Language of document : ECLI:EU:C:2000:627

ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

16 novembre 2000 (1)

«Pourvoi - Concurrence - Article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE) - Amende - Détermination du montant - Motivation - Circonstances atténuantes»

Dans l'affaire C-280/98 P,

Moritz J. Weig GmbH & Co. KG, établie à Mayen (Allemagne), représentée par Mes T. Jestaedt, avocat au barreau de Bruxelles, et V. von Bomhard, avocat à Hambourg, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me P. Dupont, 8-10, rue Mathias Hardt,

partie requérante,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre élargie) du 14 mai 1998, Weig/Commission (T-317/94, Rec. p. II-1235), et tendant à l'annulation de cet arrêt,

l'autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. R. Lyal, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me D. Schroeder, avocat à Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. A. La Pergola, président de chambre, M. Wathelet (rapporteur), D. A. O. Edward, P. Jann et L. Sevón, juges,

avocat général: M. J. Mischo,


greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 18 mai 2000,

rend le présent

Arrêt

1.
    Par requête déposée au greffe de la Cour le 23 juillet 1998, Moritz J. Weig GmbH & Co. KG a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 14 mai 1998,Weig/Commission (T-317/94, Rec. p. II-1235, ci-après l'«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a partiellement annulé la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 - Carton) (JO L 243, p. 1, ci-après la «décision»), et a rejeté le recours pour le surplus.

Les faits

2.
    Par la décision, la Commission a infligé des amendes à 19 fabricants fournisseurs de carton dans la Communauté, du chef de violations de l'article 85, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 81, paragraphe 1, CE).

3.
    Il ressort de l'arrêt attaqué que cette décision faisait suite aux plaintes informelles déposées, en 1990, par la British Printing Industries Federation, organisation professionnelle représentant la majorité des fabricants de boîtes imprimées du Royaume-Uni, et par la Fédération française du cartonnage, ainsi qu'aux vérifications auxquelles avaient procédé, en avril 1991, sans avertissement préalable, des agents de la Commission, agissant au titre de l'article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), dans les locaux de plusieurs entreprises et associations professionnelles du secteur du carton.

4.
    Les éléments obtenus dans le cadre de ces vérifications et à la suite de demandes de renseignements et de documents ont amené la Commission à conclure que les entreprises concernées avaient, du milieu de l'année 1986 à avril 1991 au moins (dans la plupart des cas), participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. En conséquence, elle a décidé d'engager une procédure en application de cette dernière disposition et a, par lettre du 21 décembre 1992, adressé une communication des griefs à chacune des entreprises concernées, qui, toutes, ont répondu par écrit. Neuf entreprises ont demandé à être entendues oralement.

5.
    Au terme de la procédure, la Commission a adopté la décision, qui comprend les dispositions suivantes:

«Article premier

Buchmann GmbH, Cascades SA, Enso-Gutzeit Oy, Europa Carton AG, Finnboard - the Finnish Board Mills Association, Fiskeby Board AB, Gruber & Weber GmbH & Co KG, Kartonfabriek De Eendracht NV (dont le nom commercial est BPB de Eendracht NV), NV Koninklijke KNP BT NV (anciennement Koninklijke Nederlandse Papierfabrieken NV), Laakmann Karton GmbH & Co KG, Mo Och Domsjö AB (MoDo), Mayr-Melnhof Gesellschaft mbH, Papeteries de Lancey SA, Rena Kartonfabrik AS, Sarrió SpA, SCA Holding Ltd [anciennement Reed Paper & Board (UK) Ltd], Stora Kopparbergs Bergslags AB, Enso Española SA (anciennementTampella Española SA) et Moritz J. Weig GmbH & Co KG ont enfreint l'article 85 paragraphe 1 du traité CE en participant:

-    dans le cas de Buchmann et de Rena, de mars 1988 environ jusqu'à fin 1990 au moins,

-    dans le cas de Enso Española, de mars 1988 au moins jusqu'à fin avril 1991 au moins,

-    dans le cas de Gruber & Weber, de 1988 au moins jusqu'à fin 1990,

-    dans les autres cas, à compter de mi-1986 jusqu'à avril 1991 au moins,

à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de 1986, en vertu desquels les fournisseurs de carton de la Communauté européenne:

-    se sont rencontrés régulièrement dans le cadre de réunions secrètes et institutionnalisées, afin de négocier et d'adopter un plan sectoriel commun de restriction de la concurrence,

-    ont décidé d'un commun accord des augmentations régulières des prix pour chaque qualité de produit dans chaque monnaie nationale,

-    ont planifié et mis en oeuvre des augmentations de prix simultanées et uniformes dans l'ensemble de la Communauté européenne,

-    se sont entendus pour maintenir les parts de marché des principaux fabricants à des niveaux constants, avec des modifications occasionnelles,

-    ont pris, de plus en plus fréquemment à partir de début 1990, des mesures concertées de contrôle de l'approvisionnement du marché communautaire, afin d'assurer la mise en oeuvre desdites augmentations de prix concertées,

-    ont échangé des informations commerciales sur les livraisons, les prix, les arrêts de production, les commandes en carnet et les taux d'utilisation des machines, afin de soutenir les mesures mentionnées ci-dessus.

Article 2

Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales:

a)    par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de commercialisation d'autres fabricants;

b)    par lequel, même si aucune information individuelle n'est communiquée, une réaction commune du secteur dans le domaine des prix ou un contrôle de la production seraient promus, facilités ou encouragés

    ou

c)    qui permettrait aux entreprises concernées de suivre l'exécution ou le respect de tout accord exprès ou tacite sur les prix ou le partage des marchés dans la Communauté.

Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure non seulement toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés, mais aussi toutes données relatives à l'état des entrées de commandes et des commandes en carnet, au taux prévu d'utilisation des capacités de production (dans les deux cas, même si elles sont agrégées) ou à la capacité de production de chaque machine.

Tout système d'échange de ce type sera limité à la collecte et à la diffusion, sous une forme agrégée, de statistiques sur la production et les ventes qui ne puissent être utilisées pour promouvoir ou faciliter un comportement commun du secteur.

Les entreprises s'abstiendront également de tout échange d'informations intéressant la concurrence autre que les échanges admis, ainsi que de toute réunion ou contact en vue d'examiner l'importance des informations échangées ou la réaction possible ou probable du secteur ou de fabricants individuels à ces informations.

Un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision est accordé pour procéder aux modifications nécessaires de tout système éventuel d'échange d'informations.

Article 3

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes pour les infractions constatées à l'article 1er:

...

xix)    Moritz J. Weig GmbH & Co KG, une amende de 3 000 000 d'écus;

...»

6.
    Il ressort, en outre, des faits tels qu'énoncés dans l'arrêt attaqué:

    «13    Selon la décision, l'infraction s'est déroulée au sein d'un organisme dénommé 'Groupe d'étude de produit Carton‘ (ci-après 'GEP Carton‘), composé de plusieurs groupes ou comités.

    14    Cet organisme a été doté, au milieu de l'année 1986, d'un 'Presidents Working Group‘ (ci-après 'PWG‘) réunissant des représentants de haut niveau des principaux fournisseurs de carton de la Communauté (environ huit).

    15    Le PWG avait notamment pour activités la discussion et la concertation concernant les marchés, les parts du marché, les prix et les capacités. En particulier, il a pris des décisions d'ordre général concernant le calendrier et le niveau des augmentations de prix à mettre en oeuvre par les fabricants.

    16    Le PWG faisait rapport à la 'President Conference‘ (ci-après 'PC‘) à laquelle participait (plus ou moins régulièrement) la quasi-totalité des directeurs généraux des entreprises concernées. La PC s'est réunie deux fois par an pendant la période en cause.

    17    À la fin de l'année 1987 a été créé le 'Joint Marketing Committee‘ (ci-après 'JMC‘). Son objet principal consistait, d'une part, à déterminer si, et, dans l'affirmative, comment, des augmentations de prix pouvaient être mises en oeuvre et, d'autre part, à définir les modalités des initiatives en matière de prix décidées par le PWG pays par pays et pour les principaux clients en vue d'établir un système de prix équivalent en Europe.

18         Enfin, le comité économique (ci-après 'COE‘) débattait, notamment, des fluctuations de prix sur les marchés nationaux et des commandes en carnet et faisait rapport sur ses conclusions au JMC ou, jusqu'à la fin de l'année 1987, au prédécesseur du JMC, le Marketing Committee. Le COE était composé de directeurs commerciaux de la plupart des entreprises en cause et se réunissait plusieurs fois par an.

    19    Il ressort, en outre, de la décision que la Commission a considéré que les activités du GEP Carton étaient soutenues par un échange d'informations par l'intermédiaire de la société fiduciaire Fides, dont le siège est à Zurich (Suisse). Selon la décision, la plupart des membres du GEP Carton fournissaient à la Fides des rapports périodiques sur les commandes, la production, les ventes et l'utilisation des capacités. Ces rapports étaient traités dans le cadre du système Fides et les données agrégées étaient envoyées aux participants.

