Language of document : ECLI:EU:T:2023:391

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

12 juillet 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant deux formes géométriques noires – Marques de l’Union européenne et nationale figuratives antérieures mó – Motif relatif de refus – Absence d’atteinte à la renommée – Absence de similitude des signes – Article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑487/22,

Multiópticas S. Coop., établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes M. López Camba et A. Lyubomirova Geleva, avocates,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Nike Innovate CV, établie à Beaverton, Oregon (États-Unis),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, V. Valančius (rapporteur) et I. Gâlea, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Multiópticas S. Coop., demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 2 juin 2022 (affaire R 1762/2021-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 19 novembre 2019, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, Nike Innovate CV, a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les services relevant notamment de la classe 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Services d’un magasin de vente au détail liés aux lunettes ; et services de commande au détail en ligne par le biais d’un réseau informatique mondial de lunettes ».

4        Le 15 avril 2020, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque de l’Union européenne figurative enregistrée le 29 juillet 2009 sous le numéro 7491095 et désignant notamment les services compris dans la classe 35, visés au point 3 ci-dessus, reproduite ci-après :

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–        la marque de l’Union européenne figurative enregistrée le 29 juillet 2009 sous le numéro 7490923 et désignant notamment les services compris dans la classe 35, visés au point 3 ci-dessus, reproduite ci-après :

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–        la marque de l’Union européenne figurative enregistrée le 7 octobre 2013 sous le numéro 11810595 et désignant notamment les services compris dans la classe 35, visés au point 3 ci-dessus, reproduite ci-après :

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–        la marque espagnole figurative enregistrée le 14 juin 2013 sous la référence M 3066116 et désignant notamment les services compris dans la classe 35, visés au point 3 ci-dessus, reproduite ci-après :

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6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        À la suite de la demande formulée par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier a invité la requérante à apporter la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures invoquées à l’appui de l’opposition. Celle-ci a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

8        Le 7 septembre 2021, la division d’opposition a rejeté l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

9        Le 13 octobre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours. Elle a, en substance, confirmé la décision de la division d’opposition, en décidant que les signes en conflit n’étaient pas similaires. Elle a ainsi rejeté l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Ayant rappelé que les conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 étaient cumulatives et que l’une d’elles, en l’occurrence la similitude des signes en conflit, n’était pas remplie, elle a également rejeté l’opposition sur le fondement de cette disposition.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens ;

–        condamner Nike Innovate aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens au cas où une audience serait organisée.

 En droit

13      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, en soutenant, en substance, que les signes en conflit présentent une certaine similitude et que la chambre de recours aurait dû, par conséquent, apprécier la réunion des autres conditions énoncées dans cette disposition.

14      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2 de cet article, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union européenne ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

15      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [voir arrêts du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, points 34 et 35 et jurisprudence citée, et du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 29 et jurisprudence citée].

16      Selon la jurisprudence, la notion de similitude entre les marques en conflit et les critères à prendre en compte lors de l’appréciation de la similitude entre les marques en cause sont les mêmes dans le cas de figure du refus de l’enregistrement d’une marque demandée en raison d’un risque de confusion, en application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et du refus en raison d’une atteinte à la renommée d’une marque antérieure, aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. En effet, dans ces deux cas de figure permettant de refuser l’enregistrement d’une marque demandée, la condition d’une similitude entre la marque et le signe suppose l’existence, en particulier, d’éléments de ressemblance visuelle, phonétique ou conceptuelle, de sorte que, du point de vue du public pertinent, il existe entre les marques en cause une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du 27 septembre 2011, El Jirari Bouzekri/OHMI – Nike International (NC NICKOL), T‑207/09, non publié, EU:T:2011:537, point 31 ; voir, également, arrêt du 12 novembre 2014, Volvo Trademark/OHMI – Hebei Aulion Heavy Industries (LOVOL), T‑524/11, EU:T:2014:944, point 21 et jurisprudence citée].

17      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si la chambre de recours a conclu à bon droit que les signes en conflit n’étaient pas similaires et a, en conséquence, rejeté l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

18      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a, à titre liminaire, considéré que le public pertinent était le grand public de l’Union, ce que ne conteste pas la requérante.

19      En outre, la chambre de recours a comparé de manière détaillée les signes en conflit dans le cadre de l’examen du motif de refus d’enregistrement visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Dans le cadre de l’examen du motif visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, elle s’est fondée sur la conclusion de la comparaison des signes effectuée dans le cadre de l’examen du premier motif de refus.

20      À cet égard, la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’opposition en décidant que les signes en conflit n’étaient pas similaires, mais différents.

