Language of document : ECLI:EU:T:2012:300

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

12 juin 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative ULTRA – Cause de nullité absolue – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Directives d’examen de l’EUIPO »

Dans l’affaire T‑170/23,

Amstel Brouwerij BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes T. Cohen Jehoram et Y. Song, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. A. Ringelhann et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Anheuser-Busch LLC, établie à Saint-Louis, Missouri (États-Unis), représentée par Mes A. Renck et C. Stöber, avocats,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. F. Schalin, président, Mme P. Škvařilová‑Pelzl (rapporteure) et M. D. Kukovec, juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 24 janvier 2024,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Amstel Brouwerij BV, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 24 janvier 2023 (affaire R 2088/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 17 octobre 2002, l’intervenante, Anheuser-Busch LLC, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour la marque figurative suivante :

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3        La marque demandée désignait les bières relevant de la classe 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        La marque de l’Union européenne figurative a été enregistrée le 21 janvier 2005.

5        Le 24 juin 2020, la requérante a formé une demande en nullité de la marque enregistrée, sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du même règlement.

6        Le 13 octobre 2021, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité.

7        Le 11 décembre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours, au motif que la requérante n’avait pas démontré que la marque contestée était dépourvue de caractère distinctif ou qu’elle avait un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 40/94. En substance, la chambre de recours a considéré que la jurisprudence du Tribunal avait déjà établi une différence claire entre la signification de l’élément « ultra » lorsqu’il était pris isolément et lorsqu’il était assorti d’une indication supplémentaire. En ce sens, la chambre de recours a considéré que l’élément verbal « ultra », en tant que préfixe, nécessitait d’être accompagné d’un substantif qui indiquait dans quel sens ou sur quel aspect les produits ou les services concernés allaient « au-delà de ce qui [était] habituel ou ordinaire » ou étaient « excellents » et que, pris isolément, cet élément verbal n’avait aucune signification par rapport aux produits en cause et était distinctif. Par ailleurs, la chambre de recours a soutenu, aux points 91, 92 et 95 de la décision attaquée, qu’elle ne pouvait pas être liée par les décisions de première instance de l’EUIPO ou par la pratique décisionnelle antérieure des chambres de recours, ni par les directives d’examen de l’EUIPO.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur le droit applicable ratione temporis

12      L’EUIPO fait valoir, en substance, que la requérante s’est erronément fondée sur le règlement 2017/1001 dans sa requête, qui, au regard des faits de l’espèce, ne pourrait trouver à s’appliquer. En ce sens, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 17 octobre 2002, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 40/94 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

13      En outre, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

14      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la requérante et l’intervenante à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 comme visant l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, d’une teneur identique.

 Sur la recevabilité d’un élément de preuve produit pour la première fois devant le Tribunal

15      L’intervenante excipe de l’irrecevabilité de l’annexe A.5 de la requête, au motif que celle-ci a été produite pour la première fois devant le Tribunal. En l’espèce, ladite annexe consiste en une capture d’écran du dictionnaire en ligne Collins dictionnary correspondant à l’entrée de l’élément verbal « ultra ». En outre, comme le note l’intervenante, les observations déposées par la requérante auprès de la division d’annulation et de la chambre de recours comprenaient un lien vers la page Internet dédiée, dans ledit dictionnaire en ligne, à l’entrée de l’élément verbal « ultra », lequel n’était pas accompagné d’une capture d’écran du contenu de ladite page.

16      Or, il convient d’observer que la chambre de recours, aux points 58 et 59 de la décision attaquée, s’est fondée sur des définitions tirées de dictionnaires en ligne présentées par la requérante sous la forme de liens vers des pages Internet durant la procédure administrative, tels que le Oxford Learners Dictionnary, le Diccionario de la Real Academia Española ou encore du dictionnaire Duden, et a conclu que le terme « ultra » signifiait, entre autres, « extrême, très ou au-delà » et que celui-ci pouvait être employé en tant que substantif ou préfixe.

