Language of document : ECLI:EU:T:2007:321

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

25 octobre 2007 (*)

« Fonctionnaires – Rapport d’évolution de carrière – Exercice d’évaluation 2003 – Irrégularités de procédure – Article 43 du statut – Droit à être entendu – Congé de maladie – Certificat médical »

Dans l’affaire T‑27/05,

Carmela Lo Giudice, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Grimbergen (Belgique), représentée initialement par Mes F. Frabetti et G. Bounéou, puis par MFrabetti, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et H. Kraemer, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant à l’annulation de l’exercice d’évaluation portant sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2003 et, à titre subsidiaire, à l’annulation de la décision du 4 mai 2004 portant établissement définitif du rapport d’évolution de carrière dont a fait l’objet la requérante pour la période concernée,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 1er mars 2007,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 43, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut ») est libellé comme suit :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire […] font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110.

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles. »

2        Le 3 mars 2004, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE 43 »).

3        L’article 8 des DGE 43 dispose :

« Article 8 : Procédure d’évaluation

1.      L’exercice annuel d’évaluation débute au plus tard le 15 janvier.

[…]

4.      Le titulaire de poste établit, dans les huit jours ouvrables suivant la demande de l’évaluateur, une auto-évaluation qui est intégrée dans le rapport d’évolution de carrière.

5.      Dix jours ouvrables au plus tard après communication de l’auto-évaluation par le titulaire du poste, l’évaluateur et le titulaire de poste tiennent un dialogue formel. Ce dialogue constitue une tâche d’encadrement fondamentale de l’évaluateur.

Si le titulaire de poste refuse de finaliser son auto-évaluation dans les délais requis, l’évaluateur peut décider de tenir le dialogue à l’expiration du délai visé au paragraphe 4.

[…]

6.      Immédiatement après la tenue du dialogue formel, l’évaluateur rédige un projet de rapport d’évolution de carrière […]

[…]

8.      […] l’évaluateur et le validateur finalisent le rapport d’évolution de carrière et le communiquent au titulaire de poste.

[…]

9.      Le titulaire de poste dispose de cinq jours ouvrables pour accepter le rapport sans formuler d’observations, accepter le rapport tout en ajoutant des commentaires dans la partie réservée à cette fin, ou refuser le rapport en motivant la demande de révision dans la partie réservée à cette fin.

[…] Une absence de réaction du titulaire de poste dans le délai prévu ci-dessus vaut acceptation du rapport.

10.      En cas de refus par le titulaire de poste, le validateur tient un dialogue avec le titulaire de poste, dans un délai de dix jours ouvrables […]

[…]

Au plus tard cinq jours ouvrables après la tenue de ce dialogue, le validateur confirme le rapport ou le modifie. Il communique le rapport au titulaire de poste.

Ce dernier dispose d’un délai de dix jours ouvrables, pour accepter […] ou refuser le rapport […]

11.      Le refus motivé du rapport par le titulaire de poste vaut alors saisine du comité paritaire d’évaluation […]

[…]

13.      Les délais visés au présent article ne commencent à courir qu’au moment où la décision susceptible d’en faire l’objet a été communiquée à l’intéressé ou, tout au plus, au moment où celui-ci aurait pu avoir, en tant que fonctionnaire diligent, une connaissance exacte du contenu et des motifs de cette décision. Les délais cessent de courir lorsque le titulaire de poste est empêché, pour des raisons d’absence justifiée ou autre, d’utiliser le système informatique. Si cet empêchement est durable, il doit introduire un recours interne par une communication adressée au responsable des ressources humaines de sa direction générale.

[…]

14.      Tous les rapports annuels doivent être clôturés fin avril, au plus tard.

15.      Une information est adressée au titulaire de poste, par voie électronique ou autre, indiquant que la décision par laquelle le rapport est rendu définitif a été adoptée, en application du présent article ou de l’article 9, paragraphe 7, et qu’elle est accessible dans le système informatique. Cette information vaut communication de la décision au sens de l’article 25 du statut. »

 Faits à l’origine du litige

4        La requérante est fonctionnaire de la Commission de grade C*5 (ex C 2). Pendant la période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2003 (ci-après la « période de référence »), elle était affectée à l’unité « Coordination générale ; ressources humaines et budgétaires » de la direction générale (DG) « Budget ».

