Language of document : ECLI:EU:T:2018:955

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 décembre 2018 (*)

« Fonction publique – Rémunération – Adaptation annuelle des rémunérations et pensions des fonctionnaires et autres agents – Règlements (UE) nos 422/2014 et 423/2014 – Adaptations des salaires et pensions pour les années 2011 et 2012 – Obligation de motivation – Proportionnalité – Confiance légitime – Règles relatives au dialogue social »

Dans les affaires jointes T‑543/16 et T‑544/16,

Renzo Carpenito, ancien fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Overijse (Belgique), représenté par Me M. Velardo, avocat,

partie requérante dans l’affaire T‑543/16,

Maria Kannellopoulou, venant aux droits de Rainer Dumont Du Voitel, ancien fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Cranves-Sales (France),

José Carlos Lechado García, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique),

Bernd Loescher, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Rhode-Saint-Genèse (Belgique),

Evelina Milenova, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Bruxelles,

représentés par Me Velardo, avocat,

parties requérantes dans l’affaire T‑544/16,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté initialement par M. M. Bauer et Mme M. Veiga, puis par MM.  Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Parlement européen, représenté par Mmes M. Ecker et E. Taneva, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation des décisions du Conseil d’appliquer aux salaires ou pensions des requérants l’adaptation de 0 % pour l’année 2011 prévue par le règlement (UE) no 422/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, adaptant, avec effet au 1er juillet 2011, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO 2014, L 129, p. 5), et l’adaptation de 0,8 % pour l’année 2012, prévue par le règlement (UE) no 423/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, adaptant, avec effet au 1er juillet 2012, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO 2014, L 129, p. 12), et, d’autre part, à la réparation du préjudice que les requérants auraient prétendument subi du fait de ces décisions,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, D. Spielmann (rapporteur) et Z. Csehi, juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 21 février 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Cadre juridique

1        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), annexé au règlement no 31 (CEE)/11 (CEEA), fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 1962, 45, p. 1385), modifié par le règlement (UE, Euratom) no 1080/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010 (JO 2010, L 311, p. 1), dans sa rédaction résultant d’un rectificatif publié le 5 juin 2012 (JO 2012, L 144, p. 48), dispose en son article 65 :

« 1. Le Conseil procède annuellement à un examen du niveau des rémunérations des fonctionnaires et des autres agents de l’Union. Cet examen aura lieu en septembre sur base d’un rapport commun présenté par la Commission et fondé sur la situation, au 1er juillet et dans chaque pays de l’Union, d’un indice commun établi par l’Office statistique de l’Union européenne en accord avec les services nationaux de statistiques des États membres.

Au cours de cet examen, le Conseil étudie s’il est approprié, dans le cadre de la politique économique et sociale de l’Union, de procéder à une adaptation des rémunérations. Sont notamment prises en considération l’augmentation éventuelle des traitements publics et les nécessités du recrutement.

2. En cas de variation sensible du coût de la vie, le Conseil décide, dans un délai maximum de deux mois, des mesures d’adaptation des coefficients correcteurs et, le cas échéant, de leur effet rétroactif.

3. Pour l’application du présent article, le Conseil statue, sur proposition de la Commission, à la majorité qualifiée prévue à l’article 16, paragraphes 4 et 5, [TUE]. »

2        Aux termes de l’article 82, paragraphe 2, du statut, lorsque le Conseil de l’Union européenne décide une adaptation des rémunérations en application de l’article 65, paragraphe 1, du statut, la même adaptation s’applique aux pensions acquises.

3        En vertu de l’article 65 bis du statut, les modalités d’application des articles 64 et 65 de celui-ci sont définies à l’annexe XI de ce statut.

4        Cette annexe XI, intitulée « Modalités d’application des articles 64 et 65 du statut », comprend plusieurs chapitres, dont le premier, composé des articles 1er à 3, intitulé « Examen annuel du niveau des rémunérations prévu à l’article 65, paragraphe 1, du statut », et le chapitre 4, intitulé « Création et retrait de coefficients correcteurs (article 64 du statut) ».

5        L’article 1er de l’annexe XI du statut, faisant partie de la section 1 du chapitre premier de cette annexe, prévoit que, aux fins de l’examen prévu à l’article 65, paragraphe 1, du statut, l’office statistique de l’Union européenne, Eurostat, établit chaque année avant la fin du mois d’octobre un rapport portant sur l’évolution du coût de la vie à Bruxelles (Belgique) (indice international de Bruxelles), sur l’évolution du coût de la vie en dehors de Bruxelles (parités économiques et indices implicites) ainsi que sur l’évolution du pouvoir d’achat des rémunérations des fonctionnaires nationaux des administrations centrales de huit États membres (indicateurs spécifiques). Cet article 1er contient également des précisions concernant le procédé à suivre par Eurostat, en collaboration avec les États membres, afin de calculer ces évolutions.

6        Aux termes de l’article 3 de l’annexe XI du statut, composant la section 2 du chapitre premier de cette annexe, intitulée « Modalités de l’adaptation annuelle des rémunérations et pensions » :

« 1. Conformément à l’article 65, paragraphe 3, du statut, le Conseil décide avant la fin de chaque année de l’adaptation des rémunérations et pensions proposée par la Commission et fondée sur les éléments prévus à la section 1 de la présente annexe, avec effet au 1er juillet.

2. La valeur de l’adaptation est égale au produit de l’indicateur spécifique par l’indice international de Bruxelles. L’adaptation est fixée en termes nets en pourcentage égal pour tous.

3. La valeur de l’adaptation ainsi fixée est incorporée, selon la méthode indiquée ci-après, dans la grille des traitements de base figurant à l’article 66 du statut […]

[…]

5. Aucun coefficient correcteur n’est applicable pour la Belgique et pour le Luxembourg. Les coefficients correcteurs applicables :

a)       aux rémunérations payées aux fonctionnaires de l’Union européenne en service dans les autres États membres et dans certains autres lieux d’affectation,

b)       […] aux pensions des fonctionnaires versées dans les autres États membres sur la part correspondant aux droits acquis avant le 1er mai 2004,

sont déterminés par les rapports entre les parités économiques visées à l’article 1er et les taux de change prévus à l’article 63 du statut pour les pays correspondants.

Sont applicables les modalités prévues à l’article 8 de la présente annexe qui concernent la rétroactivité de l’effet des coefficients correcteurs applicables dans les lieux d’affectation qui subissent une forte inflation.

[…] »

7        Le chapitre 5 de l’annexe XI du statut est intitulé « Clause d’exception ». Il est composé du seul article 10, qui dispose :

« En cas de détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale constatée à l’intérieur de l’Union, évaluée à la lumière des données objectives fournies à cet égard par la Commission, celle-ci présente des propositions appropriées au Parlement européen et au Conseil, qui statuent selon la procédure prévue à l’article 336 [TFUE]. »

8        Selon l’article 15, paragraphe 1, de l’annexe XI du statut, les dispositions prévues à celle-ci sont applicables pour la période allant du 1er juillet 2004 au 31 décembre 2012.

II.    Antécédents du litige

9        Au mois de décembre 2010, le Conseil a déclaré que « la récente crise économique et financière qui [était] survenue dans [l’Union européenne] et qui [entraînait] d’importants ajustements budgétaires ainsi qu’une insécurité accrue en termes d’emploi dans plusieurs États membres [provoquait] une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union ». Il a demandé à la Commission européenne de présenter, sur le fondement de l’article 10 de l’annexe XI du statut ainsi qu’à la lumière des données objectives fournies à cet égard par la Commission, des propositions appropriées en temps voulu pour que le Parlement européen et le Conseil puissent les examiner et les adopter avant la fin de l’année 2011.

10      La Commission a, le 13 juillet 2011, présenté un rapport au Conseil sur la clause d’exception (article 10 de l’annexe XI du statut) [COM(2011) 440 final]. Selon ce rapport, les indicateurs montraient que la reprise économique se poursuivait progressivement dans l’Union européenne. Ce rapport concluait qu’il n’y avait pas de détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale au sein de l’Union au cours de la période de référence allant du 1er juillet 2010, date de la prise d’effet de la dernière adaptation annuelle des rémunérations, à la mi-mai 2011, date à laquelle les données les plus récentes avaient été mises à disposition, et qu’il n’y avait pas lieu de présenter une proposition en vertu de l’article 10 de l’annexe XI du statut. L’examen du rapport du 13 juillet 2011 a donné lieu à des discussions subséquentes au sein du Conseil, qui ont débouché sur une nouvelle demande de celui-ci adressée à la Commission afin que soit mis en œuvre cet article et que soit présentée une proposition appropriée d’adaptation des rémunérations en temps utile pour permettre au Parlement et au Conseil de l’examiner et de l’adopter avant la fin de l’année 2011.

11      En réponse à cette demande, la Commission a présenté la communication COM(2011) 829 final, du 24 novembre 2011, fournissant un complément d’information au rapport du 13 juillet 2011, qui était notamment fondée sur les prévisions économiques européennes communiquées par sa direction générale (DG) « Affaires économiques et financières » le 10 novembre 2011. Dans ce complément d’information, elle a exposé que ces prévisions « laiss[ai]ent apparaître une dégradation des tendances pour 2011 par rapport aux prévisions publiées au printemps, tant pour les indicateurs économiques que pour les indicateurs sociaux, et montr[ai]ent que l’économie européenne [étai]t en proie à la tourmente ». La Commission a considéré que, compte tenu de plusieurs éléments, l’Union ne faisait pas face à une situation extraordinaire au sens de l’article 10 de l’annexe XI du statut justifiant de prendre des mesures allant au-delà de la perte de pouvoir d’achat résultant de la méthode « normale » prévue à l’article 3 de cette annexe. Elle a indiqué que, par conséquent, elle n’était pas en mesure de déclencher la clause d’exception sans enfreindre l’article 10 de cette annexe.

12      Le même jour, la Commission a présenté une proposition de règlement du Conseil adaptant, avec effet au 1er juillet 2011, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions [COM(2011) 820 final], assortie d’un exposé des motifs (ci-après la « proposition d’adaptation des rémunérations de novembre 2011 »). L’adaptation des rémunérations proposée sur la base de la méthode « normale » prévue à l’article 3 de l’annexe en question était de 1,7 %. Par ailleurs, le 13 décembre 2011, la Commission a transmis au Parlement et au Conseil une proposition relative à un règlement du Parlement et du Conseil modifiant le statut

13      Par la décision 2011/866/UE du Conseil, du 19 décembre 2011, concernant la proposition de la Commission relative à un règlement du Conseil adaptant, avec effet au 1er juillet 2011, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO 2011, L 341, p. 54), le Conseil a décidé de ne pas adopter la proposition d’adaptation des rémunérations de novembre 2011. Il a, notamment, considéré ce qui suit :

« (8)       […] Le Conseil est convaincu que la crise financière et économique que connaît actuellement l’Union et qui a conduit dans un grand nombre d’États membres à des ajustements budgétaires importants, entre autres des adaptations des traitements des fonctionnaires nationaux, constitue une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union.

(9)       Par ailleurs, selon le Conseil, cette détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale ne pourrait pas être répercutée avec une rapidité suffisante dans les rémunérations des fonctionnaires par l’application de la “méthode”.

(10)       S’agissant de la situation économique, les prévisions de croissance dans l’Union ont été nettement revues à la baisse pour l’année 2012, passant de + 1,9 % à + 0,6 %. La croissance trimestrielle de l’Union est passée de + 0,7 % au premier trimestre de 2011 à + 0,2 % aux deuxième et troisième trimestres de cette année. En ce qui concerne le quatrième trimestre de 2011 et le premier trimestre de 2012, aucune croissance du PIB n’est prévue.

(11)       Dans l’évaluation de la situation économique et sociale actuelle, il aurait fallu accorder une plus grande attention à la situation des marchés financiers, en particulier aux distorsions dans l’offre de crédit et à la baisse du prix des actifs qui sont des facteurs majeurs du développement économique.

