Language of document : ECLI:EU:T:2024:299

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

8 mai 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative CRIADORES – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c) du règlement (UE) 2017/1001 – Égalité de traitement – Principe de légalité – Principe de bonne administration – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑314/23,

Tiendanimal Comercio Electrónico de Artículos para Mascotas, S.L., établie à Málaga (Espagne), représentée par Me T. González Martínez, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Nicolás Gómez, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. P. Zilgalvis et Mme E. Tichy‑Fisslberger, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Tiendanimal Comercio Electronico de Articulos para Mascotas, SL, demande l’annulation et la réformation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 27 mars 2023 (affaire R 0798/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 21 janvier 2020, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant des classes 5 et 31 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Compléments alimentaires pour animaux ; compléments alimentaires pour animaux à usage vétérinaire ; aliments diététiques à usage vétérinaire ; compléments nutritionnels à usage vétérinaire » ;

–        classe 31 : « Aliments pour animaux ; boissons pour animaux de compagnie ; biscuits pour animaux ; objets comestibles à mâcher pour animaux ».

4        Par décision du 9 mars 2021, l’examinatrice a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement.

5        Le 4 mai 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinatrice.

6        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. Plus particulièrement, elle a considéré que la demande d’enregistrement se heurtait aux motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, en ce que la marque demandée était, d’une part, descriptive de la qualité des produits qu’elle visait et du public auquel ceux-ci s’adressaient et, d’autre part, dépourvue de caractère distinctif.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        faire droit à l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

 En droit

9        À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier est tiré, en substance, d’une part, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement et, d’autre part, de la violation de l’obligation de motivation visée à l’article 94, paragraphe 1, dudit règlement. Le deuxième moyen est tiré, en substance, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 2 du même règlement. Le troisième est tiré, en substance, de la violation des principes d’égalité de traitement, de bonne administration, de légalité et de confiance légitime.

10      Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner d’abord le deuxième moyen concernant le caractère descriptif de la marque demandée.

 Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement

11      Premièrement, la requérante soutient que la combinaison des éléments de la marque demandée n’est pas descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001. Elle fait valoir que, lorsque l’élément verbal et l’élément graphique de cette marque sont pris en compte conjointement, l’exigence relative à la perception immédiate, sans autre réflexion, du caractère descriptif du signe demandé, requise par la jurisprudence, n’est pas remplie. Selon elle, ladite marque n’est pas exclusivement descriptive. Elle soutient également que, étant donné que cette marque est une marque figurative, l’identification de son caractère descriptif dépend de son élément verbal, de sa typographie, de sa structure concrète ainsi que de son élément figuratif.

12      Deuxièmement, la requérante allègue que, si l’examen se limite à l’élément verbal « criadores », le public pertinent sera contraint de faire un effort mental, dans la mesure où cet élément possède plusieurs acceptions, éliminant ainsi les caractéristiques d’immédiateté et d’absence de réflexion requises par la jurisprudence. En outre, ledit élément verbal serait tout au plus évocateur des produits, mais ne serait pas descriptif. La requérante ajoute que l’acception dudit élément verbal retenue par la chambre de recours, d’une part, n’est pas directement liée aux produits visés et, d’autre part, ne présente pas de lien avec les véritables destinataires desdits produits, qui seraient les animaux. Ainsi, selon elle, le public pertinent ne percevrait pas, face au signe demandé, une des caractéristiques des suppléments diététiques pour animaux ou des aliments pour animaux.

13      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

14      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2 du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

15      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].

16      L’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, EU:T:2005:373, point 37 et jurisprudence citée].

17      Il y a également lieu de rappeler que, par l’emploi, à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, des termes « l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci », le législateur de l’Union a, d’une part, indiqué que ces termes devaient tous être considérés comme correspondant à des caractéristiques de produits ou de services et, d’autre part, précisé que cette liste n’était pas exhaustive, toute autre caractéristique de produits ou de services pouvant également être prise en compte [voir arrêt du 7 mai 2019, Fissler/EUIPO (vita), T‑423/18, EU:T:2019:291, point 42 et jurisprudence citée].

