Language of document : ECLI:EU:T:2024:60

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

7 février 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque figurative O – Enregistrement international antérieur de la marque figurative O – Motifs relatifs de refus – Absence d’usage sérieux de la marque antérieure – Article 42, paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 47, paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑74/23,

Oriflame Cosmetics AG, établie à Schaffhouse (Suisse), représentée par Mes N. Gerling et U. Pfleghar, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Klee, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Caramé Holding AG, établie à Sulzbach (Allemagne), représentée par Mes M. Ebner et R. Lange, avocats,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes A. Marcoulli, présidente, V. Tomljenović et L. Spangsberg Grønfeldt (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Oriflame Cosmetics AG, demande l’annulation et la réformation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 7 décembre 2022 (affaire R 938/2022-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 1er mars 2016, l’intervenante, Caramé Holding AG, a désigné l’Union européenne dans son enregistrement international du signe figuratif suivant :

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3        La demande a été publiée le 25 juillet 2016.

4        La marque demandée désignait les produits relevant de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Produits de nettoyage, de soin et d’embellissement de la peau, des ongles, des lèvres, des yeux et des cheveux ; produits de parfumerie ; cosmétiques ; produits cosmétiques de décoration ; produits de soin des ongles ; produits de soins capillaires ; produits coiffants ».

5        Le 25 novembre 2016, la requérante a formé opposition à l’enregistrement international en cause pour les produits visés au point 4 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur l’enregistrement international antérieur no 822 851, déposé et enregistré le 19 février 2004, du signe figuratif reproduit ci-après :

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7        L’enregistrement international antérieur (ci-après la « marque antérieure ») désigne la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque et la Slovénie ainsi que les produits relevant de la classe 3 correspondant à la description suivante : « Savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions capillaires ; dentifrices ».

8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient notamment ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

9        Le 18 mai 2020, dans ses observations au soutien de l’opposition, la requérante a indiqué exploiter commercialement la marque antérieure (« the O Logo ») depuis 2003 en l’utilisant, à la fois, dans le cadre de sa marque principale (« its main brand ») et en tant que marque autonome (« a standalone brand ») sur ses produits, ses supports commerciaux et pour désigner son entreprise. À cette occasion, la requérante a évoqué et documenté ses lignes directrices relatives à la marque antérieure, sa présence en ligne ainsi que son choix de commercialiser et de promouvoir ses produits par la vente directe au moyen de conseillers commerciaux indépendants assurant la promotion des produits sur les réseaux sociaux, la distribution de catalogues et l’organisation d’évènements au cours desquels des échantillons étaient proposés et les commandes prises.

10      À la suite de la demande formulée par l’intervenante, l’EUIPO a invité la requérante à apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition. Cette dernière a déféré à ladite demande dans le délai imparti en illustrant et développant, le 21 avril 2021, les éléments versés au dossier au soutien des observations sur l’opposition.

11      Le 4 avril 2022, la division d’opposition a rejeté l’opposition.

12      Le 26 mai 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition et, le 4 août 2022, elle a présenté les motifs à l’appui de ce recours, en indiquant qu’il était d’usage pour de nombreuses entreprises de décliner leur marque sous deux formes afin d’identifier leurs produits, à savoir, d’une part, sous une forme complète et, d’autre part, sous une forme abrégée représentée par une lettre stylisée également utilisée dans la forme complète. À titre d’exemples de telles déclinaisons, la requérante citait notamment les formes complètes Nespresso, Fila, Carlsberg et Disney ainsi que les formes abrégées représentées respectivement par les lettres stylisées « n », « f », « c » et « d », également utilisées comme premières lettres dans la forme complète correspondante.

13      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la requérante n’avait pas prouvé l’usage sérieux de la marque antérieure, que ce soit de manière autonome ou en combinaison avec d’autres éléments, tels que les éléments verbaux « oriflame » ou « one », de sorte qu’il y avait lieu de rejeter l’opposition.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision de la division d’opposition du 4 avril 2022 ;

–        « refuser la protection, dans l’Union […], à l’enregistrement international de la marque [demandée] » ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

15      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

16      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 1er mars 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009, tel que modifié (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).

18      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures à l’article 8, paragraphe 1, sous b), à l’article 8, paragraphe 5, et à l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), l’article 8, paragraphe 5 et l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), d’une teneur en substance identique, du règlement no 207/2009 [voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2023, Sympatex Technologies/EUIPO – Liwe Española (Sympathy Inside), T‑372/21, non publié, EU:T:2023:111, point 14].

