dans le cadre de ce bouquet énergétique. La Commission avait donc l’obligation, en vertu de l’article 194, paragraphe 2, TFUE, de tenir compte de la proportionnalité de la mesure en cause visant à mettre en œuvre ce choix politique, à savoir la production d’énergie nucléaire à Hinkley Point C. Il ne saurait dès lors être considéré que l’appréciation de la proportionnalité par la Commission était nécessairement restrictive ou que le Tribunal a commis une erreur de droit à cet égard.

110. En ce qui concerne l’argument de l’affaire pilote, la République d’Autriche invoque le chapitre 6 de la communication de la Commission relative à la notion d’« aide d’État » visée à l’article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (75). J’avoue que j’ai trouvé cette référence quelque peu déroutante puisque rien dans le chapitre 6 de ladite communication (ou dans une autre disposition d’ailleurs) ne porte sur la notion d’« affaires pilotes ». Cette communication de la Commission ne traite que de la question de savoir si une mesure constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Selon son point 2, « [e]lle n’aborde pas la question de la compatibilité des aides d’État avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphes 2 et 3, et de l’article 106, paragraphe 2, du traité, dont l’appréciation incombe à la Commission ». Par conséquent, ladite communication de la Commission est sans pertinence pour évaluer la proportionnalité de la mesure dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Pour cette raison, il ne peut pas être soutenu que cette communication fournit des orientations par rapport aux principes applicables à une telle évaluation.

111. Je ne suis pas non plus convaincu par la référence de la République d’Autriche à l’arrêt Eventech (76). Cette affaire concernait la question de savoir si une décision réglementaire autorisant certains véhicules de transport public de passagers à utiliser les voies réservées aux bus dans les rues de Londres tout en excluant d’autres véhicules pouvait constituer une forme d’aide d’État. Dans son arrêt, la Cour a observé qu’à cet effet, « aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide en cause sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si cette aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence » (77).

112. Je ne peux m’empêcher de penser que l’on accorde trop d’importance à cette décision, certes très importante, qui traite de l’impact potentiel de l’aide d’État en cause. Plus précisément, rien dans cet arrêt ne permet de considérer que l’appréciation de la compatibilité d’une aide d’État avec le marché intérieur au titre de l’article 107 TFUE devrait s’effectuer autrement qu’en référence à l’aide individuelle visée par la mesure litigieuse. Tout cela signifie que rien dans l’arrêt Eventech (78) ne permet d’étayer l’argument plus large selon lequel la Commission devrait tenir compte de la question de savoir si l’octroi d’une ou de plusieurs aides de ce type est susceptible de fausser la concurrence en général.

113. Je ne peux pas non plus accepter l’argument selon lequel cette décision aura pour effet de favoriser les exploitants de centrales nucléaires au détriment d’autres formes de production d’électricité (79). Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 107 TFUE, chaque notification pour l’octroi ou la modification d’aides d’État doit être appréciée au cas par cas.

114. En tout état de cause, il est parfaitement évident que les barrières à l’entrée sur le marché de l’énergie nucléaire sont assez différentes de celles applicables aux autres formes de production d’électricité : ces barrières spécifiques incluent le risque politique lié à l’opposition à l’énergie nucléaire, les coûts énormes en capital associés à la construction de ces centrales et les coûts spécifiques associés au stockage sécurisé du combustible nucléaire irradié. Comme je l’ai déjà relevé, la mesure d’aide litigieuse vise en l’espèce à surmonter ces difficultés particulières en disposant, par exemple, d’un régime spécifique destiné à faire face aux risques politiques particuliers liés au projet. Puisque ces dispositions visent précisément à répondre à ces risques particuliers, l’affirmation selon laquelle la décision litigieuse implique en quelque sorte une forme de discrimination à l’encontre d’autres formes de production d’électricité est à la fois artificielle et irréaliste.

115. En outre, la République d’Autriche soutient que c’est à tort que le Tribunal a jugé qu’il n’était pas nécessaire de tenir compte de la mesure dans laquelle les mesures en cause portaient atteinte à des principes environnementaux clés, tels que le principe de précaution, le principe du pollueur-payeur et le principe de durabilité (80). Indépendamment du fait que la République d’Autriche n’a pas dépassé le stade des affirmations en ce qui concerne les dommages environnementaux présumés, il convient également d’observer que l’article 107 TFUE se trouve dans le titre VII, qui prévoit des règles communes sur la concurrence, la fiscalité et le rapprochement des législations. La tâche de la Commission est donc, comme l’indique clairement l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE, simplement d’évaluer si la mesure étatique en question « [p]eu[t] être considéré[e] comme compatibl[e] avec le marché intérieur ».

116. Le marché intérieur est lui‑même défini à l’article 26, paragraphe 2, TFUE comme un espace « sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités ». S’il est vrai que, comme l’a relevé le Tribunal dans l’arrêt Castelnou Energía/Commission (81), les politiques environnementales doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques de l’Union, il n’en demeure pas moins que, comme la Cour l’a également relevé dans cette affaire, « [l]a protection de l’environnement ne constitue pas, à proprement dit, [...] une des composantes de ce marché intérieur ».

117. Force est donc de constater que la mission envisagée pour la Commission à l’article 107 TFUE est plus limitée que celle préconisée par la République d’Autriche. Cette mission consiste essentiellement à apprécier la compatibilité des aides en cause avec les règles de concurrence et le marché intérieur. Dans ce cadre, la Commission n’est toutefois pas chargée d’apprécier, au-delà des exigences spécifiques du marché intérieur et des règles de concurrence, si la mesure d’aide spécifique est conforme au droit de l’Union en général.

118. Cela est peut-être particulièrement vrai dans le contexte de questions telles que le respect des règles environnementales, puisqu’il s’agit d’une tâche qui, à tout le moins dans une première instance, est assignée aux autorités compétentes dans chacun des États membres, à qui il appartient de décider si le projet en cause doit bénéficier de l’autorisation appropriée du point de vue de la planification et de l’environnement. À cet égard, je partage la constatation du Tribunal lorsqu’il a affirmé, dans l’arrêt BUPA e.a./Commission (82), que la Commission « ne doit effectuer une appréciation au regard des dispositions pertinentes ne relevant pas, à strictement parler, du droit des aides que lorsque certaines modalités de l’aide en cause sont si étroitement liées à son objet que leur éventuel défaut de conformité auxdites dispositions affecterait nécessairement la compatibilité de cette aide avec le marché commun ».

