Language of document : ECLI:EU:T:2021:865

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 décembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale GRILLOUMI BURGER – Marques de certification nationales verbales antérieures ΧΑΛΛΟΥΜΙ HALLOUMI – Motifs relatifs de refus – Absence de risque de confusion – Absence d’atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑593/19,

République de Chypre, représentée par MM. S. Malynicz, QC, S. Baran, barrister, et Mme V. Marsland, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Gája et D. Botis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Fontana Food AB, établie à Tyresö (Suède), représentée par Mes P. Nihlmark et L. Zacharoff, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 19 juin 2019 (affaire R 1297/2018‑4), relative à une procédure d’opposition entre la République de Chypre et Fontana Food,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin (rapporteur) et Mme P. Škvařilová‑Pelzl, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 août 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 26 août 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 1er novembre 2019,

vu la décision du 24 octobre 2019 de suspendre la procédure,

vu la décision du 9 mars 2021 portant jonction des affaires T‑556/19 et T‑593/19 aux fins de la phase orale de la procédure,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

à la suite de l’audience du 10 mai 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 25 octobre 2016, l’intervenante, Fontana Food AB, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal GRILLOUMI BURGER.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29, 30 et 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs ; lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao et succédanés du café ; riz ; tapioca et sagou ; farines et préparations faites de céréales ; pain, pâtisseries et confiseries ; glaces alimentaires ; sucre, miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel ; moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir » ;

–        classe 43 : « Services de restauration (alimentation) ; services de coffee-shop ; services de restauration (alimentation) ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 207/2016, du 2 novembre 2016.

5        Le 2 février 2017, la République de Chypre a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était notamment fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque de certification chypriote verbale XAΛΛOYMI HALLOUMI, enregistrée le 25 juin 1992 sous le numéro 366765, désignant les produits relevant de la classe 29 et correspondant à la description suivante : « Produit laitier et, plus particulièrement, fromage à la forme repliée connu sous le nom de halloumi frais » ;

–        la marque de certification chypriote verbale XAΛΛOYMI HALLOUMI, enregistrée le 25 juin 1992 sous le numéro 366766, désignant les produits relevant de la classe 29 et correspondant à la description suivante : « Produit laitier et, plus particulièrement, fromage à la forme repliée connu sous le nom de halloumi affiné ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001].

8        Le 10 mai 2018, la division d’opposition a rejeté l’opposition et condamné la République de Chypre aux dépens.

9        Le 9 juillet 2018, la République de Chypre a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 19 juin 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours et condamné la République de Chypre à supporter les frais exposés aux fins des procédures d’opposition et de recours.

11      Premièrement, s’agissant de l’évaluation du risque de confusion en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a tout d’abord estimé que cette évaluation n’était pertinente qu’à l’égard des produits « lait et produits laitiers, huiles et graisses comestibles » compris dans la classe 29 et désignés par la marque demandée. En revanche, elle a considéré que, dès lors que tous les autres produits et services désignés par cette marque étaient différents des produits désignés par les marques antérieures invoquées à l’appui de l’opposition, celle-ci n’était en tout état de cause pas fondée à leur égard. En particulier, la chambre de recours a estimé que, si les services couverts par la marque demandée et certains produits alimentaires auraient pu être considérés comme similaires en raison de l’existence d’un lien de complémentarité, l’existence d’un tel lien n’avait pas été démontrée en ce qui concernait les fromages.

12      Ensuite, la chambre de recours a estimé que les marques en conflit présentaient un faible degré de similitude sur les plans visuel et phonétique et, que, en raison de l’absence de signification du terme « grilloumi », présent dans la marque demandée, il n’était pas possible de procéder à une comparaison sur le plan conceptuel.

13      Enfin, à l’égard du public pertinent, qu’elle a décrit comme étant le grand public à Chypre et au Royaume-Uni, la chambre de recours a considéré que le caractère distinctif des marques antérieures invoquées à l’appui de l’opposition, tant intrinsèque qu’acquis par l’usage, était faible, que les contrôles mis en œuvre par la République de Chypre afin de faire respecter la règlementation afférente à la certification n’avaient pas d’incidence sur la perception du terme « halloumi » par ledit public et que les différences entre les signes en conflit suffisaient pour les distinguer avec certitude, même pour des produits identiques, de sorte qu’il n’existait pas de risque de confusion.

14      Deuxièmement, s’agissant de l’évaluation du risque d’un profit indu tiré du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures invoquées à l’appui de l’opposition ou d’un préjudice porté à ceux-ci, en vertu de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, la chambre de recours a estimé que les éléments de preuve produits par la République de Chypre étaient insuffisants pour démontrer le caractère distinctif accru et, a fortiori, la renommée desdites marques en tant que marques de certification présentant un caractère distinctif pour désigner des fromages. En outre, la République de Chypre n’aurait pas démontré, ne serait-ce qu’à première vue, l’existence d’un risque de profit indu tiré du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures, futur et non hypothétique, ou d’un risque d’atteinte à leur caractère distinctif. À cet égard, les consommateurs qui achèteraient du fromage halloumi ne seraient pas en mesure de distinguer la qualité certifiée par les normes issues de la réglementation imposée aux utilisateurs autorisés des marques de certification antérieures et il ne pourrait donc y avoir de préjudice. La république de Chypre ne pourrait pas faire appliquer le régime de certification dans le cadre de ce qui constituerait, en substance, une action d’opposition, car le non-respect du règlement d’usage ne serait pas un motif d’opposition et ne dépendrait pas de la perception du consommateur-cible.

 Conclusions des parties

15      La République de Chypre conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

16      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la République de Chypre aux dépens.

 En droit

17      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 25 octobre 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le présent litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

18      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties à l’instance dans leurs écritures à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), et l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

19      Au soutien du recours, la République de Chypre invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

20      Le premier moyen se décompose, en substance, en trois branches.

21      Par la première branche, la République de Chypre invoque des erreurs d’appréciation de la chambre de recours lors de la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit. En premier lieu, la chambre de recours aurait estimé à tort qu’une large partie des produits désignés par la marque demandée et relevant des classes 29 et 30 étaient différents des produits désignés par les marques antérieures. En particulier, elle aurait négligé de fournir une motivation sur ce point et n’aurait pas tenu compte du fait que le fromage était fréquemment et typiquement servi en combinaison avec des viandes, des poissons, des légumes ou d’autres produits similaires, de sorte que les consommateurs moyens auraient été habitués à acheter ensemble ces denrées alimentaires qui auraient été typiquement servies et consommées en association.

22      En second lieu, la chambre de recours aurait dû considérer que tous les services couverts par la marque demandée et les produits couverts par les marques antérieures étaient similaires, dans la mesure où il aurait existé entre eux un lien de complémentarité. À cet égard, le raisonnement de la chambre de recours serait erroné au regard des quatre éléments suivants : tout d’abord, elle aurait appliqué à tort un critère tenant au caractère mutuellement indispensable des services et des produits en cause, alors qu’il aurait suffi de constater qu’ils pouvaient être utilisés ou proposés ensemble, ensuite, elle aurait négligé la jurisprudence du Tribunal selon laquelle, concernant les denrées alimentaires, y compris le lait et les produits laitiers, les services de restauration utiliseraient nécessairement ces produits, de sorte qu’il existerait un lien de complémentarité entre ces services et ces produits, par ailleurs, elle aurait fait une application erronée de la jurisprudence issue de l’arrêt du 15 février 2011, Yorma’s/OHMI – Norma Lebensmittelfilialbetrieb (YORMA’S) (T‑213/09, non publié, EU:T:2011:37), en ce qui concernait le critère de complémentarité et, enfin, elle se serait fondée sur la considération erronée et non étayée selon laquelle il n’existait pas de restaurant de fromage.