18      Par ailleurs, s’agissant des marques composées de plusieurs éléments verbaux et figuratifs, il y a lieu de rappeler que, afin d’apprécier le caractère descriptif d’une marque complexe, il faut non seulement examiner les différents éléments dont la marque est composée, mais aussi la marque dans son ensemble, de sorte que ladite appréciation doit se fonder sur la perception globale de cette marque par le public pertinent [voir arrêt du 5 novembre 2019, APEDA/EUIPO – Burraq Travel & Tours General Tourism Office (SIR BASMATI RICE), T‑361/18, non publié, EU:T:2019:777, point 36 et jurisprudence citée].

19      À cet égard, s’agissant de l’incidence des éléments figuratifs d’une marque complexe, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, aux fins de l’appréciation du caractère descriptif d’une marque, la question décisive est celle de savoir si les éléments figuratifs changent, du point de vue du public pertinent, la signification de cette marque par rapport aux produits concernés. Si l’élément verbal d’une marque est descriptif, la marque est, dans son ensemble, descriptive si ses éléments graphiques ne permettent pas de détourner le public pertinent du message descriptif transmis par l’élément verbal [voir arrêt du 3 octobre 2019, LegalCareers/EUIPO (LEGALCAREERS), T‑686/18, non publié, EU:T:2019:722, point 42 et jurisprudence citée].

20      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le deuxième moyen de la requérante, tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

21      À titre liminaire, il convient de constater que la requérante ne conteste pas l’affirmation de la chambre de recours au point 23 de la décision attaquée selon laquelle la marque demandée est une marque figurative composée de l’élément verbal « criadores » et de deux lignes figurant sous une couronne.

22      En premier lieu, en ce qui concerne le public pertinent, la chambre de recours a considéré, premièrement, qu’il s’agissait du public espagnol, étant donné que l’élément verbal de la marque demandée était un terme espagnol. Deuxièmement, elle a établi qu’il était composé, d’une part, pour les produits visés relevant de la classe 5, du grand public, des professionnels de la santé animale et des pharmaciens et, d’autre part, pour les produits visés relevant de la classe 31, du grand public soucieux d’alimenter leurs animaux de compagnie, des professionnels ayant une activité d’élevage ou de vente d’animaux ainsi que des professionnels de la santé et de l’alimentation animale. La requérante ne conteste pas ces appréciations de la chambre de recours.

23      En deuxième lieu, en ce qui concerne la signification du signe demandé, la chambre de recours a considéré, aux points 24 et 25 de la décision attaquée, d’une part, que l’élément verbal « criadores » était un mot espagnol qui signifiait une « personne qui est chargée ou [qui] a pour travail d’élever des chevaux, des chiens, des poules, etc. » et, d’autre part, que l’élément figuratif représentant une couronne apparaissait couramment dans des marques désignant des aliments destinés à la consommation humaine et animale.

24      Premièrement, s’agissant du mot « criadores », bien qu’il ait plusieurs acceptions, il est constant qu’il signifie, notamment, éleveur. Dès lors, il y a lieu de conclure que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le mot « criadores » signifiait « personne qui est chargée ou [qui] a pour travail d’élever des chevaux, des chiens, des poules, etc. ».

25      Deuxièmement, s’agissant de l’élément figuratif représentant une couronne, il convient de considérer, comme le fait valoir l’EUIPO, qu’il s’agit d’un élément laudatif [voir, en ce sens, arrêts du 19 janvier 2017, Stock Polska/EUIPO – Lass & Steffen (LUBELSKA), T‑701/15, non publié, EU:T:2017:16, point 33 et jurisprudence citée, et du 24 octobre 2019, ZPC Flis/EUIPO – Aldi Einkauf (Happy Moreno choco), T‑498/18, EU:T:2019:763, point 85], dans la mesure où la couronne indique l’excellence et constitue un gage de qualité.