119. Dès lors, il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur en estimant que la Commission n’était pas tenue d’examiner l’impact potentiel de Hinkley Point C sur l’environnement dans le cadre de son examen de la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur aux fins de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré de la question de savoir si l’aide constitue une aide au fonctionnement et si une telle aide n’est pas autorisée

a)      Synthèse des arguments de la République d’Autriche

120. Aux points 612 et 613 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, dans une affaire où l’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement (83) était applicable, il était nécessaire de qualifier les aides en cause afin de déterminer s’il s’agissait d’une aide à l’investissement ou d’une aide au fonctionnement. Il a toutefois estimé que cela n’était pas nécessaire en l’espèce.

121. La République d’Autriche conteste ces constatations et fait valoir qu’une partie des mesures d’aide constitue une aide au fonctionnement qui n’est pas destinée à encourager les investissements dans l’entreprise, mais constitue plutôt une forme d’aide destinée en substance à subventionner le fonctionnement de cette installation. Elle fait valoir, en outre, que les aides au fonctionnement sont, dans des cas exceptionnels tout au plus, compatibles avec le marché commun. La République d’Autriche souligne que, sur un marché opérationnel de produits qui fournit la marchandise « électricité » dans les quantités nécessaires, une aide au fonctionnement est illicite parce qu’elle fausse la concurrence dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

122. Le Tribunal a néanmoins convenu avec la Commission que les aides en cause devaient être considérées comme des aides à l’investissement, dès lors qu’elles permettaient à NNBG de s’engager à investir dans la construction de Hinkley Point C. Plus précisément, il a conclu que, du point de vue de la modélisation financière, la valeur actuelle nette des paiements de « prix d’exercice » pouvait être considérée comme l’équivalent d’une somme forfaitaire qui permettrait à NNBG de couvrir les coûts de construction.

b)      Analyse

123. Les arguments de la République d’Autriche ont été rejetés par le Tribunal, qui a observé au point 583 de l’arrêt attaqué :

« [...] rien ne s’oppose à ce qu’une mesure d’aide qui poursuit un objectif d’intérêt public, qui est appropriée et nécessaire pour atteindre cet objectif, qui n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun et qui satisfait donc aux exigences de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, soit déclarée compatible avec le marché intérieur en application de cette disposition, indépendamment de la question de savoir si elle doit être qualifiée d’aide à l’investissement ou d’aide au fonctionnement. Au demeurant, il convient de rappeler que même une aide au fonctionnement peut être déclarée comme compatible avec le marché intérieur lorsque ces conditions sont réunies (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2016, Magic Mountain Kletterhallen e.a./Commission, T‑162/13, non publié, EU:T:2016:341, points 116 et 117). »

124. Outre que cette affirmation n’a pas été contestée par la République d’Autriche, ce qui pourrait rendre le moyen inopérant, le quatrième moyen n’est pas non plus fondé. La Commission avait également constaté que les mesures poursuivaient un objectif d’intérêt public, à savoir la création de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire qui ne pouvaient pas être réalisées dans un délai raisonnable sans l’intervention de l’État. Dans ces conditions, le Tribunal a constaté que ces mesures « ne sauraient être considérées comme des aides se limitant à maintenir un statu quo » et que, au contraire, « selon les constatations de la Commission, en leur absence, aucun investissement dans de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire ne serait effectué en temps utile » (84). Le Tribunal a également jugé – à juste titre selon moi – que les contrats d’écart compensatoire étaient, en substance, un mécanisme de stabilisation des prix qui « vise à garantir des revenus stables sur une période suffisamment longue afin d’inciter l’entreprise concernée à investir les fonds nécessaires à la construction de telles nouvelles capacités ». Il n’était d’ailleurs pas comparable à la forme traditionnelle d’aide qui fonctionnait comme une subvention non remboursable. Au contraire, ce mécanisme aurait plutôt cherché à encourager les investissements en garantissant un prix fiable et stable (85).

125. On pourrait ajouter que le contrat d’écart compensatoire est par nature proportionné en ce qu’il prévoit ce qui pourrait être qualifié de mécanisme de « récupération » (clawback) en ce qu’il permet la « récupération » de fonds dans l’hypothèse où le prix de référence serait supérieur au prix d’exercice. Tout cela renforce le fait que le contrat d’écart compensatoire doit être conçu pour garantir aux investisseurs un prix de revenus stable. Ce prix est fixé à un niveau qui garantit aux investisseurs une plus grande confiance dans le fait d’obtenir un rendement cible de leur investissement au fil du temps. Si le prix d’exercice vise à permettre une marge équitable au profit de ces investisseurs, le mécanisme de récupération garantit également que ces derniers ne bénéficient d’aucune prime exceptionnelle dans l’hypothèse où le prix de référence serait supérieur au prix d’exercice.

126. Le Tribunal a également jugé, toujours à bon droit selon moi, que, en l’espèce, la Commission était en droit de prendre en considération le fait que le prix d’exercice prenait en compte non seulement les coûts de construction relatifs à Hinkley Point C, mais également les coûts d’exploitation. Le Tribunal a estimé, de nouveau à juste titre selon moi, que ces coûts influent sur « la rentabilité du projet et ont donc un impact sur le montant que le prix d’exercice doit atteindre pour déclencher la décision d’investissement dans de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire » (86).

127. Comme je viens de l’indiquer, je ne peux, pour ma part, que partager cette analyse. Au risque de me répéter, la question essentielle de la compatibilité de toute aide avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE est, fondamentalement, de savoir si cette aide conduit au développement de certaines activités économiques qui, autrement, n’interviendraient pas. Il ne me semble pas qu’il y ait une distinction ex ante entre, d’une part, les aides à l’investissement et, d’autre part, les aides au fonctionnement. Non seulement une telle distinction ne serait pas justifiée par l’examen du texte même de l’article 107 TFUE lui‑même, mais, en tout état de cause, elle serait simpliste et se prêterait simplement à un contournement par l’utilisation de techniques comptables artificielles.

128. On peut naturellement admettre que le caractère d’aide au fonctionnement d’une mesure litigieuse peut, le cas échéant, être un indice du fait que l’aide vise simplement à renforcer le statu quo. Comme le Tribunal l’a lui‑même relevé, une aide de ce type n’est évidemment pas susceptible de « satisfaire aux exigences de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE » parce qu’elle n’est pas de nature « à faciliter le développement au sens de ladite disposition » (87).

129. Or, la situation de l’espèce est tout à fait différente et, il serait encore plus exact de dire, à certains égards, exceptionnelle. Il est vrai que, ainsi que l’a relevé la République d’Autriche, certains éléments du prix d’exercice ne se limitent pas aux seuls coûts de construction purs en tant que tels, mais incluent également des coûts spécifiques liés à la production d’énergie nucléaire, y compris le coût de la gestion du combustible usagé. Ces coûts n’en constituent pas moins des coûts d’investissement que NNBG doit nécessairement supporter pour que l’installation soit opérationnelle.