5        Cette unité était dirigée, jusqu’au 31 août 2003, par M. M., en tant que chef d’unité, ensuite, jusqu’au 31 décembre 2003, par Mme M., en tant que chef d’unité « faisant fonction » et finalement, à partir du 1er janvier 2004, par M. D., d’abord en tant que chef d’unité « faisant fonction » et, à partir du 1er mars 2004, en tant que chef d’unité.

6        Du 1er décembre 2003 jusqu’au 9 mai 2004, la requérante a été en congé de maladie. Sa reprise de travail, fixée au 10 mai 2004, s’est faite à mi-temps.

7        Le 5 décembre 2003, Mme M. a envoyé une note à la requérante, dont copie a été versée au dossier personnel, dans laquelle elle lui reprochait certains comportements et certaines attitudes et lui indiquait qu’elle risquait de ne pas atteindre ses objectifs personnels fixés pour l’année 2003 (ci-après la « note de dossier du 5 décembre 2003 »).

8        Le 11 février 2004, un courriel automatique du système Sysper 2 a été envoyé à l’adresse électronique professionnelle de la requérante, lui indiquant le début de la procédure d’évaluation portant sur la période de référence.

9        Le 16 mars 2004, M. C., responsable du suivi du déroulement de la procédure d’évaluation au sein de la DG « Budget », a envoyé un courriel à l’adresse professionnelle de la requérante, indiquant que le délai de huit jours pour établir son auto-évaluation était largement écoulé et l’invitant à accomplir cette étape de la procédure de toute urgence. La requérante a ouvert ledit courriel le 17 mars 2004.

10      Le 21 avril 2004, M. C. est intervenu dans le système Sysper 2 pour permettre la poursuite de la procédure d’évaluation, malgré l’absence de l’auto-évaluation de la requérante, ce dont il est fait mention au point 5 du rapport d’évolution de carrière dont a fait l’objet la requérante pour la période de référence (ci-après le « REC litigieux »).

11      Le 23 avril 2004, l’évaluateur a établi le REC litigieux, sur la base de la note de dossier du 5 décembre 2003 et de renseignements obtenus de la part de M. M.

12      Le 26 avril 2004, M. C., au nom du validateur, a confirmé les commentaires et la note proposés par l’évaluateur, ce qui est mentionné au point 7.2 du REC litigieux et a donné lieu à l’envoi d’un message automatique à l’adresse électronique professionnelle de la requérante invitant celle-ci à faire part de sa réaction dans le délai de cinq jours ouvrables prévu par les dispositions de l’article 8, paragraphe 9, des DGE 43.

13      Le 27 avril 2004, M. C. a envoyé à l’adresse électronique professionnelle de la requérante un courriel indiquant que le validateur avait signé le REC litigieux la veille et que, selon les DGE 43, une absence de réaction du fonctionnaire noté dans un délai de cinq jours ouvrables valait acceptation du rapport. Ledit courriel mentionnait également que Sysper 2 était accessible par Internet à l’adresse http://intracomm.cec.eu.int/SYSPER2. La requérante a ouvert ce courriel et a reçu l’information qu’il contenait le 28 avril 2004. Elle a en outre accédé au système Sysper 2 le 29 avril 2004.

14      Le 4 mai 2004, en l’absence de réaction de la part de la requérante, le responsable des ressources humaines de la DG « Budget » a clos le REC litigieux dans le système Sysper 2, ce qui vaut établissement définitif dudit REC (ci-après la « décision du 4 mai 2004 »).

15      La requérante a demandé, par lettre du 7 mai 2004, à rencontrer l’évaluateur, afin de discuter du REC litigieux avec lui. Elle mentionnait dans cette lettre que, en date du 5 mai 2004, elle lui avait déjà manifesté son souhait de le rencontrer mais qu’il avait refusé la tenue de cet entretien.

16      Le 15 juillet 2004, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, par laquelle elle demandait l’annulation de l’exercice d’évaluation de 2003 et, à titre subsidiaire, l’annulation de la décision du 4 mai 2004.

