Language of document : ECLI:EU:C:2020:742

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

22 septembre 2020 (*)

« Pourvoi – Aides d’État – Article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE – Articles 11 et 194 TFUE – Article 1er, article 2, sous c), et article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom – Aide envisagée en faveur de l’unité C de la centrale nucléaire de Hinkley Point (Royaume-Uni) – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Objectif d’intérêt commun – Objectifs environnementaux de l’Union européenne – Principes de protection de l’environnement, du pollueur-payeur, de précaution et de durabilité – Détermination de l’activité économique concernée – Défaillance du marché – Proportionnalité de l’aide – Aide à l’investissement ou au fonctionnement – Détermination des éléments de l’aide – Communication sur les garanties »

Dans l’affaire C‑594/18 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 21 septembre 2018,

République d’Autriche, représentée initialement par M. G. Hesse, puis par MM. F. Koppensteiner et M. Klamert, en qualité d’agents, assistés de Me H. Kristoferitsch, Rechtsanwalt,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. É. Gippini Fournier et T. Maxian Rusche ainsi que par Mmes P. Němečková et K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, J. Vláčil, T. Müller et Mme I. Gavrilová, en qualité d’agents,

République française, représentée initialement par MM. D. Colas et P. Dodeller, puis par MM. P. Dodeller et T. Stehelin, en qualité d’agents,

Grand-Duché de Luxembourg, représenté initialement par Mme D. Holderer, puis par M. T. Uri, en qualité d’agents, assistés de Me P. Kinsch, avocat,

Hongrie, représentée par M. M. Z. Fehér, en qualité d’agent, assisté de Me P. Nagy, ügyvéd,

République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

République slovaque, représentée par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mme Z. Lavery et M. S. Brandon, en qualité d’agents, assistés de M. A. Robertson, QC, et de M. T. Johnston, barrister,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, Mme R. Silva de Lapuerta, vice–présidente, M. A. Arabadjiev, Mme A. Prechal, MM. M. Vilaras, M. Safjan, S. Rodin, Mme L. S. Rossi et M. I. Jarukaitis (rapporteur), présidents de chambre, M. T. von Danwitz, Mme C. Toader, M. D. Šváby, Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos et N. Piçarra, juges,

avocat général : M. G. Hogan,

greffier : Mme M. Krausenböck, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 janvier 2020,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 7 mai 2020,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la République d’Autriche demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2018, Autriche/Commission (T‑356/15, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:439), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision (UE) 2015/658 de la Commission, du 8 octobre 2014, concernant la mesure d’aide SA.34947 (2013/C) (ex 2013/N) que le Royaume-Uni envisage de mettre à exécution à titre de soutien en faveur de l’unité C de la centrale nucléaire de Hinkley Point (JO 2015, L 109, p. 44, ci-après la « décision litigieuse »), dans laquelle la Commission européenne a constaté que cette mesure d’aide était compatible avec le marché intérieur, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, et a autorisé l’exécution de celle-ci.

 Les antécédents du litige

2        Le 22 octobre 2013, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a notifié trois mesures d’aide (ci-après les « mesures en cause »), en faveur de l’unité C de la centrale nucléaire de Hinkley Point (ci-après « Hinkley Point C »). Le bénéficiaire des mesures en cause est NNB Generation Company Limited (ci-après « NNBG »), une filiale d’EDF Energy plc (ci-après « EDF »).

3        La première des mesures en cause est un contrat d’écart compensatoire, conclu entre NNBG et Low Carbon Contracts Ltd, une entité appelée à être financée par une obligation statutaire liant solidairement tous les fournisseurs d’électricité agréés, visant à garantir une stabilité des prix pour les ventes d’électricité de NNBG durant la phase opérationnelle de Hinkley Point C. La deuxième consiste en un accord entre le secrétaire d’État à l’Énergie et au Changement climatique du Royaume-Uni et les investisseurs de NNBG, qui complète le contrat d’écart compensatoire et prévoit que, si, à la suite d’une fermeture anticipée de la centrale nucléaire de Hinkley Point C pour des raisons politiques, Low Carbon Contracts manque à son obligation de paiement compensatoire aux investisseurs de NNBG, le secrétaire d’État en question versera une indemnité aux investisseurs. Il prévoit également des mécanismes de partage de gains. La troisième est une garantie de crédit du Royaume-Uni sur les obligations à émettre par NNBG, garantissant le paiement en temps utile du principal et des intérêts de la dette admissible.

4        Le 18 décembre 2013, la Commission européenne a décidé d’ouvrir une procédure formelle d’examen sur les mesures en cause. Cette décision a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 7 mars 2014 (JO 2014, C 69, p. 60).

5        Le 8 octobre 2014, la Commission a adopté la décision litigieuse, dans laquelle, à la section 7, elle a exposé que les mesures en cause constituaient une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Aux sections 9 et 10 de cette décision, la Commission a examiné si ces mesures pouvaient être déclarées compatibles avec le marché intérieur en application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et a conclu par l’affirmative. L’article 1er, premier alinéa, de ladite décision est ainsi formulé :

« L’aide octroyée en faveur de [Hinkley Point C] sous la forme d’un contrat d’écart compensatoire, de l’accord du secrétaire d’État et d’une garantie de crédit, ainsi que tous les éléments qui s’y rapportent, que le Royaume-Uni prévoit de mettre en œuvre, est compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, [sous] c), [TFUE]. »

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

6        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juillet 2015, la République d’Autriche a introduit un recours en annulation de la décision litigieuse.

7        Le Grand-Duché de Luxembourg a été admis à intervenir à la procédure au soutien des conclusions de la République d’Autriche, tandis que la République tchèque, la République française, la Hongrie, la République de Pologne, la Roumanie, la République slovaque et le Royaume-Uni ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

8        Faisant grief à la Commission d’avoir déclaré que les mesures en cause étaient compatibles avec le marché intérieur, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, la République d’Autriche a avancé dix moyens à l’appui de son recours.

9        Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal, après avoir écarté ces dix moyens, a rejeté le recours.

 Les conclusions des parties devant la Cour

10      Par son pourvoi, la République d’Autriche demande à la Cour :

–        d’annuler dans son intégralité l’arrêt attaqué,

–        d’accueillir le recours en nullité contre la décision litigieuse,

–        de condamner la Commission aux dépens, et

–        de condamner toutes les parties intervenantes en première instance participant à la procédure de pourvoi à supporter leurs propres dépens.

11      Le Grand-Duché de Luxembourg demande à la Cour :

–        d’accueillir en totalité le pourvoi et d’annuler dans son intégralité l’arrêt attaqué,

–        d’accueillir pleinement le recours en nullité formé contre la décision litigieuse, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner la République d’Autriche aux dépens.

13      La République tchèque, la République française, la Hongrie, la République de Pologne, la République slovaque et le Royaume-Uni demandent à la Cour de rejeter le pourvoi.

 Sur le pourvoi

 Sur le premier moyen

14      Par son premier moyen, la République d’Autriche fait valoir que le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, a commis une erreur de droit en ce qu’il n’a pas constaté que la construction d’une nouvelle centrale nucléaire ne constitue pas un objectif d’intérêt commun.

 Sur la première branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

15      La République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, fait grief au Tribunal d’avoir, aux points 79 et suivants de l’arrêt attaqué, rejeté ses arguments visant à remettre en cause l’appréciation de la Commission, exposée au considérant 374 de la décision litigieuse, selon laquelle la promotion de l’énergie nucléaire constitue un objectif d’intérêt commun. Pour statuer ainsi, le Tribunal serait parti à tort du principe que, pour apprécier si la promotion de l’énergie nucléaire constitue un objectif pouvant être poursuivi par les États membres au moyen d’aides d’État, la question n’est pas de savoir si cet objectif répond à l’intérêt de l’ensemble ou de la majorité des États membres, mais de déterminer s’il s’agit d’un intérêt public et non seulement d’un intérêt privé du bénéficiaire de l’aide.

16      Ce faisant, le Tribunal se serait écarté de la pratique de la Commission et de la jurisprudence dominante relatives à l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, selon lesquelles toute aide doit, en principe, poursuivre un objectif d’intérêt commun, voire un objectif d’intérêt commun de l’Union, à savoir un intérêt qui correspond à l’intérêt commun de tous les États membres.

17      La Commission, la République tchèque, la République française, la Hongrie, la République de Pologne, la République slovaque et le Royaume-Uni considèrent que cette branche du premier moyen n’est pas fondée.

–       Appréciation de la Cour

18      Selon le libellé de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, peuvent être considérées comme étant compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

19      Ainsi, pour pouvoir être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur conformément à cette disposition, une aide d’État doit satisfaire deux conditions, la première étant qu’elle doit être destinée à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, la seconde, formulée de manière négative, étant qu’elle ne doit pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

20      À la différence de l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE, qui prévoit que peuvent être déclarées compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre, l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ne subordonne dès lors pas la compatibilité d’une aide à la condition qu’elle poursuive un objectif d’intérêt commun, et ce sans préjudice de la circonstance que les décisions adoptées par la Commission à ce titre doivent veiller au respect du droit de l’Union.