130. La situation n’est pas non plus modifiée par le fait que le mécanisme du prix d’exercice prévoit la réouverture des calculs en cause après des périodes de respectivement 15 et 25 ans. Il y a lieu de rappeler que – comme l’a relevé le Tribunal – les coûts d’exploitation à partir desquels le prix d’exercice a été initialement calculé devaient être estimés ex ante et que, par définition, la durée de vie opérationnelle de Hinkley Point C sera très longue, peut-être jusqu’à 60 ans (88). Le mécanisme de réouverture vise donc à atténuer les risques inhérents à un contrat à long terme pour les deux parties en cas de différence significative (dans les deux sens) entre le prix d’exercice et le prix de référence. Tout cela ne change rien au fait que ce mécanisme de prix est intrinsèquement lié à la décision d’investissement en ce qui concerne Hinkley Point C elle‑même.

131. Par ailleurs, rien dans la jurisprudence de la Cour, que ce soit dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Italie/Commission (89) ou, à cet égard, dans celle ayant donné lieu à l’arrêt Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission (90) n’étaye la thèse de la République d’Autriche. La première affaire concernait des aides en faveur de certains producteurs, destinées à faciliter la fortification du degré d’alcool de certains vins. La Cour a simplement confirmé la décision de la Commission, qui avait considéré qu’il n’existait pas d’objectif d’intérêt public à soutenir l’octroi d’une aide au sens de l’article 107, paragraphe 3, TFUE.

132. Il en va de même pour l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission (91), dans laquelle l’aide en cause visait à encourager la formation des salariés dans un nouveau centre de distribution du courrier à l’aéroport de Leipzig-Halle. Dans cette affaire, la Commission avait constaté que cette formation aurait lieu en tout état de cause, de sorte que l’aide n’était en aucun cas indispensable pour soutenir le secteur économique concerné. Il n’est guère surprenant que cette décision ait été finalement confirmée par la Cour.

133. Le Tribunal a donc conclu dans l’arrêt attaqué que la décision de la Commission d’approuver l’aide en question, au motif que celle‑ci soutenait des investissements dans un projet nucléaire qui n’auraient éventuellement pas été réalisés, relevait de son pouvoir d’appréciation aux fins de l’article 107, paragraphe 3, TFUE. Il est parvenu à cette conclusion même si certains éléments de l’aide concernaient les coûts de fonctionnement, quoique la Commission ait considéré le caractère certain des prix par rapport à ces coûts d’exploitation comme un élément clé des incitations à l’investissement dans le projet. Pour ma part, j’estime qu’il suffit de constater que le raisonnement du Tribunal relatif à ce moyen ne révèle aucune erreur de droit.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré de la détermination insuffisante des éléments d’aide et de la violation de la communication sur les garanties

a)      Synthèse des arguments de la République d’Autriche

134. Aux points 251 et suivants de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté qu’il ne saurait être déduit des considérants 23 et 25 ainsi que des articles 7 et 8 du règlement (UE) no 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 [TFUE] (JO 2014, L 187, p. 1) que seules les mesures d’aide dont l’équivalent-subvention a été quantifié peuvent être déclarées compatibles avec le marché intérieur. Il ne saurait non plus être déduit d’autres actes de droit dérivé que les mesures d’aide doivent quantifier avec précision l’équivalent-subvention qui en découle. Le Tribunal a également estimé, au point 309 de cet arrêt, que, indépendamment de la question de l’application de la communication sur les garanties, les arguments de la République d’Autriche quant à la durée de la garantie ne sauraient prospérer. Il a considéré au point 338 de cet arrêt que les éléments fournis ne démontraient pas qu’EDF connaissait des difficultés financières.

135. Sous ce titre, la République d’Autriche invoque deux points. Dans le premier, elle fait valoir que les éléments d’aide n’ont « pas été suffisamment déterminés » dans la décision litigieuse. Dans ce contexte, la République d’Autriche fait valoir que ce manquement constitue une violation des lignes directrices et des réglementations de la Commission relatives aux règles en matière d’aides d’État qui auraient dû être appliquées en l’espèce selon les principes d’égalité de traitement et de non‑discrimination. La République d’Autriche fait valoir que la détermination insuffisante des éléments d’aide rend en tout état de cause impossible l’évaluation correcte de la proportionnalité et que, en cas de fermeture, les aides entraîneront invariablement une surcompensation dès qu’elles dépassent un montant payable en cas d’expropriation.

136. Dans ce contexte, elle invoque un autre argument général relatif à l’applicabilité de l’article 1er, sous c), du règlement no 2015/1589, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 794/2004. La République d’Autriche fait valoir que l’application de ces dispositions supposerait que le budget initial de l’aide puisse être déterminé, car une notification au titre de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 794/2004 dépendrait de la majoration de plus de 20 % du budget initial, calcul qui ne sera pas possible si le budget initial est indéterminé.

137. Dans un second point, la République d’Autriche considère que la Commission aurait dû appliquer la communication sur les garanties. Selon la République d’Autriche, cette omission ne serait pas licite, car la Commission serait liée par ses propres directives et communications et elle aurait dû procéder à toutes les déterminations au titre de ladite communication. La République d’Autriche rappelle ce qu’elle considère comme l’insuffisance de la détermination de la durée de la garantie, affirmant, dans ce contexte, que le Tribunal aurait violé le point 4.2 de la communication relative aux garanties en ne calculant pas l’« équivalent-subvention en espèces » des garanties.

