Language of document : ECLI:EU:C:2015:528

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 3 septembre 2015 (1)

Affaire C‑141/14

Commission européenne

contre

République de Bulgarie

«Protection de la nature – Directive 2009/147/CE – Conservation des oiseaux sauvages – Zones de protection ‘Kaliakra’ et ‘Belite Skali’ – Directive 92/43/CEE – Protection des habitats naturels et des espèces vivant à l’état sauvage – Zone de protection ‘Kompleks Kaliakra’– Directive 2011/92/UE – Contrôle des effets de certains projets sur l’environnement – Application des règles de l’Union dans le temps – Dégradation des habitats naturels des espèces et perturbation des espèces – Énergie éolienne – Tourisme»





Table des matières

I –   Introduction

II – Cadre juridique

A –   La directive «oiseaux»

B –   La directive «habitats»

C –   La directive 2011/92

III – Les faits à l’origine du litige, la procédure précontentieuse et les conclusions de la requérante

A –   Quant aux zones concernées

B –   Sur la procédure

IV – Appréciation juridique

A –   Sur le classement de certaines surfaces en tant que ZICO (point A des conclusions de la requérante)

1.     Sur la reconnaissance de la surface litigieuse en tant que zone à protéger

2.     Sur les critères juridiques

3.     Sur l’application au recours de la Commission

a)     Sur les oiseaux nicheurs

b)     Sur la migration des oiseaux

c)     Sur l’hivernage de la bernache à cou roux

4.     Conclusion intermédiaire

B –   Sur les projets visant des surfaces protégées ou à protéger (moyens B et C du recours)

1.     Sur les projets dans les ZPS «Kaliakra» et «Belite Skali» ainsi que sur la proposition du SIC «Kompleks Kaliakra» (point C des conclusions de la requête)

a)     Sur l’interprétation de cette conclusion de la requérante

b)     Sur la violation alléguée de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» en ce qui concerne les ZPS «Kaliakra» et «Belite Skali»

i)     Sur l’applicabilité ratione temporis de l’article 6, paragraphe 2 de la directive «habitats»

ii)   Sur le critère de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats»

iii) Sur la détérioration de la ZPS «Kaliakra»

c)     Sur la protection provisoire du site «Kompleks Kaliakra» proposé

2.     Sur les projets sur les surfaces qui n’étaient pas initialement protégées (point B des conclusions de la requérante)

a)     Critères juridiques

b)     Sur les projets

i)     Sur les trois projets qui n’ont pas été réalisés

ii)   Sur les trois projets qui ont été réalisés

c)     Sur la détérioration de la zone

d)     Conclusion intermédiaire

3.     Sur les conséquences d’une éventuelle condamnation

C –   Sur l’évaluation des incidences sur l’environnement (point D des conclusions de la requérante)

1.     Sur l’applicabilité ratione temporis de la directive 2011/92

2.     Sur les projets

a)     Sur les décisions devenues caduques comme objet de la présente procédure en manquement

b)     Sur la possibilité d’une violation de la directive 2011/92 par des projets non exécutés

3.     Sur la prise en considération de l’effet cumulatif lors de la vérification préliminaire

4.     Conclusion intermédiaire

V –   Sur les dépens

VI – Conclusion

I –    Introduction

1.        La protection des oiseaux et l’exploitation de l’énergie éolienne servent toutes deux à la préservation de l’environnement. Le présent recours de la Commission européenne montre cependant qu’elles peuvent présenter des incompatibilités. Il concerne en effet certains projets, pour la plupart des installations éoliennes, dans une région de la Bulgarie qui présente, de l’avis de maints ornithologues, un grand intérêt pour la protection des oiseaux. Outre la Cour de justice, cette situation occupe également, depuis longtemps (2), le comité permanent de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (3).

2.        La Commission fait grief à la République de Bulgarie de ne pas avoir suffisamment protégé, conformément à la directive 2009/147/CE (4) et à la directive 92/43/CEE (5), et d’avoir détérioré avec différents projets des parties de la région en question. Certains projets auraient en outre été réalisés en violation de la directive 2011/92/UE (6). D’autres projets auraient détérioré des zones classées en tant que zones de protection ainsi qu’une zone spéciale de conservation au sens de la directive «habitats».

3.        Le présent recours est caractérisé par sa grande complexité factuelle et soulève principalement des questions juridiques quant à l’application du droit de l’Union relatif à la protection de l’environnement à des projets initiés avant l’adhésion de la République de Bulgarie, mais qui n’ont été complètement réalisés qu’après et qui affectent, aujourd’hui encore, des zones protégées ou qui devraient l’être.

II – Cadre juridique

A –    La directive «oiseaux»

4.        L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux» prévoit que les États membres classent en zones de protection spéciale (ci-après les «ZPS») les territoires les plus appropriés à la conservation des oiseaux mentionnés à l’annexe I de la directive et des oiseaux migrateurs:

«1.      Les espèces mentionnées à l’annexe I font l’objet de mesures de conservation spéciale concernant leur habitat, afin d’assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de distribution.

[…]

Les États membres classent notamment en zones de protection spéciale les territoires les plus appropriés en nombre et en superficie à la conservation de ces espèces dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de la présente directive.

2.      Les États membres prennent des mesures similaires à l’égard des espèces migratrices non visées à l’annexe I dont la venue est régulière, compte tenu des besoins de protection dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de la présente directive en ce qui concerne leurs aires de reproduction, de mue et d’hivernage et les zones de relais dans leur aire de migration. […]»

5.        L’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» contient une disposition de protection des ZPS:

«Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones de protection visées aux paragraphes 1 et 2, la pollution ou la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant les oiseaux, pour autant qu’elles aient un effet significatif eu égard aux objectifs du présent article. […]»

B –    La directive «habitats»

6.        La directive «habitats» prévoit elle aussi la désignation de zones de conservation, appelées «sites d’importance communautaire» (ci‑après les «SIC»), en vue de protéger certains types d’habitat et d’espèces de la faune et de la flore, mais sans viser directement la protection des oiseaux. Ensemble avec les ZPS de la directive «oiseaux», les SIC forment le réseau Natura 2000.

7.        La protection des zones est régie à l’article 6, paragraphes 2 à 4:

«2.      Les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées, pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.

3.      Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.

4.      Si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Nature 2000 est protégée. L’État membre informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.

[…]»

8.        L’article 7 de la directive «habitats» transpose ces dispositions aux ZPS au sens de la directive «oiseaux»:

«Les obligations découlant de l’article 6 paragraphes 2, 3 et 4 de la présente directive se substituent aux obligations découlant de l’article 4 paragraphe 4 première phrase de la directive [‘oiseaux’] en ce qui concerne les zones classées en vertu de l’article 4 paragraphe 1 ou reconnues d’une manière similaire en vertu de l’article 4 paragraphe 2 de ladite directive à partir de la date de mise en application de la présente directive ou de la date de la classification ou de la reconnaissance par un État membre en vertu de la directive [‘oiseaux’] si cette dernière date est postérieure.»

C –    La directive 2011/92

9.        L’objectif de la directive 2011/92 est fixé en son article 2, paragraphe 1:

«Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences. Ces projets sont définis à l’article 4.»

10.      L’article 4, paragraphes 1 à 3, et les annexes I à III de la directive 2011/92 précisent quels projets doivent être soumis à une évaluation de leur incidence sur l’environnement:

«[…]

2.      Sous réserve de l’article 2 paragraphe 3, les États membres déterminent, pour les projets énumérés à l’annexe II:

a)      sur la base d’un examen cas par cas;

ou

b)      sur la base des seuils ou critères fixés par l’État membre.

si le projet doit être soumis à une évaluation conformément aux articles 5 à 10.

Les États membres peuvent décider d’appliquer les deux procédures visées aux points a) et b).

3.      Pour l’examen cas par cas ou la fixation des seuils ou critères fixés en application du paragraphe 2, il est tenu compte des critères de sélection pertinents fixés à l’annexe III.»

11.      L’annexe II, point 3, sous i), de la directive 2011/92 mentionne les «Installations destinées à l’exploitation de l’énergie éolienne pour la production d’énergie (parcs éoliens)».

12.      Enfin, l’annexe III de la directive 2011/92 établit les critères de sélection visés à l’article 4, paragraphe 3, pour les projets de l’annexe II:

«1.      Caractéristiques des projets

Les caractéristiques des projets doivent être considérées notamment par rapport:

[…]

b)      au cumul avec d’autres projets;

[…].»

III – Les faits à l’origine du litige, la procédure précontentieuse et les conclusions de la requérante

A –    Sur les zones concernées

13.      Le territoire de la presqu’île de Kaliakra est d’une très grande importance pour la protection de la nature. C’est pourquoi la société bulgare de protection des oiseaux, une organisation non gouvernementale spécialisée dans la protection des oiseaux et qui représente ledit État au sein de l’association internationale des organisations de protection des oiseaux Birdlife International, estime qu’à cet endroit se trouve un territoire qui se prête particulièrement à la protection des oiseaux et qui couvre une superficie d’environ 16 000 hectares (7).

14.      Le 18 décembre 2007, la République de Bulgarie a classé, conformément à la directive «oiseaux», une zone de protection, la ZPS «Kaliakra», laquelle ne comprend cependant que les deux tiers du territoire de la zone de Kaliakra identifiée par la société de protection des oiseaux.

15.      Le même jour, la République de Bulgarie a établi, à l’ouest de la ZPS «Kaliakra», et en dehors de la zone importante pour la conservation des oiseaux (ci-après la «ZICO»), une autre zone de protection des oiseaux, la ZPS «Belite Skali».

16.      Toujours le 18 décembre 2007, la République de Bulgarie a proposé à la Commission de désigner sous le nom de «Kompleks Kaliakra» une zone de protection au sens de la directive «habitats», un SIC qui comprend presque l’ensemble de la surface des deux ZPS susmentionnées. Le 15 décembre 2008, la Commission a inclus la zone en question dans la liste des SIC (8). Le formulaire standard des données relatif à cette zone, transmis par la République de Bulgarie à la Commission (9), cite 18 types d’habitat, dont 2 300 hectares de l’habitat prioritaire «steppes ponto-sarmatiques» (code Natura 2000 62C0).

B –    Sur la procédure

17.      Depuis l’année 2007, la Commission est saisie de plaintes concernant la protection des zones en question et entretient à ce sujet une correspondance avec la République de Bulgarie. Ces contacts ont donné lieu, en 2008, à la suite de deux invitations à présenter des observations conformément à l’article 258 TFUE, à une invitation récapitulative complémentaire à présenter des observations du 30 septembre 2011 et à un avis motivé de la Commission du 22 juin 2012.

18.      La République de Bulgarie a répondu à cela par différentes lettres, en informant la Commission, entre autres, de ce que le Conseil national pour la biodiversité aurait décidé, le 8 octobre 2013, d’étendre la ZPS «Kaliakra» jusqu’aux limites de la ZICO «Kaliakra». Le 6 novembre 2013, le Conseil des ministres bulgare aurait arrêté une décision en ce sens (10). La République de Bulgarie a ensuite transmis à la Commission un formulaire standard des données actualisé concernant la zone en question (11).