(12)       En ce qui concerne la situation sociale, la création d’emplois n’a pas été suffisante pour induire une baisse importante du taux de chômage. Le taux de chômage dans l’Union européenne a fluctué en 2010 et 2011 pour s’établir à 9,8 % en octobre 2011 et devrait rester constamment élevé.

(13)       Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que la position de la Commission concernant l’existence d’une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale et son refus de soumettre une proposition au titre de l’article 10 de l’annexe XI du statut sont fondés sur des motifs manifestement insuffisants et erronés. »

14      Le 3 février 2012, la Commission a introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision 2011/866 (affaire C‑63/12). Elle a, en outre, notifié à la présidence du Conseil une lettre datée du 25 janvier 2012, enregistrée au secrétariat du Conseil le 20 février 2012, invitant celui-ci, aux termes de l’article 265 TFUE, à adopter la proposition d’adaptation des rémunérations de novembre 2011 dans les deux mois à compter de la réception de cette lettre. Le Conseil a « pris note » de cette lettre.

15      Le 26 avril 2012, la Commission a introduit un recours sur le fondement de l’article 265 TFUE, par lequel elle demandait à la Cour de constater que, en n’adoptant pas la proposition d’adaptation des rémunérations de novembre 2011, le Conseil avait manqué aux obligations qui lui incombaient au titre du statut (affaire C‑196/12).

16      Le 9 février 2013, le Conseil a introduit, pour sa part, un recours ayant pour objet, à titre principal, une demande en annulation de la communication de la Commission COM(2011) 829 final, du 24 novembre 2011, dans la mesure où la Commission y refusait définitivement de présenter des propositions appropriées au Parlement et au Conseil sur le fondement de l’article 10 de l’annexe XI du statut, ainsi que de la proposition d’adaptation des rémunérations de novembre 2011 et, à titre subsidiaire, la constatation, au titre de l’article 265 TFUE, d’une violation des traités du fait que la Commission s’est abstenue de présenter des propositions appropriées au Parlement et au Conseil sur le fondement de cet article (affaire C‑66/12).

17      Le 23 octobre 2013, le Parlement et le Conseil ont, à l’issue d’une négociation en trilogue, adopté la proposition de modification du statut qui leur avait été transmise par la Commission le 13 décembre 2011, sous la forme du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO 2013, L 287, p. 15). Ce règlement a, notamment, introduit à l’annexe XI du statut une nouvelle méthode relative à l’adaptation annuelle des rémunérations visée à l’article 65, paragraphe 1, du statut.

18      L’article 19 de l’annexe XIII du statut, tel que modifié par le règlement no 1023/2013, prévoyait que les articles 63 à 65, 82 et 83 bis du statut, ses annexes XI et XII ainsi que l’article 20, paragraphe 1, et les articles 64, 92 et 132 du régime applicable aux autres agents en vigueur avant le 1er novembre 2013, c’est-à-dire les dispositions relatives à l’adaptation des rémunérations et des pensions des fonctionnaires et des autres agents de l’Union, restaient en vigueur exclusivement aux fins de toute adaptation nécessaire pour se conformer à un arrêt de la Cour, au titre de l’article 266 TFUE, relatif à l’application de ces articles.

19      Le 19 novembre 2013, la Cour a rejeté les recours introduits par la Commission dans les affaires C‑63/12 et C‑196/12, et prononcé, en conséquence, un non-lieu à statuer concernant le recours introduit par le Conseil dans l’affaire C‑66/12 (arrêts du 19 novembre 2013, Conseil/Commission, C‑66/12, EU:C:2013:751 ; du 19 novembre 2013, Commission/Conseil, C‑63/12, EU:C:2013:752, et du 19 novembre 2013, Commission/Conseil, C‑196/12, EU:C:2013:753).

20      Dans l’exposé des motifs de sa proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 10 décembre 2013, adaptant avec effet au 1er juillet 2011, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions, la Commission a considéré ce qui suit :

« Les rapports de la Commission susmentionnés font systématiquement référence à une stagnation et à une crise en cours, ainsi qu’à un taux de chômage élevé et à une dette et un déficit publics importants dans l’Union européenne, sans conclure toutefois que les critères fixés à l’article 10 de l’annexe XI du statut sont remplis. »

21      Le 4 mars 2014, une négociation en trilogue a eu lieu entre le Parlement, le Conseil et la Commission. Cette négociation a abouti à un accord sur l’adaptation annuelle des rémunérations et des pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union pour les années 2011 et 2012.

22      Par un courriel du 7 mars 2014, la Commission a informé les organisations syndicales ou professionnelles (ci-après les « OSP ») que, conformément à l’accord issu de la négociation en trilogue du 4 mars 2014 entre le Parlement, le Conseil et la Commission, les adaptations annuelles seraient de 0 % pour 2011, avec effet au 1er juillet 2011, et de 0,8 % pour 2012, avec effet au 1er juillet 2012. Elle a précisé que cet accord était le résultat de négociations intenses avec le Parlement et le Conseil à la suite de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), et correspondait, en outre, à sa volonté d’aboutir à un accord rapide et raisonnable sur toutes les questions relatives à l’adaptation annuelle des rémunérations, ainsi que de la marge d’appréciation reconnue au Parlement et au Conseil par l’arrêt de la Cour en question.

23      Le 11 mars 2014, le Parlement a adopté en séance plénière sa position sur un texte de compromis résultant du trilogue du 4 mars 2014, selon lequel s’appliqueraient un taux d’adaptation des rémunérations et des pensions de 0 % pour 2011 et de 0,8 % pour 2012 et un gel des rémunérations et des pensions pour les années 2013 et 2014. Le 16 avril 2014, le Conseil a approuvé la position du Parlement et, conformément à l’article 294, paragraphe 4, TFUE, les règlements (UE) nos 422/2014 et 423/2014 du Parlement européen et du Conseil, adaptant, avec effet respectivement au 1er juillet 2011 et au 1er juillet 2012, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO 2014, L 129, respectivement p. 5 et p. 12, ci-après les « règlements contestés ») ont été adoptés.

24      Les considérants du règlement no 422/2014 se lisent comme suit :

« (1)       Dans son arrêt dans l’affaire C‑63/12, Commission/Conseil, la [Cour] a précisé que les institutions [étaient] obligées de statuer chaque année sur l’adaptation des rémunérations, soit en procédant à l’adaptation “mathématique” selon la méthode prévue à l’article 3 de l’annexe XI du statut, soit en s’écartant de ce calcul “mathématique” conformément à l’article 10 de ladite annexe.

(2)       L’article 19 de l’annexe XIII du statut, tel que modifié par le règlement [no 1023/2013], vise à permettre aux institutions de prendre les mesures nécessaires pour régler leurs différends portant sur les adaptations des rémunérations et pensions pour les années 2011 et 2012 en se conformant à un arrêt de la [Cour], en tenant compte des attentes légitimes des membres du personnel de voir les institutions statuer chaque année sur l’adaptation de leurs rémunérations et pensions.

(3)       Afin de se conformer à l’arrêt rendu par la [Cour] dans l’affaire C‑63/12, lorsque le Conseil constate qu’il existe une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union, la Commission doit présenter une proposition selon la procédure prévue à [l’article 336 TFUE] pour associer le [Parlement] au processus législatif. Le 4 novembre 2011, le Conseil a déclaré que la crise financière et économique que connaissait l’Union et qui [avait] conduit à des ajustements budgétaires importants dans la plupart des États membres constituait une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union. Le Conseil a dès lors demandé à la Commission, conformément à [l’article 241 TFUE], de mettre en œuvre l’article 10 de l’annexe XI du statut et de présenter une proposition appropriée d’adaptation des rémunérations.

(4)       La [Cour] a confirmé que le [Parlement] et le Conseil disposaient, au titre de la clause d’exception, d’une large marge d’appréciation en matière d’adaptation des rémunérations et des pensions. Sur la base des données économiques et sociales pour la période allant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2011, telles que la crise financière et économique qui touchait de nombreux États membres à l’automne 2011, provoquant une détérioration immédiate de la situation économique et sociale dans l’Union et entraînant d’importants ajustements macroéconomiques, le niveau élevé du chômage et l’ampleur du déficit public et de la dette publique dans l’Union, il est approprié de fixer l’adaptation des rémunérations et des pensions en Belgique et au Luxembourg à 0 % pour l’année 2011. Cette adaptation s’inscrit dans le cadre d’une approche globale visant à régler les différends concernant les adaptations des rémunérations et des pensions pour les années 2011 et 2012, laquelle comporte également une adaptation de 0,8 % pour l’année 2012.

(5)       Par conséquent, sur une période de cinq ans (2010-2014), les adaptations des rémunérations et des pensions des fonctionnaires et autres agents de l’[Union] sont les suivantes : en 2010, l’application de la méthode prévue à l’article 3 de l’annexe XI du statut a conduit à une adaptation de 0,1 %. En 2011 et 2012, dans le cadre d’une approche globale visant à régler les différends concernant les adaptations des rémunérations et des pensions pour les années 2011 et 2012, les adaptations sont de 0 % et de 0,8 %, respectivement. En outre, dans le cadre du compromis politique sur la réforme du statut et du régime applicable aux autres agents, un gel des rémunérations et des pensions a été décidé pour les années 2013 et 2014. »

25      Les considérants du règlement no 423/2014 se lisent comme suit :

« (1)       Dans son arrêt dans l’affaire C‑63/12, Commission/Conseil, la [Cour] a précisé que les institutions [étaient] obligées de statuer chaque année sur l’adaptation des rémunérations, soit en procédant à l’adaptation “mathématique” selon la méthode prévue à l’article 3 de l’annexe XI du statut, soit en s’écartant de ce calcul “mathématique” conformément à l’article 10 de ladite annexe.

(2)       L’article 19 de l’annexe XIII du statut, tel que modifié par le règlement [no 1023/2013], vise à permettre aux institutions de prendre les mesures nécessaires pour régler leurs différends portant sur les adaptations des rémunérations et pensions pour les années 2011 et 2012 en se conformant à un arrêt de la [Cour], en tenant compte des attentes légitimes des membres du personnel de voir les institutions statuer chaque année sur l’adaptation de leurs rémunérations et pensions.

(3)       Afin de se conformer à l’arrêt rendu par la [Cour] dans l’affaire C‑63/12, lorsque le Conseil constate qu’il existe une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union, la Commission doit présenter une proposition selon la procédure prévue à [l’article 336 TFUE] pour associer le [Parlement] au processus législatif. Le 25 octobre 2012, le Conseil a considéré que l’évaluation de la Commission contenue dans son rapport sur la clause d’exception ne [reflétait] pas la détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale dans l’Union en 2012, telle qu’elle [ressortait] des données économiques objectives publiquement disponibles. Le Conseil a dès lors demandé à la Commission de présenter, conformément à l’article 10 de l’annexe XI du statut, une proposition appropriée d’adaptation des rémunérations pour l’année 2012.

(4)       La [Cour] a confirmé que le [Parlement] et le Conseil disposaient, au titre de la clause d’exception, d’une large marge d’appréciation en matière d’adaptation des rémunérations et des pensions. Sur la base des données économiques et sociales pour la période allant du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2012, telles que les retombées de la crise économique de l’automne 2011, qui a provoqué une récession économique dans l’Union et une détérioration de la situation sociale, ainsi que les niveaux toujours élevés du chômage, du déficit public et de la dette publique dans l’Union, il est approprié de fixer l’adaptation des rémunérations et des pensions en Belgique et au Luxembourg à 0,8 % pour l’année 2012. Cette adaptation s’inscrit dans le cadre d’une approche globale visant à régler les différends concernant les adaptations des rémunérations et des pensions pour les années 2011 et 2012, laquelle comporte également une adaptation de 0 % pour l’année 2011.