23      Par la deuxième branche, la République de Chypre fait valoir que la chambre de recours a procédé à une appréciation erronée de la similitude des signes en conflit. Certes, elle aurait constaté à juste titre que, dans la marque demandée, l’élément « burger » était descriptif et ne devait se voir reconnaître qu’une importance secondaire. En revanche, la République de Chypre soutient que la chambre de recours aurait dû considérer qu’il existait, d’une part, un degré élevé de similitude visuelle entre les signes en conflit, dans la mesure où ils coïncidaient par l’élément « lloumi », lequel ne serait utilisé dans aucun autre terme grec ou anglais, et, d’autre part, un degré élevé de similitude phonétique, car les marques antérieures et le premier élément de la marque demandée sont composés d’un nombre identique de syllabes et coïncident par les syllabes « llou » et « mi ». Les signes en conflit présenteraient également un degré élevé de similitude conceptuelle. À cet égard, la chambre de recours aurait séparé à tort les groupes de lettres « grill » et « oumi » lorsqu’elle a analysé le premier élément de la marque demandée, alors qu’elle aurait dû considérer, en substance, que les consommateurs liraient le groupe de lettres « ll » dudit signe comme renvoyant à la fois aux termes « grill » et « lloumi », ce qui constituerait un jeu de mots. L’élément « grill » désignerait quant à lui une méthode courante de préparation des produits fabriqués sous le régime de certification des marques antérieures.

24      Par la troisième branche, la République de Chypre soutient que la chambre de recours a également procédé à une appréciation erronée du caractère distinctif des marques antérieures, ce qui aurait faussé l’appréciation globale du risque de confusion.

25      En premier lieu, la République de Chypre reproche à la chambre de recours de s’être référée à la jurisprudence du Tribunal relative à des demandes de marque individuelle de l’Union européenne. Or, les marques de certification constitueraient une catégorie distincte de marques qui rempliraient des fonctions différentes de celles des marques individuelles. En se limitant à mentionner cette jurisprudence et en s’abstenant de fournir une motivation spécifique, la chambre de recours se serait également soustraite à son obligation de motivation.

26      En second lieu, la République de Chypre fait valoir que la chambre de recours a estimé à tort que les marques antérieures étaient descriptives, se limitant à décrire une « spécialité fromagère de Chypre », ce qui reviendrait à les priver de caractère distinctif. Ce faisant, la chambre de recours aurait fait échec aux régimes nationaux des marques de certification, en méconnaissance de la jurisprudence de la Cour selon laquelle, s’agissant de marques nationales, leur caractérisation comme étant descriptives ou génériques équivaudrait, d’une part, à nier leur caractère distinctif et, d’autre part, à considérer qu’elles seraient nulles à tous égards sauf d’un point de vue formel. En définitive, l’approche appliquée par la chambre de recours, selon laquelle une marque de certification antérieure devrait satisfaire au critère tenant à l’existence d’un caractère distinctif comme s’il s’agissait d’une marque individuelle pour pouvoir être opposée ou invoquée en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, serait nécessairement erronée.

27      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la République de Chypre.

28      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

29      Lorsque, comme en l’espèce, les marques antérieures invoquées à l’appui de l’opposition sont des marques de certification nationales, qui ont été enregistrées en vertu d’une législation nationale transposant la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), le risque de confusion doit s’entendre, par analogie avec le régime des marques collectives, comme étant le risque que le public puisse croire que les produits ou les services visés par lesdites marques antérieures et ceux visés par la marque demandée proviennent tous de personnes autorisées par le titulaire desdites marques antérieures à utiliser celles-ci ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées audites personnes ou audit titulaire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 64).

30      En outre, en cas d’opposition formée par le titulaire d’une marque de certification, s’il y a lieu de tenir compte de la fonction essentielle de ce type de marque afin d’appréhender ce qu’il convient d’entendre par risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il n’en demeure pas moins que la jurisprudence établissant les critères au regard desquels il doit concrètement être apprécié si un tel risque existe est transposable aux affaires concernant une marque de certification antérieure (voir, par analogie, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 65).

31      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 septembre 2016, Sun Cali/EUIPO – Abercrombie & Fitch Europe (SUN CALI), T‑512/15, EU:T:2016:527, point 45 et jurisprudence citée].

32      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a estimé à juste titre, s’agissant des marques en conflit, qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

 Sur le public pertinent

33      Selon la jurisprudence, le risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, entre deux marques en conflit ne doit pas être apprécié sur la base d’une comparaison, dans l’abstrait, des signes en conflit et des produits ou des services qu’ils désignent. L’appréciation de ce risque doit plutôt être fondée sur la perception que le public pertinent aura desdits signes, produits et services [voir arrêt du 2 octobre 2015, The Tea Board/OHMI – Delta Lingerie (Darjeeling), T‑624/13, EU:T:2015:743, point 24 et jurisprudence citée].

34      Plus particulièrement, selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

35      Au point 13 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les produits et les services désignés par les marques en conflit étaient destinés au consommateur final, qui était censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Elle a estimé par conséquent que, dans la mesure où les marques antérieures avaient été enregistrées à Chypre, il y avait lieu de prendre en considération le public pertinent composé du grand public dans ce pays.

36      Il convient en outre d’ajouter que, dans la mesure où la marque demandée désigne des produits alimentaires de consommation courante ainsi que des services d’usage courant se rapportant, en substance, à la restauration des particuliers et que les marques antérieures sont également enregistrées pour des produits alimentaires de consommation courante, à savoir, en substance, des fromages, lesdits produits et services s’adressent tous au grand public, lequel, lors de l’achat de ceux-ci, fera preuve d’un niveau d’attention généralement moyen [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié, EU:T:2006:335, point 46].

37      Il convient de confirmer cette appréciation, qui apparaît bien fondée eu égard aux éléments du dossier et n’est, au demeurant pas contestée par les parties. Il y a lieu de retenir que, dans la mesure où les marques antérieures ont été enregistrées à Chypre, le public pertinent était composé du grand public dans cet État membre.

 Sur la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit

38      Aux points 15, 16 et 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que seuls les produits « lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles », compris dans la classe 29 et désignés par la marque demandée, étaient soit identiques, soit similaires aux « fromages » pour lesquels les marques antérieures étaient enregistrées, de sorte que l’examen des autres critères relatifs à l’existence d’un risque de confusion n’était justifié qu’à l’égard de ces produits.

39      En revanche, s’agissant des autres produits désignés par la marque demandée et relevant de la classe 29 et de la classe 30, la chambre de recours a conclu, aux points 17 et 18 de la décision attaquée, qu’il n’existait aucune similitude avec les « fromages » désignés par les marques antérieures. Elle a en particulier considéré, contrairement à ce qu’avait retenu la division d’opposition, que les produits « glaces alimentaires ; café, thé, cacao et succédanés du café », désignés par la marque demandée, ne présentaient pas de similitude avec les « fromages », dès lors que, compte tenu de leur spécificité, ces derniers ne pourraient pas être assimilés à des produits laitiers en général, comme les crèmes glacées ou les boissons lactées.

40      Par ailleurs, la chambre de recours a considéré aux points 20 à 23 de la décision attaquée que, si les services désignés par la marque demandée et certains produits alimentaires pouvaient être considérés comme similaires, notamment quand des restaurants vendaient de la nourriture à emporter ou à consommer au comptoir, cela ne s’appliquait pas aux fromages. Selon elle, si la différence entre un point de vente de nourriture et un restaurant en libre-service pouvait être floue, toutefois, s’agissant des services relevant de la classe 43, c’était davantage la nature de service d’un restaurant qui importait, et non la vente d’un produit alimentaire en elle-même. À cet égard, elle a estimé que, si un établissement comportant un restaurant ou une zone semblable à un restaurant en libre-service devait vendre du fromage au comptoir, cette situation concernerait non pas des « services de restaurant », mais les produits en tant que tels.