138. Selon le point 3.2, sous a), et le point 4.1, sous a), de ladite communication, la Commission aurait dû en outre vérifier, de sa propre initiative, si l’emprunteur était en difficulté financière. Cela est important dans la mesure où les aides d’État à des entreprises en difficulté sont généralement illicites. Selon la République d’Autriche, le fait que le Tribunal n’ait pas reconnu cette erreur constituerait une autre erreur de droit.

b)      Analyse

139. S’agissant de l’argument de la République d’Autriche selon lequel les éléments d’aide n’ont pas été correctement déterminés et que cela constitue une violation d’une série de lignes directrices et de réglementations de la Commission relatives aux règles en matière d’aides d’État, qui auraient dû être appliquées en l’espèce conformément aux principes d’égalité de traitement et de non‑discrimination, le Tribunal a rappelé les conditions d’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE aux points 248 et 249 de l’arrêt attaqué. Étant donné que la Commission a pu évaluer l’aide en fonction de ces exigences sans déterminer d’autres éléments d’aide, la Commission n’a commis aucune erreur, pas plus que le Tribunal en acceptant cela (92). Ainsi qu’il ressort des analyses détaillées du Tribunal aux points 251 à 255 de l’arrêt attaqué, il existe des raisons spécifiques aux lignes directrices et réglementations mentionnées pour lesquelles les montants d’aide doivent être quantifiés. Dans de nombreux cas, cela est dû à une approche standardisée qui n’est ni appropriée ni nécessaire en cas d’application directe de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

140. Dans la mesure où la République d’Autriche fait valoir que, en raison de l’absence de détermination des éléments d’aide, le critère de proportionnalité n’a pas pu être correctement appliqué, la République d’Autriche tente essentiellement de réintroduire les arguments qu’elle a déjà soulevés dans le cadre de la quatrième branche de son troisième moyen. Comme je l’ai déjà relevé, le critère de proportionnalité au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE vise uniquement à déterminer si l’aide altère les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. Or, la République d’Autriche ne fait même pas valoir que des éléments d’aide qu’elle estime indéterminés, tels que le coût de l’élimination des déchets et du stockage final, ou les termes exacts de l’accord du secrétaire d’État, auraient un tel effet. Pour cette raison, l’argument de la République d’Autriche à cet égard ne saurait prospérer.

141. S’agissant de l’argument de la République d’Autriche concernant d’éventuels problèmes d’application de l’article 1er, sous c), du règlement no 2015/1589 combiné à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 794/2004, on ne voit pas clairement quelle est la partie de l’arrêt attaqué qui est contestée (93). Indépendamment de cette faille, il n’étaye en rien l’argument de la République d’Autriche. Cette dernière fait valoir qu’elle ne comprend pas comment il est possible de concilier les mesures d’aide en cause dans la présente affaire avec les dispositions susmentionnées. En fait, elles n’ont pas à l’être. L’article 4 du règlement no 794/2004 ne traite que des exceptions à la procédure de notification et des simplifications de cette procédure. Si ces exigences, par exemple celle que l’augmentation du budget d’un régime d’aide autorisé ne dépasse pas 20 %, ne peuvent être démontrées, la mesure sera simplement considérée comme une « nouvelle aide » et devra être notifiée au moyen du formulaire de notification standard plutôt qu’avec un formulaire de notification simplifié, conformément à l’article 2 et à l’annexe I du règlement no 2015/1589 (94). Contrairement à ce que soutient la République d’Autriche, même si la non‑détermination du budget initial peut empêcher le Royaume‑Uni de notifier une augmentation sous une forme simplifiée, elle n’exonère le Royaume‑Uni et ne l’empêche certainement pas de notifier une « augmentation du budget » en tant que « nouvelle aide ».

142. Le fait que toute modification ultérieure des mesures doit faire l’objet d’une notification résulte également du point 266 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal a souligné que la décision d’autorisation de la Commission ne couvre que le projet qui lui a été notifié. Cette conclusion n’a pas été attaquée par la République d’Autriche. En conséquence, les arguments de la République d’Autriche ne sauraient prospérer.

143. Pour l’ensemble de ces raisons, il y a lieu de rejeter la première branche du cinquième moyen de la République d’Autriche.

144. En ce qui concerne la communication relative aux garanties, il convient d’observer, ainsi que l’a relevé à juste titre la République française, que cette communication porte sur la question de savoir si une garantie constitue une aide d’État, et non sur l’appréciation de sa compatibilité avec le marché commun. Cela ressort clairement du point 5 de ladite communication. Cela signifie que son application est sans incidence sur la compatibilité de la garantie de crédit avec l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Selon le point 3.2, sous d), de la communication relative aux garanties, le fait que « [l]a garantie donne lieu au paiement d’une prime conforme au prix du marché » constitue l’un des quatre critères cumulatifs qui doivent être remplis pour exclure l’existence d’une aide d’État, dans le cas d’une garantie étatique individuelle. À cet égard, elle observe qu’aucune des parties n’a contesté que la garantie de crédit équivalait à une aide d’État, précisément parce que le prix payé par NNBG au titre de cette garantie ne pouvait être considéré comme un prix de marché. Il ne pouvait en être ainsi pour la simple raison qu’aucune facilité de ce type n’était disponible sur les marchés de capitaux concernés (95). Ainsi, la garantie de crédit ne répondait incontestablement pas aux critères d’exclusion en tant qu’aides d’État conformément à la communication sur les garanties. Pour la même raison, le Tribunal n’a pas eu à approfondir la question de savoir si « l’emprunteur n’[était] pas en difficulté financière ». Il s’agit là d’un autre des quatre critères établis à cet effet (96).

145. L’argument de la République d’Autriche selon lequel, en tout état de cause, il conviendrait, en vertu du point 4.2 de la communication sur les garanties, de calculer un équivalent-subvention de la garantie n’est pas correct non plus. Étant donné que la garantie de crédit, conjointement avec les autres mesures d’aide, a, incontestablement, été qualifiée d’aide d’État, il n’y avait pas lieu d’approfondir.

146. Pour ces raisons, l’argument de la République d’Autriche tiré de la communication sur les garanties est, en tout état de cause, inopérant, et le cinquième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

147. Or, la Commission s’était inquiétée du fait que la redevance initialement suggérée par le Royaume‑Uni pour la garantie de crédit avait sous-évalué le risque pertinent. Le Royaume‑Uni avait par conséquent ajusté le taux de la commission de garantie à 295 points de base (reflétant, approximativement, un risque de crédit BB) et la Commission a conclu que le taux de commission ajusté était une approximation d’un taux de marché hypothétique pour une facilité qui n’était pas, en fait, offerte par le marché (97). Cette modification de la structure tarifaire ajustée a également répondu aux préoccupations exprimées par la Commission concernant l’échéance exceptionnellement longue des obligations qui devaient être émises (98).

148. La question se réduit donc à celle‑ci : peut-on dire qu’il existe une réelle incertitude en ce qui concerne tant la durée de la garantie que le montant du prêt ou la manière dont le taux de commission a été calculé ? Pour ma part, je ne peux que souscrire à l’approche du Tribunal, qui a rejeté ces allégations (99).

149. Il est peut-être suffisant de dire à ce stade que la Commission était saisie d’éléments permettant de conclure à bon droit que la garantie n’était pas illimitée dans le temps, mais concernait plutôt le paiement en temps utiles du principal et des intérêts, les obligations ayant une durée de vie moyenne pondérée de 27,4 ans (100). On peut également dire que la Commission était saisie d’une base motivée pour justifier sa conclusion selon laquelle le taux de redevance ajusté au titre de la garantie de crédit devrait être de 295 points de base, reflétant ainsi à la fois une notation BB et la date d’échéance exceptionnellement longue des obligations en cause (101).

