Language of document : ECLI:EU:T:2019:825

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

28 novembre 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale Vibble – Marque allemande verbale antérieure vybe – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑665/18,

Soundio A/S, établie à Drammen (Norvège), représentée par Mes N. Köster et J. Albers, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Gája et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Telefónica Germany GmbH & Co. OHG, venant aux droits de E‑Plus Mobilfunk GmbH, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Me P. Neuwald, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 4 septembre 2018 (affaire R 721/2018-5), relative à une procédure d’opposition entre E-Plus Mobilfunk GmbH et Soundio,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé lors des délibérations de M. A. M. Collins, président, Mme M. Kancheva (rapporteure) et M. G. De Baere, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 novembre 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 15 février 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 21 février 2019,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 21 juillet 2015, la requérante, Soundio A/S, a obtenu auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) l’enregistrement international désignant l’Union européenne et portant le numéro 1 290 194 de la marque verbale Vibble.

2        Le 3 mars 2016, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) a reçu notification de l’enregistrement international de ladite marque, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

3        Les produits et services pour lesquels la protection a été demandée relèvent notamment des classes 9, 38 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Ordinateurs ; logiciels informatiques, y compris logiciels informatiques utilisés en rapport avec des sites Web sur Internet et autres services contenant de la musique, services de diffusion en continu de musique, autres services de divertissement en ligne, rencontres en ligne, services de communication en ligne et jeux en ligne ; logiciels informatiques de production musicale ; logiciels informatiques pour la lecture, l’enregistrement, le traitement et la reproduction de sons et de musique ; pédales d’effets électroniques pour instruments de musique ; enregistrements sur CD » ;

–        classe 38 : « Services de télécommunication, y compris diffusion de films, contenus vidéo, émissions télévisées et contenus audiovisuels et audio non numériques, services de téléphonie sans fil proposant de la musique et des informations en matière de musique ; transmission électronique de données et informations, communications par terminaux informatiques ; communications par réseaux de fibres optiques ; transmission d’images fixes et mobiles ; communications par la téléphonie mobile ; location de temps d’accès à des bases de données ; fourniture d’accès à des sites Web de musique numérique sur Internet ; services de radiodiffusion sur Internet ; diffusion sonore et télévisée de musique, représentations et autres activités de divertissement par le biais d’Internet et d’autres systèmes de télécommunication, services de télécommunication sur Internet, location d’accès à des espaces de dialogue et forums de discussion sur Internet, images numériques et services se rapportant à la transmission de sons » ;

–        classe 42 : « Conception et développement de logiciels informatiques, assistance professionnelle et technique en matière de développement de produits, ainsi qu’assistance professionnelle et technique en matière d’ingénierie ; services de conseillers en matière d’ordinateurs, de logiciels informatiques ; conception et développement personnalisés de logiciels informatiques, systèmes informatiques, sites Web et réseaux, pour des tiers, hébergement de sites Web ; hébergement d’installations en ligne pour l’animation de groupes de discussion interactifs dans le domaine de la musique et des divertissements par le biais d’un réseau informatique mondial ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2016/044, du 4 mars 2016.

5        Le 1er décembre 2016, E-Plus Mobilfunk GmbH, à laquelle l’intervenante, Telefónica Germany GmbH & Co. OHG, est venue aux droits, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était notamment fondée sur la marque allemande verbale vybe, déposée le 19 septembre 2006 et enregistrée le 13 novembre 2006 sous le numéro 30 658 294, désignant notamment les services de « télécommunications, en particulier les communications mobiles ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Par décision du 19 février 2018, la division d’opposition de l’EUIPO a partiellement accueilli l’opposition pour l’ensemble des produits et services contestés dans les classes 9, 38 et 42, au motif qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit. Elle a néanmoins rejeté l’opposition en ce qui concerne certains services compris dans la classe 42, à savoir les « services d’assistance professionnelle et technique en matière de développement de produits, ainsi qu’assistance professionnelle et technique en matière d’ingénierie », au motif qu’ils étaient différents des « services de télécommunication, en particulier les communications mobiles » couverts par la marque allemande antérieure.