    20    Pour ce qui est de Moritz J. Weig GmbH & Co. KG (ci-après 'Weig‘), la Commission a retenu qu'elle avait participé à des réunions de la PC pendant la période couverte par la décision ainsi qu'à des réunions du JMC et du PWG à partir de 1988.»

7.
    Seize des dix-huit autres entreprises mises en cause ainsi que quatre entreprises finlandaises, membres du groupement professionnel Finnboard et, à ce titre, tenues pour solidairement responsables du paiement de l'amende infligée à celui-ci, ont introduit des recours contre la décision (affaires T-295/94, T-301/94, T-304/94, T-308/94 à T-311/94, T-319/94, T-327/94, T-334/94, T-337/94, T-338/94, T-347/94, T-348/94, T-352/94 et T-354/94, ainsi que affaires jointes T-339/94 à T-342/94).

L'arrêt attaqué

8.
    En ce qui concerne la demande d'annulation de la décision, le Tribunal a annulé, à l'égard de la requérante, l'article 1er de ladite décision dans la mesure où il ressort de cette disposition que la requérante a participé à une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité avant le mois de mars 1988, ainsi que l'article 2, premier à quatrième alinéa, de cette même décision, sauf en ce qui concerne les passages suivants:

«Les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent fin immédiatement aux infractions précitées, si elles ne l'ont pas déjà fait. Elles s'abstiennent à l'avenir, dans le cadre de leurs activités dans le secteur du carton, de tout accord ou pratique concertée susceptible d'avoir un objet ou un effet identique ou similaire, y compris tout échange d'informations commerciales:

a)    par lequel les participants seraient informés directement ou indirectement de la production, des ventes, des commandes en carnet, des taux d'utilisation des machines, des prix de vente, des coûts ou des plans de commercialisation d'autres fabricants.

Tout système d'échange de données générales auquel elles seraient abonnées, tel que le système Fides ou son successeur, sera géré de manière à exclure toutes données permettant d'identifier le comportement de fabricants déterminés.»

9.
    Pour le surplus, le Tribunal a rejeté la demande.

10.
    Par ailleurs, huit moyens avaient été soulevés par la requérante devant le Tribunal en rapport avec la fixation de l'amende. Le pourvoi porte précisément sur les motifs de l'arrêt attaqué se rapportant à cette fixation. Compte tenu des moyens invoqués par la requérante à l'appui de celui-ci, seules seront exposées ci-après les parties de l'arrêt attaqué répondant aux griefs tirés de la violation de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE), de l'absence de conséquences économiques des infractions, ducaractère excessif du niveau général des amendes et de la prise en compte insuffisante de la coopération de la requérante à la procédure.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 190 du traité

11.
    La requérante reprochait, en substance, à la Commission d'avoir insuffisamment motivé la décision en ce que les entreprises destinataires n'étaient pas en mesure de vérifier, d'une part, si l'amende qui leur était infligée était justifiée quant à son montant et, d'autre part, si l'amende était équitable au regard des amendes infligées aux autres entreprises.

12.
    À cet égard, le Tribunal a répondu:

    «182    Il ressort d'une jurisprudence constante que l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T-49/95, Rec. p. II-1799, point 51).

    183    Pour ce qui est d'une décision infligeant, comme en l'espèce, des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54).

    184    De plus, lors de la fixation du montant de chaque amende, la Commission dispose d'un pouvoir d'appréciation, et elle ne saurait être considérée comme tenue d'appliquer, à cet effet, une formule mathématique précise (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T-150/89, Rec. p. II-1165, point 59).

    185    Dans la décision, les critères pris en compte pour déterminer le niveau général des amendes et le montant des amendes individuelles figurent, respectivement, aux points 168 et 169 des considérants. En outre, pour ce qui est des amendes individuelles, la Commission explique au point 170 des considérants que les entreprises ayant participé aux réunions du PWG ont, en principe, été considérées comme des 'chefs de file‘ de l'entente, alors que les autres entreprises ont été considérées comme des 'membres ordinaires‘ de celle-ci. Àcet égard, la requérante n'est pas mentionnée parmi les entreprises considérées comme les 'chefs de file‘ de l'entente et il est précisé au point 170, troisième alinéa, des considérants que, 'bien qu'[elle] ait été membre du PWG depuis 1988, elle ne semble pas avoir joué un rôle important dans la détermination de la politique de l'entente, contrairement aux grands groupes industriels‘. Enfin, aux points 171 et 172 des considérants, la Commission indique que les montants des amendes infligées à Rena et à Stora doivent être considérablement réduits pour tenir compte de leur coopération active avec la Commission et que huit autres entreprises, dont la requérante, peuvent également bénéficier d'une réduction dans une proportion moindre, du fait qu'elles n'ont pas, dans leurs réponses à la communication des griefs, nié les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs.

    186    Dans ses écritures devant le Tribunal ainsi que dans sa réponse à une question écrite de celui-ci, la Commission a expliqué que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990. Des amendes d'un niveau de base de 9 ou de 7,5 % de ce chiffre d'affaires individuel ont ainsi été infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les 'chefs de file‘ de l'entente et aux autres entreprises. Dans le cas de la requérante, la Commission a expliqué avoir appliqué un taux de 8 % du chiffre d'affaires individuel, car, bien que l'entreprise ait été 'membre du PWG‘, le rôle qu'elle a joué semble ne pas avoir été aussi important que celui des autres entreprises participant aux réunions de cet organe. Enfin, la Commission a tenu compte de l'éventuelle attitude coopérative de certaines entreprises au cours de la procédure devant elle. Deux entreprises ont bénéficié à ce titre d'une réduction des deux tiers du montant de leurs amendes, tandis que d'autres entreprises ont bénéficié d'une réduction d'un tiers.

    187    Il ressort, par ailleurs, d'un tableau fourni par la Commission et contenant des indications quant à la fixation du montant de chacune des amendes individuelles que, si celles-ci n'ont pas été déterminées en appliquant de manière strictement mathématique les seules données chiffrées susmentionnées, lesdites données ont cependant été systématiquement prises en compte aux fins du calcul des amendes.

    188    Or, la décision ne précise pas que les amendes ont été calculées sur la base du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises sur le marché communautaire du carton en 1990. De plus, les taux de base appliqués de 9 et de 7,5 % pour calculer les amendes infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme des 'chefs de file‘ et à celles considérées comme des 'membres ordinaires‘ ne figurent pas dans la décision. N'y figurent pas davantage les taux des réductions accordées à Rena et à Stora, d'une part, et à huit autres entreprises, d'autre part.

    189    En l'espèce, il y a lieu de considérer, en premier lieu, que, interprétés à la lumière de l'exposé détaillé, dans la décision, des allégations factuelles formulées à l'égard de chaque destinataire de la décision, les points 169 à 172 des considérants de celle-ci contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2/89, Rec. p. II-1087, point 264). À cet égard, la décision contient une motivation spécifique concernant l'appréciation de la gravité de l'infraction commise par la requérante (point 170, troisième alinéa, des considérants), qui permet de comprendre la raison pour laquelle elle a fait l'objet d'un traitement différent tant par rapport aux 'chefs de file‘ de l'entente que par rapport aux 'membres ordinaires‘ de celle-ci.

    190    De même, le point 168 des considérants, qui doit être lu à la lumière des considérations générales sur les amendes figurant au point 167 des considérants, contient une indication suffisante des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer le niveau général des amendes.

    191    En second lieu, lorsque le montant de chaque amende est, comme en l'espèce, déterminé sur la base de la prise en compte systématique de certaines données précises, l'indication, dans la décision, de chacun de ces facteurs permettrait aux entreprises de mieux apprécier, d'une part, si la Commission a commis des erreurs lors de la fixation du montant de l'amende individuelle et, d'autre part, si le montant de chaque amende individuelle est justifié par rapport aux critères généraux appliqués. En l'espèce, l'indication dans la décision des facteurs en cause, soit le chiffre d'affaires de référence, l'année de référence, les taux de base retenus et les taux de réduction du montant des amendes, n'aurait comporté aucune divulgation implicite du chiffre d'affaires précis des entreprises destinataires de la décision, divulgation qui aurait pu constituer une violation de l'article 214 du traité. En effet, le montant final de chaque amende individuelle ne résulte pas, comme la Commission l'a elle-même souligné, d'une application strictement mathématique desdits facteurs.

    192    La Commission a d'ailleurs reconnu, lors de l'audience, que rien ne l'aurait empêchée d'indiquer, dans la décision, les facteurs qui avaient été pris systématiquement en compte et qui avaient été divulgués pendant la conférence de presse du 13 juillet 1994, tenue le jour même de l'adoption de cette décision. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d'une décision doit figurer dans le corps même de celle-ci et que des explications postérieures fournies par la Commission ne sauraient, sauf circonstances particulières, être prises en compte (voir arrêt du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61/89, Rec. p. II-1931, point 131, et, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 1991, Hilti/Commission, T-30/89, Rec. p. II-1439, point 136).