17      Par décision du 14 octobre 2004, le directeur général de la DG « Personnel et administration », en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), a rejeté la réclamation de la requérante.

18      Dans ladite décision, l’AIPN a relevé que « l’absence pour cause de maladie était d’une longue durée, comportant une incapacité de travailler à 100 % du 1er décembre 2003 jusqu’au 9 mai 2004 ». En outre, elle a estimé que « les services en question [avaient] correctement suivi la procédure aboutissant au [REC litigieux] » et que, « [s]’il [était] vrai que la requérante n’[avait] pas participé à son évaluation, c’était son choix autonome de ne pas le faire, vu les possibilités qu’elle [avait eues] de participer pleinement, malgré le fait qu’elle était physiquement absente des locaux de son travail ». L’AIPN a ajouté que la requérante « a[vait] en effet ignoré toutes les possibilités de recours prévues par les DGE [43] à l’intérieur du processus, et a[vait] choisi de recourir directement à une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut ».

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 janvier 2005, la requérante a introduit le présent recours.

20      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a invité les parties à répondre par écrit à certaines questions. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 1er mars 2007.

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’exercice d’évaluation portant sur la période de référence ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision du 4 mai 2004 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      Dans la réplique, la requérante a en outre conclu à l’annulation de « toutes décisions ou éléments liés exclusivement au REC [litigieux] », dont la note de dossier du 5 décembre 2003.

24      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 Sur la recevabilité

25      En vertu de l’article 113 du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut à tout moment, d’office, examiner les fins de non-recevoir d’ordre public. Les conditions de recevabilité étant d’ordre public, le Tribunal peut les examiner d’office.

26      En l’espèce, il y a lieu d’examiner d’office si l’exercice d’évaluation portant sur la période de référence, dont la requérante demande l’annulation, constitue un acte faisant grief, susceptible de faire l’objet d’un recours au titre des articles 90 et 91 du statut.

27      Il ressort d’une jurisprudence constante que constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, sa situation juridique, et qui fixent définitivement la position de l’institution (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Fardoom et Reinard/Commission, T‑43/04, RecFP p. I‑A‑329 et II‑1465, point 26 ; voir également, en ce sens, arrêts du Tribunal du 24 juin 1993, Seghers/Conseil, T‑69/92, Rec. p. II‑651, point 28, et du 28 septembre 1993, Yorck von Wartenburg/Parlement, T‑57/92 et T‑75/92, Rec. p. II‑925, point 36).

28      En l’espèce, il y a lieu de relever que l’exercice d’évaluation portant sur la période de référence, dont l’annulation est demandée à titre principal, ne constitue pas un acte faisant grief au sens des articles 90 et 91 du statut, dès lors que cet exercice ne produit aucun effet de droit susceptible d’affecter directement les intérêts de la requérante. L’exercice en cause constitue une série d’actes préparatoires aboutissant au REC litigieux, mais qui, par rapport à celui-ci, ne produisent pas d’effets juridiques à l’égard de la requérante (voir, en ce sens, arrêt Fardoom et Reinard/Commission, point 27 supra, point 27).

29      Lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent un acte attaquable dans le cadre d’un recours en annulation que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale. Ainsi, en matière de recours de fonctionnaires, les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut (arrêts du Tribunal du 15 juin 1994, Pérez Jiménez/Commission, T‑6/93, RecFP p. I‑A‑155 et II‑497, point 34 ; du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, RecFP p. I‑A‑337 et II‑1657, point 28, et Fardoom et Reinard/Commission, point 27 supra, point 28).

30      Par conséquent, la demande à titre principal de la requérante visant à l’annulation de l’exercice d’évaluation portant sur la période de référence est irrecevable.

31      Pour ce qui est de la demande d’annulation de « toutes décisions ou éléments liés exclusivement au REC [litigieux] », dont la note de dossier du 5 décembre 2003, il convient de relever d’emblée que cette demande ne figure pas dans la requête, mais apparaît, pour la première fois, dans la réplique. Or, selon l’article 44, paragraphe 1, sous c) et d), du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir l’objet du litige et les conclusions du requérant. Dès lors, ladite demande est irrecevable.

