Language of document : ECLI:EU:T:2003:264

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

14 octobre 2003 (1)

«Marque communautaire - Règlements (CE) n° 40/94 et n° 2868/95 - Opposition - Risque de confusion - Réformation d'une décision

de la chambre de recours - Demande de marque communautaire verbale BASS - Marque verbale antérieure PASH»

Dans l'affaire T-292/01,

Phillips-Van Heusen Cor p. , établie à New York, New York (États-Unis), représentée par Me F. Jacobacci, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. E. Joly et Mme S. Laitinen, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

l'intervenant devant le Tribunal étant

Pash Textilvertrieb und Einzelhandel GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Me W. Städtler, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 12 septembre 2001, dans l'affaire R-740/2000-3, relative à une procédure d'opposition entre Pash Textilvertrieb und Einzelhandel GmbH et Phillips-Van Heusen Corp.,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 4 mars 2003,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Les articles 8, 43, 62 et 74 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1) disposent:

«Article 8

Motifs relatifs de refus

1. Sur opposition du titulaire d'une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l'enregistrement:

[...]

b)    lorsqu'en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée; le risque de confusion comprend le risque d'association avec la marque antérieure.

2. Aux fins du paragraphe 1, on entend par ‘marques antérieures’

a)    les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire [...] et qui appartiennent aux catégories suivantes:

    [...]

    ii)    les marques enregistrées dans un État membre [...];

[...]

Article 43

Examen de l'opposition

[...]

5. S'il résulte de l'examen de l'opposition que la marque est exclue de l'enregistrement pour tout ou partie des produits ou services pour lesquels la marque communautaire est demandée, la demande est rejetée pour les produits ou les services concernés. [...]

Article 62

Décision sur le recours

1. [...] la chambre de recours [...] peut, soit exercer les compétences de l'instance qui a pris la décision attaquée [devant elle], soit renvoyer l'affaire à ladite instance pour suite à donner.

[...]

Article 74

Examen d'office des faits

1. Au cours de la procédure, l'Office procède à l'examen d'office des faits; toutefois, dans une procédure concernant les motifs relatifs de refus d'enregistrement, l'examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

2. L'Office peut ne pas tenir compte des faits que les parties n'ont pas invoqués ou des preuves qu'elles n'ont pas produites en temps utile.»

2.
    La règle 53 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d'application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), est ainsi libellée:

«Règle 53

Rectification d'erreurs dans les décisions

Dans les décisions de l'Office, seules les fautes linguistiques, les fautes de transcription et les erreurs manifestes peuvent être rectifiées. Elles sont rectifiées, d'office ou sur demande de l'une des parties intéressées, par l'instance qui a rendu la décision.»

Antécédents du litige

3.
    Par demande rédigée en langue anglaise et reçue par l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l'«Office») le 1er avril 1996, la requérante a demandé l'enregistrement du signe verbal BASS comme marque communautaire.

4.
    L'enregistrement de la marque a été demandé pour des produits relevant de la classe 25 au sens de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante: «Chaussures et vêtements».

5.
    La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 28/97, du 17 novembre 1997.

6.
    Le 13 février 1998, l'intervenante a formé une opposition, en vertu de l'article 42, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, dirigée à l'encontre de l'enregistrement de la marque pour toutes les catégories de produits visées à la demande de marque. L'opposition était fondée sur l'existence d'une marque enregistrée en Allemagne, avec date de priorité du 14 octobre 1988. Cette marque (ci-après la «marque antérieure») consiste en le signe verbal PASH. Elle est enregistrée pour des produits relevant des classes 18 et 25 au sens de l'arrangement de Nice et correspondant à la description suivante:

-    classe 18: «Produits en cuir ou en imitations du cuir et autres matières plastiques pour autant qu'elles soient incluses dans la classe 18, à savoir sacs à main et autres étuis non adaptés au produit qu'ils sont destinés à contenir, ainsi que petits articles en cuir et en matières plastiques, en particulier porte-monnaie, portefeuilles, étuis à clefs; malles et valises, sacs à dos, bandoulières»;

-    classe 25: «Vêtements, également en cuir, ceintures de vêtements, chaussures, chapellerie».

7.
    À l'appui de l'opposition, l'intervenante a invoqué le motif relatif de refus visé à l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

8.
    Par lettre du 4 août 1999, l'intervenante a limité l'opposition en ce sens qu'elle n'était plus dirigée qu'à l'encontre de l'enregistrement de la marque pour la catégorie de produits dénommée «vêtements».

9.
    Par décision du 19 mai 2000, la division d'opposition de l'Office (ci-après la «division d'opposition») a rejeté l'opposition. En substance, la division d'opposition a considéré que, les marques en cause n'étant pas similaires sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, il n'existait pas de risque de confusion, au sens de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre les deux marques en cause dans le territoire pertinent de la Communauté, à savoir en Allemagne.

10.
    Le 13 juillet 2000, l'intervenante a formé un recours auprès de l'Office, au titre de l'article 59 du règlement n° 40/94. Elle a demandé d'annuler la décision de la division d'opposition et de refuser la protection de la marque demandée pour la catégorie de produits dénommée «vêtements».

11.
    Par décision du 12 septembre 2001, notifiée à la requérante le 28 septembre 2001 (ci-après la «décision attaquée»), la troisième chambre de recours de l'Office (ci-après la «chambre de recours») a statué sur le recours. En substance, la chambre de recours a considéré que les produits visés dans la demande de marque, à l'égard desquels l'intervenante avait maintenu son opposition à l'encontre de l'enregistrement de la marque demandée, à savoir les vêtements, étaient identiques aux produits relevant de la classe 25 désignés par la marque antérieure et que les accessoires pour lesquels cette dernière marque était également enregistrée étaient souvent commercialisés avec des vêtements fabriqués par la même entreprise. Concernant les marques en cause, la chambre de recours a considéré qu'elles étaient similaires. À cet égard, elle a exposé qu'il existait une similitude visuelle entre les deux marques, étant donné que celles-ci comptaient le même nombre de lettres, que les deux lettres centrales, sur lesquelles l'attention du public était susceptible de se focaliser, étaient les mêmes dans le cas de chacune d'entre elles et que les premières lettres «b» et «p» étaient très similaires. Quant à la similitude phonétique, elle a estimé, notamment, que, au moins dans certaines régions en Allemagne, les consonnes «b» et «p» étaient prononcées d'une manière très similaire. Dans ce contexte, elle a relevé qu'il n'était pas nécessaire que le risque de confusion existe pour l'entièreté du territoire pertinent, mais qu'il suffisait que ce risque existe pour une partie importante du public pertinent. Enfin, concernant la comparaison conceptuelle, elle a considéré qu'aucun des deux signes verbaux n'avait de signification déterminée en rapport avec les produits concernés. Dès lors, la chambre de recours a conclu que, les produits désignés par les deux marques étant identiques, il existait un risque de confusion, au sens de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, entre les deux marques en cause dans le territoire pertinent de la Communauté, à savoir en Allemagne.

12.
    Le dispositif de la décision attaquée est ainsi libellé:

«La chambre de recours

1. Annule la décision [de la division d'opposition].

2. Fait droit à l'opposition et rejette la demande de marque communautaire.

[...]»

13.
    Les points 1, 6 et 40 des motifs de la décision attaquée sont rédigés comme suit:

«1. [...L]a demanderesse a sollicité l'enregistrement de la marque verbale [BASS] pour les produits suivants (et d'autres qui ne sont pas en cause dans la présente procédure): Classe 25 - vêtements.»

«6. L'opposante a introduit un recours contre la décision [de la division d'opposition], demandant à la chambre d'annuler la décision [de la division d'opposition] et de refuser la protection de la marque opposée uniquement pour les produits ‘vêtements’.»

«40. La demande de marque communautaire n'est, par conséquent, [...] pas admise à l'enregistrement et la décision de la division d'opposition doit être annulée.»

14.
    Le 18 février 2002, la chambre de recours a adopté une décision dont le dispositif est ainsi libellé:

«1. Conformément à la règle 53 du règlement [...] (CE) n° 2868/95 [...], la chambre rectifie, d'office, une erreur manifeste dans sa décision du 12 septembre 2001 dans l'affaire R-740/2000-3.

2. Eu égard aux points 1 et 6 de la décision, il convient de lire le dispositif comme suit:

‘Pour ces raisons, la chambre décide: ...

2. Fait droit à l'opposition et rejette la demande de marque communautaire pour autant que l'enregistrement est demandé pour des vêtements relevant de la classe 25.’»

Procédure et conclusions des parties

15.
    Par requête rédigée en langue italienne et déposée au greffe du Tribunal le 28 novembre 2001, la requérante a introduit le présent recours.

16.
    Par lettre du 19 décembre 2001, l'intervenante s'est opposée à ce que l'italien devienne la langue de procédure.

17.
    Le 10 janvier 2002, le greffier du Tribunal a constaté que l'anglais était la langue dans laquelle la demande de marque avait été déposée et serait donc la langue de procédure, conformément à l'article 131, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

18.
    L'Office a déposé son mémoire en réponse au greffe du Tribunal le 8 avril 2002. L'intervenante a déposé son mémoire en réponse au greffe du Tribunal le 28 mars 2002.

19.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    rejeter définitivement et entièrement l'opposition dirigée à l'encontre de l'enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant de la classe 25;

-    enjoindre à l'Office d'enregistrer la marque demandée;

-    condamner l'Office et l'intervenante aux dépens, y compris ceux exposés dans la procédure devant la division d'opposition et devant la chambre de recours.

20.
    L'Office conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter la demande visant à enjoindre à l'Office d'enregistrer la marque demandée comme irrecevable;

-    faire droit au recours en ce qui concerne la demande de marque visant la catégorie de produits dénommée «chaussures», eu égard à la décision de rectification de la chambre de recours du 18 février 2002;

-    pour le surplus, rejeter le recours;

-    condamner l'Office aux dépens, à condition que la requérante se désiste de son recours eu égard à la décision de rectification de la chambre de recours du 18 février 2002 et, dans le cas contraire, condamner la requérante aux dépens.

21.
    L'intervenante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter la demande visant à l'annulation de la décision attaquée;

-    condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure devant la division d'opposition et devant la chambre de recours.

22.
    Par lettre du 25 février 2003, la requérante s'est désistée du troisième chef de ses conclusions, visant à enjoindre à l'Office d'enregistrer la marque demandée. En outre, elle a soumis des pièces pour étayer le bien-fondé de son recours. Par lettre du 28 février 2003, le greffier du Tribunal a informé la requérante de ce que ces pièces ne seraient pas versées au dossier.

En droit

Sur l'objet du litige

23.
    Dans le cadre de la procédure devant la division d'opposition, l'intervenante a limité l'opposition en ce qu'elle n'était plus dirigée qu'à l'encontre de l'enregistrement de la marque pour la catégorie de produits dénommée «vêtements». Toutefois, au point 2 du dispositif de la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté la demande de marque sans en limiter l'étendue à cette dernière catégorie de produits. Partant, en ce qu'elle statue ultra petita, la décision attaquée est entachée d'illégalité.

24.
    En effet, ainsi qu'il résulte d'une lecture combinée des articles 43, paragraphe 5, première phrase, 62, paragraphe 1, première phrase, et 74, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 40/94, la chambre de recours, dans le cadre d'un recours formé contre une décision de la division d'opposition, ne peut rejeter la demande de marque que dans les limites des prétentions que l'opposante fait valoir dans l'opposition dirigée à l'encontre de l'enregistrement de cette marque. La chambre de recours ne saurait en effet statuer au-delà de l'objet de l'opposition. Au demeurant, ni l'Office ni l'intervenante ne contestent cette conclusion.

25.
    Cependant, par sa décision du 18 février 2002, la chambre de recours a rectifié, en se fondant sur la règle 53 du règlement n° 2868/95, le dispositif de la décision attaquée en ce que le rejet de la demande de marque est désormais limité à la catégorie de produits dénommée «vêtements». Il s'ensuit que, en ce que la décision attaquée a rejeté la demande de marque en ce qui concerne des catégories de produits autres que celle dénommée «vêtements», le litige est devenu à cet égard sans objet. Il n'y a donc plus lieu de statuer sur le recours en ce qu'il tend à l'annulation de la décision attaquée sur ce point.

26.
    Par ailleurs, à la suite d'une question écrite du Tribunal, la requérante a renoncé, par lettre du 25 février 2003, au moyen, qu'elle avait soulevé dans sa requête, tiré de ce que la décision attaquée dépassait l'objet de l'opposition.

Sur la demande en annulation

27.
    La requérante soulève un moyen unique, tiré d'une violation de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. Ce moyen est subdivisé en deux branches. La première branche du moyen est tirée de la coexistence des signes verbaux BASS et PASH en tant que marques nationales allemandes, la seconde, qu'il convient d'examiner en premier lieu, de l'absence d'un risque de confusion intrinsèque.

Arguments des parties

28.
    La requérante expose que, aux fins de l'appréciation de l'existence d'un risque de confusion entre deux marques, il y a lieu de considérer, premièrement, la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause. Deuxièmement, l'appréciation dépend, selon la requérante, de la question de savoir si ces marques ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles-ci sur le marché. Le troisième facteur à prendre en considération consiste en le caractère plus au moins attentif du public pertinent. Dans ce contexte, la requérante se réfère, d'une part, au dixième considérant de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), et, d'autre part, aux points 22 et 23 de l'arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL (C-251/95, Rec. p. I-6191), ainsi qu'aux points 17, 26 et 28 de l'arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon (C-39/97, Rec. p. I-5507).

29.
    En l'espèce, la requérante fait valoir que les marques en cause ne présentent aucune similitude sur les plans visuel, phonétique ou conceptuel. À cet égard, elle expose que les deux signes verbaux, bien que comportant chacun quatre lettres, n'ont en commun que les deux lettres centrales, lesquelles sont dépourvues de toute importance sur les plans visuel et phonétique, étant donné que ce sont les lettres initiales qui ont un poids plus important concernant tant la prononciation que l'impression visuelle.

30.
    De plus, la requérante affirme qu'il ressort des preuves relatives à l'usage sérieux de la marque antérieure que l'intervenante a produites dans le cadre de la procédure devant la division d'opposition que, dans la pratique commerciale, le signe verbal PASH est toujours accompagné d'un élément distinctif supplémentaire, ce qui contribue davantage à différencier la marque antérieure de la marque demandée.

31.
    En outre, la requérante fait valoir que l'unité 15 de la division d'opposition, qui a rendu la décision attaquée par l'intervenante devant la chambre de recours, comportait un membre dont la langue maternelle est l'allemand et que, partant, les caractéristiques de cette langue ont été prises en compte lorsque la division d'opposition a considéré que les marques en cause ne sont pas similaires sur le plan phonétique. Cette conclusion est confirmée, selon la requérante, par le fait que l'intervenante utilise la marque antérieure, dans ses campagnes publicitaires, avec une prononciation clairement orientée vers la langue anglaise.

32.
    Concernant l'absence de similitude conceptuelle, la requérante soutient que c'est à juste titre que la division d'opposition a estimé que le consommateur moyen allemand comprend le signe verbal BASS dans le sens qu'il désigne la voix d'un chanteur ou bien un instrument musical, tandis que le signe verbal PASH est associé, par ce public, à un terme bien connu en Allemagne dans le domaine des jeux.

33.
    En outre, la requérante expose que les canaux de distribution utilisés, respectivement, par elle-même et par l'intervenante sont différents et que, dès lors, le public pertinent est également différent dans le cas des deux marques. À cet égard, elle déclare, en se référant à des extraits d'Internet reproduits en annexe 24 à la requête, que la marque antérieure vise un public qui a l'habitude d'acquérir des produits commercialisés sous une marque déterminée plutôt en fonction de la mode prévalant au moment de l'acquisition. En revanche, selon la requérante, qui se réfère à des documents reproduits en annexes 17 à 19 à la requête, la marque demandée vise un public dont l'attention porte tant sur la marque sous laquelle les produits sont commercialisés que sur leur qualité, mais qui attache moins d'importance à la mode prévalant au moment de l'acquisition.

34.
    Enfin, pour étayer sa thèse selon laquelle, sur le marché allemand, il n'existe pas de risque de confusion entre les marques en cause, la requérante se réfère à une étude de marché, effectuée en novembre 2000. Selon la requérante, il résulte de cette étude que la grande majorité des personnes interrogées considèrent qu'une confusion entre ces marques n'est pas possible.

35.
    L'Office rétorque que la chambre de recours n'a commis aucune erreur de droit en considérant qu'il existait un risque de confusion entre les marques en cause.

36.
    À cet égard, il expose, premièrement, que la chambre de recours a correctement estimé que le public pertinent était un public allemand, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

37.
    Deuxièmement, l'Office rappelle que les produits désignés par les marques en cause sont identiques.

38.
    En ce qui concerne, troisièmement, le rapport entre les marques en cause, l'Office fait observer, tout d'abord, que la chambre de recours a relevé avec pertinence que celles-ci produisaient la même impression générale sur les plans visuel et phonétique. Ensuite, il affirme que c'est à bon droit que la chambre de recours a considéré qu'il existait une similitude visuelle entre les deux marques, étant donné que celles-ci comptaient le même nombre de lettres, que les deux lettres centrales, sur lesquelles l'attention du public était susceptible de se focaliser, étaient les mêmes dans le cas de chacune d'entre elles et que les premières lettres «b» et «p» étaient très similaires. Quant à la similitude phonétique, l'Office partage également l'analyse de la chambre de recours selon laquelle, au moins dans certaines régions d'Allemagne, les consonnes «b» et «p» sont prononcées d'une manière très similaire. Dans ce contexte, l'Office précise qu'il n'est pas nécessaire que le risque de confusion existe pour l'entièreté du territoire pertinent, mais qu'il suffit que ce risque existe pour une partie importante du public pertinent. Concernant les différences conceptuelles alléguées par la requérante, l'Office estime que c'est à bon droit que la chambre de recours a estimé que celles-ci étaient sans pertinence.

39.
    Quant à l'étude de marché présentée par la requérante, l'Office considère que le Tribunal ne devrait pas tenir compte de ce nouvel élément de preuve.

40.
    Concernant, enfin, l'argument de la requérante, selon lequel la manière dont la marque antérieure a été effectivement utilisée devrait être prise en compte, l'Office rétorque qu'il convient, aux fins de l'appréciation du risque de confusion, de tenir compte de la marque antérieure uniquement telle qu'elle a été enregistrée, indépendamment de la question de savoir comment celle-ci a été effectivement utilisée dans le commerce. À cet égard, l'Office invoque le principe selon lequel les droits de marque sont acquis par l'enregistrement.

41.
    L'intervenante considère qu'il existe un risque de confusion entre les marques en cause. À cet égard, elle expose, tout d'abord, que les produits visés par l'opposition, à savoir les vêtements, sont identiques dans le cas des deux marques. Ensuite, selon l'intervenante, les deux marques sont très similaires sur les plans phonétique et visuel. Dans ce contexte, elle affirme que les lettres «b» et «p» sont prononcées d'une manière similaire, voire identique dans beaucoup de régions d'Allemagne.

Appréciation du Tribunal

42.
    Ainsi qu'il ressort de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, une marque est refusée à l'enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Par ailleurs, en vertu de l'article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94, il convient d'entendre par marques antérieures les marques, enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

43.
    En l'espèce, la marque antérieure est enregistrée en Allemagne. Partant, il convient de tenir compte, aux fins de l'appréciation des conditions visées au point précédent, du point de vue du public dans cet État membre. Dès lors, il y a lieu de considérer que le public pertinent est, substantiellement, un public germanophone. Par ailleurs, étant donné que les produits désignés par la marque antérieure sont des produits de consommation courante, ce public est composé des consommateurs moyens, ainsi que l'Office l'a exposé à juste titre au point 45 de son mémoire en réponse.

44.
    Il est constant que les produits visés à la demande de marque, à l'égard desquels l'intervenante a maintenu son opposition à l'encontre de l'enregistrement de la marque demandée, sont en partie similaires et en partie identiques à ceux désignés par la marque antérieure.

45.
    Concernant le risque de confusion, il ressort de la jurisprudence de la Cour relative à l'interprétation de l'article 4, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104, dont le contenu normatif est, en substance, identique à celui de l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, que celui-ci est constitué par le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (arrêts de la Cour Canon, précité, point 29, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, Rec. p. I-3819, point 17). Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion dans l'esprit du public doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (arrêts de la Cour SABEL, précité, point 22, Canon, précité, point 16, Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 18, et du 22 juin 2000, Marca Mode, C-425/98, Rec. p. I-4861, point 40). Cette appréciation implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques et inversement (arrêts Canon, précité, point 17, Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 19, et Marca Mode, précité, point 40). L'interdépendance entre ces facteurs trouve son expression au septième considérant du règlement n° 40/94, selon lequel il y a lieu d'interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion dont l'appréciation, quant à elle, dépend notamment de la connaissance de la marque sur le marché et du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés.

46.
    En outre, la perception qu'a le consommateur moyen des produits ou services en cause joue un rôle déterminant dans l'appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêts SABEL, précité, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25). Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Par ailleurs, il convient de tenir compte de la circonstance selon laquelle le consommateur moyen n'a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doit se fier à l'image imparfaite de celles-ci qu'il garde en mémoire. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d'attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou services en cause (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26).

47.
    Enfin, il ressort de la jurisprudence de la Cour que l'appréciation globale du risque de confusion, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, notamment de leurs éléments distinctifs et dominants (arrêts SABEL, précité, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25).

48.
    C'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'examiner si le degré de similitude entre les marques en cause est suffisamment élevé pour pouvoir considérer qu'il existe un risque de confusion entre celles-ci.

49.
    En ce qui concerne la similitude visuelle entre les deux marques, la chambre de recours a relevé avec pertinence, au point 17 de la décision attaquée, que celles-ci comptent le même nombre de lettres et que deux des quatre lettres dont elles sont composées sont identiques.

50.
    En revanche, quant à l'analyse de la chambre de recours, au point 18 de la décision attaquée, selon laquelle l'attention du public est susceptible de se focaliser sur les lettres centrales d'une marque verbale, il y a lieu de considérer que l'attention du public se focalise au moins avec la même intensité sur les premières lettres d'une telle marque. Concernant les premières lettres des marques en cause, à savoir «b» et «p», leur similitude visuelle n'est que limitée, contrairement à ce qu'expose la chambre de recours, au point 18 de la décision attaquée.

51.
    Quant à la similitude phonétique, il ne peut, certes, être exclu que, au moins dans certaines régions d'Allemagne, les consonnes «b» et «p» soient prononcées d'une manière très similaire, ainsi que la chambre de recours l'a relevé au point 20 de la décision attaquée. En outre, la chambre de recours a exposé avec pertinence, au point 37 de la décision attaquée, que la seule voyelle que contiennent les deux signes verbaux en cause est identique.

52.
    En revanche, l'analyse de la chambre de recours, au point 23 de la décision attaquée, selon laquelle une partie significative du public pertinent pourrait envisager la possibilité de prononcer les deux consonnes finales du signe verbal PASH comme «pass» n'est pas fondée. En effet, ainsi que la chambre de recours l'a relevé elle-même, la combinaison des lettres «sh», faisant partie d'une seule syllabe, n'est pas utilisée en allemand. Plutôt, il y a lieu de considérer qu'une partie significative du public pertinent est suffisamment familiarisée avec la prononciation des mots anglais courants, tels que «crash», pour être enclin à suivre cette prononciation également dans le cas du signe verbal PASH.

53.
    Concernant, finalement, la comparaison des marques en cause sur le plan sémantique, le signe verbal BASS évoque la voix d'un chanteur ou bien un instrument musical, tandis que le signe verbal PASH, à supposer que le public pertinent lui assigne une signification claire et déterminée, peut être associé au mot allemand «Pasch» désignant un jeu de dés. Dès lors, il y a lieu de constater, tout d'abord, que, sur le plan sémantique, il n'existe pas de similitude entre les deux marques.

54.
    Ensuite, il convient de considérer que les différences conceptuelles séparant les marques en cause sont de nature à neutraliser dans une large mesure les similitudes visuelles et phonétiques relevées aux points 49 et 51 ci-dessus. Une telle neutralisation requiert qu'au moins une des marques en cause ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir immédiatement. En l'espèce, tel est le cas à propos du signe verbal BASS, ainsi qu'il vient d'être relevé au point précédent. Or, contrairement à ce qu'affirme la chambre de recours au point 25 de la décision attaquée, cette analyse n'est pas infirmée par le fait que ce signe verbal ne désigne aucune caractéristique des produits pour lesquels l'enregistrement des marques en cause a été effectué. En effet, cette circonstance n'empêche pas le public pertinent de saisir immédiatement la signification de ce signe verbal. Est également sans pertinence la circonstance selon laquelle, en raison du fait que le jeu de dés dénommé «Pasch» n'est pas généralement connu, il n'est pas certain que le signe verbal PASH ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée dans le sens indiqué ci-dessus. En effet, il suffit qu'une des marques en cause soit dotée d'une telle signification pour que, lorsque l'autre marque n'a pas une telle signification ou seulement une signification entièrement différente, des similitudes visuelles et phonétiques existant entre ces marques soient neutralisées dans une large mesure.

55.
    Dans le cadre de l'appréciation globale du risque de confusion, il y a lieu de tenir compte de tous les éléments qui viennent d'être relevés aux points 48 à 51 ci-dessus. Dans ce contexte, il convient de relever, ainsi que la requérante l'a exposé avec pertinence, que le degré de similitude phonétique entre deux marques est d'une importance réduite dans le cas de produits qui sont commercialisés d'une telle manière que, habituellement, le public pertinent, lors de l'achat, perçoit la marque les désignant de façon visuelle. Or, tel est le cas des produits en cause en l'espèce.

56.
    Au vu de tous ces éléments, il y a ainsi lieu de constater que le degré de similitude entre les marques en cause n'est pas suffisamment élevé pour pouvoir considérer que le public puisse croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement. Dès lors, il n'existe pas de risque de confusion entre celles-ci.

57.
    Étant donné les différences entre les marques en cause, cette appréciation n'est pas infirmée par le fait que les produits visés par la marque demandée, à l'égard desquels l'intervenante a formé une opposition à l'encontre de l'enregistrement de la marque demandée, sont identiques à certains des produits désignés par la marque antérieure.

58.
    Dès lors, il convient d'accueillir la seconde branche du moyen unique.

59.
    Partant, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres arguments de la requérante ni de statuer sur la première branche du moyen, il convient, conformément à l'article 63, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, de réformer la décision attaquée, telle que rectifiée par la décision du 18 février 2002, en ce sens que le recours auprès de l'Office, formé par l'intervenante, est rejeté.

Sur la demande visant à rejeter définitivement et entièrement l'opposition dirigée à l'encontre de l'enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant de la classe 25

60.
    Il n'est pas nécessaire de statuer sur ce chef de conclusions, dès lors que la requérante n'a pas d'intérêt à demander que le Tribunal ordonne lui-même le rejet de l'opposition. En effet, par la réformation de la décision attaquée, dans le sens indiqué au point précédent, la décision de la division d'opposition, portant rejet de l'opposition, prend effet. À cet égard, il convient de rappeler qu'en vertu de l'article 57, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement n° 40/94 le recours formé auprès de l'Office a un effet suspensif. Dès lors, une décision susceptible de faire l'objet d'un tel recours, comme celle de la division d'opposition, prend effet si, dans le délai visé à l'article 59, première phrase, du règlement n° 40/94, aucun recours n'a été formé auprès de l'Office ou si un tel recours a été rejeté par une décision définitive de la chambre de recours. À cet égard, une décision du Tribunal, par laquelle, au titre du pouvoir de réformation, le recours formé auprès de l'Office est rejeté, doit être assimilée à une décision en ce sens de la chambre de recours.

Sur les dépens

61.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. En outre, en vertu de l'article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. Enfin, selon l'article 136, paragraphe 1, du règlement de procédure, lorsqu'il est fait droit à un recours contre une décision d'une chambre de recours, le Tribunal peut ordonner que l'Office ne supportera que ses propres dépens.

62.
    En l'espèce, la requérante a conclu à la condamnation de l'Office et de l'intervenante aux dépens. Toutefois, s'agissant d'un recours concernant un motif relatif de refus, il y a lieu de considérer que, bien que l'Office et l'intervenante aient succombé de la même manière, l'intervenante est la partie substantiellement concernée par l'issue du litige. Cependant, l'Office a contribué à la naissance du litige, dans la mesure où, ainsi qu'il a été relevé aux points 23 et 24 ci-dessus, la décision attaquée, avant sa rectification, était entachée d'une illégalité en ce qu'elle statuait ultra petita. Dès lors, il y a lieu d'ordonner que l'Office supporte, outre ses propres dépens, un tiers des dépens exposés par la requérante et que l'intervenante supporte, outre ses propres dépens, deux tiers des dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)    Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours pour autant qu'il vise la décision attaquée en ce qu'elle a rejeté la demande de marque en ce qui concerne des catégories de produits autres que celle dénommée «vêtements».

2)    La décision de la troisième chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 12 septembre 2001 (affaire R-740/2000-3), telle que rectifiée par la décision du 18 février 2002, est réformée dans le sens que le recours auprès de l'Office, formé par l'intervenante, est rejeté.

3)    Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande visant à rejeter définitivement et entièrement l'opposition dirigée à l'encontre de l'enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant de la classe 25.

4)    L'Office supporte, outre ses propres dépens, un tiers des dépens exposés par la requérante.

5)    L'intervenante supporte, outre ses propres dépens, deux tiers des dépens exposés par la requérante.

Forwood
Pirrung

Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 octobre 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

N. J. Forwood


1: Langue de procédure: l'anglais.