150. Dans ces conditions, je suis tenu de relever que les arguments de la République d’Autriche quant aux prétendues incertitudes sur l’étendue de l’aide ne sont tout simplement pas fondés.

VI.    Synthèse

151. En résumé, mes principales conclusions sont donc les suivantes :

1)      L’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom précise que, s’agissant du droit primaire de l’Union, le traité Euratom a le même rang que les traités UE et FUE.

2)      L’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom prévoit en outre que ni le traité UE ni le traité FUE ne peuvent être appliqués dans le domaine du traité Euratom, dans la mesure où ces dispositions dérogent aux dispositions du traité Euratom lui‑même. Si, partant, une question déterminée a fait l’objet d’un traitement exhaustif ou particulier par le traité Euratom, il n’y aura aucune place pour l’application du traité UE ou du traité FUE. En revanche, les traités UE et FUE s’appliquent à tous les domaines du droit de l’Union qui n’ont pas été traités par le traité Euratom.

3)      Le traité Euratom ne comporte aucun élément relatif aux aides d’État. Compte tenu, d’une part, du fait que le traité Euratom n’est qu’un traité spécifique visant un secteur particulier et que, d’autre part, les traités UE et FUE poursuivent des objectifs plus ambitieux (notamment le fonctionnement du marché intérieur), il paraît approprié que les règles du traité FUE en matière de concurrence et d’aides d’État s’appliquent au secteur de l’énergie nucléaire, lorsque le traité Euratom ne comporte aucune règle spécifique. C’est pour ces raisons que l’article 107 TFUE s’applique à la mesure d’aide d’État en cause.

4)      Les dispositions de l’article 1er et de l’article 2, sous c), du traité Euratom envisagent nécessairement le développement de centrales nucléaires. Les États membres entendaient clairement que le traité Euratom soit un document vivant, capable d’une évolution organique et de s’adapter aux circonstances contemporaines. Il s’ensuit que l’argument de la République d’Autriche selon lequel ces dispositions du traité Euratom ne couvriraient ni la construction d’autres centrales nucléaires ni le remplacement et la modernisation des centrales vieillissantes par des technologies plus modernes déjà développées ne saurait être retenu.

5)      S’il est vrai que le bien‑fondé de l’énergie nucléaire est vivement débattu dans de nombreux États membres, la Cour ne dispose ni de la compétence ni de la légitimité démocratique pour se prononcer sur de telles questions. Toutefois, étant donné qu’il est évident que le développement de l’énergie nucléaire est, comme cela résulte du traité Euratom, un objectif clairement défini du droit de l’Union, cet objectif ne saurait être subordonné à d’autres objectifs (à première vue potentiellement contradictoires) du droit de l’Union, tels que la protection de l’environnement figurant au titre XX TFUE. En outre, les termes clairs de l’article 194, paragraphe 2, TFUE reconnaissent manifestement le droit de chaque État membre de choisir entre différentes sources d’énergie et « la structure générale de son approvisionnement énergétique », et ce droit s’étend nécessairement au droit de chaque État membre de développer l’énergie nucléaire dans le cadre de ses sources d’approvisionnement énergétique.

6)      Contrairement à la position adoptée par le Tribunal dans une série d’arrêts rendus depuis l’arrêt Mediaset/Commission (102), et selon laquelle toute aide d’État approuvée au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE doit servir un « intérêt commun », cette exigence n’est pas précisée dans le texte même de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, même si l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (« projet important d’intérêt européen commun ») le précise.

7)      Il s’ensuit, dès lors, que rien n’exige que l’aide remplisse des objectifs allant au-delà de ceux spécifiquement prévus à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Selon son libellé et la place de la disposition dans le traité FUE, les aides, pour être compatibles avec le traité, ne doivent pas poursuivre un « objectif d’intérêt commun » ni un « objectif d’intérêt général ». Elles doivent seulement « faciliter le développement de certaines activités [...] économiques » et ne pas altérer « les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun ». En tant que tel, l’argument de la République d’Autriche selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit lorsqu’il a jugé que l’aide doit seulement servir un « intérêt public » et non un « intérêt commun » ne saurait prospérer dès lors que, selon moi et contrairement à ce qu’a estimé le Tribunal dans l’arrêt attaqué, aucun de ces deux critères ne doit effectivement être rempli.

8)      En tout état de cause, même si cette appréciation de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE est erronée, la construction de Hinkley Point C servirait un « intérêt commun » (et, si l’on peut dire, un « objectif public ») en ce sens, car le développement de centrales nucléaires demeure un objectif central du traité Euratom, même si l’énergie nucléaire est contestée par des États membres tels que la République d’Autriche. Toutefois, en acceptant les objectifs du traité Euratom, tous les États membres ont ainsi clairement reconnu sans réserve, en principe du moins, le droit des autres États membres de développer des centrales nucléaires sur leur propre territoire. Un tel objectif du traité clairement défini doit, presque par définition, pouvoir constituer un objectif d’intérêt commun aux fins de l’application des règles en matière d’aides d’État.

9)      C’est à bon droit que le Tribunal a constaté que la Commission disposait de nombreux éléments de preuve selon lesquels le marché n’était pas disposé à financer Hinkley Point C, voire qu’il n’est pas en mesure de le faire, en l’absence des garanties et des autres formes d’aides fournies par le Royaume‑Uni. Il est sans pertinence pour la présente affaire qu’il puisse ne pas y avoir de défaillance de marché en ce qui concerne d’autres formes de production d’électricité. Le Tribunal n’a pas commis d’erreur en concluant que la production d’énergie nucléaire constituait l’activité économique pertinente aux fins de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

10)      La mission de la Commission dans les affaires d’aides d’État se limite, ainsi qu’il ressort de l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE à apprécier si la mesure étatique en cause « [p]eu[t] être considéré[e] comme compatibl[e] avec le marché intérieur ». Cette tâche consiste essentiellement à examiner la compatibilité de l’aide en cause avec les règles de concurrence et le marché intérieur et non, en tant que telles, les règles relatives à l’environnement. En revanche, toute décision quant à la question de savoir si un projet donné doit être autorisé du point de vue de l’aménagement du territoire et de l’environnement incombe, en principe, aux autorités compétentes des États membres et non, en tant que telle, à la Commission dans le cadre de l’application des règles en matière d’aides d’État.