32      Au vu de ce qui précède, seule est recevable la demande de la requérante dirigée contre la décision du 4 mai 2004, ainsi que le chef de conclusions concernant les dépens.

 Sur le fond

33      À l’appui de sa demande en annulation, la requérante avance six moyens. Le premier moyen est tiré de la violation des articles 26 et 43 du statut. Le deuxième moyen est tiré d’une violation des DGE 43. Le troisième moyen est tiré d’une violation des principes de bonne administration et de non-discrimination. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe d’interdiction du procédé arbitraire, de l’abus de pouvoir et de la violation de l’obligation de motivation. Le cinquième moyen est tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime et de la règle patere legem quam ipse fecisti. Enfin, le sixième moyen est tiré de la violation du devoir de sollicitude.

34      Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner d’abord la seconde branche du premier moyen, concernant la violation de l’article 43 du statut, en conjonction avec le deuxième moyen, portant sur la violation des DGE 43.

 Arguments des parties

35      La requérante fait valoir l’existence d’une irrégularité de procédure résultant du fait que l’AIPN a intégralement mené et terminé la procédure d’établissement du REC litigieux en son absence, qui était justifiée par des certificats médicaux. Elle estime que ladite irrégularité procédurale, constituée notamment par l’absence de dialogue formel, constitue une violation de l’article 43 du statut et des DGE 43, en particulier des articles 8 et 9 de celles-ci.

36      La requérante conteste la thèse de la Commission selon laquelle les certificats médicaux ne prouvent pas qu’elle était incapable de participer à ladite procédure. Un fonctionnaire qui ne dispose pas de toutes ses facultés physiques et mentales pour accomplir son travail quotidien serait incapable, de même, d’effectuer son auto-évaluation et de participer au dialogue avec l’évaluateur.

37      Elle prétend que, bien qu’elle ait ouvert le courriel du 27 avril 2004, elle n’était pas en mesure de lui donner suite en raison de son état de santé. Quant à l’allégation de la Commission selon laquelle elle n’a pas introduit un recours interne au sens de l’article 8, paragraphe 13, des DGE 43, elle fait observer que, aucune définition de la notion d’empêchement durable contenue dans ladite disposition n’étant donnée, son absence ne pouvait être qualifiée d’empêchement durable.

38      En faisant référence à l’article 8, paragraphe 9, des DGE 43, selon lequel « le titulaire du poste dispose d’un délai de cinq jours ouvrables pour accepter le rapport […] ou [le] refuser […] en motivant la demande de révision dans la partie réservée à cette fin », la requérante considère que ce délai n’a pu commencer à courir, compte tenu de son absence justifiée. De plus, elle ajoute que, en raison de son état de santé, elle était dans l’incapacité de formuler des commentaires ou de motiver une demande de révision du rapport.

39      La Commission fait valoir que, même à supposer que, en vertu d’un principe supérieur de droit, la procédure d’évaluation doive être suspendue dans le cas où le fonctionnaire se trouve, pour des raisons médicales, dans l’incapacité de participer à ladite procédure, la requérante ne démontre pas en quoi son état de santé l’aurait effectivement mise dans l’incapacité physique ou mentale d’établir son auto-évaluation et de participer au dialogue formel avec l’évaluateur. Elle considère qu’une telle incapacité ne saurait être déduite du seul fait que la requérante se trouvait en congé de maladie durant la période d’établissement du REC litigieux. Il ressortirait de la jurisprudence que c’est à la partie requérante qu’il incombe de démontrer l’existence de l’incapacité médicale, ce qui exige davantage que la simple référence à des certificats médicaux (arrêt du Tribunal du 5 décembre 2002, Stevens/Commission, T‑277/01, RecFP p. I‑A‑253 et II‑1273, point 55). Elle ajoute que le fait que la requérante était capable de rédiger, le 7 mai 2004, une lettre « raisonnable » et « structurée » constitue un indice tendant à démontrer qu’elle disposait des capacités mentales pour comprendre le contenu du courriel du 27 avril 2004.