9        Le 18 avril 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001 contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 4 septembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que, eu égard au niveau d’attention du public variant de moyen à élevé, à l’identité ou à la similitude des produits et des services visés par les marques en conflit, au degré moyen de similitude visuelle et au degré « considérable » de similitude phonétique, et compte tenu de l’impossibilité de comparer les marques sur le plan conceptuel, il existait un risque de confusion entre les marques en conflit en ce qui concerne les produits et services contestés compris dans les classes 9, 38 et 42.

11      Toutefois, la chambre de recours a partiellement annulé la décision de la division d’opposition en ce que celle-ci avait erronément inclus les « logiciels informatiques de production musicale », relevant de la classe 9, dans la liste des produits contestés, pour lesquels l’opposition avait été accueillie, alors qu’elle n’avait pas été dirigée contre ceux-ci.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        autoriser l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits et services visés ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En substance, elle fait valoir que, eu égard aux différences entre les marques en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, ces marques ne peuvent être jugées similaires au point de créer un risque de confusion.

15      L’EUIPO et l’intervenante concluent à l’existence d’un risque de confusion.

16      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

17      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

18      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

19      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le point de vue du consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

20      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que le public pertinent était le public germanophone, composé à la fois du grand public et des professionnels, et que le niveau d’attention variait de moyen à élevé.

21      Il convient tout d’abord d’approuver les constatations de la chambre de recours, non contestées par la requérante, selon lesquelles le territoire pertinent pour évaluer le risque de confusion est l’Allemagne, et les produits et services contestés compris dans les classes 9 et 38 s’adressent à la fois au grand public disposant d’un niveau d’attention moyen, mais également aux professionnels présentant un niveau d’attention élevé.

22      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré, d’une part, que les produits et services contestés compris dans la classe 42 s’adressaient à la fois au grand public, disposant d’un niveau d’attention moyen, mais également aux clients professionnels, présentant un degré élevé d’attention, et, d’autre part, que l’existence d’un risque de confusion pour le public ayant le niveau d’attention le moins élevé était suffisante. En particulier, elle allègue que les services contestés relevant de la classe 42 s’adressent exclusivement à un public professionnel, disposant d’un niveau d’attention élevé.

23      À cet égard, il y a lieu de constater qu’est exempte d’erreur l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les services compris dans la classe 42 s’adressent à la fois au public professionnel du secteur informatique et au grand public. En effet, comme l’a justement relevé la chambre de recours dans la décision attaquée, le Tribunal a déjà eu l’occasion de considérer que, le plus souvent, les services compris dans la classe 42 s’adressent à des spécialistes et à des commerçants. Toutefois, il arrive que certains consommateurs du grand public puissent ponctuellement avoir recours à des services informatiques de conception, de programmation et d’hébergement en ligne [voir, en ce sens, arrêt du 17 février 2017, Construlink/EUIPO – Wit-Software (GATEWIT), T‑351/14, non publié, EU:T:2017:101, point 54 et jurisprudence citée].

24      S’agissant du degré d’attention du public pertinent, d’une part, il ressort, de la jurisprudence que, en présence de consommateurs faisant partie du grand public et de professionnels, le degré d’attention le moins élevé de ces deux groupes doit être pris en considération [voir arrêt du 15 juillet 2011, Ergo Versicherungsgruppe/OHMI – Société de développement et de recherche industrielle (ERGO Group), T‑221/09, non publié, EU:T:2011:393, point 21 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 février 2011, Yorma’s/OHMI – Norma Lebensmittelfilialbetrieb (YORMA’S), T‑213/09, non publié, EU:T:2011:37, point 25]. Il en résulte que, en l’espèce, pour ceux des produits et des services en cause qui s’adressent à la fois au grand public et aux professionnels, il convient de prendre en considération le degré d’attention du consommateur faisant partie du grand public.

25      D’autre part, il y a lieu de considérer, comme l’a fait à juste titre l’EUIPO, que le consommateur pertinent, faisant partie du grand public, prendra sa décision d’achat des services contestés compris dans la classe 42, en particulier ceux qui sont onéreux ou qui visent à satisfaire un besoin technologique spécifique, tels que la conception et le développement d’ordinateurs et de logiciels, sur le fondement d’informations qu’il aura préalablement recueillies. Dans ces conditions, le degré d’attention du consommateur pertinent sera supérieur à la moyenne pour ces produits et ces services (voir, en ce sens, arrêt du 17 février 2017, GATEWIT, T‑351/14, non publié, EU:T:2017:101, point 54).

