Language of document : ECLI:EU:T:1999:319

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

13 décembre 1999 (1)

«Concurrence - Distribution automobile - Examen des plaintes - Recours en carence, en annulation et en indemnité»

Dans les affaires jointes T-9/96 et T-211/96,

Européenne automobile SARL, société de droit français, établie à Carcassonne (France), représentée par Me Jean-Claude Fourgoux, avocat au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Pierrot Schiltz, 4, rue Béatrix de Bourbon,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Giuliano Marenco, conseiller juridique, et Guy Charrier, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par MM. Marenco et Loïc Guérin, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes tendant à l'annulation de la décision de la Commission du 9 octobre 1996 rejetant une plainte de la requérante fondée sur l'article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) et à la réparation d'un préjudice,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, J. Pirrung et M. Vilaras, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 2 mars 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1.
    La requérante, Européenne automobile SARL, exerce en France, selon ses propres indications, les activités, d'une part, de vendeur de véhicules d'occasion et, d'autre part, de mandataire au sens du règlement (CEE) n° 123/85 de la Commission, du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles [JO 1985, L 15, p. 16, ci-après «règlement n° 123/85», remplacé, à partir du 1er octobre 1995, par le règlement (CE) n° 1475/95 de la Commission, du 28 juin 1995 (JO L 145, p. 25)].

2.
    Le 31 janvier 1994, la société Auto Cité, concessionnaire de la marque Peugeot à Carcassonne (France), a obtenu la condamnation de la requérante, par le tribunal de commerce de Carcassonne, pour concurrence déloyale, au motif que celle-ci n'aurait pas respecté les exigences du règlement n° 123/85 en ce qui concerne les importations parallèles de véhicules automobiles en provenance d'un autre État membre.

3.
    Le 27 juillet 1994, la requérante a déposé, auprès de la Commission, une plainte au titre de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13,p. 204, ci-après «règlement n° 17»), contre le constructeur de véhicules automobiles des marques Peugeot et Citroën (ci-après «PSA»).

4.
    Le 8 juin 1995, la cour d'appel de Montpellier a infirmé le jugement du tribunal de commerce de Carcassonne du 31 janvier 1994 et a débouté le concessionnaire de son action.

5.
    Par lettre du 27 septembre 1995, la requérante a mis la Commission en demeure de donner suite à sa plainte. Le 24 janvier 1996, elle a introduit auprès du Tribunal un recours visant à faire constater la carence de la Commission et à obtenir la réparation d'un préjudice (affaire T-9/96).

6.
    Le 28 mars 1996, la Commission a adressé à la requérante une communication au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 du Conseil (JO 1963, 127, p. 2268). Le 26 avril 1996, la requérante a fait parvenir ses observations sur cette communication.

7.
    Par décision du 9 octobre 1996, la Commission a rejeté la plainte de la requérante.

8.
    Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 17 décembre 1996, la requérante a formé un recours visant à l'annulation de cette décision et à la réparation d'un préjudice (affaire T-211/96).

9.
    Par ordonnance du 21 janvier 1999, le président de la première chambre du Tribunal a décidé la jonction des affaires aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.

10.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience publique du 2 mars 1999.

Conclusions des parties

11.
    Dans l'affaire T-9/96, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    constater la carence de la Commission;

-    condamner la Commission à lui verser la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts;

-     condamner la Commission aux dépens.

12.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable;

-    considérer, à titre subsidiaire, le recours comme dénué d'objet et, de surcroît, comme non fondé;

-     condamner la requérante aux dépens.

13.
    Dans l'affaire T-211/96, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision du 9 octobre 1996;

-     constater la responsabilité extracontractuelle de la Commission et allouer à la requérante la somme de 246 000 euros;

-     condamner la Commission aux dépens.

14.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable en ce qui concerne la mise en jeu de la responsabilité de la Commission;

-    considérer ce recours en ses autres moyens comme non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur le désistement de la requérante dans l'affaire T-9/96

15.
    En réponse à une question posée par le Tribunal, le représentant de la requérante a annoncé, à l'audience, qu'il se désisterait par écrit des conclusions en carence et en indemnisation dans l'affaire T-9/96. Par lettre du 23 mars 1999, la requérante a déclaré qu'elle «se résigne à accepter que le Tribunal ne statue pas sur la carence (inaction qui lui a été gravement préjudiciable)».

