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ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

29 juillet 2024 (*)

« Renvoi préjudiciel – Directive (UE) 2015/2302 – Voyages à forfait et prestations de voyage liées – Article 12 – Droit de résiliation d’un contrat de voyage à forfait – Droit au remboursement intégral des paiements effectués au titre du forfait – Circonstances exceptionnelles et inévitables – Pandémie de COVID-19 – Article 17 – Insolvabilité de l’organisateur de voyages – Garantie pour le remboursement de tous les paiements effectués – Niveau élevé de protection du consommateur – Principe d’égalité de traitement »

Dans les affaires jointes C‑771/22 et C‑45/23,

ayant pour objet deux demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Bezirksgericht für Handelssachen Wien (tribunal de district pour les affaires commerciales de Vienne, Autriche) (C‑771/22) et par le Nederlandstalige Ondernemingsrechtbank Brussel (tribunal de l’entreprise néerlandophone de Bruxelles, Belgique) (C‑45/23), par décisions du 17 octobre 2022 et du 19 janvier 2023, parvenues à la Cour respectivement le 19 décembre 2022 et le 31 janvier 2023, dans les procédures

Bundesarbeitskammer

contre

HDI Global SE (C‑771/22),

et

A,

B,

C,

D

contre

MS Amlin Insurance SE (C‑45/23),

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la deuxième chambre, M. F. Biltgen, M. J. Passer et Mme M. L. Arastey Sahún, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : Mme A. Lamote, administratrice,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 décembre 2023,

considérant les observations présentées :

–        pour la Bundesarbeitskammer, par Me S. Schumacher, Rechtsanwalt,

–        pour HDI Global SE, par Mes M. A. Gütlbauer, M. Pichlmair et S. Sighartsleitner, Rechtsanwälte,

–        pour A, B, C et D, par Mes E. Loubris et J. Vanermen, advocaten,

–        pour MS Amlin Insurance SE, par Me J. Van Bellinghen, advocaat,

–        pour le gouvernement belge, par M. S. Baeyens, M. P. Cottin et Mme C. Pochet, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement danois, par Mmes J. F. Kronborg et C. Maertens, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mme Z. Chatzipavlou, M. K. Georgiadis, Mmes C. Kokkosi, K. Konsta et A. Magrippi, en qualité d’agents,

–        pour le Parlement européen, par MM. M. Menegatti et I. Terwinghe, en qualité d’agents,

–        pour le Conseil de l’Union européenne, par MM. N. Brzezinski et S. Emmerechts, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. B.‑R. Killmann, Mmes I. Rubene et F. van Schaik, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 7 mars 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 17 de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil (JO 2015, L 326, p. 1).

2        Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux litiges opposant, respectivement, la Bundesarbeitskammer (chambre fédérale du travail, Autriche), qui succède aux droits d’un voyageur, à HDI Global SE, la compagnie d’assurances de l’organisateur de voyages de ce voyageur (C‑771/22), ainsi que A, B, C et D, quatre autres voyageurs, à MS Amlin Insurance SE, la compagnie d’assurances de l’organisateur de voyages de ces quatre autres voyageurs (C‑45/23), au sujet du refus de ces compagnies d’assurances de rembourser ces voyageurs à la suite de la faillite de ces organisateurs de voyages.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 90/314/CEE

3        L’article 4, paragraphe 6, de la directive 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait (JO 1990, L 158, p. 59), prévoyait :

« Lorsque le consommateur résilie le contrat conformément au paragraphe 5 ou que, pour quelque cause que ce soit, à l’exclusion d’une faute du consommateur, l’organisateur annule le forfait avant la date de départ convenue, le consommateur a droit :

a)      soit à un autre forfait de qualité équivalente ou supérieure au cas où l’organisateur et/ou le détaillant peuvent le lui proposer. Si le forfait offert en substitution est de qualité inférieure, l’organisateur doit rembourser au consommateur la différence de prix ;

b)      soit au remboursement dans les meilleurs délais de toutes les sommes versées par lui en vertu du contrat.

[...] »

4        L’article 7 de cette directive disposait :

« L’organisateur et/ou le détaillant partie au contrat justifient des garanties suffisantes propres à assurer, en cas d’insolvabilité ou de faillite, le remboursement des fonds déposés et le rapatriement du consommateur. »

 La directive 2015/2302

5        Les considérants 1 à 3, 39 et 40 de la directive 2015/2302 sont libellés comme suit :

« (1)      La directive [90/314] [...] confère un certain nombre de droits importants aux consommateurs dans le domaine des voyages à forfait, en ce qui concerne notamment les obligations d’information, la responsabilité des professionnels liée à l’exécution d’un forfait et la protection conférée en cas d’insolvabilité d’un organisateur ou d’un détaillant. Il est cependant nécessaire d’adapter le cadre législatif en vigueur aux évolutions du marché, afin de le mettre en adéquation avec le marché intérieur, de supprimer les ambiguïtés et de combler les vides juridiques.

(2)      Le tourisme joue un rôle considérable dans l’économie de l’Union [européenne] et les voyages, vacances et circuits à forfait (ci-après dénommés “forfaits”) constituent un segment important du marché des voyages. Ce marché a considérablement évolué depuis l’adoption de la directive [90/314]. L’internet, qui s’est ajouté aux canaux de distribution traditionnels, est devenu un outil de plus en plus important pour l’offre et la vente de services de voyage. Ces derniers sont combinés non seulement sous forme de forfaits traditionnels organisés à l’avance mais aussi, souvent, de manière personnalisée. Or, nombre de ces combinaisons de services de voyage soit se trouvent dans une zone juridiquement floue, soit ne relèvent manifestement pas de la directive [90/314]. La présente directive vise à adapter l’étendue de la protection afin de tenir compte de ces évolutions, à améliorer la transparence et à accroître la sécurité juridique en faveur des voyageurs et des professionnels.

(3)      L’article 169, paragraphe 1, et l’article 169, paragraphe 2, point a), [TFUE] prévoient que l’Union doit contribuer à la réalisation d’un niveau élevé de protection des consommateurs par des mesures adoptées en application de l’article 114 [TFUE].

[...]

(39)      Les États membres devraient veiller à ce que les voyageurs achetant un forfait soient totalement protégés contre l’insolvabilité de l’organisateur. Les États membres dans lesquels sont établis les organisateurs devraient veiller à ce que ceux-ci fournissent une garantie, en cas d’insolvabilité de l’organisateur, pour le remboursement de tous les paiements effectués par des voyageurs ou en leur nom et, dans la mesure où un forfait comprend le transport des passagers, pour le rapatriement des voyageurs. Cependant, il devrait être possible de proposer aux voyageurs la continuation du forfait. Tout en conservant leur pouvoir discrétionnaire quant à la manière dont la protection contre l’insolvabilité doit être assurée, les États membres devraient veiller à ce que la protection soit effective. Pour qu’une protection soit effective, il faut qu’elle s’applique dès que, du fait des problèmes de liquidités de l’organisateur, des services de voyage ne sont pas exécutés, ne seront pas exécutés ou ne le seront qu’en partie, ou que des prestataires de services demandent aux voyageurs de payer pour ces services. Les États membres devraient pouvoir exiger que les organisateurs fournissent aux voyageurs un certificat attestant qu’ils disposent d’un droit qu’ils peuvent directement faire valoir contre le prestataire de la protection contre l’insolvabilité.