21      Dans la requête, la requérante ne conteste pas les appréciations de la chambre de recours quant à l’absence de similitude des signes en conflit en application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, mais celles en application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

22      Elle soutient en ce sens que le degré de similitude requis dans le cadre de l’une et de l’autre desdites dispositions est différent. En effet, tandis que la mise en œuvre de la protection instaurée par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 serait subordonnée à la constatation d’un degré tel de similitude entre les signes en conflit qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion, l’existence d’un tel risque ne serait pas requise pour la protection conférée par le paragraphe 5 de ce même article.

23      Ainsi, selon la requérante, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 peuvent être la conséquence d’un degré moindre de similitude entre les signes en conflit, pour autant que celui-ci soit suffisant pour que le public pertinent effectue un rapprochement entre lesdits signes, c’est-à-dire qu’il établisse un lien entre ceux-ci.

24      À cet égard, il suffit de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 16 ci-dessus que la notion de similitude entre les marques en conflit et les critères à prendre en compte lors de l’appréciation de la similitude entre les marques en cause sont les mêmes dans le cas de figure du refus de l’enregistrement d’une marque demandée en raison d’un risque de confusion, en application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et du refus en raison d’une atteinte à la renommée d’une marque antérieure, aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

25      Par ailleurs, en l’espèce, la requérante prétend que les signes en conflit présentent un certain degré de similitude.

26      Dans le cadre de son appréciation des signes en conflit dans la décision attaquée, la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’opposition quant à la marque demandée, en décidant que, compte tenu du principe selon lequel le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, la marque demandée sera perçue comme une combinaison de deux formes géométriques noires liées entre elles, de sorte que le public pertinent percevra simplement ladite marque comme un élément figuratif fantaisiste ne véhiculant aucun concept clair.

27      La chambre de recours a également confirmé les appréciations de la division d’opposition quant aux marques antérieures invoquées au soutien de l’opposition, en considérant, en substance, que, sous la réserve de certaines nuances typographiques accessoires, toutes lesdites marques antérieures seraient perçues comme les lettres « m » et « o », avec un accent sur la lettre « o ».

28      La chambre de recours a tout d’abord conclu que les signes en conflit ne possédaient aucun élément en commun, de sorte qu’ils étaient différents sur le plan visuel.

29      La chambre de recours a ensuite considéré que les signes en conflit n’étaient pas similaires sur le plan phonétique, dès lors que la marque demandée, purement figurative, ne serait pas prononcée.

30      Enfin, la chambre de recours a considéré qu’aucune comparaison conceptuelle des signes en conflit n’était possible, ces derniers ne véhiculant aucun concept clair.

31      Selon la requérante, les marques antérieures ne sont pas de simples représentations des lettres « m » et « o », mais, en substance, des signes avec des éléments verbaux stylisés pouvant revêtir différentes formes, avec, de manière caractéristique, une police de caractères d’une certaine épaisseur et de couleur noire.

32      La requérante conteste les appréciations de la chambre de recours, selon lesquelles la marque demandée ne sera pas perçue par le public pertinent comme incluant des lettres, dès lors qu’elle est un signe figuratif fantaisiste dépourvu de tout concept caché. Elle soutient que la similitude des signes en conflit, même faible, amènera le public pertinent à effectuer un rapprochement entre la marque demandée et les marques antérieures, c’est-à-dire à établir un lien entre elles.

33      La requérante prétend que le premier élément de la marque demandée, en particulier s’il est vu d’une certaine distance, comme une enseigne à l’entrée d’un magasin d’optique, pourrait être pris non seulement pour la lettre « n », mais aussi pour une lettre « m » en minuscule, et le cercle pour une lettre « o », tous deux représentés dans une police de caractères relativement gras, constituée de lignes très épaisses et de couleur noire, qui sont les principales caractéristiques associées aux marques antérieures. Celles-ci formant, en outre, une famille de marques, le public pertinent pourrait s’attendre à ce qu’elles épousent des formes différentes sur la base de ces éléments communs que sont les lettres « m » et « o », la police de caractères gras et la couleur noire.

34      Au soutien de son argumentation, premièrement, la requérante produit dans la requête un montage photographique faisant apparaître sur deux plans une représentation des signes en conflit dans un même magasin d’optique.

35      Deuxièmement, elle fait valoir que les consommateurs se référeront aux marques figurant dans les magasins d’optique de manière verbale, c’est-à-dire, en l’espèce, en prononçant les signes en conflit « mo » ou « no ».

36      Troisièmement, la requérante se prévaut des informations figurant dans le registre de l’EUIPO et relatives à la marque demandée, notamment les données figurant dans la demande d’enregistrement de ladite marque et son traitement par l’EUIPO, à savoir une marque figurative contenant des éléments verbaux. Ces éléments auraient été désignés par l’autre partie devant la chambre de recours de l’EUIPO par le mot « no » et cette dernière aurait continué à désigner ainsi la marque demandée durant les procédures devant la division d’opposition et devant la chambre de recours.

