Language of document : ECLI:EU:T:2014:154

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

25 mars 2014 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale Leistung aus Leidenschaft – Marque constituée d’un slogan publicitaire – Motifs absolus de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) nº 207/2009 – Égalité de traitement – Obligation de motivation – Éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal »

Dans l’affaire T‑539/11,

Deutsche Bank AG, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne), représentée par Mes R. Lange, T. Götting et G. Hild, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 3 août 2011 (affaire R 188/2011‑4), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal Leistung aus Leidenschaft comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni (rapporteur) et L. Madise, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 octobre 2011,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 12 janvier 2012,

à la suite de l’audience du 14 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 juillet 2010, la requérante, Deutsche Bank AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Leistung aus Leidenschaft.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 35, 36 et 38 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        Classe 35 : « Publicité ; gestion d’entreprise ; administration commerciale ; travaux de bureau » ;

–        Classe 36 : « Assurances ; affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières » ;

–        Classe 38 : « Télécommunications ».

4        Le 30 août 2010, l’examinatrice a, conformément à la règle 11, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), informé la requérante de ses objections à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée, fondées sur l’article 7, paragraphe 1, sous b), et sur l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009. La requérante a maintenu sa demande d’enregistrement.

5        Par décision du 29 novembre 2010, l’examinatrice a rejeté la demande de marque sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

6        Le 21 janvier 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de l’examinatrice.

7        Par décision du 3 août 2011, la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Après avoir constaté que les services visés dans la demande d’enregistrement s’adressaient à la fois au consommateur moyen et à des spécialistes tels que des acheteurs commerciaux, la chambre de recours a d’abord constaté, au point 14 de la décision attaquée, que la marque demandée était un slogan publicitaire, ce dont elle a déduit un niveau d’attention peu élevé de la part du public pertinent. La chambre de recours a ensuite relevé que la marque demandée ne contenait aucun terme appartenant à une terminologie spécifique (point 14 de la décision attaquée), qu’elle était, dès lors, compréhensible par tous les publics et qu’elle transmettait le message selon lequel la requérante proposait ses prestations avec un engagement particulier (point 16 de la décision attaquée). Elle a ajouté, aux points 17 et 19 de la décision attaquée, que la marque demandée consistait en une affirmation qui pouvait concerner tous les services visés dans la demande de marque et tous les prestataires de ces services. Elle a enfin considéré, au point 23 de la décision attaquée, que la marque demandée se limitait à transmettre aux consommateurs l’idée que les services proposés par la requérante étaient d’une qualité très élevée, parce qu’ils étaient fournis par un prestataire particulièrement engagé, mais qu’elle ne contenait pas d’éléments permettant au public de la mémoriser en tant qu’indication d’une origine commerciale déterminée. La chambre de recours a déduit de ce qui précède que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et a, en conséquence, rejeté le recours et refusé l’enregistrement de cette marque (point 24 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

9        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

10      Au soutien de son recours, la requérante indique qu’elle soulève un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Il y a cependant lieu de procéder à l’examen des arguments exposés dans la requête en les réorganisant en trois moyens tirés, le premier, d’une insuffisance de motivation, le deuxième, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et, le troisième, d’une violation du principe d’égalité.

 Sur le premier moyen, tiré d’une insuffisance de motivation

11      La requérante estime que la chambre de recours n’a pas suffisamment étayé son affirmation selon laquelle il n’y avait pas lieu d’apprécier le caractère distinctif de la marque demandée en effectuant une distinction entre les différents services visés par celle-ci. De même, elle n’aurait pas étayé sa conclusion selon laquelle la marque demandée n’aurait pas de caractère distinctif et se serait bornée à souligner que cette marque est constituée d’une formule promotionnelle.

12      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

13      Aux termes de l’article 75 du règlement n° 207/2009, « [l]es décisions de l'Office sont motivées. ». Selon la jurisprudence, l’obligation de motivation des décisions de l’OHMI consacrée à cet article a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, qui exige de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité de la décision. Une telle obligation peut être satisfaite sans qu’il soit nécessaire de répondre expressément et de manière exhaustive à l’ensemble des arguments avancés (ordonnance de la Cour du 25 novembre 2010, Lufthansa AirPlus Servicekarten/OHMI, C‑216/10 P, non publiée au Recueil, points 39 et 40).