(40)      Pour être effective, la protection contre l’insolvabilité devrait couvrir les montants prévisibles de paiements sur lesquels se répercut[e] l’insolvabilité de l’organisateur et, s’il y a lieu, les coûts prévisibles de rapatriement. En d’autres termes, la protection devrait être suffisante pour couvrir tous les paiements prévisibles effectués par les voyageurs ou pour leur compte en ce qui concerne les forfaits en haute saison, compte tenu de la période écoulée entre la réception de ces paiements et la fin du voyage ou du séjour de vacances, ainsi que, s’il y a lieu, les coûts prévisibles de rapatriement. Cela signifiera d’une manière générale que la garantie doit couvrir un pourcentage suffisamment élevé du chiffre d’affaires de l’organisateur en matière de forfaits et peut dépendre de facteurs tels que le type de forfaits vendus, y compris le mode de transport, la destination de voyage et toute restriction légale ou des engagements de l’organisateur concernant les montants des prépaiements qu’il peut accepter et leur échelonnement avant le début de l’exécution du forfait. Si la couverture nécessaire peut être calculée sur la base des données commerciales les plus récentes, par exemple le chiffre d’affaires réalisé durant le dernier exercice, les organisateurs devraient être tenus d’adapter la protection contre l’insolvabilité en cas d’augmentation du risque, notamment une augmentation sensible des ventes de forfaits. Toutefois, une protection efficace contre l’insolvabilité ne devrait pas avoir à tenir compte de risques extrêmement ténus, par exemple l’insolvabilité simultanée de plusieurs des principaux organisateurs, lorsqu’une telle couverture aurait une incidence disproportionnée sur le coût de la protection, entravant ainsi son efficacité. En pareil cas, la garantie relative aux remboursements peut être limitée. »

6        L’article 1er de la directive 2015/2302, intitulé « Objet », prévoit :

« La présente directive a pour objet de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur et à la réalisation d’un niveau élevé de protection des consommateurs le plus uniforme possible en rapprochant certains aspects des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant les contrats entre voyageurs et professionnels relatifs aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées. »

7        L’article 3 de cette directive, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

1.      “service de voyage” :

a)      le transport de passagers ;

b)      l’hébergement qui ne fait pas partie intégrante du transport de passagers et qui n’a pas un objectif résidentiel ;

c)      la location de voitures, d’autres véhicules à moteur [...]

d)      tout autre service touristique qui ne fait pas partie intégrante d’un service de voyage au sens des points a), b) ou c) ;

[...] »

8        L’article 5 de ladite directive, intitulé « Informations précontractuelles », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les États membres veillent à ce que l’organisateur, ainsi que le détaillant lorsque les forfaits sont vendus par l’intermédiaire d’un détaillant, communique au voyageur, avant qu’il ne soit lié par un contrat de voyage à forfait ou toute offre correspondante, les informations standard au moyen du formulaire pertinent figurant à l’annexe I, partie A ou B, et, dans le cas où elles s’appliquent au forfait, les informations mentionnées ci-après [...] »

9        L’article 11 de la même directive, intitulé « Modification des autres clauses du contrat de voyage à forfait », prévoit :

« [...]

2.      Si, avant le début du forfait, l’organisateur se trouve contraint de modifier, de façon significative, une ou plusieurs des caractéristiques principales des services de voyage visées à l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, point a), ou s’il ne peut pas satisfaire aux exigences particulières visées à l’article 7, paragraphe 2, point a), ou s’il propose d’augmenter le prix du forfait de plus de 8 % conformément à l’article 10, paragraphe 2, le voyageur peut, dans un délai raisonnable fixé par l’organisateur :

a)      accepter la modification proposée ; ou

b)      résilier le contrat sans payer de frais de résiliation.

Si le voyageur résilie le contrat de voyage à forfait, il peut accepter un autre forfait, si possible de qualité égale ou supérieure, dans le cas où cela est proposé par l’organisateur.

[...]

5.      Si le contrat de voyage à forfait est résilié conformément au paragraphe 2, premier alinéa, point b), du présent article et que le voyageur n’accepte pas d’autre forfait, l’organisateur rembourse tous les paiements effectués par le voyageur ou en son nom sans retard excessif et en tout état de cause au plus tard quatorze jours après la résiliation du contrat. [...] »

10      L’article 12 de la directive 2015/2302, intitulé « Résiliation du contrat de voyage à forfait et droit de rétractation avant le début du forfait », prévoit :

« 1.      Les États membres veillent à ce que le voyageur puisse résilier le contrat de voyage à forfait à tout moment avant le début du forfait. Lorsque le voyageur résilie le contrat de voyage à forfait en vertu du présent paragraphe, il peut lui être demandé de payer à l’organisateur des frais de résiliation appropriés et justifiables. [...]

2.      Nonobstant le paragraphe 1, le voyageur a le droit de résilier le contrat de voyage à forfait avant le début du forfait sans payer de frais de résiliation si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination. En cas de résiliation du contrat de voyage à forfait en vertu du présent paragraphe, le voyageur a droit au remboursement intégral des paiements effectués au titre du forfait mais pas à un dédommagement supplémentaire.

3.      L’organisateur peut résilier le contrat de voyage à forfait et rembourser intégralement le voyageur des paiements effectués pour le forfait, mais il n’est pas tenu à un dédommagement supplémentaire, si :

[...]

b)      l’organisateur est empêché d’exécuter le contrat en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables et notifie la résiliation du contrat au voyageur sans retard excessif avant le début du forfait.

4.      L’organisateur procède aux remboursements requis en vertu des paragraphes 2 et 3 ou, au titre du paragraphe 1, rembourse tous les paiements effectués par le voyageur ou en son nom pour le forfait moins les frais de résiliation appropriés. Ces remboursements au profit du voyageur sont effectués sans retard excessif et en tout état de cause dans les quatorze jours au plus tard après la résiliation du contrat de voyage à forfait.

[...] »

11      L’article 17 de cette directive, intitulé « Effectivité et champ d’application de la protection contre l’insolvabilité », dispose :

« 1.      Les États membres veillent à ce que les organisateurs établis sur leur territoire fournissent une garantie pour le remboursement de tous les paiements effectués par les voyageurs ou en leur nom dans la mesure où les services concernés ne sont pas exécutés en raison de l’insolvabilité des organisateurs. Si le transport des passagers est inclus dans le contrat de voyage à forfait, les organisateurs fournissent aussi une garantie pour le rapatriement des voyageurs. La continuation du forfait peut être proposée.

[...]

2.      La garantie visée au paragraphe 1 est effective et couvre les coûts raisonnablement prévisibles. Elle couvre les montants des paiements effectués par les voyageurs ou en leur nom en ce qui concerne les forfaits, compte tenu du laps de temps entre les paiements de l’acompte et du solde et l’exécution des forfaits, ainsi que les coûts estimés de rapatriement en cas d’insolvabilité de l’organisateur.

[...]

4.      Lorsque l’exécution du forfait est affectée par l’insolvabilité de l’organisateur, la garantie est activée gratuitement pour assurer le rapatriement et, si nécessaire, le financement de l’hébergement avant le rapatriement.

5.      Pour les services de voyage qui n’ont pas été exécutés, le remboursement est effectué sans retard excessif après que le voyageur en a fait la demande. »

12      La partie A de l’annexe I de ladite directive, intitulée « Formulaire d’information standard pour les contrats de voyages à forfait lorsque l’utilisation d’hyperliens est possible », présente, dans un encadré, le contenu de ce formulaire et indique que, en cliquant sur un hyperlien, le voyageur recevra les informations suivantes :

« Droits essentiels au titre de la directive (UE) 2015/2302

[...]

–        Si l’organisateur ou, dans certains États membres, le détaillant devient insolvable, les montants versés seront remboursés. [...]

[...] »

13      La partie B de l’annexe I de la même directive, intitulée « Formulaire d’information standard pour les contrats de voyage à forfait dans des situations autres que celles couvertes par la partie A », précise, dans un encadré, le contenu de ce formulaire et énonce les mêmes droits essentiels que ceux énoncés dans la partie A de l’annexe I de celle-ci.