37      Ainsi, la marque demandée pourrait être perçue par le public pertinent comme un élément verbal représenté avec une stylisation particulière, compte tenu de ce que, à un moment ou à un autre, l’autre partie devant la chambre de recours de l’EUIPO et l’EUIPO lui-même ont raisonné sur la base de cette hypothèse.

38      Ainsi, selon la requérante, que la marque demandée soit perçue comme « no » ou comme « mo », il existe une certaine similitude sur le plan visuel, en ce que la stylisation des caractères composant ladite marque ressemble à celle des marques antérieures sur lesquelles est fondée l’opposition, à savoir qu’elle consiste en une police de caractères relativement grasse, avec des lignes noires très épaisses. La marque demandée s’accompagnerait également d’une similitude sur le plan phonétique, en retenant la prononciation du consommateur moyen espagnol, à savoir « no » ou « mo ».

39      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

40      À cet égard, il convient de rappeler que l’appréciation de la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en cause doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants et que, à cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne revenant pas à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque, mais, au contraire, à opérer une telle comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble (voir, en ce sens, ordonnance du 28 avril 2004, Matratzen Concord/OHMI, C‑3/03 P, EU:C:2004:233, point 32, et arrêt du 6 octobre 2005, Medion, C‑120/04, EU:C:2005:594, points 28 et 29).

41      En l’espèce, il y a lieu de considérer, sur le plan visuel, que la marque demandée se caractérise dans son ensemble par une juxtaposition de deux formes géométriques noires, à savoir un carré dont la partie supérieure est arrondie et un cercle basique à droite, tous deux remplis de noir.

42      Ainsi que l’a considéré la chambre de recours à juste titre, aucun tracé ni contour clair n’étant susceptible d’être perçu comme représentant des lettres, la marque demandée est purement figurative.

43      Ainsi, le public pertinent n’associera la combinaison des formes géométriques basiques qui forme la marque demandée à aucune combinaison de lettres. La requérante n’a pas établi que ce public essaierait ne serait-ce que d’identifier une lettre dans le signe, ce qui nécessiterait trop d’opérations mentales. Ainsi, ce public percevra simplement la marque demandée comme un élément figuratif fantaisiste, dépourvu de tout élément verbal.

44      En revanche, les marques antérieures invoquées au soutien de l’opposition font toutes clairement apparaître des éléments verbaux, à savoir la lettre « m » juxtaposée à la lettre « o » avec un accent.

45      Ainsi, même si les éléments verbaux des marques antérieures ne sont pas dénués d’une certaine stylisation, pour ce qui est notamment de l’épaisseur et de la couleur de la police, laquelle varie très légèrement selon ces marques, le public pertinent percevra immédiatement comme tels ces éléments verbaux.

46      Par ailleurs, le montage photographique produit par la requérante dans la requête et faisant apparaître sur deux plans une représentation des signes en conflit dans un même magasin d’optique ne saurait prospérer aux fin d’établir une similitude visuelle des signes en conflit.

47      En effet, si, certes, ce montage établit une identité, fictive, de deux magasins d’optique, il ne saurait établir une similitude, même faible, des signes en conflit.

48      Dès lors, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient différents sur le plan visuel.

49      Sur le plan phonétique, l’argumentation de la requérante, tirée de la description verbale des signes en conflit par le public pertinent, ne saurait convaincre.

50      En effet, une comparaison phonétique n’est pas pertinente dans le cadre de l’examen de la similitude d’une marque figurative dépourvue d’éléments verbaux avec une autre marque [voir, en ce sens, arrêts du 25 mars 2010, Nestlé/OHMI – Master Beverage Industries (Golden Eagle et Golden Eagle Deluxe), T‑5/08 à T‑7/08, EU:T:2010:123, point 67, et du 7 février 2012, Dosenbach-Ochsner/OHMI – Sisma (Représentation d’éléphants dans un rectangle), T‑424/10, EU:T:2012:58, point 45]. À cet égard, une marque figurative dépourvue d’éléments verbaux ne peut pas être prononcée en tant que telle. Tout au plus son contenu visuel ou conceptuel peut-il être décrit oralement. Or, une telle description coïncide nécessairement soit avec la perception visuelle soit avec la perception conceptuelle de la marque concernée. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’examiner, de manière autonome, la perception phonétique d’une marque figurative dépourvue d’éléments verbaux et de la comparer avec la perception phonétique d’autres marques (arrêt du 7 février 2012, Représentation d’éléphants dans un rectangle, T‑424/10, EU:T:2012:58, point 46).

