Language of document : ECLI:EU:T:2022:675

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

26 octobre 2022 (*) (1)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme d’un biberon – Usage sérieux de la marque – Article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 – Nature de l’usage de la marque – Forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑273/21,

The Bazooka Companies, Inc., établie à New York, New York (États-Unis), représentée par Mes D. Wieddekind et D. Wiemann, avocats, admise à se substituer à The Topps Company, Inc.,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. R. Raponi et D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Trebor Robert Bilkiewicz, demeurant à Gdansk (Pologne), représenté par Me P. Ratnicki-Kiczka, avocat,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. D. Spielmann, président, R. Mastroianni et I. Gâlea (rapporteur), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment la demande de substitution, au titre de l’article 174 du règlement de procédure du Tribunal, déposée par The Bazooka Companies au greffe du Tribunal le 13 mai 2022 et les observations de l’EUIPO et de The Topps Company déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 20 mai et le 29 mai 2022,

à la suite de l’audience du 31 mai 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, The Bazooka Companies, Inc., demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 10 mars 2021 (affaire R 1326/2020-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 12 décembre 2018, l’intervenant, M. Trebor Robert Bilkiewicz, a présenté à l’EUIPO une demande en déchéance de la marque de l’Union européenne enregistrée à la suite d’une demande présentée le 25 novembre 1999 pour le signe tridimensionnel suivant :

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3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la déchéance a été demandée relèvent de la classe 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Confiserie ; sucreries ; bonbons ; bonbons ; sorbets ».

4        Le motif invoqué à l’appui de la demande en déchéance était celui visé à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5        Les 23 avril et 23 septembre 2019, The Topps Company, Inc., a présenté des éléments de preuve visant à établir l’usage sérieux de la marque contestée.

6        Les 5 juillet et 25 novembre 2019, l’intervenant a formulé ses observations sur ces éléments de preuve. The Topps Company a répondu auxdites observations le 6 janvier 2020.

7        Le 21 mai 2020, la division d’annulation a fait droit à la demande en déchéance pour l’ensemble des produits visés par la marque contestée à compter du 12 décembre 2018.

8        Le 29 juin 2020, The Topps Company a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. Tout d’abord, elle a considéré, s’agissant de la question de savoir si l’usage de la marque contestée était conforme à l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, que le caractère distinctif de ladite marque était faible, celle-ci se composant d’un biberon de forme courante, de sorte qu’il serait facilement altéré. De plus, elle a estimé que les formes présentées comme éléments de preuve différaient de la forme protégée par la marque contestée par des variations significatives de nature, de longueur et de position. À cet égard, les éléments verbaux et figuratifs supplémentaires ne seraient pas négligeables, mais plutôt distinctifs. Partant, la chambre de recours a constaté que l’usage tel que démontré n’était ni un usage de la marque contestée telle qu’elle est enregistrée, ni un usage sous une forme différant par des éléments qui n’altéreraient pas son caractère distinctif. Ensuite, elle a estimé que, si plusieurs marques pouvaient faire l’objet d’un usage sérieux en même temps sur un produit, le titulaire de la marque pour laquelle l’usage devait être démontré devait attester que ladite marque était toujours appréhendée comme une marque indépendante. Enfin, elle a considéré que tel n’était pas le cas, dès lors que la marque contestée telle qu’elle est enregistrée avait fusionné avec les éléments figuratifs et verbaux supplémentaires pour former un autre signe.

 Conclusions des parties

10      The Topps Company conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenant aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner The Topps Company aux dépens.

12      L’intervenant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner The Topps Company aux dépens relatifs tant à la procédure devant l’EUIPO qu’à celle devant le Tribunal.

 En droit

 Sur la demande de substitution

13      Par courrier du 13 mai 2022, le représentant de The Topps Company fournissant la preuve d’un mandat donné par The Bazooka Companies a indiqué que cette société était désormais titulaire de la marque contestée et qu’elle souhaitait se substituer à The Topps Company. Le représentant a notamment annexé à sa lettre une notification, datant du 17 janvier 2022, de l’enregistrement, auprès de l’EUIPO, du transfert de la marque contestée à The Bazooka Companies.

14      Aux termes de l’article 176, paragraphes 1 à 3, du règlement de procédure du Tribunal, après que la demande de substitution a été notifiée aux parties et après que celles-ci ont été mises en mesure de présenter leurs observations, il est statué sur la demande de substitution par voie d’ordonnance motivée du président ou dans la décision mettant fin à l’instance.

15      Conformément à l’article 174 du règlement de procédure, lorsqu’un droit de propriété intellectuelle concerné par le litige a été transféré d’une partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO à un tiers, l’ayant-cause peut demander à se substituer à la partie initiale dans le cadre de la procédure devant le Tribunal. Il est précisé à l’article 176, paragraphe 5, du règlement de procédure que, s’il est fait droit à la demande de substitution, l’ayant-cause accepte le litige dans l’état où il se trouve lors de la substitution. Il est lié par les actes de procédure déposés par la partie à laquelle il se substitue.

16      Il ressort, par ailleurs, des articles 20 et 27 du règlement 2017/1001 que, après l’inscription du transfert d’une marque de l’Union européenne au registre de l’EUIPO, l’ayant-cause peut se prévaloir des droits découlant de cette marque.

17      En l’espèce, le représentant de The Topps Company, ancienne titulaire de la marque contestée, a informé le Tribunal du transfert de cette marque à The Bazooka Companies et a demandé, en tant que représentant de cette dernière, la substitution de The Topps Company, dans la présente procédure, par The Bazooka Companies. Ainsi qu’il a été exposé au point 13 ci-dessus, il a, en outre, produit, devant le Tribunal, une notification de l’enregistrement, auprès de l’EUIPO, du transfert de la marque contestée à cette dernière société.

18      Dès lors, dans la mesure où, d’une part, l’intervenant n’a pas présenté d’observations sur la demande de substitution dans le délai qui lui avait été imparti et, d’autre part, l’EUIPO a indiqué ne pas avoir d’objections à ladite demande, il y a lieu d’admettre The Bazooka Companies à se substituer à The Topps Company en tant que partie requérante dans la présente affaire.

 Sur les conclusions en annulation

19      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), et de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001. Par ailleurs, dans le cadre de son argumentation à l’appui dudit recours, elle reproche également à la chambre de recours de ne pas avoir suffisamment motivé la décision attaquée.

 Sur la motivation de la décision attaquée

20      Sans formuler formellement un grief distinct et de manière succincte dans le cadre de son argumentation, d’une part, la requérante invoque que la chambre de recours n’a pas assez motivé et justifié sa décision attribuant un faible caractère distinctif à la marque contestée. D’autre part, elle estime que la chambre de recours n’a pas motivé son appréciation selon laquelle cette dernière avait fusionné avec les éléments figuratifs et verbaux supplémentaires pour former un autre signe.

21      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

22      Il y a lieu de distinguer le grief fondé sur un défaut ou une insuffisance de motivation de ceux tirés de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), et de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001. En effet, le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision [voir arrêt du 8 juillet 2020, Euroapotheca/EUIPO – General Nutrition Investment (GNC LIVE WELL), T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 22 et jurisprudence citée]. Par ailleurs, le fait que la requérante n’a pas présenté formellement un moyen distinct tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation ne s’oppose pas à son examen par le Tribunal. Il convient de rappeler qu’un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union européenne [voir arrêt du 2 mars 2022, Distintiva Solutions/EUIPO – Makeblock (Makeblock), T‑86/21, non publié, EU:T:2022:107, point 96 et jurisprudence citée].

23      Il y a lieu de souligner que, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO sont motivées. Selon la jurisprudence, cette obligation a la même portée que celle consacrée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et son objectif est de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée [arrêts du 6 septembre 2012, Storck/OHMI, C‑96/11 P, non publié, EU:C:2012:537, point 86, et du 8 mai 2019, Inditex/EUIPO – Ffauf Italia (ZARA), T‑269/18, non publié, EU:T:2019:306, point 34].

24      En outre, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés des parties devant elles. Il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision. Par ailleurs, la motivation peut être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir arrêt du 8 juillet 2020, GNC LIVE WELL, T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 21 et jurisprudence citée).

25      En l’espèce, il convient de souligner que la chambre de recours a constaté que le caractère distinctif de la marque contestée était faible en raison du fait qu’elle se composait d’un biberon de forme courante et qu’il était donc facilement altéré. En outre, après avoir rappelé qu’il incombait au titulaire de ladite marque d’apporter la preuve qu’elle indiquait seule, par opposition à toute autre marque également présente, l’origine des produits et qu’elle était toujours perçue par le consommateur pertinent indépendamment du second signe apposé sur celle-ci, elle a considéré que tel n’était pas le cas et que la marque contestée avait fusionné avec les éléments figuratifs et verbaux supplémentaires pour former un autre signe.

26      À cet égard, en premier lieu, la question de savoir si le caractère distinctif de la marque contestée est faible en raison du fait qu’elle se compose d’un biberon de forme courante relève non de la motivation de la décision attaquée, mais du bien-fondé de celle-ci, lequel est apprécié dans le cadre de l’analyse du deuxième grief du moyen unique invoqué par la requérante.

27      En second lieu, s’agissant de l’affirmation selon laquelle la marque contestée aurait fusionné avec les éléments figuratifs et verbaux supplémentaires, il est vrai que le manque de précision et le caractère peu étayé de l’appréciation de la chambre de recours à cet égard est regrettable. Toutefois, tout d’abord, cette dernière a mentionné que les éléments verbaux et figuratifs ajoutés n’étaient pas négligeables, mais plutôt distinctifs. Ensuite, elle a rappelé que le titulaire de la marque contestée devait apporter la preuve que cette dernière indiquait seule, par opposition à toute autre marque présente, l’origine des produits. Enfin, elle a, certes implicitement, conclu qu’une telle preuve n’avait pas été apportée, dès lors qu’elle a estimé que ladite marque n’était pas perçue par le consommateur pertinent indépendamment du second signe présent et qu’elle avait fusionné avec les éléments figuratifs et verbaux supplémentaires. Partant, la chambre de recours a exposé les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision attaquée. De plus, rien n’indique que la requérante n’a pas été en mesure de comprendre les motifs de la décision attaquée et de les contester devant le Tribunal.

28      Partant, il convient de considérer que la chambre de recours n’a pas entaché la décision attaquée d’un défaut et d’une insuffisance de motivation, sans préjudice de l’analyse des arguments soulevés par la requérante sous l’angle de leur bien-fondé, lequel est apprécié dans le cadre du moyen tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), et de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001.

 Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), et de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001

29      La requérante soulève, en substance, trois griefs à l’appui du moyen tiré de la violation de l’article 58, paragraphe 1, sous a), et de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001. Le premier grief est fondé sur l’identité entre la forme du produit et la forme de la marque contestée, le deuxième, sur le caractère distinctif élevé de la marque contestée et le troisième sur le fait que la combinaison d’une marque tridimensionnelle avec une marque figurative ou verbale ou avec d’autres éléments n’altère pas le caractère distinctif de cette marque et que, en l’espèce, lesdits éléments ne dominent pas l’impression globale.

30      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire de la marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits sur demande déposée auprès de l’EUIPO si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage. Ledit article précise toutefois que nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l’expiration de cette période et la présentation de la demande, la marque a fait l’objet d’un commencement ou d’une reprise d’usage sérieux.

31      En outre, il y a lieu de noter que, aux termes de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, est également considéré comme un usage sérieux, l’usage de la marque de l’Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée, que la marque soit ou non aussi enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire.

32      L’objet de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Par conséquent, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation de démontrer l’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [arrêt du 10 octobre 2017, Klement/EUIPO – Bullerjan (Forme d’un four), T‑211/14 RENV, non publié, EU:T:2017:715, point 35].

33      Dans le cadre de l’application de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, la forme de l’usage de la marque enregistrée doit être appréciée au regard du caractère distinctif de celle-ci, afin de vérifier si ce caractère distinctif est altéré. Aux fins de cette vérification, il convient de tenir compte, en particulier, du degré plus ou moins élevé du caractère distinctif de la marque en cause. En effet, plus le caractère distinctif de celle-ci est faible, plus il sera aisément altéré par l’adjonction d’un élément lui-même distinctif et plus la marque en question perdra son aptitude à être perçue comme une indication de l’origine du produit. La considération inverse s’impose également [voir, en ce sens, arrêts du 10 octobre 2017, Forme d’un four, T‑211/14 RENV, non publié, EU:T:2017:715, point 36, et du 23 septembre 2020, CEDC International/EUIPO – Underberg (Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille), T‑796/16, EU:T:2020:439, point 140].

34      Par ailleurs, le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque contestée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque [arrêt du 23 septembre 2020, Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille, T‑796/16, EU:T:2020:439, point 139 (non publié)].

–       Sur le premier grief, tiré de l’identité entre la forme du produit et la forme de la marque contestée

35      La requérante estime que la forme de biberon utilisée est identique à la forme protégée par la marque contestée et que cet aspect n’a pas été infirmé dans la décision attaquée. Il ressortirait des images du signe tel qu’il est utilisé que tous les éléments distinctifs et dominants de ladite marque sont présents au sein de celui-ci. En outre, la chambre de recours aurait admis qu’il n’existait aucune différence entre la forme protégée par la marque contestée et la forme du produit tel qu’il était utilisé.

36      L’EUIPO fait valoir que la chambre de recours n’a pas admis l’absence de différence entre la forme telle qu’elle était enregistrée et la forme du produit vendu. Ainsi, dans la présente affaire, la chambre de recours aurait indiqué que les formes présentées différaient de la forme protégée par la marque contestée par des variations significatives de nature, de longueur et de position et aurait relevé des différences significatives. En outre, l’EUIPO souligne que le bouchon est transparent dans la marque telle qu’elle est utilisée et que, contrairement à la marque telle qu’elle est enregistrée, il permet de voir la tétine et l’ensemble du motif strié de la bague. Il serait également moins fin dans la marque telle qu’elle est enregistrée et occuperait une proportion légèrement plus importante que sur les représentations de la marque telle qu’elle est utilisée.

37      L’intervenant considère que la marque contestée est une marque tridimensionnelle, enregistrée comme une simple représentation en noir et blanc de la forme notoire d’un biberon sans aucun élément verbal ou figuratif.

38      À titre liminaire, il convient de constater que la version anglaise du règlement 2017/1001 emploie, d’une part, le mot « shape » à son article 4, premier alinéa, qui prévoit que « peuvent constituer des marques de l’Union européenne tous les signes, notamment […] la forme d’un produit ou du conditionnement d’un produit ». D’autre part, le mot « form » figure à l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du même règlement qui fait référence à « l’usage de la marque de l’Union européenne sous une forme  qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée ». Or, il convient de relever que la version française dudit règlement emploie le seul mot « forme » dans les deux dispositions.

39      Par conséquent, tout d’abord, il convient d’examiner si la forme constituant la marque contestée telle qu’elle est utilisée, c’est-à-dire la forme tridimensionnelle au sens du mot anglais « shape », diffère de la forme sous laquelle la marque contestée est enregistrée. Ensuite, il y a lieu de déterminer si l’ajout d’éléments verbaux et figuratifs a pu conduire à un usage sous une forme (au sens du mot anglais « form ») qui diffère de la marque contestée telle qu’elle est enregistrée, uniquement par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette dernière. En effet, il ressort de la jurisprudence qu’une situation telle que celle en cause en l’espèce, dans laquelle une marque verbale ou figurative est surimposée sur une marque tridimensionnelle, relève de l’hypothèse visée au paragraphe 1, second alinéa, sous a), de l’article 18 du règlement 2017/1001, à savoir celle de l’usage de la marque sous une forme qui diffère de celle sous laquelle cette marque a été enregistrée (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 19). Enfin, il y a lieu de souligner que le présent grief porte uniquement sur la première question tandis que la seconde question est examinée dans le cadre du troisième grief.

40      D’emblée, il ressort du point 2 ci-dessus que la marque contestée telle qu’elle est enregistrée est constituée par la forme d’un biberon avec une tétine, un couvercle correspondant à la forme de ladite tétine et une surface striée sous cette dernière.

41      Ainsi, il convient d’examiner si la chambre de recours a reconnu, comme le prétend la requérante, que la forme constituant la marque contestée telle qu’elle était enregistrée était identique à celle constituant ladite marque telle qu’elle était utilisée. À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, sous le titre « Contexte juridique », la chambre de recours a observé, en citant l’arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH) (T‑29/04, EU:T:2005:438, point 34), que le Tribunal avait fait référence aux situations où plusieurs signes étaient utilisés simultanément de manière autonome et où, par conséquent, le signe tel qu’il avait été enregistré était perçu de manière indépendante dans cette combinaison. Elle a poursuivi en constatant qu’on ne se trouvait pas « en l’espèce » dans la situation où le signe tel qu’il était enregistré était utilisé sous une forme qui différait de celle sous laquelle il avait été enregistré, mais dans la situation où plusieurs signes étaient utilisés simultanément.

42      Il y a lieu de relever, s’agissant de l’expression « en l’espèce » employée par la chambre de recours, que celle-ci ne figurait pas dans la citation de l’arrêt du 8 décembre 2005, CRISTAL CASTELLBLANCH (T‑29/04, EU:T:2005:438). Ainsi, comme le fait valoir la requérante, il pourrait être compris que la chambre de recours a admis, dans les circonstances de l’espèce, que le signe tel qu’il était enregistré et le signe tel qu’il était utilisé présentaient une forme identique. Toutefois, dans son analyse sous le titre « La présente affaire », la chambre de recours a ensuite souligné que les formes présentées dans les éléments de preuve différaient de la forme protégée par la marque contestée par des variations significatives de nature, de longueur et de position sans décrire lesdites variations. Dès lors, il ressort de la décision attaquée que celle-ci n’a pas reconnu que la forme protégée par la marque contestée telle qu’elle était enregistrée et la forme constituant la marque contestée telle qu’elle était utilisée étaient identiques.

43      En outre, d’une part, l’EUIPO fait valoir que le bouchon est transparent dans la marque contestée telle qu’elle est utilisée, ce qui permet de voir la tétine et l’ensemble du motif strié de la bague contrairement à la marque contestée telle qu’elle est enregistrée. D’autre part, ledit bouchon serait moins fin dans la marque contestée telle qu’elle est enregistrée et occuperait une proportion légèrement plus importante que sur les représentations de la marque contestée telle qu’est utilisée reproduites ci-après :

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44      En l’espèce, eu égard à la forme constituant la marque contestée telle qu’elle est enregistrée (c’est-à-dire la forme tridimensionnelle au sens du mot anglais « shape »), décrite au point 40 ci-dessus, il convient de constater qu’aucune variation entre cette dernière et la forme constituant la marque contestée telle qu’elle est utilisée, reproduite au point 43 ci-dessus, ne peut être considérée comme significative. En effet, toutes deux présentent la forme d’un biberon, avec une tétine, une surface striée et un couvercle. Ainsi, il est pratiquement impossible que le public pertinent composé du grand public faisant preuve d’un niveau d’attention moyen perçoive les différences évoquées par l’EUIPO, notamment en terme de proportion, étant donné qu’elles sont difficilement perceptibles à l’œil nu. Dès lors, en dépit du caractère transparent du bouchon, la forme de biberon constituant la marque contestée telle qu’elle est utilisée sera perçue par le public pertinent comme identique à la forme protégée par la marque contestée telle qu’elle est enregistrée.

45      Par conséquent, il convient de relever que la forme constituant la marque contestée telle qu’elle est utilisée (c’est-à-dire la forme tridimensionnelle au sens du mot anglais « shape ») est perçue comme identique à la forme de la marque contestée telle qu’elle est enregistrée.

–       Sur le deuxième grief, tiré du caractère distinctif élevé de la marque contestée

46      En premier lieu, la requérante considère que la chambre de recours a commis une erreur de droit et d’appréciation lorsqu’elle n’a attribué qu’un faible caractère distinctif à la marque contestée. Elle estime que le fait qu’un biberon constitue une forme courante n’a pas d’importance étant donné que ce n’est pas parce qu’une forme est courante dans un domaine qu’elle ne présente aucun caractère distinctif dans un autre. Elle rappelle que le caractère distinctif doit être apprécié en fonction des produits pour lesquels est enregistrée la marque contestée. Or, cette dernière désignerait des produits n’ayant aucun rapport avec les produits servant à donner du lait aux bébés. La requérante invoque que, en l’absence de preuve du contraire, il n’y a aucune raison de penser que des marques enregistrées ne sont pas constituées de formes très inhabituelles pour les produits protégés et qu’elles ne possèdent pas un caractère distinctif élevé.

47      En second lieu, la requérante aurait produit des preuves du caractère unique de la forme de biberon dont l’impact serait plus important que les éléments figuratifs présents sur la surface des produits, d’autant plus que les bonbons seraient habituellement de couleurs vives et que ces éléments seraient décoratifs, à l’exception des personnages célèbres dessinés. Comme en témoigneraient les éléments de preuve, les consommateurs se souviendraient du fait que l’élément « big baby pop ! » correspondrait à un bonbon en forme de biberon et ladite forme serait facile à repérer dans les rayons. Enfin, la marque contestée présenterait un caractère distinctif élevé tant intrinsèque qu’en raison de la connaissance de celle-ci par le public dès lors que des millions de produits auraient été vendus dans l’Union depuis des décennies. Par conséquent, en considérant que le caractère distinctif de ladite marque était faible, la chambre de recours n’aurait pas apprécié correctement l’impact sur l’appréciation de l’usage de la forme constituant la marque contestée de l’emploi des éléments figuratifs et verbaux sur la surface des produits en cause.

48      En premier lieu, l’EUIPO rappelle qu’il peut s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle. La marque contestée serait composée d’un récipient ordinaire et une telle forme de biberon ne serait pas « très inhabituelle » pour les produits protégés compris dans la classe 30. Le fait que ladite marque puisse ne pas se rapprocher de la forme la plus probable que prendra le produit en cause ne la rendrait pas « hautement distinctive », mais uniquement enregistrable.

49      En second lieu, l’EUIPO considère que la seule production des volumes de vente et du matériel publicitaire ne saurait représenter une preuve pertinente d’un prétendu caractère distinctif élevé. À cet égard, la requérante n’aurait pas démontré la perception de ladite marque comme une indication d’origine par le public pertinent, par exemple en produisant une étude de marché.

50      L’intervenant estime que la marque contestée consiste en une forme notoire couramment utilisée de biberon et qu’aucun élément ne l’en distingue. De plus, il n’existerait aucune preuve de sa reconnaissance par le public pertinent. Partant, elle présenterait un faible caractère distinctif.

51      Il ressort de la jurisprudence que le caractère distinctif d’une marque au sens du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 22 et jurisprudence citée).

52      Par ailleurs, il convient de rappeler que le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35).

53      En outre, il y a lieu de souligner que, s’agissant des marques tridimensionnelles constituées par la forme ou l’apparence du produit lui-même, il est de jurisprudence constante que les critères d’appréciation de leur caractère distinctif ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (arrêts du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 30, et du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, point 45). Cette jurisprudence peut être transposée à l’appréciation de l’usage sérieux de telles marques tridimensionnelles. En effet, il ne ressort ni du règlement 2017/1001 ni de la jurisprudence qu’il y aurait lieu de leur appliquer des critères différents, voire plus stricts. En particulier, il ne saurait être exigé par principe que ces marques soient utilisées isolément ou qu’elles présentent un degré particulièrement élevé de caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l’usage [arrêt du 24 septembre 2015, Klement/OHMI – Bullerjan (Forme d’un fourneau), T‑317/14, non publié, EU:T:2015:689, point 35].

54      Toutefois, dans le cadre de l’appréciation tant du caractère distinctif que de son altération, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par la forme du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se basant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 30).

55      Dans ces conditions, plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme est dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 (arrêt du 24 septembre 2015, Forme d’un fourneau, T‑317/14, non publié, EU:T:2015:689, point 36). Seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’origine, n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition (arrêt du 7 octobre 2004, Mag Instrument/OHMI, C‑136/02 P, EU:C:2004:592, point 31).

56      En l’espèce, il y a lieu de constater que la chambre de recours, en établissant que le caractère distinctif de la marque contestée était faible, car ladite marque se composait d’un biberon de forme courante, n’a pas tenu compte, lors de son appréciation dudit caractère distinctif, du type de produits pour lesquels la marque contestée était enregistrée. En effet, ainsi que le fait valoir la requérante, la marque contestée constituée par la forme d’un biberon est enregistrée pour des produits tels que les confiseries, les sucreries, les bonbons et les sorbets qui n’ont aucun rapport avec les produits servant à donner du lait aux bébés. Partant, il ne saurait être conclu que ladite marque dispose d’un caractère distinctif faible pour la seule raison avancée par la chambre de recours qu’elle se compose d’un biberon de forme courante.

57      S’agissant de l’argument de l’EUIPO selon lequel, d’une part, la marque contestée se compose exclusivement d’un récipient plutôt ordinaire pouvant être rempli de bonbons et, d’autre part, la forme d’un biberon ne serait pas « très inhabituelle » pour les produits protégés compris dans la classe 30, il convient de rappeler que la marque contestée a été admise à l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne et que cette marque doit être présumée comme n’étant pas dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, ce qui n’est d’ailleurs pas remis en cause par les parties (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2017, Forme d’un four, T‑211/14 RENV, non publié, EU:T:2017:715, point 26). De plus, le caractère distinctif de la forme de biberon constituant la marque contestée, inchangée en l’espèce, dérive du fait que, lors de son enregistrement, l’EUIPO a considéré  qu’elle divergeait de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur concerné, constituée notamment par des sucettes, des tablettes de chocolat et des sachets de bonbons. Certes, le constat d’une divergence significative de la norme ou des habitudes du secteur concerné n’implique pas nécessairement que la marque contestée soit dotée d’un caractère distinctif moyen ou élevé. Toutefois, il permet de rappeler que l’EUIPO avait considéré la forme constituant la marque contestée, lors de son enregistrement, comme inhabituelle au regard des produits en cause.

58      En outre, il ressort des documents produits au cours de la procédure devant l’EUIPO que la marque contestée est régulièrement décrite comme un bonbon en forme de biberon. À cet égard, ainsi qu’il a été reconnu à l’audience par l’EUIPO et la requérante, le biberon constituant la forme de la marque contestée représente tant la forme du produit que son emballage. Or, il convient de constater qu’il apparaît relativement rare au sein du secteur des bonbons et des confiseries d’insister sur la forme d’un produit ou de son emballage. En outre, dans la vie courante, le biberon constituant la marque contestée n’est pas perçu comme ayant une destination autre que celle de contenir du lait ou une boisson pour bébé. Ces constats confirment l’argument de la requérante selon lequel la forme dudit biberon se démarque des autres produits aux formes plus conventionnelles, comme les sucettes, les sucres d’orge, les casse-dents, les tablettes de chocolat rectangulaires ou les sacs de bonbons. Dès lors, pour l’ensemble de ces raisons, même si, comme l’affirme l’EUIPO, le fait que la marque contestée puisse ne pas se rapprocher de la forme la plus probable que prendra le produit en cause ne la rend pas automatiquement « hautement distinctive », il y a lieu de considérer que la marque contestée présente un caractère distinctif intrinsèque moyen et non un caractère distinctif faible ainsi qu’il a été constaté par la chambre de recours.

59      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la marque contestée présente un caractère distinctif élevé en raison de la connaissance de celle-ci par le public, il convient de relever que l’existence d’un caractère distinctif élevé, en raison de la connaissance qu’a le public d’une marque sur le marché, suppose nécessairement que cette marque soit connue d’au moins une partie significative du public concerné, sans qu’elle doive nécessairement posséder une renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Il ne saurait être indiqué d’une façon générale, par exemple en recourant à des pourcentages déterminés relatifs au degré de connaissance qu’a le public de la marque dans les milieux concernés, qu’une marque a un caractère distinctif élevé. Néanmoins, il y a lieu de reconnaître une certaine interdépendance de la connaissance qu’a le public d’une marque et du caractère distinctif de celle-ci en ce sens que, plus la marque est connue du public ciblé, plus le caractère distinctif de cette marque est renforcé. Pour examiner si une marque jouit d’un caractère distinctif élevé en raison de la connaissance qu’en a le public, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations des chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles [voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, EU:T:2006:202, points 34 et 35 et jurisprudence citée].

60      En l’espèce, il y a lieu de relever que la requérante s’est limitée à invoquer à l’appui de son argument tiré du caractère distinctif élevé de la marque contestée en raison de la connaissance du public une liste de ventes réalisées au sein des différents pays de l’Union ainsi que des publicités. Or, ladite liste n’indique pas que les chiffres des ventes répertoriées concernent les produits visés par la marque contestée. De plus, les publicités fournies ne permettent pas d’attester la part de marché détenue par ladite marque et la proportion des milieux intéressés identifiant les produits comme provenant de l’entreprise en cause. Dès lors, ces seuls éléments ne suffisent pas pour conclure à l’existence d’un caractère distinctif élevé en raison de la connaissance qu’a le public de la marque contestée sur le marché.

61      À la lumière de ce qui précède, c’est à tort que la chambre de recours a attribué un faible caractère distinctif à la marque contestée pour l’unique motif qu’elle se composait d’un biberon de forme courante. En effet, les produits protégés par cette dernière tels que des bonbons et des sucreries n’entretiennent aucun rapport avec les biberons. En outre, il ressort des documents produits au cours de la procédure devant l’EUIPO que ladite marque est  parfois décrite comme un bonbon en forme de biberon alors qu’il est singulier dans le secteur concerné de désigner un bonbon par sa forme. Dès lors, il y a lieu de constater que la marque contestée est dotée d’un caractère distinctif moyen sans qu’il puisse être considéré comme élevé en raison de la connaissance qu’a le public de ladite marque. C’est en tenant compte de cette constatation qu’il convient désormais d’analyser l’impact de l’ajout d’éléments figuratifs et verbaux sur la surface de la marque contestée telle qu’elle est utilisée.

–       Sur le troisième grief, tiré, en substance, du fait que la combinaison d’une marque tridimensionnelle avec une marque figurative ou verbale ou avec d’autres éléments n’altère pas le caractère distinctif de cette marque et que lesdits éléments ne dominent pas l’impression globale

62      En premier lieu, la requérante estime que la marque contestée n’a pas fusionné avec les éléments figuratifs et verbaux présents sur l’emballage de la marque telle qu’elle est utilisée, mais qu’elle est au contraire perçue comme un signe indépendant qui a été utilisé exactement sous la même forme que celle sous laquelle ce signe est enregistré. De plus, selon la requérante, la Cour a considéré qu’une marque pouvait avoir fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle n’était utilisée que par l’intermédiaire d’une marque complexe ou qu’en combinaison avec une autre marque. En outre, elle aurait affirmé que la surimposition d’un signe verbal sur une marque figurative muette permettrait tout de même d’utiliser la marque complexe pour établir l’usage sérieux de la marque muette si le caractère distinctif de cette dernière n’était pas altéré par l’élément verbal ajouté. En l’espèce, la requérante considère que le public pertinent peut toujours se fier à la forme du produit vendu, identique à celle protégée par la marque contestée telle qu’elle est enregistrée, en tant qu’élément pouvant servir seul à différencier ce produit de ceux d’autres fabricants. Ladite marque aurait été enregistrée, car elle se distinguait de la forme habituelle sous laquelle les bonbons étaient vendus. Par ailleurs, la forme serait une propriété du produit distincte du design de sa surface et les éléments verbaux et figuratifs ajoutés n’affecteraient donc pas la capacité de la forme à servir d’indication de l’origine. Partant, la marque contestée n’aurait pas perdu sa capacité à différencier le produit des autres dès lors que les éléments sur sa surface n’altèreraient pas sa forme.

63      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que, si l’ajout d’éléments verbaux ou figuratifs altérait aussi aisément le caractère distinctif de la marque, l’enregistrement de marques de forme sans représentation spécifique deviendrait vain. Ainsi, les produits ne seraient pas vendus en tant que « formes » seules, notamment en raison d’exigences d’étiquetage et de décoration, mais leur forme demeurerait l’élément auquel les consommateurs se fieraient comme indication de l’origine commerciale. De plus, il serait courant de combiner une forme tridimensionnelle et une marque verbale. Cet élément verbal supplémentaire pourrait même faciliter la détermination de l’origine commerciale des produits visés sans affecter le caractère distinctif de la marque tridimensionnelle. En l’espèce, seule la forme constituant la marque contestée, avec le nom, servirait à identifier le produit et les deux le feraient également séparément. En outre, le fait que des factures fassent uniquement référence à la marque BIG BABY POP ! suggérerait tout au plus que ces termes permettent également d’identifier le produit, mais n’indiquerait pas que la forme constituant la marque contestée n’a pas été utilisée en tant que marque. Par ailleurs, le caractère distinctif de la marque contestée serait d’autant moins altéré qu’il serait élevé. Ceci serait confirmé par des distributeurs du produit associant ce dernier à la requérante.

64      En troisième lieu, selon la requérante, la chambre de recours a affirmé à tort que la titulaire de la marque contestée devait démontrer que la forme du produit était toujours perçue comme une marque lorsqu’elle était combinée à d’autres éléments. Cela équivaudrait à lui imposer de prouver le caractère distinctif acquis comme s’il s’agissait d’une situation relevant de l’article 59, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. Or, la Cour aurait confirmé qu’il incombait au demandeur en déchéance d’établir que la forme constituant la marque contestée relevait des habitudes du secteur afin de prononcer sa déchéance et que, si une forme était suffisamment inhabituelle pour être enregistrée en tant que marque, elle demeurerait distinctive.

65      En quatrième lieu, la requérante estime que, même en tenant compte des éléments figuratifs et verbaux présents sur la surface du produit, ceux-ci n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque contestée dès lors qu’ils ne dominent pas l’impression globale et que le produit continue d’être perçu comme la friandise sucrée de la forme d’un biberon. Par ailleurs, lors de l’audience, la requérante a précisé son affirmation selon laquelle les éléments figuratifs et verbaux soulignaient la forme de biberon et que certains présentaient un faible caractère distinctif et étaient de nature décorative. Ainsi, la lettre « i » serait stylisée afin de représenter un biberon, le nom du produit contiendrait l’élément « baby » faisant référence à la forme de la marque et un personnage de bébé figurerait sur ledit produit. Partant, les éléments verbaux et figuratifs corroboreraient la perception du produit en tant que « bonbon en forme de biberon ». Par ailleurs, la requérante fait valoir qu’un usage de la marque de forme sans aucune information sur la surface des produits serait impossible en raison d’exigences règlementaires. Enfin, l’étiquette utilisée en l’espèce ne serait pas particulièrement grande, ne dominerait pas l’impression globale produite par la marque contestée et n’empêcherait pas le consommateur moyen de percevoir la forme de biberon ainsi que l’intérieur de ce dernier.

66      En premier lieu, l’EUIPO considère que, lorsqu’une marque est utilisée conjointement avec une autre marque, la condition relative à son usage sérieux peut uniquement être remplie si elle continue d’être perçue comme une indication de l’origine du produit et si les éléments verbaux et figuratifs supplémentaires n’empêchent pas le public de percevoir la forme de ladite marque comme un élément indépendant. Ainsi, les éléments en cause devraient simplement être juxtaposés à la marque sans former une unité avec elle.

67      En deuxième lieu, l’EUIPO considère que la chambre de recours s’est fondée à juste titre sur l’arrêt du 16 septembre 2015, Société des Produits Nestlé (C‑215/14, EU:C:2015:604), afin de conclure que la requérante devait prouver que la marque contestée indiquait seule, par opposition à toute autre marque pouvant également être présente, l’origine des produits comme provenant d’une entreprise déterminée. En effet, les exigences concernant la vérification de l’usage sérieux seraient analogues à celles concernant l’acquisition du caractère distinctif d’un signe par l’usage. En outre, les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO (C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48), ne seraient pas comparables. En l’espèce, les éléments supplémentaires occuperaient la majeure partie de la surface de la marque contestée et seraient positionnés de manière très visible et répétée. Par ailleurs, le titulaire resterait libre de choisir le format, la couleur, la taille et l’aspect de l’étiquette.

68      En troisième lieu, l’EUIPO considère que les éléments verbaux et figuratifs supplémentaires sont plutôt distinctifs. L’expression « big baby pop ! » serait distinctive à l’égard des produits en cause, occuperait une position centrale, apparaîtrait parfois deux fois et serait si visible qu’elle aurait une influence sur l’apparence globale du produit. En revanche, la représentation bidimensionnelle du biberon serait marginale. Les autres éléments verbaux et figuratifs attireraient davantage l’attention du consommateur que ladite représentation en raison de leur taille, de leur coloration et de leurs proportions. En outre, le bébé représenté serait fréquemment remplacé par d’autres personnages ou éléments tandis que l’élément « baby » ferait partie de l’expression plus longue « big baby pop ! ». Dans l’ensemble, le lien entre ces éléments et la forme serait trop ténu. De plus, l’argument selon lequel soit les éléments supplémentaires soulignent les caractéristiques de la forme, soit ils sont décoratifs et dépourvus de caractère distinctif serait contradictoire. Enfin, lesdits éléments étant distinctifs et non négligeables, ils auraient fusionné avec la marque enregistrée et formeraient une unité avec celle-ci. Partant, ils empêcheraient de percevoir la marque contestée comme un élément indépendant et de l’associer à une entreprise particulière, altérant de cette manière son caractère distinctif.

69      L’intervenant rappelle que l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 n’opère que dans les situations où la forme du signe utilisé diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré par des éléments négligeables. Il estime que la marque telle qu’elle est utilisée altère le caractère distinctif de la marque contestée dès lors que la marque telle qu’elle est utilisée comporte plusieurs éléments dominants occupant une place importante. Diverses combinaisons de couleurs seraient utilisées et le produit serait associé à l’expression « big baby pop ! » ainsi qu’à d’autres éléments figuratifs représentant un bébé sous diverses formes et couleurs. Certains des produits comporteraient également des personnages de films. Ces éléments additionnels possèderaient un caractère distinctif élevé. Par ailleurs, les factures produites au cours de la procédure devant l’EUIPO témoigneraient de l’association des produits à l’expression « big baby pop ! ». Dès lors, la marque contestée aurait été modifiée à un point tel qu’elle ne pourrait plus jouer la fonction de marque.

70      La chambre de recours a considéré que les formes présentées dans les éléments de preuve différaient de la forme protégée par la marque contestée par des variations significatives de nature, de longueur et de position. En outre, les éléments verbaux et figuratifs supplémentaires ne seraient pas négligeables, mais plutôt distinctifs. La chambre de recours a dès lors constaté que les marques telles qu’elles étaient utilisées ne pouvaient pas être considérées comme « globalement équivalentes » à la marque telle qu’elle est enregistrée et que l’usage tel que démontré n’était pas un usage sous une forme différant par des éléments n’altérant pas son caractère distinctif. De plus, elle a estimé que, si plusieurs marques pouvaient faire l’objet d’un usage sérieux en même temps pour un même produit, la titulaire de la marque pour laquelle l’usage devait être démontré devait attester que ladite marque était toujours appréhendée comme une marque indépendante. Ainsi, elle a rappelé que la marque telle qu’elle était enregistrée devait être perçue par le consommateur pertinent indépendamment du second signe et a considéré que tel n’était pas le cas dès lors que la marque contestée avait fusionné avec les éléments figuratifs et verbaux supplémentaires pour former un autre signe.

71      À titre liminaire, il ressort du point 44 ci-dessus que la marque contestée telle qu’elle est utilisée se compose d’une forme de biberon presque identique à la marque contestée telle qu’elle est enregistrée. En outre, sur cette dernière sont fréquemment apposés des éléments verbaux et figuratifs colorés supplémentaires tels que « big baby pop ! » dont la lettre « i » stylisée représente un biberon ainsi qu’un personnage de bébé et un élément figuratif précisant le goût du produit.

72      En premier lieu, il convient de relever que, dans le cadre d’une procédure de déchéance d’une marque, c’est au titulaire de cette dernière qu’il incombe, en principe, d’établir l’usage sérieux de ladite marque (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, point 63).

73      En deuxième lieu, il convient de constater que le critère de l’usage ne peut être jugé à l’aune d’éléments différents selon qu’il s’agit de déterminer si ce critère est propre à faire naître des droits concernant une marque ou à assurer le maintien de tels droits. En effet, s’il est possible d’acquérir la protection en tant que marque pour un signe à travers un certain usage qui en est fait, cette même forme d’usage doit être susceptible d’assurer le maintien de cette protection. Dès lors, il y a lieu de considérer que les exigences prévalant en ce qui concerne la vérification de l’usage sérieux d’une marque, au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, sont analogues à celles concernant l’acquisition du caractère distinctif d’un signe par l’usage en vue de son enregistrement, au sens de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement (voir, par analogie, arrêt du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, points 33 et 34).

74      Or, il ressort de la jurisprudence que l’acquisition d’un caractère distinctif peut résulter aussi bien de l’usage, en tant que partie d’une marque enregistrée, d’un élément de celle‑ci que de l’usage d’une marque distincte en combinaison avec une marque enregistrée. Dans les deux cas, il suffit que, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent effectivement le produit ou le service, désigné par la seule marque dont l’enregistrement est demandé, comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, par analogie, arrêts du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, point 30, et du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, point 27).

75      Partant, à la lumière des points 73 et 74 ci-dessus, il importe de souligner qu’une marque enregistrée qui est uniquement utilisée en tant que partie d’une marque complexe ou conjointement avec une autre marque doit continuer d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause afin que cet usage satisfasse à la notion d’« usage sérieux » au sens de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 (voir, par analogie, arrêt du 18 avril 2013, Colloseum Holding, C‑12/12, EU:C:2013:253, point 35).

76      En outre, il ressort de la jurisprudence relative à l’acquisition du caractère distinctif d’un signe par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 que, si la marque contestée a pu faire l’objet d’un usage en tant que partie d’une marque enregistrée ou en combinaison avec une telle marque, il n’en demeure pas moins que, en vue de l’enregistrement de la marque elle‑même, le demandeur à l’enregistrement doit apporter la preuve que cette marque indique seule, par opposition à toute autre marque pouvant également être présente, l’origine des produits comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2015, Société des Produits Nestlé, C‑215/14, EU:C:2015:604, point 66).

77      À cet égard, il ressort du point 73 ci-dessus que les exigences prévalant en ce qui concerne la vérification de l’usage sérieux d’une marque, au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, sont analogues à celles concernant l’acquisition du caractère distinctif d’un signe par l’usage en vue de son enregistrement, au sens de l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement. En outre, il convient de rappeler que le Tribunal a interprété ladite jurisprudence en considérant que le fait que le public pertinent puisse reconnaître la marque contestée en renvoyant à une autre marque qui désigne les mêmes produits, et qui est utilisée conjointement, ne signifie pas que la marque contestée en elle-même n’est pas utilisée en tant que source d’identification [voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 2016, Mondelez UK Holdings & Services/EUIPO – Société des produits Nestlé (Forme d’une tablette de chocolat), T‑112/13, non publié, EU:T:2016:735, point 99, et du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 74].

78      En l’espèce, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours a, à juste titre, considéré que le titulaire de la marque contestée devait démontrer que ladite marque était toujours perçue comme une marque indépendante et que le fait de la combiner avec une autre marque n’altérait pas son caractère distinctif. En outre, il convient de souligner que la requérante a produit au cours de la procédure devant l’EUIPO différents éléments tels que des articles et des captures d’écran de sites Internet proposant à la vente les produits visés par la marque contestée où ceux-ci étaient décrits à diverses reprises comme des bonbons ou des sucettes en forme de biberon. Par ailleurs, ainsi que la requérante le fait valoir, le produit en cause est également désigné comme « la célèbre confiserie en forme de biberon ».

79      En troisième lieu, il convient de rappeler que, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 10 octobre 2017, Forme d’un four (T‑211/14 RENV, non publié, EU:T:2017:715), le Tribunal a souligné que la condition d’usage sérieux d’une marque au sens de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 pouvait être remplie lorsqu’une marque était utilisée conjointement avec une autre marque, pour autant que la marque continuait d’être perçue comme une indication de l’origine du produit en cause. Il a considéré que tel était le cas dès lors que l’ajout de la marque verbale en cause dans l’affaire susmentionnée ne modifiait pas la forme de la marque contestée dans la mesure où le consommateur pouvait toujours distinguer la forme de la marque tridimensionnelle, laquelle demeurait identique, comme indication de l’origine des produits (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2017, Forme d’un four, T‑211/14 RENV, non publié, EU:T:2017:715, point 47). La Cour a, en outre, confirmé qu’une marque tridimensionnelle pouvait être utilisée en combinaison avec un élément verbal sans que cela remette nécessairement en cause la perception par le consommateur de la forme en tant qu’indication de l’origine commerciale des produits (arrêt du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO, C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48, point 47).

80      Premièrement, à cet égard, il y a lieu de constater que les circonstances factuelles entourant les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO (C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48), et du 10 octobre 2017, Forme d’un four (T‑211/14 RENV, non publié, EU:T:2017:715), sont, certes, différentes de celles en cause. Toutefois, l’ajout de la marque BIG BABY POP ! et des quelques autres éléments figuratifs et verbaux sur la surface de la marque contestée telle qu’elle est utilisée ne modifie pas la forme de cette dernière dans la mesure où le consommateur peut toujours distinguer la forme de la marque tridimensionnelle, laquelle demeure identique aux yeux de ce dernier. En outre, ainsi qu’il ressort du point 78 ci-dessus, le produit en cause est décrit à différentes occasions au sein des documents produits au cours de la procédure devant l’EUIPO comme un bonbon en forme de biberon. À titre d’exemple, il est même parfois désigné comme « la célèbre confiserie en forme de biberon ».

81      Deuxièmement, la circonstance que la marque BIG BABY POP ! peut faciliter la détermination de l’origine commerciale des bonbons en cause n’est pas en contradiction avec le fait qu’elle puisse ne pas altérer le caractère distinctif de la marque tridimensionnelle constituée par la forme ou l’apparence desdits produits, au sens de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001. Dans le cas contraire, l’ajout relativement courant d’un élément verbal à une marque tridimensionnelle, lequel peut toujours faciliter la détermination de l’origine commerciale des produits visés, impliquerait nécessairement une altération du caractère distinctif de ladite marque tridimensionnelle (voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2019, Klement/EUIPO, C‑698/17 P, non publié, EU:C:2019:48, points 44 et 45).

82      En outre, s’il est vrai que, en cas d’usage conjoint d’une marque tridimensionnelle avec une autre marque, il peut s’avérer plus facile d’établir l’altération du caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celle du caractère distinctif d’une marque verbale ou figurative (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2015, Forme d’un fourneau, T‑317/14, non publié, EU:T:2015:689, point 37), il y a également lieu de rappeler que, dans le secteur concerné des bonbons, des confiseries et des sucreries, la combinaison entre une forme tridimensionnelle et des éléments verbaux ou figuratifs additionnels est courante.

83      À cet égard, il convient de relever qu’il est inconcevable du point de vue commercial et réglementaire de vendre les produits en cause uniquement sous la forme constituant la marque contestée et dépourvus de toute étiquette sur sa surface, quand bien même, comme le fait valoir l’EUIPO, le titulaire de la marque contestée reste libre de choisir le format, la couleur, la taille et l’aspect de l’étiquette la recouvrant. Or, en l’espèce, il y a lieu de souligner que les éléments figuratifs et verbaux apposés sur ladite forme n’empêchent pas le consommateur moyen de percevoir cette dernière dans son intégralité ainsi que l’intérieur de celle-ci.

84      Troisièmement, s’agissant précisément des éléments figuratifs et verbaux figurant sur la marque contestée telle qu’elle est utilisée, il y a lieu de relever que la marque BIG BABY POP !, si elle occupe, certes, une partie importante de la surface du produit, fait allusion à la forme de biberon constituant la marque contestée. En effet, la lettre « i » stylisée en forme de biberon rappelle ladite forme et le mot « baby », soit bébé en anglais, fait référence aux utilisateurs de biberons. Par ailleurs, le mot anglais « pop » peut évoquer le mot « lollipop », c’est-à-dire une sucette, et n’est donc que faiblement distinctif à l’égard des produits protégés par la marque contestée.

85      En outre, s’agissant des autres éléments figuratifs ou verbaux fréquemment représentés sur les exemples produits au cours de la procédure devant l’EUIPO, d’une part, il convient de souligner que la représentation du bébé sous les traits d’un personnage de dessin animé, même s’il est occasionnellement remplacé par d’autres personnages, fait également référence au champ lexical du biberon. D’autre part, l’élément figuratif précisant le goût du produit, lorsqu’il est présent, a une visée informative et possède dès lors un caractère distinctif faible à l’égard des produits en cause. Par conséquent, il n’apparaît pas contradictoire de considérer qu’une partie des éléments figuratifs et verbaux fait allusion à la forme de biberon constituant la marque contestée et qu’une autre partie est faiblement distinctive. Partant, lesdits éléments étant moins frappants que la forme du produit lui-même et au regard du point 81 ci-dessus, il y a lieu de conclure de façon non équivoque que le consommateur est en mesure d’associer à une entreprise déterminée la forme protégée par la marque contestée et que celle-ci continue donc d’être perçue comme l’indication de l’origine des produits (voir, en ce sens, arrêts du 28 février 2019, PEPERO original, T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 72, et du 23 septembre 2020, Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille, T‑796/16, EU:T:2020:439, point 147).

86      Quatrièmement, s’agissant de l’allégation de l’intervenant selon laquelle les factures produites par la requérante témoignent du fait que les produits visés par la marque contestée sont associés à l’expression « big baby pop », il convient de souligner que le fait que la forme constituant la marque contestée n’apparaisse pas sur lesdites factures ne permet pas d’infirmer que le consommateur identifie cette dernière comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause. En effet, si seule la marque BIG BABY POP ou son abréviation figurent sur celles-ci, cette pratique n’est pas inhabituelle s’agissant de tels documents où l’emploi d’un élément verbal facilite le cours des affaires et où il est difficilement concevable de reproduire la forme de biberon constituant la marque contestée aux côtés de chaque intitulé désignant les produits en cause.

87      De même, cette conclusion ne saurait être modifiée par le fait que la marque contestée telle qu’elle est utilisée est revêtue de différentes couleurs vives alors qu’elle a été enregistrée sans couleur. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, si les couleurs sont propres à véhiculer certaines associations d’idées et à susciter des sentiments, en revanche, par leur nature, elles sont peu aptes à donner des informations précises. Elles le sont d’autant moins qu’elles sont habituellement et largement utilisées dans la publicité et dans la commercialisation des produits et des services pour leur pouvoir attractif, en dehors de tout message précis y compris pour les produits tels que ceux en cause en l’espèce. À cela, il convient d’ajouter que ces différentes couleurs, certes vives, sont plutôt banales et varient selon les exemples produits de la marque contestée telle qu’elle est utilisée. Elles ne sont pas, en elles-mêmes, exceptionnelles au point d’être mémorisées pour les produits en cause. Elles seront davantage comprises comme des éléments à des fins purement esthétiques ou de présentation et non comme une indication de l’origine commerciale des produits [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2017, Galletas Gullón/EUIPO – O2 Holdings (Forme d’un paquet de biscuits), T‑418/16, non publié, EU:T:2017:746, point 33 et jurisprudence citée].

88      À la lumière de tout ce qui précède et compte tenu du caractère distinctif moyen de la marque contestée, il convient de constater que les éléments figuratifs et verbaux recouvrant la marque contestée telle qu’elle est utilisée, même s’ils peuvent faciliter la détermination de l’origine commerciale des produits visés, n’altèrent pas le caractère distinctif de la marque contestée au sens de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 et ne remettent pas en cause le fait que leur ajout peut être considéré comme ayant donné lieu à un usage, dans une variante acceptable, de celle-ci. Partant, c’est à tort que la chambre de recours a estimé que la marque contestée avait fusionné avec les éléments figuratifs et verbaux supplémentaires pour former, aux yeux du consommateur pertinent, un autre signe, alors que la forme constituant ladite marque continuait d’être perçue par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause.

89      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

91      L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

92      En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenant supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      The Bazooka Companies, Inc., est admise à se substituer à The Topps Company, Inc., en tant que partie requérante.

2)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 10 mars 2021 (affaire R 1326/2020-2) est annulée.

3)      L’EUIPO est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par The Bazooka Companies.

4)      M. Trebor Robert Bilkiewicz supportera ses propres dépens.

Spielmann

Mastroianni

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 octobre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.