40      La Commission relève qu’aucune disposition dans les DGE 43 ne prévoit que l’établissement du rapport d’évolution de carrière (ci-après le « REC ») est suspendu en cas d’absence pour cause de maladie du fonctionnaire concerné. S’agissant des dispositions de l’article 8, paragraphe 13, des DGE 43, qui prévoient une suspension des délais en cas d’absence justifiée, elle précise qu’il ne s’agit pas des délais pour l’établissement de l’auto-évaluation, mais de ceux concernant l’introduction des recours internes, à savoir la saisine du validateur (article 8, paragraphe 9, des DGE 43) ou celle du comité paritaire d’évaluation (article 8, paragraphe 11, des DGE 43).

41      Elle fait valoir que l’absence de dialogue formel ne signifie nullement que le droit à être entendu de la requérante a été violé. Elle soutient que la requérante, par son refus de réagir aux différentes prises de contact de la DG « Budget », a clairement exprimé qu’elle n’était pas disposée à participer à la procédure d’évaluation. Elle ajoute que la requérante n’a pas non plus exercé son droit de saisir le validateur après la finalisation du REC litigieux afin de lui présenter ses observations.

42      Elle souligne que la requérante a été informée par le courriel du 27 avril 2004 de ce que le validateur avait signé le REC litigieux et de ce qu’une absence de réaction de sa part dans un délai de cinq jours ouvrables valait acceptation du rapport. La requérante n’aurait pas démontré que, pour des raisons médicales, elle se trouvait dans l’incapacité de prendre connaissance de l’établissement du REC litigieux.

43      La Commission relève également que les délais prévus pour l’introduction des recours visés à l’article 8, paragraphes 9 et 11, des DGE 43 ne sont suspendus, pendant l’absence justifiée du fonctionnaire noté, que dans l’hypothèse où ce dernier est « empêché […] d’utiliser le système informatique ». Or, la requérante aurait eu accès tant à sa messagerie électronique professionnelle qu’au système Sysper 2, de sorte qu’elle n’aurait pas pu bénéficier d’une suspension des délais. Elle ajoute que, même à supposer que la requérante fût « empêchée d’utiliser le système informatique », elle ne saurait valablement alléguer l’existence d’un vice procédural, étant donné que, selon l’article 8, paragraphe 13, des DGE 43, en cas d’empêchement durable, le fonctionnaire doit introduire un recours interne. Or, la requérante aurait omis d’introduire un tel recours. En outre, la Commission a rappelé à l’audience qu’aucun recours interne ne peut être introduit après la décision portant clôture du REC.

 Appréciation du Tribunal

44      La requérante fait essentiellement valoir que la décision du 4 mai 2004 doit être annulée au motif que le REC litigieux a été établi et clos alors qu’elle était absente pour cause de maladie. Plus particulièrement, elle soutient que l’absence totale de dialogue au cours de la procédure d’établissement dudit REC constitue une irrégularité de procédure qui justifie l’annulation de la décision du 4 mai 2004.

45      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 43 du statut, le REC est communiqué au fonctionnaire et celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles.

46      Le REC ne peut être définitivement adopté sans que le fonctionnaire concerné se soit vu offrir la possibilité d’être utilement entendu (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2006, Carius/Commission, T‑173/04, non encore publié au Recueil, point 69).

47      Une irrégularité de la procédure relative à l’établissement du REC constituée par l’omission du dialogue avec le fonctionnaire constitue également une violation du droit à être entendu (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 septembre 2006, Laroche/Commission, T‑115/04, non encore publié au Recueil, point 36).

48      Un dialogue de qualité est impératif au cours de l’exercice de notation, ledit dialogue étant la clé du système de notation (arrêt du Tribunal du 30 septembre 2004, Ferrer de Moncada/Commission, T‑16/03, RecFP p. I‑A‑261 et II‑1163, point 40).