 Le droit autrichien

14      L’article 3 de la Verordnung der Bundesministerin für Digitalisierung und Wirtschaftsstandort über Pauschalreisen und verbundene Reiseleistungen (arrêté de la ministre fédérale du Numérique et de l’Activité économique relatif aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées), du 28 septembre 2018 (BGBl. II, 260/2018), prévoit :

« (1)      Les opérateurs habilités à fournir des prestations de voyage veillent à ce que le voyageur se voie rembourser :

1)      les paiements déjà versés (à titre d’acompte et de solde), si, en raison de l’insolvabilité de l’opérateur habilité à fournir des prestations de voyage, les services de voyage ne sont pas fournis du tout ou ne le sont que partiellement, ou si le prestataire exige du voyageur le paiement de ces prestations ;

2)      les frais nécessaires au rapatriement et – si nécessaire – les frais d’hébergement avant le rapatriement, exposés à la suite de l’insolvabilité de l’organisateur ou – en cas de responsabilité pour le transport de passagers – de l’insolvabilité du détaillant proposant des prestations de voyage liées ; et

3)      le cas échéant, les frais nécessaires à la poursuite du voyage à forfait ou de la prestation de voyage liée faisant l’objet du courtage. [...] »

15      L’article 10 du Bundesgesetz über Pauschalreisen und verbundene Reiseleistungen (Pauschalreisegesetz – PRG) (loi fédérale relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées), du 24 avril 2017 (BGBl. I, 50/2017), dispose :

« (1)      Le voyageur peut résilier le contrat de voyage à forfait à tout moment avant le début du forfait, sans avoir à fournir de justification. Lorsque le voyageur résilie le contrat de voyage à forfait en vertu du présent paragraphe, l’organisateur de voyages peut lui demander le paiement d’une indemnisation appropriée et justifiable. Le contrat de voyage à forfait peut stipuler des frais de résiliation standard raisonnables, calculés en fonction de la durée séparant la date de résiliation du forfait de celle du début de ce dernier ainsi qu’en fonction des économies de coûts et des revenus escomptés du fait d’une remise à disposition des services de voyage concernés. Si des frais de résiliation standard n’ont pas été stipulés, le montant de l’indemnisation doit correspondre au prix du forfait moins les économies de coûts et les revenus réalisés du fait d’une remise à disposition des services de voyage. À la demande du voyageur, l’organisateur de voyages doit justifier le montant de l’indemnisation.

(2)      Sans préjudice du droit de résiliation prévu au paragraphe 1, le voyageur peut résilier le contrat de voyage à forfait avant le début du forfait sans verser d’indemnisation si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution du forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination. Si le voyageur résilie le contrat de voyage à forfait en vertu du présent paragraphe, il a droit au remboursement intégral de tous les paiements effectués au titre du forfait, mais pas à une indemnisation supplémentaire.

[...]

(4)      En cas de résiliation en vertu des paragraphes précédents, l’organisateur de voyages doit rembourser au voyageur, sans délai et au plus tard dans un délai de quatorze jours à compter de la réception de la déclaration de résiliation, tous les paiements effectués par le voyageur ou en son nom pour le forfait – déduction faite, dans le cas de la résiliation visée au paragraphe 1, de l’indemnité prévue à ce paragraphe. »

 Le droit belge

 La loi relative à la vente de voyages à forfait

16      En vertu de l’article 30 de la loi relative à la vente de voyages à forfait, de prestations de voyage liées et de services de voyage, du 21 novembre 2017 (Moniteur belge du 1er décembre 2017, p. 106673, ci-après la « loi relative à la vente de voyages à forfait »), le voyageur a le droit de résilier son contrat de voyage à forfait « si des circonstances exceptionnelles et inévitables, survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci, ont des conséquences importantes sur l’exécution du voyage à forfait ou sur le transport des passagers vers le lieu de destination ». Dans ce cas de figure, cet article confère au voyageur le droit au remboursement intégral des sommes qu’il a payées à l’organisateur de voyages.

17      L’article 54 de la loi relative à la vente de voyages à forfait dispose :

« Les organisateurs et les détaillants établis en Belgique fournissent une garantie pour le remboursement de tous les paiements déjà effectués par les voyageurs ou en leur nom dans la mesure où les services concernés ne sont pas exécutés en raison de leur insolvabilité. [...] »

 L’arrêté royal relatif à la protection contre l’insolvabilité lors de la vente de voyages à forfait

18      L’article 3 de l’arrêté royal relatif à la protection contre l’insolvabilité lors de la vente de voyages à forfait, de prestations de voyage liées et de services de voyage, du 29 mai 2018 (Moniteur belge du 11 juin 2018, p. 48438, ci-après l’« arrêté royal relatif à la protection contre l’insolvabilité lors de la vente de voyages à forfait »), prévoit :

« Les garanties visées aux articles 54, 55, 65 et 72 de la loi [relative à la vente de voyages à forfait] sont fournies par un contrat d’assurance souscrit auprès d’une entreprise d’assurances autorisée à effectuer de telles opérations. »

19      L’article 10 de cet arrêté royal est rédigé comme suit :

« La garantie du contrat d’assurance est acquise par le bénéficiaire dès le moment où le contrat avec le professionnel visé à l’article 2, 7°, de la loi [relative à la vente de voyages à forfait] a été conclu pendant la période de validité du contrat d’assurance. »

20      L’article 12, paragraphe 1, dudit arrêté royal dispose :

« En cas d’insolvabilité du professionnel, le contrat d’assurance offre la couverture suivante :

1°      la poursuite du voyage, si cela est possible ;

2°      le remboursement des montants déjà payés lors de la conclusion du contrat avec le professionnel ;

3°      le remboursement des montants des services de voyage qui ne peuvent être fournis en raison de l’insolvabilité du professionnel ;

4°      le rapatriement des voyageurs, lorsque l’exécution du contrat avec le professionnel a déjà commencé et que ce contrat prévoit le transport du bénéficiaire, et, si besoin, l’hébergement en attendant le rapatriement. »

21      L’article 13, premier alinéa, du même arrêté royal limite le remboursement à « tous les montants que le bénéficiaire a versés au professionnel pour le contrat de voyage lorsqu’il n’a pas été exécuté du fait de son insolvabilité ou [...] [à] toutes les sommes payées pour les services de voyage qui n’ont pas été fournis en raison de son insolvabilité ».

 Les litiges au principal et les questions préjudicielles

 L’affaire C771/22

22      HDI Global est une compagnie d’assurances qui a conclu avec Flamenco Sprachreisen GmbH (ci-après « Flamenco »), une société organisatrice de voyages, un contrat d’assurance couvrant les risques liés à l’insolvabilité de cette dernière, tels que visés à l’article 3 de l’arrêté de la ministre fédérale du Numérique et de l’Activité économique relatif aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées.

23      Le 3 mars 2020, XY a conclu avec Flamenco un contrat pour un voyage à forfait pendant la période allant du 3 mai au 2 juin 2020 à Las Palmas de Grande Canarie (Espagne). Le 9 mars 2020, XY a intégralement acquitté le prix de ce voyage s’élevant à un montant de 2 656 euros.

24      Le 16 mars 2020, XY a résilié ce contrat en raison, notamment, des avertissements émis par les autorités autrichiennes et espagnoles à la suite de la propagation de la COVID-19. Flamenco n’a pas contesté cette résiliation, mais n’a pas remboursé à XY le prix du voyage concerné.

25      Le 9 juin 2022, au terme d’une procédure d’insolvabilité, le Landesgericht Linz (tribunal régional de Linz, Autriche) a prononcé la faillite de Flamenco.

26      XY a cédé à la chambre fédérale du travail sa créance à l’égard de Flamenco correspondant au remboursement du prix de son voyage à forfait. À la suite de cette cession, cette chambre fédérale a demandé ce remboursement à HDI Global en tant qu’assureur du risque d’insolvabilité de Flamenco. HDI Global a refusé d’effectuer ledit remboursement au motif qu’elle couvrait uniquement le risque d’inexécution du forfait lié à cette insolvabilité.