21      Contrairement à ce que soutient la République d’Autriche, la Cour ne s’est pas fondée sur l’existence d’une condition imposant que l’aide poursuive un objectif d’intérêt commun dans les arrêts qu’elle cite. En effet, dans ses arrêts du 17 septembre 1980, Philip Morris Holland/Commission (730/79, EU:C:1980:209, points 24 à 26), du 24 février 1987, Deufil/Commission (310/85, EU:C:1987:96, point 18), et du 19 septembre 2002, Espagne/Commission (C‑113/00, EU:C:2002:507, point 67), tout en relevant en substance que la Commission jouit d’un pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordres économique et social (voir arrêt du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, point 68), qui doivent être effectuées dans le contexte de l’Union, la Cour n’a pas, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 65 à 71 de ses conclusions, jugé que la Commission devait vérifier si l’aide envisagée poursuit un objectif d’intérêt commun.

22      Quant à la pratique de la Commission, il convient de faire observer que l’encadrement des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation (JO 2014, C 198, p. 1), les lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 (JO 2014, C 200, p. 1), les lignes directrices de l’[Union européenne] pour l’application des règles relatives aux aides d’État dans le cadre du déploiement rapide des réseaux de communication à haut débit (JO 2013, C 25, p. 1) ainsi que les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2014-2020 (JO 2013, C 209, p. 1), invoqués par la République d’Autriche, ne sont pas applicables aux mesures en cause, aucun de ces instruments ne visant des aides destinées à soutenir l’activité d’une centrale nucléaire.

23      En outre, la République d’Autriche se réfère à un document de la Commission intitulé « Principes communs d’évaluation économique de la compatibilité des aides d’État en application de l’article 87, paragraphe 3 », qui envisage une méthode d’analyse dont la première étape consiste à rechercher si l’aide en cause vise un objectif d’intérêt commun clairement défini.

24      Toutefois, même à supposer qu’un tel document puisse être appréhendé comme un encadrement ou une communication, dont la Commission ne peut, en principe, se départir, sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2016, Grèce/Commission, C‑431/14 P, EU:C:2016:145, point 69 et jurisprudence citée), il y a lieu de considérer que, en tout état de cause, elle ne saurait, par ces instruments, réduire indûment la portée de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE en prévoyant l’application de cette disposition d’une manière incompatible avec ce qui a été exposé au point 20 du présent arrêt (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C‑75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:482, point 65).

25      Par ailleurs, pour autant que la République d’Autriche reproche au Tribunal de s’être écarté de la pratique décisionnelle de la Commission, il convient de rappeler que c’est au regard de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE que doit être apprécié si une aide répond ou non aux conditions d’application que cette disposition prévoit, et non à l’aune de la pratique antérieure de la Commission (arrêt du 21 juillet 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, C‑459/10 P, non publié, EU:C:2011:515, point 38).

26      L’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE n’exigeant pas que l’aide envisagée, pour être déclarée compatible avec le marché intérieur, poursuive un objectif d’intérêt commun, la première branche du premier moyen est non fondée.

 Sur la deuxième branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

27      La République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, fait grief au Tribunal d’avoir constaté, au point 97 de l’arrêt attaqué, que, « [e]u égard à l’article 1er, deuxième alinéa, et à l’article 2, sous c), du traité Euratom, [...] la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que le Royaume-Uni était en droit de déterminer la promotion de l’énergie nucléaire et, plus spécifiquement, l’incitation à la création de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire, comme un objectif d’intérêt public au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ».

28      Elle soutient, à cet égard, que l’objectif de la promotion de l’énergie nucléaire à travers l’aide à la construction de centrales nucléaires ne résulte pas du traité Euratom et n’est pas partagé par l’ensemble des États membres. Ni l’article 2, sous c), du traité Euratom ni aucune autre disposition de ce traité ne ferait mention d’aides d’État à l’investissement dans l’énergie nucléaire et à la construction de centrales nucléaires. Le Tribunal aurait fait une interprétation sélective de cet article 2, sous c), du traité Euratom en perdant de vue que cette disposition vise non pas la création de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire, mais la création d’« installations fondamentales » ainsi que le « développement de l’énergie nucléaire ». Dès lors, la promotion de l’énergie nucléaire, au sens d’une aide à la création de nouvelles capacités de production, ne représenterait ni un intérêt commun ni un intérêt général de l’Union.

29      La Commission, la République tchèque, la République française, la Hongrie, la République de Pologne, la République slovaque et le Royaume-Uni font valoir que cette branche du premier moyen n’est pas fondée.

–       Appréciation de la Cour

30      Ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche du premier moyen, l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ne subordonne pas la compatibilité d’une aide, au titre de cette disposition, à la condition que l’aide envisagée poursuive un objectif d’intérêt commun. Pour ce motif, la deuxième branche du premier moyen est également non fondée.

31      Par ailleurs, cette branche ne peut pas non plus aboutir pour autant qu’elle soutient que le traité Euratom ne permet pas que l’octroi d’aides d’État en faveur de la construction de centrales nucléaires ou de la création de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire soit autorisé en application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

32      En effet, il convient de relever, en premier lieu, que le traité Euratom et le traité FUE ont la même valeur juridique, ainsi que l’illustre l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom, aux termes duquel les dispositions du traité UE et du traité FUE ne dérogent pas aux dispositions du traité Euratom. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général, aux points 37 et 38 de ses conclusions, le traité Euratom étant un traité sectoriel visant le développement de l’énergie nucléaire, tandis que le traité FUE a des finalités beaucoup plus amples et confère à l’Union des compétences étendues dans de nombreux domaines et secteurs, les règles du traité FUE s’appliquent dans le secteur de l’énergie nucléaire lorsque le traité Euratom ne contient pas de règles spécifiques. Par suite, le traité Euratom ne contenant pas de règles en matière d’aides d’État, l’article 107 TFUE peut trouver à s’appliquer dans ce secteur, comme l’a constaté à raison le Tribunal, au point 73 de l’arrêt attaqué.

33      En second lieu, le traité Euratom énonce, dans son préambule, qu’il vise à créer les conditions de développement d’une puissante industrie nucléaire et prévoit, à son article 1er, second alinéa, que « [l]a Communauté a pour mission de contribuer, par l’établissement des conditions nécessaires à la formation et à la croissance rapides des industries nucléaires, à l’élévation du niveau de vie dans les États membres et au développement des échanges avec les autres pays ». L’article 2, sous c), de ce traité dispose que, pour l’accomplissement de sa mission, la Communauté doit « faciliter les investissements et assurer, notamment en encourageant les initiatives des entreprises, la réalisation des installations fondamentales nécessaires au développement de l’énergie nucléaire dans la Communauté ». Par ailleurs, les articles 40 et 41, lus en combinaison avec le point 11 de l’annexe II dudit traité, relatifs aux investissements dans le domaine nucléaire, font apparaître que les investissements dans de nouvelles installations ou le remplacement de réacteurs nucléaires de tous types et à tous usages sont prévus par celui-ci. Il en découle que les objectifs poursuivis par le traité Euratom couvrent la construction de centrales nucléaires ou la création de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire, de sorte que l’octroi d’aides d’État en leur faveur n’est pas contraire à ces objectifs.

 Sur la troisième branche du premier moyen

–       Argumentation des parties

34      La République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, fait grief au Tribunal d’avoir, au point 517 de l’arrêt attaqué, écarté son argument selon lequel les principes de protection de l’environnement, de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité s’opposent à ce que des aides d’État en faveur de la construction ou de l’exploitation d’une centrale nucléaire soient octroyées, au motif qu’une telle interprétation ne serait pas conforme à l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom.

35      En statuant ainsi, le Tribunal aurait contredit ses propres considérations, figurant au point 72 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles les dispositions du traité Euratom constituent des règles spéciales par rapport aux dispositions du traité FUE, en niant l’obligation de prendre en compte des objectifs de ce dernier sans expliquer à quelle disposition du traité Euratom ils dérogeraient.

36      Dès lors qu’il est considéré que l’article 107 TFUE s’applique aux aides d’État telles que les mesures en cause, d’autres dispositions du traité FUE fixant des objectifs, tels que celui de la protection de l’environnement visé aux articles 11 et 194 TFUE, devraient également trouver à s’appliquer et leurs exigences prises en considération par la Commission. Dans la mesure où le traité Euratom ne fournit pas un instrument spécifique pour la poursuite des objectifs de protection de l’environnement et de protection de la santé, le Tribunal aurait dû prendre en considération ces objectifs et, en relation avec ceux-ci, les principes de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité pour apprécier si les mesures en cause poursuivaient un objectif d’intérêt commun, en ayant égard à l’article 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et à la jurisprudence de la Cour selon laquelle la protection de la santé et de l’environnement sont des objectifs essentiels.

37      Dans son mémoire en réplique, la République d’Autriche ajoute que l’objectif consistant à développer l’énergie nucléaire, énoncé à l’article 2 du traité Euratom, doit être appliqué en conformité avec les dispositions du droit de l’Union, en particulier celles du traité FUE. Or, cet article, tel qu’interprété par le Tribunal, serait en contradiction avec les objectifs du traité FUE visant à promouvoir l’efficacité énergétique et le développement de sources d’énergie nouvelles et renouvelables, la protection de l’environnement et de la santé, le principe du pollueur-payeur, le principe de précaution et le principe de durabilité.

