Language of document : ECLI:EU:T:2023:672

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

25 octobre 2023  (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative ESTRELLA DE CASTILLA – Marque de l’Union européenne figurative antérieure Estrella Galicia – Motif relatif de refus – Atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑384/22,

Productos Ibéricos Calderón y Ramos, SL, établie à Guijuelo (Espagne), représentée par Me J. Erdozain López, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Nicolás Gómez, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Hijos de Rivera, SA, établie à La Corogne (Espagne), représentée par Mes I. Pascual de Quinto Santos-Suárez et B. Ganso Carpintero, avocates,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. Kancheva et M. U. Öberg, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 14 juin 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Productos Ibéricos Calderón y Ramos, SL, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 13 avril 2022 (affaire R 1576/2021-4) (ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Le 28 novembre 2018, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits et les services relevant des classes 29 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Jambon, viande, extraits de viande, charcuterie » ;

–        classe 35 : « Service de vente au détail, en gros et par le biais de réseaux informatiques mondiaux de jambon, viande, extraits de viande, produits de charcuterie ».

4        Le 18 mars 2019, l’intervenante, Hijos de Rivera, SA, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était notamment fondée sur la marque de l’Union européenne figurative enregistrée le 3 décembre 2013 sous le numéro no 11 852 449 (ci-après la « marque antérieure »), reproduite ci-après :

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6        Les produits et les services désignés par la marque antérieure relèvent des classes 32 et 43 et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons à base de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 43 : « Services de restauration (alimentation) ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

8        Le 4 août 2021, la division d’opposition a fait droit à l’opposition sur  le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

9        Le 14 septembre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. Tout d’abord, elle a considéré, en substance, que la marque antérieure jouissait d’une renommée en Espagne pour des « bières » relevant de la classe 32. Ensuite, elle a constaté que les signes en conflit étaient tout au plus moyennement similaires. Par ailleurs, la chambre de recours a relevé que, au regard de cette similitude, du faible degré de proximité entre les produits et les services contestés et les produits pour lesquels la marque antérieure jouit d’une renommée, ainsi que du caractère distinctif intrinsèque et de la renommée de la marque antérieure sur le marché pertinent, il existait un lien entre les marques en conflit. Enfin, elle a estimé qu’il y avait un risque que l’usage de la marque demandée tire indûment profit de la renommée de la marque antérieure et que la requérante n’avait pas réussi à établir l’existence d’un juste motif pour l’usage de la marque demandée. La chambre de recours a conclu qu’il existait un risque d’atteinte à la renommée de la marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

II.    Conclusions des parties

11      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

12      L’EUIPO conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens dans le cas où une audience serait organisée.

13      L’intervenante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours, confirmer la décision attaquée et, partant, rejeter la demande d’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur l’interprétation de la demande de l’intervenante de confirmer la décision attaquée

14      Dans le cadre de son premier chef de conclusions, l’intervenante demande notamment au Tribunal de confirmer la décision attaquée.

15      Or, étant donné que « confirmer » la décision attaquée équivaut à rejeter le recours, il y a lieu de comprendre cette demande de l’intervenante formulée dans le cadre de son premier chef de conclusions comme tendant, en substance, au rejet du recours [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2016, Apax Partners/EUIPO – Apax Partners Midmarket (APAX), T‑58/16, non publié, EU:T:2016:724, point 15 et jurisprudence citée].

B.      Sur la recevabilité

1.      Sur la recevabilité de la demande de l’intervenante de rejeter la demande d’enregistrement de la marque demandée

16      Dans le cadre de son premier chef de conclusions, l’intervenante demande notamment au Tribunal de rejeter la demande d’enregistrement de la marque demandée. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union (voir ordonnances du 22 septembre 2016, Gaki/Commission, C 130/16 P, non publiée, EU:C:2016:731, point 14 et jurisprudence citée, et du 19 juillet 2016, Trajektna luka Split/Commission, T 169/16, non publiée, EU:T:2016:441, point 13 et jurisprudence citée).

17      En outre, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union européenne contre la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier est tenu, conformément à l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’EUIPO, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 20 et jurisprudence citée].

18      Il s’ensuit que la présente demande de l’intervenante formulée dans le cadre de son premier chef de conclusions doit être rejetée pour cause d’incompétence du Tribunal à en connaître.

2.      Sur la recevabilité du document déposé par l’intervenante après la clôture de la phase écrite de la procédure

19      L’intervenante a, après la clôture de la phase écrite de la procédure, produit une décision de l’Office des brevets et des marques espagnol du 8 février 2023, laquelle n’avait pas été présentée devant l’EUIPO.

20      La requérante et l’EUIPO ont, lors de l’audience, eu l’occasion de présenter leurs observations sur ce document.

21      Il convient à cet égard de constater que ladite décision de l’Office des brevets et des marques espagnol, bien qu’elle n’ait été produite que pour la première fois devant le Tribunal, n’est pas une preuve proprement dite, mais concerne la pratique décisionnelle nationale, à laquelle, même si elle est postérieure à la procédure devant l’EUIPO, une partie a le droit de se référer. En effet, ni les parties ni le Tribunal lui-même ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit de l’Union, d’éléments tirés de la jurisprudence ou de la pratique décisionnelle nationale [voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2016, Fon Wireless/EUIPO – Henniger (Neofon), T‑777/14, non publié, EU:T:2016:253, point 19 et jurisprudence citée].

22      Il en résulte que la décision de l’Office des brevets et des marques espagnol du 8 février 2023 est recevable.

C.      Sur le fond

23      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Elle reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir commis des erreurs dans l’appréciation de la similitude des marques en conflit, du lien entre celles-ci et du juste motif.

24      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

25      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêt du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, point 34 ; voir, également arrêt du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 29 et jurisprudence citée].

26      Il y a lieu de rappeler que les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre les marques antérieure et demandée, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas (voir, en ce sens, ordonnance du 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C‑136/08 P, non publiée, EU:C:2009:282, point 25 et jurisprudence citée). Le fait que la marque demandée évoque la marque antérieure dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, équivaut à l’existence d’un tel lien (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 60 et point 2 du dispositif). S’il est certes vrai que, à défaut d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque demandée n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de leur porter préjudice, l’existence de ce lien ne saurait toutefois suffire, à elle seule, à conclure à l’existence de l’une des atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, lesquelles constituent la condition spécifique de la protection des marques renommées prévue à cette disposition (voir ordonnance du 30 avril 2009, Japan Tobacco/OHMI, C‑136/08 P, non publiée, EU:C:2009:282, point 27 et jurisprudence citée).

27      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

1.      Sur la renommée de la marque antérieure

28      Selon la jurisprudence, pour satisfaire à la condition relative à la renommée, une marque doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par celle-ci [voir arrêt du 13 décembre 2004, El Corte Inglés/OHMI – Pucci (EMILIO PUCCI), T‑8/03, EU:T:2004:358, point 67 et jurisprudence citée].

29      Dans l’examen de cette condition, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque antérieure, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, sans qu’il soit exigé que cette marque soit connue d’un pourcentage déterminé du public ainsi défini ou que sa renommée s’étende à la totalité du territoire concerné, dès lors que la renommée existe dans une partie substantielle de celui-ci [arrêts du 12 février 2015, Compagnie des montres Longines, Francillon/OHMI – Cheng (B), T‑505/12, EU:T:2015:95, point 100, et du 31 mai 2017, SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE, T‑637/15, EU:T:2017:371, point 44].

30      Toutefois, l’énumération qui précède n’ayant qu’un caractère illustratif, il ne saurait être exigé que la preuve de la renommée d’une marque porte sur l’ensemble de ces éléments [voir arrêt du 8 novembre 2017, Oakley/EUIPO – Xuebo Ye (Représentation d’une ellipse discontinue), T‑754/16, non publié, EU:T:2017:786, point 101 et jurisprudence citée].

31      En l’espèce, la chambre de recours a entériné, aux points 23 et 24 de la décision attaquée, l’appréciation de la condition relative à la renommée de la marque antérieure effectuée par la division d’opposition, qui doit être considérée comme faisant partie de la motivation de la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, EU:T:2008:268, point 47].

32      En réponse à une question du Tribunal lors de l’audience, la requérante a confirmé qu’elle ne contestait pas la renommée de la marque antérieure en Espagne pour les « bières » relevant de la classe 32.

33      La conclusion de la chambre de recours, non contestée par la requérante, selon laquelle, en substance, la marque antérieure jouit d’une renommée élevée en Espagne pour des « bières » relevant de la classe 32 doit être approuvée.