26      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant, au point 35 de la décision attaquée, que le niveau d’attention du public pertinent variait de moyen à élevé, et qu’il y a donc lieu de prendre en considération, pour définir le public pertinent, le consommateur moyen allemand faisant preuve d’un degré d’attention soit moyen, soit supérieur à la moyenne, en fonction des produits et des services en cause.

 Sur la comparaison des produits et des services

27      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits et des services concernés [voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

28      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les produits et services en cause étaient soit identiques, soit similaires.

29      Il y a lieu d’entériner l’appréciation de la chambre de recours, non contestée par la requérante, selon laquelle les produits et services contestés compris dans la classe 38 sont identiques aux services désignés par la marque antérieure, et les produits et services contestés compris dans la classe 9 sont similaires aux services désignés par la marque antérieure.

30      La requérante conteste toutefois la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les services compris dans la classe 42 sont similaires aux services désignés par la marque antérieure. En particulier, elle fait valoir que les services compris dans la classe 42 diffèrent des services de « télécommunications, en particulier les télécommunications mobiles », la finalité, les clients et les canaux de distribution étant différents.

31      D’emblée, il y a lieu de rappeler que, contrairement à ce que soutient l’EUIPO, le fait que la similitude des services compris dans la classe 42 et ceux visés par la marque antérieure n’ait pas été contestée par la requérante devant la chambre de recours ne saurait avoir pour effet de la priver du droit de contester devant le Tribunal les appréciations portées à ce sujet par cette dernière instance qui, en l’espèce, a fait siens les motifs de la décision de la division d’opposition au point 41 de la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, ancotel/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑408/09, non publié, EU:T:2011:241, points 21 à 23 et 26 et jurisprudence citée].

32      Toutefois, les arguments de la requérante ne sauraient être retenus. En effet, les services compris dans la classe 42 visés par la marque demandée sont tous des services informatiques et présentent, de ce fait, un haut degré de complémentarité et des finalités similaires avec les services de télécommunications, en particulier les communications mobiles, visés par la marque antérieure. À cet égard, force est de constater, d’abord, à l’instar de la division d’opposition, que les industries de l’informatique et des télécommunications ont expérimenté un processus d’expansion tel qu’il est difficile, à présent, de tracer une ligne claire entre leurs activités et leurs performances respectives. Ensuite, les télécommunications sont principalement opérées de nos jours par des téléphones mobiles et des smartphones qui fonctionnent avec des logiciels et des applications mobiles, lesquels sont conçus et développés par des entreprises informatiques. Par ailleurs, comme l’explique l’intervenante, les télécommunications englobent également des entreprises qui fabriquent du matériel informatique et, dans ce contexte, sont en mesure d’apporter à leurs clients des solutions intégrées qui comprennent des services de télécommunications eux-mêmes et une large gamme de produits des technologies de l’information et liés à l’informatique. Enfin, les constatations qui précèdent amènent également à considérer que les services en cause peuvent être fournis aux mêmes clients via les mêmes canaux de distribution.

33      Dès lors, la chambre de recours a conclu à juste titre que les services relevant de la classe 42 visés par la marque demandée et les services relevant de la classe 38 visés par la marque antérieure étaient similaires.

 Sur la comparaison des signes

34      Selon une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

 Sur les prétendus éléments distinctifs et dominants de la marque antérieure

35      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte des éléments dominants et distinctifs des marques en conflit, à savoir la lettre « y » ainsi que la combinaison des lettres « v » et « y » dans la marque antérieure.