17      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, premièrement, selon une jurisprudence constante, l’article 95 du règlement 2017/1001 ne fait pas obstacle à ce que les instances de l’EUIPO fondent leurs décisions, outre sur les faits et les preuves présentés par les parties, sur des faits notoires, à savoir des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles [voir, en ce sens, ordonnances du 23 novembre 2015, Actega Terra/OHMI – Heidelberger Druckmaschinen (FoodSafe), T‑766/14, non publiée, EU:T:2015:913, point 34 et jurisprudence citée, et du 12 février 2021, sprd.net/EUIPO – Shirtlabor (I love), T‑19/20, non publiée, EU:T:2021:89, point 134 et jurisprudence citée].

18      Deuxièmement, il ressort de la jurisprudence, en substance, qu’un extrait de dictionnaire en ligne constitue une source généralement accessible au grand public et que, dès lors, les définitions y figurant constituent des faits notoires [voir, en ce sens, ordonnance du 23 novembre 2015, FoodSafe, T‑766/14, non publiée, EU:T:2015:913, point 36, et arrêt du 15 octobre 2020, smart things solutions/EUIPO – Samsung Electronics (smart:)things), T‑48/19, non publié, EU:T:2020:483, point 75].

19      Troisièmement, il y a également lieu d’observer que selon une jurisprudence constante, une partie requérante est en droit de présenter devant le Tribunal des documents afin soit d’étayer soit de contester devant ce dernier l’exactitude d’un fait notoire [voir arrêt du 19 juin 2018, Erwin Müller/EUIPO – Novus Tablet Technology Finland (NOVUS), T‑89/17, non publié, EU:T:2018:353, point 16 et jurisprudence citée].

20      En l’espèce, l’annexe contestée comporte la définition du terme « ultra » selon le Collins Dictionnary qui est, en substance, similaire aux définitions sur lesquelles s’est fondée la chambre de recours (voir point 16 ci-dessus). À cet égard, la chambre de recours était en mesure d’avoir accès à ces éléments, accessibles au grand public et constituant un fait notoire. Par ailleurs, le fait, pour la requérante, de présenter, pour la première fois devant le Tribunal, une capture d’écran du contenu d’une page Internet, dont le lien a déjà été présenté durant la phase administrative et qui fait apparaître une définition d’un dictionnaire, peut être considéré comme ayant pour objet d’étayer l’exactitude d’un fait notoire. Dès lors, l’annexe A.5 de la requête est relative à des éléments factuels dont il est fait état dans la décision attaquée et qui appartiennent au cadre factuel de la procédure devant la chambre de recours.

21      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de déclarer l’annexe A.5 de la requête recevable.

 Sur le fond

22      Au soutien de son recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 et, le second, de la violation des principes généraux de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

23      Dans le cadre du premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré, en substance, que le terme « ultra », pris isolément, avait un caractère distinctif par rapport aux produits en cause.

24      À cet égard, la requérante soutient que la marque contestée est une marque laudative, qui ne serait pas en mesure d’indiquer l’origine commerciale des produits en cause. Elle fait valoir, en ce sens, que le terme « ultra », lorsqu’il est employé comme un adjectif, ferait référence à des qualités extraordinaires d’une chose, comme quelque chose « allant au-delà de ce qui est habituel ou ordinaire », d’« excessif » ou d’« extrême ». Selon la requérante, cela ressortirait également des conclusions de la division d’annulation, qui avait défini l’élément verbal « ultra » comme indiquant qu’une chose était extraordinaire, remarquable ou d’une qualité élevée unique. Dès lors, selon la requérante, le public pertinent percevra l’élément verbal « ultra » comme un terme promotionnel ayant pour objet la promotion des qualités positives ou des caractéristiques supérieures desdits produits, plutôt que comme un indicateur de l’origine commerciale des mêmes produits, de sorte que la marque contestée est dépourvue de caractère distinctif.

25      Par ailleurs, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir commis une erreur d’appréciation, aux points 58 à 60 de la décision attaquée, en occultant le fait que le terme « ultra » pouvait être employé, non seulement en tant que préfixe, mais aussi en tant qu’adjectif laudatif et autonome dans le secteur publicitaire. La requérante estime que la chambre de recours a également commis une erreur, aux points 62 à 68 de la décision attaquée, en considérant que le terme « ultra » était dépourvu de caractère distinctif uniquement lorsqu’il était employé en tant que préfixe, en combinaison avec d’autres substantifs. En outre, selon elle, son argument est conforté par les prévisions des directives d’examen de l’EUIPO, selon lesquelles le terme « ultra », pris individuellement ou combiné à d’autres éléments non enregistrables, signalerait simplement une qualité ou une fonction positive ou attractive des produits ou des services concernés, de sorte que celui-ci ne peut être enregistré en tant que marque de l’Union européenne, qu’il soit utilisé seul ou combiné à un autre terme.