(5)       Par conséquent, sur une période de cinq ans (2010-2014), les adaptations des rémunérations et des pensions des fonctionnaires et autres agents de l’[Union] sont les suivantes : en 2010, l’application de la méthode prévue à l’article 3 de l’annexe XI du statut a conduit à une adaptation de 0,1 %. En 2011 et 2012, dans le cadre d’une approche globale visant à régler les différends concernant les adaptations des rémunérations et des pensions pour les années 2011 et 2012, les adaptations sont de 0 % et de 0,8 % respectivement. En outre, dans le cadre du compromis politique sur la réforme du statut et du régime applicable aux autres agents, un gel des rémunérations et des pensions a été décidé pour les années 2013 et 2014. »

26      Entre le 15 et le 30 mai 2014, les requérants ont reçu leurs bulletins de rémunération ou de pension pour le mois de mai 2014. Ceux-ci ont été établis en tenant compte des dispositions des règlements contestés. Il ressort desdits bulletins que les rémunérations ou les pensions des requérants n’ont pas été adaptées pour l’année 2011 et qu’il y a eu une adaptation de 0,8 % en ce qui concerne l’année 2012.

27      Entre le 19 juin et le 3 septembre 2014, les requérants ont saisi l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de leurs réclamations respectives.

28      Le 12 novembre 2014, l’AIPN a rejeté ces réclamations par une décision qui, par économie de procédure, concernait tous les fonctionnaires et agents qui avaient introduit une réclamation en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre les décisions appliquant les adaptations des rémunérations et pensions des fonctionnaires de l’Union pour les années 2011 et 2012. D’une part, l’AIPN a relevé que, en substance, les griefs des réclamants ne concernaient pas l’application erronée des dispositions statutaires en cause par elle-même, mais l’illégalité des règlements contestés. Elle a aussi ajouté qu’elle ne pouvait pas choisir de laisser inappliqué un acte général en vigueur et, partant, qu’elle n’avait pas compétence de prendre les mesures que les réclamants lui demandaient de prendre. Toutefois, l’AIPN, a exposé les raisons pour lesquelles, à son avis, les moyens et arguments avancés par les réclamants pour contester la légalité des dispositions en question des règlements contestés étaient infondés en droit.

29      Quant au fond, l’AIPN a décidé de ne pas donner une suite favorable aux arguments en cause et de rejeter les moyens soulevés par les réclamants comme non fondés.

30      Le 16 juin 2014, l’association des fonctionnaires indépendants pour la défense de la fonction publique européenne (TAO-AFI) et le syndicat des fonctionnaires internationaux et européens – Section du Parlement européen (SFIE-PE) avaient saisi le Tribunal d’un recours en annulation contre les règlements contestés en soulevant un moyen unique, faisant valoir en substance qu’ils n’avaient pas été consultés lors de la procédure qui avait conduit à l’adoption des règlements contestés. Le 15 septembre 2016, le Tribunal a rejeté le recours (arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil, T 456/14, EU:T:2016:493).

III. Procédure et conclusions des parties

31      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal de la fonction publique le 23 février 2015, les requérants ont introduit les présents recours, qui ont été enregistrés sous les numéros F‑31/15 et F‑32/15.

32      Par actes déposés au greffe du Tribunal de la fonction publique le 16 avril 2015, s’agissant de la requête F‑31/15, et le 11 mai 2015, s’agissant de la requête F‑32/15, le Parlement a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

33      Par décisions du 6 mai 2015, s’agissant de la requête F‑31/15, et du 2 juin 2015, s’agissant de la requête F‑32/15, le président de la première chambre du Tribunal de la fonction publique a admis l’intervention du Parlement.

34      Le Conseil a déposé ses mémoires en défense le 13 mai 2015.

35      Le Parlement a déposé ses mémoires en intervention le 26 juin 2015.

36      Par décision du 17 juillet 2015, le président de la première chambre du Tribunal de la fonction publique a décidé de joindre les présentes affaires aux fins de la procédure orale et de la décision mettant fin à l’instance.

37      À la même date, le président de la première chambre du Tribunal de la fonction publique a suspendu la procédure dans les présentes affaires jusqu’à ce que la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire T‑456/14, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil, soit passée en force de chose jugée.

38      La procédure a été reprise à la suite du prononcé de l’arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil (T‑456/14, EU:T:2016:493).

39      Conformément à l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), les présentes affaires ont été transférées au Tribunal dans l’état où elles se trouvaient à la date du 31 août 2016 et ont été désormais traitées conformément au règlement de procédure du Tribunal. L’affaire F‑31/15 a été enregistrée sous le numéro T‑543/16. Quant à l’affaire F‑32/15, elle a été enregistrée sous le numéro T‑544/16. Les deux affaires ont été attribuées à la sixième chambre.

40      À la suite du prononcé de l’arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil (T‑456/14, EU:T:2016:493), la procédure a été reprise.

41      Par mesure d’organisation de la procédure, adoptée sur le fondement de l’article 89, paragraphe 3, sous b), du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à indiquer si elles avaient des observations à présenter en ce qui concerne l’incidence, sur les présentes affaires, de l’arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil (T‑456/14, EU:T:2016:493). En outre, les parties ont été priées d’indiquer si elles souhaitaient la tenue d’une audience.

42      Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti. Dans leurs observations, les requérants ont introduit une demande d’audience.

43      Par lettre du 12 janvier 2017, le conseil de M. Dumont Du Voitel a informé le Tribunal du décès de ce dernier et du fait que son épouse, Mme M. Kannellopoulou, souhaitait reprendre l’instance.

44      Le 15 février 2018, les requérants ont introduit, au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, une demande visant à ce que des preuves supplémentaires, à savoir quatre documents, soient admises au soutien de leurs observations. Invités lors de l’audience à réagir aux nouveaux éléments de preuve, la Commission, le Conseil et le Parlement ont demandé au Tribunal de les rejeter comme étant tardives.

45      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer les recours recevables ;

–        annuler les décisions ayant abouti pour leurs rémunérations et pensions aux adaptations prévues par les règlements no 422/2014 et no 423/2014, ces décisions ayant été révélées pour la première fois dans leur bulletin de rémunération ou de pension du mois de mai 2014 (ci-après les « décisions attaquées ») et, en tant que besoin, les décisions rejetant les réclamations ;

–        condamner le Conseil à leur verser les arriérés de rémunération correspondant à une adaptation de leurs salaires et pensions au taux de 1,7 % en 2011 et 2012, en réparation du préjudice matériel financier, majorés des intérêts de retard au taux de la Banque centrale européenne (BCE), augmenté de deux points, à dater du jugement à intervenir ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

46      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter partiellement les recours comme irrecevables ;

–        à titre subsidiaire, rejeter les recours sur le fond ;

–        condamner les requérants aux dépens.

47      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

48      Lors de l’audience, le Conseil a renoncé à son exception d’irrecevabilité partielle des recours, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal.

IV.    En droit

A.      Sur les conclusions en annulation

49      À l’appui des recours, les requérants excipent, au titre de l’article 277 TFUE, de l’illégalité des règlements contestés sur lesquels les décisions attaquées trouvent leur fondement. À cet égard, les requérants se prévalent, premièrement, de la violation de l’obligation de motivation, deuxièmement, de la violation des formes substantielles et du manque de base légale du règlement no 423/2014, troisièmement, de la violation du principe des droits acquis, quatrièmement, de la violation du principe de protection de la confiance légitime, cinquièmement, de la violation du principe de proportionnalité, et, sixièmement, de la violation des règles relatives au dialogue social.

1.      Sur le premier argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation de l’obligation de motivation

50      Les requérants soutiennent que le Conseil a, de manière erronée, considéré qu’une motivation plus détaillée que celle retenue par les règlements contestés serait superflue. En particulier, ils estiment que, même si le Conseil disposait en l’espèce d’une large marge d’appréciation, les règlements contestés n’expliquent pas suffisamment en quoi les pourcentages retenus en 2011 et en 2012 étaient les mieux à même de répondre au contexte de la crise économique. Lors de l’audience, les requérants ont spécifié qu’ils n’arrivaient pas à comprendre les raisons pour lesquelles le Conseil a réduit les pourcentages de réajustement proposés par la Commission.

51      Par ailleurs, les requérantsse réfèrent à la décision 2011/866, ayant fait l’objet du litige dans l’affaire C‑63/12, sur la base de laquelle le Conseil a rejeté la proposition de la Commission relative à un règlement adaptant les rémunérations et pensions pour l’année 2011. Ils estiment que les éléments inclus dans la décision 2011/866 devaient être inclus dans les considérants des règlements contestés. Ils ajoutent que, à la suite de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), la Commission a soumis, le 10 décembre 2013, une nouvelle proposition au Conseil sur l’année 2011 et qu’il n’y avait aucune raison pour le Conseil de ne pas la suivre.

52      En outre, les requérants relèvent que l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), se réfère au caractère objectif de la notion de « détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale », ce qui mettrait à la charge du Conseil l’obligation de se fonder sur des éléments pertinents et d’assortir sa décision d’une motivation solide et exhaustive. En se référant notamment à la perte du pouvoir d’achat et au produit intérieur brut dans l’Union pour les années 2011 et 2012, les requérants, données chiffrées à l’appui, soutiennent que les conditions de la soudaineté et de la gravité de la crise n’étaient pas réunies. Ils relèvent, à cet égard, que l’application de la méthode normale pour l’année 2010 avait bien reflété la crise financière et que, partant, il serait infondé de conclure à la soudaineté de la détérioration de la situation économique pour 2011 et 2012. Les requérantsajoutent que, contrairement à ce que soutient le Conseil, la Commission a considéré une période limitée pour proposer l’application de la « méthode normale », puisque c’est seulement dans une période limitée qu’un phénomène soudain et grave peut se produire.

53      Enfin, les requérants soutiennent que la clause d’exception appliquée en l’espèce ne prévoyait pas de paramètres précis pour sa mise en application. Il reviendrait donc davantage aux règlements d’expliquer en détail la pertinence des pourcentages retenus. Cela serait d’autant plus nécessaire, que d’autres institutions similaires à celles de l’Union, comme l’Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (Eurocontrol), auraient procédé à une adaptation salariale plus importante que celle faite par les institutions concernées. De l’avis des requérants, en raison de son caractère objectif, la notion de crise grave et soudaine aurait dû être perçue de la même manière par toutes les institutions européennes.

54      Le Conseil, soutenu par le Parlement, conteste cette argumentation.

55      Il y a lieu de constater d’emblée que, dans le cadre du présent moyen, les requérants soulèvent des arguments tenant aussi bien à la légalité externe qu’à la légalité interne des règlements contestés. À cet égard, force est de relever que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celle-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (ordonnance du 16 septembre 2013, Bouillez/Conseil, T‑31/13 P, EU:T:2013:521, point 20).

56      Il convient donc de diviser le présent moyen en deux branches. Dans le cadre de la première branche seront examinés les arguments relatifs à la motivation en tant que formalité substantielle et, dans celui de la seconde branche, ceux ayant trait à la légalité au fond des règlements contestés.

a)      Sur la première branche

57      En ce qui concerne la question de la motivation d’actes de portée générale, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d’actes d’une telle portée peut se borner à indiquer la situation d’ensemble qui a conduit à leur adoption et les objectifs généraux que le législateur se propose d’atteindre, sans qu’il soit besoin d’une motivation spécifique à l’appui de tous les détails que peuvent comporter de tels actes. Ainsi, il n’est pas nécessaire de motiver chaque modification apportée au statut, mais il suffit que le législateur explique l’essentiel des mesures, même succinctement, pourvu que l’explication soit claire et pertinente (arrêts du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, point 159, et du 23 avril 2008, Pickering/Commission, F‑103/05, EU:F:2008:45, point 121).