41      La chambre de recours a également considéré, en substance, que les éléments de preuve produits par la République de Chypre afin de démontrer que certains restaurants et établissements de restauration servaient essentiellement des repas à base de fromage ou proposaient de tels repas en vue d’une consommation immédiate étaient insuffisants pour prouver, du point de vue du public pertinent, la similitude, eu égard à leur complémentarité, des services de restauration en question et des fromages servis dans ces lieux. En effet, en substance, rien n’indiquerait que les consommateurs percevraient une origine commune entre les services fournis par ces prestataires et les fromages qu’ils serviraient.

42      En l’espèce, il y a lieu d’examiner si la chambre de recours a conclu à juste titre que, hormis en ce qui concernait les produits « lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles », compris dans la classe 29, les produits et les services désignés par la marque demandée et les produits désignés par les marques antérieures ne présentaient pas de similitude, de sorte que, à leur égard, il y avait lieu d’exclure d’emblée l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

43      Selon la jurisprudence, pour apprécier la similitude entre des produits et des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux et qui incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que, par exemple, les canaux de distribution des produits et des services concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

44      Premièrement, en ce qui concerne la comparaison entre les produits relevant des classes 29 et 30, désignés par la marque demandée, et les produits désignés par les marques antérieures, il y a tout d’abord lieu de relever que, si des produits comme, en l’espèce, les produits laitiers se présentant sous la forme de fromages halloumi frais ou affinés qui sont désignés par les marques antérieures, d’une part, et l’ensemble des produits désignés par la marque demandée, d’autre part, appartiennent à la catégorie générale des produits alimentaires destinés à la consommation humaine, ce fait ne saurait suffire, à lui seul, à rendre ces produits identiques, dans la mesure où leur nature, les matières premières dont ils sont constitués, leur destination et leur utilisation peuvent être complètement différentes [voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2011, Intermark/OHMI – Natex International (NATY’S), T‑72/10, non publié, EU:T:2011:635, point 31].

45      Ensuite, dans la mesure où les produits désignés par les marques antérieures sont élaborés à partir de lait, de sorte qu’ils relèvent, comme leur description l’indique, de la catégorie des produits laitiers, tout en ayant, dès lors qu’ils consistent en produits laitiers se présentant sous la forme de fromages halloumi frais ou affinés, une consistance et un goût particuliers, il apparaît que leur nature, leur destination et leur utilisation de même que leur mode de distribution ne diffèrent pas fondamentalement de ceux du « lait » et des « produits laitiers » compris dans la classe 29 et désignés par la marque demandée. Il y a donc lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours (voir point 15 de la décision attaquée), que les produits laitiers se présentant sous la forme de fromages halloumi frais ou affinés, désignés par les marques antérieures et le « lait », désigné par la marque demandée, sont similaires, leur degré de similitude pouvant être considéré comme élevé, et que lesdits produits laitiers désignés par les marques antérieures sont identiques aux « produits laitiers » désignés par la marque demandée.

46      Par ailleurs, s’agissant des « huiles et graisses comestibles », comprises dans la classe 29 et désignées par la marque demandée, ces dernières comprennent des produits à la fois d’origine végétale, comme la margarine, et d’origine animale, comme le beurre, qui est lui-même un produit laitier de nature semblable au fromage, à proximité duquel il est généralement commercialisé. Il y a donc lieu de retenir que ces produits, au regard de leur composition et de leur mode de distribution, présentent un degré de similitude qui peut être considéré comme moyen avec les produits laitiers se présentant sous la forme de fromages halloumi, frais ou affinés, désignés par les marques antérieures, .

47      En outre, en ce qui concerne les produits « [v]iande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande », compris dans la classe 29 et désignés par la marque demandée, il s’agit de produits d’origine animale, issus des tissus musculaires d’animaux sauvages ou d’élevage. Ces produits ne sont certes pas identiques aux produits laitiers se présentant sous la forme de fromages halloumi frais ou affinés, désignés par les marques antérieures. Toutefois, le Tribunal a déjà considéré que de tels produits, en particulier ceux qui, à l’instar de la viande, des jambons, des charcuteries, des plats froids et des conserves de viande, appartenaient à la catégorie des produits de charcuterie, pouvaient être considérés comme semblables aux fromages et aux produits laitiers, et ce en raison de leur nature et de leur destination identiques ainsi que de leurs canaux de distribution semblables [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, Cabrera Sánchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié, EU:T:2007:391, point 41].

48      Cette conclusion peut s’étendre au « poisson », à la « volaille » et au « gibier », compris dans la classe 29 et désignés par la marque demandée. En effet, ces produits et les produits laitiers se présentant sous la forme de fromages halloumi frais ou affinés, désignés par les marques antérieures, ont une nature commune de produits alimentaires composés de protéines d’origine animale, ils peuvent être préparés et consommés ensemble comme ingrédients de nombreux plats et leurs canaux de distribution peuvent être identiques, notamment dans les rayons alimentaires de la grande distribution où ils sont fréquemment vendus à proximité les uns des autres.

49      La chambre de recours a donc commis une erreur en estimant que l’ensemble de ces produits étaient différents des produits désignés par les marques antérieures, alors qu’il y avait lieu de constater l’existence d’un degré de similitude pouvant être considéré comme faible.

50      S’agissant des « œufs », relevant de la classe 29 et désignés par la marque demandée, ceux-ci constituent certes des produits d’origine animale comme les produits laitiers et les fromages. Toutefois, les œufs ont une destination alimentaire spécifique et font généralement l’objet d’une commercialisation dans un rayon et sous un emballage particulier en raison de leur fragilité. Ainsi, bien qu’ils appartiennent à la catégorie des produits alimentaires d’origine animale, les « œufs » désignés par la marque demandée doivent néanmoins être considérés comme différents des produits désignés par les marques antérieures.

51      Au surplus, comme l’a relevé la chambre de recours au point 14 de la décision attaquée, les produits désignés par les marques antérieures sont non pas tous les « produits laitiers » en général, mais uniquement des produits laitiers spécifiques se présentant sous la forme de fromages halloumi frais ou affinés. Partant, il n’est pas possible de considérer que lesdites marques désignent une vaste catégorie de produits qui devrait englober tous les produits à base de lait ou présentant un rapport avec le lait. Dans ces conditions, la chambre de recours a retenu à bon droit qu’il n’existait pas de similitude entre les produits désignés par les marques antérieures et les « glaces alimentaires ; café, thé, cacao et succédanés du café » compris dans la classe 30 et désignés par la marque demandée. En effet, tant les « glaces alimentaires », qui nécessitent des conditions de conservation particulières, que les « café, thé, cacao et succédanés du café », qui correspondent à des ingrédients destinés à la préparation de boissons, diffèrent du fromage par leur destination en tant qu’aliments et pour, les derniers, par leur composition, puisque, en principe, s’ils peuvent être consommés associés à du lait, ils ne sont pas directement dérivés des produits laitiers.