11)      L’examen de la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur aux fins de l’article 107, paragraphe 3, TFUE porte essentiellement sur le point de savoir si une telle aide conduit à des investissements destinés au développement de certaines activités économiques qui, autrement, n’existerait pas ou favorise de tels investissements. Il n’existe pas de distinction ex ante entre les aides à l’investissement et les aides au fonctionnement. En effet, non seulement une telle distinction ne serait pas justifiée par l’examen du texte même de l’article 107 TFUE, mais elle serait simpliste et se prêterait à un contournement par l’utilisation de techniques comptables artificielles.

12)      Les mesures d’aide en cause ici ne se limitent certes pas aux seuls coûts de construction proprement dits, mais elles incluent également des coûts spécifiques liés à l’approvisionnement en énergie nucléaire, y compris les coûts de gestion du combustible usagé. Ces coûts n’en sont pas moins des coûts d’investissement qui doivent nécessairement être supportés pour que l’installation soit opérationnelle.

13)      Dans ces circonstances, c’est à bon droit que le Tribunal a, en l’espèce, rejeté le recours formé contre la décision de la Commission d’approuver les mesures d’aide en cause accordées par le Royaume‑Uni pour la construction de Hinkley Point C.

VII. Conclusion

152. Dans ces conditions, je propose donc à la Cour de rejeter le pourvoi formé par la République d’Autriche contre l’arrêt attaqué.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Voir, également, ordonnance du 10 octobre 2017, Greenpeace Energy/Commission (C‑640/16 P, non publiée, EU:C:2017:752), et communication ACCC/C/2015/128 devant le Comité d’application de la Convention d’Aarhus traitant de l’accès aux procédures administratives ou judiciaires pour contester les actes et omissions de particuliers et d’autorités publiques qui contreviennent aux dispositions de leur législation nationale relatives à l’environnement [article 9, paragraphe 3, de la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, fait à Aarhus (Danemark) le 25 juin 1998]. Ces deux procédures concernent des aides d’État en faveur du projet Hinkley Point C et témoignent chacune à sa manière de la vive opposition que le projet suscite.


3      T‑356/15, EU:T:2018:439.


4      Décision concernant la mesure d’aide SA.34947 (2013/C) (ex 2013/N) que le Royaume‑Uni envisage de mettre à exécution à titre de soutien en faveur de l’unité C de la centrale nucléaire de Hinkley Point (JO 2015, L 109, p. 44).


5      JO 2015, L 248, p. 9. Auparavant règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO 1999, L 83, p. 1).


6      JO 2004, L 140, p. 1.


7      JO 2008, C‑155, p. 10.


8      Celui-ci sera indexé sur l’indice des prix à la consommation et pourra être ajusté 15 ans après le jour de démarrage du premier réacteur ainsi que 25 ans après le jour de démarrage du premier réacteur sur la base des coûts réels connus et des prévisions révisées des coûts futurs.


9      En l’espèce, le segment de base.


10      C’est-à-dire des raisons qui ne sont pas liées à la santé, à la sûreté nucléaire, à la sécurité, à l’environnement, au transport nucléaire ou aux garanties nucléaires.


11      Aide d’État SA.34947 (2013/C) (ex 2013/N) – Contrat d’investissement (contrat préliminaire d’écart compensatoire) relatif à la nouvelle unité C de la centrale nucléaire de Hinkley Point – Invitation à présenter des observations en application de l’article 108, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2014, C 69, p. 60) (ci-après la « décision concernant l’ouverture de la procédure formelle d’examen »).


12      Décision (UE) 2019/274 du Conseil, du 11 janvier 2019, relative à la signature, au nom de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique, de l’accord sur le retrait du Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2019, L 47 I, p. 1) et décision (UE) 2020/48 du Conseil, du 21 janvier 2020, portant modification de la décision (UE) 2019/274 relative à la signature, au nom de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique, de l’accord sur le retrait du Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 16 I, p. 1).


13      Cela a été confirmé par le traité de Lisbonne, qui a laissé le traité Euratom pratiquement inchangé : voir considérants du protocole no 2 modifiant le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2007, C 306, p. 199). Cela est confirmé par la déclaration no 54 de plusieurs États membres annexée à l’acte final de la Conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne (JO 2010, C 83, p. 356).


14      L’article 106 bis, paragraphe 1, du traité Euratom rend certaines dispositions institutionnelles du traité FUE directement applicables au traité Euratom, tandis que l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom précise que les dispositions des traités UE et FUE ne dérogent pas aux dispositions du traité Euratom. Des dispositions similaires existaient avant le traité de Lisbonne. Le pendant de l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom figurait dans le traité CE, à savoir à son article 305, paragraphe 2.


15      Point 72 de l’arrêt attaqué.


16      C‑5/14, EU:C:2015:51, points 31 à 34.


17      Voir préambule et article 2 du traité Euratom.


18      Voir, de manière implicite, arrêt du 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen (C‑411/17, EU:C:2019:622). Voir, également, conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen (C‑411/17, EU:C:2018:972, point 42), ainsi que les arrêts cités par le Tribunal au point 73 de l’arrêt attaqué, c’est‑à‑dire arrêts du 29 mars 1990, Grèce/Conseil (C‑62/88, EU:C:1990:153, point 17) et du 12 avril 2005, Commission/Royaume‑Uni (C‑61/03, EU:C:2005:210, point 44), ainsi que avis 1/94 (Accords annexés à l’accord OMC), du 15 novembre 1994 (EU:C:1994:384, point 24).


19      Étant donné que la République d’Autriche a cité les points 79 et suivants comme étant les points des motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés, une incertitude demeure quant à savoir si cette partie de l’arrêt a été contestée ou non.


20      C’est moi qui souligne.


21      Arrêt du 15 juin 2010 (T‑177/07, EU:T:2010:233, point 125).


22      Point 86 de l’arrêt attaqué.


23      Devant le Tribunal, la République d’Autriche a invoqué cet arrêt pour soutenir l’allégation selon laquelle la mesure d’aide doit poursuivre un objectif d’intérêt commun clairement défini.


24      C’est moi qui souligne.


25      Arrêt du 15 juin 2010 (T‑177/07, EU:T:2010:233, point 125).


26      Point 86 de l’arrêt attaqué.


27      Point 108 de l’arrêt attaqué avec une référence au considérant 374 de la décision litigieuse.


28      Arrêts du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission (730/79, EU:C:1980:209, point 24), et du 24 février 1987, Deufil/Commission (310/85, EU:C:1987:96, point 18).


29      Arrêts du 26 septembre 2002, Espagne/Commission (C‑351/98, EU:C:2002:530, point 74), et du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance (C‑75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:482, point 59).