19      De même, il convient d’entendre les références faites par la requérante à l’article 47, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, lu en relation avec l’article 47, paragraphe 3, du même règlement, comme visant l’article 42, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement no 207/2009, lu en relation avec l’article 42, paragraphe 3, de ce règlement, d’une teneur identique. En effet, les dispositions matérielles précitées, applicables à la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, définissent une règle de fond dès lors qu’elles disposent que l’opposition est rejetée « à défaut [de] preuve » de l’usage sérieux de la marque antérieure dans l’Union pour les produits pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée.

20      Par ailleurs, il convient de constater, à l’instar de la requérante, que l’article 10, paragraphe 2, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001 et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), s’applique, en l’espèce, conformément à l’article 82, paragraphe 2, sous d), du même règlement, eu égard au fait que la demande de preuve de l’usage de la marque antérieure a été déposée le 30 novembre 2020 [arrêt du 10 novembre 2021, AC Milan/EUIPO – InterES (ACM 1899 AC MILAN), T-353/20, non publié, EU:T:2021:773, point 17].

21      En outre, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001 et du règlement délégué 2018/625.

 Sur le premier chef de conclusions de la requérante

22      À l’appui de son premier chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision attaquée, la requérante invoque un moyen unique tiré de la violation de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), dudit règlement et l’article 10, paragraphe 2, du règlement délégué 2018/625. En substance, la requérante soutient que la chambre de recours a procédé à une appréciation erronée des éléments versés au dossier. Selon elle, ces éléments permettaient d’établir l’usage sérieux de la marque antérieure, que cet usage avait été effectué sous la forme enregistrée de manière autonome ou en combinaison avec d’autres éléments. Elle insiste aussi sur la nécessité pour la chambre de recours d’apprécier le rôle et l’importance susceptibles d’être donnés aux éléments versés au dossier relatifs à l’usage de ladite marque sur les réseaux sociaux.

23      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante en renvoyant essentiellement au raisonnement exposé dans la décision attaquée. En particulier, l’EUIPO fait valoir que la chambre de recours a cité et approuvé les conclusions de la division d’opposition quant à l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure de manière autonome et qu’elle a aussi répondu aux arguments présentés par la requérante dans son recours. L’intervenante affirme également que la requérante n’a pas fourni la moindre preuve susceptible d’établir que la marque antérieure était perçue par le public de manière autonome.

24      Conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), lorsque le demandeur en a fait la requête, le titulaire d’une marque antérieure qui a formé opposition est appelé à apporter la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la date de publication de la demande de marque de l’Union européenne (devenue la date de dépôt ou la date de priorité dans l’article 47 du règlement 2017/1001), la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire où elle est protégée pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage.

25      À défaut de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, l’article 42, paragraphe 2, deuxième phrase, du règlement no 207/2009 et l’article 10, paragraphe 2, seconde phrase, du règlement délégué 2018/625 disposent que l’opposition est rejetée.

26      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir arrêt du 31 janvier 2019, Pandalis/EUIPO, C‑194/17 P, EU:C:2019:80, point 83 et jurisprudence citée). De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 39 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37].

27      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage d’une marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par ladite marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché ainsi que l’importance et la fréquence de l’usage de cette marque [voir arrêt du 22 juin 2022, Beveland/EUIPO – Super B (BUCANERO), T‑29/21, non publié, EU:T:2022:388, point 20 et jurisprudence citée].

28      L’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de cette marque sur le marché concerné. Dès lors, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents au cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte (voir arrêt du 22 juin 2022, BUCANERO, T‑29/21, non publié, EU:T:2022:388, point 21 et jurisprudence citée).

29      Dans le cadre de l’appréciation des preuves de l’usage sérieux d’une marque, il ne s’agit pas d’analyser chacune des preuves de façon isolée, mais conjointement, afin d’en identifier le sens le plus probable et le plus cohérent. Ainsi, même si la valeur probante d’un élément de preuve est limitée dans la mesure où, pris isolément, il ne démontre pas avec certitude si les produits concernés ont été mis sur le marché et comment ils l’ont été et si cet élément n’est dès lors pas décisif à lui seul, il peut néanmoins être pris en compte dans l’appréciation globale du caractère sérieux de l’usage de la marque concernée. Il en va ainsi, par exemple, lorsque cet élément vient s’ajouter à d’autres éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2022, BUCANERO, T‑29/21, non publié, EU:T:2022:388, point 22 et jurisprudence citée).