49      La nature même d’un dialogue et son objet supposent un contact direct entre le noté et le notateur. Sans un échange direct, la notation ne saurait remplir pleinement sa fonction d’outil de gestion des ressources humaines et d’instrument d’accompagnement du développement professionnel de l’intéressé. Par ailleurs, seul ce contact est de nature à favoriser un dialogue franc et approfondi entre le notateur et le noté, leur permettant, d’une part, de mesurer avec exactitude la nature, les raisons et la portée de leurs divergences éventuelles et, d’autre part, de parvenir à une meilleure compréhension réciproque (arrêt Ferrer de Moncada/Commission, point 48 supra, point 39).

50      Dès lors, ni une conversation téléphonique ni un échange de courriers ne saurait constituer un substitut valable au dialogue prévu par les DGE 43 (arrêt Ferrer de Moncada/Commission, point 48 supra, points 38 et 41).

51      Un dialogue de qualité avec le validateur peut néanmoins remédier à l’absence de dialogue avec l’évaluateur (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 mai 2003, den Hamer/Commission, T‑278/01, RecFP p. I‑A‑139 et II‑665, point 47).

52      En l’espèce, il est constant que le REC litigieux a été établi et clos sans une participation quelconque de la requérante.

53      La Commission fait cependant valoir que ce défaut de participation est imputable à la requérante, étant donné qu’elle n’a pas démontré avoir été médicalement dans l’incapacité d’exercer son droit à être entendue. En outre, elle fait valoir que la requérante n’a pas exercé son droit de saisir le validateur ou d’introduire un recours interne.

 Sur la question de l’incapacité de la requérante à participer à la procédure d’établissement du REC litigieux

54      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’AIPN ne peut nier la validité d’un certificat médical et conclure à l’irrégularité de l’absence du fonctionnaire concerné que si elle l’a soumis, auparavant, à un contrôle médical dont les conclusions ne produisent leurs effets administratifs qu’à partir de la date de ce contrôle (arrêts du Tribunal du 20 novembre 1996, Z/Commission, T‑135/95, RecFP p. I‑A‑519 et II‑1413, point 32, et du 11 juillet 1997, Schoch/Parlement, T‑29/96, RecFP. p. I‑A‑219 et II‑635, point 38).

55      Le contrôle médical a également la fonction de donner au fonctionnaire la possibilité de justifier l’incapacité de travail qu’il invoque (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 26 janvier 1995, O/Commission, T‑527/93, RecFP p. I‑A‑9 et II‑29, point 39).

56      Il est constant en l’espèce que la Commission n’a pas contesté la validité des certificats médicaux, établis en raison d’une maladie psychique de la requérante. En outre, l’AIPN a admis dans la décision rejetant la réclamation que la requérante était, pendant la durée intégrale de l’établissement du REC litigieux, en incapacité de travail totale.

57      Il appartient donc au Tribunal d’examiner si, malgré les circonstances décrites au point précédent, la Commission peut néanmoins valablement prétendre qu’il incombait à la requérante de démontrer son incapacité à participer à l’établissement du REC litigieux.

58      En premier lieu, il convient de relever que, pour participer à l’établissement du REC litigieux, la requérante aurait dû analyser ses propres prestations pendant la période de référence, en se fondant également sur des documents se trouvant à son lieu de travail, et avoir une discussion sur lesdites prestations avec son chef d’unité à son lieu de travail, ni un échange d’écrits ni une conversation par téléphone, ainsi qu’il a déjà été rappelé (points 47 et suivants ci-dessus), ne pouvant être qualifiés de « dialogue ».

59      Dès lors, le Tribunal considère que ces tâches sont étroitement liées aux fonctions exercées par la requérante à son lieu de travail et nécessitent essentiellement les mêmes capacités physiques et mentales que celles qui sont nécessaires à l’accomplissement de ses tâches quotidiennes.

60      En deuxième lieu, au vu de l’arrêt O/Commission, point 55 supra, il convient de considérer que, dès lors que la Commission avait reconnu que la requérante était en incapacité de travail totale pendant la durée de la procédure d’établissement du REC litigieux, la charge de la preuve de ce qu’elle était néanmoins pleinement capable de participer à ladite procédure incombait à la Commission. Or, la Commission n’a soumis aucune preuve à cet égard dans la procédure devant le Tribunal.