30      La République d’Autriche renvoie aux principes visés pour l’appréciation des aides d’État, contenus au chapitre 3 de la communication de la Commission « Encadrement des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation » (JO 2014, C 198, p. 1, point 35) ; au chapitre 3.1 de la communication de la Commission « Lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie 2014‑2020 » (JO 2014, C 200, p. 1, points 26 et suiv.) et au point 33 de la communication de la Commission « Lignes directrices de l’UE pour l’application des règles relatives aux aides d’État dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit » (JO 2013, C 25, p. 1) ; ainsi qu’au point 26 des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2014‑2020 (JO 2013, C 209, p. 1), qui énumèrent tous la contribution à la réalisation d’un « objectif d’intérêt commun » comme critère d’évaluation.


31      Considérants 366 à 374 de la décision litigieuse. La décision concernant l’ouverture de la procédure formelle d’examen (points 237 à 267) était encore plus détaillée sur ce point.


32      Arrêt du 17 septembre 1980 (730/79, EU:C:1980:209, point 26).


33      Arrêt du 24 février 1987 (310/85, EU:C:1987:96, point 18).


34      Arrêt du 19 septembre 2002 (C‑113/00, EU:C:2002:507, point 67).


35      Arrêt du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance (C‑75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:482, point 60 et jurisprudence citée). Voir, également, arrêts du 30 septembre 2003, Freistaat Sachsen e.a./Commission (C‑57/00 P et C‑61/00 P, EU:C:2003:510, point 53), et du 21 juillet 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission (C‑459/10 P, non publié, EU:C:2011:515, point 38).


36      Arrêts du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance (C‑75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:482, point 65), et du 21 juillet 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission (C‑459/10 P, non publié, EU:C:2011:515, point 38), dans lequel la Cour indique clairement que ce n’est que dans le cadre de l’exception prévue par le traité [en l’occurrence l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE] que la validité de la décision attaquée doit être examinée, et non en référence à une prétendue pratique antérieure.


37      Points 65 et suiv. des présentes conclusions.


38      C’est moi qui souligne.


39      Arrêt du 15 juin 2010, Mediaset/Commission (T‑177/07, EU:T:2010:233, point 125), c’est moi qui souligne. Dans les arrêts du 14 janvier 2009, Kronoply/Commission (T‑162/06, EU:T:2009:2, point 74), et du 11 décembre 2014, Autriche/Commission (T‑251/11, EU:T:2014:1060, point 208), cités par la République d’Autriche, le Tribunal de première instance et le Tribunal ont entériné les décisions respectives de la Commission qui ont apprécié si l’aide avait un objectif d’intérêt commun ou contribuait à un objectif d’intérêt commun, sans qu’il ait été nécessaire de trancher la question de savoir si l’aide en l’espèce servait elle‑même un intérêt commun.


40      Considérants 237 à 267.


41      Arrêt du 15 juin 2010 (T‑177/07, EU:T:2010:233).


42      Voir Kahl W., « Die Kompetenzen der EU in der Energiepolitik nach Lissabon », Europarecht, 2009, no 5, p. 601-616. Kahl rappelle que le Conseil européen de Laeken en 2001 avait déjà décidé de ne pas intégrer l’Euratom dans l’Union en raison des divergences politiques attendues. Cela a conduit à l’inclusion d’un seul paragraphe dans la partie « Décisions diverses » mentionnant l’importance de la sûreté dans le secteur nucléaire dans les conclusions de la présidence du Conseil européen de Laeken des 14 et 15 décembre 2001, CONV 621/03, p. 1. Voir, également, partie III, paragraphe 11, des conclusions de la présidence du Conseil européen de Bruxelles des 8 et 9 mars 2007, 7224/1/07 REV 1, qui attestent des divergences de points de vue.


43      Au point 42.


44      Voir article 1er du traité Euratom.


45      Arrêt du 17 septembre 1980 (730/79, EU:C:1980:209).


46      Arrêt du 24 février 1987 (310/85, EU:C:1987:96).


47      Arrêt du 17 septembre 1980 (730/79, EU:C:1980:209).


48      Arrêt du 24 février 1987, Deufil/Commission (310/85, EU:C:1987:96, point 18).


49      Arrêt du 17 septembre 1980 (730/79, EU:C:1980:209, point 24).


50      Arrêt du 19 septembre 2002 (C‑113/00, EU:C:2002:507).


51      Arrêt du 17 septembre 1980 (730/79, EU:C:1980:209).


52      Arrêt du 19 septembre 2002 (C‑113/00, EU:C:2002:507 point 67).


53      Voir, également, le préambule (« SOUCIEUX d’établir les conditions de sécurité qui écarteront les périls pour la vie et la santé des populations ») ainsi que l’article 2, sous b), du traité Euratom.


54      Les faits de la présente affaire sont très différents de ceux de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 avril 2005, Commission/Royaume‑Uni (C‑61/03, EU:C:2005:210), dans laquelle la Commission souhaitait invoquer une disposition du traité Euratom dans le domaine de l’énergie nucléaire à des fins militaires qui n’entrent pas dans le champ d’application du traité Euratom. La Cour a déclaré dans ce contexte au point 44 que « [p]our autant que [le traité Euratom] ne fournit pas à la Communauté un instrument spécifique pour la poursuite de cet objectif, il ne saurait être exclu que des mesures appropriées puissent être adoptées sur le fondement des dispositions pertinentes du traité CE ». Les faits de la présente affaire sont aussi très différents de ceux de l’arrêt du 27 octobre 2009, ČEZ (C‑115/08, EU:C:2009:660), qui traite de l’application du principe d’égalité, sur lequel le traité Euratom ne contient pas de règles explicites (voir points 87 à 91 dudit arrêt), et dont l’application, ainsi que le souligne la République slovaque dans la présente affaire, n’aboutit pas à une solution qui viderait de sens les objectifs du traité Euratom.


55      Voir, également, la règle de procédure contenue à l’article 192, paragraphe 2, sous c), TFUE dans le cas où l’Union agit dans ce domaine, ainsi que la déclaration no 35 annexée à l’acte final de la Conférence intergouvernementale qui a adopté le traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2017.


56      Pour ces raisons, la République d’Autriche ne peut pas non plus invoquer des affaires ne relevant pas du domaine des aides d’État.


57      Voir arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission (T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 189).


58      Bien que la République d’Autriche fasse valoir que ces principes auraient déjà dû être pris en compte pour déterminer si les mesures d’aide poursuivaient un objectif d’intérêt commun, elle conteste le point 517 de l’arrêt attaqué, qui traite de la question de la proportionnalité de la mesure conformément au critère négatif, prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. En conséquence, les considérations du Tribunal dans cette partie de l’arrêt attaqué portent sur des questions de proportionnalité.