    193    Malgré ces constatations, il doit être relevé que la motivation relative à la fixation du montant des amendes contenue aux points 167 à 172 des considérants de la décision est, au moins, aussi détaillée que celles contenues dans les décisions antérieures de la Commission portant sur des infractions similaires. Or, bien que le moyen tiré d'un vice de motivation soit d'ordre public, aucune critique n'avait, au moment de l'adoption de la décision, été soulevée par le juge communautaire quant à la pratique suivie par la Commission en matière de motivation des amendes infligées. Ce n'est que dans l'arrêt du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission (T-148/89, Rec. p. II-1063, point 142), et dans deux autres arrêts rendus le même jour, Société métallurgique de Normandie/Commission (T-147/89, Rec. p. II-1057, publication sommaire) et Société des treillis et panneaux soudés/Commission (T-151/89, Rec. p. II-1191, publication sommaire), que le Tribunal a, pour la première fois, souligné qu'il est souhaitable que les entreprises puissent connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision de la Commission.

    194    Il s'ensuit que lorsqu'elle constate, dans une décision, une infraction aux règles de la concurrence et inflige des amendes aux entreprises ayant participé à celle-ci la Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la décision afin de permettre aux destinataires de celle-ci de vérifier le bien-fondé du niveau de l'amende et d'apprécier l'existence d'une éventuelle discrimination.

    195    Dans les circonstances particulières relevées au point 193 ci-dessus, et compte tenu du fait que la Commission s'est montrée disposée à fournir, lors de la procédure contentieuse, tout renseignement pertinent relatif au mode de calcul des amendes, l'absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des amendes ne doit pas, en l'espèce, être considérée comme constitutive d'une violation de l'obligation de motivation justifiant l'annulation totale ou partielle des amendes infligées. Enfin, la requérante n'a pas démontré qu'elle aurait été empêchée de faire utilement valoir ses droits de la défense.

    196    Par conséquent, le présent moyen ne saurait être retenu.»

Sur le moyen tiré de l'absence de conséquences économiques des infractions

13.
    La requérante soutenait que les effets économiques d'une infraction devaient être pris en compte lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction et dans le calcul du montant des amendes (arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, ICI/Commission, T-13/89, Rec. p. II-1021, point 359). Or, en l'espèce, les concertations en matière de prix n'auraient eu aucun effet ou auraient eu tout au plus un effet restreint sur le marché.

14.
    Le Tribunal a jugé, à cet égard:

«211    Selon le point 168, septième tiret, des considérants de la décision, la Commission a déterminé le montant général des amendes en prenant notamment en considération le fait que l'entente a 'largement réussi à atteindre ses objectifs‘. Il est constant qu'une telle considération se réfère aux effets sur le marché de l'infraction constatée à l'article 1er de la décision.

    212    Aux fins du contrôle de l'appréciation portée par la Commission sur les effets de l'infraction, le Tribunal estime qu'il suffit d'examiner celle portée sur les effets de la collusion sur les prix, seuls effets contestés par la requérante. En effet, il ressort de la décision que la constatation relative à la large réussite des objectifs est essentiellement fondée sur les effets de la collusion sur les prix (voir points 100 à 102, 115, et 135 à 137 des considérants de la décision).

    213    S'agissant de la collusion sur les prix, la Commission en a apprécié les effets généraux. Dès lors, à supposer même que les données individuelles fournies par la requérante démontrent, comme elle l'affirme, que la collusion sur les prix n'a eu pour elle que des effets moins importants que ceux constatés sur le marché européen du carton, pris globalement, de telles données individuelles ne sauraient suffire en soi pour mettre en cause l'appréciation de la Commission.

    214    Il ressort de la décision, ainsi que la Commission l'a confirmé lors de l'audience, qu'une distinction a été établie entre trois types d'effets. De plus, la Commission s'est fondée sur le fait que les initiatives en matière de prix ont été globalement considérées comme une réussite par les producteurs eux-mêmes.

    215    Le premier type d'effets pris en compte par la Commission, et non contesté par la requérante, consiste dans le fait que les augmentations de prix convenues ont été effectivement annoncées aux clients. Les nouveaux prix ont ainsi servi de référence en cas de négociations individuelles des prix de transaction avec les clients (voir, notamment, points 100 et 101, cinquième et sixième alinéas, des considérants de la décision).

    216    Le deuxième type d'effets consiste dans le fait que l'évolution des prix de transaction a suivi celle des prix annoncés. À cet égard, la Commission soutient que 'les producteurs ne se contentaient pas d'annoncer les augmentations de prix convenues mais, à quelques exceptions près, [qu']ils prenaient également des mesures concrètes pour faire en sorte qu'elles soient effectivement imposées aux clients‘ (point 101, premier alinéa, des considérants de la décision). Elle admet que les clients ont parfois obtenu des concessions sur la date d'entrée en vigueur des augmentations ou des rabais ou réductions individuelles, notamment en cas de grosse commande, et que 'l'augmentation nette perçue en moyenne après déduction des réductions, rabais et autresconcessions était donc toujours inférieure au montant total de l'augmentation annoncée‘ (point 102, dernier alinéa, des considérants). Cependant, se référant à des graphiques contenus dans le rapport LE, elle affirme qu'il existait, au cours de la période visée par la décision, une 'étroite relation linéaire‘ entre l'évolution des prix annoncés et celle des prix de transaction exprimés en monnaies nationales ou convertis en écus. Elle en conclut: 'Les augmentations nettes des prix obtenues suivaient étroitement les augmentations annoncées, fût-ce avec un certain retard. L'auteur du rapport a lui-même reconnu pendant l'audition qu'il en a été ainsi en 1988 et 1989.‘ (Point 115, deuxième alinéa, des considérants).

    217    Il doit être admis que, dans l'appréciation de ce deuxième type d'effets, la Commission a pu à bon droit considérer que l'existence d'une relation linéaire entre l'évolution des prix annoncés et celle des prix de transaction constituait la preuve d'un effet produit sur ces derniers par les initiatives en matière de prix, conformément à l'objectif poursuivi par les producteurs. En fait, il est constant que, sur le marché en cause, la pratique de négociations individuelles avec les clients implique que les prix de transaction ne sont, en général, pas identiques aux prix annoncés. Il ne saurait donc être escompté que les augmentations des prix de transaction soient identiques aux augmentations de prix annoncées.

    218    En ce qui concerne l'existence même d'une corrélation entre les augmentations de prix annoncées et celles des prix de transaction, la Commission s'est référée à juste titre au rapport LE, celui-ci constituant une analyse de l'évolution des prix du carton pendant la période visée par la décision, fondée sur des données fournies par plusieurs producteurs.

    219    Toutefois, ce rapport ne confirme que partiellement, dans le temps, l'existence d'une 'étroite relation linéaire‘. En effet, l'examen de la période de 1987 à 1991 révèle trois sous-périodes distinctes. À cet égard, lors de l'audition devant la Commission, l'auteur du rapport LE a résumé ses conclusions de la manière suivante: 'Il n'y a pas de corrélation étroite, même avec un décalage, entre l'augmentation de prix annoncée et les prix du marché, pendant le début de la période considérée, de 1987 à 1988. En revanche, une telle corrélation existe en 1988/1989, puis cette corrélation se détériore pour se comporter de façon plutôt singulière [oddly] sur la période 1990/1991.‘ (Procès-verbal de l'audition, p. 28). Il a relevé, en outre, que ces variations dans le temps étaient étroitement liées à des variations de la demande (voir, notamment, procès-verbal de l'audition, p. 20).

    220    Ces conclusions orales de l'auteur sont conformes à l'analyse développée dans son rapport, et notamment aux graphiques comparant l'évolution des prix annoncés et l'évolution des prix de transaction (rapport LE, graphiques 10 et11, p. 29). Force est donc de constater que la Commission n'a que partiellement prouvé l'existence de l''étroite relation linéaire‘ qu'elle invoque.

    221    Lors de l'audience, la Commission a indiqué avoir également pris en compte un troisième type d'effets de la collusion sur les prix consistant dans le fait que le niveau des prix de transaction a été supérieur au niveau qui aurait été atteint en l'absence de toute collusion. À cet égard, la Commission, soulignant que les dates et l'ordre des annonces des augmentations de prix avaient été programmés par le PWG, estime dans la décision qu''il est inconcevable que, dans ces conditions, ces annonces concertées n'aient eu aucun effet sur le niveau réel des prix‘ (point 136, troisième alinéa, des considérants de la décision). Toutefois, le rapport LE (section 3) a établi un modèle permettant de prévoir le niveau de prix résultant des conditions objectives du marché. Selon ce rapport, le niveau des prix, tels que déterminés par des facteurs économiques objectifs durant la période de 1975 à 1991, aurait évolué, avec des variations négligeables, de manière identique à celui des prix de transaction pratiqués, y compris pendant la période retenue par la décision.