2.      Sur la comparaison des signes en conflit

34      La requérante reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir accordé une importance excessive à l’élément verbal « estrella » dans le cadre de la comparaison des signes en conflit. Elle fait valoir qu’il ressort de la jurisprudence que le terme « estrella » (en français « étoile ») et la représentation d’une étoile sont laudatifs en ce qu’ils mettent l’accent sur la qualité des produits. En outre, elle aurait soumis des éléments de preuve relatifs à l’origine de ce mot et à son utilisation dans le secteur brassicole depuis le Moyen Âge. Par ailleurs, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) aurait, en substance, jugé, dans une procédure concernant une marque composée de l’élément verbal « estrella », que ce terme, relativement courant dans le secteur de la production des alcools, ne pouvait pas constituer l’élément dominant. De plus, le terme « estrella » serait couramment utilisé dans le secteur brassicole. Plusieurs marques composées du terme « estrella » ou comportant le symbole de l’étoile désignant des « bières » coexisteraient sur le marché en Espagne. L’intervenante elle-même aurait reconnu l’existence des accords de coexistence de la marque antérieure avec des marques similaires comportant le mot « estrella » et désignant des produits identiques.

35      La requérante ajoute, en substance, que, contrairement à ce qu’a relevé la chambre de recours, la préposition « de » n’indique pas uniquement la possession ou la provenance, mais a plusieurs significations. En outre, cet élément, placé au milieu de la marque demandée, occuperait une position importante dans cette dernière.

36      La requérante conclut que les signes en conflit sont différents, de sorte que l’une des conditions cumulatives aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 n’est pas remplie.

37      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

38      L’existence d’une similitude entre une marque antérieure et une marque demandée constitue une condition d’application commune à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Cette condition présuppose, tant dans le cadre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement que dans celui du paragraphe 5 dudit article, l’existence, notamment, d’éléments de ressemblance visuelle, phonétique ou conceptuelle [voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, points 51 et 52, et du 4 octobre 2017, Gappol Marzena Porczyńska/EUIPO – Gap (ITM) (GAPPOL), T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, point 148].

39      Toutefois, le degré de similitude requis dans le cadre de l’une et de l’autre desdites dispositions est différent. En effet, tandis que la mise en œuvre de la protection instaurée par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 est subordonnée à la constatation d’un degré tel de similitude entre les marques en conflit qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre celles-ci, l’existence d’un tel risque n’est pas requise pour la protection conférée par le paragraphe 5 de ce même article. Ainsi, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 peuvent être la conséquence d’un degré moindre de similitude entre les marques antérieure et demandée, pour autant que celui-ci soit suffisant pour que le public pertinent effectue un rapprochement entre lesdites marques, c’est-à-dire établisse un lien entre celles-ci. En revanche, il ne ressort ni du libellé desdites dispositions ni de la jurisprudence que la similitude entre les marques en conflit devrait être appréciée de manière différente selon qu’elle est effectuée au regard de l’une ou de l’autre de ces dispositions (arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, points 53 et 54).

40      S’agissant précisément de cette appréciation, la comparaison des signes en conflit doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du 25 janvier 2012, Viaguara/OHMI – Pfizer (VIAGUARA), T‑332/10, non publié, EU:T:2012:26, point 32 et jurisprudence citée].

41      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’une similitude entre les signes en conflit.

42      En l’espèce, les marques à comparer se présentent comme suit :

–        la marque demandée est le signe figuratif suivant :

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–        la marque antérieure est le signe figuratif suivant :

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a)      Sur les éléments distinctifs et dominants

43      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée).

44      Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant. Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, points 42 et 43).

45      L’appréciation du caractère dominant d’un ou plusieurs composants déterminés d’une marque complexe implique de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35].

46      En outre, il y a lieu d’observer que le caractère distinctif plus ou moins élevé des éléments communs à une marque demandée et à une marque antérieure est un des éléments pertinents dans le cadre de l’appréciation de la similitude des signes [voir arrêt du 26 mars 2015, Royal County of Berkshire Polo Club/OHMI – Lifestyle Equities (Royal County of Berkshire POLO CLUB), T‑581/13, non publié, EU:T:2015:192, point 41 et jurisprudence citée]. En effet, les éléments descriptifs, non distinctifs ou faiblement distinctifs d’une marque complexe ont généralement un poids moindre dans l’analyse de la similitude entre les signes que les éléments revêtus d’un caractère distinctif plus important, qui ont également une faculté plus grande de dominer l’impression d’ensemble produite par cette marque [voir, en ce sens, arrêts du 12 juin 2019, Hansson, C‑705/17, EU:C:2019:481, point 53, et du 20 janvier 2021, Stada Arzneimittel/EUIPO – Optima Naturals (OptiMar), T‑261/19, non publié, EU:T:2021:24, point 32].

47      Aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [arrêts du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, EU:T:2006:157, point 35, et du 13 décembre 2007, Cabrera Sánchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié, EU:T:2007:391, point 51].

48      En l’espèce, la chambre de recours a relevé, aux points 30 à 34 de la décision attaquée, que les éléments verbaux « estrella » et « galicia » devaient être considérés comme dominant l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure et que les éléments verbaux « estrella », « de » et « castilla », ainsi que l’élément figuratif représentant une étoile, devaient être considérés comme codominants dans la marque demandée. Elle a ajouté que l’élément verbal « galicia » composant la marque antérieure et l’élément verbal « castilla » constituant la marque demandée faisaient référence à des lieux et étaient perçus par le public pertinent comme une indication du lieu d’origine des produits, de sorte qu’ils étaient, en substance, faiblement distinctifs. Elle a estimé que l’élément verbal « de » composant la marque demandée indiquait la possession ou la provenance et que sa pertinence dans le signe était dérisoire. Elle a constaté que l’élément verbal commun « estrella » signifiait notamment « chacun des corps célestes qui brillent dans la nuit de leur propre lumière » ou « personne qui excelle de manière extraordinaire dans sa profession, en particulier dans le monde du spectacle » et que le Tribunal avait déjà jugé qu’il était laudatif en ce qu’il mettait l’accent sur la qualité des produits. Il en irait de même de l’élément figuratif représentant une étoile.

49      La requérante soutient, en substance, que l’élément verbal « estrella » dispose d’un caractère distinctif faible.

50      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

51      À titre liminaire, il convient de confirmer les appréciations de la chambre de recours figurant aux points 29, 44 et 45 de la décision attaquée, au demeurant non contestées par la requérante, selon lesquelles, en substance, le public pertinent est composé du grand public dont le niveau d’attention est moyen et le territoire pertinent est celui de l’Espagne.

52      En premier lieu, en ce qui concerne l’analyse de la marque antérieure, il convient de relever que, d’une part, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, sans que la requérante le conteste, que, eu égard à leur taille et à leur position, les éléments verbaux « estrella » et « galicia » étaient visuellement dominants.

53      D’autre part, il n’est pas non plus contesté que le terme « estrella », également présent dans la marque demandée, sera notamment compris par le public pertinent comme « chacun des corps célestes qui brillent dans la nuit de sa propre lumière ».

54      À la lumière de la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus, selon laquelle, aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée, il y a lieu de considérer que l’élément verbal « estrella » dispose d’un caractère distinctif moyen à l’égard des produits visés par la marque antérieure pour lesquels une renommée a été établie. En effet, ainsi que le soutient l’intervenante, le mot « estrella » n’a aucun lien avec les « bières » relevant de la classe 32 visées par ladite marque.

55      Contrairement à ce que fait valoir la requérante, cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’arrêt du 11 mai 2010, Wessang/OHMI – Greinwald (star foods) (T‑492/08, non publié, EU:T:2010:186). En effet, il convient d’observer que, ainsi qu’il ressort du point 52 de cet arrêt, le Tribunal a relevé que le mot « star », qui faisait partie du vocabulaire élémentaire de la langue anglaise connu par une grande partie du grand public de l’Union, était compris comme un terme laudatif qui mettait l’accent sur la qualité des produits. Ainsi, conformément audit arrêt, c’est le mot « star » qui sera compris par le grand public de l’Union comme un terme laudatif qui met l’accent sur la qualité des produits. Par conséquent, le caractère laudatif du mot « estrella » pour le grand public situé en Espagne ne saurait être déduit du caractère laudatif du terme « star » pour le grand public de l’Union. En outre, il convient de constater que, dans ledit arrêt, le Tribunal a relevé le caractère laudatif du mot « star » dans le cadre de la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel, mais n’a pas jugé que ce mot disposait d’un caractère distinctif faible au regard de la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus. Dès lors, il ne saurait être déduit de l’arrêt du 11 mai 2010, star foods T-492/08, non publié, EU:T:2010:186) que l’élément verbal « estrella » aurait un faible caractère distinctif. ».