26      En troisième lieu, en ce qui concerne la relation entre la marque demandée et les produits qu’elle vise, la chambre de recours, après avoir considéré que lesdits produits formaient un groupe homogène constitué d’aliments pour animaux et de compléments alimentaires et médicinaux pour animaux, a estimé, au point 31 de la décision attaquée, que, lorsque le public pertinent serait confronté pour la première fois au signe demandé, il considèrerait qu’il indiquerait que les aliments, les boissons, les objets à mâcher ainsi que les compléments alimentaires et nutritionnels pour animaux étaient destinés à des consommateurs chargés de nourrir et de s’occuper d’animaux, en tant qu’éleveurs de ces derniers. La chambre de recours a précisé que le lien entre ce signe et les produits visés était clair et sans équivoque, dans la mesure où ledit signe fournirait des informations, par son élément verbal renvoyant à un éleveur, sur les destinataires desdits produits et, par son élément figuratif indiquant l’excellence, sur leur qualité. La chambre de recours a conclu qu’il pouvait être raisonnablement envisagé que le signe demandé serait utilisé pour indiquer une caractéristique desdits produits.

27      D’une part, comme le fait valoir l’EUIPO, l’acception de l’élément verbal « criadores » en tant qu’éleveur est la seule vraisemblable, compte tenu de la nature des produits visés par la marque demandée et dès lors qu’il constitue un substantif. Dès lors, le public pertinent percevra le mot « criadores » comme une description des destinataires des produits visés.

28      À cet égard, dans la mesure où la liste de caractéristiques figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 n’est pas exhaustive, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 17 ci-dessus, il convient de prendre en compte les destinataires des produits visés par la marque demandée comme une caractéristique desdits produits.

29      D’autre part, la couronne étant un élément laudatif, ainsi qu’il ressort du point 25 ci-dessus, le public pertinent la percevra comme fournissant des informations sur la qualité des produits visés par la marque demandée. Or, il ressort du libellé de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, que la qualité des produits visés par la marque demandée est une des caractéristiques desdits produits.

30      De surcroît, force est de constater, à l’instar de l’EUIPO, que, l’élément figuratif représentant une couronne étant lui-même descriptif de la qualité des produits visés, il ne saurait détourner le public pertinent du message descriptif transmis par l’élément « criadores ».

31      Ainsi, la marque demandée est, dans son ensemble, descriptive, compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 19 ci-dessus, et elle véhicule un message immédiatement compréhensible par le public pertinent, contrairement à ce que fait valoir la requérante.

32      Dès lors, il y a lieu de conclure que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque demandée présentait avec les produits visés un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des caractéristiques desdits produits, de sorte qu’elle tombe sous le coup de l’interdiction de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

33      Les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

34      Premièrement, il y a lieu de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle la marque demandée est simplement évocatrice des produits visés, dès lors qu’il a été établi au point 32 ci-dessus que ladite marque présentait avec les produits visés un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de caractéristiques desdits produits.

35      Deuxièmement, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la signification du mot « criadores », à savoir éleveur, qu’elle ne conteste pas au demeurant, n’est pas directement liée aux produits visés et ne présente pas de lien avec les véritables destinataires desdits produits qui seraient les animaux. En effet, étant donné que les produits visés par la marque demandée sont des aliments pour animaux et des compléments alimentaires et médicinaux pour animaux, force est de constater qu’il y a un lien direct entre ces produits et les « personne[s] qui [sont] chargée[s] ou [qui ont] pour travail d’élever des chevaux, des chiens, des poules, etc », dès lors que ce sont ces personnes qui vont acheter lesdits produits et les administrer ou les donner aux animaux. Les éleveurs sont donc les destinataires des produits visés.

36      En tout état de cause, dans l’hypothèse où les destinataires des produits visés par la marque demandée seraient les animaux, il conviendrait alors de considérer que les éleveurs constitueraient le public cible desdits produits, lequel est également une des caractéristiques des produits visés, dans la mesure où ces derniers achètent des aliments pour animaux. Ainsi, les éleveurs constitueraient une caractéristique desdits produits qu’ils soient considérés comme les destinataires ou le public cible de ces produits.