    222    Malgré ces conclusions, l'analyse faite dans le rapport ne permet pas de constater que les initiatives concertées en matière de prix n'ont pas permis aux producteurs d'atteindre un niveau des prix de transaction supérieur à celui qui aurait résulté du libre jeu de la concurrence. À cet égard, comme l'a souligné la Commission lors de l'audience, il est possible que les facteurs pris en compte dans ladite analyse aient été influencés par l'existence de la collusion. Ainsi, la Commission a fait valoir à bon droit que le comportement collusoire a, par exemple, pu limiter l'incitation pour les entreprises à réduire leurs coûts. Or, elle n'a invoqué l'existence d'aucune erreur directe dans l'analyse contenue dans le rapport LE et n'a pas davantage présenté ses propres analyses économiques de l'hypothétique évolution des prix de transaction en l'absence de toute concertation. Dans ces conditions, son affirmation selon laquelle le niveau des prix de transaction aurait été inférieur en l'absence de collusion entre les producteurs ne saurait être entérinée.

    223    Il s'ensuit que l'existence de ce troisième type d'effets de la collusion sur les prix n'est pas prouvée.

    224    Les constatations qui précèdent ne sont en rien modifiées par l'appréciation subjective des producteurs sur laquelle la Commission s'est fondée pour considérer que l'entente avait largement réussi à atteindre ses objectifs. Sur ce point, la Commission s'est reportée à une liste de documents qu'elle a fournie lors de l'audience. Or, à supposer même qu'elle ait pu fonder son appréciation de l'éventuelle réussite des initiatives en matière de prix sur des documents faisant état des sentiments subjectifs de certains producteurs, force est de constater que plusieurs entreprises, dont la requérante, ont à juste titre fait référence à l'audience à de nombreux autres documents du dossier faisant état des problèmes rencontrés par les producteurs dans la mise en oeuvre desaugmentations de prix convenues. Dans ces conditions, la référence faite par la Commission aux déclarations des producteurs eux-mêmes n'est pas suffisante pour conclure que l'entente a largement réussi à atteindre ses objectifs.

    225    Au vu des considérations qui précèdent, les effets de l'infraction relevés par la Commission ne sont que partiellement prouvés. Le Tribunal analysera la portée de cette conclusion dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction en matière d'amendes, lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée en l'espèce (voir ci-après point 246).»

Sur le moyen tiré du caractère excessif du niveau général des amendes

15.
    Devant le Tribunal, la requérante faisait valoir que l'infraction constatée en l'espèce ne constituait pas la plus répréhensible des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité et contestait, par conséquent, le niveau général des amendes, en particulier au regard de la pratique décisionnelle antérieure.

16.
    Le Tribunal a répondu:

    «241    En l'espèce, la Commission a déterminé le niveau général des amendes en tenant compte de la durée de l'infraction (point 167 des considérants de la décision), ainsi que des considérations suivantes (point 168 des considérants):

    ”-     la collusion en matière de fixation des prix et la répartition des marchés constituent en soi des restrictions graves de la concurrence,

    -     l'entente couvrait quasiment tout le territoire de la Communauté,

    -     le marché communautaire du carton est un secteur économique important qui totalise chaque année quelque 2,5 milliards d'écus,

    -     les entreprises participant à l'infraction couvrent pratiquement tout le marché,

    -     l'entente a fonctionné sous la forme d'un système de réunions périodiques institutionnalisées ayant pour objet de réguler dans le détail le marché du carton dans la Communauté,

    -     des mesures complexes ont été prises pour cacher la véritable nature et la portée de la collusion (absence de compte rendu officiel ou de documentation concernant les réunions du PWG et du JMC; les participants étaient dissuadés de prendre des notes; la date et l'ordre des lettres annonçant les augmentations de prix étaient orchestrés de façon àpouvoir proclamer que ces augmentations 'faisaient suite à d'autres‘, etc.),

    -     l'entente a largement réussi à atteindre ses objectifs”.

    242    De plus, comme cela a déjà été rappelé, il ressort d'une réponse de la Commission à une question écrite du Tribunal que des amendes d'un niveau de base de 9 ou de 7,5 % du chiffre d'affaires réalisé par chacune des entreprises destinataires de la décision sur le marché communautaire du carton en 1990 ont été infligées, respectivement, aux entreprises considérées comme les 'chefs de file‘ de l'entente et aux autres entreprises.

    243    Il y a lieu de souligner, en premier lieu, que, dans son appréciation du niveau général des amendes, la Commission est fondée à tenir compte du fait que des infractions patentes aux règles communautaires de la concurrence sont encore relativement fréquentes et que, partant, il lui est loisible d'élever le niveau des amendes en vue de renforcer leur effet dissuasif. Par conséquent, le fait que la Commission a appliqué dans le passé des amendes d'un certain niveau à certains types d'infractions ne saurait la priver de la possibilité d'élever ce niveau, dans les limites indiquées dans le règlement n° 17, si cela s'avère nécessaire pour assurer la mise en oeuvre de la politique communautaire de la concurrence (voir, notamment, arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80, 101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825, points 105 à 108, et arrêt ICI/Commission, précité, point 385).

    244    En second lieu, la Commission a soutenu à bon droit que, en raison des circonstances propres à l'espèce, aucune comparaison directe ne saurait être opérée entre le niveau général des amendes retenu dans la présente décision et ceux retenus dans la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, en particulier dans la décision Polypropylène, considérée par la Commission elle-même comme la plus comparable à celle du cas d'espèce. En effet, contrairement à l'affaire à l'origine de la décision Polypropylène, aucune circonstance atténuante générale n'a été prise en compte en l'espèce pour déterminer le niveau général des amendes. En outre, l'adoption de mesures visant à dissimuler l'existence de la collusion démontre que les entreprises concernées ont été pleinement conscientes de l'illégalité de leur comportement. Partant, la Commission a pu prendre en compte ces mesures lors de l'appréciation de la gravité de l'infraction, car elles constituaient un aspect particulièrement grave de celle-ci, de nature à la caractériser par rapport aux infractions antérieurement constatées.

    245    En troisième lieu, il convient de souligner la longue durée et le caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité qui a été commise malgré l'avertissement qu'aurait dû constituer la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, et notamment la décision Polypropylène. L'argument de la requérante selon lequel le GEP Carton aurait assumé des activités légitimes estdénué de pertinence, dès lors qu'il a été constaté que les organes de cette association professionnelle, en particulier le PWG et le JMC, avaient un objet essentiellement anticoncurrentiel.

    246    Sur la base de ces éléments, il convient de considérer que les critères repris au point 168 des considérants de la décision justifient le niveau général des amendes fixé par la Commission. Le Tribunal a certes déjà constaté que les effets de la collusion sur les prix retenus par la Commission pour la détermination du niveau général des amendes ne sont que partiellement prouvés. Toutefois, à la lumière des considérations qui précèdent, cette conclusion ne saurait affecter sensiblement l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée. À cet égard, le fait que les entreprises ont effectivement annoncé les augmentations de prix convenues et que les prix ainsi annoncés ont servi de base pour la fixation des prix de transaction individuels suffit, en soi, pour constater que la collusion sur les prix a eu tant pour objet que pour effet une grave restriction de la concurrence. Partant, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal considère que les constatations opérées au sujet des effets de l'infraction ne justifient aucune réduction du niveau général des amendes fixé par la Commission.

    247    Le moyen ne saurait donc être accueilli.»

Sur le moyen tiré de la prise en compte insuffisante de la coopération de la requérante à la procédure

17.
    La requérante faisait valoir que la Commission aurait dû tenir compte du fait qu'elle avait répondu de manière sincère et complète à la demande de renseignements présentée au titre de l'article 11 du règlement n° 17, que la cessation immédiate, dès les vérifications effectuées par la Commission le 23 avril 1991, de sa participation aux réunions du GEP Carton et à toute pratique susceptible de constituer une infraction constituait, selon la jurisprudence et la pratique de la Commission, une circonstance atténuante et que la Commission, lors du calcul de l'amende, n'avait pas pris en considération sa coopération active, laquelle aurait contribué au règlement rapide de la procédure.

18.
    Le Tribunal a estimé, à cet égard:

«280    La requérante a bénéficié d'une réduction d'un tiers du montant de l'amende infligée, au motif, selon la décision, qu'elle n'avait pas contesté, dans sa réponse à la communication des griefs, les principales allégations de fait sur lesquelles la Commission fondait ses griefs à son égard.