56      À cet égard, il convient de constater que, ainsi que le soutient la requérante, au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a également constaté, en renvoyant à l’arrêt du 11 mai 2010, star foods (T‑492/08, non publié, EU:T:2010:186), que le Tribunal avait déjà eu l’occasion de considérer que le mot « estrella » était un terme laudatif qui mettait l’accent sur la qualité des produits. Ce faisant, la chambre de recours a retenu une interprétation erronée de cet arrêt. Néanmoins, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des points 35 à 38 de la même décision, elle a également considéré que l’élément verbal « estrella » était l’élément « le plus distinctif », de sorte qu’elle n’a pas déduit le caractère distinctif faible de l’élément verbal « estrella » de l’arrêt du 11 mai 2010, star foods (T‑492/08, non publié, EU:T:2010:186).

57      Pour autant que la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas pris en compte ses affirmations selon lesquelles, en substance, le mot « estrella » dispose d’un caractère distinctif faible en raison de son origine et de son utilisation dans le secteur brassicole depuis le Moyen Âge, il convient d’observer que, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, au point 6 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que la division d’opposition avait précisé que la requérante remettait en cause le caractère distinctif de la représentation graphique du terme « estrella », dans la mesure où, au Moyen-Âge « l’étoile était le signe d’identification des maîtres brasseurs » et était donc « un nom habituellement utilisé dans le secteur de l’alimentation, et plus particulièrement des bières », mais que ces affirmations n’avaient pas été démontrées. Or, il y a lieu de rappeler que, lorsque la chambre de recours entérine la décision de l’instance inférieure de l’EUIPO dans son intégralité, comme c’est le cas en l’espèce, cette décision ainsi que sa motivation font partie du contexte dans lequel la décision de la chambre de recours a été adoptée, contexte qui est connu des parties et qui permet au juge d’exercer pleinement son contrôle de légalité quant au bien-fondé de l’appréciation de la chambre de recours [voir arrêt du 24 septembre 2008, HUP Uslugi Polska/OHMI – Manpower (I.T.@MANPOWER), T‑248/05, non publié, EU:T:2008:396, point 48 et jurisprudence citée].

58      Cette appréciation est également exempte d’erreur. En effet, ainsi que l’a fait valoir l’EUIPO lors de l’audience, aucun élément du dossier ne permet de considérer que le public pertinent saisira immédiatement le terme « estrella » comme une référence au secteur brassicole. Certes, cette référence est mentionnée dans des extraits de sites Internet qui figurent dans le dossier de l’EUIPO. Toutefois, cela n’est pas suffisant pour considérer que le public en question est familiarisé avec cette référence, de sorte qu’il comprendra immédiatement, et sans autre réflexion, sa portée et la requérante ne l’a pas non plus démontré. Ainsi qu’il a déjà été jugé, l’emploi d’un terme sur des sites Internet ne saurait suffire à établir la fréquence de son usage [arrêt du 16 décembre 2010, Fidelio/OHMI (Hallux), T‑286/08, EU:T:2010:528, point 47]. Dès lors, l’argument de la requérante tiré du caractère distinctif faible du mot « estrella » en raison son origine et de son utilisation dans le secteur brassicole depuis le Moyen Âge ne saurait prospérer.

59      Il en va de même de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait que le terme « estrella » est couramment utilisé dans le secteur brassicole. À cet égard, il convient de constater que la requérante se limite à renvoyer à la partie de la décision attaquée résumant ses arguments dans le mémoire exposant les motifs du recours devant la chambre de recours. Or, en l’absence d’autres précisions sur les arguments et les éléments de preuve relatifs à la situation réelle du marché que la chambre de recours aurait dû prendre en compte, le simple renvoi à la partie de la décision attaquée résumant les arguments dans le mémoire exposant les motifs du recours devant la chambre de recours ne saurait suffire pour considérer que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation.

60      En tout état de cause, il convient d’observer que les chambres de recours ne sont pas tenues de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles [voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2015, MEM/OHMI (MONACO), T‑197/13, EU:T:2015:16, point 19 et jurisprudence citée].

61      Ne saurait non plus prospérer l’argument de la requérante tiré de la dilution du caractère distinctif du terme « estrella » en raison de la coexistence de plusieurs marques sur le marché, composées de cet élément désignant des « bières » relevant de la classe 32.

62      À cet égard, il y a lieu d’observer que les seuls éléments de preuve produits par la requérante à l’appui de son argument sont constitués d’une liste de marques et des images de logos comportant ce mot. Or, la simple énumération de marques sans indication permettant de mesurer leur connaissance par le public de référence ne permet pas de conclure à une association dans l’esprit de ce dernier entre le mot « estrella » et les bières [voir, en ce sens, arrêts du 13 avril 2011, Sociedad Agricola Requingua/OHMI – Consejo Regulador de la Denominación de Origen Toro (TORO DE PIEDRA), T‑358/09, non publié, EU:T:2011:174, point 35, et du 8 mars 2013, Mayer Naman/OHMI – Daniel e Mayer (David Mayer), T‑498/10, non publié, EU:T:2013:117, points 77 à 79].

63      En outre, la prétendue coexistence de plusieurs marques sur le marché composées de l’élément « estrella » désignant des « bières » relevant de la classe 32 ne saurait non plus être constitutive d’un fait notoire, à savoir d’un fait qui est susceptible d’être connu par toute personne ou qui peut être connu par des sources généralement accessibles [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2004, Ruiz-Picasso e.a./OHMI – DaimlerChrysler (PICARO), T‑185/02, EU:T:2004:189, point 29].

64      Si la requérante soutient qu’il existe un accord de coexistence entre l’intervenante et des tiers ayant pour objet deux marques composées de l’élément « estrella », outre le fait que la requérante ne conteste pas que les marques visées par ledit accord de coexistence jouissent également d’une renommée, l’existence d’un tel accord implique avant tout l’intention de l’intervenante de protéger la marque antérieure par l’organisation pacifique de la coexistence avec d’autres marques composées du terme « estrella », mais ne permet pas de considérer que le public pertinent associe ce mot au secteur brassicole.

65      S’agissant de la prétendue coexistence de la marque antérieure avec la marque demandée, dont le logo serait le résultat d’un logo d’un enregistrement antérieur rénové et modernisé, il suffit de relever que cette allégation n’est pas étayée et que le seul élément de preuve produit par la requérante à l’appui de son argument est l’extrait d’un tableau contenant plusieurs de ses enregistrements. Or, pour les mêmes raisons que celles figurant au point 62 ci-dessus, cet argument ne saurait prospérer.

66      Il convient également de rejeter l’argument de la requérante tiré de l’arrêt du Tribunal Supremo relatif à une procédure concernant une marque composée de l’élément verbal « estrella », dans lequel il aurait, en substance, été jugé que ce terme, relativement courant dans le secteur de la production des alcools, ne pouvait pas constituer l’élément dominant. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, outre que cet arrêt ne concerne pas la marque antérieure, le régime des marques de l’Union est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national et la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO devant être appréciée uniquement sur le fondement du règlement 2017/1001, tel qu’il est interprété par le juge de l’Union (voir arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 58 et jurisprudence citée). Dès lors, l’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont manifestement pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre [arrêt du 14 juillet 2005, Wassen International/OHMI – Stroschein Gesundkost (SELENIUM-ACE), T‑312/03, EU:T:2005:289, point 46].

67      En tout état de cause, à supposer même que l’élément « estrella » dispose d’un caractère distinctif faible, il suffit de rappeler que le caractère distinctif faible d’un élément d’une marque n’implique pas nécessairement que ce dernier ne sera pas pris en considération par le public pertinent. Ainsi, il ne saurait être exclu que, en raison, notamment, de sa position dans le signe ou de sa dimension, un tel élément occupe une position particulière dans l’impression globale produite par la marque concernée dans la perception du public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, EU:T:2007:387, point 54 et jurisprudence citée]. Or, en l’espèce, le mot « estrella » est placé en haut de la marque antérieure et est plus long que le terme « galicia ».

68      Quant au second élément verbal de la marque antérieure, à savoir le terme « galicia », il est constant entre les parties qu’il désigne un toponyme. En rapport avec les « bières » désignées par la marque antérieure, il se peut que le public pertinent le percevra comme une indication de leur lieu d’origine, de sorte qu’il est descriptif de ces produits. Dès lors, il y a lieu de constater que l’élément verbal « galicia » dispose d’un caractère distinctif faible.