38      La Commission, la République tchèque, la République française, la Hongrie, la République de Pologne, la République slovaque et le Royaume-Uni considèrent que cette branche du premier moyen n’est pas fondée.

–       Appréciation de la Cour

39      L’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ne subordonnant pas la compatibilité d’une aide, au titre de cette disposition, à la condition que l’aide envisagée poursuive un objectif d’intérêt commun, ainsi que cela ressort de l’examen de la première branche du premier moyen, la troisième branche de ce moyen est également non fondée en ce que, par celle-ci, la République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, reproche au Tribunal d’avoir méconnu cette disposition en n’ayant pas pris en considération les principes de protection de l’environnement, de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité pour apprécier si les mesures en cause poursuivaient un objectif d’intérêt commun.

40      Au demeurant, dans la mesure où, par cette branche du premier moyen, la République d’Autriche soutient, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant, sur le fondement de l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom, son argument selon lequel les principes de protection de l’environnement, de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité s’opposent à ce que des aides d’État en faveur de la construction ou de l’exploitation d’une centrale nucléaire soient octroyées, il convient de relever que de tels principes ne sont pas énoncés dans ce traité. En lien avec la protection de l’environnement, ledit traité, à son chapitre III, intitulé « La protection sanitaire », contient seulement des dispositions portant, notamment, sur les normes de base relatives à la protection sanitaire de la population et des travailleurs contre les dangers résultant des radiations ionisantes, sur le contrôle permanent du taux de la radioactivité de l’atmosphère, des eaux et du sol ainsi que sur le contrôle du respect des normes de base. En particulier, l’article 37, premier alinéa, du même traité prévoit que « [c]haque État membre est tenu de fournir à la Commission les données générales de tout projet de rejet d’effluents radioactifs sous n’importe quelle forme, permettant de déterminer si la mise en œuvre de ce projet est susceptible d’entraîner une contamination radioactive des eaux, du sol ou de l’espace aérien d’un autre État membre ».

41      Force est, cependant, de constater que ces dispositions ne traitent pas de manière exhaustive des questions environnementales qui concernent le secteur de l’énergie nucléaire. Partant, le traité Euratom ne s’oppose pas à l’application dans ce secteur des règles du droit de l’Union en matière d’environnement.

42      En particulier, ainsi que le fait valoir, en substance, la République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom ne saurait évincer l’application, notamment, de l’article 37 de la Charte, aux termes duquel « [u]n niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés conformément au principe du développement durable », de l’article 11 TFUE, selon lequel les exigences de la protection de l’environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union, en particulier afin de promouvoir le développement durable, et de l’article 194, paragraphe 1, TFUE, selon lequel la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie doit tenir compte de l’exigence de préserver et d’améliorer l’environnement. Dès lors, cette exigence, exprimée tant dans la Charte que dans le traité FUE, de même que les principes invoqués par la République d’Autriche, qui en découlent, ont vocation à s’appliquer dans le secteur de l’énergie nucléaire (voir, par analogie, arrêt du 27 octobre 2009, ČEZ, C‑115/08, EU:C:2009:660, points 87 à 91).

43      Il en est de même des dispositions du droit dérivé de l’Union en matière d’environnement. Ainsi s’appliquent aux centrales nucléaires et aux autres réacteurs nucléaires les dispositions de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1), soumettant certains projets à une évaluation des incidences sur l’environnement (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen, C‑411/17, EU:C:2019:622, point 76).

44      Par ailleurs, la Cour a déjà jugé qu’une aide d’État qui viole des dispositions ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, points 50 et 51).

45      Il en découle que, dès lors que l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE s’applique aux aides d’État dans le secteur de l’énergie nucléaire relevant du traité Euratom, une aide d’État en faveur d’une activité économique appartenant à ce secteur, dont l’examen révèlerait qu’elle viole des règles du droit de l’Union en matière d’environnement, ne saurait être déclarée compatible avec le marché intérieur en application de cette disposition.

46      C’est, par conséquent, à tort que le Tribunal a, au point 517 de l’arrêt attaqué, rejeté l’argument de la République d’Autriche selon lequel les principes de protection de l’environnement, de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité s’opposent à ce que des aides d’État en faveur de la construction ou de l’exploitation d’une centrale nucléaire soient octroyées, au motif qu’une telle interprétation serait contraire à l’article 106 bis, paragraphe 3, du traité Euratom.

47      Il convient, cependant, de rappeler que, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit de l’Union, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 1992, Lestelle/Commission, C‑30/91 P, EU:C:1992:252, point 28 ; du 26 mars 2009, SELEX Sistemi Integrati/Commission, C‑113/07 P, EU:C:2009:191, point 81, ainsi que du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 150).

48      Or, il y a lieu de relever que, d’une part, l’article 194, paragraphe 1, sous a) et b), TFUE prévoit que, dans le cadre de l’établissement ou du fonctionnement du marché intérieur, la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie vise à assurer le fonctionnement du marché de l’énergie et la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union. À cet égard, la Cour a déjà relevé que l’article 194, paragraphe 1, sous b), TFUE identifie la sécurité de l’approvisionnement énergétique dans l’Union comme l’un des objectifs fondamentaux de la politique de l’Union dans le domaine de l’énergie (voir arrêt du 29 juillet 2019, Inter-Environnement Wallonie et Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen, C‑411/17, EU:C:2019:622, point 156). D’autre part, l’article 194, paragraphe 2, second alinéa, TFUE prévoit que les mesures prises par le Parlement européen et le Conseil n’affectent pas le droit d’un État membre de déterminer les conditions d’exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d’énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique, sans exclure que ce choix puisse porter sur l’énergie nucléaire.

49      Ainsi, le choix de l’énergie nucléaire appartenant, selon ces dispositions du traité FUE, aux États membres, il apparaît que les objectifs et les principes du droit de l’Union en matière d’environnement et les objectifs poursuivis par le traité Euratom, rappelés au point 33 du présent arrêt, ne sont pas en contradiction, de telle sorte que, contrairement à ce que soutient la République d’Autriche, les principes de protection de l’environnement, de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité ne peuvent être considérés comme s’opposant, en toutes circonstances, à ce que des aides d’État en faveur de la construction ou de l’exploitation d’une centrale nucléaire soient octroyées.

50      Il s’ensuit que l’erreur de droit commise par le Tribunal, identifiée au point 46 du présent arrêt, est sans incidence sur le bien-fondé du rejet de l’argument de la République d’Autriche visé au point 40 de celui-ci et, partant, sur le dispositif de l’arrêt attaqué, de sorte que la troisième branche du premier moyen est inopérante à cet égard.

51      En conséquence, le premier moyen du pourvoi doit être écarté.

 Sur le deuxième moyen

52      Par son deuxième moyen, la République d’Autriche fait valoir que c’est à tort que les mesures en cause ont été jugées compatibles avec le marché intérieur en application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE. Le Tribunal aurait, en effet, mal défini, dans l’arrêt attaqué, l’activité économique pertinente, au sens de cette disposition, et il aurait omis de vérifier l’existence d’une défaillance du marché.

 Argumentation des parties

53      Dans le cadre de la première branche de ce moyen, la République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, fait grief au Tribunal d’avoir considéré que l’examen de la compatibilité d’une aide porte moins sur l’activité économique aidée que sur l’intérêt public poursuivi et d’avoir ainsi, au point 105 de l’arrêt attaqué, relevé que la Commission avait estimé que la construction de Hinkley Point C visait au développement d’une activité économique, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, alors que cette institution n’a pas, dans la décision litigieuse, procédé à une délimitation de l’activité promue par les mesures en cause et a ainsi violé cette disposition. En outre, le Tribunal n’aurait pas exposé son appréciation sur la question de savoir quelle serait cette activité, de sorte que l’arrêt attaqué serait entaché d’un défaut de motivation à cet égard.

54      Par la deuxième branche du deuxième moyen, la République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, reproche au Tribunal d’avoir, aux points 139 et 144 de l’arrêt attaqué, considéré que l’activité économique concernée, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, était la promotion de l’énergie nucléaire et d’avoir ainsi limité l’examen de la compatibilité d’une aide.

55      L’activité économique qui aurait dû être prise en considération pour apprécier la compatibilité des mesures en cause est, selon elle, la production d’électricité, étant donné que l’expression « activité économique » vise un groupe d’entreprises fabriquant des produits interchangeables, que le règlement (UE) no 2015/2282 de la Commission, du 27 novembre 2015, modifiant le règlement (CE) no 794/2004 en ce qui concerne les formulaires de notification et les fiches d’information (JO 2015, L 325, p. 1), mentionne, par référence au code NACE, ce secteur d’activité et non les centrales nucléaires, que les dérogations, en matière d’aides d’État, sont d’interprétation stricte, que les lignes directrices de la Commission concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 prévoient que les aides en faveur des énergies renouvelables doivent contribuer au développement de ce secteur, et que la Commission fonde généralement son appréciation en se référant au marché de l’électricité. Or, si le Tribunal avait apprécié les mesures en cause à l’aune de leur contribution au développement du secteur de la production d’électricité, il serait parvenu à une autre conclusion, notamment quant à la question de savoir si l’aide devait être considérée comme étant admissible et proportionnée.