27      À la suite de ce refus, la chambre fédérale du travail a assigné HDI Global devant le Bezirksgericht für Handelssachen Wien (tribunal de district pour les affaires commerciales de Vienne, Autriche), qui est la juridiction de renvoi.

28      Cette juridiction considère, en premier lieu, que, pour trancher le litige au principal, il importe de savoir si, lorsqu’un contrat de voyage à forfait est résilié par un voyageur avant que l’organisateur de voyages ne devienne insolvable, le droit au remboursement dont bénéficie ce voyageur à la suite de cette résiliation est couvert par la garantie contre l’insolvabilité de cet organisateur de voyages. En particulier, il y a lieu, selon ladite juridiction, de déterminer si un lien de causalité doit exister entre cette insolvabilité et l’absence d’exécution ou la mauvaise exécution de la prestation de voyage concernée.

29      À cet égard, la juridiction de renvoi estime que le libellé de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 suggère, au vu des termes « dans la mesure où » et « en raison de », qu’un tel lien de causalité doit exister. Une telle exigence aurait pour conséquence que les remboursements auxquels un voyageur a droit à la suite d’une résiliation de son contrat de voyage à forfait qui précède l’insolvabilité de l’organisateur de voyages concerné ne seraient pas couverts par la garantie contre cette insolvabilité prévue à cette disposition.

30      Le considérant 39 de la directive 2015/2302 contredirait cependant une telle lecture de ladite disposition en ce qu’il prévoit que les États membres doivent veiller à ce que, d’une part, les voyageurs achetant un forfait soient « totalement protégés » contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages et, d’autre part, ce dernier fournisse une garantie, en cas d’insolvabilité, pour le remboursement de « tous les paiements effectués » par des voyageurs et pour le rapatriement de ces derniers. L’approche reflétée par ce considérant serait en outre corroborée par le niveau élevé de protection des consommateurs recherché dans l’Union tel qu’il ressort de l’article 114, paragraphe 3, TFUE, de l’article 169 TFUE ainsi que de l’article 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

31      La juridiction de renvoi relève de plus que la question de l’étendue de la protection contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages a été abordée avec les États membres lors d’échanges avec la Commission européenne dans le cadre desquels cette dernière a indiqué, d’une part, que l’intention du législateur de l’Union, en adoptant, à l’article 17 de la directive 2015/2302, une rédaction différente de celle qui figurait à l’article 7 de la directive 90/314, n’était pas de restreindre la garantie conférée aux voyageurs en cas d’insolvabilité de l’organisateur de voyages et, d’autre part, que, en vertu du texte de cet article 17, toute garantie était explicitement exclue lorsque le contrat de voyage avait pris fin avant la survenance de cette insolvabilité. Elle rappelle également que, dans sa jurisprudence concernant l’article 7 de la directive 90/314, la Cour a considéré que la garantie du remboursement des fonds versés par le voyageur en cas d’insolvabilité de l’organisateur de voyages est conférée indépendamment des causes de ladite insolvabilité (voir, en ce sens, arrêts du 14 mai 1998, Verein für Konsumenteninformation, C‑364/96, EU:C:1998:226 ; du 15 juin 1999, Rechberger e.a., C‑140/97, EU:C:1999:306, ainsi que du 16 février 2012, Blödel-Pawlik, C‑134/11, EU:C:2012:98).

32      En deuxième lieu, la juridiction de renvoi se demande si, lorsqu’un voyageur résilie son contrat de voyage à forfait avec l’organisateur de voyages en raison de circonstances exceptionnelles avant la date d’ouverture de la procédure d’insolvabilité visant ce dernier, mais que cette procédure a lieu au cours de la période prévue pour le voyage concerné, ce voyageur a droit, au titre de la protection garantie à l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302, au remboursement des paiements qu’il a effectués auprès de cet organisateur de voyages. À cet égard, elle estime que, compte tenu de l’objectif de protection des consommateurs poursuivi par le droit de l’Union, considérer qu’un voyageur a le droit d’être protégé contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages lorsqu’il a entamé son voyage à forfait, mais non lorsqu’il a légitimement résilié son contrat de voyage n’aurait pas de sens.

33      En troisième lieu, la juridiction de renvoi s’interroge sur la question de savoir si, lorsqu’il existe un lien indirect entre la résiliation d’un contrat de voyage à forfait par le voyageur et l’insolvabilité de l’organisateur de ce voyage en ce que celles-ci trouvent toutes deux leur origine dans la même circonstance exceptionnelle, telle que, en l’occurrence, la pandémie de COVID-19, le droit à remboursement de ce voyageur est couvert par la garantie contre l’insolvabilité prévue à l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302. Elle fait état, à cet égard, de l’argument invoqué par la chambre fédérale du travail selon lequel, si cet article 17, paragraphe 1, devait être interprété en ce sens que cette garantie ne s’applique pas lorsque l’insolvabilité de l’organisateur de voyages est due à la même circonstance exceptionnelle que celle ayant motivé la résiliation du contrat de voyage à forfait par le voyageur, ce dernier aurait tout intérêt à ne pas exercer son droit de résiliation et à attendre que l’organisateur de voyages devienne insolvable. Une telle approche réduirait l’intérêt du droit de résiliation reconnu aux consommateurs par l’article 12 de ladite directive.

34      Dans ces conditions, le Bezirksgericht für Handelssachen Wien (tribunal de district pour les affaires commerciales de Vienne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 17 de la directive [2015/2302] doit-il être interprété en ce sens que les paiements effectués par un voyageur au profit d’un organisateur de voyages avant le début du voyage sont garantis uniquement lorsque c’est en raison de l’insolvabilité [de cet organisateur de voyages] que ce voyage n’a pas lieu, ou bien en ce sens que sont également garantis des paiements effectués par ce voyageur au profit dudit organisateur de voyages avant l’ouverture de la procédure d’insolvabilité à l’égard de ce dernier, si ledit voyageur résilie son contrat de voyage avant la survenance de cette insolvabilité et en raison de circonstances exceptionnelles, au sens de l’article 12 de la directive 2015/2302 ?

2)      L’article 17 de la directive [2015/2302] doit-il être interprété en ce sens que les paiements effectués par un voyageur au profit d’un organisateur de voyages avant le début du voyage sont garantis lorsque, avant même la survenance de l’insolvabilité [de cet organisateur de voyages], ce voyageur résilie son contrat de voyage en raison de circonstances exceptionnelles, au sens de l’article 12 de cette directive, alors même que cette insolvabilité est survenue au cours de la période durant laquelle le voyage réservé devait avoir lieu ?

3)      L’article 17 de la directive [2015/2302] doit-il être interprété en ce sens que les paiements effectués par un voyageur au profit d’un organisateur de voyages avant le début du voyage sont garantis lorsque, avant même la survenance de l’insolvabilité de ce dernier, ce voyageur résilie son contrat de voyage en raison de circonstances exceptionnelles au sens de l’article 12 de cette directive, et que cette insolvabilité s’est produite en raison de ces circonstances exceptionnelles ? »

 L’affaire C45/23

35      Le 13 novembre 2019, A, B, C et D ont acheté, par l’intermédiaire d’un détaillant, Selectair Inter-Sun Reizen, auprès d’un organisateur de voyages, Exclusive Destinations, un voyage à forfait d’un prix de 36 832 euros au départ de Bruxelles (Belgique) à destination de Punta Cana (République dominicaine) pour la période allant du 21 au 29 mars 2020.

36      En raison de la propagation de la pandémie de COVID-19, ce voyage a été reporté à la période comprise entre le 21 et le 30 novembre 2020. Le prix dudit voyage a alors été fixé à 46 428 euros.