14      S’agissant, en premier lieu, de l’argument relatif à l’insuffisance de motivation de l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle elle n’était pas tenue d’apprécier le caractère distinctif de la marque demandée en effectuant une distinction entre les différents services visés par celle-ci, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, d’une part, l’examen des motifs absolus de refus doit porter sur chacun des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, la décision par laquelle l’autorité compétente refuse l’enregistrement d’une marque doit en principe être motivée pour chacun desdits produits ou desdits services (arrêt de la Cour du 15 février 2007, BVBA Management, Training en Consultancy, C‑239/05, Rec. p. I‑1455, point 34, et ordonnance de la Cour du 18 mars 2010, CFCMCEE/OHMI, C‑282/09 P, Rec. p. I‑2395, point 37). Néanmoins, l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services (arrêt BVBA Management, Training en Consultancy, précité, point 37, et ordonnance CFCMCEE/OHMI, précitée, point 38).

15      La possibilité pour l’OHMI de procéder à une motivation globale concernant l’application d’un motif absolu de refus à une catégorie ou à un groupe de produits ou de services ne devant cependant pas faire échec à l’objectif du devoir de motivation, qui consiste à soumettre une décision refusant l’enregistrement d’une marque communautaire à un contrôle juridictionnel effectif, il y a lieu d’exiger que les produits ou les services concernés présentent entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils forment une catégorie ou un groupe de produits ou de services d’une homogénéité suffisante pour permettre à l’OHMI une telle motivation globale, le seul fait que les produits ou les services concernés relèvent de la même classe au sens de l’arrangement de Nice n’étant pas suffisant à cet effet (voir, en ce sens, ordonnance CFCMCEE/OHMI, point 14 supra, point 40).

16      En l’espèce, il ressort du point 17 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que le message transmis par le signe verbal en cause pouvait concerner l’ensemble des services de la demanderesse, ceux-ci pouvant tous être fournis avec un engagement particulier, qu’il s’agisse de la publicité, des services d’assurance, des services financiers ou des télécommunications. Compte tenu de la signification très générale de la marque demandée, la chambre de recours a ainsi suffisamment motivé la décision attaquée, sans qu’il ne lui ait été nécessaire de fournir une motivation plus détaillée pour chaque catégorie de services concernée. En effet, celle-ci a permis à la requérante de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre ses droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité à l’égard de la décision attaquée.

17      Il convient donc d’écarter ce premier argument.

18      S’agissant, en second lieu, de l’argument relatif à l’insuffisance de motivation de la décision en ce qu’elle a conclu à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée, il résulte notamment des points 16 à 23 de la décision attaquée que la chambre de recours, après avoir rappelé les principes applicables aux marques constituées de slogans promotionnels, a effectué une analyse précise de chacun des éléments constituant la marque demandée, ainsi que de celle-ci dans son ensemble, afin de mesurer la perception de ladite marque par le public pertinent pour les services concernés. Après avoir constaté que le signe en cause n’était pas apte à constituer une indication de l’origine commerciale des services concernés, elle a conclu, au point 24 de la décision attaquée, qu’il était dépourvu de tout caractère distinctif. Contrairement à ce que soutient la requérante, elle ne s’est donc pas limitée à constater que la marque demandée était constituée d’une formule promotionnelle.

19      Il convient donc d’écarter le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

20      La requérante soutient, d’une part, que la chambre de recours a exigé un niveau de preuve trop élevé pour établir le caractère distinctif d’une marque constituée d’un slogan publicitaire et, d’autre part, que la chambre de recours a fait une application inexacte de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

21      En premier lieu, la requérante considère que la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait qu’une marque constituée d’une combinaison de mots qui peut être utilisée en tant que slogan publicitaire peut également délivrer un message objectif et a exigé un niveau de preuve trop élevé pour établir le caractère distinctif de la marque demandée.

22      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

23      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

24      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ces produits de ceux issus d’autres entreprises [voir arrêt de la Cour du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, Rec. p. I‑10205, point 42, et la jurisprudence citée ; voir également arrêt du Tribunal du 10 octobre 2007, Bang & Olufsen/OHMI (Forme d’un haut-parleur), T‑460/05, Rec. p. II‑4207, point 27].

25      Le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir arrêt Freixenet/OHMI, point 24 supra, point 43, et la jurisprudence citée). Le niveau d’attention du consommateur moyen est toutefois susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 26).

26      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation (arrêts de la Cour du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, Rec. p. I‑10031, point 41, et du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, Rec. p. I‑535, point 35 ; voir, par analogie, arrêt de la Cour du 4 octobre 2001, Merz & Krell, C‑517/99, Rec. p. I‑6959, point 40).