56      Dans le cadre de la troisième branche du deuxième moyen, la République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, fait valoir que le Tribunal a considéré à tort, aux points 151 et 240 de l’arrêt attaqué, que l’existence d’une défaillance du marché n’est pas une condition indispensable à la compatibilité d’une aide et que, en l’occurrence, sans l’intervention du Royaume-Uni, des investissements dans de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire n’auraient pas été réalisés en temps utile.

57      La Commission et la République slovaque estiment que la première branche est irrecevable. Selon la Commission, cette branche ne satisfait pas aux exigences selon lesquelles le pourvoi doit indiquer avec précision les points de l’arrêt attaqué qui sont critiqués et contenir un exposé sommaire, mais compréhensible, des moyens invoqués. En outre, certains arguments viseraient à contester la décision litigieuse et non l’arrêt attaqué. Selon la République slovaque, ladite branche pointe des vices de la décision litigieuse qui ne pouvaient être relevés d’office ou, selon la manière dont elle est comprise, n’est que la réitération d’un argument présenté en première instance.

58      Sur le fond, la Commission, la République tchèque, la République française, la Hongrie, la République de Pologne, la République slovaque et le Royaume-Uni font valoir que le deuxième moyen n’est pas fondé.

 Appréciation de la Cour

59      En ce qui concerne la recevabilité de la première branche du deuxième moyen, il convient de faire observer, tout d’abord, que celle-ci mentionne le point 105 de l’arrêt attaqué. Il est ainsi satisfait aux exigences de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. Ensuite, bien que la République d’Autriche reproche, à l’appui de cette branche, à la Commission de ne pas avoir précisé quelle était l’activité économique promue par les mesures en cause, ladite branche vise, dans son ensemble, à faire constater par la Cour que le Tribunal n’a pas relevé cette omission qui, selon elle, constitue un vice entachant la décision litigieuse. Enfin, par la même branche, la République d’Autriche n’avance effectivement pas un argument nouveau, comme cela ressort notamment du point 139 de l’arrêt attaqué, mais vise à critiquer, en droit, le bien-fondé de la réponse donnée par le Tribunal à son argument, ce qui est recevable devant la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2018, République tchèque/Commission, C‑4/17 P, EU:C:2018:678, point 24 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que les fins de non-recevoir soulevées par la Commission et la République slovaque doivent être écartées.

60      Sur le fond, en ce qui concerne, en premier lieu, les deux premières branches du deuxième moyen, il ressort de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE que, pour être déclarées compatibles avec le marché intérieur au titre de cette disposition, les aides doivent être de nature à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques. S’agissant de vérifier si une aide donnée est de nature à faciliter le développement d’une activité économique, cette disposition ne prescrit pas d’identifier le marché de produits dans lequel s’inscrit cette activité, l’identification de ce marché n’étant pertinente que pour examiner si l’aide envisagée n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, qui constitue la seconde condition à laquelle elle subordonne la compatibilité d’une aide.

61      En l’occurrence, au point 105 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que la construction de Hinkley Point C visait à développer une activité, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, en relevant, notamment, qu’il ressortait de la décision litigieuse que cette construction visait à remplacer des capacités de production d’énergie nucléaire vieillissantes, dont la fermeture était projetée, et que la technologie devant être utilisée dans cette unité était plus développée que celle utilisée dans les centrales existantes.

62      Aux points 139 et 144 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les arguments de la République d’Autriche selon lesquels, d’une part, la Commission n’avait pas précisé quelle activité économique, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, devait être promue par les mesures en cause et, d’autre part, cette disposition et l’article 2, sous c), du traité Euratom exigeaient un développement d’activité et non seulement une mesure de remplacement. Pour ce faire, il a constaté qu’il ressortait du considérant 392 de la décision litigieuse que l’activité promue par les mesures en cause consistait dans la promotion de l’énergie nucléaire, que cet objectif et, plus spécifiquement, celui d’inciter les entreprises à investir dans de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire satisfaisait aux exigences de ces dispositions et que le fait que ces nouvelles capacités étaient censées remplacer des capacités de production d’énergie nucléaire vieillissantes ne permettait pas de constater que le développement, au sens de ces dispositions, faisait défaut.

63      Même si le Tribunal a évoqué l’objectif des mesures en cause, il ressort de ces motifs de l’arrêt attaqué qu’il a jugé que la Commission avait considéré, sans commettre d’erreur, que ces mesures étaient de nature à développer la production d’énergie nucléaire, laquelle constitue bien une activité économique, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

64      En outre, il convient de faire observer que, au point 231 de l’arrêt attaqué, non visé par le pourvoi, le Tribunal a relevé que la Commission avait identifié le marché libéralisé de la production et de la fourniture d’électricité comme étant le marché affecté par les mesures en cause et avait constaté que ces mesures provoqueraient des distorsions de la concurrence et une altération des échanges. Il en ressort que le Tribunal a examiné si la Commission avait dûment identifié le marché concerné pour apprécier si la seconde condition prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE était satisfaite.

65      En statuant ainsi, le Tribunal n’a donc pas commis d’erreur de droit et n’a pas manqué à l’obligation de motivation.

66      En ce qui concerne, en second lieu, la troisième branche du deuxième moyen, il convient de relever que, même si, dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, la Commission peut considérer nécessaire de rechercher si l’aide envisagée permet de remédier à une défaillance du marché pour apprécier la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur, l’existence d’une telle défaillance ne constitue pas pour autant une condition pour déclarer une aide compatible avec le marché intérieur au titre de cette disposition.

67      C’est, dès lors, sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a, au point 151 de l’arrêt attaqué, considéré que, si l’existence d’une défaillance du marché peut constituer un élément pertinent pour déclarer une aide d’État compatible avec le marché intérieur, l’absence d’une telle défaillance n’a pas nécessairement pour conséquence que les conditions prévues à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ne sont pas réunies.

68      De même, c’est sans commettre d’erreur de droit que, au point 240 de cet arrêt, pour rejeter les arguments de la République d’Autriche et du Grand-Duché de Luxembourg selon lesquels la Commission ne pouvait constater l’existence d’une défaillance du marché, le Tribunal a relevé que cette disposition ne contient pas de condition imposant une telle défaillance. Par ailleurs, l’appréciation du Tribunal selon laquelle les considérations développées dans la décision litigieuse permettaient de constater que, sans intervention du Royaume-Uni, des investissements dans de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire n’auraient pas été réalisés en temps utile relève d’une appréciation d’ordre factuel, que la Cour, en l’absence d’une allégation de dénaturation, ne saurait examiner dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2020, Uniwersytet Wrocławski et Pologne/REA, C‑515/17 P et C‑561/17 P, EU:C:2020:73, point 47).

69      N’étant fondé en aucune de ses branches, le deuxième moyen du pourvoi doit être écarté.

 Sur le troisième moyen

70      Par son troisième moyen, la République d’Autriche fait valoir que le Tribunal a, dans l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit en confirmant l’examen de la proportionnalité des mesures en cause qui aurait été insuffisamment effectué par la Commission.

 Sur la première branche du troisième moyen

–       Argumentation des parties

71      La République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, fait grief au Tribunal d’avoir limité l’examen de la proportionnalité des mesures en cause en réduisant l’objectif d’intérêt public poursuivi par celles-ci au seul objectif de la création de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire, alors que la Commission aurait dû examiner si et dans quelle mesure il n’existait pas d’autres moyens plus proportionnés pour couvrir les besoins en électricité au Royaume-Uni.

72      Ainsi, en relevant, aux points 405, 413 et 507 de l’arrêt attaqué, que la construction de Hinkley Point C visait seulement à limiter la chute de la contribution de l’énergie nucléaire aux besoins d’électricité et à garantir un approvisionnement plus élevé, le Tribunal aurait présumé que ce dernier ne pouvait être garanti que par une production de base élevée d’énergie nucléaire, alors que la situation de pays qui garantissent leur approvisionnement en électricité sans recourir à l’énergie nucléaire prouverait qu’une production suffisante peut être obtenue autrement.

73      Cette démarche serait arbitraire et violerait le principe d’égalité de traitement garanti à l’article 20 de la Charte, la proportionnalité des aides à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables étant examinée par la Commission non pas dans le cadre du marché des énergies renouvelables, mais dans le cadre du marché global de l’électricité.

74      La Commission et la République slovaque considèrent que cette branche du troisième moyen est irrecevable en ce qu’elle tend à remettre en cause des appréciations de fait.

75      Sur le fond, la Commission, la République tchèque, la République française, la Hongrie, la République slovaque et le Royaume-Uni font valoir que cette branche n’est pas fondée.