69      Concernant l’élément figuratif représentant une étoile, il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours figurant au point 34 de la décision attaquée, non contestée par la requérante, selon laquelle il pouvait être perçu par le public pertinent comme un symbole de qualité. Toutefois, il convient de considérer que, à la lumière de la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus, dans la mesure où il n’a aucun lien avec les « bières » relevant de la classe 32 visées par la marque antérieure, il dispose d’un caractère distinctif moyen.

70      En outre, pour les mêmes raisons que celles figurant aux points 54 à 66 ci-dessus, les arguments de la requérante ne sauraient conduire à considérer que cet élément figuratif dispose d’un caractère distinctif faible.

71      Son caractère distinctif faible ne saurait non plus être déduit des arrêts du 3 septembre 2014, Unibail Management/OHMI (Représentation de deux lignes et cinq étoiles) (T‑687/13, non publié, EU:T:2014:736), et du 3 septembre 2014, Unibail Management/OHMI (Représentation de deux lignes et quatre étoiles) (T‑686/13, non publié, EU:T:2014:737). En effet, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, lesdits arrêts concernent des motifs absolus de refus, de sorte qu’ils ne renseignent pas sur la prise en compte du caractère laudatif de la représentation d’une étoile dans le cadre de la comparaison des signes en conflit en application de l’article 8 du règlement 2017/1001.

72      En second lieu, en ce qui concerne l’analyse de la marque demandée, ladite marque est constituée des éléments verbaux « estrella », « de » et « castilla », représentés en lettres majuscules et disposés en demi-cercle, ainsi que d’un élément figuratif représentant une étoile à cinq branches situé au centre du signe. Compte tenu de leur position dans la marque demandée et de leur taille, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que tous ces éléments étaient codominants.

73      La chambre de recours a également pu considérer, à bon droit, que l’élément verbal « castilla », en tant que toponyme, pouvait être perçu par le public pertinent comme descriptif du lieu d’origine des produits désignés par la marque demandée, de sorte qu’il disposait d’un caractère distinctif faible.

74      En ce qui concerne l’élément verbal « de », il convient de constater que le public espagnol le comprendra comme une préposition indiquant l’origine et, partant, comme indiquant l’origine géographique des produits et des services désignés par la marque demandée, de sorte que la chambre de recours pouvait constater, sans commettre d’erreur d’appréciation, que son incidence était secondaire [voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2016, Gervais Danone/EUIPO – Mahou (B’lue), T‑803/14, non publié, EU:T:2016:251, point 32].

75      La circonstance invoquée par la requérante selon laquelle, en substance, la préposition « de » a plusieurs significations est sans incidence sur le fait que, au sein de la marque demandée, elle sera comprise par le public pertinent dans le sens indiqué au point 74 ci-dessus.

76      Quant à l’élément verbal « estrella » et à l’élément figuratif représentant une étoile, dans la mesure où ils ne sont pas descriptifs des produits et des services désignés par la marque demandée, ils disposent, pour les mêmes raisons que celles développées aux points 54 et 69 ci-dessus, d’un caractère distinctif moyen.

77      Dans ces conditions, il convient de relever que l’élément commun « estrella » participe dans une mesure importante à l’impression globale produite par les marques en conflit, en ce que, étant placé en haut ou au début de celles-ci, il est susceptible d’avoir un impact plus important que le reste du signe et de retenir l’attention du consommateur davantage que les parties suivantes. Il en va de même pour les éléments figuratifs représentant une étoile qui sont placés en haut ou au centre des marques en conflit. Cependant, les éléments verbaux « galicia » et « de castilla », même s’ils disposent d’un caractère distinctif faible, ne sauraient pour autant être considérés comme étant négligeables dans l’impression d’ensemble.

78      C’est en tenant compte des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si la comparaison des marques en conflit effectuée par la chambre de recours sur les plans visuel, phonétique et conceptuel est entachée d’erreurs d’appréciation.

b)      Sur la comparaison sur les plans visuel, phonétique et conceptuel

1)      Sur la comparaison sur le plan visuel

79      Aux points 35 et 36 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que les signes en conflit coïncidaient par l’élément verbal « estrella » et par la représentation graphique d’une étoile, mais qu’ils différaient par la présence des éléments « galicia » et « de castilla », par la police de caractères et par la gamme des couleurs. Elle a estimé que la présence de l’élément verbal commun « estrella » dans la partie initiale des signes en conflit et la représentation graphique d’une étoile l’emportaient sur les éléments de différence, peu distinctifs, de sorte que les signes en conflit devaient être considérés comme étant similaires à un degré moyen à faible sur le plan visuel.

80      La requérante estime que les signes en conflit sont différents sur le plan visuel.

81      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

82      À cet égard, il y a lieu de relever que, selon la jurisprudence, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers devraient, en principe, être considérés comme plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque (arrêt du 14 juillet 2005, SELENIUM-ACE, T‑312/03, EU:T:2005:289, point 37).

83      En outre, il ressort de la jurisprudence que le consommateur est réputé prêter généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin, la partie initiale d’une marque ayant normalement, tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique, un impact plus fort que la partie finale de celle-ci [voir arrêt du 22 mai 2012, Sport Eybl & Sports Experts/OHMI – Seven (SEVEN SUMMITS), T‑179/11, non publié, EU:T:2012:254, point 36 et jurisprudence citée].

84      En l’espèce, force est de constater que les signes en conflit partagent l’élément verbal « estrella », qui est placé dans leur partie initiale. En outre, aussi bien la marque antérieure que la marque demandée comportent la représentation graphique d’une étoile. Bien que ces étoiles ne soient pas identiques, dans la mesure où l’étoile représentée dans la marque antérieure comporte six branches, alors que celle présente dans la marque demandée n’en compte que cinq, la représentation graphique d’une étoile est susceptible d’être perçue par le public pertinent comme un élément de similitude. En revanche, les signes en conflit comportent des différences au niveau des éléments verbaux « galicia » et « de castilla » situés dans leurs parties finales, des caractères, de la configuration et du positionnement desdits éléments verbaux ainsi que de leurs couleurs.

85      L’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a accordé une importance excessive à l’élément verbal « estrella » dans le cadre de la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel ne saurait être retenu. À cet égard, il convient d’abord d’observer que, aux points 30 et 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que, compte tenu de leur taille et de leur position, les éléments verbaux « estrella » et « galicia » étaient visuellement dominants dans la marque antérieure et que les éléments composant la marque demandée étaient visuellement codominants. Il y a ensuite lieu de relever que, ainsi qu’il ressort, en substance, des points 35 et 36 de la décision attaquée, la chambre de recours a notamment fondé son raisonnement relatif à la similitude visuelle sur la circonstance que l’élément verbal commun « estrella » était situé dans la partie initiale des signes en conflit et que lesdits signes partageaient la représentation graphique d’une étoile. Or, conformément à la jurisprudence, la lecture normale d’un signe s’effectue de gauche à droite et de haut en bas [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, EU:T:2004:293, point 28] et le consommateur attache normalement plus d’importance à la partie initiale des mots qu’à la partie finale (voir arrêt du 22 mai 2012, SEVEN SUMMITS, T‑179/11, non publié, EU:T:2012:254, point 36 et jurisprudence citée). Dès lors, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir accordé une importance excessive à l’élément verbal « estrella ».

86      Il s’ensuit que les signes en conflit présentent une certaine similitude sur le plan visuel. Toutefois, contrairement à ce que la chambre de recours a retenu au point 36 de la décision attaquée, il ne saurait être considéré que les signes en conflit présentent un degré moyen à faible de similitude sur le plan visuel. En effet, compte tenu des différences constatées au point 84 ci-dessus, les signes en conflit doivent être considérés comme faiblement similaires sur ce plan.

2)      Sur la comparaison sur le plan phonétique

87      Au point 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit coïncidaient par la prononciation de l’élément verbal « estrella », qui était l’élément le plus distinctif, mais qu’ils différaient par les syllabes « ga », « li », « cia », présentes dans la marque antérieure, et « de », « cas », « ti », « lla », figurant dans la marque demandée. Elle a estimé que, dans la mesure où lesdits signes partageaient le mot « estrella », ils présentaient un degré moyen de similitude sur le plan phonétique.

88      La requérante estime que les signes en conflit sont différents sur le plan phonétique.

89      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

90      En l’espèce, il convient de constater que les signes en conflit partagent trois syllabes qui se prononcent de manière identique, à savoir « es », « tre » et « lla », et qui sont placées dans leur partie initiale. Toutefois, leur prononciation diffère par les syllabes « ga », « li », « cia », composant la marque antérieure, et les syllabes « de », « cas », « ti » et « lla », présentes dans la marque demandée, ainsi que par le nombre de syllabes.