30      En outre, il convient de préciser que, en vertu des dispositions combinées de l’article 15, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et de l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 [devenus respectivement l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et l’article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001], la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou de l’Union européenne, qui fonde une opposition à l’encontre d’une demande de marque de l’Union européenne, comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée [voir arrêt du 8 décembre 2005, Castellblanch/OHMI – Champagne Roederer (CRISTAL CASTELLBLANCH), T‑29/04, EU:T:2005:438, point 30 et jurisprudence citée].

31      En premier lieu, il convient, en l’espèce, pour le Tribunal de rappeler que, lors de la procédure devant l’EUIPO, la requérante a versé des éléments au dossier afin de définir les faits et les circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de la marque antérieure au cours de la période pertinente pour établir son usage sérieux, sur le territoire où ladite marque était protégée et en ce qui concerne les produits pour lesquels celle-ci était enregistrée et sur lesquels l’opposition était fondée.

32      Force est de constater que les éléments versés au dossier faisaient état de l’utilisation de la marque antérieure non seulement en combinaison avec d’autres éléments, mais aussi en tant que telle, sur les produits, les supports commerciaux ou pour désigner l’entreprise.

33      Ainsi, dans la rubrique intitulée « utilisation [de la marque antérieure] » des observations au soutien de l’opposition, la requérante a présenté des produits sur lesquels la marque antérieure était apposée de manière autonome, en tant que telle, ou en tant qu’élément d’une marque complexe comprenant l’élément verbal « one », dont ladite marque représentait la première lettre. L’un des exemples fournis à cet égard était un tube de rouge à lèvres sur lequel figurait la marque antérieure en tant que telle, la seule visible au sommet du capuchon de ce produit cosmétique.

34      De même, les annexes présentées par la requérante à l’EUIPO pour compléter ses observations au soutien de l’opposition permettaient d’identifier :

–        des captures d’écran de sites web bulgare, letton, lituanien et slovène datées de 2013, 2014 et 2015 (annexe 8) qui faisaient état, à travers des reproductions de la marque antérieure, de l’utilisation de ladite marque en tant que telle au sommet du capuchon de différents produits cosmétiques ;

–        une capture d’écran d’un article daté du 21 février 2014 d’un site web publiant des informations relatives à la vente directe (annexe 11) dans laquelle figurait la marque antérieure en tant que telle et qui faisait état de la collaboration promotionnelle et commerciale entre la requérante et l’association mondiale du tennis féminin ainsi qu’une de ses meilleures joueuses ;

–        des extraits de réseaux sociaux (par exemple Facebook, Instagram, YouTube et Twitter) (annexe 13) qui faisaient état, notamment, de l’utilisation de cette marque en tant que telle, certains de ces extraits étant également illustrés de photos de produits cosmétiques commercialisés par la requérante sur lesquels ladite marque figurait également en tant que telle ;

–        une capture d’écran d’un article renvoyant à l’année 2015 d’un site web tchèque illustré d’une photo de produits cosmétiques commercialisés par la requérante (annexe 14), dont le produit dont le dessus du couvercle était visible comportait la marque antérieure en tant que telle.

35      Par ailleurs, dans ses observations relatives à la preuve de l’usage au soutien de l’opposition, la requérante a présenté plusieurs exemples d’exploitation commerciale de la marque antérieure en tant que marque autonome ou en combinaison avec d’autres éléments. Ainsi, s’agissant des utilisations de ladite marque de manière autonome, la requérante a fourni des exemples d’utilisation de celle-ci sur la quatrième de couverture de son rapport annuel pour l’année 2015, mais aussi au sommet du capuchon d’un produit cosmétique ou d’un produit de parfumerie et encore à la base d’un tube comportant un autre produit cosmétique.

36      Des extraits de catalogues, présentés par la requérante dans ses observations relatives à la preuve de l’usage au soutien de l’opposition, relatifs à la commercialisation de ses produits en République tchèque, en Pologne, en Slovénie, en Lettonie et en Lituanie permettaient également de relever la présence de la marque antérieure en tant que telle, par exemple au sommet du capuchon de différents tubes de rouge à lèvres.

37      Parmi les pièces qui complétaient les observations de la requérante relatives à la preuve de l’usage au soutien de l’opposition se trouvaient, notamment, des extraits des réseaux sociaux de la requérante (par exemple Facebook, Instagram, YouTube et Twitter) mais aussi du magasin d’applications Google Play, (pièce 1) qui faisaient état, entre autres reproductions de la marque antérieure, de l’utilisation de la marque antérieure en tant que telle sur les réseaux sociaux, ainsi que des factures émises en Bulgarie, en République tchèque, en Pologne, en Slovénie, en Lettonie et en Lituanie, (pièces 4, 6 à 9) qui faisaient état de la présence de la marque antérieure en tant que telle au sommet du capuchon de différents produits cosmétiques.