–       Appréciation de la Cour

76      En ce qui concerne les arguments de la République d’Autriche relatifs aux considérations de l’arrêt attaqué selon lesquelles, en substance, la construction de Hinkley Point C vise uniquement, afin d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en électricité, à limiter la chute de la contribution de l’énergie nucléaire aux besoins totaux d’électricité, qui ne pourrait être compensée par la production d’énergies renouvelables, il y a lieu de constater que ceux-ci visent à remettre en cause les appréciations d’ordre factuel effectuées par le Tribunal et, par conséquent sont irrecevables dans le cadre d’un pourvoi conformément à la jurisprudence rappelée au point 68 du présent arrêt.

77      Sur le fond, il convient de constater que, au point 405 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, s’agissant des effets positifs des mesures en cause retenus par la Commission, relevé que ces mesures faisaient partie d’un ensemble de mesures de politique énergétique prises par le Royaume-Uni dans le cadre de la réforme du marché de l’électricité, visant à réaliser la sécurité de l’approvisionnement, la diversification des sources et la décarbonisation, que le Royaume-Uni aurait besoin de nouvelles capacités de production d’énergie capables de fournir environ 60 gigawatts, que, eu égard aux prévisions de fermeture de centrales nucléaires et de centrales à charbon existantes, la construction de Hinkley Point C visait à limiter la chute de la contribution de l’énergie nucléaire aux besoins totaux d’électricité et que, selon la Commission, il ne serait pas possible de combler le futur déficit de capacités de production d’énergie causé, d’une part, par l’augmentation de la demande et, d’autre part, par la fermeture de centrales nucléaires et de centrales à charbon existantes en ayant recours uniquement aux énergies renouvelables.

78      Au point 413 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a également relevé que la Commission avait constaté que le caractère intermittent de nombreuses technologies renouvelables ne permettait pas de constituer une alternative acceptable à une technologie productrice d’électricité de base comme l’énergie nucléaire, que l’équivalent de la puissance qui devrait être fournie par Hinkley Point C correspondait à 14 gigawatts d’énergie éolienne sur terre ou à 11 gigawatts d’énergie éolienne en mer et qu’il n’était pas réaliste d’espérer que de telles capacités de production d’énergie éolienne puissent être construites dans le même délai que celui prévu pour la construction de Hinkley Point C.

79      Au point 507 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, selon les indications de la Commission, le projet de construction de Hinkley Point C visait uniquement à empêcher une chute drastique de la contribution de l’énergie nucléaire aux besoins totaux d’électricité et que, eu égard au droit du Royaume-Uni de déterminer son bouquet énergétique et de maintenir l’énergie nucléaire comme une source de ce bouquet, qui résulte de l’article 194, paragraphe 2, second alinéa, TFUE ainsi que de l’article 1er, deuxième alinéa, de l’article 2, sous c), et de l’article 192, premier alinéa, du traité Euratom, la décision de maintenir l’énergie nucléaire dans la structure d’approvisionnement ne saurait être considérée comme manifestement démesurée au regard des effets positifs qui résultent des mesures en cause.

80      Il ressort de ces constatations et de ces considérations que, contrairement à ce que soutient la République d’Autriche, le Tribunal a examiné la proportionnalité des mesures en cause non pas au regard du seul objectif de créer de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire, mais au regard des besoins d’approvisionnement en électricité du Royaume-Uni, tout en rappelant à bon droit que ce dernier est libre de déterminer la composition de son bouquet énergétique.

81      Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen est pour partie irrecevable et pour partie non fondée.

 Sur la deuxième branche du troisième moyen

–       Argumentation des parties

82      La République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, fait grief au Tribunal d’avoir, aux points 468 et suivants de l’arrêt attaqué, méconnu la valeur de précédent de la décision litigieuse en appréciant, à l’instar de la Commission, les effets des mesures en cause de manière isolée et en limitant l’examen de la proportionnalité aux seules distorsions de concurrence et altérations des échanges effectivement démontrables causées par ces mesures considérées isolément.

83      La Commission, la République tchèque, la République française, la Hongrie, la République slovaque et le Royaume-Uni font valoir que cette branche est dénuée de fondement.

–       Appréciation de la Cour

84      Il convient de rappeler que, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la procédure d’examen d’un projet tendant à instituer ou à modifier des aides, ouverte par la Commission en vertu de cette disposition, porte sur le projet qui lui a été notifié. Pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, il incombe à cette institution d’examiner si la seconde condition à laquelle est subordonnée la compatibilité d’une aide au titre de cette disposition est remplie en recherchant si l’aide envisagée n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

85      Il en découle que l’examen auquel doit se livrer cette institution ne porte que sur les effets de l’aide envisagée, au regard des informations dont elle pouvait disposer au moment où elle a arrêté sa décision (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 70), et ne saurait se fonder sur des spéculations quant à la valeur de précédent de la décision qu’elle est appelée à prendre ou sur d’autres considérations portant sur les effets cumulés de cette aide et d’autres projets d’aide susceptibles d’intervenir dans le futur.

86      Partant, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en limitant l’examen de la proportionnalité des mesures en cause aux seules distorsions de concurrence et altérations des échanges causées par celles-ci.

87      Il s’ensuit que la deuxième branche du troisième moyen est dénuée de fondement.

 Sur la troisième branche du troisième moyen

–       Argumentation des parties

88      La République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, fait grief au Tribunal d’avoir, aux points 470 et 499 de l’arrêt attaqué, rejeté son grief selon lequel les mesures en cause conduisent à une discrimination disproportionnée à l’égard des autres technologies, en relevant que, au considérant 403 de la décision litigieuse, la Commission avait indiqué que le contrat d’écart compensatoire ne désavantageait pas excessivement les autres technologies, car ces dernières pourraient être soutenues de manière satisfaisante au moyen du même type d’instrument, à l’exception des ajustements nécessaires pour tenir compte des différences entre les technologies. Confirmant ce grief, elle soutient que le traitement inégal, au regard du droit des aides d’État, de producteurs d’un même produit, qui sont concurrents sur le même marché, entraîne des distorsions de concurrence structurelles et démesurées.

89      La République slovaque estime que cette branche du troisième moyen est irrecevable au motif qu’elle est la répétition d’un moyen soulevé devant le Tribunal, qu’elle est trop générale et imprécise, n’exposant pas en quoi une erreur de droit aurait été commise, et qu’elle tend à un nouvel examen des faits.

90      La Commission, la République tchèque, la République française, la Hongrie et le Royaume-Uni font valoir que cette branche n’est pas fondée.

–       Appréciation de la Cour

91      Selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué, se limite à reproduire les moyens et les arguments déjà présentés devant le Tribunal. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (arrêt du 26 janvier 2017, Villeroy & Boch/Commission, C‑625/13 P, EU:C:2017:52, point 69 ainsi que jurisprudence citée).

92      Or, reprenant son grief avancé devant le Tribunal, la République d’Autriche n’expose pas les raisons pour lesquelles le Tribunal aurait commis une erreur de droit aux points 470 et 499 de l’arrêt attaqué.

93      Partant, la troisième branche du troisième moyen est irrecevable.

 Sur la quatrième branche du troisième moyen

–       Argumentation des parties

94      La République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, fait grief au Tribunal d’avoir omis, aux points 515 et suivants de l’arrêt attaqué, de procéder à un examen de la proportionnalité des mesures en cause en s’abstenant de mettre en balance les effets positifs et les effets négatifs de celles-ci, notamment leurs répercussions négatives sur l’environnement que la Commission était tenue de prendre en considération. L’insuffisance de la mise en balance effectuée par le Tribunal résulterait, notamment, de l’absence de prise en compte des coûts de traitement et de stockage des déchets nucléaires, qui constitueraient une suite nécessaire de la mise en service de la centrale nucléaire et, dans l’hypothèse où l’exploitant en serait libéré, feraient partie de l’aide en cause. Ne seraient dès lors pas compréhensibles les raisons pour lesquelles, au point 355 de cet arrêt, les dépenses relatives à la gestion des déchets n’ont pas été considérées comme étant visées par la décision litigieuse, ni la considération exposée au point 359 dudit arrêt selon laquelle la République d’Autriche a omis d’exercer un recours contre une décision de la Commission relative au transfert des déchets nucléaires.

95      La Commission, la République tchèque, la République française, la Hongrie, la République slovaque et le Royaume-Uni font valoir que cette branche n’est pas fondée.

–       Appréciation de la Cour

96      Aux points 505 à 530 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné et rejeté tous les arguments avancés par la République d’Autriche visant à contester la mise en balance des effets positifs et des effets négatifs des mesures en cause qui a été effectuée par la Commission dans la décision litigieuse. L’argument de la République d’Autriche selon lequel le Tribunal a omis de procéder à un examen de la proportionnalité desdites mesures en s’abstenant de mettre en balance les effets positifs et les effets négatifs de celles-ci n’est donc pas fondé.

97      S’agissant de l’argument avancé devant le Tribunal selon lequel la Commission n’a pas suffisamment tenu compte des principes de protection de l’environnement, de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité, le Tribunal a relevé, aux points 515 à 517 de l’arrêt attaqué, que, les mesures en cause ne visant pas spécifiquement à réaliser ces principes, la Commission n’était pas obligée d’en tenir compte dans le cadre de l’identification des avantages résultant de ces mesures.