91      À la lumière de la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus, selon laquelle le consommateur est réputé prêter généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin, il convient de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que la différence découlant de la prononciation des syllabes placées dans la partie finale des signes en conflit ne suffit pas à neutraliser toute la similitude phonétique qui ressort de la prononciation identique des syllabes communes « es », « tre » et « lla », placées dans leur partie initiale.

92      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a constaté que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan phonétique.

3)      Sur la comparaison sur le plan conceptuel

93      Au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les signes en conflit étaient similaires en ce qu’ils partageaient l’élément verbal « estrella » et que cette similitude était renforcée par la circonstance que ce concept était représenté par une image conventionnelle. Selon la chambre de recours, le mot « estrella » est l’élément qui attirera le plus l’attention du public pertinent, les éléments « galicia » et « de castilla » l’informant uniquement de l’origine des produits et des services en cause.

94      La chambre de recours a ainsi entériné implicitement, mais nécessairement, la conclusion de la division d’opposition selon laquelle les signes en conflit sont similaires à un degré moyen sur le plan conceptuel.

95      La requérante estime, en substance, que les signes en conflit sont différents sur le plan conceptuel.

96      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

97      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une similitude conceptuelle découle du fait que deux marques utilisent des images qui concordent dans leur contenu sémantique, en ce sens que ces images véhiculent la même idée ou le même concept (arrêt du 8 novembre 2017, Représentation d’une ellipse discontinue, T‑754/16, non publié, EU:T:2017:786, point 62).

98      En l’espèce, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort des points 53, 68 et 73 ci-dessus, d’une part, l’élément verbal « estrella », commun aux signes en conflit, sera compris par le public pertinent comme faisant notamment référence à « chacun des corps célestes qui brillent dans la nuit de sa propre lumière », à savoir une étoile. Cette perception dans l’esprit dudit public est validée par la présence de la représentation graphique d’une étoile dans chacun des signes en conflit. D’autre part, quant aux éléments verbaux « galicia » et « de castilla », ils seront compris par ledit public comme se référant à des toponymes espagnols, pouvant ainsi être perçus comme les lieux d’origine des produits et des services en cause.

99      Les signes en conflit sont ainsi composés de la référence à une étoile et d’un toponyme espagnol, de sorte qu’ils véhiculent un concept similaire.

100    C’est donc sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré, en substance, que les signes en conflit étaient similaires à un degré moyen sur le plan conceptuel.

101    Il ressort de ce qui précède que, nonobstant l’erreur constatée au point 86 ci-dessus, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu, en substance, au point 40 de la décision attaquée, à l’existence d’une similitude globale entre les signes en conflit, lesdits signes ayant la même structure, à savoir le terme « estrella », situé en position initiale, un toponyme espagnol, placé en seconde position, ainsi que la représentation d’une étoile.

102    À la lumière de la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus, selon laquelle les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 peuvent être la conséquence d’un degré moindre de similitude entre les marques antérieure et demandée, pour autant que celui-ci soit suffisant pour que le public pertinent effectue un rapprochement entre lesdites marques, il convient de considérer que la condition relative à la similitude des signes en conflit est remplie en l’espèce.

3.      Sur le lien entre les marques en conflit

103    L’existence du lien mentionné dans la jurisprudence rappelée au point 26 ci-dessus doit, de même que l’existence d’un risque de confusion, être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Parmi lesdits facteurs figurent le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services couverts par celles-ci, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou de ces services, ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure et le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure [arrêts du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, point 56, et du 10 octobre 2019, McDreams Hotel/EUIPO – McDonald’s International Property (mc dreams hotels Träumen zum kleinen Preis!), T‑428/18, non publié, EU:T:2019:738, point 30].

104    En l’espèce, la chambre de recours a relevé que, premièrement, les signes en conflit étaient tout au plus moyennement similaires, deuxièmement, les produits et les services en cause présentaient une faible proximité, troisièmement, la marque antérieure jouissait d’une renommée élevée en Espagne pour des « bières » relevant de la classe 32 et, quatrièmement, cette marque disposait d’un caractère distinctif intrinsèque, de sorte qu’il était fortement probable que le public pertinent établirait un lien entre les marques en conflit.

105    La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur en concluant à l’existence d’un lien entre les marques en conflit. Elle soutient, en substance, que la chambre de recours n’a pas correctement apprécié le facteur lié à l’intensité de la renommée de la marque antérieure. En outre, elle relève, en substance, que c’est à tort que ladite chambre de recours a considéré qu’il y avait une certaine proximité entre les produits et les services en cause dans le cadre de l’analyse des facteurs liés à la nature et au degré de proximité des produits ou des services couverts par les marques en conflit.

106    À la lumière des arguments de la requérante, il convient d’examiner, premièrement, l’appréciation de la chambre de recours relative au facteur lié à l’intensité de la renommée de la marque antérieure, deuxièmement, l’analyse effectuée par la chambre de recours relative au degré de proximité des produits et des services couverts par les marques en conflit et, troisièmement, si c’est à bon droit que ladite chambre de recours a conclu à l’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public.

a)      Sur le grief tiré, en substance, de l’appréciation erronée du facteur lié à l’intensité de la renommée de la marque antérieure

107    Aux points 49 et 50 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté, en substance, qu’il avait été démontré que la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage prolongé et intensif et qu’elle jouissait d’une renommée élevée en Espagne pour des « bières » relevant de la classe 32.

108    La requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en concentrant, aux points 35 à 38 de la décision attaquée, son appréciation de la renommée de la marque antérieure sur l’élément verbal « estrella », qui est faiblement distinctif, alors que ladite marque est également composée de l’élément « galicia » et d’un logo. Elle estime que la renommée d’une marque doit être appréciée en prenant en compte l’ensemble de ses éléments verbaux et figuratifs. Ainsi, la renommée d’une marque ne pourrait pas conduire à considérer que l’un des éléments composant celle-ci domine les autres.

109    La requérante ajoute que c’est à tort que la chambre de recours a considéré, aux points 48, 53 et 54 de la décision attaquée, que la marque antérieure jouissait d’une renommée dans le secteur alimentaire, alors que la renommée avait été établie uniquement en ce qui concerne les « bières ». Selon la requérante, la renommée de la marque antérieure ne doit pas être considérée comme étant d’une telle intensité qu’elle permettrait d’établir un lien dans l’esprit du public pertinent avec la marque demandée au regard des produits aussi différents que le jambon, la viande et les saucisses, d’une part, et la bière, d’autre part.

110    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

111    En l’espèce, force est de constater que, ainsi qu’il ressort des points 31 à 33 ci-dessus, la requérante ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours, au demeurant exempte d’erreur, selon laquelle la marque antérieure jouit d’une renommée élevée en Espagne pour des « bières » relevant de la classe 32, mais soutient, en substance, que la renommée de la marque antérieure ne doit pas être considérée comme étant d’une telle intensité qu’elle permettrait d’établir un lien dans l’esprit du public pertinent avec la marque demandée.

112    Toutefois, aucun des arguments de la requérante développés à cet égard ne saurait prospérer.

113    D’abord, pour autant que la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis une erreur en concentrant l’appréciation de la renommée de la marque antérieure sur l’élément verbal « estrella », il convient de constater, à l’instar de l’EUIPO, que la requérante procède à une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, la chambre de recours a analysé la renommée de la marque antérieure aux points 19 à 24 de la décision attaquée et elle y fait également référence aux points 50, 52 à 54 et 62 à 70 de la même décision. Or, il ne ressort pas de ces parties de la décision attaquée que la chambre de recours ait apprécié la renommée de la marque antérieure en prenant en compte uniquement son élément verbal « estrella ». Aux points 35 à 38 de la décision attaquée, auxquels renvoie la requérante, la chambre de recours a examiné la similitude des signes en conflit et ne fait aucunement référence à la renommée de la marque antérieure.

114    Il en va de même dans le cas où, par cet argument, la requérante entend faire valoir que la chambre de recours a pris en compte le caractère distinctif élevé de l’élément verbal « estrella » résultant de la renommée de la marque antérieure. En effet, il y a lieu d’observer que, ainsi qu’il ressort des points 79, 87 et 93 ci-dessus, la chambre de recours a fondé, en substance, son raisonnement relatif à la similitude des signes en conflit sur la circonstance que l’élément verbal commun « estrella » était situé dans la partie initiale des signes en conflit, que ce concept était représenté par une même image conventionnelle, que les autres éléments verbaux les composant, à savoir « galicia » et « de castilla », disposaient d’un caractère distinctif faible et que lesdits signes avaient une structure similaire.