19.      La Commission n’ayant pas jugé satisfaisantes les réponses de la République de Bulgarie, elle a introduit le présent recours, le 24 mars 2014, tendant à constater que:

A)      Étant donné qu’elle n’a pas inclus les territoires des zones importantes pour la conservation des oiseaux dans la zone de protection spéciale «Kaliakra» dans leur intégralité, la République Bulgarie n’a pas classé en ZPS les territoires les plus appropriés en nombre et en superficie en vue de la protection des espèces visées à l’annexe I de la directive 2009/147/CE et des espèces migratrices non incluses dans l’annexe I dont la venue est régulière, dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de la directive 2009/147/CE. Par conséquent, de cette manière, la République Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en application de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 2009/147/CE.

B)      En approuvant les projets «AES Geo Energy» OOD, «Windtech» OOD, «Brestiom» OOD, «Disib» OOD, «Eco Energy» OOD et «Longman Investment» OOD sur le territoire de la zone importante pour la conservation des oiseaux «Kaliakra», laquelle n’a pas été classée en zone de protection spéciale, alors qu’elle aurait dû l’être, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en application de l’article 4, paragraphe 4, de la directive 2009/147/CE, tel qu’interprété par la Cour dans les affaires C‑96/98 et C‑374/98.

C)      En approuvant des projets sur les territoires de la zone de protection spéciale «Kaliakra», du site d’importance communautaire «Kompleks Kaliakra» et de la zone de protection spéciale «Belite Skali» («Kaliakra Wind Power» AD, «EVN Enertrag Kavarna» OOD, «TSID – Atlas» EOOD, «Vertikal – Petkov & Cie» OOD, le terrain de golf et centre thermal «Thracian Cliffs Golf and Spa Resort» OOD), la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en application de l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43/CEE , telle qu’interprétée par la Cour dans les affaires C‑117/03 et C‑244/05, car elle n’a pas pris de mesures appropriées pour éviter la détérioration de l’état des habitats naturels et des habitats des espèces, ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été classées.

D)      Du fait que l’effet cumulatif des projets approuvés («AES Geo Energy» OOD, «Windtech» OOD, «Brestiom» OOD, «Disib» OOD, «Eco Energy» OOD et «Longman Investment» OOD), sur le territoire qui n’a pas été classé en ZPS de la zone importante pour la conservation des oiseaux «Kaliakra», n’a pas été correctement évalué, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en application de l’article 2, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphes 2 et 3, et l’annexe III, point 1, sous b), de la directive 2011/92/CE.

20.      La Commission demande en outre à la Cour de:

–        condamner la République de Bulgarie aux dépens.

21.      La République de Bulgarie demande, quant à elle, à la Cour de:

–        rejeter le recours et

–        condamner la Commission aux dépens.

22.      Dans sa réplique, la Commission a retiré de ses conclusions le point C, pour autant qu’il visait le projet «TSID – Atlas» EOOD, et le point D, pour autant qu’il visait les projets «AES Geo Energy» OOD et «Disib» OOD.

23.      Après la procédure écrite, les parties ont plaidé lors de l’audience qui s’est tenue le 20 mai 2015.

IV – Appréciation juridique

24.      Tout d’abord, je me pencherai sur le point A des conclusions de la requérante, quant à la nécessité de classer des surfaces déterminées en ZPS, puis sur le point C, concernant certains projets à l’intérieur des ZPS «Kaliakra» et «Belite Skali» classées. Ensuite, j’apprécierai le point B, concernant des projets à l’intérieur des surfaces examinées sous le point A, et enfin le point D, quant au respect de la directive 2011/92.

A –    Sur le classement de certaines surfaces en tant que ZICO (point A des conclusions de la requérante)

25.      La Commission fait valoir, tout d’abord, que des surfaces d’un peu plus de 5 000 hectares, adjacentes à la ZPS «Kaliakra», n’ont pas été également classées en tant que ZICO. Il s’agit de la zone marquée «Kaliakra IBA», et comprise entre Kavarna, Bulgarevo, Sveti Nikola et Rakovski, dans la carte reproduite ci-dessous (12):

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1.      Sur la reconnaissance de la surface litigieuse en tant que zone à protéger

26.      La Commission estime que la République de Bulgarie aurait reconnu la nécessité d’un classement.

27.      En effet, la République de Bulgarie a fait part à la Commission, dès avant l’introduction du recours, à tout le moins de premiers pas accomplis dans la procédure en vue de compléter la ZPS «Kaliakra» (13). En outre, il existe un acte juridique supplémentaire, du 6 février 2014, disposant formellement et officiellement – pour autant que l’on peut en juger – l’extension de la zone de protection (14).

28.      L’extension de la ZPS repose, entre autres, sur une décision émanant du Conseil national bulgare pour la biodiversité. C’est pourquoi il faut partir du principe qu’elle constitue l’expression d’un avis scientifique sur la nécessité de protéger l’extension de la zone.

29.      De tels agissements des États membres sont particulièrement probants, a fortiori dans le domaine de la protection du territoire, puisque leurs services connaissent la situation locale bien mieux que la Commission ou la Cour. Il serait dès lors conforme à la jurisprudence suivie jusqu’ici par la Cour (15) de voir dans ces mesures une reconnaissance de la nécessité de la protection de la zone en question.

30.      Néanmoins, la République de Bulgarie fait valoir que l’extension de la ZPS ne serait que l’expression de sa volonté de coopérer et ne constituerait pas une reconnaissance de l’opinion scientifique de la Commission. Cette véhémente objection s’oppose à ce que l’on considère ce classement effectif de l’extension de la zone comme une reconnaissance incontestable. Les parties sont en effet plutôt en désaccord quant à la nécessité de l’extension, et la République de Bulgarie pourrait même revenir sur le classement en question, si son argument tiré de l’absence d’intérêt à la protection devait prospérer (16).

31.      Quoi qu’il en soit, le classement d’une surface a un effet sur la charge de la preuve. Certes, dans une procédure en manquement, il incombe à la Commission de prouver qu’une certaine surface doit être classée en tant que zone de conservation (17), cependant, elle peut invoquer à cet effet le classement de la zone intervenu ultérieurement. Pour infirmer cette preuve, l’État membre doit démontrer qu’une zone classée ne fait pas (ou plus) partie des territoires les plus appropriés à la conservation des espèces d’oiseaux sauvages au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive «oiseaux» (18). En pratique, cela signifie que la République de Bulgarie doit justifier de doutes importants, étayés scientifiquement, quant audit caractère approprié, et doit notamment contester ses propres indications dans le formulaire standard des données sur la zone en cause. Il incomberait alors à la Commission d’infirmer de tels doutes.

32.      Sur la base de ces critères, il y a lieu d’apprécier, en l’espèce, si les surfaces en question doivent être protégées en tant que ZPS.

2.      Sur les critères juridiques

33.      En vertu de l’article 4, paragraphe 1, quatrième alinéa, les États membres classent en ZPS les territoires les plus appropriés en nombre et en superficie à la conservation des espèces protégées mentionnées à l’annexe I. Ce faisant, ils doivent tenir compte des besoins de protection de ces espèces dans la zone géographique maritime et terrestre d’application de cette directive. Aux termes du paragraphe 2 dudit article 4, les États membres doivent prendre des mesures similaires à l’égard des espèces migratrices non visées à l’annexe I dont la venue est régulière en ce qui concerne leurs aires d’hivernage et les zones de relais dans leur aire de migration (19).

34.      Cela signifie que les États membres sont tenus de classer en ZPS tous les sites qui, en application des critères ornithologiques, apparaissent comme étant les plus appropriés au regard de la conservation des espèces en cause (20). En revanche, les exigences économiques énoncées à l’article 2 de la directive «oiseaux» ne sauraient être prises en compte lors du choix et de la délimitation d’une ZPS (21). Certes, les États membres jouissent d’une certaine marge d’appréciation lors du choix des ZPS, mais celle-ci concerne seulement la mise en œuvre de ces critères en vue de l’identification des territoires les plus appropriés à la conservation des espèces (22).

35.      Dans la pratique, l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux» se concrétise par l’application de critères développés par l’organisation non gouvernementale Birdlife International, l’association internationale qui regroupe les organisations de protection des oiseaux, pour l’identification de ce que l’on appelle des ZICO (23). Lesdits critères sont appliqués par les organisations nationales de protection des oiseaux afin de dresser des listes des ZICO sur la base de leurs connaissances quant à la présence d’oiseaux. Ainsi, la ZICO «Kaliakra» (24) comprend la ZPS du même nom ainsi que les surfaces dont l’absence de protection est critiquée par la Commission dans la présente affaire.

36.      Ni les critères susmentionnés ni les listes des organisations nationales de protection des oiseaux dressées sur la base de ces derniers ne sont contraignants, mais la Cour les a reconnus en tant que base de référence s’agissant d’apprécier si l’État membre concerné a classé en ZPS suffisamment de territoires en nombre et en superficie (25). Les États membres peuvent cependant infirmer cet indice soit en développant, sur des bases scientifiques, des critères ornithologiques qui soient au moins aussi aptes à mettre en œuvre l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux» (26), soit en réfutant les données sur la présence d’oiseaux dans la zone concernée en avançant de meilleures connaissances (27).

37.      Pour le reste, concernant le classement de certaines surfaces partielles, la Cour a déjà constaté que le classement en ZPS ne peut pas résulter d’un examen isolé de la valeur ornithologique de chacune des superficies en cause, mais doit se faire sur la base d’une prise en compte des limites naturelles de l’écosystème concerné et que, par ailleurs, les critères ornithologiques, sur lesquels doit reposer exclusivement le classement, doivent être scientifiquement fondés (28).

3.      Sur l’application au recours de la Commission

38.      La Commission fait valoir la présence également dans les surfaces litigieuses des oiseaux nichant à l’intérieur de la ZPS initialement protégée [voir ci-dessous, sous a)], l’importance des surfaces litigieuses pour la migration des oiseaux [voir ci-dessous, sous b)] et les besoins de la bernache à cou roux (Branta ruficollis) lors de son hivernage [voir ci-dessous, sous c)].

a)      Sur les oiseaux nicheurs

39.      En regardant le formulaire standard des données actualisé concernant la ZPS «Kaliakra» étendue, l’on pourrait supposer qu’il s’agit d’un territoire homogène, qui est utilisé par les espèces protégées partout de la même façon.

40.      Or, la République de Bulgarie fait valoir de manière convaincante que les surfaces en cause ne forment pas nécessairement une unité naturelle avec les surfaces qui étaient protégées auparavant près des côtes. Ces dernières sont caractérisées par des récifs et des habitats steppiques. Les surfaces litigieuses issues de l’extension sont en revanche constituées de terrains agricoles. Ces derniers sont d’ailleurs séparés des surfaces classées par une route secondaire. La République de Bulgarie souligne, en outre, que les surfaces agricoles litigieuses présentent les mêmes caractéristiques que les surfaces qui les entourent, dont la Commission n’exige pas la protection.

41.      S’il convient d’accorder à la Commission que des surfaces agricoles peuvent également faire partie des zones devant être classées en ZPS, l’argument avancé par la République de Bulgarie, et non contesté, selon lequel les oiseaux nicheurs typiques des habitats initialement protégés, près de la côte, nichent dans une mesure nettement moindre dans les surfaces agricoles adjacentes, est néanmoins plausible.

42.      La Commission fait également valoir que les surfaces agricoles en question constituent un territoire de chasse important pour l’épervier à pieds courts (Accipiter brevipes), la buse féroce (Buteo rufinus) et le grand-duc d’Europe (Bubo bubo), lesquels figurent parmi les oiseaux nicheurs dans le formulaire standard des données et sont expressément nommés dans l’évaluation de la ZPS. Or, il s’agit de présences très limitées en nombre d’exemplaires, au point que Birdlife International ne les mentionne pas en tant que motif d’identification de la ZICO «Kaliakra» (29). C’est pourquoi, une telle utilisation ne suffit pas pour considérer les surfaces agricoles comme étant les plus appropriées à la conservation de ces espèces.

43.      Contrairement à ce qu’affirme la Commission, donc, l’on ne saurait tirer de la présence d’oiseaux de proie dans les zones côtières initialement protégées la conclusion que les zones agricoles de l’arrière‑pays doivent également être protégées.

b)      Sur la migration des oiseaux

44.      D’après les données fournies par la République de Bulgarie dans le formulaire standard, la ZPS «Kaliakra», y compris les surfaces résultant de l’extension, est toutefois d’importance également pour les oiseaux migrateurs. Comme le souligne la Commission, et comme la République de Bulgarie l’a rapporté dans le formulaire standard des données concernant la zone «Kaliakra» (30), cette importance particulière découle des conditions géographiques. En effet, au niveau de la presqu’île Kaliakra, la ligne côtière change d’orientation de presque 90 degrés, en passant d’une orientation nord/sud à une orientation est/ouest. Les oiseaux changeraient de cap pour continuer leur migration, et utiliseraient ce repère géographique pour leur repos. Ils seraient alors dépendants des zones agricoles de la ZICO qui ne sont pas comprises dans la ZPS «Kaliakra».

45.      La Commission est d’avis, notamment, et de manière cohérente avec l’évaluation de cette zone en tant que ZICO, qu’il s’agit d’un «goulet migratoire» pour la migration automnale de certains oiseaux.

46.      Le terme «goulet migratoire» fait référence aux critères utilisés par Birdlife International. Le critère C.5 définit un goulet migratoire comme étant une zone dans laquelle au moins 5 000 cigognes (Ciconiidae) et/ou au moins 3 000 rapaces (Accipitriformes et Falconiformes) et/ou 3 000 grues (Gruidae) passent régulièrement pendant la migration de printemps ou d’automne (31).

47.      Pour étayer ce critère, la Commission s’appuie notamment sur une étude qui a été menée en 2005 spécialement afin d’identifier des «goulets migratoires» en Bulgarie. Selon cette étude, depuis le point d’observation de Bulgarevo, c’est‑à-dire près de Kaliakra, l’on a pu observer plus de 30 000 oiseaux planeurs, pour la plupart des cigognes et des pélicans, mais également de rares rapaces (32).

48.      La République de Bulgarie oppose, quant à elle, à la Commission une publication (33) et des études (34), selon lesquelles il ne saurait être établi que la zone de Kaliakra constitue un «goulet migratoire». Les oiseaux se déplaceraient plutôt sur un large front, en direction du sud. La Commission conteste certes l’interprétation donnée par la République de Bulgarie de cette publication, mais ne remet pas en question les résultats des observations sur lesquelles celle-ci, ainsi que les autres études, se fondent.

49.      Les données sur les observations concernant cette zone et sur lesquelles se fondent les études présentées par la République de Bulgarie sont particulièrement intéressantes à cet égard. D’après ces données, des groupes importants d’oiseaux migrateurs ne sont observés que de façon irrégulière dans la zone en question (35). Ainsi, entre l’année 2005 et l’année 2011, seulement en 2006 et en 2010 l’on a pu observer plus de 20 000 cigognes blanches (36). Les quatre autres années (37), il n’a été observé qu’entre 89 et 3 000 cigognes blanches. De l’avis de la République de Bulgarie, cela est dû au fait que la route de la migration serait influencée par les conditions de vent (38). Les deux années où les chiffres des observations sont élevés, un vent d’ouest relativement fort aurait poussé les oiseaux vers la côte.

50.      Eu égard à ces conclusions, l’on pourrait douter que ces concentrations se produisent suffisamment régulièrement pour que l’on considère que l’on est en présence d’un «goulet migratoire». Il ressort toutefois des affirmations de la République de Bulgarie, à tout le moins, que ces concentrations n’ont pas une nature aléatoire ni ne constituent, par exemple, des situations tout à fait exceptionnelles. Au contraire, l’on peut considérer qu’elles se produisent à peu près tous les trois ans, lorsque règnent les conditions de vent correspondantes. Or, pour les motifs géographiques indiqués dans le formulaire standard des données, lorsque ces concentrations se produisent, les surfaces agricoles en cause constitueraient précisément des habitats nécessaires aux oiseaux pour se reposer et pour se nourrir.

51.      Par conséquent, les données sur les observations fournies par la République de Bulgarie confirment l’estimation documentée dans le formulaire standard des données, selon laquelle la ZPS «Kaliakra», y compris les surfaces résultant de l’extension, fait partie des zones les plus appropriées à la conservation des oiseaux durant la migration. De ce point de vue, le point A des conclusions de la requérante est donc fondé.

c)      Sur l’hivernage de la bernache à cou roux

52.      Le troisième moyen de la Commission tendant à l’inclusion des surfaces issues de l’extension dans la ZPS «Kaliakra» est tiré de leur importance pour la bernache à cou roux.

53.      Les parties conviennent que pratiquement l’ensemble de la population mondiale (entre 30 000 et 50 000 oiseaux (39)) de la bernache à cou roux, considérée comme une espèce mondialement menacée, hiverne sur la côte ouest de la mer Noire, c’est-à-dire principalement en Bulgarie et en Roumanie (40). Une importance particulière doit être reconnue à cet égard à deux lacs bulgares au nord de Kaliakra, où la République de Bulgarie a classé deux zones de protection. Ces lacs, ainsi que des surfaces maritimes côtières – situées en partie à côté et en partie dans la ZPS «Kaliakra» – sont utilisés par les bernaches à cou roux comme aires de repos, souvent ensemble avec d’autres espèces d’oies (41).

54.      Dans le formulaire standard des données, la République de Bulgarie a simplement indiqué qu’un petit nombre de bernaches à cou roux hiverne dans la région. Par conséquent, le classement de la surface résultant de l’extension de la ZPS «Kaliakra» ne saurait être la preuve que celle-ci constitue la zone la plus appropriée à la conservation de la bernache à cou roux.

55.      En revanche, les surfaces résultant de l’extension de la ZPS «Kaliakra» sont, d’après la Commission, d’une très grande importance pour la bernache à cou roux en tant qu’habitat pour se nourrir.

56.      Si la Commission ne cite pas le critère auquel se rapporte cette affirmation, l’on peut partir du principe qu’il s’agit du critère C.1 cité par Birdlife International concernant la bernache à cou roux dans la ZPS «Kaliakra» (42). Ce critère suppose que la zone accueille régulièrement un nombre significatif d’oiseaux appartenant à une espèce mondialement menacée, ou à des espèces dont la conservation au niveau mondial est préoccupante (43).

57.      Apparemment, la Commission s’appuie sur l’évaluation de la société bulgare de protection des oiseaux (44), laquelle est cependant remise en question par la République de Bulgarie.

58.      Les deux thèses renvoient à une étude qui exploite des données d’observation des années 1995 à 2000 (45). Il convient d’accorder à la République de Bulgarie que, selon cette étude, la bernache à cou roux n’utilise pas chaque année les surfaces issues de l’extension de la ZPS «Kaliakra» en tant qu’habitat pour se nourrir (46).

59.      La Commission souligne toutefois à juste titre que, d’après cette même étude, au moins dans deux des cinq années de la période d’observation, plusieurs milliers de bernaches à cou roux ont cherché de la nourriture dans les surfaces en question (47).

60.      Le fait que les observations plus récentes montrent que ces surfaces sont moins utilisées (48) ne s’oppose pas à ces conclusions, puisque lesdites observations ont commencé seulement après la construction d’un grand nombre d’installations éoliennes sur les surfaces en cause. Il n’est en effet pas à exclure que ces surfaces aient perdu de leur attrait pour les oies en raison des installations éoliennes (49).

61.      En bref, il s’ensuit que les surfaces issues de l’extension de la ZPS «Kaliakra» constituaient, avant la construction des installations éoliennes, un site important, mais non permanent, pour la nourriture des bernaches à cou roux. De la même manière, les études présentées font apparaître que cette espèce est flexible dans le choix des zones de nourriture.

62.      Cela n’entraîne pas que les surfaces de l’extension ne font pas partie des zones les plus appropriées pour la conservation de la bernache à cou roux. En effet, eu égard au caractère mondialement menacé de cette espèce, ainsi qu’à la responsabilité particulière de l’Union européenne pour les territoires où elle hiverne, il convient de ne pas soumettre l’identification de tels territoires à des exigences trop strictes (50). Il est au contraire nécessaire de protéger un nombre suffisant de zones de nourriture, afin de ne pas mettre en danger l’hivernage de la bernache à cou roux.

63.      Il s’ensuit que le présent moyen de recours est fondé également en raison de l’obligation de protection de la bernache à cou roux.

4.      Conclusion intermédiaire

64.      Il y a donc lieu de constater que la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive «oiseaux» en ce qu’elle n’a pas protégé intégralement en tant que ZPS, dans le délai imparti par la Commission dans son avis motivé, les parties non protégées auparavant de la ZICO «Kaliakra», au nord de la ZPS «Kaliakra» initialement classée.

B –    Sur les projets visant des surfaces protégées ou à protéger (moyens B et C du recours)

65.      La Commission fait grief en outre à la République de Bulgarie d’avoir autorisé, à l’intérieur des zones de protection classées ou à classer, plusieurs projets, et notamment des installations éoliennes, mais également des projets touristiques tels que des terrains de golf et des hôtels. La carte ci-dessous (51) fournit un aperçu de la situation:

66.      J’examinerai ci-dessous tout d’abord les projets à l’intérieur de la ZPS, du moment qu’à cet égard il est plus aisé de présenter les critères juridiques auxquels il conviendra de renvoyer ensuite à l’égard des projets situés dans les surfaces qui n’étaient pas classées à l’origine. Enfin, je souhaite relativiser la conclusion de cet examen en me penchant brièvement sur les conséquences juridiques d’une éventuelle condamnation sur ces deux points.

1.      Sur les projets dans les ZPS «Kaliakra» et «Belite Skali» ainsi que sur la proposition du SIC «Kompleks Kaliakra» (point C des conclusions de la requête)

67.      Au point C de ses conclusions, la Commission demande de constater qu’en approuvant les projets «Kaliakra Wind Power» AD, «EVN Enertrag Kavarna» OOD, «Vertikal – Petkov & Cie» OOD ainsi que «Thracian Cliffs Golf & Spa Resort» OOD sur le territoire des ZPS «Kaliakra» et «Belite Skali» et du SIC «Kompleks Kaliakra», la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», telle qu’interprétée par la Cour dans les affaires Dragaggi e.a. (C‑117/03, EU:C:2005:16) et Bund Naturschutz in Bayern e.a. (C‑244/05, EU:C:2006:579), car elle n’a pas pris les mesures appropriées pour éviter la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été classées.

a)      Sur l’interprétation de cette conclusion de la requérante

68.      À première vue, la façon dont cette demande doit être comprise n’est pas claire. C’est pourquoi se pose la question de sa recevabilité. En vertu de l’article 120, sous c), du règlement de procédure de la Cour de justice de l’Union européenne, les conclusions de la requête doivent être en effet formulées de manière non équivoque afin d’éviter que la Cour ne statue ultra petita ou bien n’omette de statuer sur un grief (52).

69.      Une première contradiction apparaît entre la disposition invoquée, l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», et les deux arrêts cités. Dans ces arrêts, la Cour n’a précisément pas interprété l’article 6, paragraphe 2. Elle a simplement confirmé que les mesures de protection prévues par cette disposition ne s’imposent qu’en ce qui concerne les sites qui sont inscrits sur la liste des sites sélectionnés comme SIC, conformément à l’article 4, paragraphe 5 (53).

70.      Cette formulation contradictoire de ce point des conclusions de la requête s’explique toutefois par le fait que la Commission réunit dans ce même point deux infractions différentes. Elle dénonce, d’une part, l’atteinte à deux ZPS classées et, d’autre part, l’atteinte à la SIC «Kompleks Kaliakra» proposée. Or, les atteintes à des ZPS classées doivent s’apprécier au regard de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», tandis que les obligations transitoires de protection pour des sites proposés découlent des deux arrêts invoqués.

71.      Il s’ensuit qu’il convient de comprendre ce point des conclusions de la requérante dans le sens que la Commission fait valoir une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» au regard des deux ZPS, et parallèlement une violation des obligations provisoires de protection découlant des arrêts invoqués au regard du site proposé.

72.      Cependant, même après cette clarification, le point en question des conclusions de la requérante nécessite d’être davantage précisé. Du moment que la Commission dirige son grief contre l’approbation des projets, l’on pourrait considérer qu’il est manifestement non fondé. En effet, en vertu de l’article 2 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (54), le droit de l’Union ne s’appliquait à la République de Bulgarie qu’à compter de son adhésion. Or, les autorisations que la Commission conteste dans ce point de ses conclusions avaient été accordées avant cette date. Par conséquent, en accordant ces autorisations, la République de Bulgarie ne pouvait pas contrevenir à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» ou aux obligations provisoires de protection pour les sites proposés.

73.      Cependant, la Commission précise dès l’énoncé de cette conclusion qu’elle considère que la République de Bulgarie n’a pas pris les mesures appropriées pour éviter la détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été classées. Elle vise donc non pas les autorisations en tant que telles, lesquelles devraient d’ailleurs faire l’objet de la procédure d’évaluation préalable des incidences, conformément à l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats», mais le fait que la détérioration des sites par les projets n’a pas effectivement été empêchée par la suite, ce qui relève de l’article 6, paragraphe 2, et des obligations provisoires. Les arguments exposés par ailleurs confirment cette interprétation du point C des conclusions de la requérante, puisque la Commission conteste non pas les décisions d’autorisation avant l’adhésion, mais la mise en œuvre des projets après l’adhésion, et notamment après le classement des deux ZPS et la proposition du site «Kompleks Kaliakra».

74.      Ce défaut de précision du point C des conclusions de la requérante est certes déplorable, mais pas d’une gravité telle qu’il justifierait qu’il soit considéré comme irrecevable ou manifestement non fondé. En effet, en l’interprétant il est possible de le comprendre correctement et de l’examiner quant au fond. Par ailleurs, les arguments exposés par la République de Bulgarie montrent que sa défense n’a pas été affectée par les défauts de la conclusion en question de la requérante.

b)      Sur la violation alléguée de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» en ce qui concerne les ZPS «Kaliakra» et «Belite Skali»

75.      Il convient donc de se pencher, tout d’abord, sur la question de savoir si la République de Bulgarie a enfreint l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» au regard des ZPS classées le 18 décembre 2007 «Kaliakra» et «Belite Skali» en permettant l’exécution des projets «Kaliakra Wind Power» AD, «EVN Enertrag Kavarna» OOD, «Vertikal – Petkov & Cie» OOD, ainsi que «Thracian Cliffs Golf & Spa Resort» OOD.

i)      Sur l’applicabilité ratione temporis de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats»

76.      La République de Bulgarie fait valoir que l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» n’est en aucune façon applicable à des projets qui ont été autorisés avant son adhésion, et, partant, n’est pas davantage applicable au regard de leur exécution.

77.      La République de Bulgarie s’appuie à cet égard sur l’arrêt sur le «Lauteracher Ried», dans lequel la deuxième chambre de la Cour de l’époque avait jugé, pour des raisons de sécurité juridique (55), que les obligations découlant de la directive «habitats» ne s’appliquaient pas à un projet dont la procédure d’autorisation avait été ouverte avant l’adhésion de l’État membre concerné à la Communauté européenne (56). En suivant cette thèse, par conséquent, la directive «habitats» ne devrait pas s’appliquer, a fortiori, à des projets qui ont été autorisés avant l’adhésion.

78.      Cependant, la grande chambre de la Cour de justice a entre-temps opéré – à juste titre (57) – un revirement de cette jurisprudence sur l’application de la directive «habitats» ratione temporis, au motif qu’avant l’autorisation du projet, il n’existe pas encore de situation bien établie (58) dans laquelle le principe de sécurité juridique trouverait application.

79.      Cette dernière décision ne vise certes pas des projets qui avaient été autorisés dès avant l’adhésion, mais la Cour a précisé à cet égard que l’article 6, paragraphe 2, s’applique, à compter de la date à laquelle la directive «habitats» devient applicable, à des projets dont l’autorisation d’exploitation a été accordée avant que la protection prévue dans la directive «habitats» ne devienne applicable pour la zone de protection concernée (59). Cela doit valoir également pour les projets qui ont été autorisés avant l’adhésion.

80.      Certes, de tels projets ne sont pas soumis aux dispositions de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats», concernant la procédure d’évaluation préalable des incidences sur la zone concernée, mais les États membres doivent, conformément à l’article 6, paragraphe 2, prendre les mesures appropriées pour éviter que l’exécution des projets, dans les ZPS, ne détériore des habitats naturels et des habitats d’espèces et ne perturbe les espèces pour lesquelles les zones ont été classées, pour autant que ces perturbations sont susceptibles d’avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive (60).

81.      Ainsi, l’exécution de projets qui ont été autorisés avant l’adhésion de la République de Bulgarie et avant le début de l’applicabilité de la directive «habitats» et de la directive «oiseaux» relève bien de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats».

82.      Il convient de noter, à titre complémentaire, que l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» ne s’applique, au regard des ZPS, en combinaison avec l’article 7, qu’à compter du moment où la ZPS est classée. Avant cela, les zones en question sont soumises à l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» (61), qui est plus sévère au regard de la justification des atteintes, mais que la Commission n’a pas invoqué au point C de ses conclusions.

ii)    Sur le critère de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats»

83.      Une activité ne saurait être considérée comme conforme à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» que s’il est garanti que lesdites activités n’engendrent aucune perturbation susceptible d’affecter de manière significative les objectifs de ladite directive, et notamment ses objectifs de conservation (62). Dans les procédures en manquement, le grief tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 2, n’est fondé que si la Commission démontre à suffisance de droit que l’État membre n’a pas pris les mesures de protection appropriées, consistant à éviter que les activités d’exploitation de projets, pour autant qu’elles ont eu lieu après la classification du site en question, ne produisent des détériorations des habitats des espèces concernées ainsi que des perturbations de ces espèces susceptibles d’avoir des effets significatifs eu égard à l’objectif de cette directive consistant à assurer la conservation de ladite espèce (63).

84.      Néanmoins, afin d’établir un manquement à l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», la Commission n’a pas à prouver une relation de cause à effet entre l’exploitation d’un projet et une perturbation significative causée aux espèces concernées. En réalité, il suffit que la Commission établisse l’existence d’une probabilité ou d’un risque que cette exploitation provoque des perturbations significatives pour cette espèce (64).

85.      Certes, la Cour n’a appliqué le critère de la probabilité ou du risque qu’afin d’apprécier des perturbations significatives d’espèces, mais l’on ne voit pas de raison de ne pas l’appliquer également à l’appréciation de l’autre type d’atteinte au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», à savoir la détérioration des habitats.

86.      Ce critère s’explique en effet par le fait que l’évaluation préalable des incidences d’un projet au titre de l’article 6, paragraphe 3, de la directive «habitats» doit être également effectuée lorsqu’il existe un tel risque (65). Dans ce cas, une autorisation n’est possible que si l’évaluation fait apparaître que la zone en tant que telle n’est pas affectée ou bien si le projet est justifié au titre de l’article 6, paragraphe 4. Du moment que l’article 6, paragraphes 2 et 3, est censé garantir le même niveau de protection (66), il y a lieu d’appliquer à la preuve d’une violation de l’article 6, paragraphe 2, également le même critère.

87.      Toutefois, une preuve au regard de ce critère ne démontre pas nécessairement de manière définitive qu’une mesure – comme l’exploitation d’un projet – est illicite. En effet, une évaluation appropriée de l’incidence sur la zone peut venir réfuter une telle preuve, ou bien la mesure en question peut s’avérer justifiée au titre de l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats» (67).

iii) Sur la détérioration de la ZPS «Kaliakra»

88.      Le grief de la Commission vise quatre projets dans la zone initiale de la ZPS «Kaliakra» et de la ZPS «Belite Skali». Ces projets ont été autorisés avant l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union, mais les travaux de construction n’ont été terminés qu’après le classement de la ZPS respective. Il s’agit de trois projets de production d’énergie éolienne et d’un projet touristique.

89.      Le projet «Kaliakra Wind Power» AD visant la construction de 35 installations éoliennes a été autorisé en 2006 et a été mis en exploitation le 5 juin 2008. Le projet «EVN Enertrag Kavarna» OOD avait pour objet la construction de 32 installations éoliennes et a été autorisé le 26 juillet 2006. L’autorisation a été réduite, par la suite, à 20 installations, dont huit auraient été construites, d’après les données fournies par la République de Bulgarie, et sont exploitées depuis le 8 juin 2012. Trois autres installations ont été autorisées en 2005, dans le cadre du projet «Vertikal – Petkov & Cie» OOD. Un recours contre ces décisions a donné lieu, le 26 juillet 2007, à une conciliation. Deux installations sont entrées en exploitation respectivement le 24 avril 2008 et le 14 février 2011. La troisième installation ne devait pas être construite.

90.      Le projet touristique «Thracian Cliffs Golf & Spa Resort» OOD dans la ZPS «Belite Skali» comprend la construction d’un terrain de golf et d’une station thermale. Un premier permis de construire a été délivré le 22 décembre 2005, l’autorisation d’exploitation a été accordée le 6 avril 2010.

91.      L’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» n’étant pas applicable, en vertu de l’article 7, avant le classement de la ZPS, un examen des incidences de la construction de ces installations au regard de cette disposition suppose que la Commission ait indiqué quels travaux nécessaires à cet effet ont été effectués après cette date. Or, ces informations font défaut. D’après les informations, non contestées, fournies par la République de Bulgarie, l’on sait simplement que les travaux de préparation des sols nécessaires à la réalisation de ces projets avaient été effectués dès avant l’adhésion de la République de Bulgarie à l’Union. Il s’ensuit que la construction des installations en cause ne peut faire l’objet d’une discussion dans la présente procédure.

92.      Il est toutefois établi que toutes ces installations ne sont entrées en exploitation qu’après le classement des ZPS. Il convient dès lors d’apprécier si cette exploitation dans les deux ZPS en question est compatible avec l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats».

93.      Quant aux installations éoliennes, la Commission souligne certes le risque que des oiseaux soient tués en entrant en collision avec les éoliennes (collision aviaire), mais la République de Bulgarie réfute cette affirmation en faisant valoir les résultats des observations ornithologiques effectuées par les exploitants. Selon ces observations, la première année d’exploitation du parc éolien de «Kaliakra Wind Power» OOD, seuls trois oiseaux ont été trouvés morts, à savoir un pélican blanc (Pelecanus onocrotalus) et deux bruants proyers (Miliaria ou Emberiza calandra). Si ces deux espèces sont mentionnées dans le formulaire standard des données de la ZPS «Kaliakra», eu égard à l’importante population de 2 000 à 3 000 pélicans blancs et de 500 à 1 200 bruants proyers, ces pertes paraissent bien moins significatives que la fluctuation naturelle de la population.

94.      La Commission estime par ailleurs que les installations éoliennes de la «Thracian Cliffs Golf & Spa Resort» OOD perturbent les espèces d’oiseaux concernées et détériorent leurs habitats. Elle chiffre même les pertes sur la base d’une communication d’une organisation bulgare de protection des oiseaux.

95.      La République de Bulgarie oppose à ces chiffres, à juste titre, le fait que la communication en question ne précise pas de quelle manière ils ont été obtenus. Il n’est dès lors pas possible d’étayer une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» moyennant un volume chiffré des pertes alléguées dans les surfaces en cause.

96.      Il est cependant évident que l’exploitation des installations éoliennes, des structures hôtelières et d’un terrain de golf justifie l’existence d’une probabilité ou d’un risque de détérioration des habitats des espèces d’oiseaux protégées dans la ZPS ainsi que leur perturbation significative.

97.      Ainsi, le parc éolien mis en place par «Kaliakra Wind Power» AD exploite 35 installations éoliennes, qui sont implantées avec une forte densité sur une superficie de trois à quatre kilomètres carrés en pleine ZPS «Kaliakra». Les surfaces entre les éoliennes et dans les environs immédiats du parc éolien ne sont très probablement plus aussi attractives, pour toutes les espèces d’oiseaux protégées, qu’avant la construction du parc éolien. Dans une moindre mesure, cela vaut également pour les deux projets éoliens plus petits. Eu égard à cela, la République de Bulgarie a expressément interdit la construction d’installations éoliennes supplémentaires dans la ZPS «Kaliakra» (68).

98.      De la même manière, il est exclu que les surfaces de la ZPS «Belite Skali» concernées par les installations de la «Thracian Cliffs Golf & Spa» OOD aient la même utilité pour les espèces d’oiseaux protégées qu’avant la réalisation de ce projet. L’exploitation d’un terrain de golf et d’installations de loisirs modifie les caractéristiques des habitats en cause, et même si les espèces d’oiseaux concernées pouvaient malgré tout continuer à les utiliser pour la nidification, le repos ou la recherche de nourriture, la présence de touristes les ferait fuir (69).

99.      D’après les affirmations de la Commission quant aux pertes de territoire, cela serait le cas, entre autres, pour les espèces suivantes, énumérées à l’annexe I de la directive «oiseaux» et qui figurent également dans le formulaire standard des données concernant les deux ZPS en cause: le traquet pie (Oenanthe pleschanka), l’alouette calandre (Melanocorypha calandra), l’alouette calandrelle (Calandrella brachydactyla), l’œdicnème criard (Burchinus oedicnemus), la buse féroce (Buteo rufinus), l’épervier à pieds courts (Accipiter brevipes) et le rollier d’Europe (Coracias garrulus).

100. Il incombe dès lors à la République de Bulgarie de réfuter cet indice d’une probabilité ou d’un risque d’une détérioration des habitats des espèces d’oiseaux protégées ainsi que de leur perturbation. La République de Bulgarie ne s’est cependant pas exprimée quant à la perturbation des espèces concernées et à la détérioration de leurs habitats.

101. C’est pourquoi il convient de considérer que l’on est en présence d’une violation de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» par l’exploitation des projets susmentionnés.

102. Il s’ensuit que la République de Bulgarie a enfreint l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats» en n’adoptant pas les mesures nécessaires afin d’éviter que l’exploitation des installations éoliennes «Kaliakra Wind Power» AD, «EVN Enertrag Kavarna» OOD et «Vertikal – Petkov & Cie» OOD, ainsi que des installations de la «Thracian Cliffs Golf & Spa Resort» OOD sur le territoire des ZPS «Kaliakra» et «Belite Skali» ne détériore les habitats des espèces protégées d’oiseaux et ne perturbe ces espèces.

c)      Sur la protection provisoire du site «Kompleks Kaliakra» proposé

103. La Commission fait par ailleurs grief à la République de Bulgarie de n’avoir pas suffisamment protégé le SIC «Kompleks Kaliakra» proposé des détériorations provenant des projets «Kaliakra Wind Power» AD, «EVN Enertrag Kavarna» OOD, «Vertikal – Petkov & Cie» OOD, ainsi que «Thracian Cliffs Golf & Spa Resort» OOD. Elle conteste à cet égard la destruction de l’habitat prioritaire «steppes ponto-sarmatiques» (code Natura 2000 62C0).

104. En vertu de la directive «habitats», les États membres doivent adopter, pour les sites comportant des habitats naturels et/ou abritant des espèces prioritaires et qu’ils ont choisis pour figurer dans la liste communautaire, des mesures de protection appropriées afin de préserver les caractéristiques de ces zones. Les États membres ne sauraient donc autoriser des interventions qui risquent de compromettre sérieusement les caractéristiques écologiques des sites concernés. Tel est notamment le cas lorsqu’une intervention risque soit de réduire de manière significative la superficie du site, soit d’aboutir à la disparition d’espèces prioritaires présentes sur le site, soit, enfin, d’avoir pour résultat la destruction du site ou l’anéantissement de ses caractéristiques représentatives (70).

105. La République de Bulgarie manquerait à cette obligation de protection si elle autorisait la destruction dans une large mesure d’un habitat prioritaire au sein d’un site proposé.

106. À l’instar de toutes les autres obligations découlant du droit de l’Union, celle-ci n’est valable qu’à compter de l’adhésion de la République de Bulgarie. Cette dernière expose cependant, sans être contredite, que les travaux de préparation des sols pour les projets en question qui ont détruit les habitats avaient été réalisés dès avant l’adhésion. Ces détériorations du type d’habitat ne pouvaient donc pas constituer des infractions au droit de l’Union.

107. Or, si le type d’habitat est déjà détruit sur les surfaces concernées, l’exploitation ultérieure des projets ne saurait le détériorer davantage.

108. Il s’ensuit que le point C des conclusions de la requérante n’est pas fondé sur ce point et qu’il convient de rejeter le recours de la Commission à cet égard.

2.      Sur les projets sur les surfaces qui n’étaient pas initialement protégées (point B des conclusions de la requérante)

109. Au point B de ses conclusions, la Commission demande de constater qu’en approuvant les projets «AES Geo Energy» OOD, «Windtech» OOD, «Brestiom» OOD, «Disib» OOD, «Eco Energy» OOD et «Longman Investment» OOD sur le territoire de la ZICO «Kaliakra», qui n’a pas été classé en ZPS alors qu’il aurait dû l’être, la République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphe 4, de la directive «oiseaux», tel qu’interprété par la Cour dans les affaires Commission/France, C‑96/98, EU:C:1999:580, et C‑374/98, EU:C:2000:670.

110. Cette conclusion est certes rédigée d’une façon analogue à celle formulée au point C, cependant elle n’est pas entachée des mêmes défauts étant donné qu’elle vise une situation de fait et de droit différente.

111. Un doute subsiste toutefois du moment que la Commission fonde cette conclusion sur la directive «oiseaux», qui a abrogé la version précédemment en vigueur. L’on pourrait dès lors supposer qu’elle vise des infractions perpétrées après l’entrée en vigueur de la directive «oiseaux», le 15 février 2010.

112. Cependant, dans cette directive, le législateur a pour objectif, en vertu du considérant 1, de procéder à sa codification et n’a pas modifié l’article 4, paragraphe 4, première phrase, par rapport à la version précédemment en vigueur. De la même manière, il est précisé à l’article 18, premier alinéa, que la version précédemment en vigueur de la directive est abrogée, «sans préjudice des obligations des États membres». Ce serait dès lors un excès de formalisme que de prendre en considération, dans la présente espèce, en présence d’une obligation qui est maintenue à l’identique et d’une situation de fait inchangée, les seuls faits postérieurs à l’adoption de la directive de codification (71).

a)      Critères juridiques

113. Eu égard aux considérations exposées jusqu’ici, sous le titre IV, A, des présentes conclusions, il convient de considérer que les projets en cause se trouvent sur des surfaces que la République de Bulgarie aurait dû classer en tant que ZPS. Or, le classement est survenu seulement après la date pertinente pour apprécier la situation dans la présente affaire, à savoir celle de l’expiration, le 22 août 2012, du délai imparti dans l’avis motivé (72).

114. Les zones qui n’ont pas été classées en ZPS, bien que cela eût été nécessaire, sont soumises, en vertu d’une jurisprudence constante, à l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» (73). Selon cette disposition, les États membres prennent les mesures appropriées pour éviter, dans les ZPS, la pollution ou la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant les oiseaux, pour autant qu’elles ont un effet significatif eu égard aux objectifs du présent article.

115. Aux fins de la preuve d’une violation de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux», il convient de renvoyer aux critères dégagés par la Cour de justice pour l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», du moment que cette disposition correspond largement à celle de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» (74). Selon ces critères, une violation doit être constatée lorsque la Commission démontre l’existence de la probabilité ou du risque qu’un projet vienne détériorer les habitats des espèces d’oiseaux protégées ou provoque des perturbations significatives pour ces espèces (75). Concrètement, la Cour a déjà eu l’occasion de constater une violation de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» sur la base de la probabilité ou du risque d’une détérioration (76), sans cependant retenir expressément ce critère.

b)      Sur les projets

116. Dans ce point de ses conclusions, la Commission conteste six projets.

i)      Sur les trois projets qui n’ont pas été réalisés

117. Pour trois des projets, à savoir «Windtech» OOD, «Brestiom» OOD et «Eco Energy» OOD, il a été simplement décidé, d’après l’exposé de la République de Bulgarie, non contesté à cet égard, qu’une évaluation des incidences sur l’environnement n’était pas nécessaire. Il n’a pas été délivré d’autorisations supplémentaires et les installations n’ont pas été construites. Entre-temps, les décisions sur la nécessité d’une évaluation des incidences sur l’environnement sont devenues caduques.

118. L’on pourrait pourtant déduire de ces décisions l’existence d’un risque élevé ou d’un grand danger de perturbations ou de détériorations de la zone, qui existait encore au moment de l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé (77). Une évaluation des incidences sur l’environnement augmenterait la possibilité d’identifier et d’éviter des perturbations ou des détériorations.

119. Toutefois, un tel risque pour la zone, soulevé pour des raisons purement procédurales, ne saurait suffire pour constater une violation de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux». En effet, si la procédure ne va pas plus loin, le risque en question demeure hypothétique.

120. D’ailleurs, s’il est vrai qu’une évaluation des incidences sur l’environnement serait souhaitable, à l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» – contrairement à l’article 6, paragraphe 3, première phrase, de la directive «habitats» –, le législateur ne l’exige cependant pas expressément. Dès lors, il suffit d’attaquer la décision sur la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement au titre d’une éventuelle infraction à la directive 2011/92.

ii)    Sur les trois projets qui ont été réalisés

121. Quant aux trois autres projets, les autorités bulgares ont délivré des autorisations supplémentaires et les installations éoliennes ont ainsi été construites.

122. Le projet «AES Geo Energy» OOD a obtenu, à la suite d’une évaluation des incidences sur l’environnement réalisée en 2008, un permis de construire visant 52 éoliennes, lesquelles sont entrées en exploitation le 15 novembre 2011.

123. Quant au projet «Disib» OOD, il a été décidé, le 4 janvier 2007, qu’une évaluation des incidences sur l’environnement n’était pas nécessaire. Il a dès lors été autorisé la construction d’une éolienne qui fonctionne depuis le 22 mai 2008.

124. La situation pour ce qui concerne le projet «Longman Investment» OOD est analogue. Après qu’il a été décidé, le 11 décembre 2007, qu’une évaluation des incidences sur l’environnement n’était pas nécessaire, il a été autorisé la construction d’une éolienne qui fonctionne depuis le 16 juin 2008.

c)      Sur la détérioration de la zone

125. La construction et l’exploitation d’installations éoliennes sur les surfaces qui ont fait ensuite l’objet d’une protection au titre de l’extension de la ZPS «Kaliakra» doivent s’apprécier sur le fond au même titre que la construction au sein de la ZPS initiale.

126. Comme à l’intérieur de la ZPS initiale, il existe une probabilité ou risque suffisant qu’en raison de la construction et de l’exploitation de 54 éoliennes au total, les surfaces en question ne soient plus aussi attractives qu’auparavant pour les espèces d’oiseaux protégées (78).

127. Le fait que, selon les résultats des observations menées par le parc éolien «AES Geo Energy» OOD, auxquelles renvoie la République de Bulgarie, les zones en cause sont néanmoins utilisées par les bernaches à cou roux et que, en présence des conditions de vent correspondantes, le flux migratoire se concentre à Kaliakra ne s’oppose pas non plus au constat de cette probabilité ou risque. En effet, les obligations de protection existent avant même qu’une diminution du nombre d’oiseaux ne soit constatée ou que le risque d’extinction d’une espèce d’oiseau protégée ne se soit concrétisé (79).

128. Pour le reste, ces données peuvent à tout le moins avoir une valeur d’indice d’une perte d’attractivité. En effet, l’utilisation des surfaces par les bernaches à cou roux est moindre par rapport aux valeurs maximales d’avant la construction des éoliennes. De la même manière, aucun document ne montre que les oiseaux migrateurs viennent encore en grand nombre s’y reposer – pas même lors des concentrations occasionnelles près de la côte.

d)      Conclusion intermédiaire

129. Il s’ensuit que la République de Bulgarie a enfreint l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» en n’adoptant pas les mesures nécessaires afin d’éviter que l’exploitation des projets éoliens «AES Geo Energy» OOD, «Disib» OOD, et «Longman Investment» OOD sur le territoire de la ZICO «Kaliakra», qui n’a pas été classé en ZPS alors qu’il aurait dû l’être, ne vienne dégrader les habitats des espèces d’oiseaux à protéger et ne vienne perturber lesdites espèces.

3.      Sur les conséquences d’une éventuelle condamnation

130. Il convient de noter, à titre complémentaire, que, sur la base des informations dont l’on dispose, il n’est pas possible de trancher la question de savoir si la poursuite de l’exploitation des projets en question doit être interdite. En effet, l’on ne peut exclure qu’un examen plus approfondi ne vienne montrer que ces projets ne détériorent pas la zone de protection en tant que telle, ou qu’ils peuvent être justifiés au titre de l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats» (80).

131. Le premier pas à accomplir pour mettre en œuvre une éventuelle condamnation, et qui serait en même temps la première mesure appropriée à prendre afin d’éviter les détériorations dans les ZPS concernées, serait dès lors de procéder à une évaluation scientifique des incidences des projets en question. Si, après cela, il n’est toujours pas possible d’exclure tous les doutes raisonnables d’un point de vue scientifique quant au fait qu’il n’existe aucune incidence négative sur la zone en tant que telle (81), il peut s’avérer nécessaire d’apprécier une possible justification au titre de l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats».

132. Au regard de l’article 6, paragraphe 2, de la directive «habitats», la Cour a déjà eu l’occasion de constater la possibilité d’une justification (82). En revanche, une violation de l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive «oiseaux» ne peut être, en principe, justifiée que dans des limites beaucoup plus strictes (83). Or, l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats» permet en principe de justifier l’exploitation future des éoliennes, du moment que les surfaces concernées ont été intégrées, entre-temps, à la ZPS «Kaliakra», de sorte que l’article 6, paragraphes 2 à 4, de la directive «habitats» est désormais également applicable.

133. En vertu de l’article 6, paragraphe 4, de la directive «habitats», l’État membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale de Natura 2000 est protégée si, en dépit de conclusions négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique.

134. Outre l’intérêt à l’exploitation de l’énergie éolienne ou la sauvegarde de l’emploi, s’agissant d’identifier l’intérêt général, il conviendrait de prendre en considération avant tout, à cet égard, la sécurité juridique et la protection de la confiance légitime, du moment que les projets en question se basent sur des autorisations qui ont été délivrées avant que la directive «oiseaux» et la directive «habitats» ne deviennent applicables. Si toutes les mesures raisonnables ont été prises afin de diminuer l’impact négatif, dans la plupart des cas la sécurité juridique et la protection de la confiance légitime doivent l’emporter sur l’intérêt à la protection du patrimoine naturel concerné.

135. Toutefois, l’on n’est pas ici en présence des conditions pour admettre une telle justification, du moment que la République de Bulgarie n’a pas encore évalué l’importance de l’incidence négative de l’exploitation des installations sur la zone en cause. Il n’est dès lors pas possible de mettre en balance l’intérêt à la poursuite de l’exploitation et la détérioration de la zone, ni de considérer d’éventuelles alternatives, comme le déplacement des installations éoliennes à d’autres endroits ou la limitation de l’exploitation, notamment durant des périodes sensibles. De même, l’on ne voit pas clairement quelles mesures sont nécessaires pour assurer la cohérence de Natura 2000 (84).

136. Dans le cas où la Cour de justice estimerait devoir suivre ma proposition, il conviendrait ainsi, en premier lieu, d’apprécier la perturbation causée par l’exploitation des projets et, en second lieu, le cas échéant, de se pencher sur son éventuelle justification.

C –    Sur l’évaluation des incidences sur l’environnement (point D des conclusions de la requérante)

137. Enfin, la Commission fait valoir, au point D de ses conclusions, que l’effet cumulatif des projets «Windtech» OOD, «Brestiom» OOD, «Eco Energy» OOD et «Longman Investment» OOD dans les zones initialement non protégées de la ZICO «Kaliakra» n’a pas été correctement évalué. La République de Bulgarie aurait ainsi manqué à ses obligations au titre de l’article 2, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 4, paragraphes 2 et 3, et l’annexe III, point 1, sous b), de la directive 2011/92.

138. Dans sa formulation initiale, ce point des conclusions de la requérante visait la vérification préliminaire de cinq projets quant à la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement, et l’évaluation des incidences sur l’environnement proprement dite d’un sixième projet. La Commission ayant limité sa conclusion dans la réplique, il n’est plus question que de la vérification préliminaire de quatre projets.

1.      Sur l’applicabilité ratione temporis de la directive 2011/92

139. La Commission conclut à ce qu’il soit constaté une violation de la directive 2011/92 dans sa version de l’année 2011. Les autorités bulgares ont cependant adopté les décisions contestées déjà en 2007. Toutefois, la version ultérieure pourrait être d’application, du moment qu’elle correspond à celle en vigueur en 2007 dans tous les points pertinents (85).

2.      Sur les projets

140. Tous les projets contestés concernent la partie de la ZICO «Kaliakra» qui initialement n’avait pas été classée en tant que ZPS. Toutefois, il n’a pas été procédé à une évaluation des incidences sur l’environnement, l’autorité compétente ayant jugé que cela n’était pas nécessaire.

141. Ces procédures de vérification préliminaire ont été ouvertes en 2007 et ont respectivement abouti aux décisions du 24 septembre 2007 («Eco Energy» OOD, pour la construction d’une éolienne), du 11 décembre 2007 («Longman Investment» OOD, pour la construction d’une éolienne) et du 28 décembre 2007 («Windtech» OOD, pour la construction de quatre éoliennes, ainsi que «Brestiom» OOD, pour la construction de six éoliennes).

142. Seul le projet «Longman Investment» OOD a été réalisé et est en exploitation depuis le 16 juin 2008.

143. Quant aux trois autres projets, en revanche, aucun permis de construire n’a jamais été délivré et, d’après les indications fournies par la République de Bulgarie, les décisions susmentionnées sont devenues caduques faute d’avoir été mises en œuvre.

144. Tout d’abord, il convient donc d’établir si une éventuelle violation peut faire l’objet de la présente procédure en manquement [voir ci-dessous, sous a)], voire si, en ce qui concerne les projets jamais réalisés, il est même possible d’être en présence d’une violation de la directive 2011/92 [voir ci-dessous, sous b)]. Ensuite, il convient d’examiner si l’effet cumulatif des projets a été suffisamment évalué.

a)      Sur les décisions devenues caduques comme objet de la présente procédure en manquement

145. À première vue, l’on pourrait certes supposer qu’au regard des décisions qui sont désormais devenues caduques, le présent litige est sans objet. Or, dans une procédure en manquement, ce qui importe, c’est la situation telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé complémentaire du 22 juin 2012, à savoir le 22 août 2012 (86).

146. À cette date, les décisions sur la nécessité d’une évaluation des incidences sur l’environnement étaient encore valables. En effet, d’après ce que l’on sait, la cause de la caducité est le fait qu’en 2012 un délai de cinq ans avait été imparti pour la réalisation des projets. Dès lors, il convient de considérer que les décisions en question sont devenues caduques au plus tôt cinq ans après leur adoption, soit le 24 septembre 2012 et le 28 septembre 2012 respectivement.

b)      Sur la possibilité d’une violation de la directive 2011/92 par des projets non exécutés

147. Des doutes quant à la possibilité d’une violation de la directive 2011/92 par des projets qui n’ont pas été réalisés pourraient être soulevés par le fait que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l’octroi de l’autorisation, les projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une procédure de demande d’autorisation et à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences.

148. La décision selon laquelle une évaluation des incidences sur l’environnement n’est pas nécessaire n’équivaut cependant pas – d’après ce que l’on sait – à l’autorisation d’un projet. D’après les informations fournies par la République de Bulgarie, il faut encore, au moins, un permis de construire, lequel – à la différence du projet «Longman Investment» OOD, qui a été réalisé – n’a jamais été délivré pour les trois autres projets. Il s’ensuit que la République de Bulgarie ne saurait se voir reprocher d’avoir autorisé ces projets sans procéder à l’évaluation nécessaire.

149. La décision quant à la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement doit néanmoins être adoptée, conformément à la directive 2011/92, et notamment à son article 4, paragraphes 2 et 3, et à son annexe III. Une violation de ces dispositions est, quant à elle, possible même si le projet n’a jamais obtenu toutes les autorisations nécessaires. En outre, au regard du projet «Longman Investment» OOD, une violation de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2011/92 est envisageable.

3.      Sur la prise en considération de l’effet cumulatif lors de la vérification préliminaire

150. En ce qui concerne la vérification préliminaire de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement, il convient de rappeler qu’en vertu de l’article 4, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2011/92, les États membres déterminent soit sur la base d’un examen au cas par cas, soit sur la base des seuils ou des critères fixés par eux si les projets relevant de l’annexe II de cette directive doivent être soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement.

151. Figurent parmi ces projets, au point 3 de cette annexe, les installations destinées à l’exploitation de l’énergie éolienne pour la production d’énergie (parcs éoliens).

152. En ce qui concerne la fixation de ces seuils ou critères, il convient de rappeler que, certes, l’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 2011/92 confère aux États membres une marge d’appréciation à cet égard. Cependant, une telle marge d’appréciation trouve ses limites dans l’obligation, énoncée à l’article 2, paragraphe 1, de cette directive, de soumettre à une étude d’incidences sur l’environnement les projets susceptibles d’avoir des incidences notables, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation (87).

153. Ainsi, les critères et les seuils mentionnés à l’article 4, paragraphe 2, sous b), de la directive 2011/92 ont pour but de faciliter l’appréciation des caractéristiques concrètes que présente un projet en vue de déterminer s’il est soumis à l’obligation d’une évaluation de ses incidences sur l’environnement (88).

154. Il s’ensuit que les autorités nationales compétentes, saisies d’une demande d’autorisation d’un projet relevant de l’annexe II de cette directive, doivent se livrer à un examen particulier du point de savoir si, compte tenu des critères figurant à l’annexe III de ladite directive, il doit être procédé à une évaluation des incidences sur l’environnement (89).

155. À cet égard, il découle du point 1 de cette annexe III qu’il y a lieu d’apprécier les caractéristiques d’un projet, notamment, par rapport à ses effets cumulatifs avec d’autres projets. En effet, l’absence de prise en considération de l’effet cumulatif d’un projet avec d’autres projets peut avoir pour résultat pratique de le soustraire à l’obligation d’évaluation alors que, pris ensemble avec d’autres projets, il est susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement (90).

156. Cette exigence doit être lue à la lumière du point 3 de l’annexe III de la directive 2011/92 en vertu duquel les incidences notables qu’un projet pourrait avoir doivent être considérées en fonction des critères énumérés aux points 1 et 2 de la même annexe, notamment par rapport à la probabilité, à l’étendue, à l’ampleur, à la durée et à la réversibilité de l’impact de ce projet (91).

157. Il s’ensuit qu’il incombe à une autorité nationale, lorsqu’elle vérifie si un projet doit être soumis à une évaluation des incidences sur l’environnement, d’examiner l’impact que celui-ci pourrait avoir conjointement avec d’autres projets. D’ailleurs, en l’absence de spécification, cette obligation n’est pas limitée aux seuls projets de même nature. Dans le cadre de cet examen préalable, il convient de s’interroger sur la question de savoir si les incidences sur l’environnement d’un projet pourraient, en raison des incidences d’autres projets, être plus importantes qu’en leur absence (92).

158. Dans la présente espèce, il a été prévu de construire sur les surfaces de la ZICO «Kaliakra» non encore classées en ZPS à tout le moins le parc éolien «AES Geo Energy» OOD, avec 52 éoliennes, et trois autres installations de la «Disib» OOD. Un effet cumulatif avec ces projets ne pouvait être exclu sans aucun doute, à la fin de l’année 2007, pour aucun des quatre projets contestés ici.

159. En outre, les informations sur la ZICO «Kaliakra» comportaient des indices selon lesquels les surfaces concernées étaient d’une très grande importance pour la migration et l’hivernage de la bernache à cou roux.

160. Par conséquent, la prise en compte de l’effet cumulatif des différents projets éoliens était obligatoire lors de la vérification de la nécessité d’une évaluation des incidences sur l’environnement.

161. La République de Bulgarie fait certes valoir que, dans les décisions en question, il a été expressément constaté qu’il ne fallait s’attendre à aucun effet cumulatif. La simple allégation qu’il n’y aurait pas d’effet cumulatif ne prouve cependant pas que celui-ci ait été suffisamment apprécié. Or, la République de Bulgarie ne fournit précisément pas la preuve de cette appréciation.

4.      Conclusion intermédiaire

162. En n’ayant pas évalué de manière appropriée l’effet cumulatif des projets «Windtech» OOD, «Brestiom» OOD, «Eco Energy» OOD et «Longman Investment» OOD avec d’autres projets, lors de la vérification de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement, la République de Bulgarie a ainsi enfreint l’article 4, paragraphes 2 et 3, et l’annexe III, point 1, sous b), de la directive 2011/92, et, en ayant néanmoins autorisé et laissé réaliser le projet «Longman Investment» OOD, elle a en outre enfreint l’article 2, paragraphe 1, de cette directive.

V –    Sur les dépens

163. En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Du moment que les deux parties ont conclu à ce que la partie adverse soit condamnée aux dépens, et que la République de Bulgarie succombe dans la plupart de ses conclusions, mais pas dans toutes, loin s’en faut, je propose à la Cour de condamner ledit État membre à supporter les trois quarts des dépens.

VI – Conclusion

164. Je propose dès lors à la Cour de juger de la manière suivante:

1)      La République de Bulgarie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages en ce qu’elle n’a pas protégé intégralement en tant que zone de protection spéciale, dans le délai imparti par la Commission européenne dans son avis motivé, les parties non protégées auparavant de la zone importante pour la conservation des oiseaux «Kaliakra», au nord de la zone de protection spéciale «Kaliakra» initialement classée.

2)      La République de Bulgarie a enfreint l’article 4, paragraphe 4, première phrase, de la directive 2009/147 en n’adoptant pas les mesures nécessaires afin d’éviter que l’exploitation des projets éoliens «AES Geo Energy» OOD, «Disib» OOD, et «Longman Investment» OOD sur le territoire de la zone importante pour la conservation des oiseaux «Kaliakra», qui n’a pas été classé en zone de protection spéciale alors qu’il aurait dû l’être, ne vienne dégrader les habitats des espèces d’oiseaux à protéger et ne vienne perturber lesdites espèces.

3)      La République de Bulgarie a enfreint l’article 6, paragraphe 2, de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1993, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages en n’ayant pas adopté les mesures nécessaires afin d’éviter que l’exploitation des installations éoliennes «Kaliakra Wind Power» AD, «EVN Enertrag Kavarna» OOD et «Vertikal – Petkov & Cie» OOD, ainsi que des installations de la «Thracian Cliffs Golf & Spa Resort» OOD à l’intérieur des zones de protection spéciale «Kaliakra» et «Belite Skali» ne détériore les habitats des espèces d’oiseaux protégées et ne perturbe ces espèces.

4)      La République de Bulgarie, en n’ayant pas évalué de manière appropriée l’effet cumulatif des projets «Windtech» OOD, «Brestiom» OOD, «Eco Energy» OOD et «Longman Investment» OOD avec d’autres projets, lors de la vérification de la nécessité de procéder à une évaluation des incidences sur l’environnement, a enfreint l’article 4, paragraphes 2 et 3, et l’annexe III, point 1, sous b), de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, et, en ayant néanmoins autorisé et laissé réaliser le projet «Longman Investment» OOD, elle a enfreint l’article 2, paragraphe 1, de cette directive.

5)      Le recours est rejeté pour le reste.

6)      La République de Bulgarie supporte les trois quarts des dépens supportés par la Commission ainsi que les trois quarts de ses propres dépens.


1 –      Langue originale: l’allemand.


2 – Voir, notamment, recommandation nº 130 (2007) relative au projet d’installation d’un parc éolien à proximité des villes de Balchik et Kaliakra, et d’autres projets de même type sur le parcours de la Via Pontica (Bulgarie), adoptée par le comité permanent le 29 novembre 2007, ainsi que, dernièrement, le rapport de la République de Bulgarie du 30 mars 2015 [T‑PVS/Files(2015)22E].


3 –      Voir décision du Conseil, du 3 décembre 1981, concernant la conclusion de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (JO 1982, L 38, p. 1). La convention figure au JO 1982, L 38, p. 3.


4 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7, ci-après la «directive ‘oiseaux’»).


5 – Directive du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO L 206, p. 7), telle que modifiée par la directive 2006/105/CE du Conseil, du 20 novembre 2006 (JO L 363, p. 368, ci-après la «directive ‘habitats’»).


6 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO 2012, L 26, p. 1).


7 – Consultable à l’adresse: http://www.birdlife.org/datazone/sitefactsheet.php?id=18973.


8 – Décision 2009/92/CE de la Commission, du 12 décembre 2008, adoptant, en application de la directive 92/43/CEE du Conseil, la liste initiale des sites d’importance communautaire pour la région biogéographique de la mer Noire (JO 2009, L 43, p. 59).


9 – Consultable à l’adresse: http://natura2000.eea.europa.eu/Natura2000/SDF.aspx?site=BG0000573.


10 – Annexe A27 de la requête, p. 671.


11 – Annexe A28 de la requête, p. 676 et suiv.


12 – Annexe A31 de la requête, p. 731.


13 – Voir plus haut, point 18.


14 – Darzhavenvestnik nº 15, du 21 février 2014, p. 59 et suiv.


15 – Arrêts Commission/France (C‑202/01, EU:C:2002:713, points 19 et suiv.); Commission/Finlande (C‑240/00, EU:C:2003:126, points 28 et suiv.); Commission/Italie (C‑378/01, EU:C:2003:176, point 16); Commission/Espagne (C‑235/04, EU:C:2007:386, points 51 et suiv.) ainsi que Commission/Espagne (C‑186/06, EU:C:2007:813, points 31 et 32).


16 – Arrêt Commission/Portugal (C‑191/05, EU:C:2006:472, point 13).


17 – Arrêt Commission/France (C‑237/12, EU:C:2014:2152, point 32).


18 – Arrêt Commission/Portugal (C‑191/05, EU:C:2006:472, point 14).


19 – Arrêt Commission/Autriche (C‑209/04, EU:C:2006:195, point 31).


20 – Arrêt Commission/Irlande (C‑418/04, EU:C:2007:780, point 37).


21 – Ibidem (point 39).


22 – Arrêt Commission/Autriche (C‑209/04, EU:C:2006:195, point 33).


23 – Consultable à l’adresse: http://birdlife.org/datazone/info/ibacriteuro.


24 – Consultable à l’adresse: http://birdlife.org/datazone/sitefactsheet.php?id=18973.


25 – Arrêts Commission/Pays-Bas (C‑3/96, EU:C:1998:238, points 68 à 70); Commission/Espagne (C‑235/04, EU:C:2007:386, point 26) et Commission/Irlande (C‑418/04, EU:C:2007:780, point 52).


26 – Voir arrêt Commission/Espagne (C‑235/04, EU:C:2007:386, points 29 à 34).


27 – Ibidem (point 61).


28 – Arrêt Commission/Irlande (C‑418/04, EU:C:2007:780, point 142).


29 –      Consultable à l’adresse: http://birdlife.org/datazone/sitefactsheet.php?id=18973, visitée le 4 juin 2015.


30 –      Annexe A.28 de la requête, p. 686.


31 – Consultable à l’adresse: http://birdlife.org/datazone/info/ibacriteuro, visitée le 4 juin 2015.


32 – Annexe A.38 de la requête, p. 794.


33 – Willem van den Bossche e.a., «Еаstern European White Stork Populations: Migration Studies and Elaboration of Conservation Measures», BfN scripten, 66, 2002 (annexe B.7 du mémoire en défense, p. 521 et suiv.).


34 – Gash, Review of the Ornithologica1 Importance of the Kaliakra IBA/SРА and Saint Nikola Wind Farm, 2012 (annexe B.6 du mémoire en défense, p. 447 et suiv.).


35 – Note 34, tableau 2, p. 467.


36 – D’après les statistiques les plus récentes, il convient de souligner l’année 2013, où plus de 11 000 cigognes et plus de 10 000 rapaces ont été observés (Zehtindjiev, Bird migration monitoring in the Saint Nikola Wind Farm territory, «Kaliakra» region in autumn 2014, and an analysis of potential impact after five years of operation, p. 16 et suiv., www.aesgeoenergy.com/site/images/Report%20autumn%20monitoring%202014.pdf, visité le 6 mai 2015).


37 – Il n’y a pas de données disponibles pour l’année 2007.


38 – Cette thèse est soutenue à tout le moins dans une des études présentées par la Commission; voir annexe A.36 de la requête, p. 745.


39 – Voir annexe B.4 du mémoire en réplique, p. 73.


40 – Voir annexe B.4 du mémoire en réplique, p. 77.


41 – Voir annexe A.45 de la requête, p. 874 et suiv., ainsi qu’annexe B.6 du mémoire en défense, p. 203.


42 – Consultable à l’adresse: http://www.birdlife.org/datazone/sitefactsheet.php?id=18973, visité le 4 juin 2015.


43 – Consultable à l’adresse: http://www.birdlife.org/datazone/info/ibacriteuro, visité le 4 juin 2015.


44 – Annexe A.45 de la requête, p. 877 et suiv.


45 – Annexe B.9 du mémoire en défense, p. 789 et suiv.


46 – Voir annexe B.6 du mémoire en défense, p. 510 et suiv.; voir également p. 476 et suiv.


47 – Voir les données relatives aux années 1995-1996 (annexe B.9 du mémoire en défense, p. 872) et 1997-1998 (annexe B.9 du mémoire en défense, p. 868).


48 – Voir annexe B.7 du mémoire en réplique, p. 226 et suiv.


49 – Voir plus loin, points 96 et 97.


50 – Voir arrêt Commission/Espagne (C‑235/04, EU:C:2007:386, point 32).


51 – Annexe A.41 de la requête, p. 825.


52 –      Arrêts Commission/Finlande (C‑195/04, EU:C:2007:248, point 22) et Royaume-Uni/Conseil (C‑209/13, EU:C:2014:283, point 30).


53 – Arrêts Dragaggi e.a. (C‑117/03, EU:C:2005:16, points 24 et 25) ainsi que Bund Naturschutz in Bayern e.a. (C‑244/05, EU:C:2006:579, points 35 et 36).


54 – JO 2005, L 157, p. 203.


55 – Arrêt Commission/Autriche (C‑209/04, EU:C:2006:195, point 57).


56 – Ibidem (point 62).


57 – Voir, déjà à l’époque, les conclusions que j’ai présentées dans l’affaire Commission/Autriche (C‑209/04, EU:C:2005:653, points 55 à 64).


58 – Arrêt Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias e.a. (C‑43/10, EU:C:2012:560, point 103).


59 – Arrêt Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, point 124).


60 – Arrêts Stadt Papenburg (C‑226/08, EU:C:2010:10, points 48 et 49) ainsi que Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, point 125). Voir également dans ce sens arrêt Commission/Italie (C‑491/08, EU:C:2010:330, en particulier point 38).


61 – Arrêts Commission/France (C‑374/98, EU:C:2000:670, points 47 et 57); Commission/Italie (C‑388/05, EU:C:2007:533, point 18) ainsi que Commission/Espagne (C‑186/06, EU:C:2007:813, points 27 et suiv.).


62 – Arrêts Commission/France (C‑241/08, EU:C:2010:114, point 32) et Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, point 126).


63 – Arrêt Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, point 128).


64 – Ibidem (point 142).


65 – Arrêts Waddenvereniging et Vogelsbeschermingvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:482, point 43); Commission/Italie (C‑179/06, EU:C:2007:578, point 33) ainsi qu’Azienda Agro‑Zootecnica Franchini et Eolica di Altamura (C‑2/10, EU:C:2011:502, point 41).


66 – Arrêts Waddenvereniging et Vogelsbeschermingvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:482, point 36); Commission/France (C‑241/08, EU:C:2010:114, point 30) ainsi que Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, point 142).


67 – Arrêt Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, points 156 et 192).


68 – Point 8.6 de l’acte juridique cité dans la note 14.


69 – Voir, à titre illustratif, arrêts Commission/Autriche (C‑209/02, EU:C:2004:61, point 24) et Commission/Italie (C‑491/08, EU:C:2010:330, points 32 à 34).


70 – Arrêts Bund Naturschutz in Bayern e.a. (C‑244/05, EU:C:2006:579, points 46 et 47); Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, point 163) ainsi que Commission/Chypre (C‑340/10, EU:C:2012:143, point 44).


71 – Voir arrêts Commission/Grèce (C‑286/08, EU:C:2009:543, point 8); Commission/France (C‑492/08, EU:C:2010:348, point 32); Commission/Pologne (C‑281/11, EU:C:2013:855, points 26 à 28) et Gruber (C-570/13, EU:C:2015:231, points 26 à 28).


72 – Arrêt Commission/Espagne (C‑186/06, EU:C:2007:813, point 32).


73 – Arrêts Commission/France (C‑374/98, EU:C:2000:670, points 47 et 57); Commission/Italie (C‑388/05, EU:C:2007:533, point 18) ainsi que Commission/Espagne (C‑186/06, EU:C:2007:813, points 27 et suiv.).


74 – Arrêts Commission/Irlande (C‑117/00, EU:C:2002:366, point 26); Commission/Italie (C‑388/05, EU:C:2007:533, point 26) et Commission/Grèce (C‑517/11, EU:C:2013:66, point 34).


75 – Voir plus haut, points 83 à 87.


76 – Arrêt Commission/Espagne (C‑186/06, EU:C:2007:813, points 33, 34 et 36).


77 – Voir plus bas, points 145 et 146.


78 – Voir plus haut, points 96 et 97.


79 – Arrêts Commission/Espagne (C‑355/90, EU:C:1993:331, point 15) et Commission/Espagne (C‑186/06, EU:C:2007:813, point 36).


80 – Voir plus haut, point 87.


81 – Voir arrêts Waddenvereniging et Vogelsbeschermingvereniging (C‑127/02, EU:C:2004:482, point 59); Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, point 156) ainsi que Nomarchiaki Aftodioikisi Aitoloakarnanias e.a. (C‑43/10, EU:C:2012:560, point 113).


82 – Arrêt Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, points 156 et 192).


83 –      Arrêts Commission/Allemagne (C‑57/89, EU:C:1991:89, points 21 et suiv.); Commission/Espagne (C‑355/90, EU:C:1993:331, point 19); Royal Society for the Protection of Birds (C‑44/95, EU:C:1996:297, point 37) ainsi que Commission/Espagne (C‑186/06, EU:C:2007:813, point 37).


84 – Voir arrêt Commission/Espagne (C‑404/09, EU:C:2011:768, point 157).


85 – Voir arrêt Gruber (C‑570/13, EU:C:2015:231, points 26 à 28).


86 – Arrêt Commission/France (C‑241/08, EU:C:2010:114, point 59).


87 – Arrêts Kraaijeveld e.a. (C‑72/95, EU:C:1996:404, point 50); Salzburger Flughafen (C‑244/12, EU:C:2013:203, point 29) ainsi que Marktgemeinde Straßwalchen e.a. (C‑531/13, EU:C:2015:79, point 40).


88 –      Arrêts Salzburger Flughafen (C‑244/12, EU:C:2013:203, point 30) ainsi que Marktgemeinde Straßwalchen e.a. (C‑531/13, EU:C:2015:79, point 41).


89 – Arrêt Marktgemeinde Straßwalchen e.a. (C‑531/13, EU:C:2015:79, point 42). Voir également en ce sens arrêt Mellor (C‑75/08, EU:C:2009:279, point 51).


90 – Arrêt Marktgemeinde Straßwalchen e.a. (C‑531/13, EU:C:2015:79, point 43). Voir également en ce sens arrêt Brussels Hoofdstedelijk Gewest e.a. (C‑275/09, EU:C:2011:154, point 36).


91 – Arrêt Marktgemeinde Straßwalchen e.a. (C‑531/13, EU:C:2015:79, point 44).


92 –      Ibidem (point 45).