36      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère dominant d’un élément composant une marque implique de s’interroger sur la question de savoir si l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par cette marque est dominée ou non par un ou plusieurs des éléments la composant. Toutefois, ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque cet élément est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres éléments de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

37      En l’espèce, d’une part, il ne saurait être supposé, comme le prétend la requérante, sans aucunement étayer son argument, que les éléments autres que la lettre « y » et la combinaison des lettres « v » et « y » de la marque antérieure vybe soient négligeables dans l’impression d’ensemble produite par ladite marque, de sorte qu’il ne saurait être conclu que la lettre « y » et la combinaison des lettres « v » et « y » de la marque antérieure vybe sont dominants.

38      En outre, il convient de rappeler que le caractère distinctif d’un élément composant une marque dépend de l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du 22 septembre 2016, Sun Cali/EUIPO – Abercrombie & Fitch Europe (SUN CALI), T‑512/15, EU:T:2016:527, point 59 et jurisprudence citée]. En l’occurrence, ainsi que l’a à juste titre souligné l’intervenante, la lettre « y » et la combinaison des lettres « v » et « y » ne sauraient être considérées comme des éléments distinctifs de la marque antérieure vybe.

39      Il s’ensuit que cet argument doit être rejeté.

 Sur la comparaison conceptuelle

40      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit Vibble et vybe étaient des termes fantaisistes dépourvus de signification, du moins pour une partie non négligeable du public pertinent.

41      Cette appréciation de la chambre de recours doit être approuvée.

42      En effet, ainsi que le fait valoir à juste titre l’EUIPO, les marques en conflit ne véhiculent aucun concept clair pour une partie significative du public pertinent. En effet, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il n’existe pas de raison particulière pour que l’ensemble du public pertinent comprenne automatiquement le terme « vybe » comme le mot anglais « vibe », dès lors qu’une partie du public germanophone n’a aucune connaissance de l’anglais. En outre, il ne saurait être supposé que la localité suédoise Vibble soit connue de l’ensemble du public pertinent allemand.

43      Il convient, en outre, d’ajouter à cet égard que, selon la jurisprudence, le constat d’un risque de confusion pour une partie non négligeable du public pertinent est suffisant pour accueillir une opposition formée contre une demande d’enregistrement de marque [voir arrêt du 24 juin 2014, Hut.com/OHMI – Intersport France (THE HUT), T‑330/12, non publié, EU:T:2014:569, point 58 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2011, Esprit International/OHMI – Marc O’Polo International (Représentation d’une lettre sur une poche), T‑22/10, non publié, EU:T:2011:651, point 119]. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a pu se référer à la partie du public germanophone n’ayant aucune connaissance de l’anglais et ne connaissant pas la localité suédoise Vibble, pour qui les marques en conflit seront des termes fantaisistes dépourvus de signification.

44      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’intervenante aurait elle-même commercialisé sa marque en relation avec le mot anglais « vibe », il suffit de rappeler qu’en vertu de la jurisprudence, les modalités de commercialisation particulières des produits désignés par les marques pouvant varier dans le temps et suivant la volonté des titulaires de ces marques, l’analyse prospective du risque de confusion entre deux marques ne saurait dépendre des intentions commerciales, réalisées ou non, et par nature subjectives, des titulaires des marques [arrêts du 15 mars 2007, T.I.M.E. ART/OHMI, C‑171/06 P, non publié, EU:C:2007:171, point 59, et du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, EU:T:2008:319, point 63].

45      Ainsi, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré, aux points 47 et 48 de la décision attaquée, que les marques en conflit n’avaient aucune signification, du moins pour une partie non négligeable du public pertinent, et que la comparaison sur le plan conceptuel des marques en conflit était impossible.

 Sur la comparaison visuelle

46      Sur le plan visuel, la chambre de recours a considéré que, en dépit des différences minimes que présentent les deux marques verbales Vibble et vybe, à savoir leur deuxième lettre (« i » dans la marque demandée, et « y » dans la marque antérieure) et leur longueur (la marque demandée comporte deux lettres de plus, à savoir la quatrième lettre « b » et la cinquième lettre « l »), celles-ci avaient en commun trois lettres, à savoir les lettres « v », « b » et « e », sachant que les lettres « v » et « e » se situent respectivement au début et à la fin de chacune des deux marques. Elle a conclu à l’existence d’un degré moyen de similitude entre les marques en conflit sur le plan visuel.