115    Ensuite, il en va de même de l’argument de la requérante selon lequel c’est à tort que la chambre de recours a considéré, aux points 48, 53 et 54 de la décision attaquée, que la marque antérieure jouissait d’une renommée dans le secteur alimentaire, alors que la renommée avait été établie uniquement en ce qui concerne les « bières ». À cet égard, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort des points 24 et 50 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que la marque antérieure avait acquis une renommée pour des « bières » relevant de la classe 32. Au point 48 de ladite décision, la chambre de recours a simplement relevé que les produits et les services relevant des classes 29 et 35 désignés par la marque demandée présentaient une proximité faible avec les produits pour lesquels la marque antérieure jouissait d’une renommée, à savoir les « bières », en ce qu’ils présentaient une proximité commerciale résultant du fait qu’ils concernent tous le secteur de l’alimentation destinée à la consommation humaine, et aux points 53 et 54 de la même décision, elle a fait expressément référence aux « bières ». Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas étendu la renommée de la marque antérieure à l’ensemble du secteur alimentaire.

116    Enfin, dans la mesure où la requérante soutient que la renommée de la marque antérieure ne doit pas être considérée comme étant d’une intensité telle qu’elle permettrait d’établir un lien dans l’esprit du public pertinent avec la marque demandée au regard des produits aussi différents que le jambon, la viande et les saucisses, d’une part, et la bière, d’autre part, il y a lieu de constater que cet argument de la requérante est vague et imprécis et n’explique pas clairement en quoi consiste l’erreur commise par la chambre de recours.

117    Il s’ensuit que la requérante n’a pas établi que la chambre de recours avait commis une erreur dans l’appréciation de l’intensité de la renommée de la marque antérieure en constatant que celle-ci jouissait d’une renommée élevée en Espagne pour des « bières » relevant de la classe 32.

b)      Sur le grief tiré, en substance, de l’appréciation erronée du facteur lié au degré de proximité des produits et des services couverts par les marques en conflit

118    Aux points 42 à 48 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé, en substance, que les produits et les services en cause s’adressaient au grand public dont le niveau d’attention était moyen. Elle a relevé que les produits relevant de la classe 29 désignés par la marque demandée présentaient une certaine similitude avec les « bières » relevant de la classe 32 visées par la marque antérieure. Selon elle, bien que leurs processus de production soient différents, lesdits produits s’adressent au même public, font partie de la même catégorie de produits alimentaires et de boissons, peuvent être vendus dans les mêmes bars et restaurants, être présentés à la vente dans des rayons proches dans les magasins et être consommés ensemble. En ce qui concerne les services relevant de la classe 35 désignés par la marque demandée, à savoir des « services de vente au détail, en gros et par le biais de réseaux informatiques mondiaux de jambon, viande, extraits de viande, produits de charcuterie », la chambre de recours a considéré qu’ils étaient relatifs à des produits du secteur de l’alimentation destinés à la consommation humaine, ce qui permettait d’établir un lien avec les « bières » relevant de la classé 32 visées par la marque antérieure. Elle a conclu que, compte tenu de la proximité commerciale évidente entre les produits et les services en cause en ce qu’ils relèvent tous du secteur de l’alimentation destinée à la consommation humaine, lesdits produits et services présentaient une certaine proximité, quoique faible.

119    La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré qu’il existait une certaine proximité entre les produits et les services en cause. Elle considère que la circonstance que les produits alimentaires en cause s’adressent au même public n’est pas suffisante pour conclure à une similitude entre eux. Selon la requérante, les produits en cause ont une nature, une origine industrielle et des producteurs différents. En outre, ils auraient des canaux de distribution différents et seraient exposés dans des rayons différents dans les magasins. Un décret royal espagnol interdirait à cet égard la conservation ou le stockage de la viande fraîche avec d’autres produits ou matières premières. Par ailleurs, ils ne seraient ni complémentaires ni concurrents.

120    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

121    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 n’exige pas que les produits et les services en cause soient similaires. Cependant, la nature des produits ou des services en cause, y compris leur degré de proximité ou de dissemblance, est l’un des éléments permettant d’apprécier l’existence d’un lien entre les marques en conflit [voir, en ce sens, arrêt du 29 octobre 2015, Éditions Quo Vadis/OHMI – Gómez Hernández (« QUO VADIS »), T‑517/13, non publié, EU:T:2015:816, point 26 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 41 et 42].

122    En l’espèce, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours et ainsi qu’il a été établi dans la partie traitant de la similitude des signes (voir point 51 ci-dessus), que le public concerné par la marque demandée est le même que celui concerné par la marque antérieure, à savoir le grand public dont le niveau d’attention est moyen.

123    Il convient ensuite de constater que les produits « jambon, viande, extraits de viande, charcuterie » relevant de la classe 29 et désignés par la marque demandée et les « bières » relevant de la classe 32 et visées par la marque antérieure sont des produits destinés à la consommation humaine. En outre, ils peuvent être consommés dans les mêmes établissements, être achetés dans les mêmes magasins et être consommés ensemble. Ainsi, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, qu’il existe une certaine proximité entre ces produits.

124    En ce qui concerne les « service de vente au détail, en gros et par le biais de réseaux informatiques mondiaux de jambon, viande, extraits de viande, produits de charcuterie » relevant de la classe 35 désignés par la marque demandée, il convient d’observer qu’il s’agit de services de vente qui concernent les mêmes produits que ceux relevant de la classe 29 désignés par la marque demandée et mentionnés au point 123 ci-dessus. Partant, ainsi qu’il résulte du point précédent, s’ils n’ont pas la même nature, ils présentent une certaine proximité en ce qu’ils concernent le secteur de l’alimentation destinée à la consommation humaine.

125    Pour autant que la requérante soutient que la circonstance que les produits alimentaires en cause s’adressent au même public n’est pas suffisante pour conclure à une similitude entre eux, il convient de constater que la chambre de recours n’a pas fondé la conclusion relative à la proximité des produits et des services en cause uniquement sur la circonstance que les produits et les services en cause s’adressent au même public.

126    À cet égard, il importe de souligner que, ainsi qu’il ressort du point 118 ci-dessus, en ce qui concerne les produits relevant de la classe 29 désignés par la marque demandée et les « bières » relevant de la classe 32 visées par la marque antérieure, la chambre de recours a également considéré qu’ils faisaient partie de la même catégorie de produits alimentaires et de boissons, pouvaient être vendus dans les mêmes bars et restaurants, être présentés à la vente dans des rayons proches dans les magasins et être consommés ensemble et, s’agissant des services relevant de la classe 35 désignés par la marque demandée, que ces derniers étaient relatifs à des produits du secteur de l’alimentation destinée à la consommation humaine, ce qui permettait d’établir un lien avec les « bières » relevant de la classe 32 visées par la marque antérieure. Ainsi, c’est en tenant compte de ces éléments que la chambre de recours a relevé qu’il existait une certaine proximité, quoique faible, entre les produits et les services en cause.

127    En outre, la requérante ne saurait valablement soutenir que la chambre de recours a omis, en substance, de prendre en compte, au point 46 de la décision attaquée, la circonstance que les produits relevant de la classe 29 désignés par la marque demandée n’étaient pas exposés dans les mêmes rayons que les « bières » relevant de la classe 32 visées par la marque antérieure. À cet égard, il suffit de constater que, au point 46 de la décision attaquée, la chambre de recours a précisément constaté que, si lesdits produits n’étaient pas présentés dans les mêmes rayons, ils l’étaient dans des rayons proches. Dès lors, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours a pris en compte cette circonstance dans l’appréciation du facteur relatif à la proximité des produits.

128    Pour le reste, il ne ressort pas de la décision attaquée que la chambre de recours aurait considéré que les produits et les services en cause fussent complémentaires ou concurrents.

129    Dès lors, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré, au point 48 de la décision attaquée, qu’il existait une certaine proximité, quoique faible, entre les produits et les services en cause.

130    Contrairement à ce que soutient la requérante, cette proximité est suffisante au regard de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 qui n’exige pas que les produits et les services en cause soient similaires, comme cela a d’ailleurs été confirmé par la jurisprudence citée au point 121 ci-dessus.

c)      Sur l’appréciation globale de l’existence d’un lien entre les marques en conflit

131    Tout d’abord, il convient de constater que, ainsi qu’il découle des points 86, 92 et 100 ci-dessus, les signes en conflit sont faiblement similaires sur le plan visuel et moyennement similaires sur les plans phonétique et conceptuel.