16.
    A la lumière des déclarations faites par son représentant à l'audience, le Tribunal estime que cette lettre doit être interprétée en ce sens que la requérante se désiste de ses demandes en carence et en indemnité dans l'affaire T-9/96.

Sur le fond de l'affaire T-211/96

Sur le recours en annulation de la décision du 9 octobre 1996

17.
    Dans ses mémoires, la requérante a avancé, en substance, quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation des formes substantielles, et plus particulièrement des garanties procédurales, le deuxième de la violation du traité, le troisième d'une erreur manifeste d'appréciation de la Commission dans l'exercice de son pouvoir de prendre des mesures provisoires et, le quatrième, d'un détournement de pouvoir.

18.
    A l'audience, la requérante a soulevé deux moyens nouveaux, tirés, respectivement, de ce que le caractère déraisonnable du délai entre sa plainte et la décision attaquée suffirait à justifier l'annulation de celle-ci et de ce que la décision n'a pas été suffisamment motivée.

19.
    Il y a lieu, d'abord, d'examiner conjointement les premier et deuxième moyens et les deux moyens soulevés à l'audience qui visent, en substance, à faire valoir que la Commission a manqué à ses obligations concernant le traitement de la plainte.

Sur les moyens tirés de la violation, par la Commission, de ses obligations concernant le traitement de la plainte

- Argumentation des parties

20.
    Par son premier moyen, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir fait un examen soigneux et impartial de sa plainte comme celle-ci en avait l'obligation.

21.
    Le deuxième moyen est articulé en quatre branches. Par la première branche, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la force probante des éléments de preuve qui lui ont été soumis.

22.
    Par la deuxième branche du moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation de l'intérêt communautaire.

23.
    Dans la troisième branche du moyen, la requérante invoque une erreur manifeste quant à la localisation du centre de gravité de l'infraction et quant à la compétence des juridictions et des autorités administratives françaises.

24.
    Par la quatrième branche de son moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste en ce qui concerne les mesures prises par PSA pour accompagner le programme d'aides étatiques à l'achat de voitures neuves, dénommé «prime Balladur».

25.
    La Commission rappelle qu'il est de son pouvoir, et même de son devoir, d'affecter prioritairement les moyens dont elle dispose aux seules affaires présentant un intérêt communautaire suffisant.

26.
    Elle conteste, par ailleurs, la recevabilité du moyen tiré d'une violation des garanties procédurales et des formes substantielles, au motif que les reproches de la requérante ne sont pas étayés.

- Appréciation du Tribunal

27.
    Les obligations de la Commission, lorsqu'elle est saisie d'une plainte, ont été définies par une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, confirmée, en dernier lieu, par l'arrêt de la Cour du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission (C-119/97 P, Rec. p. I-1341, points 86 et suivants).

28.
    Il ressort, notamment, de cette jurisprudence que la Commission, lorsqu'elle décide d'accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie, peut non seulement arrêter l'ordre dans lequel les plaintes seront examinées, mais également rejeter une plainte pour défaut d'intérêt communautaire suffisant à poursuivre l'examen de l'affaire (voir aussi arrêt du Tribunal du 24 janvier 1995, Tremblay e.a./Commission, T-5/93, Rec. p. II-185, point 60).

29.
    Le pouvoir discrétionnaire dont dispose la Commission à cet effet n'est cependant pas sans limites. La Commission est, ainsi, astreinte à une obligation de motivation lorsqu'elle refuse de poursuivre l'examen d'une plainte, cette motivation devant être suffisamment précise et détaillée pour mettre le Tribunal en mesure d'exercer un contrôle effectif sur l'exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire de définir des priorités (voir arrêt Ufex e.a./Commission, précité, points 89 à 95). Ce contrôle ne doit pas conduire le Tribunal à substituer son appréciation de l'intérêt communautaire à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu'elle n'est entachée d'aucune erreur de droit ni d'aucune erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec/Commission, T-24/90, Rec. p. II-2223, point 80).

30.
    Il y a lieu d'examiner, à la lumière de ces principes, les premier et deuxième moyens de la requérante, ainsi que les moyens soulevés à l'audience.

31.
    En ce qui concerne la recevabilité du premier moyen, il y a lieu de rappeler que le Tribunal peut examiner d'office la violation des formes substantielles et, notamment, des garanties procédurales conférées par l'ordre juridique communautaire (voir arrêt de la Cour du 7 mai 1991, Interhotel/Commission, C-291/89, Rec. p. I-2257, point 14), ce qui vaut également pour le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée soulevé à l'audience.

32.
    En l'espèce, il y a lieu de constater que la décision du 9 octobre 1996 expose clairement les considérations de droit et de fait qui ont conduit la Commission à conclure à l'absence d'un intérêt communautaire suffisant. Par conséquent, le grief tiré d'une violation du devoir de motivation n'est pas fondé.

33.
    Quant au grief tiré, dans le cadre du premier moyen, de ce que la Commission a manqué à son devoir d'examiner la plainte avec l'attention requise, il ressort de la motivation de la décision attaquée, lue conjointement avec la communication adressée à la requérante au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63, du 25 juillet 1963, précité, que la Commission a examiné attentivement les éléments avancés par la requérante. Il ressort, en outre, du dossier que la Commission, conformémentà ce qu'impliquait en l'espèce une analyse impartiale, a examiné également les observations faites à sa demande par PSA sur les reproches contenus dans la plainte. Dès lors, ce grief n'est pas fondé.

34.
    Quant au moyen soulevé à l'audience et tiré de la durée de la procédure devant la Commission, il y a lieu de rappeler que, conformément à l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Le présent moyen, qui ne peut pas être considéré comme l'ampliation d'un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d'instance, présentant un lien étroit avec celui-ci, doit donc être déclaré irrecevable. Par ailleurs, dans les circonstances de la présente affaire, il n'y a pas lieu d'examiner ce moyen d'office.

35.
    Pour ce qui est, ensuite, de la première branche du deuxième moyen, tirée de la méconnaissance de la force probante des éléments fournis par la requérante, il y a lieu d'examiner séparément les différentes allégations que contenait la plainte.

36.
    En ce qui concerne les actions judiciaires contre la requérante et d'autres entreprises exerçant des activités similaires, l'existence d'un contentieux important relatif à l'activité des mandataires et des revendeurs indépendants ne suffit pas, en l'absence d'autres éléments de preuve, pour démontrer qu'une concertation entre PSA et ses concessionnaires est à l'origine de ces actions.

37.
    Pour ce qui est, ensuite, des refus de vente opposés à la requérante et à d'autres entreprises exerçant des activités similaires, ainsi que des mesures visant à décourager les ventes des concessionnaires étrangers de PSA à de telles entreprises, les éléments de preuve avancés par la requérante ne suffisent pas, à eux seuls, à démontrer l'existence d'une entente visant à faire obstacle à l'activité des intermédiaires mandatés agissant conformément à l'article 3, point 11, du règlement n° 123/85. Ces éléments ont, en outre, fait l'objet d'une explication plausible de la part de PSA, en ce sens que celle-ci s'opposait uniquement à l'activité des revendeurs indépendants, ce qui n'est pas contraire au droit de la concurrence. La Commission ne pouvait pas considérer, en l'espèce, qu'une infraction était établie (voir arrêt du Tribunal du 21 janvier 1999, Riviera auto service e.a./Commission, T-185/96, T-189/96, T-190/96, Rec. p. II-93, point 47).

38.
    Il y a lieu d'ajouter que la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste en ce qui concerne l'activité de la requérante. En effet, la Commission ne fonde pas le rejet de la plainte sur la constatation que la requérante n'exerçait pas seulement l'activité d'intermédiaire mais aussi celle de revendeur indépendant. Elle se borne à considérer que les deux hypothèses sont possibles.

39.
    En ce qui concerne le grief ayant trait à la présentation par PSA et ses concessionnaires de la réglementation française relative aux millésimes automobiles,il convient de relever que les problèmes soulevés par la plainte ne suffisent pas à établir l'existence d'une entente illicite à cet égard.

40.
    S'agissant, enfin, de l'argument tenant à la multiplicité des plaintes déposées contre PSA, la requérante n'a avancé aucun élément concret permettant de déduire que la Commission aurait méconnu les éléments de preuve fournis dans le cadre de ces plaintes ni qu'elle ait failli à ses obligations dans leur examen. Au contraire, la Commission, qui avait été saisie de nombreuses plaintes, dirigées non seulement contre PSA, mais également contre d'autres constructeurs, est intervenue dans le secteur concerné par sa décision 98/273/CE, du 28 janvier 1998, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/35.733 - VW) (JO L 124, p. 60, ci-après «affaire VW») .

41.
    Par conséquent, le grief tiré d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la force probante des éléments de preuve produits par la requérante n'est pas fondé.

42.
    Quant à la deuxième branche du deuxième moyen, tirée d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de l'intérêt communautaire à instruire la plainte, il appartient, notamment, au Tribunal de vérifier s'il ressort de la décision que la Commission a mis en balance l'importance de l'atteinte que l'infraction alléguée est susceptible de porter au fonctionnement du marché commun, la probabilité de pouvoir établir son existence et l'étendue des mesures d'instruction nécessaires en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de veiller au respect des articles 85 et 86 du traité CE (devenus articles 81 CE et 82 CE) (voir arrêts Automec/Commission, précité, point 86, Tremblay e.a./Commission, précité, point 62, et Riviera auto services e.a./Commission, précité, point 46).

43.
    A cet égard, la Commission ne peut, lorsqu'elle arrête l'ordre de priorité dans le traitement des plaintes dont elle est saisie, considérer comme exclues a priori de son champ d'action certaines situations qui relèvent de la mission qui lui est impartie par le traité. La Commission est, notamment, tenue d'apprécier dans chaque espèce la gravité des atteintes à la concurrence alléguées (voir arrêt Ufex e.a./Commission, précité, points 92 et 93).

44.
    Or, la décision attaquée ne contient aucune indication permettant de supposer que la Commission ait méconnu que le comportement reproché à PSA en l'espèce, visant à entraver les importations parallèles de véhicules par des intermédiaires mandatés, à le supposer établi, constituerait une atteinte à la concurrence particulièrement grave.

45.
    Pour pouvoir déterminer, en l'espèce, si une infraction aux règles de la concurrence existait ou non, la Commission aurait, en outre, dû se procurer des éléments de preuve supplémentaires, ce qui, vraisemblablement, aurait nécessité des mesures d'instruction au titre des articles 11 et suivants du règlement n° 17 et, plus particulièrement, des vérifications au titre de l'article 14, paragraphe 3, de ce règlement. L'appréciation de la Commission selon laquelle les investigationsnécessaires pour qu'elle puisse se prononcer, en l'espèce, sur l'existence des infractions alléguées par la requérante impliqueraient la mise en oeuvre de moyens importants n'apparaît donc pas comme manifestement erronée.

46.
    De plus, il est légitime pour la Commission de tenir compte, dans l'appréciation de l'intérêt communautaire à instruire une plainte, non seulement de la gravité de l'infraction alléguée et de l'étendue des mesures d'instruction requises pour pouvoir établir son existence, mais également de la nécessité de clarifier la situation juridique relative au comportement visé par la plainte et de définir les droits et obligations, au regard du droit communautaire de la concurrence, des différents opérateurs économiques concernés par ce comportement.

47.
    En l'espèce, la décision attaquée souligne à juste titre que les droits et obligations respectifs des intermédiaires mandatés, des constructeurs automobiles et des distributeurs ont été définis et précisés par les règlements d'exemption par catégorie n° 123/85 et n° 1475/95, du 28 juin 1995, précité, par la communication 91/C 329/06 de la Commission, du 4 décembre 1991, intitulée «Clarification de l'activité des intermédiaires en automobiles» (JO C 329, p. 20), ainsi que par la jurisprudence du Tribunal et de la Cour, respectivement, dans les arrêts du 22 avril 1993, Peugeot/Commission (T-9/92, Rec. p. II-493), et du 16 juin 1994, Peugeot/Commission (C-322/93 P, Rec. p. I-2727). Dans ces conditions, la Commission pouvait considérer, sans commettre d'erreur manifeste, que les juridictions et autorités nationales étaient en mesure de traiter les infractions alléguées dans la plainte de la requérante et de sauvegarder les droits de celle-ci découlant du droit communautaire.

48.
    Le fait qu'elle a poursuivi, dans l'affaire VW, des comportements à première vue analogues à ceux reprochés par la requérante à PSA et son réseau et mettant en cause un autre constructeur automobile ne démontre pas que la Commission ait commis une erreur d'appréciation de l'intérêt communautaire dans la présente affaire.

49.
    En effet, lorsqu'elle est confrontée à une situation dans laquelle de nombreux éléments permettent de soupçonner des agissements contraires au droit de la concurrence de la part de plusieurs grandes entreprises appartenant au même secteur économique, la Commission est en droit de concentrer ses efforts sur une des entreprises concernées, tout en indiquant aux opérateurs économiques éventuellement lésés par le comportement infractionnel des autres contrevenants qu'il leur appartenait de saisir les juridictions nationales. S'il en était autrement, la Commission serait contrainte de répartir ses moyens dans différentes enquêtes de grande envergure, ce qui impliquerait le risque qu'aucune d'entre elles ne puisse être menée à bien. Le bénéfice pour l'ordre juridique communautaire résultant de la valeur d'exemple d'une décision à l'égard d'une des entreprises en infraction serait alors perdu, notamment pour les opérateurs économiques lésés par le comportement des autres sociétés. Dans ce contexte, il convient également derappeler que la Commission était déjà intervenue à l'égard de Peugeot par sa décision 92/154/CEE, du 4 décembre 1991, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/33.157 - Eco System/Peugeot) (JO 1992, L 66, p. 1), qui a fait l'objet des arrêts du 22 avril 1993 Peugeot/Commission, précité, et du 16 juin 1994, Peugeot/Commission, précité .

50.
    Dans ces conditions, le fait que la Commission a préféré poursuivre l'examen des plaintes ayant donné lieu à sa décision dans l'affaire VW plutôt que les plaintes dirigées contre PSA, au nombre desquelles se trouvait celle de la requérante, ne permet pas de constater que la Commission ait manqué à son obligation d'examiner, cas par cas, la gravité des infractions alléguées et l'intérêt communautaire à ce qu'elle intervienne, ni qu'elle ait commis une erreur d'appréciation à cet égard.

51.
    Pour ce qui est de la troisième branche du moyen, tirée d'une erreur manifeste concernant la localisation du centre de gravité de l'infraction, il convient de relever, d'abord, que la décision attaquée ne saurait être comprise en ce sens que la Commission aurait estimé qu'il n'y avait pas d'intérêt communautaire à ce qu'elle intervienne au seul motif que le centre de gravité des agissements visés par la plainte se trouvait à l'intérieur d'un seul État membre. Cette circonstance ne constitue que l'une des données qu'elle a prises en considération dans le cadre de son appréciation, et le libellé de la décision attaquée fait apparaître que cet élément y figure à titre subsidiaire et surabondant.

52.
    Il ressort, ensuite, de la décision attaquée que la Commission n'a pas méconnu le caractère transfrontalier des opérations en cause. C'est, cependant, à juste titre qu'elle considère que les principaux acteurs concernés par la présente affaire, à savoir le constructeur, la requérante et les consommateurs, clients de celle-ci, sont situés en France et que les juridictions et les autorités administratives françaises sont compétentes pour traiter le contentieux qui oppose la requérante à PSA et à son réseau. Les juridictions nationales sont, notamment, mieux à même que la Commission de procéder à l'examen des faits nécessaire pour pouvoir se prononcer sur la question de savoir si la requérante exerce seulement l'activité de mandataire ou également celle de revendeur indépendant.

53.
    Par conséquent, l'appréciation, par la Commission, de l'intérêt communautaire à poursuivre la plainte de la requérante n'est pas entachée d'erreurs manifestes concernant la localisation des faits pertinents.

54.
    Pour ce qui est, enfin, de la quatrième branche du deuxième moyen, tirée d'une erreur manifeste concernant les mesures prises par PSA à la suite de la mise en oeuvre par le gouvernement français de la prime Balladur, il suffit de relever que le fait pour un constructeur de permettre à ses concessionnaires d'accorder des remises supplémentaires sans en faire bénéficier les importations parallèles ne saurait être considéré comme une infraction au droit de la concurrence.

55.
    Il s'ensuit que les premier et deuxième moyens et les deux moyens soulevés à l'audience doivent être rejetés.

Sur le troisième moyen, tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de la Commission concernant la question de l'adoption de mesures provisoires

56.
    La plainte de la requérante ne contient aucune demande formelle de mesures provisoires. Dans sa lettre du 27 septembre 1995 (citée ci-dessus au point 5), la requérante a, certes, demandé que la Commission «mette en demeure PSA de cesser de faire pression sur ses concessionnaires italiens». Toutefois, cette requête ne vise pas explicitement l'adoption de mesures provisoires. Elle peut tout aussi bien être comprise en ce sens que la requérante sollicite l'adoption d'une décision définitive au titre de l'article 3 du règlement n° 17. Par ailleurs, la lettre du 26 avril 1996, par laquelle la requérante a fait connaître ses observations sur la communication de la Commission au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63, du 25 juillet 1963, précité, ne contient, quant à elle, aucune référence à une éventuelle demande de mesures provisoires. La décision attaquée ne prend pas non plus position sur une pareille demande. Dans ces conditions, le moyen tiré d'une erreur manifeste à l'égard d'une prétendue demande de mesures provisoires n'est pas fondé.

Sur le quatrième moyen, tiré d'un détournement de pouvoir

57.
    La requérante s'est bornée à citer dans ses mémoires, d'une manière abstraite, des principes de droit ainsi que des arrêts relatifs à la notion de détournement de pouvoir, sans préciser en quoi, selon elle, ce moyen d'annulation devrait être retenu en l'espèce. Ce moyen ne remplit donc pas les exigences de l'article 19 du statut (CE) de la Cour et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal. Par conséquent, il doit être rejeté comme étant irrecevable.

58.
    Il s'ensuit que la demande visant à l'annulation de la décision attaquée n'est pas fondée.

Sur le recours en indemnité

Argumentation des parties

59.
    La requérante expose que la Commission, en refusant d'instruire des dossiers qui faisaient apparaître les pratiques anticoncurrentielles de constructeurs et en s'abstenant de mettre un terme à ces pratiques, a commis une faute de nature à engager la responsabilité extracontractuelle de la Communauté.

60.
    La Commission soutient que le recours ne respecte pas les conditions posées par les dispositions de l'article 19 du statut de la Cour et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal.

Appréciation du Tribunal

61.
    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d'un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées (arrêts du Tribunal Riviera auto service e.a./Commission, précité, point 90, et du 18 juin 1996, Vela Palacios/CES, T-150/94, RecFP p. II-877, point 51). En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que la Commission n'est pas obligée, lorsqu'elle est saisie d'une plainte au titre de l'article 3 du règlement n° 17, de prendre une décision quant à l'existence ou non de l'infraction alléguée, sauf lorsque la plainte relève de ses compétences exclusives, ce qui n'est pas le cas en l'espèce (voir, par exemple, arrêt Tremblay e.a./Commission, précité, point 59). Il s'ensuit que le comportement de la Commission visé par la présente demande en indemnité ne saurait constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de la Communauté.

62.
    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter la demande en indemnité, sans qu'il soit nécessaire d'examiner la question de savoir si les développements de la requérante quant à la nature et à l'étendue du préjudice et quant au lien de causalité entre le comportement reproché à la Commission et ce préjudice sont suffisants au regard des exigences de l'article 19 du statut de la Cour et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal.

Sur les dépens

63.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Selon l'article 87, paragraphe 5, premier alinéa, la partie qui se désiste est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens par l'autre partie dans ses observations sur le désistement. Toutefois, à la demande de la partie qui se désiste, les dépens sont supportés par l'autre partie, si cela apparaît justifié en vertu de l'attitude de cette dernière.

64.
    Dans l'affaire T-9/96, la requérante s'est désistée de son recours en carence alors que celui-ci était devenu sans objet en raison de l'adoption d'une décision définitive de la Commission sur la plainte. Dans ces conditions, il paraît justifié que la Commission supporte les dépens, conformément à l'article 87, paragraphe 5, du règlement de procédure.

65.
    La requérante ayant succombé dans l'affaire T-211/96, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours dans l'affaire T-211/96 est rejeté.

2)    La partie requérante supportera les dépens dans l'affaire T-211/96.

3)    L'affaire T-9/96 est radiée du registre.

4)    La Commission supportera les dépens dans l'affaire T-9/96.

Vesterdorf
Pirrung
Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le français.