98      Il a rappelé que, dans le cadre de l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, la Commission doit mettre en balance les avantages des mesures en cause et leur impact négatif sur le marché intérieur. Il a considéré cependant que, même si la protection de l’environnement doit être intégrée dans la définition et la mise en œuvre des politiques de l’Union, notamment celles destinées à établir le marché intérieur, elle ne constitue pas, à proprement parler, l’une des composantes de ce marché intérieur, défini comme un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée.

99      Partant, il a estimé que, lors de l’identification des effets négatifs des mesures en cause, la Commission n’avait pas à tenir compte de la mesure dans laquelle celles-ci étaient défavorables à la réalisation de ce principe, ce qui vaut également pour les principes de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité invoqués par la République d’Autriche.

100    À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que cela ressort de l’examen de la troisième branche du premier moyen, l’exigence de préserver et d’améliorer l’environnement, exprimée notamment à l’article 37 de la Charte ainsi qu’à l’article 11 et à l’article 194, paragraphe 1, TFUE, de même que les règles du droit de l’Union en matière d’environnement ont vocation à s’appliquer dans le secteur de l’énergie nucléaire. Il s’ensuit que, lorsque la Commission vérifie si une aide d’État en faveur d’une activité économique appartenant à ce secteur satisfait à la première condition posée à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, rappelée au point 19 du présent arrêt, elle doit, ainsi qu’il a été exposé aux points 44 et 45 de ce dernier, vérifier que ladite activité ne viole pas des règles du droit de l’Union en matière d’environnement. Si elle constate une violation de ces règles, elle est tenue de déclarer ladite aide incompatible avec le marché intérieur sans autre forme d’examen.

101    S’agissant cependant de la question de savoir si une telle aide d’État satisfait à la seconde condition posée à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, également rappelée au point 19 du présent arrêt, selon laquelle cette aide ne doit pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, celle-ci implique, comme l’a jugé à bon droit le Tribunal, de mettre en balance les effets positifs de l’aide envisagée pour le développement des activités que celle-ci vise à soutenir et les effets négatifs que peut avoir cette aide sur le marché intérieur. Or, l’article 26, paragraphe 2, TFUE indique que ce marché « comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités ». Partant, l’examen de la seconde condition prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE implique que la Commission prenne en considération les effets négatifs de l’aide d’État sur la concurrence et les échanges entre les États membres, mais n’exige pas de prendre en considération d’éventuels effets négatifs autres que ceux-ci.

102    Partant, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que, lors de l’identification des effets négatifs des mesures en cause, la Commission n’avait pas à tenir compte de la mesure dans laquelle celles-ci sont défavorables à la réalisation des principes de protection de l’environnement, de précaution, du pollueur-payeur et de durabilité invoqués par la République d’Autriche.

103    Par ailleurs, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a rejeté, au point 520 de l’arrêt attaqué, l’argument tiré de ce que la Commission a omis de prendre en considération les coûts de stockage des déchets nucléaires en se référant au constat figurant au point 355 de cet arrêt, selon lequel les mesures d’aide déclarées compatibles dans la décision litigieuse portent uniquement sur la construction et l’exploitation d’une centrale nucléaire et non pas sur une éventuelle aide d’État visant à couvrir les dépenses relatives à la gestion et au stockage de ces déchets. Dans la mesure où, ainsi que l’a relevé le Tribunal au point 359 dudit arrêt, le Royaume-Uni n’a accordé une telle aide d’État que postérieurement à l’adoption de la décision litigieuse, c’est à juste titre qu’il a été constaté à ce point que l’octroi de cette aide ne pouvait entrer en ligne de compte lors de l’examen de la légalité de la décision litigieuse.

104    Il s’ensuit que la quatrième branche du troisième moyen n’est pas fondée. En conséquence, ce troisième moyen du pourvoi doit être écarté.

 Sur le quatrième moyen

105    Par son quatrième moyen, la République d’Autriche fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en méconnaissant que les mesures en cause constituaient une aide au fonctionnement et qu’elles étaient dès lors incompatibles avec le marché intérieur.

 Argumentation des parties

106    La République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, en mentionnant les points 612 et 613 de l’arrêt attaqué, fait grief au Tribunal d’avoir admis que pouvaient être déclarées compatibles avec le marché intérieur des aides au fonctionnement telles que celles prévues en faveur de Hinkley Point C, en considérant que la distinction entre les aides à l’investissement et les aides au fonctionnement était dénuée de pertinence. Or, ces dernières ne seraient autorisées sur un marché libéralisé de produits qu’à titre tout à fait exceptionnel, pour une durée limitée ; elles ne contribueraient pas au développement d’une activité, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE et elles fausseraient les conditions des échanges dans le secteur économique dans lequel elles sont octroyées dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

107    En outre, le Tribunal aurait erré en droit en considérant que la Commission n’est pas tenue de faire une telle distinction en dehors du champ d’application de l’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement (JO 1994, C 72, p. 3), cette considération étant contraire au principe d’égalité de traitement.

108    La Commission, la République tchèque, la République française, la Hongrie, la République de Pologne, la République slovaque et le Royaume-Uni font valoir que ce moyen n’est pas fondé.

 Appréciation de la Cour

109    Il convient d’observer que la République d’Autriche ne mentionne, dans le cadre de ce moyen, que les points 612 et 613 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a constaté qu’il ressortait de l’arrêt du 26 septembre 2002, Espagne/Commission (C‑351/98, EU:C:2002:530, points 76 et 77), que l’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement, applicable dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, distinguait explicitement les aides à l’investissement et les aides au fonctionnement et que la Commission, qui était liée par cet encadrement, était tenue de qualifier l’aide en cause en fonction des catégories prévues par ledit encadrement, mais qu’il ne ressortait pas dudit arrêt que la Commission était tenue de se référer à ces catégories en dehors du champ d’application de l’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement.

110    Cependant, ces points de l’arrêt attaqué ne peuvent se lire indépendamment des points 575 à 609 de cet arrêt qui les précèdent, l’ensemble de ces points contenant les motifs par lesquels le Tribunal a rejeté le moyen de la République d’Autriche tiré de ce que la Commission aurait dû qualifier les mesures en cause d’« aides au fonctionnement incompatibles avec le marché intérieur ».

111    Ce moyen visait, ainsi que cela est indiqué au point 575 dudit arrêt, les considérants de la décision litigieuse dans lesquels la Commission a exposé que les mesures impliquant une aide au fonctionnement n’étaient en principe pas conformes à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, mais que les mesures en cause devaient être considérées comme étant équivalentes à une aide à l’investissement, puisqu’elles devaient permettre à NNBG de s’engager à investir dans la construction de Hinkley Point C. La Commission a notamment considéré à cet égard que, « du point de vue de la modélisation financière, la valeur actuelle nette des paiements au titre du prix d’exercice pouvait être perçue comme équivalant à un paiement forfaitaire permettant à NNBG de couvrir les coûts de construction ».

112    Dans ces motifs, le Tribunal a, tout d’abord, relevé, aux points 579 et 580 de l’arrêt attaqué, que, selon une jurisprudence établie, les aides destinées au maintien du statu quo ou à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales ne peuvent pas être considérées comme étant compatibles avec le marché intérieur, car elles ne sont pas de nature à faciliter le développement d’une activité économique, au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

113    Ensuite, aux points 581 à 583 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la Commission n’avait pas remis en cause cette jurisprudence, mais avait considéré qu’elle ne s’appliquait pas aux mesures en cause en raison de la spécificité du projet et du fait que ces mesures visaient à permettre à NNBG de s’engager à investir dans la construction de Hinkley Point C. Il a considéré que cette approche n’était pas erronée, rien ne s’opposant à ce qu’une mesure d’aide qui satisfait aux exigences de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE soit déclarée compatible avec le marché intérieur en application de cette disposition, indépendamment de la question de savoir si elle doit être qualifiée d’« aide à l’investissement » ou d’« aide au fonctionnement ».

114    Enfin, aux points 584 et 585 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a notamment considéré que les mesures en cause ne sauraient être considérées comme des aides se limitant à maintenir le statu quo ni comme des aides se limitant à diminuer les dépenses courantes et habituelles d’exploitation qu’une entreprise aurait de toute manière dû supporter dans le cadre de son activité normale, en relevant que, en leur absence, aucun investissement dans de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire ne serait effectué en temps utile et qu’elles avaient un effet incitatif, en diminuant les risques liés aux investissements en vue d’assurer la rentabilité de ceux-ci.

115    Plus particulièrement, le Tribunal a rejeté les arguments de la République d’Autriche visant le contrat d’écart compensatoire en constatant, notamment, au point 589 de l’arrêt attaqué, qu’il s’agissait d’un instrument de couverture des risques sous la forme d’un stabilisateur des prix, offrant une sécurité et une stabilité des revenus, possédant ainsi un effet incitatif pour les investissements en garantissant un niveau de prix déterminé et stable.

116    Au point 593 de cet arrêt, il a relevé que le prix d’exercice autorisé par la Commission tenait compte tant du prix de construction de Hinkley Point C que des coûts d’exploitation de cette unité, car « ces coûts influent sur la rentabilité du projet et ont donc un impact sur le montant que le prix d’exercice doit atteindre pour déclencher la décision d’investissement dans de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire ».