37      Le 20 octobre 2020, A, B, C et D ont résilié leur contrat de voyage en raison de la persistance de la pandémie de COVID-19 et ont demandé à Exclusive Destinations le remboursement du montant de 36 832 euros qu’ils avaient payé pour le même voyage.

38      Le 8 décembre 2020, l’Ondernemingsrechtbank Gent (tribunal de l’entreprise de Gand, Belgique) a prononcé la faillite d’Exclusive Destinations. Le 9 décembre 2020, Selectair Inter-Sun Reizen a remboursé à A et à C un montant de 4 151 euros qui n’avait pas encore été transféré à Exclusive Destinations.

39      Le 22 janvier 2021, A, B, C et D ont demandé à MS Amlin Insurance, qui assurait Exclusive Destinations en cas d’insolvabilité, le remboursement des sommes qu’ils avaient payées à cette dernière et qui ne leur avaient pas été remboursées.

40      MS Amlin Insurance a refusé d’effectuer ce remboursement au motif qu’elle assurait uniquement l’absence de prestation de services de voyage en raison de l’insolvabilité d’Exclusive Destinations. Or, l’inexécution du voyage de A, de B, de C et de D aurait été due à la résiliation par ces derniers de leur contrat de voyage et non pas à l’insolvabilité d’Exclusive Destinations.

41      À la suite de ce refus, A, B, C et D ont saisi le Nederlandstalige Ondernemingsrechtbank Brussel (tribunal de l’entreprise néerlandophone de Bruxelles, Belgique), qui est la juridiction de renvoi, afin que MS Amlin Insurance soit condamnée au paiement d’un montant de 32 681 euros, majoré d’intérêts à compter du 22 janvier 2021.

42      La juridiction de renvoi estime que la garantie prévue à l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 n’est obligatoire que dans la mesure où les services de voyage concernés ne sont pas exécutés en raison de l’insolvabilité de l’organisateur de voyages. Cette garantie ne devrait donc pas couvrir d’autres causes d’inexécution, telles que la résiliation du contrat de voyage à forfait par le voyageur en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci qui ont des conséquences importantes sur l’exécution du forfait. La loi relative à la vente de voyages à forfait et l’arrêté royal relatif à la protection contre l’insolvabilité lors de la vente de voyages à forfait ne prévoiraient pas de protection plus étendue du voyageur à cet égard. La juridiction de renvoi en déduit que, lorsque, comme en l’occurrence, l’organisateur de voyages fait faillite après la résiliation par les voyageurs de leur contrat de voyage à forfait en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, mais avant d’avoir remboursé ces voyageurs des sommes qu’ils avaient payées pour ce voyage, ces derniers ne bénéficient pas de la garantie prévue à l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302.

43      La juridiction de renvoi émet toutefois des doutes quant à l’étendue de la protection conférée par cette dernière disposition.

44      Premièrement, elle se demande si le fait que la garantie prévue à l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 ne s’applique pas au voyageur qui a droit au remboursement des sommes qu’il a payées à la suite de la résiliation de son contrat de voyage à forfait en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables lorsque l’organisateur de voyages a fait faillite après cette résiliation, mais avant le remboursement des paiements effectués, permet de protéger adéquatement les consommateurs conformément à l’objectif général de cette directive. Elle rappelle à cet égard que cet objectif est de contribuer à la réalisation d’un niveau élevé de protection des consommateurs, ainsi que l’énonce le considérant 3 de ladite directive qui renvoie à l’article 169 TFUE. De plus, le considérant 39 de la même directive prévoirait que les voyageurs achetant un forfait doivent être totalement protégés contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages et que la garantie en cas d’insolvabilité que doivent fournir les organisateurs de voyages doit couvrir le remboursement de tous les paiements effectués par des voyageurs. La juridiction de renvoi souligne également que, sous l’empire de la directive 90/314, la protection des consommateurs contre l’insolvabilité des organisateurs de voyages couvrait tous les montants qu’ils avaient payés.

45      Deuxièmement, la juridiction de renvoi se demande si la protection contre l’insolvabilité prévue par la directive 2015/2302 ne donne pas lieu à une inégalité de traitement. Selon cette juridiction, tant le voyageur qui ne peut entamer son voyage en raison de l’insolvabilité de l’organisateur de voyages que celui qui, à la suite d’une résiliation, ne peut obtenir un remboursement en raison de cette insolvabilité subissent une perte financière liée au fait qu’ils ont tous les deux payé le prix de leur voyage avant l’exécution du contrat de voyage à forfait concerné. Pourtant, selon le libellé de l’article 17 de cette directive, seule la perte du premier voyageur serait couverte par la protection contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages. La juridiction de renvoi se demande dès lors si cette inégalité de traitement est justifiée.

46      Dans ces conditions, le Nederlandstalige Ondernemingsrechtbank Brussel (tribunal de l’entreprise néerlandophone de Bruxelles) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 17, paragraphe 1, de la directive [2015/2302] doit-il être interprété en ce sens que la garantie obligatoire prévue à cette disposition s’applique aussi au remboursement de tous les paiements effectués par les voyageurs ou en leur nom lorsque ces voyageurs résilient leur contrat de voyage à forfait en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables au sens de l’article 12, paragraphe [2], de la même directive et que l’organisateur de voyages est déclaré en faillite après la résiliation du contrat de voyage à forfait pour cette raison, mais avant que ces paiements ne soient effectivement remboursés aux voyageurs, de sorte que ces voyageurs subissent une perte financière et supportent donc un risque économique en cas de faillite de l’organisateur de voyages ? »

 La procédure devant la Cour

47      Par décision de la Cour du 24 octobre 2023, les affaires C‑771/22 et C‑45/23 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure et de l’arrêt.

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C771/22

48      HDI Global estime que l’interprétation de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 n’est pas déterminante pour la solution du litige au principal dans l’affaire C‑771/22. Seul le contenu du contrat d’assurance qu’elle a conclu avec Flamenco serait déterminant pour cette solution, de sorte que la demande de décision préjudicielle dans cette affaire viserait à clarifier des questions générales ou hypothétiques, ce à quoi la procédure préjudicielle ne pourrait servir.

49      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 22 février 2024, Consejería de Presidencia, Justicia e Interior de la Comunidad de Madrid e.a., C‑59/22, C‑110/22 et C‑159/22, EU:C:2024:149, point 43 ainsi que jurisprudence citée).

50      Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale est toutefois possible s’il apparaît de manière manifeste que le problème est de nature hypothétique (voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2024, Consejería de Presidencia, Justicia e Interior de la Comunidad de Madrid e.a., C‑59/22, C‑110/22 et C‑159/22, EU:C:2024:149, point 44 ainsi que jurisprudence citée).

51      En l’occurrence, il n’apparaît toutefois pas que les questions posées par la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑771/22 sont hypothétiques eu égard au litige au principal. En effet, ce dernier a trait à l’étendue de la protection devant être accordée aux voyageurs lorsque l’organisateur de voyages à forfait est insolvable. Or, l’article 17 de la directive 2015/2302 définit la protection des voyageurs contre l’insolvabilité des organisateurs de voyages à forfait que les États membres doivent mettre en œuvre.

52      Partant, la demande de décision préjudicielle dans l’affaire C‑771/22 est recevable.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question dans l’affaire C771/22 et l’unique question dans l’affaire C45/23

53      Par la première question dans l’affaire C‑771/22 et l’unique question dans l’affaire C‑45/23, qu’il y a lieu d’examiner ensemble, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 doit être interprété en ce sens que la garantie conférée aux voyageurs contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages à forfait s’applique lorsqu’un voyageur résilie son contrat de voyage à forfait en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables, en application de l’article 12, paragraphe 2, de cette directive, que, après cette résiliation, cet organisateur de voyages devient insolvable et que ce voyageur n’a pas bénéficié, avant la survenance de cette insolvabilité, du remboursement intégral des paiements effectués auquel il a droit en vertu de cette dernière disposition.