38      En outre, il ressort de l’exposé des motifs du recours devant la chambre de recours que la requérante se référait expressément au fait qu’elle utilisait la marque antérieure de manière autonome sur ses produits, ce qu’elle considérait avoir démontré dans les différentes observations et les documents annexés précédemment communiqués à l’EUIPO, dont les extraits de ses catalogues.

39      Dans ce contexte, la chambre de recours ne pouvait pas considérer, comme elle l’a fait au point 41 de la décision attaquée, que mise à part la référence faite à la marque antérieure dans les lignes directrices relatives à cette marque, il « n’exist[ait …] aucun autre élément de preuve que [la marque antérieure] [av]ait effectivement été utilisée dans la vie des affaires comme une abréviation du logo principal ».

40      De même, eu égard notamment au contenu de l’exposé des motifs du recours devant la chambre de recours, il ne peut être allégué sans autre forme d’examen, comme l’a fait également valoir la chambre de recours au point 47 de la décision attaquée, que, « ainsi que la division d’opposition l’a[vait] constaté à juste titre et sans être contestée par [la requérante], les autres éléments de preuve [n’étaient] pas aptes à prouver l’usage de la marque antérieure de manière autonome ».

41      Il ressort effectivement des faits et des circonstances évoqués par la requérante lors de la procédure devant l’EUIPO, comme devant la chambre de recours sans que cette dernière n’examine toutefois dans la décision attaquée l’ensemble des arguments et les preuves correspondantes, que l’exploitation commerciale envisagée pour la marque antérieure pouvait être considérée comme ayant été mise en œuvre dans la vie des affaires, notamment à travers l’utilisation de celle-ci en tant que telle et non seulement en combinaison avec d’autres éléments. Il en était particulièrement ainsi des utilisations faites de la marque antérieure sur le haut du capuchon ou du couvercle de produits cosmétiques afin de faire figurer l’identité d’origine desdits produits pour les consommateurs qui ne pourraient voir que ce capuchon ou ce couvercle.

42      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que les éléments versés au dossier lors de la procédure devant l’EUIPO ne permettaient pas de démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure telle qu’enregistrée.

43      En deuxième lieu, dans le prolongement de ce qui précède, c’est à juste titre que la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas accordé suffisamment d’importance, dans la décision attaquée, aux utilisations qui étaient faites de la marque antérieure sur les réseaux sociaux.

44      Il ressort ainsi des éléments versés au dossier que l’utilisation des réseaux sociaux s’inscrivait dans le cadre de l’exploitation commerciale de la marque antérieure définie par la requérante. Plusieurs extraits produits à cet égard témoignaient ainsi de l’utilisation de ladite marque en tant que telle sur ces réseaux sociaux d’une manière particulièrement visible non seulement pour les abonnés, mais aussi pour les visiteurs, les mentions relatives au titulaire du compte (telles oriflame beauty, Oriflame Bulgaria et Oriflame Poland) apparaissant en plus petit.

45      Il s’avère également que les comptes qui faisaient référence à la marque antérieure sur les différents réseaux sociaux mentionnés par la requérante étaient souvent vus sur des petits écrans, comme ceux des téléphones, qui ne disposaient pas de beaucoup d’espace, et privilégiaient donc le recours à la forme abrégée de ladite marque. Les extraits communiqués permettaient aussi de constater l’utilisation de cette marque afin d’identifier les produits de la requérante, qu’il s’agisse d’en assurer la promotion ou la commercialisation, par exemple au moyen de vidéos, de photos ou de textes.

46      À cet égard, l’EUIPO et l’intervenante ne peuvent être suivis quand ils affirment que la présence de la marque antérieure sur les réseaux sociaux n’était pas pertinente en l’espèce. Selon eux, cette présence ne dirait rien sur la perception de l’usage de ladite marque par le consommateur ni ne suffirait à démontrer que les produits pour lesquels celle-ci était enregistrée avaient trouvé une présence réelle et commerciale sur le marché. Cependant, ainsi que le fait observer la requérante, la question pertinente à ce stade de l’analyse de l’opposition est de savoir si les éléments fournis lors de la procédure devant l’EUIPO, appréciés globalement, permettaient d’établir un usage sérieux de la marque antérieure afin de garantir l’identité d’origine des produits concernés. Dans le cadre de cette analyse, la présence sur les réseaux sociaux était susceptible de constituer un élément pertinent, dans la mesure où il s’agissait d’un moyen couramment utilisé pour promouvoir et même pour vendre des produits cosmétiques dans le secteur économique concerné.