132    Ensuite, il convient d’observer que, ainsi qu’il a été considéré au point 129 ci-dessus, il existe une certaine proximité, quoique faible, entre les produits et les services en cause.

133    Par ailleurs, il convient de souligner que, ainsi qu’il ressort du point 122 ci-dessus, il a été établi que le public concerné par la marque demandée est le même que celui concerné par la marque antérieure, à savoir le grand public dont le niveau d’attention est moyen.

134    De plus, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort du point 117 ci-dessus, la requérante n’a pas établi que la chambre de recours a commis une erreur dans l’appréciation de l’intensité de la renommée de la marque antérieure en constatant que celle-ci avait fait l’objet d’un usage prolongé et intensif et qu’elle jouissait d’une renommée élevée en Espagne pour des « bières » relevant de la classe 32.

135    Enfin, il convient de considérer que c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé, au point 52 de la décision attaquée, que la marque antérieure disposait d’un caractère distinctif intrinsèque.

136    Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que, en raison de la similitude entre les signes en conflit, du fait que les produits et les services en cause présentaient une certaine proximité, de la renommée élevée de la marque antérieure, ainsi que du caractère distinctif intrinsèque de cette dernière, un lien pouvait être établi entre les marques en conflit, au sens de la jurisprudence citée aux points 26 et 103 ci-dessus.

4.      Sur le risque d’un usage sans juste motif de la marque demandée tirant indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur portant préjudice

137    La quatrième condition prévue à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 rappelée au point 25 ci-dessus vise trois types de risques distincts et alternatifs, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure (voir arrêt du 22 mars 2007, VIPS, T‑215/03, EU:T:2007:93, point 36 et jurisprudence citée).

138    Un seul de ces trois types de risque d’atteinte suffit pour que l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 soit d’application (arrêt du 4 mars 2020, Tulliallan Burlington/EUIPO, C‑155/18 P à C‑158/18 P, EU:C:2020:151, point 74 ; voir également, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 28).

139    S’agissant du troisième type de risque, il vise la situation dans laquelle l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation serait facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée [voir arrêt du 26 septembre 2018, Puma/EUIPO – Doosan Machine Tools (PUMA), T‑62/16, EU:T:2018:604, point 21 et jurisprudence citée].

140    Afin de déterminer si l’usage de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale qui tient compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, notamment, l’importance de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque antérieure, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés [voir arrêt du 14 décembre 2012, Bimbo/OHMI – Grupo Bimbo (GRUPO BIMBO), T‑357/11, non publié, EU:T:2012:696, point 38 et jurisprudence citée].

141    Pour bénéficier de la protection instaurée par les dispositions de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, le titulaire de la marque antérieure doit, dans un premier temps, rapporter la preuve soit que l’usage de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, soit qu’il porterait préjudice à ce caractère distinctif ou encore à cette renommée (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 37).

142    À cet égard, si le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, il doit toutefois établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2020, Tulliallan Burlington/EUIPO, C‑155/18 P à C‑158/18 P, EU:C:2020:151, point 75 ; voir également, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 38).

143    Aux points 62 à 70 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que la marque antérieure était très connue en Espagne pour des « bières » en raison des investissements de longue date réalisés par l’intervenante. Elle a relevé, en substance, que les marques en conflit étaient similaires et que les produits et les services en cause appartenaient au même secteur commercial, avaient la même destination et s’adressaient au même public. Ainsi, elle a considéré qu’il existait un risque que l’usage de la marque demandée tire indûment profit de la renommée de la marque antérieure.

144    Lors de l’audience, la requérante a fait valoir que l’intervenante n’avait pas prouvé que l’usage de la marque demandée tirerait indûment profit de la renommée de la marque antérieure.

145    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens ou d’arguments nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ou ces arguments ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure ou qu’ils constituent l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2021, Alba Aguilera e.a./SEAE, T‑119/17 RENV, EU:T:2021:254, point 121 et jurisprudence citée).

146    Interrogée à cet égard lors de l’audience, la requérante a renvoyé au point 87 de la requête. Or, force est de constater que, audit point 87 de la requête, la requérante se limite à indiquer que, selon la jurisprudence, ce qui est pertinent « c’est d’établir si l’usage de la marque demandée pourrait porter atteinte au caractère distinctif ou à la renommée de la marque invoquée par l’intervenante, ou si cet usage pourrait aboutir à ce que le demandeur (c’est-à-dire la requérante) en tire indument profit », avant de faire référence à l’accord de coexistence concernant la marque Estrella Damm et aux marques qui ont précédé la marque demandée. Ainsi, il ne ressort pas du point 87 de la requête que la requérante ait soutenu que l’intervenante n’avait pas prouvé que l’usage de la marque demandée tirerait indûment profit de la renommée de la marque antérieure.

147    La requérante n’a pas non plus fait valoir que cet argument se fondait sur des éléments de droit et de fait qui s’étaient révélés pendant la procédure, ni qu’il constituait l’ampliation d’un autre argument énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête. Dès lors, cet argument doit être rejeté comme irrecevable.

148    À la lumière des appréciations figurant au point 143 ci-dessus, il y a lieu d’approuver la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il existe un risque que l’usage de la marque demandée tire indûment profit de la renommée de la marque antérieure.

149    Il reste toutefois encore à déterminer si l’usage de la marque demandée a, en l’espèce, un juste motif.

150    À cet égard, s’agissant de la charge de la preuve, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsque le titulaire de la marque antérieure est parvenu à démontrer l’existence soit d’une atteinte effective et actuelle à sa marque, soit, à défaut, d’un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise à l’avenir, il appartient au titulaire de la marque postérieure d’établir que l’usage de cette marque a un juste motif [voir arrêts du 7 décembre 2010, Nute Partecipazioni et La Perla/OHMI – Worldgem Brands (NIMEI LA PERLA MODERN CLASSIC), T‑59/08, EU:T:2010:500, point 34 et jurisprudence citée, et du 13 mai 2020, Divaro/EUIPO – Grendene (IPANEMA), T‑288/19, non publié, EU:T:2020:201, point 73 et jurisprudence citée].

151    Il convient également de préciser que l’existence d’un juste motif permettant l’utilisation d’une marque portant atteinte à une marque renommée doit être interprétée de manière restrictive [arrêt du 16 mars 2016, The Body Shop International/OHMI – Spa Monopole (SPA WISDOM), T‑201/14, non publié, EU:T:2016:148, point 65].

152    En l’espèce, d’une part, la chambre de recours a constaté, aux points 77 à 79 de la décision attaquée, que la requérante avait indiqué être la titulaire de plusieurs marques antérieures contenant le mot « estrella » qui avaient coexisté avec la marque antérieure, dont la marque espagnole no 2 583 835 enregistrée en 2004 représentée ci-après :

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153    Or, selon la chambre de recours, l’impression d’ensemble produite par la marque demandée est très différente de celle produite par cette marque espagnole en ce que les éléments verbaux de la marque demandée occupent une plus grande place, l’élément figuratif de cette dernière se limite à la représentation d’une étoile et les cinq étoiles aux pointes de l’étoile centrale, l’élément figuratif d’un jambon ainsi que l’élément verbal « jamones y embutidos » ont été supprimés. Ainsi, la requérante n’aurait pas démontré l’usage de la marque demandée sur le territoire pertinent avant la date de dépôt de la marque antérieure.

154    D’autre part, la chambre de recours a observé, aux points 80 à 82 de la décision attaquée, que la requérante avait mentionné trois marques comportant le terme « estrella » ou la représentation graphique d’une étoile, sans que l’intervenante ne s’oppose à leur usage, à savoir les marques Estrella Damm, Estrella de Levante et Mahou Cinco Estrellas. Or, en ce qui concerne la marque Estrella Damm, outre la circonstance qu’elle jouirait d’une renommée, il existerait un accord de coexistence avec l’intervenante. La marque Estrella de Levante, qui appartiendrait au groupe Damm, serait également incluse dans le même accord de coexistence. S’agissant de la marque Mahou Cinco Estrellas, son élément distinctif et dominant serait l’élément verbal « mahou », l’expression « cinco estrellas » faisant simplement allusion à la qualité des produits. En tout état de cause, la requérante n’aurait pas démontré l’absence de confusion dans l’esprit du public pertinent entre la marque demandée et la marque antérieure. La chambre de recours a conclu que la requérante n’avait pas démontré un juste motif pour l’usage de la marque demandée.