52      Enfin, en ce qui concerne, d’une part, les « fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes », compris dans la classe 29 et désignés par la marque demandée, et, d’autre part, les « riz ; tapioca et sagou ; farines et préparation faites de céréales ; pain, pâtisseries et confiseries ; sucre, miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel ; moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices », compris dans la classe 30 et désignés par la marque demandée, il s’agit de produits alimentaires qui sont pour la plupart d’origine végétale, ne contiennent en général ni lait ni fromage, ont une nature spécifique liée notamment à leurs caractéristiques de conservation, puisqu’il ne s’agit pas de produits frais, à l’exception de certaines pâtisseries, et sont donc commercialisés dans des rayons spécifiques. La chambre de recours a donc estimé à bon droit que ces produits étaient différents des produits désignés par les marques antérieures. De telles considérations s’appliquent également, en substance, en ce qui concerne la « glace à rafraichir », comprise dans la classe 30 et désignée par la marque demandée, étant également précisé qu’elle est nécessairement conservée dans des conditions particulières de température qui diffèrent de celles du fromage.

53      Deuxièmement, en ce qui concerne la comparaison entre, d’une part, les services désignés par la marque demandée, qui correspondent à des services de restauration et de coffee-shops compris dans la classe 43, et, d’autre part, les fromages désignés par les marques antérieures, qui relèvent de la catégorie plus large des produits alimentaires compris dans la classe 29, la chambre de recours a pu, sans commettre d’erreur et ainsi qu’elle y avait d’ailleurs été invitée par la République de Chypre, rechercher l’existence d’une similitude en raison de leur complémentarité, plutôt que de facteurs tels que leur nature, leur destination ou leur utilisation. En effet, les produits et les services en cause ne sont pas identiques et il est incontestable que, au regard des facteurs relatifs à leur nature, à leur destination ou à leur utilisation, ils ne sont pas semblables [voir, en ce sens, arrêt du 18 février 2016, Harrys Pubar et Harry’s New York Bar/OHMI – Harry’s New York Bar et Harrys Pubar (HARRY’S BAR), T‑711/13 et T‑716/13, non publié, EU:T:2016:82, point 58 et jurisprudence citée].

54      Or, si le critère de complémentarité des produits et des services en cause ne représente qu’un facteur parmi plusieurs autres, tels que la nature, l’utilisation ou les canaux de distribution de ces produits ou de ces services, au regard desquels leur similitude peut s’apprécier, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un critère autonome, susceptible de fonder, à lui seul, l’existence d’une telle similitude (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Hesse/OHMI, C‑50/15 P, EU:C:2016:34, point 23).

55      À cet égard, il convient de rappeler que des produits ou des services sont complémentaires lorsqu’il existe entre eux un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de l’offre de ces services incombe à la même entreprise [voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2013, Hartmann/OHMI – Protecsom (DIGNITUDE), T‑504/11, non publié, EU:T:2013:57, point 44 et jurisprudence citée].

56      Ainsi que cela résulte de la jurisprudence du Tribunal, il y a lieu de constater que les services de restauration utilisent nécessairement les produits compris dans la classe 29, notamment les fromages, de sorte qu’il existe une complémentarité entre ces services et ces produits. Premièrement, les fromages peuvent être proposés à la clientèle de nombreux restaurants, voire de coffee-shops, en étant incorporés comme ingrédients dans des plats destinés à la vente sur place ou à emporter. Deuxièmement, les fromages, sans être transformés comme ingrédients, peuvent être vendus en l’état aux consommateurs, notamment dans les restaurants dont l’activité ne se limite pas à préparer et à servir des plats cuisinés, mais consiste également à vendre de la nourriture destinée à la consommation hors du lieu de vente. De tels produits sont donc utilisés et proposés dans le cadre des services de restauration ou de coffee-shop. Ces produits sont par conséquent étroitement liés auxdits services [voir, en ce sens, arrêts du 13 avril 2011, Bodegas y Viñedos Puerta de Labastida/OHMI – Unión de Cosecheros de Labastida (PUERTA DE LABASTIDA), T‑345/09, non publié, EU:T:2011:173, point 52, et du 18 février 2016, HARRY’S BAR, T‑711/13 et T‑716/13, non publié, EU:T:2016:82, point 59 et jurisprudence citée].

57      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, que le lien de complémentarité entre les fromages et les services de restauration et de coffee-shop doit amener au constat qu’il existe un certain degré de similitude entre, d’une part, les « [s]ervices de restauration (alimentation) ; services de coffee-shop ; services de restauration (alimentation) » relevant de la classe 43 et visés par la marque demandée et, d’autre part, les « fromages » relevant de la classe 29 et visés par les marques antérieures. Ce degré de similitude doit être qualifié de faible, dans la mesure où, d’une part, les services et les produits en cause ont à l’évidence une nature différente, en raison du caractère fongible des premiers et non fongible des seconds [voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2019, Brown Street Holdings/EUIPO – Enesan (FIGHT LIFE), T‑800/17, non publié, EU:T:2019:31, point 25 et jurisprudence citée], et, d’autre part, les « [s]ervices de restauration (alimentation) ; services de coffee-shop ; services de restauration (alimentation) » relevant de la classe 43 et visés par la marque demandée peuvent présenter un lien de complémentarité avec des produits alimentaires très variés, dont les fromages ne constituent qu’une partie.

58      Or, l’existence d’une telle similitude ne permet pas d’exclure d’emblée que le public pertinent soit amené à penser que les services et les produits en cause ont une même origine commerciale.

59      Au regard des considérations qui précèdent, il apparaît que le second grief de la première branche est fondé et que le premier grief de cette branche l’est partiellement, dès lors que la chambre de recours a commis plusieurs erreurs lors de la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit.

60      L’analyse globale du risque de confusion aurait par conséquent dû être poursuivie à l’égard des produits « viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande » relevant de la classe 29 ainsi qu’à l’égard des services relevant de la classe 43 et désignés par la marque demandée, à l’instar des autres produits désignés par ladite marque à l’égard desquels une identité ou un certain degré de similitude avec les produits désignés par les marques antérieures a été admis. Les conséquences éventuelles de ces erreurs au regard de la légalité de la décision attaquée seront examinées dans le cadre de l’analyse globale du risque de confusion, à laquelle il sera procédé ci-après.

61      En revanche, dans la mesure où le Tribunal a été en mesure d’exercer son contrôle sur les motifs ayant fondé la décision attaquée quant à la comparaison des produits et des services en cause et de relever des erreurs dans ces motifs, il y a lieu de rejeter l’argument de la République de Chypre selon lequel la partie concernée de cette décision serait affectée d’un défaut de motivation.

 Sur le caractère distinctif des marques antérieures

62      L’appréciation du caractère distinctif d’une marque revêt une importance particulière dans la mesure où l’appréciation du risque de confusion est effectuée globalement et qu’elle implique une certaine interdépendance des facteurs pris en considération [arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33], de sorte que ledit risque est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure est fort (arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18). Ainsi, un faible degré de caractère distinctif implique un degré de similitude entre les signes en conflit ou entre les produits et les services concernés plus important afin de conclure à l’existence d’un risque de confusion. Par conséquent, la sous-estimation du caractère distinctif des marques antérieures par la chambre de recours serait susceptible d’entacher la décision attaquée d’une erreur quant à l’appréciation du risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, Chypre/EUIPO – M. J. Dairies (BBQLOUMI), T‑384/17, non publié, EU:T:2018:593, point 36].

63      Lorsqu’une opposition est fondée sur l’existence d’une marque nationale antérieure, les vérifications portant sur le degré de caractère distinctif de cette marque ont toutefois des limites, puisqu’elles ne peuvent aboutir à la constatation d’un des motifs absolus de refus prévus notamment à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001], à savoir l’absence de caractère distinctif ou le caractère purement descriptif de cette marque. Ainsi, pour ne pas enfreindre l’article 8, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement 2017/1001], il doit être reconnu un certain degré de caractère distinctif à une marque nationale invoquée à l’appui d’une opposition à l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne (arrêt du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI, C‑196/11 P, EU:C:2012:314, points 43 à 47). En effet, il y a lieu, en toute hypothèse, de considérer qu’un droit antérieur valablement enregistré présente un caractère distinctif intrinsèque minimal du seul fait qu’il a été enregistré [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 octobre 2020, Eugène Perma France/EUIPO – SPI Investments Group (NATURANOVE), T‑602/19, non publié, EU:T:2020:463, point 65].