    281    Une réduction de l'amende au titre d'une coopération lors de la procédure administrative devant la Commission n'est justifiée que si le comportement del'entreprise a permis à la Commission de constater une infraction avec moins de difficulté et, le cas échéant, d'y mettre fin (arrêt ICI/Commission, précité, point 393). Par suite, une entreprise qui déclare expressément, lors de la procédure administrative, qu'elle ne conteste pas les allégations de fait sur lesquelles la Commission fonde ses griefs peut être considérée comme ayant contribué à faciliter la tâche de la Commission consistant à constater et à réprimer des infractions aux règles communautaires de la concurrence. En effet, la Commission est en droit de considérer un tel comportement comme constitutif d'une reconnaissance des allégations de fait et donc comme un élément de preuve du bien-fondé des allégations en cause.

    282    En l'espèce, aucun des arguments invoqués par la requérante n'est susceptible d'établir qu'elle a fait preuve d'une coopération avec la Commission allant au-delà de la reconnaissance des allégations de fait avancées par celle-ci.

    283    Dans la première branche du moyen, la requérante fait valoir qu'elle a répondu de manière sincère et complète à la demande de renseignements qui lui était adressée par la Commission au titre de l'article 11 du règlement n° 17. Or, il est de jurisprudence constante qu'une coopération à l'enquête qui ne dépasse pas ce qui résulte des obligations qui incombent aux entreprises en vertu de l'article 11, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 17 ne justifie pas une réduction de l'amende (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T-12/89, Rec. p. II-907, points 341 et 342). D'ailleurs, la requérante, qui a participé à l'infraction à partir du mois de mars 1988 et qui connaissait donc les fonctions du PWG et du JMC, aurait effectivement pu, à l'instar de Stora, coopérer avec la Commission plus activement qu'elle ne l'a fait, ce qui aurait alors justifié une réduction plus importante du montant de l'amende. Il s'ensuit que son argument selon lequel elle n'aurait pas possédé à cette époque les informations nécessaires pour aider activement la Commission ne peut qu'être rejeté.

    284    S'agissant de la deuxième branche du moyen tirée du fait que la requérante aurait immédiatement mis fin à sa participation aux réunions du GEP Carton et à toute pratique susceptible de constituer une infraction dès les vérifications effectuées par la Commission le 23 avril 1991 ... il convient de rappeler que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments, sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (voir ci-dessus point 183). Dès lors, si la cessation de l'infraction avant l'envoi de la communication des griefs peut en principe être considérée comme une circonstance atténuant la gravité de l'infraction constatée dans le chef d'une entreprise, la Commission n'était pas tenue d'adopter une telle analyse dans les circonstances particulières de l'espèce. La requérante n'ayant avancé aucun argument susceptible de démontrer que la Commission a, en l'espèce, dépassé la marge d'appréciation dont elle dispose lorsqu'elle détermine les éléments à prendre en considérationpour fixer le montant des amendes, la deuxième branche du moyen doit être rejetée.

    285    La troisième branche du moyen, tirée de ce que la requérante aurait fait preuve d'une coopération active avec la Commission, ne saurait non plus être accueillie.

    286    La requérante fait valoir qu'elle a donné des indications complètes relatives à sa participation aux réunions des différents organes du GEP Carton. Elle souligne qu'elle a, en outre, expressément indiqué, lors de l'audition devant la Commission, qu'elle ne contestait pas les principales allégations de fait avancées par celle-ci. Cependant, force est de constater qu'une telle coopération avec la Commission ne justifiait pas une réduction du montant de l'amende excédant celle d'un tiers effectivement accordée. Quant à la déclaration de M. Roos, adressée à la Commission par la requérante avec sa réponse à la communication des griefs, elle ne contient pas d'éléments ayant pu sensiblement contribuer à faciliter la tâche de l'institution. À cet égard, il suffit de constater que la décision ne contient qu'une seule référence, d'ailleurs indirecte, aux indications contenues dans ladite déclaration (point 59, dernier alinéa, des considérants).

    287    Enfin, pour autant que la requérante soutient avoir fait l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport à Stora, il convient de rappeler que le principe d'égalité de traitement, principe général du droit communautaire, n'est violé, selon une jurisprudence constante, que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et du 28 juin 1990, Hoche, C-174/89, Rec. p. I-2681, point 25; dans le même sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T-100/92, RecFP p. II-275, point 50).

    288    En l'espèce, Stora a fourni à la Commission des déclarations comportant une description très détaillée de la nature et de l'objet de l'infraction, du fonctionnement des divers organes du GEP Carton et de la participation à l'infraction des différents producteurs. Par ces déclarations, Stora a fourni des renseignements allant bien au-delà de ceux dont la production peut être exigée par la Commission en vertu de l'article 11 du règlement n° 17. Bien que la Commission déclare, dans la décision, qu'elle a obtenu des éléments de preuve corroborant les renseignements contenus dans les déclarations de Stora (points 112 et 113 des considérants), il en ressort clairement que les déclarations de Stora ont constitué, pour la Commission, le principal élément de preuve de l'existence de l'infraction. Il y a donc lieu de considérer que, sans les déclarations de Stora, il aurait été, à tout le moins, beaucoup plus difficile pour la Commission de constater et, le cas échéant, de mettre fin à l'infractionfaisant l'objet de la décision. À la lumière de ces éléments, la requérante ne saurait valablement soutenir qu'elle aurait dû, en vertu du principe d'égalité de traitement, bénéficier d'une réduction du montant de l'amende analogue à celle accordée à Stora.

    289    N'ayant pas fait preuve d'une coopération avec la Commission allant au-delà de la reconnaissance des allégations de fait avancées par celle-ci, la requérante n'a pas davantage fait l'objet d'un traitement discriminatoire par rapport aux autres entreprises ayant bénéficié d'une réduction d'un tiers du montant de l'amende.

    290    Au vu des considérations qui précèdent, le moyen doit être rejeté dans son intégralité.»

19.
    Après avoir rejeté l'ensemble des moyens invoqués à l'appui de la demande d'annulation de l'amende ou de réduction de son montant, le Tribunal a estimé, au point 305 de l'arrêt attaqué, qu'il y avait néanmoins lieu, s'agissant du montant de l'amende infligée, de tenir compte du fait que la requérante ne pouvait être «tenue pour responsable d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité que pour la période allant de mars 1988 jusqu'à avril 1991».

20.
    Le Tribunal, «dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction», a fixé le montant de cette amende à 2 500 000 écus (point 306 de l'arrêt attaqué).

Le pourvoi

21.
    Par son pourvoi, la requérante demande l'annulation de l'arrêt attaqué et, par voie de conséquence, la suppression ou, à tout le moins, la réduction de l'amende qui lui a été infligée.

22.
    À l'appui de son pourvoi, la requérante invoque deux moyens tirés de la méconnaissance par le Tribunal, d'une part, de la portée de l'obligation de motivation et, d'autre part, du principe d'égalité de traitement, ainsi que des articles 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et 172 du traité CE (devenu article 229 CE), en raison d'une réduction insuffisante de l'amende.

Sur le premier moyen

23.
    Par son premier moyen, la requérante fait grief au Tribunal d'avoir commis une erreur de droit en s'abstenant de conclure que la décision était insuffisamment motivée et de l'annuler automatiquement pour ce motif alors qu'il avait constaté, au point 188 de l'arrêt attaqué, que la Commission avait omis de faire apparaître dans la décision les facteurs qu'elle avait systématiquement pris en compte pour fixer le montant des amendes.

24.
    La requérante ajoute que de telles données devaient, selon une jurisprudence constante rappelée par le Tribunal au point 192 de l'arrêt attaqué, figurer dans le corps même de la décision sans que des explications postérieures fournies par la Commission à la presse ou lors de la procédure devant le Tribunal pussent, sauf circonstances particulières, être prises en compte. Or, le Tribunal a précisément constaté, au même point 192, que la Commission avait reconnu, lors de l'audience, que rien ne l'aurait empêchée d'indiquer les éléments en cause dans la décision. Le Tribunal ne pouvait, dans ces conditions, tenir compte du fait «que la Commission s'[était] montrée disposée à fournir, lors de la procédure contentieuse, tout renseignement pertinent relatif au mode de calcul des amendes» (point 195 de l'arrêt attaqué).

25.
    La requérante indique également que, si elle avait eu connaissance, lors de l'adoption de la décision, de la méthode utilisée par la Commission pour fixer le montant des amendes, l'application de cette méthode à son égard aurait pu être discutée devant le Tribunal. Le fait de reporter la motivation au stade contentieux a eu pour effet de la priver d'une instance, ce qui l'a placée dans l'obligation de contester le calcul du montant de l'amende dans le cadre d'un pourvoi devant la Cour.

26.
    La requérante fait grief, enfin, au Tribunal d'avoir limité dans le temps l'interprétation qu'il a donnée, en matière de fixation des amendes, des exigences de l'article 190 du traité dans ses arrêts Tréfilunion/Commission, Société métallurgique de Normandie/Commission et Société des treillis et panneaux soudés/Commission, précités (ci-après les «arrêts treillis soudés»), rappelés au point 193 de l'arrêt attaqué, alors que la Cour a toujours jugé que l'interprétation qu'elle donne d'une règle de droit communautaire éclaire et précise la signification et la portée de cette règle telle qu'elle doit ou aurait dû être comprise et appliquée depuis le début, sauf décision contraire figurant dans l'arrêt interprétatif.