61      En troisième lieu, quant à la référence faite par la Commission à l’arrêt Stevens/Commission, point 39 supra, il convient de souligner que le contexte factuel dudit arrêt diffère sensiblement de celui du présent cas d’espèce. D’abord, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, il s’agissait d’une procédure disciplinaire, menée après la mise à la retraite du requérant. Dans cette procédure, le requérant pouvait se faire représenter par son avocat ou soumettre ses observations par écrit, ce qui n’est pas le cas dans le cadre d’un exercice d’évaluation, qui exige, ainsi qu’il a été jugé dans l’arrêt Ferrer de Moncada/Commission, point 48 supra, un contact direct et personnel entre l’évaluateur et le titulaire de poste noté. Ensuite, dans l’arrêt Stevens/Commission, point 39 supra, le Tribunal a seulement constaté que les certificats médicaux ne démontraient pas que le requérant était dans l’incapacité de comprendre la portée des convocations, de se faire représenter ou de produire des observations écrites. Par conséquent, la solution retenue dans cet arrêt ne saurait être transposée au cas d’espèce, dans lequel la participation directe et personnelle de la requérante était requise et, contrairement à la procédure disciplinaire, il s’agit de tâches qui sont étroitement liées aux fonctions exercées par la requérante à son lieu de travail.

62      Il importe également de souligner que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Stevens/Commission, point 39 supra, l’audition du requérant a été cinq fois reportée compte tenu de son état de santé et que, dans deux de ces cinq cas, les médecins-contrôleurs de la Commission ont établi que le requérant était en mesure d’assister à une audition en matière disciplinaire. Or, dans le présent cas d’espèce, la Commission n’a apporté aucune preuve établissant que la requérante était capable de participer à la procédure d’établissement du REC, notamment au dialogue formel.

63      En quatrième lieu, le fait que la requérante ait ouvert les courriels des 16 mars et 27 avril 2004 et qu’elle ait accédé, le 29 avril 2004, au système Sysper 2 ne saurait être de nature à démontrer qu’elle était capable de participer à la procédure d’établissement du REC litigieux. En effet, le fait qu’elle disposait des capacités physiques et mentales nécessaires pour accomplir ces opérations informatiques, qui n’impliquent aucune appréciation de sa situation professionnelle ni de communication avec ses supérieurs hiérarchiques afin de sauvegarder ses intérêts, ne saurait suffire pour démontrer qu’elle était capable de rédiger son auto-évaluation, d’assister à un dialogue ou de motiver, ainsi que le prévoit l’article 8, paragraphe 9, des DGE 43, la demande de révision de son REC, tel qu’adopté par l’évaluateur et le validateur le 26 avril 2004.

64      De même, la Commission ne peut valablement prétendre que la lettre du 7 mai 2004 démontre la capacité de la requérante à participer à la procédure d’établissement du REC litigieux, étant donné qu’elle a été rédigée après son établissement définitif et que, en outre, sa rédaction n’a pas exigé l’évaluation des prestations de la requérante à son lieu de travail pendant la période de référence.

65      Dans ces circonstances, il convient de conclure que, reconnaissant que la requérante était en incapacité de travail totale pendant la durée entière de la procédure d’établissement du REC litigieux, la Commission ne saurait valablement contester, sans apporter la preuve contraire, que la requérante était également dans l’incapacité de s’acquitter des tâches spécifiques liées à l’exercice d’évaluation et que cette incapacité l’avait privée de la possibilité d’exercer utilement son droit à être entendue.

 Sur l’argument de la Commission concernant l’omission de saisir le validateur

66      Selon la Commission, la requérante ne saurait se prévaloir de ce qu’elle n’a pu participer à la procédure d’établissement du REC litigieux, dès lors qu’elle a omis de saisir le validateur et n’a donc pas permis de remédier à cette absence de participation.

67      En premier lieu, à cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 8, paragraphe 9, des DGE 43, le titulaire de poste peut refuser le REC « en motivant la demande de révision dans la partie réservée à cette fin ». Or, la décision de refuser le REC et la motivation d’une telle décision auraient également requis de la requérante une appréciation de sa situation professionnelle et la formulation d’arguments pour la défense de ses intérêts, à l’encontre de l’opinion de son chef d’unité. Dès lors, le Tribunal estime que son incapacité médicale totale pendant la durée intégrale de la procédure d’établissement du REC litigieux implique qu’elle n’était pas en mesure d’exercer utilement ce droit.