117    Il a également considéré, au point 594 dudit arrêt, que le fait que, au bout de 15 ans et de 25 ans, le prix d’exercice puisse être révisé et qu’il soit alors tenu compte d’éléments concernant les coûts d’exploitation ne remettait pas en cause le lien entre les mesures en cause et la création de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire, étant donné que, eu égard au fait que les coûts d’exploitation sur la base desquels le prix d’exercice a été calculé doivent être estimés ex ante et que la durée d’exploitation de Hinkley Point C sera très longue, la possibilité de telles révisions vise à atténuer les risques relatifs aux coûts à long terme pour les deux parties, en vue d’augmenter ou de diminuer le montant du prix d’exercice garanti par le contrat d’écart compensatoire.

118    En rejetant pour ces motifs, notamment, le moyen avancé devant lui, tiré de ce que la Commission aurait dû qualifier les mesures en cause d’aides au fonctionnement incompatibles avec le marché intérieur, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit.

119    En effet, en premier lieu, c’est à bon droit que le Tribunal a rappelé que les aides au fonctionnement ne peuvent, en principe, satisfaire aux conditions d’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, car de telles aides, dès lors qu’elles se limitent à maintenir une situation existante ou à diminuer les dépenses courantes et habituelles d’exploitation qu’une entreprise aurait de toute manière dû supporter dans le cadre de son activité normale, ne peuvent être considérées comme étant destinées à faciliter le développement d’une activité économique et sont de nature à altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun (voir, en ce sens, arrêts du 6 novembre 1990, Italie/Commission, C‑86/89, EU:C:1990:373, point 18 ; du 5 octobre 2000, Allemagne/Commission, C‑288/96, EU:C:2000:537, points 88 à 91, ainsi que du 21 juillet 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen-Anhalt/Commission, C‑459/10 P, non publié, EU:C:2011:515, points 33 à 36).

120    En deuxième lieu, en considérant, en substance, que la Commission n’avait pas commis d’erreur en constatant que les mesures en cause permettaient à NNBG de s’engager dans la construction de Hinkley Point C et que, sans elles, la création de nouvelles capacités de production d’énergie nucléaire ne pouvait se faire, le Tribunal a dûment vérifié que l’ensemble de ces mesures étaient de nature à faciliter le développement d’une activité économique et n’altéraient pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

121    En troisième lieu, le Tribunal n’était pas tenu, pour procéder à cette vérification, de qualifier formellement les mesures en cause d’« aides à l’investissement » ou d’« aides au fonctionnement », comme il l’eût été pour apprécier l’examen par la Commission de la compatibilité d’une aide à laquelle l’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement était applicable. Au demeurant, il ressort des motifs de l’arrêt attaqué que la Commission a estimé que les mesures en cause devaient être considérées comme étant équivalentes à une aide à l’investissement et que le Tribunal a confirmé cette appréciation.

122    Il s’ensuit que le quatrième moyen du pourvoi n’est pas fondé et doit donc être écarté.

 Sur le cinquième moyen

123    Par son cinquième moyen, la République d’Autriche fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, d’une part, en définissant les éléments de l’aide de manière insuffisante et, d’autre part, en omettant de constater une inobservation de la communication de la Commission sur l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État sous la forme de garanties (JO 2008, C 155, p. 10, ci-après la « communication sur les garanties »).

 Sur la première branche du cinquième moyen

–       Argumentation des parties

124    La République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, fait grief au Tribunal d’avoir insuffisamment défini les éléments de l’aide. En visant les points 251 et suivants de l’arrêt attaqué, elle allègue que, contrairement à ce que le Tribunal affirme, elle a soutenu non pas que les mesures en cause n’étaient pas exactement quantifiables, mais que les éléments de l’aide ont été insuffisamment déterminés, et ce en violation de toute une série de lignes directrices et de règlements en matière d’aides d’État comme elle l’a exposé dans sa requête devant le Tribunal.

125    Ne serait pas compréhensible la raison pour laquelle ces règlements et ces lignes directrices ne seraient pas applicables en l’espèce, compte tenu des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination. Cette indétermination empêcherait d’apprécier correctement la proportionnalité de l’aide et ne permettrait pas non plus, le budget initial n’étant pas déterminable, de respecter, en cas d’augmentation de ce budget, l’obligation d’effectuer une nouvelle notification conformément à l’article 1er, sous c), du règlement (UE) no 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9), lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (JO 2004, L 140, p. 1), en vertu desquels une augmentation de 20 % du budget initial approuvé par la Commission conduit à une modification de l’aide. La conclusion du Tribunal, au point 361 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’octroi éventuel d’aides d’État supplémentaires ne fait pas l’objet de la décision litigieuse serait donc erronée.

126    La République d’Autriche soutient, en outre, que le caractère indéterminable des coûts de traitement et de stockage des déchets nucléaires et la mesure d’aide en cas de fermeture anticipée de la centrale nucléaire de Hinkley Point démontrent que les éléments de l’aide n’étaient pas déterminés. S’agissant de la mesure d’aide en cas de fermeture anticipée, le point 279 de l’arrêt attaqué confirmerait que les modalités exactes du mécanisme de compensation n’étaient pas connues de la Commission à la date de l’adoption de la décision litigieuse et que cette institution ne disposait donc pas d’informations qui auraient confirmé l’impossibilité de toute surcompensation, laquelle ne pourrait jamais être exclue. Ce motif aurait dû conduire à lui seul au rejet des mesures en cause.

127    La Commission fait valoir que l’argument de la République d’Autriche concernant l’applicabilité des divers règlements et lignes directrices est irrecevable, la République d’Autriche ne donnant pas le moindre indice de la nature de l’erreur de droit qui aurait été commise. Sont également irrecevables, selon elle, les autres arguments avancés, ceux-ci n’ayant pas été invoqués devant le Tribunal. La République slovaque estime également que ces arguments sont irrecevables soit parce qu’ils réitèrent des arguments avancés devant le Tribunal, soit parce qu’ils sont trop généraux et imprécis.

128    La Commission, la République française, la Hongrie et le Royaume-Uni font valoir que cette branche du cinquième moyen est, en tout état de cause, non fondée.

–       Appréciation de la Cour

129    Tout d’abord, il y a lieu d’observer que la République d’Autriche avait, au point 113 de sa requête devant le Tribunal, fait valoir que, « [f]aute de détermination suffisante de l’élément de l’aide, c’est au final non seulement le montant des différentes mesures d’aide, mais également le montant de l’équivalent-subvention brut de toutes les aides qui demeurent incertains », de sorte qu’il était a priori impossible pour la Commission de vérifier la compatibilité des mesures en cause avec le marché intérieur. Il n’apparaît pas, dès lors, que le Tribunal ait dénaturé son argument en relevant, au point 247 de l’arrêt attaqué, que la République d’Autriche soutenait, en substance, que c’est uniquement après avoir quantifié le montant exact de l’équivalent-subvention des mesures en cause que la Commission aurait pu se prononcer sur la compatibilité de celles-ci avec le marché intérieur en application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

130    Ensuite, l’argument de la République d’Autriche selon lequel la détermination insuffisante de l’aide emporte la violation de « toute une série de lignes directrices et de règlements », déjà exposé dans sa requête devant le Tribunal, doit être déclaré comme étant irrecevable, pour les motifs exposés au point 91 du présent arrêt. En effet, le pourvoi renvoie à l’argumentation exposée à ce sujet devant le Tribunal et n’identifie pas précisément les erreurs de droit que celui-ci aurait commises. Il en est de même de l’argument selon lequel il serait impossible d’apprécier correctement la proportionnalité d’une aide si ses éléments n’ont pas été suffisamment déterminés, dans la mesure où ne sont pas indiqués de manière précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué.

131    Est également irrecevable l’argument de la République d’Autriche relatif à la modification d’une aide existante et tiré d’une violation de l’article 1er, sous c), du règlement no 2015/1589, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 794/2004, cet argument n’ayant pas été soulevé devant le Tribunal (voir, en ce sens, arrêts du 19 juillet 2012, Alliance One International et Standard Commercial Tobacco/Commission, C‑628/10 P et C‑14/11 P, EU:C:2012:479, point 111, ainsi que du 28 juillet 2016, Tomana e.a./Conseil et Commission, C‑330/15 P, non publié, EU:C:2016:601, point 33).

132    De plus, la République d’Autriche n’a pas critiqué dans son pourvoi le point 266 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a rappelé que l’autorisation donnée par la Commission portait seulement sur le projet tel qu’il lui a été notifié et que toute modification ultérieure de nature à influencer l’évaluation de la compatibilité des mesures en cause avec le marché intérieur devrait faire l’objet d’une nouvelle notification.

133    La République d’Autriche vise, dans ce contexte, le point 361 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a motivé le rejet de son argument selon lequel des aides supplémentaires en faveur de Hinkley Point C pourraient éventuellement être octroyées sous la forme d’une garantie publique dans le futur. Toutefois, pour un motif analogue à celui exposé au point 103 du présent arrêt, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en relevant que cet argument n’était pas susceptible de remettre en cause la légalité de la décision litigieuse et ne pouvait dès lors être pris en compte dans le cadre du recours dont il était saisi, dont l’unique objet était la demande d’annulation de cette décision portant sur les mesures en cause.