27      Quant à l’appréciation du caractère distinctif de telles marques, la Cour a déjà jugé qu’il n’y a pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (arrêts OHMI/Erpo Möbelwerk, point 26 supra, points 32 et 44, et Audi/OHMI, point 26 supra, point 36).

28      La Cour a ainsi jugé qu’il ne saurait être exigé qu’un slogan publicitaire présente un « caractère de fantaisie », voire un « champ de tension conceptuelle, qui aurait pour conséquence un effet de surprise et dont on pourrait de ce fait se rappeler » pour qu’un tel slogan soit revêtu du caractère minimal distinctif requis par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 (arrêt Audi/OHMI, point 26 supra, point 39 ; voir également arrêt OHMI/Erpo Möbelwerk, point 26 supra, points 31 et 32).

29      Il s’ensuit qu’une marque constituée d’un slogan publicitaire doit être considérée comme dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle. En revanche, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication d’origine commerciale des produits et des services visés [arrêts du Tribunal du 11 décembre 2012, Fomanu/OHMI (Qualität hat Zukunft), T‑22/12, non publié au Recueil, point 22, et du 6 juin 2013, Interroll/OHMI (Inspired by efficiency), T‑126/12, non publié au Recueil, point 24].

30      En l’espèce, il ressort des points 9 à 11 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que l’enregistrement d’une marque composée de signes par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires ou indications de qualité n’était pas exclu, mais qu’il importait de vérifier que cette marque possède des éléments qui pourraient, au-delà de leur signification promotionnelle évidente, permettre au public de mémoriser facilement et immédiatement l’expression en tant que marque distinctive pour les services concernés. Elle a donc estimé qu’il lui appartenait d’examiner si la marque demandée pouvait être perçue d’emblée comme une indication de l’origine commerciale des services en cause (point 12 de la décision attaquée). À l’issue de cet examen, elle est parvenue à la conclusion que le signe verbal en cause ne contenait pas de composantes qui pourraient permettre au public visé de les mémoriser en tant que marque d’une origine commerciale déterminée (point 23 de la décision attaquée).

31      Contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a donc interprété les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 de manière conforme à la jurisprudence, en considérant notamment qu’une marque constituée d’une combinaison de mots pouvant être utilisée en tant que slogan publicitaire pouvait également délivrer un message objectif et en n’exigeant pas que cette marque présente un caractère de fantaisie ou d’originalité plus important que les autres signes.

32      Il convient donc d’écarter la première branche du deuxième moyen.

33      En second lieu, la requérante estime que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que la marque demandée n’était pas apte à indiquer l’origine des services concernés. Ses arguments sont tirés, premièrement, du défaut d’examen de la marque verbale demandée dans son ensemble, deuxièmement, de l’absence de prise en compte de l’originalité de ladite marque et, troisièmement, de son utilisation antérieure, alors qu’elle aurait déjà été enregistrée dans de nombreux pays.

 Sur le défaut d’examen d’ensemble de la marque demandée

34      La requérante soutient que la chambre de recours n’aurait pas examiné le slogan dans son ensemble.

35      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

36      Il résulte d’une jurisprudence constante que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails. Aussi, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit (arrêts de la Cour du 29 avril 2004, Procter & Gamble/OHMI, C‑468/01 P à C‑472/01 P, Rec. p. I‑5141, point 44, et du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, Rec. p. I‑9165, point 20). Cela ne fait toutefois pas obstacle à ce que l’autorité compétente, chargée de vérifier si la marque dont l’enregistrement est demandé peut être perçue par le public comme une indication d’origine, procède, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale effectuée par ladite autorité, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir arrêt de la Cour du 30 juin 2005, Eurocermex/OHMI, C‑286/04 P, Rec. p. I‑5797, point 23, et la jurisprudence citée).

37      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a effectué un examen des termes composant la marque demandée dans leur ensemble. En effet, aux points 16 à 20 de la décision attaquée, la chambre de recours a tout d’abord décrit et analysé la signification de la marque dans son ensemble. Puis, au point 21 de la décision attaquée, elle a examiné si le slogan en cause présentait une structure formelle inhabituelle en analysant chacun des deux substantifs la composant, ainsi que le slogan dans son ensemble.