27.
    La Commission fait valoir, au regard de la jurisprudence de la Cour (voir arrêt du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219/95 P, Rec. p. I-4411, points 32 et suivants, et ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 54), l'existence d'une marge d'appréciation lors de la détermination du montant d'une amende dans un cas concret, tant dans le chef de la Commission que dans celui du Tribunal lorsqu'il modifie ce montant dans l'exercice de sa pleine juridiction, conformément aux articles 172 du traité et 17 du règlement n° 17. Cette marge d'appréciation impliquerait qu'une motivation reprenant minutieusement le mode de calcul du montant de celle-ci n'est pas indispensable.

28.
    Selon la Commission, le Tribunal a considéré, au point 189 de l'arrêt attaqué, que les points 169 à 172 des motifs de la décision contenaient «une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause».

29.
    Les points 191 à 195 de l'arrêt attaqué seraient, selon la Commission, superfétatoires. La Commission estime, au demeurant, que la lecture que fait la requérante des arrêtstreillis soudés est erronée. Dans ces arrêts, le Tribunal aurait, comme dans l'arrêt attaqué, constaté le caractère suffisant de la motivation de la décision de la Commission, tout en exprimant le souhait d'une plus grande transparence quant à la méthode de calcul suivie. Ce faisant, le Tribunal n'aurait pas érigé le défaut de transparence en défaut de motivation de la décision. Tout au plus, la position du Tribunal découlerait-elle du principe de bonne administration, en ce sens que les destinataires de décisions ne devraient pas avoir à engager une procédure devant le Tribunal pour connaître tous les détails de la méthode de calcul utilisée par la Commission. De telles considérations ne sauraient cependant constituer en elles-mêmes un motif d'annulation de la décision.

30.
    Il importe, d'abord, d'exposer les différentes étapes du raisonnement tenu par le Tribunal en réponse au moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation concernant le calcul des amendes.

31.
    Le Tribunal a tout d'abord rappelé, au point 182 de l'arrêt attaqué, la jurisprudence constante selon laquelle l'obligation de motiver une décision individuelle a pour but de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle sur la légalité de la décision et de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est éventuellement entachée d'un vice permettant d'en contester la validité, étant précisé que la portée de cette obligation dépend de la nature de l'acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir, notamment, outre la jurisprudence citée par le Tribunal, arrêt du 15 avril 1997, Irish Farmers Association e.a., C-22/94, Rec. p. I-1809, point 39).

32.
    Le Tribunal a ensuite précisé, au point 183 de l'arrêt attaqué, que, s'agissant d'une décision infligeant, comme en l'espèce, des amendes à plusieurs entreprises pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment déterminée à la lumière du fait que la gravité des infractions dépend d'un grand nombre d'éléments tels que les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 54).

33.
    À cet égard, le Tribunal a considéré, au point 189 de l'arrêt attaqué

«que, interprétés à la lumière de l'exposé détaillé, dans la décision, des allégations factuelles formulées à l'égard de chaque destinataire de la décision, les points 169 à 172 des considérants de celle-ci contiennent une indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause (voir, dans le même sens, arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Petrofina/Commission, T-2/89, Rec. p. II-1087, point 264). À cet égard, la décision contient une motivation spécifique concernant l'appréciation de la gravité de l'infraction commise par la requérante (point 170, troisième alinéa, des considérants), qui permet de comprendre la raison pour laquelleelle a fait l'objet d'un traitement différent tant par rapport aux 'chefs de file‘ de l'entente que par rapport aux 'membres ordinaires‘ de celle-ci».

34.
    Le Tribunal a ajouté, au point 190 de l'arrêt attaqué, que «le point 168 des considérants, qui doit être lu à la lumière des considérations générales sur les amendes figurant au point 167 des considérants, contient une indication suffisante des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer le niveau général des amendes».

35.
    Toutefois, aux points 191 à 195 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a atténué, non sans ambiguïté, la portée des affirmations contenues aux points 189 et 190.

36.
    En effet, il ressort des points 191 et 192 de l'arrêt attaqué que la décision ne comporte pas l'indication de données précises prises en compte systématiquement par la Commission pour fixer le montant des amendes, qu'elle était pourtant en mesure de divulguer et qui auraient permis aux entreprises de mieux apprécier si la Commission avait commis des erreurs lors de la fixation du montant de l'amende individuelle et si ce montant était justifié par rapport aux critères généraux appliqués. Le Tribunal a ajouté, au point 193 de l'arrêt attaqué, que, selon ses arrêts treillis soudés, il est souhaitable que les entreprises puissent connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée, sans être obligées, pour ce faire, d'introduire un recours juridictionnel contre la décision de la Commission.

37.
    Il a enfin conclu, au point 195 de l'arrêt attaqué, à une «absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des amendes», qui était justifiée par les circonstances particulières de l'espèce, à savoir la divulgation des éléments de calcul lors de la procédure contentieuse et le caractère novateur de l'interprétation de l'article 190 du traité contenue dans les arrêts treillis soudés.

38.
    Avant d'examiner, au regard des arguments avancés par la requérante, le bien-fondé des appréciations du Tribunal concernant les conséquences sur le respect de l'obligation de motivation qui pourraient découler de la divulgation des éléments de calcul lors de la procédure contentieuse et du caractère novateur des arrêts treillis soudés, il convient de vérifier si le respect de l'obligation de motivation, prévue à l'article 190 du traité, exigeait de la Commission qu'elle fasse figurer dans la décision, en sus des éléments d'appréciation lui ayant permis de déterminer la gravité et la durée de l'infraction, un exposé plus détaillé du mode de calcul des amendes.

39.
    À cet égard, il y a lieu de souligner que, s'agissant des recours dirigés contre les décisions de la Commission infligeant des amendes à des entreprises pour violation des règles de concurrence, le Tribunal est compétent à un double titre.

40.
    D'une part, il est chargé de contrôler leur légalité, au titre de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE). Dans ce cadre, il doit notamment contrôler le respect de l'obligation de motivation, prévue à l'article 190 du traité, dont la violation rend la décision annulable.

    

41.
    D'autre part, le Tribunal est compétent pour apprécier, dans le cadre du pouvoir de pleine juridiction qui lui est reconnu par les articles 172 du traité et 17 du règlement n° 17, le caractère approprié du montant des amendes. Cette dernière appréciation peut justifier la production et la prise en considération d'éléments complémentaires d'information dont la mention dans la décision n'est pas comme telle requise en vertu de l'obligation de motivation prévue à l'article 190 du traité.

42.
    En ce qui concerne le contrôle du respect de l'obligation de motivation, il convient de rappeler que l'article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement n° 17 prévoit que, «Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci».

43.
    Dans ces conditions, au regard de la jurisprudence mentionnée aux points 182 et 183 de l'arrêt attaqué, les exigences de la formalité substantielle que constitue l'obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction. En l'absence de tels éléments, la décision serait viciée pour défaut de motivation.

44.
    Or, le Tribunal a jugé à bon droit, aux points 189 et 190 de l'arrêt attaqué, que la Commission avait satisfait à ces exigences. Il convient, en effet, de constater, ainsi que l'a fait le Tribunal, que les points 167 à 172 des motifs de la décision énoncent les critères utilisés par la Commission pour calculer les amendes. Ainsi, le point 167 concerne notamment la durée de l'infraction; il contient également, ainsi que le point 168, les considérations sur lesquelles la Commission s'est fondée pour apprécier la gravité de l'infraction et le montant général des amendes; le point 169 comporte les éléments pris en compte par la Commission pour déterminer l'amende à infliger à chaque entreprise; le point 170 désigne les entreprises devant être considérées comme les «chefs de file» de l'entente, portant une responsabilité particulière par rapport aux autres entreprises; enfin, les points 171 et 172 tirent les conséquences sur le montant des amendes de la coopération de différents fabricants avec la Commission lors de ses vérifications en vue de l'établissement des faits ou en réponse à la communication des griefs.

45.
    La circonstance que des informations plus précises, telles que les chiffres d'affaires réalisés par les entreprises ou les taux de réduction retenus par la Commission, ont été communiquées ultérieurement, lors d'une conférence de presse ou au cours de la procédure contentieuse, n'est pas de nature à remettre en cause les constatations contenues aux points 189 et 190 de l'arrêt attaqué. En effet, des précisions apportées par l'auteur d'une décision attaquée, complétant une motivation déjà en elle-même suffisante, ne relèvent pas à proprement parler du respect de l'obligation de motivation, même si elles peuvent être utiles au contrôle interne des motifs de la décision, exercé par le juge communautaire, en ce qu'elles permettent à l'institution d'expliciter les raisons qui sont à la base de sa décision.