134    De même, ainsi qu’il a été constaté audit point 103, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a rejeté l’argument tiré du caractère indéterminable des coûts de traitement et de stockage des déchets nucléaires en relevant, au point 355 de l’arrêt attaqué, que les mesures d’aide déclarées compatibles par la Commission portent uniquement sur le contrat d’écart compensatoire, sur l’accord du secrétaire d’État ainsi que sur la garantie de crédit et que la décision litigieuse ne vise pas une éventuelle aide d’État accordée par le Royaume-Uni pour couvrir les dépenses relatives à la gestion et au stockage de ces déchets.

135    S’agissant, enfin, de l’argument relatif à la mesure d’aide en cas de fermeture anticipée de la centrale nucléaire de Hinkley Point et une éventuelle surcompensation, la République d’Autriche n’établit pas que le Tribunal a commis une erreur de droit en relevant, au point 279 de l’arrêt attaqué, après avoir admis que les modalités exactes du mécanisme de compensation n’étaient pas connues de la Commission à la date de l’adoption de la décision litigieuse, que la Commission se limitait à autoriser dans celle-ci le projet notifié par le Royaume-Uni et que, dans l’hypothèse où, postérieurement à cette décision, le Royaume-Uni déciderait de verser une compensation dépassant le montant nécessaire pour compenser une privation de propriété, il s’agirait d’un avantage qui ne serait pas couvert par ladite décision et qui devrait donc être notifié à la Commission.

136    Il s’ensuit que la première branche du cinquième moyen est pour partie irrecevable et pour partie non fondée.

 Sur la seconde branche du cinquième moyen

–       Argumentation des parties

137    La République d’Autriche, soutenue par le Grand-Duché de Luxembourg, fait grief au Tribunal d’avoir, au point 309 de l’arrêt attaqué, laissé en suspens la question de savoir si la Commission devait appliquer la communication sur les garanties, se bornant à suggérer que les critères de cette communication auraient de toute façon été respectés.

138    La section 4.2 de la communication sur les garanties imposerait, en tout état de cause, de quantifier l’élément d’aide contenu dans la garantie accordée, à savoir l’avantage ainsi procuré au bénéficiaire. Serait, dès lors, incompréhensible l’appréciation du Tribunal, au point 300 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la garantie de crédit était soumise à des conditions habituelles de marché. Le Tribunal aurait dérogé à la jurisprudence relative à l’avantage procuré, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

139    La République d’Autriche renvoie, également, aux sections 3.2 et 4.1 de la communication sur les garanties, en vertu desquelles, en présence de garanties individuelles, la Commission doit vérifier si l’emprunteur n’est pas en difficulté financière, au sens des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2, ci-après les « lignes directrices sur les entreprises en difficulté »). Étant donné que, en l’espèce, les conditions de conformité avec ces lignes directrices ne sont pas réunies, la Commission n’aurait pu déclarer la garantie de crédit compatible avec le marché intérieur. Au lieu de relever cette erreur, le Tribunal aurait, au point 338 de l’arrêt attaqué, inversé la charge de la preuve en relevant que la République d’Autriche et le Grand-Duché de Luxembourg n’avaient pas exposé dans quelle mesure EDF rencontrait des difficultés financières.

140    Outre la détermination de l’élément d’aide, la communication sur les garanties prévoirait, à sa section 4.1.b, que la garantie publique doit porter sur un montant maximum déterminé et être limitée dans le temps. L’arrêt attaqué serait également entaché d’une erreur de droit à cet égard.

141    La Commission estime que cette branche est irrecevable, ne permettant pas de comprendre en quoi le Tribunal aurait commis des erreurs de droit susceptibles d’entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué.

142    En tout état de cause, la Commission, la République française, la Hongrie, la République slovaque et le Royaume-Uni considèrent que cette branche n’est pas fondée.

–       Appréciation de la Cour

143    Il convient de faire observer que, au point 309 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, « indépendamment de la question de savoir si la Commission était, dans le cas d’espèce, tenue de prendre en compte les critères prévus dans la communication sur les garanties, les arguments avancés par le Grand-Duché de Luxembourg et la République d’Autriche sont voués au rejet pour les raisons suivantes ». Ces raisons sont exposées aux points 310 à 349 de l’arrêt attaqué dans lesquels le Tribunal a répondu point par point à tous les arguments avancés tendant à démontrer que la Commission n’avait pas observé cette communication.

144    Or, parmi ces points, le pourvoi ne vise que le point 338 de cet arrêt dans lequel le Tribunal a relevé que les éléments de preuve soumis par la République d’Autriche et le Grand-Duché de Luxembourg n’étaient pas susceptibles de démontrer qu’EDF rencontrait des difficultés financières, au sens du paragraphe 9 des lignes directrices sur les entreprises en difficulté et que, partant, il y avait lieu de rejeter l’argument de ces États membres selon lequel, en raison du fait qu’EDF aurait été une entreprise en difficulté, la Commission aurait dû considérer que l’élément d’aide contenu dans la garantie de crédit était aussi élevé que le montant effectivement couvert par cette garantie.

145    Il apparaît ainsi que le premier argument de la République d’Autriche, selon lequel le Tribunal aurait laissé en suspens la question de savoir si la Commission devait appliquer la communication sur les garanties, est non fondé, dans la mesure où le Tribunal a néanmoins examiné l’ensemble des arguments tirés de l’inobservation de cette communication et que les réponses qu’il a données à ces arguments, à l’exception de celle contenue au point 338 de l’arrêt attaqué, ne sont pas critiquées.

146    Au point 300 de l’arrêt attaqué, visé par le second argument de la République d’Autriche, le Tribunal a écarté l’argument de cet État membre selon lequel la Commission avait commis une erreur en tenant compte, lors de l’appréciation du risque de défaillance du projet en vue de la fixation d’un taux de garantie adéquat, des effets du contrat d’écart compensatoire et de l’accord du secrétaire d’État. Il a relevé, en substance, que rien ne s’opposait à la prise en compte de ces effets, car les mesures en cause formaient une unité et les effets de celles-ci, notamment le flux de recettes garanti par le contrat d’écart compensatoire, étaient des éléments pertinents pour l’analyse de la probabilité du risque de défaillance du projet.

147    Or, force est de constater que cet argument repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué en ce que le point 300 de celui-ci ne fait pas mention de ce que, malgré la prise en compte du contrat d’écart compensatoire et de l’accord du secrétaire d’État, la garantie de crédit était soumise aux conditions habituelles de marché.

148    S’agissant du troisième argument de la République d’Autriche, selon lequel le Tribunal aurait omis de constater que la Commission avait commis une erreur de droit, au regard de la communication sur les garanties imposant de rechercher si l’emprunteur n’est pas en difficulté financière, au sens des lignes directrices sur les entreprises en difficulté, et aurait inversé à cet égard la charge de la preuve au point 338 de l’arrêt attaqué, il convient de faire observer que, d’une part, les parties de cette communication sur lesquelles se fonde cet État membre portent non pas sur l’appréciation de la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur, mais sur l’existence d’une aide d’État.

149    D’autre part, ledit point 338 de cet arrêt, seul visé par la République d’Autriche à l’appui de cet argument, ne fait que conclure l’examen, effectué aux points 323 à 337 de cet arrêt, des allégations de la République d’Autriche et du Grand-Duché de Luxembourg selon lesquelles les éléments de preuve qu’ils ont soumis pour la première fois au cours de la procédure devant le Tribunal démontreraient qu’EDF rencontrait des difficultés financières. Or, en concluant, après les avoir examinés, que ces éléments de preuve n’étaient pas susceptibles de démontrer qu’EDF rencontrait des difficultés financières, au sens du paragraphe 9 des lignes directrices sur les entreprises en difficulté, le Tribunal n’a pas inversé la charge de la preuve comme le prétend la République d’Autriche. Partant, cet argument n’est pas fondé.

150    Quant au dernier argument de la République d’Autriche, selon lequel une garantie publique doit porter sur un montant maximum déterminé et être limitée dans le temps, il convient de relever qu’il est irrecevable, conformément à la jurisprudence rappelée au point 91 du présent arrêt, dans la mesure où il n’indique pas de manière précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée.

151    Il s’ensuit que la seconde branche du cinquième moyen est pour partie irrecevable et pour partie non fondée. En conséquence, ce cinquième moyen du pourvoi doit être écarté.

152    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le pourvoi.

 Sur les dépens

153    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

154    En l’espèce, la Commission ayant conclu à la condamnation de la République d’Autriche aux dépens et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens afférents au pourvoi, ceux exposés par la Commission.

155    L’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, prévoit que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, la République tchèque, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, la Hongrie, la République de Pologne, la République slovaque et le Royaume-Uni supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      La République d’Autriche est condamnée à supporter, outre ses propres dépens afférents au pourvoi, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La République tchèque, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, la Hongrie, la République de Pologne, la République slovaque et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportent leurs propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.