38      Il convient donc de regarder cet argument comme non fondé.

 Sur l’absence de prise en compte de l’originalité de la marque demandée

39      La requérante soutient que la marque demandée présente un caractère distinctif suffisant aux fins de son enregistrement en tant que marque communautaire. Elle considère que la marque demandée constitue une combinaison de mots inattendue et originale qui la rendrait aisément mémorisable par les consommateurs et déclencherait chez ceux-ci une réflexion sur sa signification. Les services visés par la marque demandée, en particulier les services relatifs aux assurances, aux affaires financières et aux affaires monétaires, relevant de la classe 36, ne feraient ainsi habituellement pas appel à l’émotion et les autres prestataires des services en cause auraient toujours recours à un slogan formé d’une phrase principale complète et non d’un fragment de phrase ne comportant ni verbe ni message évident. De même, la chambre de recours n’aurait pas pris en compte l’originalité de l’allitération figurant dans la marque demandée et de son rythme de prononciation.

40      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

41      À titre liminaire, il convient de relever qu’il résulte du point 14 de la décision attaquée, qui n’a pas été contesté à cet égard par la requérante, que le public pertinent est constitué à la fois de spécialistes, comme, par exemple, des acheteurs commerciaux dans les domaines de la publicité et de la gestion d’affaires, et des consommateurs finaux généraux, qui doivent être considérés comme normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés. De même, la requérante n’a pas contesté l’affirmation de la chambre de recours figurant au point 13 de la décision attaquée selon laquelle le public concerné est germanophone, en raison de la langue utilisée.

42      Ensuite, il y a lieu d’examiner si la chambre de recours a correctement analysé la signification de la marque demandée, tant en ce qui concerne les mots qui la composent que l’ensemble qu’elle constitue.

43      Comme l’a indiqué la chambre de recours au point 16 de la décision attaquée, qui n’a pas été contesté par la requérante, la marque demandée est composée d’une combinaison grammaticalement correcte de trois mots allemands appartenant au langage courant.

44      Le contenu sémantique de chacun des termes composant le signe verbal Leistung aus Leidenschaft (la performance par la passion) est clair et précis et n’est pas modifié de façon perceptible lorsque ces termes sont combinés en un seul signe. En effet, la combinaison de ces termes, correcte d’un point de vue grammatical en allemand, véhicule un message clair et non équivoque, qui ne nécessite aucune interprétation par le consommateur germanophone.

45      La marque demandée apparaît donc comme un slogan promotionnel qui, comme l’a constaté la chambre de recours au point 16 de la décision attaquée, transmet au public pertinent le message élogieux selon lequel la requérante propose ses prestations avec un engagement particulier et se consacre à leur réalisation avec un dévouement également particulier.

46      Les arguments avancés par la requérante aux fins de démontrer l’originalité ou la prégnance du signe Leistung aus Leidenschaft ne permettent pas d’infirmer cette conclusion.

47      S’agissant de l’allitération et du rythme de prononciation de la marque demandée, il convient ainsi de relever que la chambre de recours a fait une analyse correcte de ceux-ci au point 21 de la décision attaquée. En effet, l’identité des parties initiales des deux noms communs la composant est assez habituelle en allemand et ne fait pas l’effet d’être recherchée, mais est uniquement le résultat de la juxtaposition de deux termes simples du vocabulaire allemand de base. Le rythme de prononciation de la combinaison de mots est également habituel.

48      Par ailleurs, s’agissant de l’argument selon lequel les autres prestataires des services visés par la marque demandée, en particulier les services relevant de la classe 36, ne feraient habituellement pas appel à l’émotion et n’auraient pas recours à un slogan formé d’un fragment de phrase, la requérante a admis, lors de l’audience, que la liste de slogans publicitaires d’autres prestataires de services relevant de la classe 36, qu’elle a fournie afin de l’étayer, n’avait pas été soumise à la chambre de recours.

49      Or, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le Tribunal ne saurait, dans l’exercice du contrôle de légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI, réexaminer les circonstances de fait à la lumière de preuves présentées pour la première fois devant lui (arrêt de la Cour du 10 novembre 2011, LG Electronics/OHMI, C‑88/11 P, non encore publié au Recueil, point 25 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, Rec. p. I‑10053, points 136 à 144). Il y a donc lieu de considérer la liste de slogans publicitaires d’autres prestataires de services relevant de la classe 36, produite par la requérante pour la première fois devant le Tribunal, comme irrecevable.

50      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que l’argument tiré de l’absence de prise en compte de l’originalité de la marque demandée doit être écarté.

 Sur l’utilisation antérieure et les enregistrements nationaux de la marque demandée

51      La requérante, tout en précisant qu’elle ne cherche pas à se prévaloir du caractère distinctif que la marque demandée aurait acquis par l’usage, souligne qu’elle utilise déjà largement la marque Leistung aus Leidenschaft, qui a été enregistrée dans de nombreux pays.