58      Selon la jurisprudence, en ce qui concerne la motivation relative à la modification d’un règlement portant fixation des coefficients correcteurs dont sont affectés les rémunérations des fonctionnaires en application des articles 64 et 65 du statut, celle-ci ne doit pas porter sur les aspects techniques des modalités de calcul (voir, en ce sens, arrêts du 5 février 2016, Barnett et Mogensen/Commission, F‑56/15, EU:F:2016:11, point 109, et du 5 février 2016, Barnett e.a./CESE, F‑66/15, EU:F:2016:13, point 92). Ce principe est d’autant plus transposable en l’espèce, dans le cadre de l’application de la clause d’exception, que celle-ci ne prévoit aucune méthode ou orientation sur la manière dont le Conseil doit traiter la proposition soumise par la Commission à cet égard. Il s’ensuit que le législateur ne se trouvait pas dans l’obligation d’apporter une motivation spécifique relatant tous les détails que les règlements contestés pouvaient comporter.

59      Par ailleurs, le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de la personne concernée, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise (voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil, C‑63/12, EU:C:2013:752, point 99). Au regard des principes énoncés ci-dessus, il convient donc d’examiner la question de savoir si le législateur s’est suffisamment référé à la situation d’ensemble qui a conduit à l’adoption de chacun des règlements contestés ainsi qu’aux objectifs généraux qu’il s’est proposé d’atteindre.

60      En premier lieu, il ressort des considérants des règlements contestés que le législateur s’est largement référé à l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), qui a constitué la raison d’adoption de ces règlements. De surcroît, il a relevé la réunion des conditions d’application de la clause d’exception, conformément audit arrêt de la Cour, à savoir la demande du 4 novembre 2011, adressée à la Commission par le Conseil, sollicitant une proposition dans le cadre de l’article 10 de l’annexe XI du statut. En outre, dans les considérants 4 et 5 des règlements contestés, le législateur s’est fondé sur le large pouvoir d’appréciation que l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), lui avait reconnu en matière d’adaptation des rémunérations et des pensions pour évaluer les données économiques et sociales allant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2011 quant au règlement no 422/2014, et du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2012 en ce qui concerne le règlement no 423/2014.

61      En effet, le législateur ne s’est pas référé de manière abstraite à la crise économique et financière qui touchait de nombreux États membres en 2011. Il a au contraire fait référence à la détérioration immédiate de la situation économique et sociale dans l’Union entraînant d’importants ajustements macroéconomiques, au niveau élevé du chômage et à l’ampleur du déficit public et de la dette publique dans l’Union. De plus, dans le considérant 5 des règlements contestés, il a relevé le contexte général des négociations au sein des institutions qui ont mené à l’adoption de ces règlements dans les termes suivants :

« En 2011 et 2012, dans le cadre d’une approche globale visant à régler les différends concernant les adaptations des rémunérations et des pensions pour les années 2011 et 2012, les adaptations sont de 0 % et de 0,8 %, respectivement. En outre, dans le cadre du compromis politique sur la réforme du statut et du régime applicable aux autres agents, un gel des rémunérations et des pensions a été décidé pour les années 2013 et 2014. »

62      En deuxième lieu, ainsi qu’il est à juste titre relevé par le Conseil, le législateur n’a pas eu recours à une motivation répétitive dans les deux règlements, mais a différencié les deux exercices. Ainsi, le considérant 4 du règlement no 422/2014 se réfère pour l’année 2011 à « la détérioration immédiate de la situation économique et sociale dans l’Union », alors que, s’agissant de l’exercice de 2012, il évoque dans le considérant 4 du règlement no 423/2014 les « retombées de la crise économique de l’automne 2011 ».

63      En troisième lieu, il convient de noter que, à la différence de la méthode normale prescrite par l’article 3 de l’annexe XI du statut, la clause d’exception ne prévoit pas de paramètres pour sa mise en œuvre. Cet élément est confirmé au point 60 de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), où la Cour considère que l’application de l’article 10 de l’annexe XI du statut se fait « en s’écartant [du] calcul mathématique ». Partant, et vu notamment la marge d’appréciation que cet arrêt avait explicitement accordée au Conseil lors du déclenchement de cette clause, il ne saurait être exigé du législateur qu’il explique en détail les raisons pour lesquelles il a revu à la baisse le pourcentage de 0,9 % d’adaptation des rémunérations et des pensions proposé par la Commission.

64      À cet égard, force est de relever que le pourcentage de 0 %, pour l’année 2011, et de 0,8 %, pour l’année 2012, retenu par le Conseil, ne constituait pas, en tant que tel, un écart assez important par rapport à la proposition susvisée de la Commission, dans le cadre spécifique de l’application de la clause d’exception, pour exiger une motivation plus détaillée que celle contenue dans les considérants des règlements contestés.

65      Au final, la motivation fournie dans les considérants des règlements contestés répond aux exigences jurisprudentielles quant aux actes de portée générale et informe suffisamment les fonctionnaires et retraités du choix du législateur de procéder aux adaptations susmentionnées des rémunérations et des pensions.

66      Les arguments des requérants visant à remettre en cause cette conclusion ne sauraient prospérer.

67      En premier lieu, les requérants font valoir que c’est la décision 2011/866 qui inclut des éléments pertinents que la motivation des règlements contestés devait contenir.

68      Cet argument doit être écarté. Plus précisément, le contenu et la portée de la décision 2011/866 sont clairement distincts de ceux des règlements contestés. En effet, par décision 2011/866, le Conseil a rejeté la proposition de la Commission relative à un règlement adaptant les rémunérations et pensions pour l’année 2011, tandis que les règlements contestés constituent des actes de portée générale par lesquels le Conseil a, sur la base de l’article 10 de l’annexe XI du statut, déterminé les pourcentages d’adaptation des rémunérations et des pensions pour 2011 et 2012. Au demeurant, à supposer que le Conseil ait pu s’inspirer de la motivation de la décision 2011/866, vu la jurisprudence citée ci-dessus, l’absence de référence aux éléments inclus dans cette décision, ne suffirait pas pour conclure à l’insuffisance de la motivation des règlements contestés.

69      En second lieu, l’argument des requérants faisant valoir que d’autres institutions internationales ayant vocation européenne, comme Eurocontrol, ont procédé à une autre appréciation de la situation économique à l’intérieur de l’Union aux fins d’adaptation des rémunérations et des pensions est inopérant. En effet, la seule disposition pertinente en l’espèce est l’article 10 de l’annexe XI du statut et donc la motivation des règlements contestés ne peut être examinée qu’à l’aune du statut avant sa modification par le règlement no 1023/2013. Par ailleurs, pour la même raison l’argument des requérants selon lequel l’objectivité de la notion de « crise grave et soudaine » imposait sa perception identique par toutes les institutions européennes, y compris Eurocontrol est aussi dépourvu de fondement.

70      Au vu de ce qui précède, la motivation des règlements contestés, bien que relativement succincte, est suffisante au regard des exigences quant à la motivation d’actes de portée générale.

71      Il convient donc de rejeter la première branche du premier moyen.

b)      Sur la seconde branche

72      Par cette branche les requérants allèguent, en substance, que, par l’adoption des règlements contestés, le législateur a violé la clause d’exception, dès lors que les conditions de son application, à savoir la « détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale » n’étaient pas réunies.

73      Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence sur les coefficients correcteurs visant à moduler les rémunérations du personnel en tenant compte du coût de la vie dans les divers lieux d’affectation, l’appréciation du juge de l’Union, quant à la définition et au choix des données de base et des méthodes statistiques utilisées par Eurostat pour l’établissement des propositions d’actualisation des coefficients correcteurs, doit se limiter au contrôle du respect des principes énoncés par les dispositions statutaires, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits à la base de la fixation des coefficients correcteurs et de l’absence de détournement de pouvoir (arrêts du 7 décembre 1995, Abello e.a./Commission, T‑544/93 et T‑566/93, EU:T:1995:202, point 56 ; du 25 septembre 2002, Ajour e.a./Commission, T‑201/00 et T‑384/00, EU:T:2002:224, point 48, et du 21 mars 2013, van der Aat e.a./Commission, F‑111/11, EU:F:2013:42, point 45).

74      Cette jurisprudence sur l’étendue du contrôle appliqué par le juge de l’Union est également applicable dans le contexte de la présente affaire afférente à la mise en œuvre de la clause d’exception de l’article 10 de l’annexe XI du statut. Plus précisément, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 63 ci-dessus, la clause d’exception ne prévoyait aucune méthode de calcul. Partant, le législateur n’était pas tenu d’appliquer des indices et des facteurs spécifiques et prédéterminés pour la mettre en œuvre. De plus, à défaut de critères spécifiques à prendre en compte, le contrôle judiciaire porte, pour l’essentiel, sur le déclenchement par le législateur de la clause d’exception et l’interprétation de la notion de « détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale » énoncée dans celle-ci.

75      À cet égard, la Cour a considéré dans son arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), que, lors du déclenchement de la clause d’exception prévue à l’article 10 de l’annexe XI du statut, en cas de conclusions contraires, l’initiative revenait exclusivement au Conseil et non à la Commission. Il convient de citer à ce titre les considérants pertinents de cet arrêt, vu leur importance dans le cadre du présent argument :

« 76. […] L’appréciation opérée respectivement par les deux institutions a abouti à des conclusions contraires, sans que la Commission ait présenté des propositions sur le fondement de l’appréciation du Conseil permettant au Parlement et au Conseil de statuer, en vertu de l’article 10 de l’annexe XI du statut selon la procédure prévue à l’article 294 TFUE, sur les mesures appropriées eu égard à la situation économique et sociale existante à l’intérieur de l’Union.

77. Dans cette situation, le Conseil n’était pas obligé d’adopter la proposition de règlement présentée sur le fondement de l’article 3 de l’annexe XI du statut, c’est-à-dire de la méthode « normale » d’adaptation des rémunérations, étant donné qu’il lui appartient, à ce stade de la procédure, de constater l’existence d’une détérioration grave et soudaine au sens de l’article 10 de cette annexe, permettant de déclencher la procédure prévue à cet article.

78. Par conséquent, en adoptant la décision attaquée, le Conseil n’a pas commis de détournement de pouvoir et n’a violé ni l’article 65 du statut ni les articles 3 et 10 de l’annexe XI de celui-ci.

79. En ce qui concerne l’argument invoqué à titre subsidiaire par la Commission, selon lequel le Conseil a violé les conditions d’application de la clause d’exception prévue à l’article 10 de l’annexe XI du statut, celles-ci n’ayant pas été réunies en 2011, il convient de rappeler que, par cet argument, la Commission fait valoir qu’elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans les domaines où une évaluation d’une situation économique et/ou sociale complexe est nécessaire et que les motifs figurant dans la décision attaquée ne sauraient remettre en cause la conclusion tirée par la Commission dans le rapport du 13 juillet 2011 et le complément d’information.

80. Or, compte tenu de la conclusion figurant au point 77 du présent arrêt, selon lequel il appartient à ce stade de la procédure, au Conseil de constater l’existence d’une détérioration au sens de l’article 10 de l’annexe XI du statut, permettant de déclencher la procédure prévue à cet article, la Commission ne saurait se prévaloir d’un pouvoir d’appréciation relatif à cette constatation qui incombe au Conseil. »

76      En l’espèce, les requérants contestent, données chiffrées à l’appui, la réunion des conditions de la gravité et de la soudaineté pour l’activation de la clause d’exception par le Conseil.

77      Toutefois, il ressort du point 78 de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), que la question de la compétence pour l’activation de la clause d’exception est étroitement liée à celle du fond, à savoir l’existence ou non d’une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au point susvisé de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), la Cour a considéré que « le Conseil n’a[vait] pas commis de détournement de pouvoir et n’a[vait] violé ni l’article 65 du statut ni les articles 3 et 10 de l’annexe XI de celui-ci ». De surcroît, il ressort des considérants 1 et 3 des règlements contestés que la raison de leur adoption était la mise en conformité avec l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), lequel y est explicitement mentionné. Au vu de ce qui précède, le Conseil a, à bon droit, appliqué la clause d’exception en l’espèce, de sorte que l’article 10 de l’annexe XI du statut n’a pas été violé.

78      Au demeurant, en tenant compte de la large marge d’appréciation reconnue au point 58 de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), aux institutions concernées quant au contenu des mesures à prendre lors de l’application de l’article 10 de l’annexe XI du statut, il ne ressort pas du dossier que le législateur a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la mise en œuvre de la clause d’exception.