155    La requérante soutient que l’interprétation du juste motif retenue par la chambre de recours est contraire au libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Elle soutient que la chambre de recours a exigé que l’usage de la marque demandée soit prouvé antérieurement au dépôt de la marque antérieure. Or, une telle exigence de preuve ne ressortirait pas dudit article. En outre, une telle exigence ne ressortirait pas non plus de la jurisprudence, l’arrêt mentionné dans la décision attaquée faisant référence à l’usage antérieur en tant que critère supplémentaire et étant une réponse à une question préjudicielle.

156    La requérante relève que la chambre de recours a commis une erreur dans l’appréciation des éléments de preuve invoqués à l’appui de l’exigence d’un juste motif. Elle reproche à cet égard à la chambre de recours de n’avoir tenu compte ni de l’exigence d’un degré de proximité entre les produits et les services ni de celle de la confusion requise par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, « telles qu’interprétées par la jurisprudence exposée dans la décision attaquée ». En outre, la chambre de recours aurait erronément pris en compte, aux points 77 et 78 de la décision attaquée, le risque de confusion. De plus, la chambre de recours n’aurait tiré aucune conclusion dans son appréciation de la preuve de l’existence des accords de coexistence afin de justifier l’exigence d’un juste motif. La requérante considère que la signature des accords de coexistence prouve que l’intervenante admet que l’élément « estrella » n’est pas déterminant pour sa renommée. Enfin, elle estime que la chambre de recours a fait une application erronée de la jurisprudence de la Cour en faisant dépendre l’applicabilité de l’exigence du juste motif de l’absence de confusion.

157    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

158    Premièrement, pour autant que la requérante allègue que la chambre de recours a retenu une interprétation erronée du « juste motif », en ce qu’elle lui aurait imposé une exigence formelle de prouver l’usage de la marque demandée avant la date de dépôt d’enregistrement de la marque antérieure, il convient de constater qu’une telle allégation procède d’une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, ainsi qu’il ressort du point 77 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué, en substance, analyser l’allégation de la requérante selon laquelle la marque demandée avait coexisté avec plusieurs de ses marques antérieures dont la marque espagnole no 2 583 835. Par ailleurs, au point 79 de la même décision, la chambre de recours a précisé que, afin de considérer que la requérante avait un juste motif, elle devait prouver « par exemple » l’usage du signe sur le territoire de référence avant la date de dépôt de la marque antérieure, condition qui n’était pas remplie en l’espèce. Or, outre le fait que, en utilisant l’expression « par exemple », la chambre de recours s’est référée à titre d’exemple à cette possibilité, elle n’a pas commis d’erreur en relevant que, conformément à la jurisprudence citée au point 150 ci-dessus, il appartenait à la requérante d’établir que l’usage de cette marque avait un juste motif. Ainsi, en ayant relevé que la requérante devait prouver « par exemple » l’usage du signe sur le territoire de référence avant la date de dépôt de la marque antérieure, la chambre de recours n’a fait qu’analyser l’argument de la requérante selon lequel elle aurait un juste motif à utiliser la marque demandée résultant de la prétendue coexistence avec plusieurs de ses marques antérieures.

159    En ce que la requérante soutient, en substance, que l’arrêt du 6 février 2014, Leidseplein Beheer et de Vries (C‑65/12, EU:C:2014:49), n’est pas pertinent en l’espèce dans la mesure où, dans cet arrêt, la référence à l’usage antérieur constituait un critère supplémentaire et il s’agissait d’une réponse à une question préjudicielle, il suffit de constater que ledit arrêt interprète l’article 5, paragraphe 2, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), dont le contenu est, en substance, identique à celui de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Ainsi, la chambre de recours pouvait, sans commettre d’erreur, s’y référer dans la décision attaquée.

160    Partant, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir retenu une interprétation erronée du « juste motif ».

161    Deuxièmement, la requérante ne saurait pas non plus soutenir que la chambre de recours a commis des erreurs dans l’appréciation des éléments de preuve invoqués à l’appui de l’exigence du « juste motif ».

162    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en ce que, dans l’examen de l’usage des marques antérieures dont la requérante est titulaire, elle n’a tenu compte ni de l’exigence d’un degré de proximité entre les produits et les services ni de celle de la confusion requise par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, « telles qu’interprétées par la jurisprudence exposée dans la décision attaquée », il convient de constater que, dans la mesure où la chambre de recours a relevé, aux points 77 à 79 de la décision attaquée, que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la marque demandée avait été utilisée antérieurement à la date du dépôt de la marque antérieure, elle n’était pas tenue d’analyser les autres facteurs pertinents aux fins de l’appréciation du juste motif rappelés au point 76 de la décision attaquée.

163    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la chambre de recours a erronément pris en compte, aux points 77 et 78 de la décision attaquée, le risque de confusion, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante et ainsi que le relève l’intervenante, auxdits points, la chambre de recours a uniquement considéré, en substance, que l’usage de la marque espagnole no 2 583 835 ne pouvait pas être constitutif d’un juste motif en ce que ladite marque ne présentait aucune similitude avec la marque demandée. Ainsi, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir pris en compte, aux points 77 et 78 de la décision attaquée, le risque de confusion.

164    Ne saurait pas non plus prospérer l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a commis une erreur en n’ayant pas tiré de conclusion de l’accord de coexistence entre l’intervenante et des tiers. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, un « juste motif » aux fins de l’usage d’un signe similaire à une marque renommée est une expression de l’objectif général du règlement 2017/1001 qui est de mettre en balance, d’une part, les intérêts du titulaire d’une marque à sauvegarder la fonction essentielle de celle-ci et, d’autre part, les intérêts d’un tiers à utiliser, dans la vie des affaires, un tel signe aux fins de désigner les produits et les services qu’il commercialise (voir, en ce sens, arrêt du 30 mai 2018, Tsujimoto/EUIPO, C‑85/16 P et C‑86/16 P, EU:C:2018:349, point 90 et jurisprudence citée). Ainsi, la chambre de recours était tenue, dans le cadre de l’examen du juste motif, de mettre en balance les intérêts du titulaire de la marque antérieure et ceux de la requérante, de sorte que la requérante ne saurait se prévaloir utilement de la circonstance que l’intervenante avait signé un accord de coexistence avec des tiers à cet égard.

165    Contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours n’a pas non plus fait une application erronée de la jurisprudence de la Cour en faisant dépendre l’applicabilité de l’exigence du juste motif de l’absence de confusion. À cet égard, il suffit d’observer que la chambre de recours a introduit, au point 81 de la décision attaquée, l’expression « en tout état de cause », de sorte que son appréciation figurant audit point figure à titre surabondant (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2015, InnoLux/Commission, C‑231/14 P, EU:C:2015:451, points 83 et 84). Par conséquent, le grief qui conteste une telle appréciation n’est pas de nature à affecter le dispositif de la décision attaquée et doit être écarté comme étant inopérant [voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2013, Boehringer Ingelheim International/OHMI (RELY-ABLE), T‑640/11, non publié, EU:T:2013:225, points 27 et 28, et du 7 septembre 2022, Peace United/EUIPO – 1906 Collins (MY BOYFRIEND IS OUT OF TOWN), T‑699/21, non publié, EU:T:2022:528, points 46 et 47].

166    Troisièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante tiré de l’arrêt du 22 mars 2007, VIPS (T‑215/03, EU:T:2007:93), dans lequel il aurait été jugé que le risque de dilution paraît, en principe, moins élevé si la marque antérieure consiste en un terme qui, de par une signification qui lui est propre, est très répandu et fréquemment utilisé, indépendamment de la marque antérieure composée du terme en cause, il convient de constater que, d’une part, il ressort des considérations qui précèdent que la requérante n’a pas réussi à établir que le terme « estrella » était très répandu et fréquemment utilisé dans le secteur brassicole. D’autre part, et en tout état de cause, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des points 37 et 38 dudit arrêt, si un tel argument est pertinent dans le cadre de l’appréciation du risque de préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, il n’est pas de nature à établir l’existence d’un juste motif.

167    Par conséquent, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que la requérante n’avait pas établi de juste motif pour l’usage de la marque demandée.

168    Il résulte de ce qui précède que, dans la mesure où toutes les conditions cumulatives prévues à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 sont remplies, c’est à juste titre que la chambre de recours a rejeté le recours contre la décision de la division d’opposition qui avait fait droit à l’opposition formée par l’intervenante sur le fondement de cette disposition.

169    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le moyen unique de la requérante, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

170    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

171    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Productos Ibéricos Calderón y Ramos, SL est condamnée aux dépens.

Costeira

Kancheva

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol