Language of document : ECLI:EU:T:2024:133

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

28 février 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative BERTRAND PUMA La griffe boulangère – Marque de l’Union européenne figurative antérieure PUMA – Motif relatif de refus – Absence d’atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 – Lien entre les marques en conflit »

Dans l’affaire T‑184/23,

Puma SE, établie à Herzogenaurach (Allemagne), représentée par Mes M. Schunke et P. Trieb, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Gája et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Société d’équipements de boulangerie pâtisserie, établie à Portes-Lès-Valence (France),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. Kancheva et E. Tichy‑Fisslberger, juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 22 novembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Puma SE, demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 23 janvier 2023 (affaire R 2420/2020-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 2 avril 2019, la Société d’équipements de boulangerie pâtisserie a déposé auprès de l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits relevant des classes 7, 9 et 11 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, correspondant à la description suivante :

–        classe 7 : « Machines-outils ; moteurs (à l’exception de ceux pour véhicules terrestres) ; accouplements (non électriques) et organes de transmission (à l’exception de ceux pour véhicules terrestres) ; instruments agricoles autres que ceux entraînés manuellement ; couveuses pour les œufs ; machines mécaniques pour la fabrication du pain, machines pour l’industrie de la boulangerie, notamment diviseuses hydrauliques de pâte, façonneuses de pâte, tapis transporteurs de pâtons, chargeurs de pâtons, chambres de détente pour fournils, bouleuses de pâte, essoreuses de légumes, repose pâtons, mixeurs, laminoirs de pâte » ;

–        classe 9 : « Appareils et instruments scientifiques (autres qu’à usage médical), nautiques, géodésiques, appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique, appareils et instruments de pesage, de mesurage et de contrôle (inspection), notamment pour l’industrie de la boulangerie ; appareils et instruments photographiques, cinématographiques, optiques, de signalisation, de secours (sauvetage) et d’enseignement ; appareils pour l’enregistrement, la transmission ou la reproduction du son ou des images ; supports d’enregistrements magnétiques, disques acoustiques ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, appareils pour le traitement de l’information, ordinateurs ; extincteurs ; peseuses hydrauliques de pâte » ;

–        classe 11 : « Appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d’eau, notamment pour l’industrie de la boulangerie, installations sanitaires, appareils refroidisseurs d’eau ».

4        Le 7 août 2019, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était notamment fondée sur la marque de l’Union européenne figurative no 12 579 694, enregistrée pour les produits relevant de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « Vêtements, chaussures, chapellerie » :

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6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient notamment ceux visés à l’article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Par décision du 11 novembre 2020, la division d’opposition a rejeté l’opposition en tant qu’elle était fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

8        Le 17 décembre 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition, dans la mesure où celle-ci avait rejeté l’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’opposition et a rejeté le recours. Elle a fondé son appréciation sur la marque antérieure no 12 579 694, en raison de sa similitude avec la marque demandée. La chambre de recours a reconnu la renommée élevée de la marque antérieure. Elle a également considéré que les marques en conflit présentaient un degré à tout le moins faible de similitude visuelle et une similitude moyenne sur les plans phonétique et conceptuel. Cependant, selon la chambre de recours, aucun lien ne pouvait être établi entre les signes en conflit au regard de la nature très différente des produits en cause, de leurs fabricants, de leurs secteurs économiques, et de leurs publics respectifs. Par ailleurs, elle a considéré que, même si les consommateurs établissaient un lien entre les signes en conflit, rien ne porterait à croire que la marque demandée puisse tirer indûment profit de la renommée de la marque antérieure.

 Conclusions des parties

10      La requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans l’intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens dans en cas de convocation à une audience.

 En droit

 Sur la recevabilité de certains éléments de preuve présentés par la requérante

12      À l’appui de son recours, la requérante a présenté au Tribunal, le 19 mai 2023, une expertise portant sur l’interprétation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, ciblant des questions factuelles et juridiques relatives à la présente procédure (annexe A.5). La requérante avance que le dépôt tardif de cette expertise s’explique par la date de son établissement, à savoir le 16 mai 2023, qui l’aurait empêché de la joindre à sa requête au moment où celle-ci a été déposée.

13      L’EUIPO excipe de l’irrecevabilité de l’expertise, qui n’était pas jointe à la requête, présentée en annexe A.5.

14      Il y a lieu de rappeler que le recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours, ainsi que cela ressort du paragraphe 2 de cette disposition. Dans le cadre dudit règlement, en application de son article 95, ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 16 mars 2022, Laboratorios Ern/EUIPO – Nordesta (APIAL), T‑315/21, non publié, EU:T:2022:141, point 18 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait annuler ou réformer la décision faisant l’objet du recours pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé (arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 55, et du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 53).

15      Par conséquent, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves serait contraire à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Partant, les preuves produites pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarées irrecevables, sans qu’il soit nécessaire de les examiner [voir arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée].

 Sur le fond

16      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. En substance, elle reproche à la chambre de recours d’avoir commis des erreurs dans l’appréciation de la similitude des marques en conflit, du lien entre celles-ci et du profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure.

17      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne jouissant d’une renommée dans l’Union européenne ou une marque nationale jouissant d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

18      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 présuppose ainsi la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [voir arrêts du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, point 34 et jurisprudence citée, et du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 29 et jurisprudence citée].

19      S’agissant de la quatrième condition définie à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, les atteintes qui y sont visées, lorsqu’elles se produisent, découlent d’un certain degré de similitude entre la marque antérieure et la marque demandée, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques. En d’autres termes, le public concerné établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas (voir arrêt du 26 juillet 2017, Staatliche Porzellan-Manufaktur Meissen/EUIPO, C‑471/16 P, non publié, EU:C:2017:602, point 50 et jurisprudence citée). Le fait que la marque demandée évoque la marque antérieure dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, équivaut à l’existence d’un lien entre ces marques (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 60).

20      L’existence d’un tel lien est, par conséquent, une condition implicite, essentielle pour l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 [voir arrêt du 11 novembre 2020, Totalizator Sportowy/EUIPO – Lottoland Holdings (Lottoland), T‑820/19, non publié, EU:T:2020:538, point 26 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

21      La chambre de recours a considéré que les produits de la classe 25, couverts par marque antérieure, s’adressaient au grand public faisant preuve d’un niveau d’attention moyen, alors que ceux visés par la marque demandée, appartenant aux classes 7 et 11, intéressaient principalement les professionnels du secteur de la boulangerie, faisant preuve d’un niveau d’attention supérieur à la moyenne. Les publics ainsi définis se chevauchaient, les professionnels pouvant faire partie du grand public visé par la marque antérieure.

22      Il convient d’approuver ces appréciations de la chambre de recours, d’ailleurs non contestées par la requérante, laquelle se borne à avancer, à tort, que la chambre de recours aurait omis de tenir compte du fait que les publics concernés pouvaient se recouper.

 Sur la renommée de la marque antérieure

23      Les appréciations de la chambre de recours relatives à la très grande renommée de la marque antérieure no 12 579 694 dans le domaine des vêtements de sport, des chaussures et de la chapellerie, dans l’ensemble de l’Union, qui sont d’ailleurs soutenues par la requérante, doivent être approuvées.

 Sur la comparaison entre les signes en conflit

24      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis des erreurs dans l’appréciation des convergences visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les signes en conflit, qui l’auraient conduite à sous-évaluer le degré de leur similitude globale.

25      L’EUIPO conteste les allégations de la requérante.

26      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’existence d’une similitude entre une marque antérieure et une marque demandée constitue une condition d’application commune à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Cette condition présuppose l’existence, notamment, d’éléments de ressemblance visuelle, phonétique ou conceptuelle [voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, points 51 et 52, et du 4 octobre 2017, Gappol Marzena Porczyńska/EUIPO – Gap (ITM) (GAPPOL), T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, point 148].

27      Toutefois, le degré de similitude requis dans le cadre de l’une et de l’autre desdites dispositions est différent. En effet, tandis que la mise en œuvre de la protection instaurée par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 est subordonnée à la constatation d’un degré tel de similitude entre les marques en conflit qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre celles-ci, l’existence d’un tel risque n’est pas requise pour la protection conférée par le paragraphe 5 de ce même article. Ainsi, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 peuvent être la conséquence d’un degré moindre de similitude entre les marques antérieure et demandée, pour autant que celui-ci soit suffisant pour que le public pertinent effectue un rapprochement entre lesdites marques, c’est-à-dire établisse un lien entre celles-ci. En revanche, il ne ressort ni du libellé desdites dispositions ni de la jurisprudence que la similitude entre les marques en conflit devrait être appréciée de manière différente selon qu’elle est effectuée au regard de l’une ou de l’autre de ces dispositions (arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, points 53 et 54).

28      Il s’ensuit que la comparaison des signes en conflit doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du 25 janvier 2012, Viaguara/OHMI – Pfizer (VIAGUARA), T‑332/10, non publié, EU:T:2012:26, point 32 et jurisprudence citée].

29      En l’espèce, les marques à comparer se présentent comme suit :

–        la marque demandée est le signe figuratif suivant :

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–        la marque antérieure no 12 579 694 est le signe figuratif suivant :

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30      En ce qui concerne l’analyse de la marque demandée, il convient de relever que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, sans que la requérante ne le conteste, que, eu égard à leur taille et à leur position, les éléments verbaux « bertrand » et « puma » ainsi que la représentation figurative d’un félin constituaient les éléments dominants du signe demandé.

 Sur la comparaison visuelle entre les signes en conflit

31      En raison de la coïncidence de l’élément verbal « puma » et de la représentation graphique de l’animal en question, et en dépit de la présence d’éléments supplémentaires au sein du signe demandé, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit se caractérisaient par une similitude visuelle d’un degré au moins faible. Interrogé sur ce point lors de l’audience, l’EUIPO a précisé que le degré de similitude visuelle aurait pu être qualifié de moyen.

32      Compte tenu de l’association opérée dans l’esprit du public pertinent entre l’élément verbal « puma » et la représentation graphique d’un félin bondissant, qui renvoie immanquablement aux caractères distinctifs de la marque antérieure, ce que la chambre de recours aurait omis de prendre en compte, la requérante avance que la similitude visuelle revêt en l’espèce un degré au moins supérieur à la moyenne, voire que les signes sont identiques.

33      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante, en soulignant les différences visuelles entre les signes en conflit.

34      D’emblée, il y a lieu de relever que, au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté explicitement la coïncidence de l’élément verbal « puma » et de l’image du félin correspondante, qui se retrouvaient au sein des deux signes, pour conclure à l’existence d’une similitude visuelle au moins faible entre les marques en conflit. Il s’ensuit que les allégations de la requérante relatives à l’absence de toute prise en compte de la convergence de ces deux éléments manquent en fait.

35      En ce qui concerne, en outre, le degré de similitude visuelle entre les signes en conflit, il y a lieu de relever que certaines des différences visuelles relevées dans les points 36 et 37 de la décision attaquée, à savoir les deux lignes courbes ainsi que l’élément verbal « la griffe boulangère » de la marque demandée, portent sur des éléments qui, en raison de leur taille et de leur positionnement, ne sont pas dominants.

36      De telles différences ne sont pas suffisantes, dans le cadre d’une appréciation visuelle d’ensemble des marques en conflit, pour l’emporter sur les similitudes constatées entre leurs éléments dominants. En effet, lesdites similitudes seront immédiatement remarquées et aisément gardées en mémoire par le consommateur moyen normalement attentif [voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2012, Mustang/OHMI – Decathlon (Trait ondulé), T‑379/08, non publié, EU:T:2012:125, point 46 et jurisprudence citée]. En effet, si l’impression visuelle d’une marque consiste en l’impression d’ensemble produite par cette dernière, certains de ses éléments produisent un impact visuel plus ou moins accentué [voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2007, Ontex/OHMI – Curon Medical (CURON), T‑353/04, non publié, EU:T:2007:47, point 68].

37      En ce qui concerne les autres différences visuelles, tenant aux détails de la stylisation et à l’orientation différente de l’image du félin, celles-ci ne sont pas de nature à affaiblir substantiellement le degré de similitude visuelle caractérisant les signes en conflit. Quoique orientées en sens opposés, les représentations de l’animal en question présentent une certaine symétrie et ne diffèrent que par de menues nuances qui n’affectent pas l’impression d’ensemble. Par ailleurs, à la lumière d’une jurisprudence constante, les différences de couleurs entre les signes en conflit, ne sont pas, à cet égard, déterminantes [voir arrêt du 24 octobre 2017, Keturi kambariai/EUIPO – Coffee In (coffee inn), T‑202/16, non publié, EU:T:2017:750, point 101 et jurisprudence citée].

38      La seule différence majeure sur le plan visuel tient ainsi à la présence au sein du signe demandé de l’élément verbal « bertrand », dont le caractère codominant au sein du signe demandé n’est pas contesté. Cette différence exclut, à elle seule, que la ressemblance visuelle puisse être qualifiée en l’espèce d’élevée ou de supérieure à la moyenne.

39      Il s’ensuit que les signes en conflit présentent une certaine similitude sur le plan visuel. Toutefois, contrairement à ce que la chambre de recours a conclu, il ne saurait être considéré que les signes en conflit présentent un degré de similitude à tout le moins faible sur le plan visuel. En effet, compte tenu des considérations qui précèdent, les signes en conflit se caractérisent sur ce plan par une similitude d’un degré moyen.

–       Sur la comparaison phonétique entre les signes en conflit

40      La chambre de recours a considéré que les signes en conflit, prononcés respectivement « puma » et « bertrand puma », se caractérisaient par une similitude phonétique de degré moyen, l’élément « la griffe boulangère » ayant été omis en raison de son caractère secondaire.

41      La requérante estime que les signes en conflit se caractérisent par une similitude phonétique supérieure à la moyenne.

42      En l’espèce, il y a lieu de constater que les signes en conflit partagent le mot « puma », que la marque demandée comporte au surplus le mot « bertrand », et que l’élément « la griffe boulangère » de la marque demandée revêt un caractère secondaire. Partant, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan phonétique. Par ailleurs, la requérante n’avance dans ses écritures aucune argumentation spécifique qui serait de nature à soutenir son allégation selon laquelle la similitude phonétique aurait dû être considérée comme supérieure à la moyenne.

–       Sur la comparaison conceptuelle entre les signes en conflit

43      La chambre de recours a relevé que les signes en conflit faisaient tous les deux référence au même animal, tant en raison de la présence de l’élément verbal commun que de sa représentation graphique, et que le signe demandé se distinguait par un élément verbal supplémentaire, à savoir « bertrand », qui était susceptible d’être perçu comme renvoyant à l’identité d’un dénommé « bertrand puma ». La chambre de recours en a conclu à l’existence d’une similitude conceptuelle d’un degré moyen.

44      La requérante concède que l’élément verbal « bertrand » sera interprété par une grande partie du public pertinent comme un prénom. Cependant, compte tenu de la représentation d’un félin bondissant, elle avance que l’élément verbal « puma » sera associé exclusivement à l’animal en question, de telle sorte que la composante « bertrand » apparaîtra davantage comme un élément isolé, encadré par la référence à un félin prédateur.

45      L’EUIPO rejette l’argumentation de la requérante.

46      Conformément à une jurisprudence constante, une similitude conceptuelle découle du fait que deux marques utilisent des images qui concordent dans leur contenu sémantique, en ce sens que ces images véhiculent la même idée ou le même concept [voir arrêt du 8 novembre 2017, Oakley/EUIPO – Xuebo Ye (Représentation d’une ellipse discontinue), T‑754/16, non publié, EU:T:2017:786, point 62 et jurisprudence citée].

47      Il ressort également de la jurisprudence que l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41).

48      Au regard des principes rappelés ci-dessus, l’argumentation de la requérante, qui repose sur une association exclusive entre la représentation graphique d’un félin et l’élément verbal « puma » du signe demandé, ne saurait prospérer.

49      Cette argumentation conduit à nier toute pertinence de l’élément « bertrand » sur le plan conceptuel, alors même que le caractère codominant de cet élément, dû à sa taille et à la place centrale qu’il occupe au sein du signe demandé, n’est pas contesté.

50      Par ailleurs, l’argument tenant à l’absence de toute association conceptuelle entre les éléments verbaux « bertrand » et « puma » ne tient aucunement compte de l’aspect visuel du signe demandé, dans la mesure où la stylisation identique de ces éléments favorise une lecture d’ensemble.

51      Il y a donc lieu de juger que la présence de l’élément « bertrand » au sein de la marque demandée atténue, dans une certaine mesure, la ressemblance induite par le contenu sémantique commun aux signes en conflit, de telle sorte que le degré de leur similitude conceptuelle doit être qualifié de moyen.

52      Ainsi, nonobstant l’appréciation erronée de la similitude visuelle retenue dans la décision attaquée, c’est à bon droit que la chambre de recours a pu conclure à l’existence d’une similitude globale entre les signes en conflit.

 Sur le lien entre les marques en conflit

53      La chambre de recours a relevé, en substance, que les produits en conflit étaient différents, s’adressaient à des publics différents, bien qu’ils se chevauchent en partie, et concernaient des marchés différents, ce qui excluait toute possibilité d’association entre les marques en conflit. Par ailleurs, la chambre de recours a relevé que la requérante n’avait pas établi l’existence de collaborations qu’elle aurait nouées dans les secteurs concernés, ce qui aurait pu être de nature à favoriser le rapprochement mental entre les marques en question. Dans ces conditions, en dépit de la similitude globale des signes en conflit et de la renommée incontestable de la marque antérieure, la chambre de recours a considéré que la condition de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, tenant à l’existence d’un lien entre les marques, n’était pas remplie.

54      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours, et en particulier la prise en compte des différences entre les produits concernés, dans le cadre de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Selon elle, les marques jouissant d’une très grande renommée, comme c’est le cas de la marque antérieure, bénéficient, en vertu de cette disposition, d’une protection renforcée et le rapprochement mental doit être dans leur cas présumé. Compte tenu de la renommée exceptionnelle et du caractère distinctif très élevé de la marque antérieure, il s’ensuit, selon la requérante, qu’elle ne saurait être tenue d’apporter la preuve d’un quelconque lien ou d’une quelconque similitude entre les produits concernés.

55      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’existence d’un lien entre les marques en conflit doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, C‑408/01, EU:C:2003:582, point 30). Parmi ces facteurs figurent le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services couverts par ces marques, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou ces services, le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif de la marque antérieure, ainsi que l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 41 à 42 et jurisprudence citée).

56      En particulier, si l’existence d’une similitude entre les produits et les services désignés par les marques en conflit ne constitue pas une condition d’application du motif relatif de refus prévu à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés constituent des facteurs pertinents afin d’apprécier l’existence d’un lien entre ces marques [voir arrêt du 7 décembre 2022, Puma/EUIPO – Vaillant (Puma), T‑623/21, non publié, EU:T:2022:776, point 68 et jurisprudence citée].

57      En premier lieu, il convient de relever que l’argumentation de la requérante repose sur la prémisse erronée selon laquelle le règlement 2017/1001 et la jurisprudence n’exigeraient pas la preuve de l’existence d’un lien mental pour les marques jouissant d’une très grande renommée. Selon la requérante, ce lien mental devrait être présumé, même lorsque les produits et les services visés par les marques en conflit sont différents et concernent des marchés radicalement différents.

58      Or, il ressort de la jurisprudence que le seul fait que la marque antérieure jouisse d’une grande renommée pour certaines catégories spécifiques de produits ou de services n’implique pas nécessairement l’existence d’un lien entre les marques en conflit (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 64). Aucune disposition du règlement 2017/1001 ne prévoit à cet égard de présomption au bénéfice des marques jouissant d’une renommée exceptionnelle, qui n’ont pas été soumises par le législateur de l’Union à un traitement particulier.

59      Contrairement à ce que soutient la requérante, une telle présomption ne saurait être déduite de la motivation de l’arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation (C‑252/07, EU:C:2008:655). En particulier, la motivation retenue au point 52 de cet arrêt, relative à l’hypothèse d’une marque ayant acquis une renommée allant au-delà du public concerné, ne remet pas en question le constat contenu au point 49 dudit arrêt, conformément auquel les produits ou services en cause peuvent être si dissemblables que la marque postérieure sera insusceptible d’évoquer la marque antérieure dans l’esprit du public pertinent.

60      Il s’ensuit que le lien susceptible d’être établi dans l’esprit du public pertinent avec une marque jouissant d’une renommée exceptionnelle ne saurait être présumé.

61      En deuxième lieu, il convient de relever que, pour conclure à l’absence de lien entre les marques en conflit, la chambre de recours ne s’est pas limitée à constater les différences manifestes entre les produits concernés. Bien au contraire, au point 43 de la décision attaquée, elle a rappelé la nécessité d’apprécier tous les facteurs pertinents du cas d’espèce.

62      À cet égard, premièrement, la chambre de recours a relevé que la marque antérieure bénéficiait auprès du grand public d’une renommée très élevée pour les vêtements de sport, les chaussures et les articles de chapellerie, tandis que les produits visés par la marque demandée s’adressaient principalement aux professionnels du secteur de la boulangerie. Si le public professionnel peut ainsi avoir connaissance de la marque antérieure, c’est à bon droit que la chambre de recours a rappelé que cette circonstance ne saurait suffire à démontrer que ce public établira un lien entre les marques en conflit [voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2022, Puma/EUIPO – DN Solutions (PUMA), T‑4/22, non publié, EU:T:2022:850, point 57].

63      Deuxièmement, en réponse aux allégations de la requérante visant à démontrer l’existence d’une similitude élevée entre les marques en conflit, la chambre de recours a procédé à une comparaison détaillée des signes en conflit, pour en déduire à bon droit, ainsi qu’il a été conclu au point 52 ci-dessus, qu’ils étaient globalement similaires.

64      Troisièmement, la chambre de recours a considéré que les produits concernés en l’espèce étaient radicalement différents, à tel point que la marque demandée serait incapable d’évoquer la marque antérieure dans l’esprit du public pertinent, en dépit de sa renommée élevée. À cet égard, la chambre de recours a relevé que le secteur des machines pour la boulangerie professionnelle et celui des articles et vêtements de sport n’avaient rien en commun, dans la mesure où les produits en question étaient fabriqués et commercialisés indépendamment les uns des autres et n’étaient pas utilisés ensemble. Elle a en a déduit qu’il était peu probable que les marques en conflit puissent être liées dans l’esprit du public pertinent.

65      Quatrièmement, la chambre de recours a indiqué que les éléments de preuve produits par la requérante n’étaient pas probants pour établir l’existence d’un lien entre les produits en cause.

66      Cinquièmement, elle a estimé que, compte tenu du contexte commercial très différent des marques en conflit, aucune collaboration ne paraissait susceptible de se réaliser entre les fabricants des produits que ces marques désignaient et a observé que la requérante n’avait produit aucun élément de nature à démontrer l’existence de tels accords.

67      Ainsi, il y a lieu de constater que la chambre de recours a conclu à l’absence de lien entre les marques en conflit, en tenant compte non seulement de la dissemblance entre les produits en conflit et entre les marchés concernés, mais également de l’absence d’éléments probants produits par la requérante pour établir l’existence d’un lien entre les produits en cause, du public pertinent auquel les marques s’adressaient et du fait qu’aucune collaboration ne paraissait susceptible de se réaliser entre les fabricants des produits que ces marques désignaient.

68      En troisième lieu, il est constant que les produits en conflit sont extrêmement différents et concernent des marchés radicalement différents. En effet, à l’instar de la chambre de recours, il convient de relever que le marché des produits visés par la marque demandée, à savoir celui des machines de boulangerie, n’a rien en commun avec celui des produits désignés par la marque antérieure, qui est celui des articles de sport. Les produits visés par la marque demandée relèvent d’un marché spécifique et limité qui est en tout point différent de celui dont relèvent les produits couverts par la marque antérieure. Ces premiers sont destinés principalement à un usage professionnel, alors que ces derniers sont destinés à la pratique du sport ou utilisés comme accessoires de mode.

69      En outre, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 49 de la décision attaquée, les produits couverts par les marque en conflit sont vendus dans des points de vente complètement différents.

70      De même, ainsi qu’il a été constaté aux points 21 à 22 ci-dessus, les produits couverts par les marques en conflit ciblent des publics différents. Ceux visés par la marque demandée s’adressent à un public professionnel, alors que ceux désignés par la marque antérieure sont destinés au grand public.

71      Par ailleurs, compte tenu de la spécificité des produits visés par la marque demandée et des marchés radicalement différents, l’hypothèse d’une collaboration avec la marque antérieure apparaît très peu probable, contrairement à ce que soutient la requérante. Au demeurant, il convient d’observer que cette dernière n’a produit aucun élément attestant de la conclusion d’accords de licence et de collaboration en ce sens.

72      En outre, compte tenu du caractère extrêmement dissemblable des produits et des marchés concernés, la circonstance que les publics pertinents se chevauchent dans une certaine mesure, ainsi qu’il a été indiqué aux points 21 à 22 ci-dessus, n’affecte pas la conclusion de la chambre de recours relative à l’absence de lien entre les marques en conflit. Il ressort en effet de la jurisprudence que, même si les publics concernés par les produits ou les services couverts par les marques en conflit sont les mêmes ou se chevauchent dans une certaine mesure, lesdits produits ou services peuvent être si dissemblables que la marque postérieure sera insusceptible d’évoquer la marque antérieure dans l’esprit du public pertinent (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 49).

73      Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a estimé, à juste titre, que, dans les circonstances particulières de l’espèce, compte tenu tant de la spécificité des produits visés par la marque demandée et du secteur dont ils relevaient que de la spécificité des publics auxquels ils étaient destinés, un rapprochement entre les marques en conflit était exclu, en dépit de l’intensité de la renommée de la marque antérieure, de son caractère distinctif élevé et de la similitude globale des signes en conflit.

 Sur le risque de voir l’usage sans juste motif de la marque demandée tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porter préjudice

74      Eu égard à l’absence de lien entre les marques en conflit, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur le risque de voir l’usage sans juste motif de la marque demandée tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porter préjudice [voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Puma/EUIPO – Doosan Machine Tools (PUMA), T‑62/16, EU:T:2018:604, point 38].

75      Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

76      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

77      Une audience ayant eu lieu et la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Puma SE est condamnée aux dépens.

Costeira

Kancheva

Tichy-Fisslberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 février 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.