37      Troisièmement, l’argument de la requérante, reposant sur l’arrêt du 31 janvier 2001, Wrigley/OHMI (DOUBLEMINT) (T‑193/99, EU:T:2001:32), selon lequel la circonstance que le mot « criadores » a plusieurs acceptions éliminerait les caractéristiques d’immédiateté et d’absence de réflexion propres aux signes purement descriptifs ne saurait prospérer, dès lors qu’il a été établi ci-dessus que, lorsque ledit mot est pris comme signifiant éleveur, le signe demandé est descriptif des produits visés.

38      En effet, il suffit de rappeler que, lorsqu’un signe possède plusieurs significations, il doit se voir opposer un refus d’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 32), ce principe étant valable tant pour les signes verbaux que pour les signes figuratifs [voir arrêt du 29 novembre 2016, Chic Investments/EUIPO (eSMOKING WORLD), T‑617/15, non publié, EU:T:2016:679, point 59 et jurisprudence citée].

39      Quatrièmement, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a procédé à un examen chirurgical des différents éléments composant la marque demandée et à une désagrégation totale de ladite marque. En effet, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 18 ci-dessus, afin d’apprécier le caractère descriptif d’une marque complexe, il convient d’examiner ses différents éléments ainsi que la marque dans son ensemble, ce que la chambre de recours a fait à juste titre en l’espèce. Ainsi, comme le soutient, en substance, l’EUIPO, l’analyse de la chambre de recours était conforme à cette jurisprudence et il ne saurait être reproché à cette dernière d’avoir procédé à un examen chirurgical des différents éléments ou à une désagrégation totale de la marque.

40      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque demandée était descriptive, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement.

41      Partant, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement et de la violation de l’obligation de motivation

42      La requérante fait valoir, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

43      D’une part, la requérante soutient que l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, par le public pertinent, ne serait pas effectuée de manière claire et directe, dès lors que l’élément verbal « criadores » possède plusieurs acceptions, qu’il est injustifié de considérer que ladite marque est dépourvue de caractère distinctif pour les suppléments diététiques ou les aliments pour animaux et que l’élément figuratif représentant une couronne possède un caractère distinctif plein et entier, contribuant ainsi au caractère distinctif de cette marque.

44      D’autre part, la requérante allègue que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne le défaut de caractère distinctif de l’élément figuratif représentant une couronne et l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle la couronne est couramment utilisée dans le secteur de l’alimentation.

45      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

46      Aux points 44 à 48 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que le signe demandé était dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En effet, le public pertinent comprendrait le signe demandé comme indiquant que les produits visés sont d’une qualité supérieure et qu’ils sont destinés aux éleveurs d’animaux et non comme une indication de l’origine desdits produits.

47      Or, selon une jurisprudence constante, il ressort du libellé de l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, qu’il suffit que l’un des motifs absolus de refus énumérés s’applique pour que le signe litigieux ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne [voir arrêt du 22 novembre 2017, Toontrack Music/EUIPO (EZMIX), T‑771/16, non publié, EU:T:2017:826, point 65 et jurisprudence citée].

48      En l’espèce, dès lors qu’il résulte de l’examen du deuxième moyen (voir notamment point 40 ci-dessus) que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque demandée était descriptive des produits visés au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, et que ce motif justifie à lui seul le refus d’enregistrement, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé du premier moyen dans son ensemble, y compris en ce qu’il concerne la violation de l’obligation de motivation dont l’argumentation vient au soutien de celle relative à la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement.