46.
    Certes, la Commission ne saurait, par le recours exclusif et mécanique à des formules arithmétiques, se priver de son pouvoir d'appréciation. Toutefois, il lui est loisible d'assortir sa décision d'une motivation allant au-delà des exigences rappelées au point 43 du présent arrêt, entre autres en indiquant les éléments chiffrés qui ont guidé, notamment quant à l'effet dissuasif recherché, l'exercice de son pouvoir d'appréciation dans la fixation des amendes infligées à l'encontre de plusieurs entreprises ayant participé, avec une intensité variable, à l'infraction.

47.
    En effet, il peut être souhaitable que la Commission use de cette faculté pour permettre aux entreprises de connaître en détail le mode de calcul de l'amende qui leur est infligée. De façon plus générale, cela peut servir la transparence de l'action administrative et faciliter l'exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction, qui doit lui permettre d'apprécier, au-delà de la légalité de la décision attaquée, le caractère approprié de l'amende infligée. Cependant, cette faculté, comme l'a souligné la Commission, n'est pas de nature à modifier l'étendue des exigences découlant de l'obligation de motivation.

48.
    En conséquence, le Tribunal ne pouvait, sans violer la portée de l'article 190 du traité, considérer, au point 194 de l'arrêt attaqué, que «la Commission doit, si elle a systématiquement pris en compte certains éléments de base pour fixer le montant des amendes, indiquer ces éléments dans le corps de la décision». De même, il ne pouvait, sans se contredire dans les motifs, après avoir constaté, au point 189 de l'arrêt attaqué, que la décision comportait une «indication suffisante et pertinente des éléments d'appréciation pris en considération pour déterminer la gravité et la durée de l'infraction commise par chacune des entreprises en cause», faire état, au point 195 de l'arrêt attaqué, de «l'absence de motivation spécifique dans la décision sur le mode de calcul des amendes».

49.
    Toutefois, l'erreur de droit ainsi commise par le Tribunal n'est pas de nature à entraîner l'annulation de l'arrêt attaqué dès lors que, compte tenu de ce qui précède, le Tribunal a valablement rejeté, nonobstant les points 191 à 195 de l'arrêt attaqué, le moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation concernant le calcul des amendes.

50.
    Dès lors qu'il n'incombait pas à la Commission, au titre de l'obligation de motivation, d'indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes, il n'y a pas lieu d'examiner les différents griefs formulés par la requérante et qui reposent sur cette prémisse erronée.

51.
    Il y a lieu, en conséquence, de rejeter le premier moyen.

Sur le second moyen

52.
    Par son second moyen, la requérante fait grief au Tribunal d'avoir violé, lors de la fixation de l'amende qui lui a été infligée, le principe d'égalité de traitement, ainsi que les articles 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et 172 du traité.

53.
    Le second moyen se subdivise en quatre branches.

54.
    Par les deux premières branches, qu'il convient d'examiner ensemble, la requérante fait grief au Tribunal de ne pas avoir appliqué la méthode de calcul de la Commission, à savoir:

chiffre d'affaires pertinent x pourcentage de la gravité de l'infraction x pourcentage de la durée (en l'occurrence 60 mois au maximum) = total (montant de base);

montant de base - réduction en cas de coopération = montant de l'amende,

alors même que le Tribunal en aurait reconnu la validité.

55.
    Dans ces conditions, la requérante se trouverait désavantagée par rapport aux entreprises pour lesquelles la Commission avait déjà reconnu une participation réduite à l'infraction et infligé une amende réduite conformément à sa formule. C'est ce qui se serait produit dans les affaires Buchmann/Commission (arrêt du 14 mai 1998, T-295/94, Rec. p. II-813); Gruber + Weber/Commission (arrêt du 14 mai 1998, T-310/94, Rec. p. II-1043), et Enso Española/Commission (arrêt du 14 mai 1998, T-348/94, Rec. p. II-1875).

56.
    La requérante estime également avoir été défavorisée dans la mesure où le Tribunal lui-même aurait fait application, à l'égard d'autres entreprises, de la méthode de calcul utilisée par la Commission pour procéder à la réduction des amendes. Elle se réfère, en ce sens, aux arrêts Enso Española/Commission, Gruber + Weber/Commission, précités; du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission (T-311/94, Rec. p. II-1129), et Mayr-Melnhof/Commission (T-347/94, Rec. p. II-1751). Certes, si ces arrêts ne laissent pas apparaître la manière dont le Tribunal a calculé la réduction des amendes, l'application de la méthode de la Commission, en tenant compte des éléments d'appréciation retenus par le Tribunal (durée de participation à l'infraction, chiffre d'affaires pertinent, pourcentage de gravité), aurait conduit, selon la requérante, pratiquement au même résultat. Cela signifierait que, dans ces affaires, le Tribunal se serait laissé inspirer par le mode de calcul retenu par la Commission pour la fixation des amendes.

57.
    Or, en l'occurrence, après avoir constaté que la requérante n'avait pas participé aux 22 premiers mois de l'infraction (la durée totale de l'infraction étant de 60 mois), le Tribunal a fixé l'amende à 2 500 000 écus, alors que, s'il avait fait application de la formule de la Commission, il aurait, selon la requérante, calculé comme suit la nouvelle amende à infliger:

56 500 000 écus x 0,08 x 38/60 = 2 863 000 écus (montant de base);

2 863 000 écus - 954 000 écus = 1 909 000 écus (montant de l'amende).

58.
    Selon la Commission, la demande de révision de l'amende, telle que modifiée par le Tribunal, est irrecevable, conformément à la jurisprudence de la Cour, au motif que l'exercice de la compétence de pleine juridiction implique une évaluation globale de tous les éléments de fait de l'affaire, en sorte qu'elle n'est pas possible dans le cadre d'un pourvoi (voir arrêts Ferriere Nord/Commission, précité, point 31, et du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission, C-310/93 P, Rec. p. I-865, point 34).

59.
    Quant au fond, la Commission relève, s'agissant de la prétendue absence d'application par le Tribunal de la méthode de calcul de la Commission, que ce dernier, ainsi qu'il ressort du point 306 de l'arrêt attaqué, a fixé l'amende infligée à la requérante dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, c'est-à-dire au titre de son pouvoir d'appréciation propre.

60.
    La Commission ajoute que, à l'exception de l'affaire Enso Española/Commission, précitée, les affaires mentionnées par la requérante ne concernent pas la durée de l'infraction, mais le chiffre d'affaires pris en compte par la Commission (affaires Gruber + Weber/Commission et Mayr-Melnhof/Commission, précitées) ou le fait qu'une participation moins grave à l'infraction se combinait avec une durée plus courte de l'infraction (affaire BPB de Eendracht/Commission, précitée).

61.
    Dans cette dernière affaire, une réduction purement arithmétique de l'amende en fonction de la durée de la participation aurait conduit à une diminution de l'amende à 729 167 écus. Or, le Tribunal a infligé une amende de 750 000 écus, notamment en raison de la faible participation matérielle de l'entreprise à l'infraction. De même, dans l'affaire Enso Española/Commission, précitée, le Tribunal a ramené l'amende de 1 750 000 écus à 1 200 000 écus. Une réduction proportionnelle à la durée de l'infraction aurait conduit à une amende de 1 181 250 écus. Contrairement à l'affirmation de la requérante, le Tribunal n'a pas eu recours à une simple formule mathématique, mais a fixé l'amende en tenant compte de toutes les circonstances du cas d'espèce, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, ainsi qu'il ressort du point 306 de l'arrêt attaqué.

62.
    À cet égard, il importe de rappeler que le Tribunal dispose d'une compétence de pleine juridiction lorsqu'il statue sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit communautaire et qu'il n'appartient pas à la Cour, lorsqu'elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d'un pourvoi, de substituer, pour des motifs d'équité, son appréciation à celle du Tribunal en la matière (arrêt Ferriere Nord/Commission, précité, point 31).

63.
    Toutefois, l'exercice d'une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes qui leur sont infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité.

64.
    Le grief de la requérante tiré de la violation du principe de non-discrimination repose sur la prémisse selon laquelle le Tribunal aurait, dans les arrêts Buchmann/Commission, Enso Española/Commission, Gruber + Weber/Commission, BPB de Eendracht/ Commission et Mayr-Melnhof/Commission, précités, entendu appliquer, à la différence de son propre cas, la méthode de calcul suivie par la Commission.

65.
    À défaut d'indication contraire dans ces derniers arrêts, cette prémisse doit être considérée comme établie. Certes, ces arrêts n'expriment nullement la volonté du Tribunal d'appliquer effectivement la méthode de calcul retenue par la Commission, mais force est de constater que non seulement le Tribunal n'a pas explicitement remis en cause le bien-fondé de cette méthode, mais le montant de l'amende infligée par le Tribunal dans chacun de ces arrêts correspond globalement à celui qui aurait résulté de l'application de la méthode aux nouvelles appréciations chiffrées retenues par le Tribunal, notamment quant au chiffre d'affaires, à la gravité ou à la durée de l'infraction.