79      Plus précisément, dans l’exposé des motifs de sa proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, daté du 10 décembre 2013, la Commission a considéré ce qui suit :

« Les rapports de la Commission susmentionnés font systématiquement référence à une stagnation et à une crise en cours, ainsi qu’à un taux de chômage élevé et à une dette et un déficit publics importants dans l’Union européenne, sans conclure toutefois que les critères fixés à l’article 10 de l’annexe XI du statut sont remplis. »

80      En outre, dans le document de travail de la Commission, daté du 5 décembre 2012 et annexé à la proposition de règlement sur la clause d’exception, prévue par l’article 10 de l’annexe XI du statut, il est considéré ce qui suit :

« Les perspectives de l’économie européenne sont mitigées en raison de certaines données décevantes et des signes encourageants d’une adaptation économique progressive dans les États membres et d’importantes avancées politiques. La correction due à la crise post-financière en cours continue de peser lourdement sur l’activité économique et l’emploi dans l’Union. Pourtant, si l’on fait la comparaison avec la situation avant l’été, au cours des derniers mois les tensions financières ont quelque peu diminué. Un retour à une croissance modérée est prévu au premier semestre 2013. »

81      Enfin, dans le même rapport, il est aussi relevé que, « en raison de la correction en cours après la crise financière, le PIB de l’Union pour 2012 devrait être négatif, à -0,3 %, avec des taux trimestriels fluctuant autour de zéro ».

82      Il s’ensuit que la décision du Conseil de déclencher la clause d’exception trouvait son fondement dans une analyse de la situation économique incluse dans les rapports susmentionnés, produits par la Commission. Certes, la Commission n’en n’a pas déduit, comme le Conseil, l’existence d’une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale. Toutefois, conformément à l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), cette différence d’appréciation de la situation économique à l’intérieur de l’Union n’était pas de nature à restreindre le pouvoir du Conseil de constater que les conditions requises par l’article 10 de l’annexe XI du statut se trouvaient réunies aux fins du déclenchement de la clause d’exception. Ainsi qu’il est admis par la Commission dans le rapport daté du 10 décembre 2013 :

« La Cour ayant déclaré que la Commission ne dispose d’aucune marge pour décider de déclencher ou non la clause d’exception sur la base de ces critères, la procédure prévue à l’article 10 de l’annexe XI du statut constitue la seule possibilité de tenir compte d’une crise économique dans le cadre de l’adaptation des rémunérations et d’écarter ainsi l’application des critères fixés à l’article 3, paragraphe 2, de cette annexe. »

83      Au vu de ce qui précède, il ne saurait être soutenu que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation lors de l’évaluation des éléments soumis par la Commission dans le cadre de l’application de la clause d’exception. En effet, ses estimations afférentes à la détérioration immédiate de la situation économique et sociale dans l’Union entraînant d’importants ajustements macroéconomiques, au niveau élevé du chômage et à l’ampleur du déficit public et de la dette publique dans l’Union, inclues dans les considérants pertinents des règlements contestés, n’étaient ni dépourvues de fondement ni entachées d’arbitraire. Les données chiffrées soumises par les requérants et afférentes à la perte du pouvoir d’achat, au produit intérieur brut en 2011 et 2012 ainsi qu’à l’application de la « méthode normale » pour l’adaptation salariale en 2010, ne parviennent donc pas à infirmer cette conclusion.

84      Les autres arguments avancés par les requérants à cet égard ne sauraient être retenus.

85      En premier lieu, il convient de rejeter comme infondé l’argument selon lequel, contrairement au Conseil, la Commission aurait à bon droit concentré son analyse économique sur une période limitée pour conclure à l’existence d’une crise grave et soudaine. En effet, par cet argument les requérants font en substance référence à la décision 2011/866, par laquelle le Conseil a rejeté la proposition de la Commission relative à un règlement adaptant les rémunérations et pensions pour l’année 2011. Or, il s’agit d’une décision qui ne fait pas l’objet des présents recours, de sorte que le présent argument est dépourvu de pertinence. En tout état de cause, dans le cadre de sa large marge d’appréciation, le Conseil pouvait lui-même définir l’horizon temporel aux fins d’apprécier la gravité et la soudaineté de la crise économique.

86      En second lieu, les requérants se réfèrent au point 64 de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), auquel la Cour a considéré que « la notion de “détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale constatée à l’intérieur de l’Union” au sens de l’article 10 de l’annexe XI du statut constitu[ait] une notion objective ». Ils allèguent que le Conseil devait constater de façon objective la détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale afin d’appliquer la clause d’exception.

87      Or, force est de constater que, dans l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), après la constatation du caractère objectif de la notion de « détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale », la Cour se réfère à trois reprises, à savoir aux points 65, 72, 74, aux « données objectives » qui devaient être soumises par la Commission au Conseil aux fins d’application de la clause d’exception. Replacé ainsi dans son contexte, le caractère objectif de la gravité et de la soudaineté de la détérioration impliquait d’évaluer les données objectives fournies par la Commission et d’opter, sur la base de ces éléments, soit pour l’application de la « méthode normale », soit pour le déclenchement de la clause d’exception.

88      Par ailleurs, l’objectivité de la notion de « détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale » ne saurait empêcher le Conseil de procéder, dans le cadre de la large marge d’appréciation qui lui a été reconnue par la Cour, à sa propre évaluation des données économiques soumises par la Commission. Dans la mesure où, par cet argument, les requérants entendent faire valoir que le caractère objectif de la notion susmentionnée entraînait l’obligation pour le Conseil de faire siennes les conclusions de la Commission prônant l’application de la « méthode normale », cela aboutirait à une situation qui serait contraire à l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752). Plus précisément, dans une telle situation, le Conseil serait dépourvu de la possibilité d’avoir « le dernier mot » sur l’application de la clause d’exception, comme il a clairement été jugé par la Cour dans cet arrêt.

89      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter la seconde branche du premier argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, et ce premier argument dans son ensemble.

2.      Sur le deuxième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation des formes substantielles

90      Les requérants font valoir que les règlements contestés ont été adoptés en violation des formes substantielles, dès lors qu’ils s’appuient sur une base juridique erronée, à savoir l’article 10 de l’annexe XI du statut.

91      En premier lieu, ils relèvent que les règlements contestés se fondent sur une base juridique issue d’un acte dérivé, à savoir le statut, et non sur le traité FUE lui-même. Les requérants estiment qu’un acte législatif ne peut pas fournir la base juridique d’un autre acte législatif.

92      En deuxième lieu, ils font valoir que le règlement no 423/2014 n’a pas porté exécution d’un arrêt de la Cour et, donc, qu’il était aussi entaché d’illégalité en ce qu’il était contraire aux articles 10 et 11 de l’annexe XI du statut modifié par le règlement no 1023/2013. Les requérants soutiennent que, en ce qui concerne l’exercice 2012, le législateur n’était pas lié par l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), de sorte qu’il devait procéder à une nouvelle appréciation de la situation économique.

93      En troisième lieu, en se référant à la perte du pouvoir d’achat pour 2012, les requérants allèguent qu’il n’y pas eu de détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale durant cette année.

94      Le Conseil, soutenu par le Parlement, conteste cette argumentation.

95      En premier lieu, s’agissant du grief des requérants tiré de la violation des formes substantielles, il convient de rappeler que, dans la mesure où les règles relatives à la formation de la volonté des institutions de l’Union sont établies par les traités et ne sont à la disposition ni des États membres ni des institutions elles-mêmes, seuls les traités peuvent, dans des cas particuliers, habiliter une institution à modifier une procédure décisionnelle qu’ils établissent (arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 149). Reconnaître à une institution la possibilité d’établir des bases juridiques dérivées, que ce soit dans le sens d’un renforcement ou dans celui d’un allégement des modalités d’adoption d’un acte, reviendrait à lui attribuer un pouvoir législatif qui excède ce qui est prévu par le traité. Cela conduirait également à lui permettre de porter atteinte au principe de l’équilibre institutionnel, qui implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres (arrêt du 6 mai 2008, Parlement/Conseil, C‑133/06, EU:C:2008:257, points 54 et 57).

96      En l’espèce, les requérants soutiennent que les règlements contestés ont été adoptés sur une base juridique issue d’un acte dérivé, à savoir le statut, alors qu’ils auraient dû se fonder sur le traité lui-même. Ils allèguent qu’il y aurait donc eu une violation des formes substantielles.

97      À cet égard, force est de constater, tout d’abord, que l’article 10 de l’annexe XI, qui prévoit la clause d’exception appliquée en l’espèce, dispose que, s’agissant de l’adaptation annuelle des salaires et pensions, la Commission « présente des propositions appropriées au Parlement européen et au Conseil, qui statuent selon la procédure prévue à l’article 336 [du TFUE] ». Partant, la procédure à suivre en cas d’application de la clause d’exception est explicitement mentionnée par l’article 10 de l’annexe XI du statut qui fait référence à l’article 336 TFUE.

98      Pour sa part, l’article 336 TFUE dispose ce qui suit :

« Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, arrêtent, après consultation des autres institutions intéressées, le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union. »

99      Quant à la procédure législative ordinaire à laquelle fait référence l’article 336 TFUE, elle est décrite à l’article 294 TFUE qui relate en détail le rôle attribué à la Commission, au Conseil et au Parlement lors du déroulement de cette procédure.

100    S’agissant des règlements contestés, leur premier visa énonce « [v]u le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ». Par ailleurs, leur septième visa contient la phrase « statuant conformément à la procédure législative ordinaire » en renvoyant directement et sans ambiguïté aux articles 294 et 336 TFUE.

101    Il convient aussi de relever que les considérants des règlements contestés se réfèrent à l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), en faisant explicitement ressortir que ces règlements ont été adoptés aux fins d’exécution de cet arrêt. Or, au point 58 de cet arrêt, la Cour a relevé que « la clause d’exception figurant à l’article 10 de l’annexe XI du statut […] dispos[ait] que le Parlement et le Conseil ensemble statu[ai]ent selon la procédure prévue à l’article 336 TFUE, c’est-à-dire selon la procédure législative ordinaire visée à l’article 294 TFUE ». En se référant explicitement à l’article 294 TFUE et à la procédure législative ordinaire, la Cour a ainsi confirmé le fait que la procédure décrite par l’article 10 de l’annexe XI du statut était régie par les dispositions pertinentes du traité FUE.

102    Il ressort de ce qui précède que les règlements contestés n’ont pas été adoptés sur une base juridique dérivée modifiant la procédure décisionnelle prévue par les traités. En revanche, s’agissant de la procédure à suivre, ils trouvaient leur fondement dans les dispositions pertinentes du traité FUE, à savoir les articles 294 et 336 TFUE.

103    En deuxième lieu, les requérants contestent précisément la légalité du règlement no 423/2014, en alléguant qu’il n’a pas été pris en exécution de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), et que, partant, il aurait dû être adopté sur la base des conditions prévues par les articles 10 et 11 de l’annexe XI du statut modifié par le règlement no 1023/2013.

104    Il y a lieu de constater que l’article 15, paragraphe 1, de l’annexe XI du statut prévoyait ce qui suit :

« Les dispositions prévues à la présente annexe sont applicables pour la période du 1er juillet 2004 au 31 décembre 2012. »

105    Par ailleurs, l’article 15, paragraphe 1, de l’annexe XI du statut modifié par le règlement no 1023/2013 dispose ce qui suit :

« Les dispositions prévues à la présente annexe sont applicables pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2023. »

106    De surcroît, il convient aussi de rappeler que l’article 19 de l’annexe XIII du statut modifié par le règlement no 1023/2013 dispose que notamment les articles 64 et 65, et son annexe XI, en vigueur avant le 1er novembre 2013, « restent en vigueur exclusivement aux fins de toute adaptation nécessaire pour se conformer à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne ». Le règlement no 1023/2013 ayant prévu la nouvelle méthode d’adaptation des rémunérations pour la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2023, est entré en vigueur en octobre 2013, à savoir avant la publication de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752). Ainsi qu’il est à juste titre soulevé par le Conseil, la ratio legisde l’article 19 de l’annexe XIII du statut modifié par le règlement no 1023/2013 ne pouvait donc être autre que de préserver la base juridique nécessaire pour donner effet à des futurs arrêts de la Cour concernant l’adaptation des rémunérations et des pensions pour les années 2011 et 2012.

107    Par conséquent, il ressort de la combinaison de l’article 15, paragraphe 1, de l’annexe XI du statut et de l’article 19 de l’annexe XIII du statut modifié par le règlement no 1023/2013 que, dans la mesure où le règlement no 423/2014 concernait l’année 2012, à savoir la dernière année de l’ancienne méthode de calcul de l’adaptation des rémunérations, c’était le statut avant sa modification par le règlement no 1023/2013 qui était applicable et non la méthode prévue par le statut modifié.

108    Les requérants allèguent que l’article 19 de l’annexe XIII du statut n’était pas applicable dans le cas des adaptations salariales de 2012, dès lors que le règlement no 423/2014 n’était pas censé se conformer à l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752).

109    Cet argument doit être écarté. S’il est vrai que l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), ne concernait que l’année 2011, l’analogie des questions juridiques posées quant à cet exercice par rapport à l’année 2012, entraînait la transposition des appréciations de la Cour dans cet arrêt à la situation en 2012. Il convient de noter à cet égard que, selon une jurisprudence constante, pour se conformer à l’arrêt et lui donner pleine exécution, l’institution est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui–ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (arrêts du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 27, et du 29 novembre 2007, Italie/Commission, C‑417/06 P, non publié, EU:C:2007:733, point 50). Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (arrêt du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 27).

110    Il y a lieu de constater que le principe énoncé dans la jurisprudence citée ci-dessus est transposable dans le cas d’espèce, c’est-à-dire que l’institution concernée est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui–ci et qui en constituent le soutien nécessaire. Ainsi, étant donné que l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), a tranché une question de principe, c’est-à-dire la question de savoir s’il revenait en dernier lieu à la Commission ou au Conseil de déclencher la clause d’exception prévue par l’article 10 de l’annexe XI du statut, les conclusions de la Cour s’étendaient aussi à l’année 2012 pour laquelle le législateur avait aussi opté en faveur de l’application de la clause d’exception.

111    Il découle de ce qui précède que l’article 19 de l’annexe XIII du statut modifié par le règlement no 1023/2013 s’appliquait aux exercices 2011 et 2012. Par conséquent, c’est sans violer les articles 10 et 11 de l’annexe XI du statut modifié par le règlement no 1023/2013 que le règlement no 423/2014 s’est fondé sur la clause d’exception incluse à l’article 10 de l’annexe XI du statut.

112    En troisième lieu, le grief des requérants se rapportant à l’absence en 2012 de détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale au sens de l’article 10 de l’annexe XI du statut vise en réalité le bien-fondé de la motivation des règlements contestés et a déjà été examiné dans le cadre du premier argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité.

113    Au vu de ce qui précède, il convient d’écarter le deuxième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité.

3.      Sur le troisième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation du principe des droits acquis

114    Les requérants font valoir que le principe des droits acquis est un principe général du droit de l’Union, lié étroitement au droit de propriété. Par ailleurs, la règle du parallélisme, c’est-à-dire le droit des fonctionnaires de l’Union de bénéficier d’une évolution de leur pouvoir d’achat parallèle à celle des fonctionnaires nationaux, serait un droit acquis et un élément essentiel de leur rémunération de même qu’une condition essentielle de leur relation avec leur employeur. De l’avis des requérants, déroger à la « méthode normale » d’adaptation des rémunérations et pensions n’emporte pas la dérogation au principe du parallélisme, mais une application différée des pourcentages d’adaptation. Les requérants allèguent que les règlements contestés effectuent un retrait illégal des droits acquis dès lors qu’ils ne respectent pas ce principe du parallélisme. En tenant ainsi compte d’autres restrictions imposées par le statut modifié par le règlement no 1023/2013, comme un prélèvement de solidarité pour l’année 2014, les requérants soutiennent qu’il y aurait au total une baisse de leur pouvoir d’achat, ce qui emporterait une remise en cause de l’équilibre de la relation d’emploi.

115    Le Conseil, soutenu par le Parlement, conteste cette argumentation.

116    Il ressort d’une jurisprudence constante qu’une règle nouvelle s’applique immédiatement, sauf dérogation, aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne. Il n’en va autrement que pour les situations nées et définitivement réalisées sous l’empire de la règle précédente, qui créent des droits acquis. Un droit est considéré comme étant acquis lorsque le fait générateur de celui-ci s’est produit avant la modification législative. Toutefois, tel n’est pas le cas d’un droit dont le fait constitutif ne s’est pas réalisé sous l’empire de la législation qui a été modifiée (arrêt du 6 juillet 2017, Bodson e.a./BEI, T‑508/16, non publié, EU:T:2017:469, point 91 ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, EU:C:2008:767, points 61 à 63).

117    En outre, l’autorité est libre d’apporter à tout moment au régime de travail du personnel les modifications, pour l’avenir, qu’elle estime conformes à l’intérêt du service, même dans un sens défavorable aux agents (arrêts du 25 novembre 2008, Bosman/Conseil, F‑145/07, EU:F:2008:149, point 41, et du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 120 ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 avril 2008, Dalmasso/Commission, F‑61/05, EU:F:2008:47, point 78).

118    Il s’ensuit qu’un agent ne saurait se prévaloir d’un droit acquis que si le fait générateur de ce droit s’est produit sous l’empire d’un statut déterminé, antérieur à la modification décidée par l’autorité (arrêts du 19 mars 1975, Gillet/Commission, 28/74, EU:C:1975:46, point 5, et du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, point 78).

119    En l’espèce, ainsi qu’il est à juste titre relevé par l’AIPN dans sa réponse à la réclamation des requérants, le statut prévoyait déjà dans son annexe XI fixant les modalités d’application de l’article 65, une clause d’exception permettant la dérogation à la « méthode normale » qui incarnait le parallélisme.

120    Cela est confirmé par la Cour, aux points 59 et 60 de son arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), où elle considère ce qui suit :

« 59. À cet égard, il convient d’ajouter que, pendant la durée de l’application de l’annexe XI du statut, la procédure prévue à l’article 10 de cette annexe constitue la seule possibilité de tenir compte d’une crise économique dans le cadre de l’adaptation des rémunérations et d’écarter l’application des critères fixés à l’article 3, paragraphe 2, de cette annexe (arrêt du 24 novembre 2010, Commission/Conseil, précité, point 77).

60. Il en résulte que les institutions sont obligées de statuer chaque année sur l’adaptation des rémunérations soit en procédant à l’adaptation “mathématique” selon la méthode prévue audit article 3, soit en s’écartant de ce calcul mathématique conformément à l’article 10 de l’annexe XI du statut. »

121    Il ressort clairement de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), que, dans le cadre de l’adaptation des rémunérations et des pensions, les institutions avaient chaque année le choix entre la « méthode normale » et la clause d’exception. Par conséquent, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’application systématique de la « méthode normale » et du parallélisme qu’elle prévoyait ne pouvaient pas faire naître un droit acquis à ce titre et dont les requérants seraient bénéficiaires. En effet, la clause d’exception n’a pas été appliquée en l’espèce à la suite d’une modification législative de la « méthode normale », mais elle était incluse avec cette dernière à l’annexe XI du statut et constituait l’une des deux options disponibles au Conseil en vue de l’examen de l’adaptation annuelle des rémunérations, en vertu de l’article 65, paragraphe 1, du statut.

122    Les autres arguments avancés par les requérants à cet égard ne sauraient être retenus.

123    En premier lieu, l’argument faisant valoir que le parallélisme devait être respecté aussi lors de l’application de la clause d’exception revient à nier l’existence et la fonction de la clause d’exception. Si l’article 3 de l’annexe XI du statut, prévoyant la « méthode normale » incarne le parallélisme, dans la mesure où il permet aux fonctionnaires et autres agents de l’Union de bénéficier d’une évolution d’un pouvoir d’achat parallèle à celle des fonctionnaires nationaux, la clause d’exception en constitue la dérogation.

124    Par conséquent, appliquer le parallélisme lors de la mise en œuvre de la clause d’exception reviendrait à transposer les modalités d’application de l’article 3 de l’annexe XI du statut dans le cadre de l’article 10 de la même annexe. Or, il convient de rappeler que ce dernier ne prévoit qu’une condition pour son déclenchement, à savoir la « détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale ». Cela est d’autant plus vrai que la Cour, dans son arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), n’a pas posé des limites au Conseil quant à sa capacité d’opter pour le déclenchement de la clause d’exception. En revanche, elle lui a reconnu une large marge d’appréciation à cet égard. En somme, ni le contenu de l’article 10 de l’annexe XI du statut ni l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), n’impliquent l’application du parallélisme à son égard.

125    En deuxième lieu, dans la mesure où les requérants soutiennent que le législateur aurait pu différer les dates de prise d’effet des adaptations au lieu de déroger au principe du parallélisme, cet argument doit être écarté. À supposer même que le législateur eût pu reporter, lors de l’application de la clause d’exception, la mise en vigueur des adaptations décidées, cet argument a trait à des adaptations proposées sur le fondement de la « méthode normale ». Or, ainsi qu’il a déjà été relevé, l’invocation de la « méthode normale » et des adaptations qui avaient été proposées sur cette base est dépourvue de pertinence dès lors que, en l’espèce, le Conseil a décidé d’activer la clause d’exception au lieu de la « méthode normale ».

126    Il convient à cet égard de rappeler, ainsi qu’il a déjà été fait au point 120 ci-dessus, que, conformément au point 60 de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), les institutions étaient obligées de statuer chaque année sur l’adaptation des rémunérations sur la base soit de la « méthode normale » soit de la clause d’exception. Partant, il aurait été incohérent et contraire à cet arrêt que le Conseil applique en l’espèce la clause d’exception tout en se basant sur des adaptations résultant de la « méthode normale ».

127    En troisième lieu, l’argument des requérants faisant valoir que les règlements contestés ont omis de prendre en compte d’autres mesures, ayant eu des répercussions sur la situation économique des fonctionnaires, introduites par le règlement no 1023/2013, est non fondé. Ainsi qu’il a déjà été relevé, les règlements contestés n’ont pas été adoptés sur la base du statut modifié par le règlement no 1023/2013, mais sur le fondement de l’article 10 de l’annexe XI du statut. Le législateur ne pouvait donc pas faire appel à une base juridique applicable à une période postérieure à celle faisant l’objet des règlements en cause.

128    À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les règlements contestés n’ont ni porté atteinte au principe des droits acquis ni ébranlé l’équilibre de la relation d’emploi des requérants. Il convient donc de rejeter le troisième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité.

4.      Sur le quatrième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

129    Les requérants allèguent qu’il faut considérer comme étant des conditions fondamentales de la relation du travail, qui ne peuvent pas être modifiées, toutes sortes de conditions qui ont conduit le personnel à accepter l’offre de travail et à quitter son lieu d’origine. De l’avis des requérants, lors du recrutement, les institutions concernées se sont obligées de réviser annuellement les salaires et pensions afin de garantir aux fonctionnaires et agents leur pouvoir d’achat. Ils ajoutent qu’ils ne pouvaient imaginer lors de leur recrutement que la clause d’exception serait appliquée entraînant des adaptations de 0 % et de 0,8 % pour 2011 et 2012.

130    Le Conseil, soutenu par le Parlement, conteste cette argumentation.

131    Il est de jurisprudence constante qu’un fonctionnaire ne peut se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour mettre en cause la légalité d’une disposition réglementaire nouvelle, surtout dans un domaine dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (arrêts du 7 juillet 1998, Mongelli e.a./Commission, T‑238/95 à T‑242/95, EU:T:1998:151, point 52, et du 7 juillet 1998, Telchini e.a./Commission, T‑116/96, T‑212/96 et T‑215/96, EU:T:1998:152, point 83).