26      Enfin, la requérante avance que, selon la jurisprudence, le terme « ultra », pris isolément, est synonyme d’« au-delà de quelque chose » ou d’« extra » et joue donc le rôle d’un superlatif qui désigne une qualité élevée et intense et qui est souvent utilisé dans le langage publicitaire [voir, par analogie, arrêts du 28 avril 2015, Volkswagen/OHMI (EXTRA), T‑216/14, non publié, EU:T:2015:230, points 21 et 23, et du 15 octobre 2019, Vans/EUIPO (ULTRARANGE), T‑434/18, non publié, EU:T:2019:746, point 21 et jurisprudence citée]. Dès lors, selon elle, la jurisprudence relative à l’absence de caractère distinctif du terme « extra », qui informe immédiatement les consommateurs, sans réflexion supplémentaire, que les produits ou les services concernés ont des qualités positives, peut être appliquée mutatis mutandis au terme « ultra ».

27      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conteste les arguments de la requérante.

28      À cet égard, l’EUIPO fait valoir que la jurisprudence à laquelle la requérante fait référence dans ses écritures et qui est reprise dans ses directives d’examen ne saurait être transposée au cas d’espèce, dès lors qu’elle porte sur des marques verbales complexes et va à l’encontre de la solution préconisée par la requérante. Selon l’EUIPO, ladite jurisprudence indique plutôt que le préfixe « ultra », combiné à un autre terme ou à un superlatif, permet d’amplifier la signification de ce dernier.

29      Par ailleurs, l’EUIPO et l’intervenante soutiennent, en substance, qu’il convient également de tenir compte du fait que, si les termes « extra » et « ultra » peuvent avoir une signification similaire et être considérés comme étant synonymes, ainsi que le fait valoir la requérante, ceux-ci ne sont, en tout état de cause, pas interchangeables, pour des raisons grammaticales, le terme « extra » pouvant être utilisé seul.

30      L’intervenante soutient, quant à elle, que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que la marque contestée, utilisée isolément, possédait un caractère distinctif.

31      À cet égard, l’intervenante fait valoir que, premièrement, le terme « ultra », en tant que substantif, n’a aucune signification par rapport aux « bières » relevant de la classe 32 et que, en substance, la requérante n’a pas apporté la preuve contraire. Deuxièmement, l’intervenante avance que les différentes entrées de dictionnaires ou de copies d’écran de dictionnaires et de définitions sur Internet démontrent que ledit terme serait uniquement un préfixe. Partant, elle réfute l’argument de la requérante selon lequel ce même terme pourrait être utilisé tant seul que comme préfixe, de sorte que ledit argument serait juridiquement erroné. Troisièmement, l’intervenante considère que la requérante n’a pas démontré le caractère laudatif ou promotionnel de la marque contestée dès lors qu’elle a erronément interprété la jurisprudence relative aux marques combinant le terme « ultra » et un autre élément verbal. Quatrièmement, l’intervenante estime que la requérante ne conteste pas, à suffisance de droit, les appréciations de la chambre de recours relatives au caractère descriptif de la marque contestée figurant aux points 78 à 83 de la décision attaquée. Selon l’intervenante, le terme « ultra », employé isolément, ne souligne pas, directement et de manière non équivoque, des aspects spécifiques des produits en cause, ce terme devant donc être considéré comme étant neutre et possédant un caractère distinctif intrinsèque.

32      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, de celui-ci est applicable même si les motifs absolus de refus n’existent que dans une partie de l’Union [arrêt du 9 mars 2022, Lea Nature Services/EUIPO – Debonair Trading Internacional (SO...?), T‑197/21, non publié, EU:T:2022:118, point 21].