47      Il y a lieu d’approuver cette appréciation de la chambre de recours, que n’infirment pas les arguments de la requérante.

48      En effet, en ce qui concerne l’argument par lequel la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir invoqué l’arrêt du 25 mars 2009, Kaul/OHMI – Bayer (ARCOL) (T‑402/07, EU:T:2009:85, point 83), selon lequel ce qui importe dans l’appréciation de la similitude visuelle de deux marques verbales est la présence dans chacune d’elles de plusieurs lettres dans le même ordre, il y a lieu de considérer que la seule circonstance que les marques aient été in fine jugées différentes dans l’arrêt du 25 mars 2009, ARCOL (T‑402/07, EU:T:2009:85), n’exclut pas que la chambre de recours ait pu s’y référer dans la décision attaquée pour conclure à l’existence d’une similitude visuelle dans le cadre de la comparaison des marques en cause, dès lors que, dans cet arrêt, les marques en conflit différaient dans leur partie initiale, à laquelle le consommateur prête généralement une plus grande attention [arrêts du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, EU:T:2006:247, point 51, et du 25 juin 2008, Otto/OHMI – L’Altra Moda (l’Altra Moda), T‑224/06, non publié, EU:T:2008:221, point 43]. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque les marques en conflit ont en commun la lettre initiale « v ». Par ailleurs, il suffit de relever que les lettres « v », « b », et « e » apparaissent effectivement dans le même ordre, à savoir en première, en troisième et en dernière position dans les marques en conflit.

49      S’agissant de l’argument par lequel la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de la différence de longueur entre les marques, il convient d’observer, à l’instar de l’EUIPO, que cette différence minime entre les deux marques ne saurait neutraliser la similitude découlant de leur lettre initiale commune « v », mais également des lettres « b » et « e », qu’elles ont en commun, et qui se trouvent en troisième et en dernière position dans les deux marques.

50      Enfin, en ce qui concerne l’argument selon lequel les marques diffèrent en ce que la première lettre « v » est écrite en majuscule dans la marque Vibble et en minuscule dans la marque vybe, il suffit de rappeler que l’utilisation des minuscules et des majuscules n’a aucune incidence sur l’appréciation de la similitude de marques verbales, étant donné que leur protection porte sur le mot indiqué dans la demande d’enregistrement et non sur les aspects graphiques ou stylistiques particuliers que cette marque pourrait éventuellement revêtir.

51      Ainsi, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 54 de la décision attaquée, un degré moyen de similitude visuelle entre les marques en conflit.

 Sur la comparaison phonétique

52      Sur le plan phonétique, en premier lieu, la chambre de recours a considéré que, pour au moins une partie non négligeable du public pertinent qui n’a aucune connaissance de l’anglais, la lettre « i » de la marque demandée Vibble et la lettre « y » de la marque antérieure vybe étaient prononcées de manière presque identique en allemand. En deuxième lieu, elle a observé que la présence du double « b » et du « l » dans la marque demandée n’aurait pas d’incidence notable sur la prononciation. En troisième lieu, elle a considéré que la présence d’une syllabe en plus dans la marque demandée ne suffirait pas pour éclipser l’existence d’une similitude phonétique. Elle a conclu à l’existence d’une similitude considérable sur le plan phonétique.

53      Il y a lieu d’approuver ces considérations de la chambre de recours, non infirmées par les arguments de la requérante.

54      En effet, il ressort de la jurisprudence que, lorsque le signe à comparer est un terme fantaisiste qui ne correspond à aucun mot existant dans une langue de l’Union européenne, il convient de prendre en compte la prononciation probable par le public pertinent (arrêt du 25 mars 2009, ARCOL, T‑402/07, EU:T:2009:85, point 87). Tel est le cas en l’espèce, étant donné qu’il a été établi au point 45 ci-dessus que les mots « Vibble » et « vybe » étaient des termes fantaisistes dépourvus de signification.