54      À titre liminaire, il importe de relever que l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302 confère au voyageur le droit au remboursement intégral des paiements effectués au titre du forfait lorsqu’il résilie son contrat de voyage à forfait avant le début du forfait en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables survenant au lieu de destination ou à proximité immédiate de celui-ci qui ont des conséquences importantes sur l’exécution de ce forfait ou sur le transport des passagers vers ce lieu de destination. En outre, lorsque le voyageur exerce ce droit, l’article 12, paragraphe 4, de cette directive impose à l’organisateur de voyages d’effectuer ce remboursement sans retard excessif et, en tout état de cause, dans les quatorze jours au plus tard après la résiliation du contrat de voyage à forfait.

55      En l’occurrence, il n’est pas contesté que les voyageurs qui sont à l’origine des litiges au principal pouvaient résilier leur contrat de voyage à forfait au titre de l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302 en raison de la survenance et de la persistance de la pandémie de COVID-19. Ces voyageurs avaient donc droit au remboursement intégral des sommes qu’ils avaient payées aux organisateurs de voyages concernés au plus tard dans les quatorze jours après la résiliation de leur contrat de voyage à forfait. Malgré ce droit, ils n’ont pas été remboursés, car ces organisateurs de voyages étaient devenus insolvables et les assureurs de ces derniers n’entendaient pas fournir leur couverture, considérant qu’ils n’y étaient pas tenus eu égard à la législation nationale applicable transposant l’article 17, paragraphe 1, de cette directive.

56      En ce qui concerne l’interprétation de cette dernière disposition, il ressort d’une jurisprudence constante qu’il y a lieu de tenir compte non seulement de ses termes, mais également de son contexte, des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie et, le cas échéant, de sa genèse [voir, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2023, FTI Touristik (Voyage à forfait aux îles Canaries), C‑396/21, EU:C:2023:10, point 19 et jurisprudence citée]. Toutefois, lorsque le sens d’une disposition du droit de l’Union ressort sans ambiguïté du libellé même de celle-ci, la Cour ne saurait se départir de ce sens (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2022, VYSOČINA WIND, C‑181/20, EU:C:2022:51, point 39).

57      S’agissant du libellé de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302, il prévoit que les États membres doivent veiller à ce que les organisateurs de voyages à forfait établis sur leur territoire fournissent une garantie pour le remboursement de tous les paiements effectués par les voyageurs ou en leur nom dans la mesure où les services concernés ne sont pas exécutés en raison de l’insolvabilité de ces organisateurs de voyages.

58      Les termes « services concernés » pourraient, certes, être compris comme visant les « services de voyage », au sens défini à l’article 3, point 1, de la directive 2015/2302, ce qui signifierait que la protection contre l’insolvabilité d’un organisateur de voyages devant être mise en place par chaque État membre couvre uniquement les situations dans lesquelles les services de voyage stipulés dans le contrat de voyage à forfait n’ont pas été exécutés en raison de l’insolvabilité de l’organisateur. Selon cette lecture, il devrait ainsi exister un lien de causalité entre l’inexécution de ces services de voyage et l’insolvabilité de l’organisateur de voyages pour que le voyageur puisse bénéficier de la garantie contre l’insolvabilité de l’organisateur prévue à l’article 17 de ladite directive.

59      Toutefois, ainsi que l’ont relevé plusieurs parties à la procédure devant la Cour, à la différence de nombreuses autres dispositions de la directive 2015/2302, l’article 17, paragraphe 1, de cette directive se réfère non pas aux « services de voyage », mais aux « services concernés », cette dernière expression pouvant être comprise comme ayant une portée plus large que la première, englobant d’autres prestations fournies par les organisateurs de voyages telles que les remboursements qui sont dus aux voyageurs à la suite d’une résiliation de leur contrat de voyage à forfait.

60      Il s’ensuit que le sens de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 ne ressort pas sans ambiguïté de son libellé. Il convient dès lors, conformément à la jurisprudence rappelée au point 56 du présent arrêt, d’examiner le contexte de cette disposition, les objectifs de cette directive ainsi que, le cas échéant, la genèse de cette dernière.

61      S’agissant, en premier lieu, du contexte de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302, tout d’abord, l’article 17, paragraphe 4, de cette directive précise que la garantie est activée gratuitement pour assurer le rapatriement du voyageur et, au besoin, le financement de l’hébergement avant ce rapatriement lorsque l’exécution du forfait est affectée par l’insolvabilité de l’organisateur de voyages.

62      L’article 17, paragraphe 5, de ladite directive prévoit pour sa part que, pour les services de voyage qui ne sont pas exécutés, le remboursement est effectué sans retard excessif après que le voyageur en a fait la demande.

63      Eu égard à leur libellé et, notamment, aux termes « lorsque l’exécution du forfait est affectée par l’insolvabilité de l’organisateur de voyages » et « les services de voyage qui ne sont pas exécutés » figurant, respectivement, à l’article 17, paragraphe 4, et à l’article 17, paragraphe 5, de la directive 2015/2302, ces dispositions sont susceptibles d’étayer une interprétation de l’article 17, paragraphe 1, de ladite directive selon laquelle la notion de « services concernés » couvre uniquement les services de voyage, de telle sorte que la garantie prévue à cet article s’applique uniquement lorsqu’il existe un lien de causalité entre l’inexécution de ces services et l’insolvabilité de l’organisateur de voyages.

64      Ensuite, l’article 17, paragraphe 2, de la directive 2015/2302 prévoit que la garantie visée au paragraphe 1 de cet article doit être effective et couvrir les coûts raisonnablement prévisibles. Ainsi, cette garantie doit couvrir les montants des paiements effectués par les voyageurs ou en leur nom en ce qui concerne les forfaits compte tenu du laps de temps entre les paiements de l’acompte et du solde et l’exécution des forfaits, ainsi que les coûts estimés de rapatriement en cas d’insolvabilité de l’organisateur de voyages.

65      S’agissant de l’exigence d’effectivité de la garantie contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages, consacrée à cette disposition, le considérant 39 de la directive 2015/2302 prévoit que, pour que la protection contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages soit effective, elle doit s’appliquer dès que, du fait des problèmes de liquidités de cet organisateur, des services de voyage ne sont pas exécutés, ne seront pas exécutés ou ne le seront qu’en partie ou que des prestataires de services demandent aux voyageurs de payer pour ces services, ce qui pourrait conduire à considérer que l’article 17, paragraphe 2, de ladite directive, lu à la lumière de ces éléments du considérant 39 de celle-ci, est également susceptible d’étayer l’interprétation visée au point 58 du présent arrêt.

66      Toutefois, d’une part, ce considérant 39 prévoit également que les États membres doivent veiller à ce que les voyageurs achetant un forfait soient « totalement protégés » contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages et, par conséquent, que la garantie prévue à l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 couvre, dans le cas d’une telle insolvabilité, le remboursement de « tous les paiements effectués par des voyageurs ou en leur nom ».

67      D’autre part, le considérant 40 de cette directive indique que l’exigence d’effectivité de la garantie contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages requiert que la protection contre cette insolvabilité couvre les « montants prévisibles de paiements sur lesquels se répercut[e] l’insolvabilité de l’organisateur [de voyages] », ce qui signifie que la garantie conférant cette protection doit, de manière générale, couvrir un pourcentage suffisamment élevé du chiffre d’affaires de cet organisateur. Selon ce considérant, seuls les risques extrêmement ténus, tels que l’insolvabilité simultanée de plusieurs des principaux organisateurs de voyages, ne devraient pas être pris en compte. De tels risques sont toutefois sans rapport avec l’origine de l’obligation de remboursement de l’organisateur de voyages, qu’il s’agisse d’une inexécution du contrat de voyage ou d’une résiliation de celui-ci avant le début du forfait.