52      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

53      À titre préalable, il y a lieu de rappeler, comme l’a indiqué la chambre de recours au point 26 de la décision attaquée, que l’existence d’enregistrements identiques ou similaires au niveau national ne constitue pas un motif pour admettre l’enregistrement de marques dépourvues de caractère distinctif. En effet, selon une jurisprudence constante, le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêts du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47, et du 5 décembre 2002, BioID/OHMI (BioID), T‑91/01, Rec. p. II‑5159, point 45]. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation du droit de l’Union pertinente. L’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont donc pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre ou d’un pays tiers admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale (arrêt du Tribunal du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T‑16/02, Rec. p. II‑5167, point 40, et du 21 avril 2004, Concept/OHMI (ECA), T‑127/02, Rec. p. II‑1113, points 70 et 71). Dès lors, les arguments de la requérante, tirés de l’existence d’enregistrements nationaux sont inopérants.

54      En tout état de cause, il convient de relever que la liste des enregistrements nationaux fournie par la requérante dans son annexe A4 à la requête n’a pas été soumise à la chambre de recours et doit, par conséquent, être considérée comme irrecevable (voir point 49 ci-dessus). De plus, ces enregistrements nationaux ne concernent que les marques A Passion to Perform ou Passion to Perform et non la marque faisant l’objet du présent litige. Enfin, la requérante n’a aucunement précisé les motifs sur lesquels les autorités nationales se seraient fondées pour décider d’enregistrer le signe verbal en cause et qui auraient pu, le cas échéant, être pris en compte pour l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

55      La requérante cherche en outre à se prévaloir de la circonstance selon laquelle elle utilise déjà largement la marque contestée. Il est vrai que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Audi/OHMI, point 26 supra (point 59), la constatation par la Cour du caractère distinctif du signe en cause reposait notamment sur le fait que ledit signe constituait un slogan renommé et utilisé depuis de nombreuses années par la société Audi. La Cour n’a cependant pas entendu indiquer que la renommée du signe en cause constituait l’une des conditions pour pouvoir lui reconnaître un caractère distinctif, mais elle s’est bornée à prendre en compte une circonstance particulière du cas d’espèce confortant son analyse préalable du slogan qui lui était soumis (voir, en ce sens, arrêt Qualität hat Zukunft, point 29 supra, point 33).

56      En l’espèce, il ressort du dossier que la requérante n’a avancé devant la chambre de recours aucun élément qui démontrerait que la marque demandée bénéficiait d’une renommée ou ait été utilisée depuis de nombreuses années. En tout état de cause, elle n’a produit à cette fin devant le Tribunal que des extraits non datés de ses pages Internet dans différents pays comportant le slogan en cause.

57      Il convient donc de regarder l’argument tiré de l’utilisation antérieure et des enregistrements nationaux de la marque demandée comme non fondé et donc d’écarter la seconde branche du deuxième moyen

58      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le deuxième moyen doit être écarté dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité

59      La requérante estime que la chambre de recours a méconnu le principe d’égalité de traitement en refusant d’enregistrer la marque demandée alors qu’elle avait accepté d’enregistrer la marque Pass on your passion.

60      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

61      Eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, il a certes été jugé que l’OHMI doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens (arrêt de la Cour du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec. p. I‑1541, point 74).

62      Toutefois, ces principes doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique (arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 61 supra, points 75 et 76).

63      De plus, pour des raisons de sécurité juridique et de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 61 supra, point 77).

64      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a procédé à un examen complet et concret de la marque demandée pour refuser son enregistrement. Au surplus, il résulte de la réponse aux deux premiers moyens que cet examen a conduit la chambre de recours à retenir à juste titre le motif absolu de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 pour s’opposer à l’enregistrement de la marque demandée. L’examen de la marque en cause n’ayant pu aboutir, à lui seul, à un résultat différent, les allégations de la requérante relatives à l’absence de prise en considération de l’enregistrement d’une marque comportant le terme « passion » ne sauraient prospérer. La requérante ne peut donc utilement invoquer, aux fins d’infirmer la conclusion selon laquelle l’enregistrement de la marque demandée est incompatible avec le règlement n° 207/2009, une décision antérieure de l’OHMI.

65      Il y a donc lieu d’écarter le troisième moyen et, partant, de rejeter l’ensemble du recours.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Deutsche Bank AG est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Gervasoni

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 mars 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.