55      À cet égard, en premier lieu, il convient, de relever que la similitude phonétique des signes en cause est déterminée, principalement, par le fait que la prononciation de leur première syllabe sera très similaire pour une partie non négligeable du public germanophone, dès lors que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ne saurait être supposé que l’ensemble du public pertinent prononcera automatiquement la lettre « y » de la marque antérieure vybe comme un « ü ». En effet, comme le souligne à juste titre l’intervenante, le terme imaginaire vybe n’a pas d’association avec un terme d’origine grec, terme pour lequel, en langue allemande, la lettre « y » sera généralement prononcée « ü ».

56      Dès lors, la première syllabe des deux signes, à laquelle le consommateur prête généralement une plus grande attention, conformément à la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus, sera probablement prononcée de la même manière, à savoir comme un « vi », du moins pour une partie non négligeable du public pertinent qui n’a aucune connaissance de l’anglais.

57      Il convient, en outre, d’ajouter que, selon la jurisprudence rappelée au point 43 ci-dessus, le constat d’un risque de confusion pour une partie non négligeable du public pertinent est suffisant pour accueillir une opposition formée contre une demande d’enregistrement de marque. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a pu se référer au public germanophone n’ayant aucune connaissance de l’anglais, qui prononcera le début des deux signes de la même façon.

58      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel, en allemand, la double consonne « b » présente dans la marque demandée Vibble entraîne une prononciation moins forte et plus rapide de la voyelle « i », il y a lieu de constater que cette seule différence mineure ne saurait suffire à éclipser les nombreuses similitudes phonétiques des marques en conflit, qui ont en commun les lettres « v », « b » et « e », en première, en troisième et en dernière position, et qui partagent ainsi leur partie initiale et une structure similaire.

59      En troisième lieu, il convient de constater que l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’aurait pas tenu suffisamment compte de la différence de longueur entre les deux marques ne saurait prospérer, dès lors que, comme l’a à juste titre souligné l’intervenante, la lettre « e » que les deux signes ont en commun en dernière position ne sera pas prononcée, et la lettre « l » contenue dans la marque demandée sera aspirée en raison du doublement de la lettre « b ». Ainsi, la différence de longueur entre les signes en conflit sera très peu perceptible.

60      Eu égard à ce qui précède, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, au point 58 de la décision attaquée, que les marques en conflit présentaient un degré considérable de similitude sur le plan phonétique.

 Sur le risque de confusion

61      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

62      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, en substance, que, compte tenu de l’identité ou de la similitude des produits et des services contestés, du degré moyen de similitude visuelle, du degré « considérable » de similitude phonétique et de l’impossibilité de procéder à une comparaison conceptuelle des deux marques, et à la lumière des principes d’interdépendance et de souvenir imparfait, il existait un risque de confusion dans l’esprit d’une partie non négligeable du public pertinent.

63      Ces considérations de la chambre de recours, qui ne sont pas infirmées par les arguments de la requérante, doivent être entérinées.

64      En premier lieu, s’agissant de l’argument par lequel la requérante reproche à la chambre de recours d’aller à l’encontre des « règles en matière de mode de fonctionnement du souvenir », il suffit de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence bien établie que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardée en mémoire (voir arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 26 et jurisprudence citée).

65      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que certains produits et services en cause ne sont pas similaires ou similaires à des degrés différents, et que les marques en conflit sont différentes sur les plans visuel et phonétique. Or, dans la mesure où ces allégations se bornent à réitérer des arguments déjà développés dans le cadre de la comparaison des produits et des services et de la comparaison des marques, et qui ont été rejetés aux points 33, 51 et 60 ci-dessus, il y a lieu de constater qu’elles doivent être également être rejetées.

66      En troisième lieu, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la différence conceptuelle entre les marques en conflit suffirait à écarter l’existence d’un risque de confusion, il suffit de rappeler qu’il ressort du point 45 ci-dessus qu’il est impossible de comparer les signes en conflit sur le plan conceptuel, ceux-ci étant dépourvus de signification. Ainsi, aucune similitude conceptuelle n’est susceptible de neutraliser les similitudes visuelle et phonétique que présentent les marques en conflit.

67      Il s’ensuit que c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

68      Le moyen unique soulevé par la requérante n’étant pas fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante, tendant à autoriser l’enregistrement de la marque demandée.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

70      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.


2)      Soundio A/S est condamnée aux dépens.

Collins

Kancheva

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 novembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.