64      Le règlement 2017/1001, applicable à compter du 1er octobre 2017, comporte des dispositions relatives à la marque de certification de l’Union européenne, qu’il définit, à son article 83, paragraphe 1, comme une marque « propre à distinguer les produits ou [les] services pour lesquels la matière, le mode de fabrication des produits ou de prestation des services, la qualité, la précision ou d’autres caractéristiques, à l’exception de la provenance géographique, sont certifiés par le titulaire de la marque par rapport aux produits ou [aux] services qui ne bénéficient pas d’une telle certification ».

65      S’agissant des marques de certification nationales, les États membres, à l’instar de la République de Chypre, ont la faculté d’autoriser leur enregistrement, ainsi que cela résultait de l’article 15 de la directive 89/104, qui est pertinente ratione temporis au regard de la date d’enregistrement des marques antérieures.

66      Ainsi, les marques antérieures constituent des « marques enregistrées dans un État membre », au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009, qui peuvent être invoquées à l’appui d’une procédure d’opposition.

67      En l’espèce, en ce qui concerne le caractère distinctif des marques antérieures à l’égard des produits laitiers se présentant sous la forme de fromages halloumi frais ou affinés, la chambre de recours a conclu, au point 42 de la décision attaquée, que leur caractère distinctif intrinsèque était faible, en raison de la signification descriptive desdites marques. En outre, à la suite de l’examen des éléments de preuve fournis par la République de Chypre, la chambre de recours a estimé, au point 35 de la décision attaquée, que l’existence d’un caractère distinctif acquis par l’ancienneté de l’usage des marques antérieures n’était pas démontrée.

68      Dans la mesure où les marques antérieures relèvent de la catégorie des marques enregistrées dans un État membre, il apparaît fondé de prendre en compte le droit national pour attester de leur validité. Néanmoins, il y a lieu de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne issu du règlement no 207/2009 doit être appliqué de façon indépendante de tout système national, s’agissant d’un régime autonome et autosuffisant [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, EU:T:2000:283, point 47]. Partant, sous réserve de la jurisprudence rappelée au point [65] ci-dessus, l’appréciation du caractère distinctif intrinsèque des marques antérieures doit être effectuée de manière autonome, en vertu du seul droit de l’Union. À cet égard, même si, à la lumière de cette jurisprudence, il convient de reconnaître aux termes « halloumi », en caractères latins, ou « χαλλούμι », en caractères grecs, enregistrés conjointement en tant que marques de certification nationales, un certain caractère distinctif, cela n’implique pas qu’il y ait lieu de reconnaître en soi aux marques composées uniquement de ces termes un caractère distinctif d’un niveau tel qu’il leur procurerait une protection inconditionnelle permettant de s’opposer à tout enregistrement de marque postérieure comportant ces mêmes termes (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, BBQLOUMI, T‑384/17, non publié, EU:T:2018:593, point 42).

69      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il est indiqué au point 33 de la décision attaquée, le Tribunal avait déjà jugé à deux reprises que le terme « halloumi » était perçu par le grand public, notamment chypriote, comme désignant une spécialité fromagère de Chypre [voir, en ce sens, arrêts du 13 juin 2012, Organismos Kypriakis Galaktokomikis Viomichanias/OHMI – Garmo (HELLIM), T‑534/10, EU:T:2012:292, point 41, et du 7 octobre 2015, Chypre/OHMI (XAΛΛOYMI et HALLOUMI), T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752, points 20 et 21]. Si la référence à ces deux arrêts est contestée par la République de Chypre en ce qu’ils ne prendraient pas en compte la fonction spécifique d’une marque de certification chypriote, il n’en reste pas moins que, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’a fait que constater que, au regard des éléments de preuve produits en l’espèce, la conclusion à laquelle le Tribunal était parvenu dans ces arrêts en ce qui concernait la perception des termes constitutifs des marques antérieures par le public pertinent chypriote restait valable. Au surplus, il apparaît que la chambre de recours a clairement exposé les motifs l’ayant amenée à se référer à cette jurisprudence du Tribunal, de sorte que l’argument de la République de Chypre selon lequel la décision attaquée serait à cet égard entachée d’un défaut de motivation doit être rejeté.

70      Par ailleurs, rien parmi les éléments de preuve produits par la République de Chypre devant la chambre de recours, tels qu’ils ont été analysés aux points 36 à 38 et 40 de la décision attaquée, ne vient contredire ce constat.

71      En effet, les éléments de preuve en question, constitués notamment de données relatives aux volumes de production et de vente au cours des dernières années ainsi qu’aux efforts de promotion et de marketing, d’extraits de magazines culinaires ou d’articles de presse, concernent dans leur immense majorité le fromage halloumi en tant que spécialité fromagère de Chypre depuis de nombreuses années, mais sans qu’il soit possible de rattacher le terme « halloumi », en caractères latins, ou « χαλλούμι », en caractères grecs, utilisé à titre générique pour désigner un type de fromage, au régime de certification établi à partir de 1992. Ainsi que l’a correctement relevé la chambre de recours, il apparaît, au regard de ces divers éléments, que ce terme n’est perçu par le public chypriote que comme le nom d’un type de fromage produit à Chypre.

72      Ainsi, il y a lieu de considérer que le terme « halloumi » ou « χαλλούμι » sera directement compris par le public pertinent comme décrivant les caractéristiques du produit, voire sa provenance en ce qu’il s’agit d’un produit traditionnel de Chypre, et non comme une indication de sa qualité certifiée. Il y a donc lieu de constater que les marques antérieures, composées exclusivement du terme « halloumi », en caractères latins, et « χαλλούμι », en caractères grecs, en ce qu’elles sont descriptives des caractéristiques et de la provenance du produit qu’elles désignent, ne possèdent qu’un faible caractère distinctif intrinsèque et que l’existence d’un caractère distinctif accru doit être écartée. Il y a donc lieu de rejeter comme non fondé le premier grief de la troisième branche, qui, en substance, critique l’appréciation du caractère distinctif des marques antérieures par référence au régime des marques individuelles et aux principes rappelés dans l’arrêt du 7 octobre 2015, XAΛΛOYMI et HALLOUMI (T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752).

73      En tout état de cause, il y a lieu de relever que la question de savoir si le respect effectif par la personne qui sollicite l’enregistrement de la marque demandée des caractéristiques garanties par la République de Chypre en tant que titulaire des marques antérieures relève de la fonction essentielle de ces dernières marques est étrangère au champ de la protection conférée par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. En effet, cette question relève tout au plus de l’usage d’une marque qui pourrait porter préjudice à la fonction essentielle d’une marque de certification et induire le public en erreur sur la certification des caractéristiques du produit (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, BBQLOUMI, T‑384/17, non publié, EU:T:2018:593, point 48).

74      Au surplus, il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours au point 41 de la décision attaquée, que, si une demande d’appellation d’origine protégée pour le fromage halloumi a été déposée par la République de Chypre, l’opposition n’a pas été fondée sur l’article 8, paragraphe 4 bis, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 6, du règlement 2017/1001), de sorte que cet élément est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

75      De même, rien ne permet de remettre en cause les considérations figurant au point 39 de la décision attaquée, selon lesquelles la jurisprudence du Royaume-Uni concernant la marque de certification nationale Stilton, invoquée par la République de Chypre devant la chambre de recours, serait dénuée de pertinence pour le cas d’espèce, en particulier parce qu’elle concernait des conditions de fait particulières, se rapportant à un droit dont l’usage intensif pour les produits et les services qu’il désignait avait été démontré, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Au demeurant, cet argument présente un caractère inopérant dès lors qu’il porte sur la marque de certification du Royaume-Uni antérieure HALLOUMI que la République de Chypre a renoncé à invoquer dans le cadre de la présente procédure.