47      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a également commis une erreur d’appréciation en ne tenant pas compte et en n’appréciant pas la portée de l’utilisation de la marque antérieure sur les réseaux sociaux, notamment pour déterminer si cette utilisation permettait d’associer les produits mis en avant sur ces réseaux avec l’entreprise qui les commercialisait.

48      En dernier lieu, compte tenu des principes exposés aux points 24 à 30 ci-dessus, il convient de rappeler que, pour apprécier l’usage sérieux de la marque antérieure, la chambre de recours doit procéder à une appréciation globale de l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de son exploitation commerciale. Dans ce contexte, force est de constater que la décision attaquée ne permet pas de mesurer la portée ou l’incidence de l’argument présenté par la requérante, selon lequel, du fait de la mise en œuvre d’une stratégie globale consistant à exploiter commercialement la marque antérieure en l’utilisant à la fois et de manière répétée dans le cadre de sa marque principale et en tant que marque autonome, la marque antérieure utilisée en tant que telle à côté d’un signe comportant également l’élément verbal « oriflame » conserverait néanmoins son caractère distinctif.

49      En conséquence, il ressort des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle a rejeté le recours au motif que les éléments versés au dossier lors de la procédure devant l’EUIPO n’étaient pas de nature à démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure telle qu’enregistrée.

 Sur les deuxième et troisième chefs de conclusions de la requérante

50      Par ses deuxième et troisième chefs de conclusions, la requérante demande respectivement au Tribunal d’annuler la décision de la division d’opposition du 4 avril 2022 et de « refuser la protection, dans l’Union […], à l’enregistrement international de la marque [demandée] ».

51      L’EUIPO conteste la recevabilité du deuxième chef de conclusions et soutient que le troisième chef de conclusions s’interprète comme une demande en réformation qui devrait, en tout état de cause, être rejetée comme non fondée.

52      Il convient de considérer que ces chefs de conclusions visent, en substance, à ce que le Tribunal exerce son pouvoir de réformation pour annuler la décision de la division d’opposition et pour accueillir l’opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits qu’elle vise, adoptant ainsi la décision que, selon la requérante, la chambre de recours aurait dû prendre lorsqu’elle a été saisie du recours. En effet, il ressort de l’article 71, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001 que la chambre de recours peut annuler la décision de l’instance de l’EUIPO ayant pris la décision attaquée devant elle et exercer les compétences de cette instance, en l’occurrence statuer sur l’opposition et l’accueillir. Par conséquent, ces mesures figurent parmi celles pouvant être prises par le Tribunal au titre de son pouvoir de réformation, consacré par l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 [voir, en ce sens, arrêt du 2 décembre 2020, Monster Energy/EUIPO – Nanjing aisiyou Clothing (Représentation d’une griffure), T‑35/20, non publié, EU:T:2020:579, point 90 et jurisprudence citée].

53      Or, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par ladite chambre, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (voir arrêt du 2 décembre 2020, Représentation d’une griffure, T‑35/20, non publié, EU:T:2020:579, point 91 et jurisprudence citée).

54      En l’espèce, force est de constater que les conditions de réformation ne sont pas remplies étant donné que la chambre de recours a rejeté le recours en raison de l’absence de preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure. En particulier, la chambre de recours s’est contentée de relever que, au regard des éléments de preuve produits par la requérante, celle-ci n’avait pas démontré un usage sérieux de ladite marque dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée. Par conséquent, la chambre de recours non seulement n’a pas encore pris position sur les exigences de fond de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, mais n’a également pas examiné si les éléments de preuve produits portaient sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui avait été fait de la marque antérieure conformément à ce qui est prescrit par l’article 10, paragraphe 3, du règlement délégué 2018/625 [voir, en ce sens, arrêt du 18 janvier 2023, Dorsum/EUIPO – id Quantique (Clavis), T‑758/21, non publié, EU:T:2023:3, points 21 et 22].

55      Il s’ensuit que la demande en réformation, contenue en substance dans les deuxième et troisième chefs de conclusions de la requérante, doit être rejetée.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 134, paragraphe 2, du même règlement, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

57      L’EUIPO et l’intervenante ayant succombé en l’essentiel de leurs conclusions, il y a lieu de les condamner chacun à supporter, outre leurs propres dépens, la moitié des dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 7 décembre 2022 (R 938/2022-2) est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que la moitié de ceux exposés par Oriflame Cosmetics AG.

4)      Caramé Holding AG supportera ses propres dépens ainsi que la moitié de ceux exposés par Oriflame Cosmetics.

Marcoulli

Tomljenović

Spangsberg Grønfeldt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 février 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.