132    De surcroît, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime ne s’étend qu’au particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts du 17 mars 2011, AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, points 71 et 72, et du 6 juillet 2017, Bodson e.a./BEI, T‑506/16, non publié, EU:T:2017:468, point 99).

133    C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’apprécier si le principe de protection de la confiance légitime a été violé.

134    En premier lieu, il convient de constater que le législateur n’a pas appliqué une disposition réglementaire nouvelle, mais une règle déjà existante, à savoir l’article 10 de l’annexe XI du statut. Cette disposition ne prévoyait aucune mesure transitoire, ce qui semble conforme à son contenu et au but visé, dès lors qu’elle a introduit une clause d’exception, c’est-à-dire dérogatoire à la « méthode normale » de calcul des adaptations des rémunérations et dont les effets étaient par définition limités dans le temps.

135    En deuxième lieu, force est de constater que, ainsi qu’il est à juste titre relevé par l’AIPN dans sa réponse aux réclamations des requérants, le dossier ne contient aucun élément permettant aux requérants de conclure que les institutions concernées leur auraient fourni de quelconques assurances susceptibles de faire naître des espérances légitimes dans l’application de la méthode normale au lieu de la clause d’exception pour les exercices 2011 et 2012. En tout état de cause, il n’aurait pas été loisible aux institutions concernées de donner des assurances que la clause d’exception ne soit pas appliquée ou du moins sans mesures transitoires. Cette démarche de l’administration serait dépourvue de fondement légal, dès lors que la clause d’exception constituait, dans le cadre du statut, l’une des deux modalités d’application de son article 65 et que, selon l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), il revenait au Conseil de décider, dans un premier temps, du recours à la clause d’exception.

136    En troisième lieu, ainsi qu’il ressort de la décision de l’AIPN, l’administration avait pris des initiatives avant l’adoption des règlements contestés pour informer le personnel sur l’évolution des différends interinstitutionnels relatifs à l’adaptation des rémunérations et pensions afin de lui permettre de s’organiser au mieux.

137    Il résulte de ce qui précède que le quatrième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime, doit être écarté.

5.      Sur le cinquième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation du principe de proportionnalité

138    Les requérants font valoir en substance que l’adaptation des rémunérations et des pensions introduite par le règlement no 423/2014 n’était pas proportionnée au but poursuivi par le Conseil, dès lors qu’elle poursuivait uniquement l’objectif de répondre à une crise économique sans pour autant tenir compte de l’article 65 du statut qui impose de garder aussi à l’esprit l’augmentation éventuelle des traitements de la fonction publique des États membres et les nécessités de recrutement. À cet égard, les requérants ajoutent que le Conseil n’a pris en compte ni les nécessités de recrutement ni l’impact de mesures supplémentaires sur la situation des fonctionnaires résultant du statut modifié par le règlement no 1023/2013 et ayant une incidence négative sur leurs conditions de travail et l’évolution de leurs carrières.

139    Le Conseil, soutenu par le Parlement, conteste cette argumentation.

140    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité exige, selon la jurisprudence de la Cour, que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 17 octobre 2013, Schaible, C‑101/12, EU:C:2013:661, point 29 et jurisprudence citée).

141    En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect de ces conditions, la Cour a reconnu au législateur de l’Union, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, un large pouvoir d’appréciation dans les domaines où son action impliquait des choix de nature tant politique qu’économique ou sociale et où il était appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes. Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si une mesure arrêtée dans un tel domaine était la seule ou la meilleure possible, seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre pouvant affecter la légalité de cette mesure (voir arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 117 et jurisprudence citée).

142    Ces considérations s’appliquent également, par voie d’analogie, au contrôle de la proportionnalité des décisions prises par le législateur dans le cadre de l’application de la clause d’exception prévue par l’article 10 de l’annexe XI du statut. Cette démarche implique pour le législateur des choix de nature politique, économique et sociale, dans le cadre desquels il était appelé à effectuer des appréciations complexes, de sorte qu’il dispose d’une large marge d’appréciation dont il convient de tenir compte lors de l’appréciation de la proportionnalité des mesures en cause (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 118).

143    Il y a lieu d’examiner les griefs des requérants au vu des éléments qui précèdent.

144    En premier lieu, en ce qui concerne le but légitime poursuivi par les règlements contestés, force est de rappeler que, comme il ressort de leur considérant 4, ceux-ci ont été adoptés pour faire face « à la détérioration immédiate de la situation économique et sociale dans l’Union » (règlement no 422/2014) et aux « retombées de la crise économique de l’automne 2011, qui a provoqué une récession économique dans l’Union et une détérioration de la situation sociale, ainsi [qu’aux] niveaux toujours élevés du chômage, du déficit public et de la dette publique dans l’Union » (règlement no 423/2014).

145    Dans la mesure où la seule condition pour le déclenchement de la clause d’exception résidait dans la détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union, il y a lieu de considérer que les règlements contestés poursuivaient un but légitime conforme au contenu de la clause d’exception.

146    En deuxième lieu, quant à la proportionnalité des mesures contestées par rapport au but légitime poursuivi, les conclusions de la Cour dans l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), sont également pertinentes dans le cadre du présent argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité. Plus précisément, dès lors que la Cour a admis que le Conseil pouvait unilatéralement déclencher la clause d’exception et qu’il jouissait d’une large marge d’appréciation à cet égard, cette affirmation ne peut que conditionner le contrôle sur la proportionnalité des mesures prises au but visé. En effet, le large pouvoir d’appréciation quant au déclenchement de la clause d’exception entraîne un contrôle judiciaire restreint dans le cadre du présent argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité. À cet égard, il y a lieu de rappeler que les mesures prises étaient exceptionnelles, dérogatoires à la « méthode normale » et limitées par définition dans le temps. Le Conseil n’était donc pas soumis aux mêmes exigences quant à leur proportionnalité que lors de l’application de la « méthode normale » prévue par l’article 3 de l’annexe XI du statut.

147    En troisième lieu, l’adaptation des rémunérations et des pensions de 0 % pour 2011 et de 0,8 % pour 2012, décidée par le législateur dans les règlements contestés, ne présentait pas un écart assez important par rapport au taux de 0,9 %, proposé pour chacun des deux exercices par la Commission, pour entraîner une atteinte au principe de proportionnalité. Cela est d’autant plus vrai que, ainsi qu’il ressort du considérant 4 des règlements contestés, le législateur a suivi une « approche globale » visant à régler les différends quant à l’adaptation des rémunérations et des pensions pour 2011 et 2012. En optant donc pour l’absence d’adaptation pour l’année 2011, le législateur avait pris en compte que, pour l’année 2012, il avait entériné, à 0,1 % d’écart, la proposition de la Commission dans le cadre de l’application de la clause d’exception. Ce souci d’évaluer l’ensemble de la période concernée pour fixer le taux d’adaptation pour chaque année respective ne peut s’inscrire que dans une démarche visant à faire respecter la proportionnalité des mesures prises.

148    Les arguments mis en avant par les requérants pour remettre en cause cette conclusion ne sauraient prospérer.

149    En premier lieu, l’argument tiré des « nécessités de recrutement » que le Conseil n’aurait pas pris en compte, est vague. Dans la mesure où, par le biais de cet argument, les requérants se réfèrent au besoin de garantir l’attractivité de la fonction publique, il y a lieu de relever que celle-ci ne dépend pas de considérations économiques afférentes à des mesures exceptionnelles sur l’adaptation des rémunérations et circonscrites dans une période bien définie. En effet, elle relève plutôt du niveau général des rémunérations et des autres avantages dont celles-ci peuvent éventuellement être assorties. Or ces éléments résultent du régime général et non de dérogations ponctuelles à celui-ci.

150    En second lieu, comme cela est indiqué au point 127 ci-dessus, l’argument des requérants faisant valoir que les règlements en cause ont omis de prendre en compte les effets de la réforme du statut introduite par le règlement no 1023/2014 et applicable à partir du 1er janvier 2014, doit être rejeté comme inapplicable ratione temporis.

151    Dans ces conditions, les règlements contestés n’ont pas méconnu le principe de proportionnalité. Il est donc proposé d’écarter le cinquième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité.

6.      Sur le sixième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation des règles relatives au dialogue social

152    Les requérants soutiennent que les règlements contestés ont été adoptés en violation des droits à la consultation et à la négociation collective, consacrés par les articles 27 et 28 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne tels qu’ils ont été mis en œuvre par l’article 10, deuxième alinéa, du statut, par l’article 10 ter, deuxième alinéa, du statut, par l’accord-cadre conclu par la Commission avec les OSP et par la décision du Conseil du 23 juin 1981 instituant une procédure de concertation tripartite en matière de relations avec le personnel, modifiée par la décision du Conseil du 22 janvier 2001.

153    Selon les requérants, les procédures de consultation et de concertation des OSP n’ont pas été respectées. À l’instar de l’AIPN, les requérants confirment qu’avant la transmission, le 10 décembre 2013, au Parlement et au Conseil de ses propositions d’adaptation salariale, la Commission a invité les OSP à deux réunions d’information. Toutefois, de l’avis des requérants, ces réunions ne pouvaient pas être assimilées à une consultation tant au sens de la décision du Conseil du 23 juin 1981 qu’au sens de l’article 14(2) de l’accord-cadre concernant les relations entre la Commission et les OSP.

154    En ce qui concerne les conséquences à tirer de l’arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil (T‑456/14, EU:T:2016:493), les requérants estiment que, dans celui-ci, le Tribunal se limite à vérifier le locus standi des parties requérantes sur la base de l’affectation de leurs intérêts propres par les règlements et l’existence d’une disposition légale reconnaissant expressément aux associations professionnelles une série de faculté à caractère procédural. De l’avis des requérants, l’évaluation de la procédure d’adoption des règlements n’ayant pas été considérée par le Tribunal dans l’arrêt en question, celui-ci demeure dénué de pertinence à l’égard du deuxième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité. Quant au présent argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, les requérants soutiennent qu’il ressort de l’arrêt en question que l’article 10, deuxième alinéa, du statut ne trouve pas d’application.

155    Enfin, dans leur demande du 15 février 2018, les requérants ont soumis, en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, de nouveaux éléments de preuve dans le but de démontrer que trois OSP ont, le 17 février 2014, demandé la tenue d’une réunion avec l’administration en vue de l’adaptation des salaires pour 2011 et 2012. Il s’agit notamment de correspondances échangées entre les OSP et le Conseil à l’égard de la possibilité d’une concertation tripartite avant l’adoption des règlements contestés.

156    Le Conseil conteste cette argumentation.

157    En outre, en ce qui concerne les conséquences à tirer de l’arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil (T‑456/14, EU:T:2016:493), le Conseil se réfère notamment au point 150 de cet arrêt dans lequel le Tribunal aurait précisé que l’article 10 du statut n’a pas vocation à s’appliquer dans la procédure ayant conduit à l’adoption des règlements contestés.

158    Enfin, s’agissant de la décision du Conseil du 23 juin 1981, le Conseil affirme qu’aucune demande concrète et formelle d’ouvrir une procédure de concertation tripartite n’a été faite par les OSP. Lors de l’audience,il a confirmé l’exactitude de l’affirmation des requérants contenues dans leur lettre du 15 février 2018, à savoir que les OSP du Conseil avaient effectivement demandé la tenue d’une réunion de la commission de concertation.

159    Le Parlement se rallie aux conclusions du Conseil. Plus précisément, il soutient que les accords invoqués par les requérants prévoyant des consultations entre les organisations syndicales et le Conseil ne pouvaient pas constituer des exigences procédurales ajoutées au traité et encore moins des éléments d’appréciation de la validité des actes législatifs.