76      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le second grief de la troisième branche, tiré en substance du fait que, lors de l’évaluation des critères pertinents pour l’appréciation globale du risque de confusion, les marques antérieures auraient été considérées comme présentant un caractère purement descriptif, et, partant, de constater que la chambre de recours a conclu à juste titre que, en raison de leur signification descriptive, les marques antérieures possédaient un caractère distinctif intrinsèque faible et que rien ne permettait de considérer qu’elles auraient acquis un caractère distinctif accru en raison de leur usage.

 Sur l’analyse des éléments composant la marque demandée

77      Au point 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a procédé à l’analyse de la marque demandée, en exposant que cette dernière était composée de deux mots, dont le premier, « grilloumi », était l’élément le plus distinctif, étant donné qu’il s’agissait d’un mot fantaisiste dépourvu de signification, alors que le second, « burger », serait perçu par le public pertinent comme désignant un petit pain contenant un aliment frit ou grillé, généralement identifié par la première partie du mot composé dans lequel il se trouve, comme, par exemple, dans les mots « hamburger », « beefburger » ou « cheeseburger ».

78      Ces appréciations de la chambre de recours ne sont pas expressément contestées par les parties.

79      La République de Chypre insiste toutefois sur le fait que l’élément « grilloumi » devrait être considéré comme l’élément dominant de la marque demandée et qu’il y aurait lieu de n’attacher qu’une très faible importance à l’élément « burger » compte tenu de son caractère descriptif.

80      À cet égard, il convient tout d’abord de considérer que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le terme « grilloumi » présenterait un caractère original et fantaisiste contribuant à son caractère distinctif ne saurait être approuvée.

81      En effet, s’il est exact que les marques antérieures véhiculent le concept d’un type de fromage chypriote, en l’occurrence le fromage halloumi, il ne saurait être exclu que, dans une certaine mesure, la marque demandée véhicule un concept présentant un rapport avec le concept de fromage chypriote halloumi, véhiculé par les marques antérieures.

82      Pour le public pertinent, qui est composé du grand public à Chypre et qui est familier du fromage halloumi, le terme « grilloumi », dont la partie finale « lloumi » est identique à celle du terme « halloumi », peut être compris comme renvoyant au concept de fromage halloumi grillé. Il ne saurait toutefois être exclu que les consommateurs perçoivent également le jeu de mots tenant au fait que l’élément « ll » du terme « grilloumi » renvoie à la fois aux termes « grill » et « halloumi », ce qui est susceptible de lui conférer un caractère original. Au regard de ces constatations, il y a lieu de considérer que le terme « grilloumi », en ce qu’il constitue un des éléments d’une marque désignant des produits alimentaires et des services liés à l’alimentation, présente un certain degré de caractère distinctif qui peut être considéré comme faible.

83      Ensuite, le mot « burger », quant à lui, ne doit cependant pas être considéré comme étant totalement négligeable. En effet, s’il présente un caractère descriptif en ce que, comme l’a relevé la chambre de recours, il désigne un petit pain contenant un aliment frit ou grillé, il est courant de le trouver associé au sein d’une combinaison avec un autre mot qui vient préciser le type d’aliment contenu dans le petit pain en question.

84      Or, il convient de rappeler que, si, en règle générale, le public ne considérera pas un élément descriptif faisant partie d’une marque complexe comme l’élément distinctif et dominant dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, cela ne signifie pas pour autant qu’un élément descriptif d’une marque est nécessairement négligeable dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci. À cet égard, il convient, en particulier, de rechercher si d’autres éléments de la marque sont susceptibles de dominer, à eux seuls, l’image de celle-ci que le public pertinent garde en mémoire [voir arrêt du 28 novembre 2017, Laboratorios Ern/EUIPO – Sharma (NRIM Life Sciences), T‑909/16, non publié, EU:T:2017:843, point 34 et jurisprudence citée].

85      En l’espèce, dans la mesure où, comme l’a relevé la chambre de recours, le public pertinent a déjà été confronté à des combinaisons verbales constituées du terme « burger » combiné avec un autre mot, il percevra ce terme, dans la marque demandée, comme une possible indication d’une composition alimentaire associant un petit pain à un autre aliment.

86      Ainsi, si le mot « burger », pris isolément, ne présente pas de caractère distinctif particulier en ce qu’il se rapporte à des produits alimentaires, il en va différemment en l’espèce, dans la mesure où il est associé au terme « grilloumi », avec lequel il constitue une combinaison présentant un certain degré d’originalité. Il y a donc lieu de considérer qu’il n’est pas purement descriptif et qu’il présente à tout le moins un certain degré de caractère distinctif, qu’il y a lieu de qualifier de faible, compte tenu de son association avec le terme « grilloumi ».

87      Enfin, il y a lieu d’ajouter que, selon une jurisprudence constante, s’agissant d’une marque contenant des éléments verbaux, le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin [voir arrêt du 14 janvier 2016, The Cookware Company/OHMI – Fissler (VITA+VERDE), T‑535/14, non publié, EU:T:2016:2, point 61 et jurisprudence citée].

88      Ainsi, même si la chambre de recours ne l’a pas expressément précisé, le mot « grilloumi », par sa position au début du signe constituant la marque demandée et son caractère plus distinctif que le terme « burger », auquel il est associé dans ledit signe, doit être considéré comme l’élément le plus important dans la perception de ce signe par le public pertinent, ainsi que le soutient, en substance, la requérante.

 Sur la comparaison des signes

89      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

90      En l’espèce, les marques antérieures sont constituées des termes « halloumi », en caractères latins, et « χαλλούμι », en caractères grecs, tandis que la marque demandée est constituée des deux mots « grilloumi » et « burger ».

91      En ce qui concerne la comparaison des marques en conflit sur le plan visuel, la chambre de recours a estimé, au point 30 de la décision attaquée, que leur similitude était faible. À cet égard, elle a considéré que cette similitude tenait uniquement à une coïncidence des signes en cause au niveau soit du groupe de lettres « lloumi » présent dans le terme « halloumi », en caractères latins, soit de la lettre « o » et du groupe de deux lettres « mi » s’agissant du terme « χαλλούμι », en caractères grecs. Dans la mesure où le mot « grilloumi » serait unique et fantaisiste, que le terme « grill » soit compris ou non, le signe constituant la marque demandée serait considéré comme un tout et les premières lettres composant le mot « grill », sans équivalent dans le signe antérieur, ne seraient pas ignorées. En outre, indépendamment de la question de savoir si le terme « burger » serait considéré comme désignant des petits pains, il ne serait pas négligeable et ne serait pas non plus ignoré sur le plan visuel.

92      Il y a lieu de considérer que l’argumentation de la République de Chypre ne permet de remettre en cause les constatations effectuées, en substance, par la chambre de recours. Si le terme « grilloumi » correspond effectivement à une combinaison du mot « grill » et du groupe de lettres « oumi », groupe de lettres qui est également présent à la fin du mot « halloumi », en caractères latins, et dont la lettre « o » et le groupe de deux lettres « mi » figurent dans le terme « χαλλούμι », en caractères grecs, il s’agit toutefois d’un terme présentant un certain degré d’originalité, certes faible, mais dans lequel le mot « grill » ne sera pas ignoré par le public, en particulier parce que le début d’une marque verbale est susceptible de retenir davantage l’attention du consommateur que le reste de cette marque (voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, BBQLOUMI, T‑384/17, non publié, EU:T:2018:593, point 59). En outre, le second terme composant la marque demandée, « burger », joue également un rôle de différenciation des signes en conflit, car, d’une part, il est absent des marques antérieures et, d’autre part, le public est habitué à des expressions ou des mots formés d’une combinaison incluant le terme « burger » (comme par exemple dans les mots « hamburger », « beefburger » ou « cheeseburger »). La similitude visuelle entre la marque demandée et les marques antérieures, tant au regard du terme « halloumi », en caractères latins, que du terme « χαλλούμι », en caractères grecs, est donc faible.

93      En ce qui concerne la comparaison des signes en conflit sur le plan phonétique, la chambre de recours a considéré, au point 31 de la décision attaquée, que leur similitude était également faible sur ce plan. À cet égard, elle a constaté que les termes composant les marques antérieures étaient prononcés de façon identique, qu’ils soient écrits en caractères latins ou grecs. Or, le signe composant la marque demandée serait probablement entièrement prononcé, car les consommateurs auraient pour habitude d’utiliser le terme « burger » précédé d’un mot indiquant ce que ledit « burger » contient, même si, en l’espèce, il s’agirait d’un mot fantaisiste et dépourvu de signification. Ainsi, les signes différeraient par leurs premières syllabes, « ha » et « gri », et par les dernières syllabes du signe constituant la marque demandée, « bur » et « ger », de sorte que, sur les cinq syllabes de ce dernier signe, seules les deux syllabes du milieu, « lou » et « mi », seraient semblables à des syllabes du signe constituant les marques antérieures.

94      Cette appréciation de la chambre de recours peut, en substance, être approuvée. En effet, si la présence commune de deux syllabes contigües dans chacun des signes en conflit entraîne une certaine similitude, en revanche, lesdits signes diffèrent significativement par d’autres aspects, en particulier parce que le signe constituant la marque demandée est plus long que le signe constituant les marques antérieures et que, lorsque le public sera amené à le prononcer, il prononcera selon toute vraisemblance les deux mots qui le composent, et donc également le mot « burger », ce qui contribuera à le différencier des marques antérieures.

95      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a estimé, au point 32 de la décision attaquée, qu’il n’était pas possible de procéder à une comparaison, car le premier élément du signe constituant la marque demandée, « grilloumi », serait dépourvu de signification et que, pour autant que la signification du terme « grill » soit perçue par les consommateurs, elle serait différente de celle du mot « halloumi ». Par ailleurs, rien n’indiquerait que, notamment dans la langue grecque, le groupe de lettres « oumi » serait perçu comme une forme abrégée du terme « halloumi ».

96      Cette analyse de la chambre de recours ne saurait toutefois être suivie, dans la mesure où les marques antérieures véhiculent le concept d’un type de fromage chypriote, en l’occurrence le fromage halloumi, et que, dans une certaine mesure, la marque demandée véhicule un concept similaire. En effet, il est erroné de considérer que la partie finale du mot « grilloumi », dans la marque demandée, ne sera pas comprise par le public pertinent comme renvoyant au fromage halloumi. Pour ce public, l’association du groupe de lettres « oumi » au mot « grill » est susceptible de renvoyer au concept de fromage halloumi grillé. Certes, le concept véhiculé par le terme « burger », dans la marque demandée, ne trouve pas d’équivalent dans les marques antérieures, ce qui contribue à les différencier, mais il y a néanmoins lieu de considérer que la notion de fromage halloumi à laquelle renvoie, dans une certaine mesure, la marque demandée entraîne un certain degré de similitude sur le plan conceptuel, qu’il convient de qualifier de faible.

97      Il y a donc lieu de constater que la deuxième branche du premier moyen est en partie fondée, en ce que la chambre de recours a effectué une erreur lors de la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel. L’incidence éventuelle de cette erreur sur la légalité de la décision attaquée sera examinée ci-après, au stade de l’appréciation globale du risque de confusion.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

98      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés par celles-ci. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

99      En l’espèce, il convient de rappeler que, au point 47 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que, si les signes en conflit coïncidaient par le groupe de lettres « lloumi », ils différaient globalement au niveau de l’élément distinctif du signe constituant la marque demandée, à savoir le mot fantaisiste unique « grilloumi », qui ne figurait pas dans le signe constituant les marques antérieures et ne constituait pas un élément distinctif dudit signe. Compte tenu du caractère distinctif faible des marques antérieures, les différences entre les signes en conflit auraient été suffisantes pour les distinguer avec certitude, même pour des produits identiques, et il n’aurait pas existé de risque de confusion.

100    À cet égard, dès lors que l’existence d’un risque de confusion présuppose, à la fois, une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent, le constat de l’absence d’un risque de confusion doit, en tout état de cause, être approuvé en ce qui concerne les « fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs », compris dans la classe 29 et visés par la marque demandée, de même qu’à l’égard de tous les produits compris dans la classe 30 et visés par la marque demandée, puisqu’ils sont différents des produits couverts par les marques antérieures.

101    En revanche, en ce qui concerne les services et les autres produits visés par la marque demandée, qui sont identiques ou semblables, à différents degrés, aux produits désignés par les marques antérieures, l’existence d’un risque de confusion ne saurait d’emblée être exclue, de sorte qu’il y a lieu de procéder à l’appréciation globale de ce risque au regard de tous les facteurs pertinents.

102    Premièrement, s’agissant du facteur tenant à la similitude des signes en conflit, cette dernière tient à la présence dans la marque demandée du groupe de lettres « lloumi » qui figure dans le terme « halloumi », en caractères latins, ainsi qu’à celle de la lettre « o » et du groupe de deux lettres « mi » qui figurent dans le terme « χαλλούμι », en caractères grecs, lesdits termes composant les marques antérieures, ce qui est à l’origine d’un faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

103    Toutefois, ces considérations doivent être mises en perspective avec le fait que, lorsque le public pertinent sera confronté au signe constituant la marque demandée, l’élément le plus important dans la perception de ce dernier, à savoir « grilloumi », lui apparaîtra comme présentant un certain degré d’originalité, qui, bien que faible, sera renforcé par la présence du mot « burger », lequel joue un rôle différenciateur non négligeable, puisqu’il est absent des marques antérieures et que sa combinaison avec le mot « grilloumi » présente également, en tant que telle, un certain degré d’originalité.

104    Le terme « halloumi », qui constitue l’unique élément des marques antérieures, ne jouit quant à lui que d’un faible caractère distinctif intrinsèque. Or, si la reconnaissance du caractère faiblement distinctif d’une marque antérieure n’empêche pas, en elle-même, de constater l’existence d’un risque de confusion (voir, en ce sens, ordonnance du 27 avril 2006, L’Oréal/OHMI, C‑235/05 P, non publiée, EU:C:2006:271, points 42 à 45), il n’en reste pas moins que, lorsque les éléments de similitude existant entre plusieurs signes tiennent au fait qu’ils partagent un composant présentant un faible caractère distinctif intrinsèque, l’impact de tels éléments de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion est, lui-même, faible [voir, en ce sens, arrêts du 22 février 2018, International Gaming Projects/EUIPO – Zitro IP (TRIPLE TURBO), T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91, point 73 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2018, Kwizda Holding/EUIPO – Dermapharm (UROAKUT), T‑266/17, EU:T:2018:569, point 79].