33      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

34      En outre, il ressort de la jurisprudence que le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée).

35      En l’espèce, les produits couverts par la marque contestée, tels qu’ils figurent au point 1 de la décision attaquée, sont « les bières » relevant de la classe 32, lesquelles sont destinées à l’ensemble des consommateurs. La chambre de recours en a déduit, au point 54 de la décision attaquée, que le public pertinent était constitué du grand public, ayant un niveau d’attention moyen et a considéré, au point 55 de ladite décision, que le territoire pertinent était celui de l’ensemble de l’Union européenne. À la suite d’une question posée lors de l’audience, l’EUIPO a confirmé que la chambre de recours s’était fondée sur la perception du public dans la partie anglophone de l’Union et du public de langue latine pouvant comprendre le terme « ultra » comme ayant la même signification qu’en anglais.

36      Il convient également de rappeler que selon une jurisprudence constante, toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont, par ailleurs, utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualités ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif, même simple, et sont néanmoins aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné [voir arrêt du 30 avril 2015, Steinbeck/OHMI – Alfred Sternjakob (BE HAPPY), T‑707/13 et T‑709/13, non publié, EU:T:2015:252, point 24 et jurisprudence citée].

37      Il s’ensuit qu’une marque constituée de tels signes ou de telles indications doit être considérée comme étant dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle. En revanche, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services visés [voir arrêt du 17 septembre 2015, Volkswagen/OHMI (COMPETITION), T‑550/14, EU:T:2015:640, point 17 et jurisprudence citée].

38      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le premier moyen.

39      À titre liminaire, il convient de rappeler que la date de dépôt de la demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne est la date pertinente pour l’examen d’un motif absolu de nullité [ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, point 40 ; arrêts du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal Industry, C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129, point 59, et du 3 juin 2009, Frosch Touristik/OHMI – DSR touristik (FLUGBÖRSE), T‑189/07, EU:T:2009:172, point 18]. Ainsi qu’il ressort du point 1 de la décision attaquée, la date pertinente à prendre en compte, dans le cadre de l’examen du présent recours, est le 17 octobre 2002.

40      En premier lieu, il y a lieu d’observer que, à la date pertinente, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 63 de la décision attaquée, le Tribunal a déjà jugé que le terme « ultra », employé en tant que préfixe, était susceptible d’amplifier la désignation d’une qualité ou d’une caractéristique d’un produit [arrêt du 9 octobre 2002, Dart Industries/OHMI (UltraPlus), T‑360/00, EU:T:2002:244, point 25].

41      En deuxième lieu, il convient de relever que les directives d’examen de l’EUIPO sont susceptibles de fournir des indices pertinents faisant état de la pratique de ce dernier à la date pertinente, de telles directives pouvant être prises en compte dans le cadre de l’appréciation des faits de la cause. En effet, les directives d’examen de l’EUIPO, en dépit de leur absence de caractère contraignant, constituent une source de référence sur la pratique de l’EUIPO en matière de marques ainsi qu’une codification d’une ligne de conduite qu’il se propose lui-même d’adopter [voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2015, Federación Nacional de Cafeteros de Colombia/OHMI – Hautrive (COLOMBIANO HOUSE), T‑387/13, non publié, EU:T:2015:647, points 45 et 46 et jurisprudence citée]. Il ressort, en outre, de la jurisprudence que ces directives sont conçues pour rassembler la pratique découlant notamment des décisions des juridictions de l’Union et de l’EUIPO et ont été rédigées afin de refléter la pratique de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2015, COLOMBIANO HOUSE, T‑387/13, non publié, EU:T:2015:647, point 48).

42      Dès lors que les directives d’examen de l’EUIPO peuvent fournir des indices pertinents aux fins d’établir le cadre factuel existant à la date pertinente, il y a lieu d’observer que, dans la partie B (intitulée « Examen »), section 4 (intitulée « Motifs absolus de refus »), chapitre 3 (intitulé « Marques dépourvues de caractère distinctif »), point 3 (intitulé « Éléments verbaux »), des directives d’examen de l’EUIPO, ce dernier, en se fondant sur un précédent du 9 décembre 2002 établi par la première chambre de recours, observait expressément que les termes qui dénotent simplement une qualité ou une fonction positive ou attractive des produits ou des services concernés doivent être refusés à l’enregistrement, qu’ils soient demandés seuls ou combinés à des termes descriptifs. Plus particulièrement, selon ces directives, à l’égard desquelles, certes, ni les chambres de recours ni le Tribunal ne sont liés, le terme « ultra » est considéré comme étant non enregistrable, dès lors qu’il signifie « extrêmement », et ce qu’il soit pris isolément ou combiné à d’autres termes.