160    Quant aux conséquences à tirer de l’arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil (T‑456/14, EU:T:2016:493), le Parlement se rallie notamment aux observations du Conseil quant à l’article 10, deuxième alinéa, du statut.

161    Enfin, en ce qui concerne les nouveaux éléments de preuve déposés, le 15 février 2018, par les requérants, lors de l’audience, le Parlement a contesté leur recevabilité en signalant notamment qu’ils étaient antérieurs à la date de dépôt des requêtes.

162    À titre liminaire, s’agissant des nouveaux éléments de preuve soumis par les requérants, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, ce n’est qu’« [à] titre exceptionnel [que] les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié ».

163    En l’espèce, les requérants ont affirmé dans les requêtes qu’« il n’y a eu aucune réunion de la commission de concertation, malgré la demande des OSP » et qu’« [i]l n’y a donc pas eu de concertation ». Or, malgré la référence explicite dans les requêtes à la « demande des OSP », les requérants n’expliquent pas la raison pour laquelle ils n’auraient pas pu soumettre les pièces afférentes à l’échange de correspondance entre les OSP et l’administration et à la possibilité d’entamer une procédure de concertation tripartite dès le stade d’introduction des requêtes et non dans leur lettre datée du 15 février 2018. Le fait que, lors de l’audience, le Conseil a admis l’inexactitude de son affirmation initiale, à savoir qu’aucune demande d’ouvrir une procédure de concertation n’avait été faite par les OSP, ne saurait être déterminant pour la recevabilité des nouvelles pièces produites par les requérants. En effet, la question cruciale qui se pose à ce titre est celle de savoir si ces preuves étaient ou non disponibles au stade d’introduction des requêtes, ce qui n’est pas expliqué par les requérants.

164    Dans ces circonstances, et s’agissant des documents soumis par les requérants le 15 février 2018, leur production tardive n’est pas justifiée. Partant, ces éléments sont irrecevables et ne seront pas pris en compte par le Tribunal dans l’examen du présent argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité.

165    Quant au fond, il y a lieu de relever que, si le droit à l’information et à la consultation des travailleurs et le droit de négociation collective, consacrés respectivement par l’article 27 et par l’article 28 de la charte des droits fondamentaux, sont susceptibles de s’appliquer dans les rapports entre les institutions de l’Union et leur personnel, il échet au droit de l’Union d’en régler l’exercice, conformément aux termes mêmes de ces dispositions (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 112 ; voir également, à propos de l’article 27 de la charte des droits fondamentaux, arrêt du 15 janvier 2014, Association de médiation sociale, C‑176/12, EU:C:2014:2, points 44 et 45).

166    En l’espèce, les requérants allèguent que les articles 27 et 28 de la charte des droits fondamentaux étaient mis en œuvre, premièrement, par l’article 10, deuxième alinéa, du statut, deuxièmement, par l’article 10 ter,deuxième alinéa, du statut, troisièmement, par l’accord-cadre conclu le 18 décembre 2008 par la Commission avec les OSP et, quatrièmement, par la décision du Conseil du 23 juin 1981 instituant une procédure de concertation tripartite en matière de relations avec le personnel, modifiée par la décision du Conseil du 22 janvier 2001.

167    En premier lieu, s’agissant de l’article 10, deuxième alinéa, du statut, il prévoit que le comité du statut composé en nombre égal des représentants des institutions de l’Union et des représentants de leurs comités du personnel, « est consulté par la Commission sur toute proposition de révision du statut ». De surcroît, la même disposition prévoit que « le comité peut formuler toute suggestion en vue de la révision du statut ». Or, ainsi qu’il est à bon droit soutenu par l’AIPN les règlements contestés n’avaient comme objectif que l’adaptation des rémunérations et des pensions des fonctionnaires et des autres agents de l’Union, tandis que l’article 10 du statut ne vise que le cas de la révision du statut. Par conséquent, cette disposition n’avait pas vocation à s’appliquer dans la procédure ayant mené à l’adoption des règlements contestés.

168    Il y a lieu de rappeler que l’arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil (T‑456/14, EU:T:2016:493), a confirmé cette approche. En particulier, au point 150 de cet arrêt, le Tribunal a considéré à l’égard de l’article 10 du statut, qu’il « ne trouv[ait] pas à s’appliquer dans le cadre de la procédure qui a conduit à l’adoption des règlements attaqués », à savoir les règlements contestés.

169    En deuxième lieu, en ce qui concerne l’article 10 ter du statut, dans son deuxième alinéa, il dispose que « les propositions de la Commission visées à l’article 10 peuvent faire l’objet de consultations des organisations syndicales ou professionnelles représentatives ». En renvoyant à l’article 10 du statut, l’article 10 ter ne trouve donc application que dans le cas de la révision du statut. Il s’ensuit que, à l’instar de l’article 10 du statut, il ne peut pas trouver application au cas d’espèce qui, ainsi qu’il a déjà été relevé, ne concerne que l’adaptation des rémunérations et des pensions.

170    En tout état de cause, l’article 10 terdu statutprévoit que les propositions de la Commission « peuvent » faire l’objet de consultation. Par conséquent, cette disposition n’introduit pas une obligation procédurale à la charge de la Commission, mais prévoit une simple faculté.

171    En troisième lieu, s’agissant de l’accord-cadre conclu le 18 décembre 2008 par la Commission avec les OSP ainsi que de la décision du Conseil du 23 juin 1981 instituant une procédure de concertation tripartite en matière de relations avec le personnel, force est de rappeler que, selon la jurisprudence, les fonctionnaires ne peuvent pas tirer des droits de la supposée violation des dispositions régissant les relations des institutions avec les OSP.

172    Plus précisément, dans l’arrêt du 15 juillet 1994, Browet e.a./Commission (T‑576/93 à T‑582/93, EU:T:1994:93), concernant, entre autres, l’application de l’accord du 20 septembre 1974 concernant les relations entre la Commission et les OSP, le Tribunal a jugé qu’il était clair, à la lecture de l’ensemble des stipulations de l’accord-cadre susmentionné, que celui-ci n’était destiné qu’à régir les relations collectives de travail entre la Commission et les OSP et que, par suite, il ne créait, à l’égard de chaque fonctionnaire pris individuellement, aucune obligation, ni aucun droit. Cet arrêt a également précisé que l’accord du 20 septembre 1974 ne se situait pas dans la sphère des relations individuelles de travail entre l’institution et le fonctionnaire, mais dans le cadre plus large des relations entre cette institution et les OSP (arrêts du 15 juillet 1994, Browet e.a./Commission, T‑576/93 à T‑582/93, EU:T:1994:93 point 44, et du 6 mai 2009, Sergio e.a./Commission, F‑137/07, EU:F:2009:46, point 64).

173    En l’espèce, il ressort de l’article I.1 de la décision du Conseil du 23 juin 1981, telle que modifiée par sa décision du 22 janvier 2001, que « les relations entre le Conseil et le personnel, représenté par les organisations syndicales et professionnelles, sont fondées sur une procédure de concertation à laquelle participent les autorités administratives des institutions et organes assimilés et au cours de laquelle toutes les informations disponibles et les positions des parties sont examinées dans le but de faciliter, dans toute la mesure du possible, la convergence des positions et d’assurer que les points de vue du personnel et des autorités administratives sont connus des représentants des États-membres avant qu’ils ne prennent une position ferme ». Par ailleurs, dans son article I. 2 a), la décision susvisée prévoit que « la concertation a lieu au sein d’une commission de concertation se composant […] d’un représentant de chaque État membre […] d’un nombre égal de représentants du personnel désignés par les organisations syndicales et professionnelles […] du chef de l’administration de chaque institution (c’est-à-dire le greffier de la Cour de justice et le secrétaire de chacune des autres institutions) ou d’une personne désignée par lui afin de le représenter ».

174    Quant à l’accord-cadre du 18 décembre 2008, son article 1er prévoit que « le présent accord-cadre a pour objet de régir les relations entre la Commission européenne et les organisations syndicales et professionnelles (OSP) ».

175    Il s’ensuit que tant la décision du Conseil du 23 juin 1981 que l’accord-cadre du 18 décembre 2008 prévoient des procédures de concertation et de consultation entre les institutions et les OSP. Ainsi qu’il est relevé par le Parlement dans son intervention, ces consultations ne peuvent pas constituer des exigences procédurales ajoutées au traité ou des éléments d’appréciation de la validité des actes législatifs. Par conséquent, étant donné que les requérants ne sont pas des OSP et que, dans le cadre des présentes affaires, ils n’invoquent pas de droits qu’ils détiendraient directement de la décision et de l’accord-cadre en question, ces textes ne peuvent pas être considérés comme leur attribuant des droits individuels spécifiques invocables.

176    Au demeurant, s’agissant en particulier de l’accord-cadre du 18 décembre 2008, force est de relever que, au point 152 de l’arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil (T‑456/14, EU:T:2016:493), le Tribunal a admis « qu’il ne ressort[ait] pas du dossier qu’il a été porté atteinte aux facultés procédurales d’une OSP représentative signataire au sens de l’article 8 de cet accord [du 18 décembre 2008] ». Le Tribunal a ainsi exclu qu’une violation de cet accord-cadre ait été commise dans la procédure d’adoption des règlements contestés. Partant, à supposer même que cet accord-cadre soit applicable à l’égard des requérants, le grief soulevé à ce titre ne serait pas fondé.

177    Au vu de ce qui précède, il est proposé de rejeter le sixième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité.

178    Partant, il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation.

B.      Sur les conclusions indemnitaires

179    Les requérants soutiennent que, en l’espèce, toutes les conditions requises par la jurisprudence pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, à savoir la faute commise par l’administration, le préjudice causé aux parties requérantes, et le lien de causalité entre eux sont réunies. En particulier, ils allèguent que l’illégalité des actes attaqués les a privés d’une partie de l’adaptation salariale qui leur était due pour 2011 et 2012, à tout le moins pendant la période qui s’écoulera jusqu’à l’adoption de nouvelles dispositions se substituant à celles dont la légalité est contestée. Ce préjudice serait évalué par les arriérés de rémunérations que les requérants auraient perçus au 1er janvier 2014, si l’adaptation à un taux de 1,7 % initialement proposé par la Commission pour 2011 et 2012 avait été appliquée, intérêts de retard compris.

180    Le Conseil considère que le rejet des demandes d’annulation entraînerait nécessairement celui des demandes indemnitaires.

181    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lorsque le préjudice dont une partie requérante se prévaut trouve son origine dans l’adoption d’une décision faisant l’objet de conclusions en annulation, le rejet de ces conclusions en annulation entraîne, par principe, le rejet des conclusions indemnitaires, ces dernières leur étant étroitement liées (voir arrêt du 17 février 2016, DE/EMA, F‑58/14, EU:F:2016:16, point 84 et jurisprudence citée).

182    En l’espèce, force est de constater que le préjudice matériel dont les requérants se prévalent trouve son origine dans les décisions attaquées dans la mesure où elles portent application de l’adaptation prévue par les règlements contestés. Or, les conclusions en annulation ont été rejetées. Il y a donc lieu de rejeter les conclusions indemnitaires trouvant leur origine dans l’illégalité alléguée des règlements susmentionnés.

V.      Sur les dépens

183    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens du Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

184    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Il s’ensuit que le Parlement supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Les requérants supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      Le Parlement européen supportera ses propres dépens.

Berardis

Spielmann

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

G. Berardis


Table des matières


I. Cadre juridique

II. Antécédents du litige

III. Procédure et conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur les conclusions en annulation

1. Sur le premier argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation de l’obligation de motivation

a) Sur la première branche

b) Sur la seconde branche

2. Sur le deuxième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation des formes substantielles

3. Sur le troisième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation du principe des droits acquis

4. Sur le quatrième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

5. Sur le cinquième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation du principe de proportionnalité

6. Sur le sixième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation des règles relatives au dialogue social

B. Sur les conclusions indemnitaires

V. Sur les dépens


* Langue de procédure: le français