 Sur le troisième moyen tiré de la violation des principes d’égalité de traitement, de bonne administration, de légalité et de confiance légitime

49      La requérante fait valoir, en substance, que, en refusant l’enregistrement de la marque demandée, la chambre de recours a violé les principes d’égalité de traitement, de bonne administration et de légalité ainsi que la confiance légitime que l’EUIPO avait fait naître à son égard en enregistrant une autre de ses marques, similaire à la marque demandée, sous le numéro 13 948 609. Elle soutient que l’enregistrement de cette marque antérieure doit être pris en compte comme un élément en faveur de l’enregistrement de la marque demandée, cette dernière constituant simplement une actualisation de la marque antérieure enregistrée. La requérante précise que ni la validité ni le caractère distinctif de la marque antérieure n’a été remis en cause depuis le dépôt de sa demande d’enregistrement le 14 avril 2015 et que cette marque antérieure indique clairement l’origine commerciale des produits qu’elle désigne.

50      En outre, la requérante soutient, en mentionnant six marques enregistrées par l’EUIPO, que la pratique décisionnelle habituelle de celui-ci est de faire droit à l’enregistrement de marques possédant des caractéristiques similaires à celles de la marque demandée, pour des produits compris dans les classes 5 et 31.

51      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

52      Aux points 50 à 53 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que le renvoi, par la requérante, à sa marque enregistrée sous le numéro 13 948 609 ne saurait infirmer la conclusion selon laquelle la marque demandée relevait, notamment, du motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001. La chambre de recours a précisé que les deux marques différaient par les éléments graphiques, plus nombreux et différents dans le signe enregistré. Ensuite, elle a rappelé que, même si la marque enregistrée était comparable à la marque demandée, dans la mesure où les chambres de recours n’ont pas eu la possibilité d’évaluer son caractère enregistrable, elles ne sauraient être liées par la décision de la division d’examen.

53      En premier lieu, il convient de rappeler que les décisions que l’EUIPO est conduit à prendre en vertu du règlement 2017/1001 concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique administrative antérieure à celles-ci (arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

54      En outre, l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, y compris les principes d’égalité de traitement et de bonne administration. Eu égard auxdits principes, l’EUIPO doit prendre en considération les décisions qu’il a déjà adoptées sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, l’application de ces principes devant être conciliée avec le respect du principe de légalité (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 75).

55      Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 76 et 77).

56      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des considérations qui précèdent, la chambre de recours a relevé, à juste titre, que la marque demandée se heurtait au motif de refus tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, de sorte que la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’EUIPO.

57      En tout état de cause, il convient de constater que les situations factuelles ayant donné lieu à l’enregistrement de la marque antérieure de la requérante et des six autres marques antérieures qu’elle a invoquées diffèrent de celle du cas d’espèce, ainsi que le soutient l’EUIPO. En effet, bien que la marque antérieure de la requérante, enregistrée sous le numéro 13 948 609, comporte le même élément verbal que la marque demandée, elle contient plus d’éléments graphiques. En ce qui concerne les autres marques antérieures invoquées, elles sont composées d’éléments verbaux et figuratifs différents.

58      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante selon lequel la chambre de recours a violé les principes d’égalité de traitement, de bonne administration et de légalité.

59      En second lieu, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence desdites assurances précises [voir arrêt du 22 mars 2018, Dometic Sweden/EUIPO (MOBILE LIVING MADE EASY), T‑235/17, non publié, EU:T:2018:162, point 59 et jurisprudence citée].

60      Il suffit de constater, à cet égard, que la requérante ne saurait prétendre que l’enregistrement de sa marque antérieure sous le numéro 13 948 609 lui conférerait une assurance précise, inconditionnelle et concordante que la marque demandée disposerait d’un minimum de caractère distinctif et devrait être enregistrée. Il en va de même s’agissant des six autres marques antérieures qu’elle a invoquées et qui comportent prétendument des caractéristiques similaires à celles de la marque demandée.

61      Dès lors, il convient de rejeter le grief de la requérante par lequel elle fait valoir une violation du principe de protection de la confiance légitime.

62      Il y a donc lieu de rejeter le troisième moyen et, partant, le recours dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le deuxième chef de conclusions de la requérante visant à faire droit à l’enregistrement de la marque demandée.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

64      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas de convocation à une audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Costeira

Zilgalvis

Tichy-Fisslberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mai 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.