43      En outre, il convient d’observer, aux points 60 et 89 de la décision attaquée, que, à la date pertinente, la pratique décisionnelle de l’EUIPO tendait à un refus quasi systématique d’enregistrer les marques constituées du terme « ultra » pris isolément ou combiné à d’autres substantifs. Cet indice est également confirmé par l’arrêt du 9 octobre 2002, UltraPlus (T‑360/00, EU:T:2002:244), duquel il ressort, en substance, que l’EUIPO, à la date pertinente, faisait déjà valoir devant le Tribunal sa pratique constante de rejet des signes composés du terme « ultra » (voir, en ce sens, arrêt du 9 octobre 2002, UltraPlus, T‑360/00, EU:T:2002:244, point 53).

44      Alors même que les directives d’examen de l’EUIPO et la pratique décisionnelle de l’EUIPO sont dépourvues de valeur juridique contraignante, ces éléments constituent néanmoins des indices pertinents pour établir que, à la date pertinente, le terme « ultra » pouvait avoir une signification laudative et promotionnelle par rapport aux produits en cause.

45      En troisième lieu, sans préjudice des considérations qui ressortent du point 39 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, les éléments postérieurs à la date du dépôt de la demande d’enregistrement peuvent également être pris en considération à condition qu’ils permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date (ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, point 41 ; arrêts du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal Industry, C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129, point 60, et du 3 juin 2009, FLUGBÖRSE, T‑189/07, EU:T:2009:172, point 18).

46      En l’espèce, il ressort des points 58 et 59 de la décision attaquée que la chambre de recours s’est fondée sur plusieurs dictionnaires en ligne, dont la date de mise en ligne des définitions en cause est impossible à vérifier. Or, ainsi qu’il ressort du point 18 ci-dessus, ces définitions, qui sont des faits notoires généralement accessibles au grand public, même si elles sont postérieures à la date pertinente, constituent des indices pertinents permettant de déduire la signification du terme « ultra » à ladite date ainsi que la manière dont celui-ci pouvait être perçu par le public pertinent à cette même date.

47      Il y a également lieu d’observer qu’il ressort des différents extraits de dictionnaires que le terme « ultra » peut faire l’objet d’un usage à la fois en tant que préfixe ou de manière isolée, en tant qu’adjectif ou comme substantif. Cela est d’ailleurs confirmé par l’annexe A.5 de la requête (voir point 20 ci-dessus), de laquelle il ressort que ledit terme, en anglais, peut également être utilisé en tant qu’adjectif signifiant « allant au-delà de la limite habituelle », « excessif » ou « extrême ».

48      Par ailleurs, il convient de rappeler que le Tribunal a également précisé sa ligne jurisprudentielle, en considérant, en substance, que le terme « ultra », pris isolément, signifiait « qui va au-delà de ce qui est habituel ou ordinaire », « excessif », « extrême » ou « immodéré » et qu’il était synonyme de « au-delà de quelque chose » ou de « extra » (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2019, ULTRARANGE, T‑434/18, non publié, EU:T:2019:746, points 20 et 21).

49      Partant, il apparaît, selon les indices relevés aux points 44, 46 et 48 ci-dessus, que le terme « ultra » était, déjà à la date pertinente, compris comme signifiant « au-delà de ce qui est ordinaire », « excessif », « extrême » ou « immodéré ». En tout état de cause, ce terme, qui est un terme courant et générique, a, pour le public pertinent anglophone ou de langue latine, une signification identique à la fois lorsqu’il est employé en tant que préfixe ou lorsqu’il est employé de manière isolée et est compris, par ledit public, comme renvoyant à une qualité ou une caractéristique du produit concerné. En outre, il n’y a aucune raison de considérer que sa signification aurait varié entre la date du dépôt de la demande de marque et la date à laquelle la demande de nullité a été introduite.

50      En quatrième lieu, il convient de constater que, ainsi qu’il ressort des points 48 et 49 ci-dessus, et contrairement à ce que soutiennent l’EUIPO et l’intervenante, le Tribunal a jugé, en substance, que le terme « ultra », qui peut être utilisé de manière isolée ou en tant que préfixe, est synonyme du terme « extra », qui est un superlatif désignant une qualité élevée et intense, souvent utilisé dans le langage publicitaire. Dès lors, c’est à tort que la chambre de recours a conclu, aux points 60 et 68 de la décision attaquée, que le terme « ultra » ne pouvait pas, sans être combiné avec d’autres mots, être considéré comme une expression purement élogieuse ou promotionnelle et que, ainsi, la jurisprudence relative au terme « extra » ne pouvait pas être appliquée, par analogie, au terme « ultra ».

51      Il convient, à cet égard, d’observer que le Tribunal avait déjà conclu que le terme « extra » était dépourvu de caractère distinctif, notamment en raison du fait qu’il avait un caractère élogieux, qui était censé souligner des qualités abstraites des produits ou des services désignés par ce terme et suggérer au consommateur que ces produits et ces services présentaient des qualités supplémentaires à celles habituellement attendues (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2015, EXTRA, T‑216/14, non publié, EU:T:2015:230, point 21 et jurisprudence citée).

52      Cette conclusion, qui constitue un indice pertinent supplémentaire, est confortée par les conclusions du Tribunal, selon lesquelles, en substance, la signification générique tendant à exalter de manière indéterminée la nature, la fonction, la qualité ou l’une des qualités de n’importe quel produit, de l’élément « ultra », synonyme du terme « extra », et son utilisation habituelle dans le langage courant, comme dans le commerce, en tant que terme laudatif générique contribuent au caractère laudatif de la marque demandée (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2019, ULTRARANGE, T‑434/18, non publié, EU:T:2019:746, points 21 et 32 et jurisprudence citée).

53      En l’espèce, contrairement à ce que soutient l’intervenante (voir point 31 ci-dessus), il ressort suffisamment des éléments présentés par la requérante, durant la phase administrative, que le terme « ultra », pris isolément ou combiné à d’autres termes, est utilisé de manière générique et courante dans le commerce pour une large gamme de produits de consommation courante et, particulièrement, pour les bières, contrairement à ce que soutient la chambre de recours au point 70 de la décision attaquée.

54      En effet, le terme « ultra » informe clairement et immédiatement le public pertinent de la qualité supérieure des produits par rapport à ceux de la concurrence. Dans ces conditions, celui-ci pouvait, à la date pertinente, être perçu par ledit public comme l’évocation d’une idée d’excellence, de supériorité ou d’une certaine teneur en goût ou en degré d’alcool des bières relevant de la classe 32.

55      Il s’ensuit que le terme « ultra » est un terme laudatif générique qui ne peut être considéré comme apte à individualiser l’origine commerciale des produits qu’il désigne.

56      En cinquième lieu, la stylisation de l’élément figuratif « ultra », qui est simple et banale et donne à l’élément verbal un léger aspect bidimensionnel, ne permet pas de détourner les consommateurs du message clair transmis par ce mot. La marque contestée, dans son ensemble, est donc perçue comme un simple message promotionnel et laudatif par le public pertinent, et non comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause.

57      Il s’ensuit que le terme « ultra » doit être considéré comme étant dépourvu de caractère distinctif pour les bières relevant de la classe 32. Plus particulièrement, tout en considérant l’impératif de disponibilité du terme « ultra » pour les autres opérateurs offrant les produits concernés, ce terme, qu’il soit employé seul, en tant qu’adjectif ou substantif, ou en tant que préfixe, revêt un caractère laudatif et promotionnel, qui ne peut faire l’objet d’un enregistrement en tant que marque de l’Union européenne au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94.

58      Dès lors, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant, en substance, aux points 72 et 96 de la décision attaquée, que la marque contestée était distinctive ou que l’on ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce qu’elle soit perçue comme étant dépourvue de caractère distinctif à l’avenir.

59      Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que la chambre de recours a méconnu l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, de sorte qu’il y a lieu d’accueillir le premier moyen.

60      Au regard de ce qui précède, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second moyen, dès lors que la marque contestée se heurte à une cause absolue de refus d’enregistrement.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

62      L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

63      L’intervenante ayant succombé en ses conclusions, celle-ci supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 24 janvier 2023 (affaire R 2088/2021-5) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Amstel Brouwerij BV.

3)      Anheuser-Busch LLC supportera ses propres dépens.

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juin 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.