68      Or, tout remboursement de paiement que l’organisateur de voyages doit effectuer à la suite d’une résiliation du contrat de voyage à forfait par ce dernier ou par le voyageur, notamment sur le fondement de l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302, est un montant prévisible de paiement sur lequel peut se répercuter l’insolvabilité de l’organisateur de voyages, au sens du considérant 40 de cette directive. Ce remboursement porte sur des paiements effectués par le voyageur à la suite de la conclusion d’un contrat de voyage à forfait qui, en principe, est couvert, en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de ladite directive, par la garantie visée au paragraphe 1 de cet article.

69      À cet égard, comme l’a également relevé Mme l’avocate générale au point 89 de ses conclusions, le droit du voyageur au remboursement intégral des paiements effectués en cas de résiliation de son contrat de voyage à forfait en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables consacré à l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302 serait privé de son effet utile si l’article 17, paragraphe 1, de cette directive était interprété en ce sens que, lorsque l’insolvabilité de l’organisateur de voyages survient après cette résiliation, la garantie contre une telle insolvabilité ne couvre pas les créances de remboursement correspondantes. Cette appréciation est également valable pour les autres remboursements auxquels le voyageur a droit à la suite d’une résiliation de son contrat de voyage à forfait par lui-même ou par l’organisateur et qui sont visés à l’article 11, paragraphe 5, et à l’article 12 de ladite directive.

70      De plus, l’absence d’application de la garantie prévue à l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 aux créances de remboursement en cas de résiliation par le voyageur de son contrat de voyage à forfait est susceptible de dissuader ce dernier d’exercer le droit de résiliation que lui confère cette directive dans certaines situations.

71      Ainsi, l’article 17, paragraphe 2, de la directive 2015/2302, lu à la lumière des éléments du considérant 39 de celle-ci visés au point 66 du présent arrêt et du considérant 40 de cette directive, peut militer en faveur d’une interprétation du paragraphe 1 de cet article selon laquelle cette garantie s’applique à tout remboursement dû par l’organisateur de voyages au voyageur lorsque le contrat de voyage à forfait a été résilié, dans l’une des hypothèses visées par ladite directive, avant la survenance de l’insolvabilité de cet organisateur.

72      Enfin, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 5 qui renvoie aux parties A et B de l’annexe I de la directive 2015/2302, l’organisateur de voyages est tenu de communiquer au voyageur, avant qu’il ne soit lié par un contrat de voyage à forfait, les droits essentiels au titre de cette directive, et, notamment, que « [s]i l’organisateur [...] devient insolvable, les montants versés seront remboursés », sans qu’une quelconque limitation de ce droit au remboursement en cas d’insolvabilité de l’organisateur de voyages soit mentionnée.

73      Ces dernières dispositions corroborent également une interprétation de la portée de la garantie conférée, à l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302, aux voyageurs contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages qui inclut les remboursements dus par cet organisateur au voyageur à la suite d’une résiliation du contrat de voyage à forfait dans l’une des hypothèses visées par cette directive. En effet, une interprétation de cette dernière disposition limitant cette portée aux seuls remboursements liés à l’absence d’exécution des services de voyage causée par l’insolvabilité de l’organisateur de voyages impliquerait que ledit article 5 induise le voyageur en erreur en ce qui concerne ses droits à remboursement dans le cas d’une telle insolvabilité.

74      S’agissant, en deuxième lieu, de l’objectif de la directive 2015/2302, il ressort de l’article 1er de cette directive, lu en combinaison avec les considérants 1 à 3 de celle-ci, qu’elle vise tant à supprimer des ambiguïtés, à combler des vides juridiques et à adapter l’étendue de la protection conférée aux voyageurs par la directive 90/314 afin de tenir compte des évolutions du marché, qu’à contribuer à la réalisation d’un niveau élevé de protection des consommateurs tel qu’exigé à l’article 169 TFUE. La directive 2015/2302 contribue ainsi à assurer un niveau élevé de protection des consommateurs dans la politique de l’Union en matière de voyages à forfait, conformément à l’article 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

75      Or, une interprétation de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 excluant de la garantie contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages les remboursements qui sont dus aux voyageurs à la suite d’une résiliation intervenue, dans l’une des situations visées par cette directive, avant la survenance de cette insolvabilité reviendrait à diminuer la protection de ces derniers par rapport à celle que leur conférait la directive 90/314.

76      En effet, l’article 7 de cette dernière directive prévoyait que les organisateurs de voyages devaient disposer de garanties suffisantes afin d’assurer, en cas d’insolvabilité, le remboursement des fonds déposés par le consommateur. La Cour a jugé que cet article visait à protéger intégralement les droits des consommateurs qui y sont mentionnés et, partant, à protéger ces derniers contre l’intégralité des risques définis dans ledit article et résultant de l’insolvabilité de l’organisateur de voyages (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 1999, Rechberger e.a., C‑140/97, EU:C:1999:306, point 61). Le même article avait donc pour objectif fondamental d’assurer le remboursement des fonds déposés par le voyageur en cas d’insolvabilité de cet organisateur de voyages sans que ladite garantie soit assortie d’une quelconque condition spécifique relative aux causes de l’insolvabilité dudit organisateur de voyages (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Blödel-Pawlik, C‑134/11, EU:C:2012:98, points 20 et 21).

77      L’appréciation qui précède n’est pas remise en cause par le fait que la directive 90/314 ne prévoyait pas un droit pour le voyageur de résilier le contrat de voyage à forfait et d’obtenir un remboursement intégral des paiements effectués équivalant à celui qui lui est désormais conféré à l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302.

78      En effet, comme l’a également relevé Mme l’avocate générale au point 82 de ses conclusions, un droit de résiliation assorti d’un droit au remboursement des paiements effectués par le voyageur était déjà consacré par la directive 90/314 dans des hypothèses à présent régies par la directive 2015/2302. Ainsi, le droit du voyageur de résilier son contrat de voyage à forfait et d’obtenir le remboursement de toutes les sommes qu’il a versées en vertu de ce contrat lorsque l’organisateur de voyages se trouve contraint de modifier de façon significative ledit contrat, visé à l’article 11, paragraphe 5, de la directive 2015/2302, correspond au droit qui était consacré à l’article 4, paragraphe 6, de la directive 90/314.

79      Par conséquent, si l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 devait être interprété comme limitant la garantie contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages aux remboursements qui sont dus aux voyageurs en raison de l’inexécution d’un voyage à forfait causée par cette insolvabilité, cette garantie exclurait tout remboursement qui est dû au voyageur à la suite d’une résiliation ayant eu lieu avant la survenance de ladite insolvabilité, y compris celui qui est dû au voyageur en application de l’article 11, paragraphe 5, de cette directive, ce qui constituerait une régression du niveau de la protection des consommateurs qui était assuré par la directive 90/314.

80      S’agissant, en troisième lieu, de la genèse de la directive 2015/2302, la portée exacte de l’article 17, paragraphe 1, de celle-ci ne peut être déduite des travaux préparatoires de cette directive. En effet, comme l’expose également Mme l’avocate générale aux points 62 à 83 de ses conclusions, l’intention du législateur de l’Union quant au champ d’application de la protection contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages au titre de l’article 17, paragraphe 1, de ladite directive ne ressort pas clairement de ces travaux préparatoires. La Commission déduit de la genèse de la même directive que, en adoptant cette disposition, le législateur de l’Union avait la volonté de s’écarter du niveau de protection antérieur des voyageurs contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages et d’exclure de la garantie contre cette insolvabilité les créances de remboursement des voyageurs nées avant la survenance de cette insolvabilité alors que le Parlement européen soutient qu’il ressort de cette genèse que ce législateur avait l’intention de maintenir le niveau de protection antérieur des voyageurs contre ladite insolvabilité, de sorte que la garantie contre la même insolvabilité inclurait les créances de remboursement du voyageur nées avant la survenance de cette dernière. Quant au Conseil de l’Union européenne, il n’a pas exposé quelle était l’intention du législateur de l’Union lors de l’adoption de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302.