105    Dans ces conditions, le faible degré de similitude qui existe entre les signes en conflit sera peu susceptible de contribuer à l’existence d’un risque de confusion. En effet, lesdits signes coïncident sur des éléments restreints, en l’occurrence, d’une part, le groupe de lettres « lloumi » dans le terme « halloumi », en caractères latins, et, d’autre part, la lettre « o » et le groupe de deux lettres « mi » qui figurent dans le terme « χαλλούμι », en caractères grecs. Or, dans la mesure où ces éléments seront perçus dans le signe constituant la marque demandée comme renvoyant au fromage halloumi, ils seront compris par le public pertinent comme une simple référence audit fromage et, donc, comme le type de produits désigné par les marques antérieures.

106    Deuxièmement, s’agissant du caractère distinctif des marques antérieures, d’une part, celles-ci sont dotées d’un degré de caractère distinctif intrinsèque faible. D’autre part, ainsi qu’il a été constaté au point [74] ci-dessus, il n’y a pas lieu de tenir compte en l’espèce de l’existence d’un caractère distinctif accru acquis par l’usage, dans la mesure où les éléments de preuve versés aux débats ne permettent pas de constater que le public pertinent, confronté aux marques antérieures, les associera à autre chose qu’au fromage halloumi, eu égard au fait qu’elles renvoient au nom générique de ce type de fromage plutôt qu’à l’origine commerciale des produits qu’elles désignent, comme provenant de personnes autorisées par leur titulaire à utiliser lesdites marques ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées audites personnes ou audit titulaire.

107    Dans ces conditions, le niveau de protection conféré par les marques antérieures, eu égard à leur faible degré de caractère distinctif intrinsèque, ne peut, lui-même, qu’être faible.

108    Troisièmement, il y a lieu de prendre en considération le facteur tenant au fait que les « produits laitiers » désignés par la marque demandée, sont identiques aux produits désignés par les marques antérieures et que ces derniers et une partie des produits désignés par la marque demandée, à savoir, le « lait », les « huiles et graisses comestibles » et les « viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande », sont similaires, à différents degrés.

109    À ce titre, il convient de rappeler que tous les produits en cause sont des produits de consommation courante, lors de l’achat desquels le public pertinent fera preuve d’un niveau d’attention moyen.

110    Or, il ne pourrait être conclu à l’existence d’un risque de confusion que si le public pertinent était susceptible d’être induit en erreur sur l’origine commerciale des produits désignés par la marque demandée.

111    En l’espèce, ce risque n’apparaît pas démontré, même pour le « lait et [les] produits laitiers » désignés par la marque demandée, qui présentent une similitude ou une identité avec les produits laitiers se présentant sous la forme de fromages halloumi frais ou affinés, désignés par les marques antérieures.

112    En effet, lorsque le public pertinent sera confronté à la marque demandée et à supposer qu’il porte également son attention sur le groupe de lettres « lloumi » contenu dans celle-ci, voire qu’il perçoive que ce groupe de lettres est susceptible de renvoyer au concept de fromage halloumi, il n’établira pas de lien entre cette marque et les marques antérieures, dès lors que, d’une part, il établira tout au plus un lien entre ces dernières et les produits qu’elles désignent, à savoir des produits laitiers se présentant sous la forme de fromages halloumi frais ou affinés, et, d’autre part, les marques en conflit ne présentent, globalement considérées, qu’un faible degré de similitude.

113    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que, en dépit des erreurs qu’elle a commises lors de la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit, d’une part, et lors de la comparaison desdites marques, d’autre part, la chambre de recours a, en l’espèce, conclu à bon droit à l’absence de risque de confusion.

114    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009

115    Le second moyen se décompose en deux branches.

116    Par la première branche, la République de Chypre conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’existence d’un risque, futur et non hypothétique, de profit indu tiré du caractère distinctif des marques antérieures ou d’atteinte à leur caractère distinctif n’a pas été démontrée, ne serait-ce qu’à première vue. En effet, au point 27 de son mémoire devant la chambre de recours, la République de Chypre se serait expressément référée à ses observations du 10 août 2017 devant la division d’opposition, dans lesquelles elle aurait exposé les chefs de préjudice dont elle entendait se prévaloir. La chambre de recours aurait donc négligé de prendre en considération ces observations. Or, si elle l’avait fait, elle aurait considéré comme fondées les prétentions de la République de Chypre découlant de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

117    Par la seconde branche, la République de Chypre soutient que la chambre de recours a également commis une erreur en considérant qu’il n’avait pas été démontré que les marques antérieures jouissaient d’une renommée. Or, les éléments de preuve produits auraient été suffisants, d’une part, pour démonter ce fait et, d’autre part, pour prouver que le public pertinent connaissait lesdites marques en tant que marques de certification enregistrées, alors qu’il n’aurait existé aucune obligation à cet égard pour la mise en œuvre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009. Il ne serait pas davantage requis, afin d’établir le caractère distinctif acquis ou la renommée d’une marque au sens de cette disposition, de prouver que le public pertinent savait que la marque en question est une marque enregistrée dans l’Union.

118    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la République de Chypre.

119    Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2 du même article, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’Union et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, lorsqu’elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

120    La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Deuxièmement, la marque antérieure doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Troisièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [voir arrêt du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 29 et jurisprudence citée].

121    En l’espèce, il convient, de commencer par l’examen de la deuxième condition, tenant à l’existence d’une renommée des marques antérieures à Chypre.

122    Au point 56, de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que, en l’absence de preuve suffisante du caractère distinctif accru et a fortiori de la renommée des marques antérieures en référence à des normes de certification que la règlementation imposerait aux utilisateurs autorisés desdites marques, il ne pourrait y avoir de préjudice. En effet, les consommateurs qui achètent du fromage halloumi ne seraient pas en mesure de distinguer la qualité certifiée, puisque, en substance, ils percevraient tout au plus le terme « halloumi » comme désignant un type particulier de fromage produit à Chypre, et non comme renvoyant à une marque.

123    Cette appréciation de la chambre de recours doit être approuvée. À cet égard, dans le cadre de l’examen d’un éventuel caractère distinctif acquis par l’usage des marques antérieures, et ainsi que cela ressort des points 36 à 38 et 40 de la décision attaquée, la chambre de recours a procédé à un examen approfondi des éléments de preuve que la République de Chypre avait produits afin de démontrer que, dans l’État membre en question, les marques antérieures, du fait de l’ancienneté de leur usage, auraient acquis un caractère distinctif accru, ce qui aurait pu contribuer à démontrer qu’elles jouissaient d’un certain niveau de renommée auprès du public pertinent.

124    Or, la chambre de recours a relevé que, parmi les nombreuses pièces qui avaient été produites devant la division d’opposition, une seule avait été identifiée comme se rapportant précisément à HALLOUMI en tant que marque de certification enregistrée au nom de la République de Chypre. Elle a constaté que les autres documents se rapportaient dans leur grande majorité au fromage halloumi en tant que spécialité fromagère produite à Chypre et prouvaient simplement un usage du terme « halloumi » en rapport avec ledit fromage, sans qu’il fût possible d’en déduire que le public pertinent chypriote l’aurait perçu autrement que comme une description des caractéristiques d’un type particulier de fromage.

125    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que la condition tenant au fait que les marques antérieures doivent jouir d’une renommée dans l’État membre concerné n’est pas remplie.

126    Or, dès lors qu’une des conditions nécessaires à la mise en œuvre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 n’est pas remplie, la protection élargie accordée à une marque antérieure en vertu de cette disposition ne peut pas être valablement invoquée.

127    Ainsi, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la première branche, relative à la condition tenant à l’existence d’un risque, futur et non hypothétique, de profit indu tiré du caractère distinctif des marques antérieures ou d’atteinte à leur caractère distinctif, il convient de rejeter le second moyen, comme non fondé, et, dès lors, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

128    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

129    En l’espèce, la République de Chypre ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’EUIPO et l’intervenante, conformément aux conclusions de ces derniers.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République de Chypre est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 décembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.