51      En l’espèce, le public pertinent n’allant pas reconnaître les lettres « n » et « o » dans la marque demandée, il ne la décrira pas en prononçant ces lettres, de sorte qu’une comparaison phonétique des signes en conflit n’est pas pertinente.

52      La transcription de la marque demandée au sein des services de l’EUIPO dans le cadre de la demande d’enregistrement et des procédures devant la division d’opposition et devant la chambre de recours ne saurait être pertinente pour déterminer la perception des signes en conflit par le public pertinent.

53      En effet, il ressort de la jurisprudence que la description donnée par Nike Innovate dans sa demande d’enregistrement ou la manière dont cette marque est désignée par l’EUIPO ne sont pas déterminantes, la similitude des marques en conflit devant s’apprécier par rapport à la perception desdites marques par le public pertinent [voir, en ce sens, arrêts du 22 mars 2011, Ford Motor Company/OHMI – Alkar Automotive (CA), T‑486/07, non publié, EU:T:2011:104, point 58, et du 12 septembre 2012, Duscholux Ibérica/OHMI – Duschprodukter i Skandinavien (duschy), T‑295/11, non publié, EU:T:2012:420, point 71].

54      Partant, la chambre de recours ayant décidé à bon droit que la marque demandée était purement figurative, il ne saurait lui être reproché de n’avoir retenu aucune similitude phonétique, à défaut de pouvoir prononcer ladite marque.

55      Sur le plan conceptuel, il ne saurait non plus être reproché à la chambre de recours de n’avoir retenu aucune similitude conceptuelle des signes en conflit, aucun d’eux ne véhiculant un concept clair.

56      En effet, lorsqu’aucun des signes en cause n’a de signification pris dans son ensemble, il doit être constaté que la comparaison sur le plan conceptuel n’est pas possible [voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 2017, Novartis/EUIPO – Meda (Zymara), T‑214/15, non publié, EU:T:2017:637, point 149, et du 5 octobre 2017, Forest Pharma/EUIPO – Ipsen Pharma (COLINEB), T‑36/17, non publié, EU:T:2017:690, point 96].

57      Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’opposition, en décidant que les signes en conflit n’étaient pas similaires, mais différents.

58      En application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 et ainsi que la requérante l’a fait valoir à juste titre, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 peuvent être, certes, la conséquence d’un degré moindre de similitude entre les marques antérieure et postérieure, pour autant que celui-ci est suffisant pour que le public concerné effectue un rapprochement entre lesdites marques, c’est-à-dire établisse un lien entre celles-ci [voir arrêt du 6 juillet 2022, ALO jewelry CZ/EUIPO – Cartier International (ALOve), T‑288/21, non publié, EU:T:2022:420, point 40 et jurisprudence citée].

59      Il n’en demeure pas moins qu’il ne ressort ni du libellé des dispositions de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001 ni de la jurisprudence que la similitude entre les signes en conflit devrait être appréciée de manière différente selon qu’elle est effectuée au regard de l’une ou de l’autre de ces dispositions (voir arrêt du 6 juillet 2022, ALOve, T‑288/21, non publié, EU:T:2022:420, point 40 et jurisprudence citée).

60      Or, en l’espèce, il ressort des points 40 à 57 ci-dessus que les signes en conflit ne sont pas similaires, mais différents, de sorte qu’aucune similitude des signes en conflit, même moindre, ne saurait être établie.

61      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a décidé que les signes en conflit n’étaient pas similaires, mais différents, en application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

62      À cet égard, il convient de rappeler que les conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 sont cumulatives, de sorte que l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 54 et jurisprudence citée).

63      Or, en l’espèce, il a été jugé aux points 40 à 57 ci-dessus que c’est à bon droit que la chambre de recours a décidé que les signes en conflit n’étaient pas similaires, mais différents, de sorte que l’une des conditions cumulatives énoncées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 faisait défaut.

64      Dès lors, c’est à bon droit que la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’opposition en rejetant l’opposition formée par la requérante sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sans apprécier la réunion des autres conditions énoncées dans ladite disposition.

65      Dès lors, le moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, doit être écarté et le recours rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

67      En l’espèce, même si la requérante a succombé, l’EUIPO n’a conclu à sa condamnation aux dépens qu’en cas de convocation des parties à une audience. Or, une telle audience n’ayant pas été tenue en l’espèce, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

68      Les conclusions de la requérante tendant à ce que Nike Innovate soit condamnée aux dépens sont rejetées, comme étant manifestement privées d’objet, en ce que cette dernière n’est pas partie à la procédure devant le Tribunal.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Multiópticas S. Coop. et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supporteront leurs propres dépens.

Spielmann

Valančius

Gâlea

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 juillet 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.