81      Il ressort de ce qui précède que, si le libellé de l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 et certains éléments du contexte de cette disposition peuvent plaider en faveur d’une interprétation excluant du champ d’application de celle-ci les créances de remboursement nées à la suite d’une résiliation du contrat de voyage à forfait intervenue, dans l’une des situations visées par cette directive, avant la survenance de l’insolvabilité de l’organisateur de voyages, d’autres éléments du contexte de ladite disposition et l’objectif de ladite directive tendent, au contraire, à fonder une interprétation incluant ces créances dans ce champ d’application.

82      Lorsqu’un texte du droit dérivé de l’Union est susceptible de plus d’une interprétation, il convient de donner la préférence à celle qui rend la disposition concernée conforme au droit primaire, plutôt qu’à celle conduisant à constater l’incompatibilité de cette disposition avec ce dernier. En effet, selon un principe général d’interprétation, un acte de l’Union doit être interprété, dans la mesure du possible, d’une manière qui ne remette pas en cause sa validité et en conformité avec l’ensemble du droit primaire, y compris en accord avec le principe d’égalité de traitement [voir, en ce sens, arrêts du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a., C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, points 47 et 48, ainsi que du 16 novembre 2023, Ligue des droits humains (Vérification du traitement des données par l’autorité de contrôle), C‑333/22, EU:C:2023:874, point 57 et jurisprudence citée]. Ce principe est précisément évoqué par la juridiction de renvoi dans l’affaire C‑45/23, ainsi qu’il est relevé au point 45 du présent arrêt.

83      Le principe d’égalité de traitement, qui est un principe général du droit de l’Union, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2023, MG/BEI, C‑173/22 P, EU:C:2023:932, point 45 et jurisprudence citée).

84      Comme il ressort de la jurisprudence de la Cour, l’appréciation de la comparabilité des situations afin d’apprécier le respect dudit principe général doit se faire à l’aune de l’objectif poursuivi par l’acte dans lequel s’inscrit la norme en question (voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a., C‑402/07 et C‑432/07, EU:C:2009:716, point 49).

85      Ainsi qu’il est exposé au point 74 du présent arrêt, la directive 2015/2302 a pour objectif de réaliser un niveau élevé de protection des consommateurs. L’article 17 de cette directive participe à la réalisation de cet objectif en visant à protéger le voyageur du risque financier qu’implique l’insolvabilité de l’organisateur de voyages. En effet, compte tenu du fait que le voyageur paie tout ou partie du prix de son voyage à forfait avant qu’il ne puisse bénéficier des services de voyage de l’organisateur de voyages, il encourt le risque de perdre la somme correspondante si celui-ci devient par la suite insolvable.

86      Or, au regard de cet objectif, le point de référence pour comparer la situation du voyageur qui, après avoir payé tout ou partie du prix de son voyage à forfait, a résilié son contrat de voyage à forfait dans l’une des situations visées par ladite directive, mais qui n’a pas été remboursé parce que l’organisateur de voyages est devenu insolvable après cette résiliation, et celle du voyageur dont le voyage n’a pas été exécuté et qui n’a pas été remboursé en raison de l’insolvabilité de cet organisateur, doit être le risque de pertes financières encouru par le voyageur concerné.

87      Compte tenu de ce point de référence, la situation des deux voyageurs susmentionnés est comparable. En effet, dans les deux cas de figure, le voyageur est exposé au risque financier de ne pas pouvoir obtenir, en raison de l’insolvabilité de l’organisateur de voyages, un remboursement des sommes qu’il a payées à cet organisateur alors même qu’il y aurait droit en vertu de la directive 2015/2302.

88      Par conséquent, en vertu du principe d’égalité de traitement, tant le voyageur dont le voyage à forfait ne peut être exécuté en raison de l’insolvabilité de l’organisateur de voyages que le voyageur qui a résilié son contrat de voyage à forfait, notamment, en application de l’article 12, paragraphe 2, de la directive 2015/2302 doivent bénéficier de la garantie contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages prévue à l’article 17, paragraphe 1, de cette directive en ce qui concerne les remboursements qui leur sont dus, à moins qu’une différence de traitement entre ces deux catégories de voyageurs ne soit objectivement justifiée.

89      S’agissant de ce dernier aspect, aucun élément ne paraît pouvoir justifier une différence de traitement entre lesdites catégories de voyageurs. En particulier, en ce qui concerne la possibilité d’exclure les risques extrêmement ténus du champ d’application de la protection contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages, mise en exergue par certaines parties devant la Cour sur le fondement du considérant 40 de la directive 2015/2302, il ne ressort pas des dossiers dont dispose la Cour qu’une telle exclusion a été prévue dans les réglementations nationales et les contrats d’assurance en cause au principal. En tout état de cause, une telle exclusion éventuelle ne permettrait pas de justifier une telle différence de traitement. En effet, ainsi qu’il est indiqué à ce considérant 40, elle vise des risques tels que l’insolvabilité simultanée de plusieurs des principaux organisateurs de voyages. Elle est sans rapport avec la question de savoir si la créance de remboursement du voyageur affectée par l’insolvabilité de l’organisateur de voyages trouve son origine dans l’inexécution du forfait ou dans l’exercice par ce voyageur de son droit de résiliation du contrat de voyage à forfait dans l’une des situations visées par ladite directive.

90      Partant, compte tenu de la jurisprudence citée au point 82 du présent arrêt et du principe d’égalité de traitement, l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 doit être interprété en ce sens qu’il inclut, dans la garantie contre l’insolvabilité des organisateurs de voyages, les créances de remboursement des voyageurs nées à la suite d’une résiliation de leur contrat de voyage à forfait intervenue, dans l’une des situations visées par cette directive, avant que l’organisateur de voyages ne devienne insolvable.

91      Au vu de tout ce qui précède, il convient de répondre à la première question dans l’affaire C‑771/22 et à l’unique question dans l’affaire C‑45/23 que l’article 17, paragraphe 1, de la directive 2015/2302 doit être interprété en ce sens que la garantie conférée aux voyageurs contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages à forfait s’applique lorsqu’un voyageur résilie son contrat de voyage à forfait en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables en application de l’article 12, paragraphe 2, de cette directive, que, après cette résiliation, cet organisateur de voyages devient insolvable et que ce voyageur n’a pas bénéficié, avant la survenance de cette insolvabilité, d’un remboursement intégral des paiements effectués auquel il a droit en vertu de cette dernière disposition.

 Sur les deuxième et troisième questions dans l’affaire C771/22

92      Eu égard à la réponse apportée à la première question dans l’affaire C‑771/22, il n’y a plus lieu de répondre aux deuxième et troisième questions dans cette affaire.

 Sur les dépens

93      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant les juridictions de renvoi, il appartient à celles-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

L’article 17, paragraphe 1, de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées, modifiant le règlement (CE) no 2006/2004 et la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/314/CEE du Conseil,

doit être interprété en ce sens que :

la garantie conférée aux voyageurs contre l’insolvabilité de l’organisateur de voyages à forfait s’applique lorsqu’un voyageur résilie son contrat de voyage à forfait en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables en application de l’article 12, paragraphe 2, de cette directive, que, après cette résiliation, cet organisateur de voyages devient insolvable et que ce voyageur n’a pas bénéficié, avant la survenance de cette insolvabilité, d’un remboursement intégral des paiements effectués auquel il a droit en vertu de cette dernière disposition.

Signatures


*      Langues de procédure : l’allemand et le néerlandais.