68      En deuxième lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les délais établis pour la contestation du REC dans les différentes phases de procédure ont pour objectif non seulement de garantir la bonne gestion des multiples REC dont la Commission a annuellement la charge, mais également d’assurer que le fonctionnaire évalué bénéficie d’un délai de réflexion suffisant pour lui permettre, après avoir consulté le REC le concernant, de marquer son accord avec celui-ci ou de le contester devant l’autorité appropriée. Dès lors, il convient de suspendre le délai de cinq jours ouvrables ouvert pour la demande de révision du REC en cas d’absence justifiée d’un fonctionnaire, afin de ne pas le priver de son droit à un tel délai de réflexion (arrêt du Tribunal du 15 décembre 2005, Bauwens/Commission T‑154/04, RecFP p. I‑A‑425 et II‑1933, points 40 et 42).

69      Dans ces circonstances, l’argument de la Commission selon lequel la décision du 4 mai 2004 est valable, puisque la requérante s’est vu accorder la possibilité de saisir le validateur et d’avoir ainsi un dialogue, doit être rejeté.

 Sur l’argument de la Commission concernant l’omission d’introduire un recours interne

70      La Commission relève que, même à supposer que la requérante fût « empêchée d’utiliser le système informatique », elle ne saurait valablement se prévaloir de ce qu’elle n’a pu participer à l’établissement du REC litigieux, dès lors qu’elle a omis d’introduire un recours interne au sens de l’article 8, paragraphe 13, des DGE 43.

71      Il convient de rappeler que, selon la troisième phrase de l’article 8, paragraphe 13, des DGE 43, « [si l’]empêchement [d’utiliser le système informatique] est durable, [le titulaire de poste] doit introduire un recours interne par une communication adressée au responsable des ressources humaines de sa direction générale ». Ainsi, l’obligation du titulaire de poste d’introduire un recours interne est limitée au cas où il est empêché d’utiliser le système informatique d’une façon durable.

72      À cet égard, il convient d’observer que la Commission a apporté la preuve que la requérante a ouvert les courriels des 16 mars et 27 avril 2004 et qu’elle a accédé au système Sysper 2 le 29 avril 2004. Dès lors, le Tribunal constate, comme la Commission l’affirme à juste titre, que la requérante n’était pas dans la situation visée par la disposition citée au point précédent, étant donné qu’elle n’était pas « empêchée, de façon durable, d’utiliser le système informatique ».

73      Par conséquent, le fait que la requérante n’a pas introduit un recours interne est dépourvu de pertinence pour le présent litige.

74      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal conclut que le fait que l’AIPN a mené l’intégralité de la procédure d’établissement du REC litigieux et a clos celui-ci au cours d’une période durant laquelle la requérante était en incapacité de travail totale, et en absence de toute participation de cette dernière, constitue une violation de son droit à être entendue et, dès lors, de l’article 43 du statut.

75      Les divers arguments avancés par la Commission pour démontrer qu’il n’existe aucune disposition dans les DGE 43 permettant à un fonctionnaire se trouvant en congé de maladie, mais ayant accès au système informatique, de bénéficier d’une suspension des délais afin de rendre possible sa participation à la procédure d’établissement du REC le concernant ne remettent pas en cause cette conclusion, dès lors que, même à supposer que la Commission ait correctement interprété lesdites DGE, celles-ci ne sauraient déroger aux dispositions du statut et au droit à être entendu.

76      Il s’ensuit que la seconde branche du premier moyen doit être accueillie et il convient d’annuler la décision du 4 mai 2004, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens et arguments de la requérante.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission du 4 mai 2004 portant établissement définitif du rapport d’évaluation de carrière dont a fait l’objet la requérante pour l’exercice d’évaluation 2003 est annulée.

2)      La Commission est condamnée aux dépens.

Jaeger

Tiili

Czúcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.