66.
    Ainsi, dans l'affaire Enso Española/Commission, précitée, qui, ainsi que l'a souligné la Commission, se rapproche le plus de la présente affaire en ce que le Tribunal y a également réduit la durée de l'infraction à prendre en compte pour le calcul de l'amende, sans retenir aucun autre argument de la requérante qui aurait justifié une réduction de son montant, le Tribunal a fixé celui-ci à 1 200 000 écus, ce qui correspond environ au montant découlant de l'application de la méthode de calcul de la Commission (soit 1 150 000 écus).

67.
    Or, ainsi que l'a relevé M. l'avocat général au point 42 de ses conclusions, le montant de l'amende infligée à la requérante fait manifestement exception à cette orientation générale, sans qu'aucune justification objective ait été avancée par le Tribunal. En effet, alors que l'application de la méthode aurait conduit au montant de 1 900 000 écus, le Tribunal a fixé l'amende au montant largement supérieur de 2 500 000 écus, en sorte que la requérante, estimant que l'arrêt attaqué était sans doute entaché d'une erreur de plume ou de calcul, a déposé au Tribunal une demande en rectification d'arrêt, laquelle a été rejetée par ordonnance du 16 septembre 1998. Dans cette ordonnance, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a constaté, nonobstant ce qui précède, que l'arrêt attaqué ne contenait «aucune erreur de plume ou de calcul, ni aucune inexactitude évidente, quant au montant de l'amende».

68.
    Il y a lieu, en conséquence, de considérer comme établie la violation par le Tribunal du principe d'égalité de traitement au point 306 de l'arrêt attaqué et d'accueillir les deux premières branches du second moyen.

69.
    Par la troisième branche, la requérante fait grief au Tribunal de ne pas avoir réduit l'amende infligée par la Commission après qu'il eut constaté que la Commission n'avait pas prouvé tous les effets économiques prétendus de l'infraction sur le marché.

70.
    La Commission fait valoir que le Tribunal était habilité, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, à se faire sa propre opinion sur le montant approprié de l'amende. Ainsi que l'a constaté le Tribunal au point 246 de l'arrêt attaqué, le fait que les entreprises ont effectivement annoncé les augmentations de prix convenues et que les prix annoncés ont servi de base pour la fixation des prix de transaction individuels suffisait pour constater que la collusion sur les prix avait eu tant pour objet que pour effet une grave restriction de la concurrence. Pour justifier qu'aucune circonstance atténuante n'ait été prise en compte en l'espèce, le Tribunal a relevé, au point 244 de l'arrêt attaqué, l'adoption de mesures visant à dissimuler la collusion et, au point 245, la longue durée et le caractère patent de l'infraction commise malgré l'avertissement qu'aurait dû constituer la pratique décisionnelle antérieure de la Commission.

71.
    Le Tribunal pouvait ainsi, selon la Commission, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, valablement conclure que les constatations opérées concernant les effets de l'infraction ne justifiaient aucune réduction du niveau général des amendes fixé par la Commission.

72.
    À cet égard, il y a lieu de relever que le Tribunal a énuméré, au point 241 de l'arrêt attaqué, les considérations contenues dans la décision concernant précisément la gravité de l'infraction, sur lesquelles il a exercé son contrôle juridictionnel.

73.
    Il a jugé que la Commission était fondée à élever le niveau général des amendes par rapport à sa pratique décisionnelle antérieure, afin de renforcer leur effet dissuasif (point 243 de l'arrêt attaqué) et de tenir compte de l'adoption par les entreprises concernées de mesures visant à dissimuler l'existence de la collusion, ce qui constitue «un aspect particulièrement grave de [l'infraction], de nature à la caractériser par rapport aux infractions antérieurement constatées» (point 244 de l'arrêt attaqué). Le Tribunal a également souligné la longue durée et le caractère patent de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité (point 245 de l'arrêt attaqué).

74.
    Le Tribunal a conclu, au point 246 de l'arrêt attaqué, que, à la lumière des considérations qui précèdent, le fait que la Commission n'avait que partiellement prouvé les effets de la collusion sur les prix ne pouvait «affecter sensiblement l'appréciation de la gravité de l'infraction constatée». Il a observé, à cet égard, que «le fait que les entreprises ont effectivement annoncé les augmentations de prix convenues et que les prix ainsi annoncés ont servi de base pour la fixation des prix de transaction individuels suffit, en soi, pour constater que la collusion sur les prix a eu tant pour objet que pour effet une grave restriction de la concurrence».

75.
    Il découle de ce qui précède que le Tribunal a estimé, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, que ses constatations en ce qui concerne les effets de l'infraction n'étaient pas de nature à modifier l'appréciation de la gravité de celle-ci, telle qu'effectuée par la Commission elle-même, ou plus exactement à diminuer la gravité de ladite infraction ainsi mesurée. Le Tribunal a considéré, au regard des circonstancesparticulières de l'espèce et du contexte dans lequel l'infraction s'est déroulée, tels que pris en compte par la décision et rappelés aux points 69 et 70 du présent arrêt, ainsi que de la portée dissuasive des amendes infligées - autant d'éléments pouvant intervenir, conformément à la jurisprudence de la Cour, dans l'appréciation de la gravité de l'infraction (voir arrêt Musique Diffusion française e.a./Commission, précité, point 106; ordonnance SPO e.a./Commission, précitée, point 54, et arrêt Ferriere Nord/Commission, précité, point 33) -, qu'il n'y avait pas lieu de réduire le niveau de l'amende.

76.
    Il y a lieu, en conséquence, de rejeter la troisième branche du second moyen.

77.
    Par la quatrième branche de ce moyen, la requérante fait grief au Tribunal de ne pas avoir, lors de la révision du montant de l'amende, apprécié sa coopération à sa juste valeur et par comparaison au comportement adopté par d'autres entreprises ayant participé à l'entente.

78.
    En effet, la requérante aurait expressément offert, par lettre du 23 mars 1993, sa coopération à la Commission; elle aurait non seulement reconnu l'existence d'une infraction, mais également révélé, au cours des auditions devant la Commission, la nature de l'infraction, à savoir certaines initiatives en matière d'augmentation de prix. Elle aurait été la seule entreprise ayant reconnu expressément, lors de ces auditions, avoir commis une infraction.

79.
    Il suffit, à cet égard, de constater, ainsi que l'a indiqué la Commission, que le Tribunal a exposé en détail, aux points 280 à 289 de l'arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles il n'y avait pas lieu de retenir le grief tiré d'une prise en compte insuffisante de la coopération de la requérante à la procédure. Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal s'est livré à une appréciation des faits qui n'est pas susceptible d'être discutée devant la Cour (voir arrêt du 16 septembre 1997, Blackspur DIY e.a./Conseil et Commission, C-362/95 P, Rec. p. I-4775, point 42).

80.
    La quatrième branche doit donc être rejetée comme irrecevable.

81.
    Il résulte de ce qui précède que le pourvoi doit être accueilli en ce qui concerne le point 306 et le point 3 du dispositif de l'arrêt attaqué.

82.
    Selon l'article 54, premier alinéa, du statut CE de la Cour de justice, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d'être jugé, soit renvoyer l'affaire devant le Tribunal pour qu'il statue. L'affaire étant en état d'être jugée, il y a lieu de statuer définitivement sur le montant de l'amende à infliger à la requérante.

Sur le recours en annulation

83.
    Compte tenu des points 174 à 305 de l'arrêt attaqué et, en particulier, de ce que la requérante ne peut être tenue pour responsable d'une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité que pour la période allant de mars 1988 à avril 1991, il y a lieu de fixer le montant de l'amende infligée à la requérante à la somme de 1 900 000 euros.

Sur les dépens

84.
    Aux termes de l'article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

85.
    Ayant succombé en la plupart de ses moyens dans le cadre du pourvoi, il y a lieu de condamner la requérante à ses propres dépens ainsi qu'aux deux tiers de ceux de la Commission afférents à la présente instance.

Par ces motifs,

LA COUR (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le point 3 du dispositif de l'arrêt du Tribunal de première instance du 14 mai 1998, Weig/Commission (T-317/94), est annulé.

2)    Le montant de l'amende infligée à Moritz J. Weig & Co. KG par l'article 3 de la décision 94/601/CE de la Commission, du 13 juillet 1994, relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CE (IV/C/33.833 - Carton), est fixé à la somme de 1 900 000 euros.

3)    Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

4)    Moritz J. Weig GmbH & Co. KG est condamnée à ses propres dépens ainsi qu'aux deux tiers de ceux de la Commission des Communautés européennes afférents à la présente instance.

5)    La Commission des Communautés européennes supportera un tiers de ses propres dépens afférents à la présente instance.

La Pergola
Wathelet
Edward

Jann

Sevón

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 novembre 2000.

Le greffier

Le président de la cinquième chambre

R. Grass

A. La Pergola


1: Langue de procédure: l'allemand.