59      S’agissant de cette appréciation, voir points 115 et suiv. des présentes conclusions.


60      Arrêt du 15 juin 1993, Matra/Commission (C‑225/91, EU:C:1993:239, point 41). Voir, également, l’appréciation du Tribunal à cet égard dans les arrêts du 13 janvier 2004, Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission (T‑158/99, EU:T:2004:2, point 159) ; du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission (T‑289/03, EU:T:2008:29, point 315), ainsi que du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission (T‑57/11, EU:T:2014:1021, points 185 et 190).


61      Ainsi, notamment, la construction et l’exploitation d’installations nucléaires au Royaume‑Uni nécessitent un certain nombre d’autorisations, licences et permis dans lesquels les questions environnementales pertinentes pourraient être abordées. L’octroi de tels autorisations, licences et permis est également susceptible de faire l’objet d’un recours juridictionnel. La Commission est également informée, notamment en ce qui concerne les projets de rejet d’effluents radioactifs conformément à l’article 37 du traité Euratom, et rend un avis sur ces projets ; voir, notamment, avis de la Commission du 3 février 2012 concernant le projet de rejet d’effluents radioactifs provenant des deux réacteurs EPR de la centrale d’Hinkley Point C, dans le Somerset, au Royaume‑Uni (JO 2012, C 33, p. 1).


62      Point 359 de l’arrêt attaqué concernant la décision du 9 octobre 2015 dans l’affaire SA.34962, Waste Contract for New Nuclear Power Stations (JO 2016, C 161, p. 1).


63      Voir points 155 à 157 ainsi que point 405 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal examine les spécificités de l’énergie nucléaire (notamment en ce qui concerne le financement des centrales nucléaires).


64      Selon l’article 256, paragraphe 1, deuxième alinéa, TFUE et l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, les recours ne peuvent être fondés que sur des moyens tirés de la violation du droit de l’Union par le Tribunal.


65      Voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHIM (C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 64 et jurisprudence citée).


66      Voir, notamment, points 165, 168, 171 et 174 de l’arrêt attaqué.


67      Ordonnance du 26 septembre 2016 (T‑382/15, non publiée, EU:T:2016:589). Dans cette procédure, Greenpeace Energy eG et d’autres sociétés actives dans la production et la fourniture d’énergie produite à partir de sources renouvelables ont tenté de contester la décision litigieuse ; voir note 2 des présentes conclusions. Dans cette ordonnance, le Tribunal a estimé, aux points 55 et suiv., que la nature de l’électricité est telle que, une fois introduite dans le système de transport ou de distribution, il est difficile d’en déterminer l’origine et en particulier la source d’énergie à partir de laquelle elle a été produite et que, pour cette raison, il est impossible de définir différents marchés en fonction de la source d’énergie.


68      Arrêt du 15 juillet 1963 (25/62, EU:C:1963:17).


69      Désigné comme « le critère négatif de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ». Voir point 59 des présentes conclusions.


70      Points 231 et 232 de l’arrêt attaqué.


71      Considérants 382 à 385 de la décision litigieuse.


72      Points 150 et 151 de l’arrêt attaqué ainsi que jurisprudence citée.


73      La défaillance du marché décrit une situation dans laquelle le marché ne peut pas répondre aux exigences qui lui sont imposées. Toutefois, les États membres sont autorisés à poursuivre les objectifs énoncés à l’article 107, paragraphes 2 et 3, du TFUE même si la demande sur le marché n’est pas suffisante.


74      Dans la mesure où la République d’Autriche invoque l’arrêt du 9 juin 2016, Magic Mountain Kletterhallen e.a./Commission (T‑162/13, non publié, EU:T:2016:341, point 81), pour étayer son argumentation selon laquelle le Tribunal s’est néanmoins basé sur une défaillance du marché, il est clair que le Tribunal n’y a fait référence que comme argument supplémentaire dans cette affaire particulière, mais cela n’a pas limité sa constatation selon laquelle la défaillance du marché n’était en aucun cas un critère nécessaire.


75      JO 2016, C 262, p. 1.


76      Arrêt du 14 janvier 2015 (C‑518/13, EU:C:2015:9).


77      Arrêt du 14 janvier 2015, Eventech (C‑518/13, EU:C:2015:9, point 65).


78      Arrêt du 14 janvier 2015 (C‑518/13, EU:C:2015:9).


79      Il convient également de souligner que des contrats d’écart compensatoire sont également proposés pour les sources d’énergie renouvelable, avec des dispositions spécifiques adaptées à ces industries.


80      Voir point 516 de l’arrêt attaqué.


81      Arrêt du 3 décembre 2014 (T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 189).


82      Arrêt du 12 février 2008 (T‑289/03, EU:T:2008:29, point 314).


83      JO 1994, C 72, p. 3.


84      Point 584 de l’arrêt attaqué.


85      Point 589 de l’arrêt attaqué.


86      Point 593 de l’arrêt attaqué.


87      Point 580 de l’arrêt attaqué.


88      Points 424 et 594 de l’arrêt attaqué.


89      Arrêt du 6 novembre 1990 (C‑86/89, EU:C:1990:373).


90      Arrêt du 21 juillet 2011 (C‑459/10 P, non publié, EU:C:2011:515).


91      Arrêt du 21 juillet 2011 (C‑459/10 P, non publié, EU:C:2011:515).


92      Aux points 72 à 74 de la requête au pourvoi, il s’avère que, bien que la République d’Autriche le conteste au point 70 de ladite requête, lorsqu’elle se réfère à la détermination insuffisante des éléments d’aide, cela signifie en réalité que l’aide n’a pas été quantifiée.


93      Cela n’est pas surprenant, la question n’ayant pas été examinée par le Tribunal, puisqu’elle n’avait pas été soulevée par la République d’Autriche


94      La République d’Autriche souscrit même à cet argument au point 73 de sa requête au pourvoi.


95      Considérants 336 à 339 de la décision litigieuse.


96      Point 3.2, sous a), de la communication sur les garanties.


97      Considérants 463 à 477 de la décision litigieuse ; points 304 et 305 de l’arrêt attaqué.


98      Considérant 472 de la décision litigieuse.


99      Voir, d’une manière générale, points 302 à 322 de l’arrêt attaqué.


100      Considérant 432 de la décision litigieuse.


101      Considérant 472 de la décision litigieuse.


102      Arrêt du 15 juin 2010 (T‑177/07, EU:T:2010:233).